Ce sont des Malherbe succédant à des Ronsard, mais non des Racine. […] Et Racine, et Corneille, ça n’est donc pas des poètes français, ceux-là ! […] puis Racine, Boileau, La Fontaine, toujours une école ! […] Ronsard et Malherbe renforcèrent cette soudure, Corneille la maintint, Boileau la relâcha et Racine aussi, sauf dans les Plaideurs. […] Nous pourrions prendre dans Ronsard, dans Régnier, dans La Fontaine, dans Racine, des exemples à n’en plus finir.
En tout, l’expression a beau être grandiose et mâle, il la veut encore simple ; il admire Corneille, dit-il, mais il préfère Racine à Corneille, et il préfère Raphaël à Racine, et à Raphaël peut-être le Parthénon.
. — Avec Racine ? […] Tous ces gens-là sont sujets non-seulement à préférer leur gloire à leurs amis, mais à ne voir dans leurs amis, dans la nature, dans les événements, que des récits, des tableaux, des réflexions à faire et à publier. » Nous croyons que Constance se trompe pour Racine, La Fontaine et Fénelon ; nous craignons qu’elle ne fasse que reporter un peu trop en arrière ce qui était vrai de son siècle, ce qui l’est surtout du nôtre234.
Les anciens grammairiens, chez qui on serait tenté de chercher une biographie positive du poète, y ont mêlé trop d’inepties et de fables ; mais, de quelques traits pourtant qu’ils nous ont transmis et qui s’accordent bien avec le ton de l’âme et la couleur du talent, résulte assez naturellement pour nous un Virgile timide, modeste, rougissant, comparé à une vierge, parce qu’il se troublait aisément, s’embarrassait tout d’abord, et ne se développait qu’avec lenteur ; charmant et du plus doux commerce quand il s’était rassuré ; lecteur exquis (comme Racine), surtout pour les vers, avec des insinuations et des nuances dans la voix ; un vrai dupeur d’oreilles quand il récitait d’autres vers que les siens. Dans un chapitre du Génie du Christianisme, où il compare Virgile et Racine, M. de Chateaubriand a trop bien parlé de l’un et de l’autre, et avec trop de goût, pour que je n’y relève pourtant pas un passage hasardé qui n’irait à rien moins qu’à fausser, selon moi, l’idée qu’on peut se faire de la personne de Virgile : « “Nous avons déjà remarqué, dit M. de Chateaubriand, qu’une des premières causes de la mélancolie de Virgile fut sans doute le sentiment des malheurs qu’il éprouva dans sa jeunesse.
Au lieu d’Homère ou de Racine, il ne fut qu’Anacréon, Aristophane ou Tyrtée. […] Elle le nourrissait de Fénelon et de Racine, de Télémaque et d’Athalie.
M. Racine le fils dans son discours sur les Poëmes didactiques) “puisqu’il entreprend, non-seulement de développer les secrets de la nature, mais d’apprendre aux hommes le grand secret de se rendre heureux, en les guérissant de toutes craintes & de toutes passions, pour leur procurer une tranquillité d’esprit inaltérable. […] Des gens d’esprit même, Racine, par exemple, s’en sont quelquefois amusés.
Mme Dacier, en tant qu’écrivain, retarde un peu sur son époque ; elle n’a point passé par l’école de Boileau, de Racine ; elle est plus antique et se rattache, par Huet, par M. de Montausier, aux écrivains d’auparavant.
Hénault naquit à Paris, le 8 février 1685, d’un père fermier général, homme riche, qui aimait les lettres, et même assez particulièrement pour prendre le parti de Corneille contre Racine, et pour se mêler à cette petite guerre que soutinrent Thomas Corneille et Fontenelle.
Racine est mort peut-être de n’avoir plus l’espérance de le monter ; Bossuet en garde jusqu’à la fin la vision dorée et la perspective.
La Beaumelle avait acheté de Racine fils, en 1750, un recueil manuscrit de lettres de Mme de Maintenon ; il les publia en 1752.
