/ 2464
1394. (1855) Louis David, son école et son temps. Souvenirs pp. -447

Près d’elle était une dame âgée, pâle et maigre, mais dont les traits nobles, dont l’expression digne et calme faisaient un contraste déchirant avec l’état de sa jeune compagne, sur laquelle elle semblait jeter un regard tendre et protecteur. […] Cela n’empêche pas que tu ne sois en état de commencer un tableau pour l’exposition prochaine, ce que je t’engage à faire. […] Chargé prématurément de famille et hors d’état de rien produire qui pût l’aider à la soutenir, il obtint à grand’peine la place de professeur de dessin dans un lycée de province, où il acheva de perdre sa raison déjà altérée. C’était un bon et brave jeune homme, à qui il vint la fatale idée de se tirer de l’état obscur où le ciel l’avait jeté, dans l’espoir de cultiver un talent qu’il ne put acquérir et dont, selon toute apparence, il n’avait même pas le germe. […] Cependant, le 15 thermidor, David, sur le rapport des trois comités, fut provisoirement mis en état d’arrestation.

1395. (1928) Quelques témoignages : hommes et idées. Tome I

Entendez par là que ces créations demeurent comme des témoignages d’un état particulier des esprits et des cœurs, qui correspondait à des mœurs aujourd’hui profondément modifiées. […] Une réaction se produisait aussitôt, qui le mettait à l’état d’hostilité contre le génie ou le talent avec lequel il venait de s’identifier ainsi. […] Pour nous rendre un compte exact de l’état mental dans lequel furent écrites les Pensées, répétons-nous ces textes de l’Évangile. […] Cela seul, qu’il vous présente sa conclusion à titre de probabilité, de possibilité plutôt, vous est une garantie qu’il est lui-même à l’état de recherche. […] Bourdaloue a, dans une de ces phrases simples et fortes où il excelle, ramassé toutes les règles de la morale : « Vivre selon Dieu dans son état. » Traduisez ce mot d’état par celui de condition, et vous avez la devise où se résume toute la leçon de cette correspondance.

1396. (1890) Derniers essais de littérature et d’esthétique

L’état primitif lui apparaît comme se réduisant à une simple « sensation de plein air ». […] Mais en somme, l’ouvrage est merveilleusement bien illustré, et la moyenne des gens qui étudient l’Art sera en état d’en tirer quelques conclusions utiles. […] Dans l’état présent des choses, l’ouvrier, réduit au rôle de machine, est l’esclave du patron, et le patron enflé en millionnaire est l’esclave du public, et le public est l’esclave de son dieu favori, le Bon Marché. […] Aussi est-elle fluide plutôt que fixée, et se reconnaissant dépendante des états d’esprit et de la passion des beaux moments, elle n’acceptera point la rigidité d’une formule scientifique ou d’un dogme théologique. […] Le tempérament de Keats, les états d’esprit de Matthew Arnold ont influencé M. 

1397. (1870) Portraits contemporains. Tome IV (4e éd.) « M. THIERS. » pp. 62-124

Lorsqu’ils furent pris au mot, ils n’en voulurent plus ; ils refusèrent le doublement du tiers état et le vote par tête ; ils ne consentirent à l’égalite des charges que lorsqu’ils se virent exposés à tout perure par un refus ; ils n’abandonnèrent leurs priviléges que par un mouvement de pudeur excité dans la nuit du 4 août. […] Il me semble avec un historien philosophe, le sage Droz, que la révolution aurait pu être dirigée dans les premiers temps ; et, une fois même qu’elle fut lancée et déchaînée à l’état d’avalanche, il dépendit de bien des accidents d’en faire dévier la chute et le cours. […] Quant au reproche d’avoir formulé, comme on dit, la marche de la révolution à l’état de loi fatale, il s’adresserait plutôt à M. […] Le National mit dès son premier numéro la Restauration en état de siége, avant qu’elle nous y mît elle-même en juillet ; c’est qu’elle nous y avait déjà mis in petto dès le premier jour de ce ministère de surprise qui, le 8 août 1829, consterna la France.

