Il n’y a pas d’étrangers.
Une famille qui s’établit à l’étranger s’assimile assez vite au milieu nouveau qui l’enveloppe.
Cependant il est nécessaire de revenir sur les dix dernières années du règne de Henri IV, ainsi que sur la régence de Marie de Médicis, et de faire connaître avec détail les mœurs de la cour de 1600 à 1620, pour montrer clairement comment s’échappa de cette cour dissolue la grande exception qui donne naissance à une société de mœurs pures et d’esprits délicats, dont la filiation et les traditions sont venues jusqu’à nous, et dont l’existence a été illustrée par le respect des étrangers.
Mais, au point de vue qu’on vient d’expliquer, ces altérations eussent été des falsifications ; ces lettres, quoique en apparence à peu près étrangères à la Conclusion, deviennent pourtant en quelque sorte des pièces justificatives ; chacune d’elles est un certificat de voyage, de passage et de présence ; le moi, ici, est une affirmation.
Voilà pourquoi nous sommes si disposés à accueillir les jugements dépréciateurs que les étrangers portent de la plupart de nos grands écrivains ; et ces détracteurs ont parmi nous plus de complices qu’on ne pense.
Mais ce qu’il n’a pas voulu écrire, nous savons, nous, qu’il le raconte quelquefois, et ces faits, pour lesquels il choisit avec prudence son auditoire, démontrent un tel ramollissement de la fibre humaine chez les Chinois que le premier boulet venu — qu’il soit lancé par un peuple étranger ou par une révolution !
Il n’a pas, il est vrai, cette spontanéité de malice du premier, qui faisait dire à un grand critique étranger : « Le trait frappe avant qu’on ait pu même soupçonner que l’arc a été tendu », ni la causticité mordante et l’ampleur d’événements du second.
Cette résolution, qui ne dure qu’une minute, est la seule circonstance étrangère au magnifique développement d’amour qui est l’intérêt profond de ce roman par lettres sans égal ; car Clarisse et Delphine et les Lettres de deux jeunes mariées sont pleines d’événements.
Nous la délivrerons : et redevenue maîtresse d’elle-même, ce n’est ni en amante lointaine, ni en étrangère, ni en exilée qu’elle nous apparaîtra, mais en amie de tous les jours, heureuse d’être aimée au gré de notre désir.
Il l’éleva donc à la hauteur des noumènes ; et comme il avait confondu la durée avec l’espace, il fit de ce moi réel et libre, qui est en effet étranger à l’espace, un moi également extérieur à la durée, inaccessible par conséquent à notre faculté de connaître.
Comment pourrions-nous nous replacer dans la vaste imagination de ces premiers hommes dont l’esprit étranger à toute abstraction, à toute subtilité, était tout émoussé par les passions, plongé dans les sens, et comme enseveli dans la matière.
Le souvenir des pires spectacles de la guerre étrangère et civile, la désespérance et le dégoût dont il a été envahi devant la bestialité humaine brusquement apparue, sont pour beaucoup dans le pessimisme radical des premières « veilles » de la Justice. […] Un étranger se présente, à qui le poète donne à souper. […] Là elle aime un jeune homme étranger dont elle est aimée… Et tout à coup elle apprend que cet étranger est un officier prussien. […] Ainsi, pour les vrais néo-Grecs, le christianisme est l’ennemi et l’étranger. […] Il reste que ce soit la plus haute qualité intellectuelle, morale et sociale des personnages, et la plus grande dignité de l’action, c’est-à-dire, en somme, quelque chose de tout à fait étranger à l’exécution et d’extérieur, si je puis dire, à ce qui est proprement l’œuvre d’art ; quelque chose qui n’augmente ni ne diminue le mérite et la puissance de l’artiste et qui ne suppose chez lui que certains goûts et certaines préférences.
Scherer n’a pas craint d’appeler Théophile Gautier « l’écrivain le plus étranger qui fut jamais à toute conception élevée de l’art, aussi bien qu’à tout emploi viril de la plume ». […] Les peintres étrangers, tels que l’Allemand Cornélius, l’Anglais Hunt, lui étaient aussi familiers que les peintres français. […] Certes, c’eût été beau, le jour où son épée, Dans le sang étranger lavée et retrempée, Eût au pays natal ramené la fierté… À moi, Nemours ! […] paraître avec un autre costume devant un souverain étranger, auprès de vous, monsieur le Président, il me semble que ce serait manquer de respect à ce glorieux habit, rompre avec toutes les traditions que nos anciens nous ont laissées. […] Plus raffiné que la plupart de ses compagnons, il est Basque par sa mère Franchita (une grande femme sérieuse, pâle et droite sous ses vêtements noirs) ; mais son père est un étranger qui est venu dans le pays jadis et qui est reparti vers les villes.