On y trouve l’explication en grande partie et la clef de la destinée de Marolles ; car l’autorité de Chapelain, avant l’avènement de Racine et de Boileau, faisait loi, et Marolles avait eu la maladresse d’offenser mortellement ce lourd régent du goût public, sans être en mesure de soutenir la lutte.
Je sais bien qu’il y avait les grands jours classiques où Racine célébrait solennellement Corneille, où l’on recevait La Bruyère ; mais l’ordinaire de l’Académie, c’était la lecture d’un poème de Perrault, d’une dissertation de Charpentier, d’une idylle de Fontenelle, et bientôt d’une fable ou d’une traduction en vers de La Motte.
Si vous avez été assez heureuse pour mettre votre projet à exécution, vous êtes presque dans le même état que moi ; vous êtes présentement à errer sur les bords de la même belle rivière, peut-être avec les mêmes livres à la main, un Racine, je suppose, ou un Virgile, et vous méprisez tout autre plaisir et amusement.
sachez à qui vous avez affaire ; ce sont tout simplement des vers de Racine (Britannicus, acte II, scène 3) changés à peine et légèrement parodiés pour la circonstance.
Je crois même que la remarque qui vous a frappée était faite à l’avantage du comte Alfieri8… Mais Schlegel a une manière si âpre et si dédaigneuse en même temps de parler et d’écrire, que bien souvent il blesse alors même qu’il voudrait louer. » Schlegel n’avait pourtant pas tort, quand il parlait de la tragédie d’Alfieri ; il peut sembler plus rigoureux dans ses sévérités pour celle de Racine.
Décrire un appartement de femmes ou peindre les cérémonies du culte arabe, est, à mon avis, plus grave qu’une fraude : c’est commettre, sous le rapport de l’art, une erreur de point de vue. » C’est ingénieux, c’est délicat ; j’oserais dire que c’est digne d’un Vauvenargues ou d’un Racine.
— Malherbe, Corneille, Racine, Molière, La Fontaine, Boileau, Regnard et Voltaire. » — Il faisait cette énumération sans rire.
J’en demande pardon à ces admirables prosateurs qui, révérant l’art des vers dans Corneille, Racine et La Fontaine, comme une rareté ensevelie, désespéraient de le faire renaître.
Et voilà que, dès 1837, le calme presque universel s’établissait ; et, pour réduire la question aux limites de notre sujet, voilà que littérairement, ce calme social d’apparence propice n’enfantait rien et ne faisait que mettre à nu le peu de courant ; que de guerre lasse, et à force de tourner sur soi-même, on se reportait d’un zèle oiseux vers le passé, non pas seulement le haut et grand passé, mais celui de toute espèce et de toute qualité, et l’on déjeunait des restes épicés de Crébillon fils comme pour mieux goûter le Racine ; voilà que les générations survenantes, d’ordinaire enthousiastes de quelque nouvelle et grande chimère et en quête d’un héroïque fantôme, entraient bonnement dans la file à l’endroit le plus proche sans s’informer ; que sans tradition ni suite, avec la facilité de l’indifférence, elles se prenaient à je ne sais quelles vieilles cocardes reblanchies, et, en morale comme dans l’art, aux premiers lambeaux de rubans ou de doctrines, aux us et coutumes de carnaval ou de carême.
Le meilleur de Campistron touche au faible de Racine, le Raynal joue souvent à l’œil le Rousseau.
Le public français accueille difficilement au théâtre les essais dans un genre nouveau ; admirateur, avec raison, des chefs-d’œuvre qu’il possède, il pense qu’on veut faire rétrograder l’art, quand on s’écarte de la route que Racine a tracée.
On peut dire ici, avec Mme de Sévigné que Racine avait bien de l’esprit.
Nous n’en faisons pas sur Racine et Corneille ; car ceux-là sont lus encore, et l’on ne décrit guère que les livres qu’on ne lit plus.