1398. (1862) Portraits littéraires. Tome II (nouv. éd.) « Gabriel Naudé »

Mais s’il eut à un moment ces velléités d’enthousiasme, comme semble l’attester son admiration de jeune homme pour Campanella, elles furent courtes chez lui ; il retomba vite à l’état de lecteur contemplatif et critique, notant et tirant la moralité de chaque chose, repassant tout bas les paroles des sages, et, pour vérité favorite, se donnant surtout le divertissement et le mépris de chaque erreur. […] On a besoin, pour comprendre que ce livre de Naudé a été utile et presque courageux, de se représenter l’état des opinions en France au moment où il parut. […] Le tiers état de Sieyès était au bout, notre classe moyenne. […] Dans un Advis imprimé (1651) à l’adresse de nos Seigneurs du Parlement, il exhale les sentiments dont il est plein : « … Et pour moi qui la chérissois comme l’œuvre de mes mains et le miracle de ma vie, je vous avoue ingénuement que, depuis ce coup de foudre lancé du ciel de votre justice sur une pièce si rare, si belle et si excellente, et que j’avois par mes veilles et mes labeurs réduite à une telle perfection que l’on ne pouvoit pas moralement en désirer une plus grande, j’ai été tellement interdit et étonné, que si la même cause qui fit parler autrefois le fils de Crésus, quoique muet de sa nature, ne me délioit maintenant la langue pour jeter ces derniers accents au trépas de cette mienne fille, comme celui-là faisoit au dangereux état où se trouvoit son père, je serois demeuré muet éternellement.

1399. (1886) Revue wagnérienne. Tome I « Paris, 8 octobre 1885. »

Bien plus, qui donc, dans la presse actuelle, aura assez d’intelligence et de pénétration pour reconnaître que, dans l’écrit qui m’a été le plus reproché, composé au pire moment de la guerre, dans une disposition amèrement ironique, j’ai eu surtout pour but de ridiculiser l’état du théâtre allemand ? […] Mais son Unité est bonne, sainte, non funeste comme pour Schopenhauer ; le but de notre vie est, précisément, réaliser cette Unité bienheureuse ; la réaliser, — la reconstruire, plutôt : car le Mal, qui était, pour Schopenhauer, le lot originel et constant, le Mal paraît à Wagner l’effet d’une volontaire décadence, un état anormal et que nous pouvons finir. […] De temps en temps, se sont élevés des hommes, qui ont constaté que le monde souffrait d’une maladie le maintenant dans un état de décadence croissante… Et, parmi les plus pauvres et les plus méprisés, apparut le Sauveur, qui enseigne le chemin de la guérison non plus par des doctrines, mais par des exemples (R. et A ) La Vérité est conforme à la doctrine de Jésus : Tolstoï et Wagner sont, ainsi, chrétiens. […] Le renoncement doit produire, dans le monde nouveau, un état social nouveau.

1400. (1895) Journal des Goncourt. Tome VIII (1889-1891) « Année 1890 » pp. 115-193

Et Heredia qui est là, parlant des poètes de la dernière heure, établit que leurs poésies ne sont que des modulations, sans un sens bien déterminé, et qu’eux-mêmes baptisent du mot de monstres, leurs vers à l’état d’ébauche et de premier jet, et où les trous sont bouchés avant la reprise et le parfait achèvement du travail, par des mots sans signification. […] Dimanche 25 mai Visite de Margueritte de retour d’Alger, qui me parle de son état nerveux, asthmatique et de la difficulté de son travail dans cet état maladif. […] Dans ces luttes intellectuelles qui vous retirent de la tranquillité de la vie bourgeoise, qui vous tiennent dans un état d’activité cérébrale combative, il doit y avoir quelque chose de la griserie dans une vraie bataille.

1401. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Malherbe et son école. Mémoire sur la vie de Malherbe et sur ses œuvres par M. de Gournay, de l’Académie de Caen (1852.) » pp. 67-87

Il a dressé pour ce fils une Instruction publiée depuis peu11, et qui n’est pas, comme on pourrait croire, une instruction morale, mais un état de biens, une pièce de précaution et de défense en cas de procès de famille : l’esprit normand, par un coin, s’y retrouve. […] Elle trouvait un honnête homme et sensé, et qui, s’il ne lui donna pas tous les agréments, la mit désormais hors d’état de déchoir et l’ennoblit.