Il faut l’abandonner à des mains étrangères, confier le cher trésor à des gens payés qui peut-être ne sauront pas veiller avec assez de tendresse sur le fragile berceau. […] Le gros ennui de la Française, lorsqu’elle voyage à l’étranger, c’est l’obligation d’errer ainsi de table en table, en des lieux publics. […] On nous oppose toujours les pays étrangers, l’Angleterre par exemple, où l’on a pu voir un publiciste comme M. […] Il ouvre sa capitale à tous les étrangers, particulièrement aux Grecs. […] J’ai dû — bien que je me défende de toute puérile injustice envers la science étrangère — j’ai dû relater ici, avec quelque détail et non sans joie (je l’avoue) les réussites et les exploits de l’archéologie française.
Il écrit, en 1825, le théâtre de Clara Gazul et il présente son œuvre comme la traduction d’un ouvrage étranger. […] Bien que linguiste fort distingué et quoique parlant couramment six langues, il s’est toujours gardé de l’influence des littératures étrangères, pensant avec raison que la langue de Pascal et de Voltaire suffit à tout dire pour qui sait la manier. […] C’est elle qui en a fait les honneurs à l’étranger devenu par adoption un compatriote. […] On lui pardonne d’être dans ces lieux étrangers, puisqu’il les a si bien décrits. […] Rien ne leur est étranger de ce qui émeut ; aucune délicatesse de sentiment ne leur échappe ; si l’homme a plus spécialement l’intelligence de l’esprit, il est donné à la femme d’avoir l’intelligence du cœur.
Ainsi s’est formé l’écrivain achevé, au contact de l’urbanité antique et moderne, étrangère et nationale, par le spectacle des beaux-arts, la pratique du monde et l’étude du style, par le choix continu et délicat de tout ce qu’il y a d’agréable dans les choses et dans les hommes, dans la vie et dans l’art. […] Il était doux et bon, d’une sensibilité fine, timide même jusqu’à rester muet et paraître lourd en nombreuse compagnie ou devant des étrangers, ne retrouvant sa verve que devant des amis intimes, et disant même qu’on ne peut bien causer, sinon à deux. […] Elle reçoit auprès de son lit un homme qui vient lui faire visite, joue avec lui toute une après-midi au piquet, se promène avec lui deux ou trois heures au clair de la lune, devient familière avec un étranger dès la première vue, et n’a pas l’étroitesse d’esprit de regarder si la personne à qui elle parle a des culottes ou des jupons910. » Il combat en prédicateur l’usage des robes décolletées, et redemande gravement la chemisette et la décence des anciens jours : « La modestie donne à la jeune fille une beauté plus grande que la fleur de la jeunesse, répand sur l’épouse la dignité d’une matrone, et rétablit la veuve dans sa virginité911. » Vous trouverez plus loin des semonces sur les mascarades qui finissent en rendez-vous ; des préceptes sur le nombre de verres qu’on peut boire et des plats qu’on peut manger ; des condamnations contre les libertins professeurs d’irréligion et de scandale ; toutes maximes aujourd’hui un peu plates, mais nouvelles et utiles, parce que Wycherley et Rochester avaient mis les maximes contraires en pratique et en crédit.
Là tout est réglé : 1° nourriture : les viandes sont apprêtées sans ragoût, le roi ne boit que du vin du pays ; 2° ameublement : point d’étoffes façonnées, étrangères, point de broderies, prohibition des parfums, des vases d’or ou d’argent ; 3° propriété : chaque famille, dans chaque classe, ne possédera de terre que ce qu’il en faudra pour la nourrir. […] Il fut publié vers 1699, et il eut tout d’abord le malheur d’être trop admiré par les étrangers. […] Sans cesse mêlés parmi les mortels, on les attendait comme des hôtes, et l’on croyait quelquefois saluer un dieu dans l’étranger qu’un visage noble, un air de majesté distinguaient des autres hommes.
Cette scène de violence se fond aussitôt dans une scène de coquetterie, de séduction par le regard, par l’attitude, par la caresse de la voix, enfin par la caresse même du langage (elle lui parle basque) ; « notre langue, monsieur, est si belle que, lorsque nous l’entendons en pays étranger, cela nous fait tressaillir. » — « Elle mentait, monsieur, elle a toujours menti. […] Où est ici l’impartialité de l’esprit « étranger aux systèmes » ? […] Mais rien de ce qui émeut un être humain ou simplement vivant n’est étranger à aucun de nous.