Son goût littéraire était plus vif que sûr ; elle aimait, elle adorait Racine, comme le maître du cœur, mais elle n’aimait pas pour cela le trop fini, elle aurait préféré le rude et l’ébauché.
Racine lisait Amyot à Louis XIV, et, à force d’adresse, il le lui faisait goûter.
Supposant un concours solennel entre les poètes de toutes les nations, chaque nation n’ayant droit qu’à nommer un seul représentant : Les Grecs, s’écrie Raynouard, nommeraient Homère ; les Latins, Virgile ; les Italiens, le Tasse ou l’Arioste (il serait, je crois, plus juste de mettre Dante) ; les Anglais, Milton (lisez plutôt Shakespeare) ; et nous tous, — oui, vous-mêmes qui savez admirer Racine… ah !
Un jour, dans un salon, son ami le général Leclerc l’aborde en disant : « Te voilà donc, toi qui te crois un poète après Racine et Corneille !
Là s’applique le mot si juste de Racine : « Ce qui se passe à deux mille lieues de nous semble presque se passer à deux mille ans. » Tel dut être pour l’imagination de la Grèce ce lendemain de sa victoire, contemplé dans le deuil même de ses ennemis, au-delà des mers, au milieu de leurs villes dépeuplées et de leurs palais tremblants.
ce jeune poète est Racine. […] Que même la vertu doit avoir l’aménité pour compagne ; et cette moralité, ainsi que les beautés de la pièce, ne sont certainement pas à la portée de tout le monde, aussi la multitude préféra-t-elle longtemps Jodelet, maître et valet, et Dom Japhet d’Arménie, au Misanthrope ; mais que penser de Racine 48, quand nous lisons dans l’abbé du Bos : « Despréaux, après avoir vu la troisième représentation du Misanthrope, soutint à Racine, qui n’était pas fâché du danger où la réputation de Molière semblait être exposée, que cette comédie aurait bientôt un succès éclatant. » De la tradition. […] Le goût mit peu à peu L’Avare à sa véritable place, malgré les jaloux, malgré Racine même ; c’est le cas d’appliquer ici ces deux vers de La Métromanie : Mais à l’humanité, si parfait que l’on fût, Toujours par quelque faible on paya le tribut.
Les circonstances de ce mariage lui font grand honneur, encore que notre légèreté y puisse trouver matière à raillerie et qu’on ait dit qu’il s’était marié « par pénitence » (on l’a bien dit de Racine !). […] Aujourd’hui que Lamartine et Hugo entrent dans les programmes du baccalauréat et de la licence, il faut bien commencer à faire pour eux ce qu’on fait depuis deux cents ans pour Corneille, Racine et Molière. […] Le vers de Lamartine : Un seul être vous manque, et tout est dépeuplé, lui rappelle incontinent celui de Racine : Dans l’Orient désert quel devint mon ennui ! […] Il est (Racine mis à part) le premier et est resté, je crois, le seul de nos grands poètes qui ait profondément ressenti et exprimé cet amour-là.
Puisqu’elle n’est ni biographique comme le Roi Jean, ni dramatique comme le Roi Lear, puisque ce n’est ni le développement d’une idée une et féconde comme dans Cinna ou dans Mithridate, puisqu’on ne saurait y retrouver ni les rapides incidents de Calderon, ni les mouvements pathétiques de Shakespeare, ni la simplicité antique de Sophocle ou de Racine, serait-ce par hasard une savante analyse du caractère de Louis XI ? […] La régence, qui fut une réaction violente contre l’hypocrite dévotion de la veuve Scarron, n’eut pas d’art sérieux, et gaspilla dans les petites maisons, les petits soupers et les petits vers toutes les facultés qui, vingt ans plus tôt, auraient continué Bossuet, Racine ou Condé. […] Aussi, n’a-t-il pas dû s’étonner des remontrances de la critique ; c’était justice et bonne foi de confronter d’année en année le poète avec le législateur ; c’était justice de dire à celui qui avait blâmé les timidités de Racine et les travestissements philosophiques de Voltaire : vous n’avez pas plus qu’eux la vérité relative, et souvent vous avez de moins la vérité absolue. […] Cette déchéance ne tient pas à la forme elle-même ; car, entre les noms les plus grands de l’histoire, Sophocle et Shakespeare, Calderon et Schiller, Racine et Alfieri, tiennent glorieusement leur place. […] Scarron, prié de travestir Corneille ou Racine, ne les eût pas traités plus lestement ; ce qui, parmi les sociétaires, se nomme le répertoire est une parodie indigne des tréteaux.