1402. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Sully, ses Économies royales ou Mémoires. — I. » pp. 134-154

Mais, au lieu de se mettre à l’ouvrage comme un simple historien, comme Richelieu dès ce temps-là ne dédaignait pas de le faire, en employant des secrétaires sans doute pour les parties matérielles, mais en les subordonnant et les laissant à l’état d’auxiliaires obscurs, il se fit assister et servir par eux dans cet office de narrateur avec cérémonie et en toute solennité. […] Richelieu, plume en main, est un historien, un écrivain, et y vise : Sully tient avant tout à ce que l’on ne cesse de voir son grand état de maison, même dans l’office et les charges de l’histoire.

1403. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Roederer. — I. » pp. 325-345

Je vis cette ombre s’étendre au loin autour de moi et marquer partout mon néant 49 … Ici un découragement moral s’empara de lui et le fit peu à peu déchoir de cette hauteur vertueuse où il n’est pas donné à la jeunesse stoïque de se maintenir : Il n’y a qu’un principe de vices pour un homme bien né et à qui la raison a parlé, disait-il à ceux de sa famille avec qui il s’épanchait, c’est l’ennui, le dégoût des circonstances auxquelles il est soumis, c’est le néant du cœur ; au nom de Dieu, ne me laissez pas plus longtemps exposé à cet état. […] Dans ses voyages à Paris, il était consulté par M. de Malesherbes sur l’état des Juifs ; par le maréchal de Beauvau, ami de M. 

1404. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Gibbon. — II. (Fin.) » pp. 452-472

Dans ce premier volume, l’historien exposait et développait avec le plus grand détail l’état et la constitution de l’Empire sous les Antonins ; il remontait dans ses explications jusqu’à la politique d’Auguste ; il caractérisait en traits généraux les règnes et l’esprit des cinq empereurs à qui le genre humain dut le dernier beau siècle, le plus beau et le plus heureux peut-être de tous ceux qu’a enregistrés l’histoire ; et, à partir de Commode, il entrait dans la narration continue. […] Chaque place, chaque allée, chaque banc lui rappelaient les douces heures passées dans l’entretien de celui qui n’était plus : « Depuis que j’ai perdu ce pauvre Deyverdun, s’écriait-il, je suisseul, et, même dans le paradis, la solitude est pénible à une âme faite pour la société. » Vers ce temps, il songea assez sérieusement ou au mariage, ou du moins à adopter quelqu’une de ses jeunes parentes, une jeune Charlotte Porten (sa cousine germaine, je crois) : « Combien je m’estimerais heureux, écrivait-il à la mère de cette jeune personne, si j’avais une fille de son âge et de son caractère, qui serait avant peu de temps en état de gouverner ma maison, et d’être ma compagne et ma consolation au déclin de ma vie ! 

1405. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Joinville. — II. (Fin.) » pp. 513-532

Hissé par ses soins et transporté sur la première galère ennemie dans un grand état de faiblesse, Joinville se sent mettre plus d’une fois le couteau sur la gorge. […] Transporté à terre dans un grand état de faiblesse, et ayant senti plus d’une fois le couteau sur la gorge, il est amené, toujours par le secours du bon Sarrasin jusqu’au château où se trouvent les personnes de distinction de l’armée ennemie : ad.

1406. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « La marquise de Créqui — I » pp. 432-453

Je conçois, lui écrivait Jean-Jacques Rousseau (13 octobre 1738), les inquiétudes que vous donne le dangereux métier de M. votre fils, et tout ce que votre tendresse vous porte à faire pour lui donner un état digne de son nom ; mais j’espère que vous ne vous serez point ruinée pour le faire tuer : au contraire, vous le verrez vivre, prospérer, honorer vos soins, et vous payer au centuple de tous les soucis qu’il vous a coûtés. […] Je ne sais s’il faut vous en féliciter ou vous en plaindre : la dévotion est un état très doux, mais il faut des dispositions pour le goûter.

1407. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Catinat (suite.). Guerre des Barbets. — Horreurs. — Iniquités. — Impuissance. »

Les députés suisses avaient obtenu de la Cour de Turin de se rendre dans les vallées et de tâcher d’amener les Vaudois menacés à une composition qui épargnât les voies de violence ; leur représentant la situation désespérée et sans issue où on les voyait, cernés qu’ils étaient de toutes parts et hors d’état de résister à des forces si supérieures, à des puissances conjurées, ils proposèrent à ce petit peuple d’émigrer en masse et d’emporter avec lui ailleurs le flambeau de sa foi. […] Beaucoup, dans cet état, tiennent des discours séditieux qui les consolent de leurs malheurs et de leurs misères. » Bientôt réduits en effet et diminués de plus de moitié par le mal et la contagion, les débris des Vaudois, ne montant guère en tout qu’à 3,500 âmes, purent émigrer et partir par bandes, du gré du duc de Savoie, et se diriger vers des pays hospitaliers ; ils allèrent à Genève, dans les Gantons protestants, en Wurtemberg et jusque dans le Brandebourg.