N’est-ce pas souvent à l’étranger que l’on prend le plus clairement conscience de sa qualité de Français et des raisons qu’on peut avoir d’en être fier ? […] Les fréquents séjours à l’étranger aiguisent le patriotisme par un choc en retour et accroissent notre trésor d’impressions d’art et de nature. […] On conçoit l’affreux soupçon que des raisons contingentes pourraient n’être pas étrangères à ses décisions dogmatiques. […] On ignorait avec délices les sciences et les langues étrangères. […] Huysmans reste étranger au principe idéologique du symbolisme.
J’aurais la partie trop belle, si je comparais maintenant les théâtres étrangers avec le nôtre. […] Il suffit qu’on chante, les étrangers eux-mêmes n’ont pas besoin de suivre les paroles. […] Quant à la littérature, elle demeure complètement étrangère à l’affaire, et dès lors elle ne saurait en souffrir. […] Nous avons bien vu madame Sarah Bernhardt dans l’Étrangère, de M. […] Sarcey d’interroger les étrangers de grande intelligence et de libre examen, des Russes, des Anglais, des Allemands.
La plupart paraissaient étrangers et du nombre de ceux que Protagoras emmène de toutes les villes où il passe, en les charmant de sa voix comme Orphée ; et eux, charmés, le suivent au son de sa voix. […] La générosité est une spéculation politique : cent mille étrangers ou barbares devinrent Romains en soixante-dix ans. […] L’élan intérieur de l’invention originale s’est dirigé et accéléré sous l’élan extérieur de l’intervention étrangère. […] Condé finit par devenir général du roi d’Espagne, comme plus tard les émigrés devinrent officiers des souverains étrangers. […] Ordinairement les convocations sont des cérémonies que le roi emploie contre un grand vassal ou contre un étranger, en manière de manifeste et pour se donner l’apparence de l’assentiment public.
Il suppose qu’un étranger, introduit au théâtre d’Athènes, est spectateur de cette comédie, dont le fonds et le dialogue sont une double énigme pour lui ; chaque mot, chaque vers, chaque mouvement a besoin d’une explication : on la lui donne, et il n’en méprise que plus l’auteur de l’ouvrage et le peuple qui l’applaudit. […] L’esprit peut donc intéresser et plaire à la scène, en s’y montrant sous des formes étrangères à celles que nous adoptons exclusivement ; et les dogmatistes qui décident le contraire ne répètent donc que ce qu’ils ont lu dans leurs livres, ou ce que perpétuent les traditions de l’ignorance et des préjugés reçus. […] c’est de ce que nous la condamnerions d’après nos règles prescrites, et que nous n’en voulons pas admettre d’étrangères. […] La sévérité du peuple romain contint la verve des auteurs en des bornes bien resserrées : il n’eût pas souffert seulement qu’on osât faire figurer sur la scène ses sénateurs, ses patriciens, ou ses plébéiens renommés ; mais il ne tolérait qu’on y traduisît en ridicule que des Grecs asservis ou d’autres étrangers. […] Il veut que tout aille au but, que tous les ressorts tendent à l’action, et retranche les mobiles étrangers qui n’y concourent pas.
Grand esprit de décadence, plus qu’aucun autre, si le propre de la décadence est, chez les grands esprits, de regarder le monde comme une chose intéressante dont, du reste, on se désintéresse et d’y toujours voyager comme en un pays étranger, très amusant, d’autant plus amusant qu’il est étranger et qu’on regarde toujours comme étranger pour qu’il reste amusant toujours. […] Interrogeons donc cet étranger, questionnons cet anachronisme, cet homme qui était comme forcé d’être original, et qui, en effet, l’a été, malgré l’effort continuel qu’il faisait pour l’être. […] Rien ne trompe, d’abord, comme de généraliser trop vite ; ensuite, comme de vous attacher à ce que vous rencontrez, dans un peuple étranger, de grossier et de mauvais ton à vos yeux. […] Ne dites point que beaucoup d’hommes, que la plupart des hommes, en la plupart de leurs actes, sont très étrangers à l’esprit de justice et semblent n’en avoir aucune notion. […] … Si une certaine folie n’est pas étrangère à l’homme, même à l’homme pris en masse, en vain on tirerait argument, pour la vérité nécessaire d’une idée, de son triomphe en certains siècles.
D’importation étrangère il contrariait le clair génie français. […] Elle expulse tout ce qu’elle contient d’étranger et que lui ont incorporé les idéaux précédents, elle décourage et repousse les séductions corruptrices : l’honnêteté, l’intégrité en deviennent les vertus essentielles. […] Aussi bien, n’est-ce pas une voie étrangère pour elle et voici longtemps qu’elle s’y prépare. […] Même les étrangers reconnaissent à ce génie, la clarté, la simplicité, le naturel et surtout le don véritablement précieux, d’exprimer les choses de la manière la plus juste, la plus compréhensible.