Racine, dit-on, voulait écrire une Alceste. […] Nous ignorerons toujours quel son rendaient les mots sur les lèvres de Pascal, de Molière ou de Racine. […] Mais surtout le divin Racine ? […] Or, ce qu’on jouait alors sur nos scènes, c’était, avec les tragédies de Corneille et de Racine, celles de Voltaire et de Crébillon, et c’était les comédies si élégantes et si « polies » de Marivaux, de Boissy, de Destouches, de Gresset et de Piron. […] Deschanel sur Racine, et des Résignés de M.
Pour être franc, le critique devrait dire : — Messieurs, je vais parler de moi à propos de Shakespeare, à propos de Racine, ou de Pascal, ou de Goethe. […] Il vous comprend, mon prince, comme il comprend Racine, parce qu’il est poète. […] Ne pouvant se dispenser de porter une épée, à cause de sa noblesse, il la portait un jour à droite, et l’autre à gauche, afin qu’elle usât ses chausses en symétrie. » Je conviens avec Racine que ce Scarron écrit comme un fiacre. […] Racine fut outragé après un siècle de gloire. […] J’ai entendu un excellent poète reprocher à Racine des impropriétés d’expression.
XVII Segrais dit que c’est à l’occasion de Despréaux et de Racine que M. de La Rochefoucauld a établi sa maxime que « c’est une grande pauvreté de n’avoir qu’une sorte d’esprit », parce que tout leur entretien ne roulait que sur les vers, et que hors de là ils ne savaient plus rien. […] Molé : « Mais, en le réfutant, je me suis bien gardé de le nommer, disait-il l’autre jour chez la princesse de Craon ; je me suis souvenu que Corneille et Racine avaient donné l’immortalité à certains critiques en les nommant. » — Il a dit cela sans rire. […] CLVI Thiers cause avec verve de la littérature du xviie siècle (12 décembre 1847) ; il met au-dessus de tout Bossuet, Molière et Racine ; La Fontaine après, mais fort au-dessous ; Mme de Sévigné à un très haut rang près d’eux ; mais il déclare en baisse Fénelon et même Corneille.
L’un professait d’admirables leçons sur Bossuet et sur les Encyclopédistes, l’autre excellait à analyser les cruelles tendresses d’un Racine et les hautaines mélancolies d’un Chateaubriand. […] Si versé que fût Téodor de Wyzewa en mallarméisme et en wagnérisme, son goût ne se bornait pas à la poésie de Mallarmé et à la musique de Wagner, et il avouait d’autres admirations dont les principales étaient les tragédies de Racine et les compositions de Mozart. […] Quant à Racine, il en parlait « en connaisseur » et je lui ai entendu dire de fort bonnes choses sur Andromaque.
La Motte, dans une des dissertations qu’il a écrites contre la poésie, a mis en prose une des scènes de Racine sans y faire d’autre changement que de renverser les mots qui forment les vers : Arbate, on nous faisait un rapport fidèle. […] La Motte ne faisait pas attention qu’outre la mesure du vers, l’harmonie qui résulte de l’arrangement des mots avait aussi disparu, et que, si Racine eût voulu écrire ce morceau en prose, il l’aurait écrit autrement, et choisi des mots dont l’arrangement aurait formé une harmonie plus agréable à l’oreille. […] Les préfaces de Racine sont faiblement écrites ; celles de Corneille sont aussi excellentes pour le fond des choses, que défectueuses du côté du style ; la prose de Rousseau est dure, celle de Despréaux pesante, celle de La Fontaine insipide ; celle de La Motte est à la vérité facile et agréable, mais aussi La Motte ne tient pas le premier rang parmi les versificateurs.