1408. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « M. de Sénancour — M. de Sénancour, en 1832 »

Son type regretté, auquel il rapporte constamment la société présente, c’est un certain état antérieur de l’homme, état patriarcal, nomade, participant de la vie des laboureurs et des pasteurs, sans professions déterminées, sans classement de travaux, sans héritages exclusifs, où chaque individu possédait en lui les éléments communs des premiers arts, la  généralité des premières notions, la jouissance assidue des pâturages et des montagnes.

1409. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « M. ALFRED DE MUSSET. » pp. 177-201

C’est au premier abord quelque chose de plus varié, de plus épars qu’auparavant, de plus dégagé des questions d’école, de plus préoccupé de soi et de l’état de la société tout ensemble. […] Né, j’imagine, avec une sensibilité profonde, il s’est bientôt aperçu qu’il y aurait duperie à l’épandre au milieu de l’égoïsme et de l’ironie du siècle ; il a donc pris soin de la contenir au dedans de lui, de la concentrer le plus possible, et, en quelque sorte, sous le moindre volume ; de ne la produire dans l’art qu’à l’état de passion àcre, violente, héroïque, et non pas en son propre nom ni par voie lyrique, mais en drame, en récit, et au moyen de personnages responsables.

1410. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « UN DERNIER MOT sur BENJAMIN CONSTANT. » pp. 275-299

On travaille à séparer le plus qu’on peut les sciences et les lettres de tout ce qui tient à la politique et à toute espèce d’idée d’organisation sociale : je ne dis rien sur ce système ; mais on agit ensuite comme si ce but était déjà atteint, et on protége les lettres, comme si elles étaient déjà dans ce bienheureux état d’indépendance de toutes les agitations humaines. […] « J’ai trouvé Villiers dans son nouvel état de professeur.

1411. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre cinquième. Le peuple. — Chapitre III »

À présent, pour comprendre leurs actions, il faudrait voir l’état de leur esprit, le train courant de leurs idées, la façon dont ils pensent. […] » Vingt-cinq ans avant la Révolution, il n’était pas rare d’en voir quinze ou vingt « tomber dans une ferme pour y coucher, intimider les fermiers, et en exiger tout ce qu’il leur plaisait »  En 1764, le gouvernement prend contre eux des mesures qui témoignent de l’excès du mal760 : « Sont réputés vagabonds et gens sans aveu, et condamnés comme tels, ceux qui, depuis six mois révolus, n’auront exercé ni profession ni métier, et qui, n’ayant aucun état ni aucun bien pour subsister, ne pourront être avoués ni faire certifier de leurs bonnes vies et mœurs par personnes dignes de foi… L’intention de Sa Majesté n’est pas seulement qu’on arrête les vagabonds qui courent les campagnes, mais encore tous les mendiants, lesquels, n’ayant point de profession, peuvent être regardés comme suspects de vagabondage. » Pour les valides, trois ans de galères ; en cas de récidive, neuf ans ; à la seconde récidive, les galères à perpétuité.

1412. (1861) La Fontaine et ses fables « Troisième partie — Chapitre II. De l’expression »

On l’a réservé pour la bouche des dieux. » Son corps est en « merveilleux état. » « Il affriande. » Le corbeau en devient « gaillard. » Il « le couve des yeux. » Et la peinture achevée, le poëte ne s’est pas encore débarrassé de l’impression qui l’obsède ; les idées de graisse et d’inertie béate le poursuivent et reparaissent en phrases homériques qui achèvent de peindre « l’animal bêlant, la moutonnière créature, la toison empêtrée comme la barbe de Polyphème. » C’est par cette puissance de recevoir l’illusion qu’on fait illusion. […] Je crois que s’ils ont tant de puissance, c’est qu’ils remettent l’âme dans l’état sensitif et primitif.