Roederer, sans s’inquiéter s’il ne mécontenterait pas les classiques, s’en prenait un peu aux quatre grands poètes, Molière, La Fontaine, Racine et Boileau lui-même, tous plus ou moins complices de ces louanges pour un victorieux et un amoureux.
Malherbe s’était modelé sur la lyre d’Horace ; Corneille se forma sur l’idée du Romain et sur les beautés de Lucain et de Stace ; Racine eut tour à tour en vue Euripide et la Bible adoucie et francisée par Le Maistre de Saci.
En retour il put obtenir quelques livres, le Voyage de La Pérouse, un volume de Racine, etc.
Je sais qu’un noble esprit peut, sans honte et sans crime, Tirer de son travail un tribut légitime, disait Boileau en faveur de Racine, et c’était une manière de concession.
Pour apprécier toute l’originalité de Racine, il est besoin de remonter à Euripide ; pour embrasser celle de Port-Royal, il n’est pas nécessaire de sortir de la Gaule ; on a l’île de Lérins.
Elle ne vit point Racine et n’eut point ses leçons pour Esther : il était mort qu’elle naissait à peine.
« Les plus beaux sont ceux qui ont de l’âme ; ils appartiennent aux trois règnes, mais à la Muse encore plus. » C’est le sentiment de cette Muse qui lui inspirait ces jugements d’une concision ornée, laquelle fait, selon lui, la beauté unique du style : « Racine : — son élégance est parfaite ; mais elle n’est pas suprême comme celle de Virgile. » « Notre véritable Homère, l’Homère des Français, qui le croirait ?
Enfin il a fait des Psaumes, et l’on notera que dans le classique il n’y a de lyrisme que par les Psaumes : Malherbe, Rousseau, Racine, tous traitent les thèmes de la poésie hébraïque.
Un autre jour, le philosophe se souvient qu’il est l’héritier de Racine : il dresse ses tréteaux, habille ses marionnettes, et lance des Grecs, des Guèbres, des Crétois à l’assaut de l’Église et des Parlements ; ou bien il arrange en farce indécente sa critique biblique : Saül et David détruisent l’idée d’une révélation.
C’est cette poursuite des nuances qui fait Racine, comme elle fait Baudelaire.
Le XVIIIe siècle n’a ni Racine ni Bossuet ; et pourtant il est bien supérieur au XVIIe ; sa littérature, c’est sa science, c’est sa critique, c’est la préface de l’Encyclopédie, ce sont les lumineux essais de Voltaire.
Racine esquisse en Perrin-Dandin un fou féroce qui offre à une jeune fille le divertissement d’aller assister à la question : Car cela fait toujours passer une heure ou deux.
Les sonnets, les odes et les autres ouvrages qui veulent du sublime, ne s’accommodent pas du simple et du naturel ; c’est l’obscurité qui en fait tout le mérite ; il suffit que le poète croie s’entendre… Nous sommes cinq ou six novateurs hardis qui avons entrepris de changer la langue du blanc au noir ; et nous en viendrons à bout, s’il plaît à Dieu, en dépit de Lope de Vega, de Cervantes… Sachons bien qu’en écrivant ces choses, Lesage avait en vue Fontenelle, Montesquieu peut-être, certainement Voltaire, qu’il trouvait trop recherchés et visant à renchérir sur la langue de Racine, de Corneille, et des illustres devanciers.
De ces trois formes, disons que la première, celle de Racine vu à travers Soumet, serait celle que suivrait de préférence et le plus naturellement Mme de Girardin, si elle était livrée à elle-même.
Mais, trente ans environ après sa fondation, lorsqu’une jeune et hardie littérature se fut produite sous Louis XIV, que les Boileau et les Racine, les Molière et les La Fontaine eurent véritablement régénéré les lettres françaises et la poésie, l’Académie se trouva un peu arriérée et surannée, et elle resta telle, plus ou moins, durant les trente-cinq dernières années du siècle.
Quand Rivarol eut quitté la France, en 1791, il disait avec plus de gaieté que d’invraisemblance : « Si la Révolution s’était faite sous Louis XIV, Colin eût fait guillotiner Boileau, et Pradon n’eût pas manqué Racine.
Jadis il me louait dans sa prose enfantine ; Mais, dix fois repoussé du trône de Racine, Il boude ; et son dépit m’a, dit-on, harcelé.
Le poète, à la lecture du premier article de Carrel sur les représentations d’Hernani, lui avait écrit une lettre explicative, et dans laquelle il lui rappelait les singulières prétentions des soi-disant classiques du jour ; Carrel y répondit par une lettre non moins développée qui commençait en ces termes : « Je suis pour les classiques, il est vrai, monsieur, mais les classiques que je me fais honneur de reconnaître pour tels sont morts depuis longtemps. » Dans la critique de l’Othello de M. de Vigny, il se faisait fort de prouver « que toute la langue qu’il faut pour traduire Shakespeare est dans Corneille, Racine et Molière ».
Ce n’est pas à nous qui avons la conscience si large, et sur bien des points si indifférente, de venir aujourd’hui porter notre mesure et notre balance commode dans ces scrupules que connurent ces vies irréprochables et ces âmes rigoureuses : Rollin était naturellement de cette morale chrétienne que préféraient et pratiquaient les Despréaux, les Racine, les Du Guet ; mais cela le conduisit à prendre parti pour le père Quesnel, et bien au-delà ; à se prononcer même pour le diacre Pâris et pour les prétendus miracles du cimetière de Saint-Médard.
On joue en société une tragédie de Racine, Iphigénie ; les acteurs et actrices ne sont que princes, filles ou nièces de palatins ; le chevalier de Saint-Pierre fait Achille.
* * * — Au fond, Racine et Corneille n’ont jamais été que des arrangeurs en vers, de pièces grecques, latines, espagnoles.
Racine, obscurci par des générations de copistes, a resplendi de nouveau.
À propos d’un hémistiche de Bérénice, Voltaire écrit : c’est une Expression heureuse et neuve dont Racine enrichit la langue, et que par conséquent on critiqua d’abord 26.
Nos poètes Corneille et Racine, moins instruits, n’auraient pas été ce qu’ils furent.
Boileau le cherche et le trouve souvent ; il semble venir au devant de Racine.
. — Racine n’eût jamais lâché — à travers un alexandrin — ce substantif mal né de « ville » ; et je me garderai bien de l’infliger à Toulouse.
Auguste Le Prévôt, où il est estompé dans une rêverie pieuse, à la nuance de laquelle il aurait dû s’arrêter, mais qu’il a forcée et trop forcée partout ailleurs ; dans la pièce qui commence par le vers : J’arrive de bien loin, et demain je repars ; idée charmante, inspirée par la famille, cette source de toute poésie intime ; dans Les Larmes de Racine, où l’on retrouve le détail secret, domestique, obscur, dans lequel M.
Si l’on veut caractériser ce dix-septième siècle, — notre grand siècle, — c’est bien ce sens de la mesure que l’on distingue chez tous ses illustres représentants, chez un Racine, comme chez un Bossuet, chez un La Fontaine comme chez un La Bruyère, chez un Mignard comme chez un Poussin, chez un Le Nôtre comme chez un Mansard. […] Pascal portait cette règle de ne point parler de soi, jusqu’à prétendre qu’un honnête homme devait éviter de se nommer, et même de se servir des mots de je et de moi. » Même silence sur soi dans Racine, dans Molière, dans La Fontaine. […] Un Pascal, un Bossuet, un Corneille, un Racine, un Molière, un La Fontaine. […] Calculez ce que représentent de travail donné à des ouvriers, dans la papeterie, dans l’imprimerie, dans le brochage, dans la librairie, une œuvre comme celle de ce même Racine et de ce même Victor Hugo. […] Allez-vous faire qu’un La Fontaine, un Corneille, un Racine, deviennent presque inabordables pour les humbles bourses ?