1413. (1894) Propos de littérature « Chapitre II » pp. 23-49

Ce serait, — je répète pour plus de clarté, — la fusion harmonieuse de formes disséminées et, en cet état, incomplètes, dont le rapprochement soudain fait jaillir l’unité avec la signification idéale. — C’est une synthèse. […] Cet état est particulièrement sensible en un poème comme celui-ci dont la fin, très cohérente avec le début, est cependant formulée selon une autre méthode.

1414. (1887) Discours et conférences « Réponse au discours de M. Louis Pasteur »

Pour être apte à jouir de ces vérités, qu’on aperçoit, non de face, mais de côté et comme du coin de l’œil, il faut la culture variée de l’esprit, la connaissance de l’humanité, de ses états, divers, de ses faiblesses, de ses illusions, de ses préjugés, à tant d’égards fondés, en raison de ses respectables absurdités ; — il faut l’histoire de la philosophie, qui parfois rend religieux, l’histoire de la religion, qui souvent rend philosophe, l’histoire de la science, qui devrait toujours rendre modeste ; — il faut la connaissance d’une foule de choses qu’on apprend uniquement pour voir que ce sont des vanités ; — il faut, par-dessus tout, l’esprit, la gaieté, la bonne santé intellectuelle d’un Lucien, d’un Montaigne, d’un Voltaire. […] Il leur exposa son état et leur demanda la permission de sortir d’une vie qui allait finir bientôt, et d’abréger ainsi la durée de ses souffrances… Cette véridique histoire m’est revenue bien souvent en l’esprit, sans que je prémédite rien de semblable à la résolution d’Atticus, sachant qu’aucune permission ne me serait donnée !

1415. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Lettres de Mlle de Lespinasse. » pp. 121-142

Il venait de publier un Essai de tactique, précédé d’un discours sur l’état de la politique et de la science militaire en Europe. […] Je ne veux qu’y prendre çà et là quelques mots pour donner l’idée de ce qui est partout à l’état de lave et de torrent : Mon ami, je vous aime comme il faut aimer, avec excès, avec folie, transport et désespoir… Mon ami, je n’ai plus d’opium dans la tête ni dans le sang, j’y ai pis que cela, j’y ai ce qui ferait bénir le ciel, chérir la vie, si ce qu’on aime était animé du même mouvement.

1416. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Diderot. (Étude sur Diderot, par M. Bersot, 1851. — Œuvres choisies de Diderot, avec Notice, par M. Génin, 1847.) » pp. 293-313

Il avait de plus un frère avec qui on lui trouverait moins de ressemblance, singulier d’humeur, d’une sensibilité rentrée et contrainte, un peu bizarre d’esprit comme de caractère, de son état chanoine de la cathédrale de Langres, très dévot et l’un des grands saints du diocèse. […] Au sortir de là, il vécut dans ce Paris d’alors (1733-1743) de la vie de jeune homme, aux expédients, essayant de maint état sans se décider pour aucun, prenant de la besogne de toute main, lisant, étudiant, dévorant avec avidité toute chose, donnant des leçons de mathématiques qu’il apprenait chemin faisant ; se promenant au Luxembourg en été, « en redingote de pluche grise, avec la manchette déchirée et les bas de laine noire recousus par derrière avec du fil blanc » ; entrant chez Mlle Babuti, la jolie libraire du quai des Augustins (qui devint plus tard Mme Greuze), avec cet air vif, ardent et fou qu’il avait alors, et lui disant : « Mademoiselle, les Contes de La Fontaine, s’il vous plaît, un Pétrone… », et le reste.

1417. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Mémoires et correspondance de Mallet du Pan, recueillis et mis en ordre par M. A. Sayous. (2 vol. in-8º, Amyot et Cherbuliez, 1851.) — I. » pp. 471-493

Mallet, à vingt et un ans, fit donc une brochure qui, eu égard aux conditions de la petite république, pouvait sembler révolutionnaire : il embrassait avec générosité la cause des nombreux habitants dits natifs (comme qui dirait le tiers état du lieu) qui n’étaient point représentés. […] Il n’est pas de pages plus vives et plus fortes que celles dans lesquelles Mallet étalait le bilan de l’Assemblée constituante, et l’état désemparé où elle laissait la France ; il n’en est pas de plus mémorables que le tableau qu’il traçait des torts et des fautes des partis en avril 1792, au moment où lui-même quittait le jeu qui n’était plus tenable, abandonnait la rédaction du Mercure après huit ans de travaux assidus, dont trois de combats acharnés, et se préparait à sortir de France.

/ 2464