« et que les anciens attribuaient à la fatalité. » — « L’auteur eût choisi le sujet de Phèdre s’il n’eût été traité par Racine. […] Seulement, Racine nous donne Oreste et Ériphyle pour ce qu’ils sont, le premier pour un malade, la seconde pour une très méchante fille : au lieu que Chateaubriand adore René, et non seulement l’absout, mais l’admire et le glorifie. […] Mais, d’autre part, il fait un parallèle entre Virgile et Racine, et visiblement préfère Virgile. […] Et, sans doute, ces confessions et ces mémoires n’ont pas, si vous le voulez, la beauté d’une tragédie de Racine ou d’un sermon de Bossuet ; ils constituent de monstrueux exemplaires de la littérature subjective ; mais la description de soi-même, chez les malades et les excessifs qui ont du génie, est d’un intérêt qui emporte tout. […] Molière, Boileau (sauf deux ou trois exceptions), Racine, La Bruyère, ne se louent eux-mêmes qu’indirectement et par leur façon de critiquer et de railler les autres.
Depuis sa mort, le fils de notre divin Racine en fit des éloges mérités, en versifia des fragments dans notre langue ; et plus tard, notre célèbre Delille, par une traduction qui devient un nouvel honneur pour ce poète, a généreusement payé l’hospitalité qu’il reçut des Anglais. […] On ne s’étonne pas, en les méditant, qu’une si noble création ait enfanté la pathétique tragédie de notre Racine aussi profondément sensible que le poète latin. […] Le fameux tremblement de terre de Lisbonne fit disparaître, en 1755, la pierre funéraire du chantre lusitain, tandis que par le même fléau périssait à Cadix un des fils de Racine. […] Boileau, Racine, et surtout La Fontaine, ont introduit dans leur poésie toutes les inflexions imitatives des langues anciennes, par un mélange adroit de syllabes graves ou légères, de mots lents ou prompts, de voyelles ouvertes ou fermées, sonores ou muettes, et de consonnes douces, rudes, ou moyennes. […] Cicéron ni Bossuet ne purent monter jusqu’à la poésie, tandis que celle de Corneille et de Racine eut une éloquence rivale de leur prose.
Dumas l’affirme à peu près dans la préface de l’Etrangère : « Donnez-vous la peine d’étudier attentivement Corneille, Molière et Racine, vous reconnaîtrez bien vite que leurs premières pièces, au point de vue du métier, sont aussi bien construites que les dernières, quelquefois mieux. […] La noble poésie de Racine est en rapport étroit avec l’horizon qui se voit de la terrasse du vieux palais, et une grande portion de notre littérature actuelle demeure inintelligible sans l’aspect de magasin de bric-à-brac habituel à nos installations. […] Un artiste comme Racine, au contraire, avait devant lui, en travaillant, les regards des honnêtes gens de son époque, parmi lesquels régnait une tradition de goût pareille à celle qui lui dictait ses vers. […] Qu’étaient-ce que les tragédies de Corneille et de Racine, que les comédies de Molière, sinon des morceaux d’analyse dialogués et dramatisés ? […] Racine, l’abbé Prévost et Descartes semblent considérer la vie comme une réalité définie, fixe et nette en ses lignes, tandis qu’au regard de Shakespeare, de Gœthe et de Carlyle, cette même vie paraît un je ne sais quoi de mouvant et d’indéterminé, peut-être un songe, toujours en train de se faire et de se défaire.
Il est Beethoven, et le Vinci, et Racine, et Tolstoï, il les est, le Mage divin. […] Racine, a fondé la vie artistique sur les éléments de cette conformation nouvelle des esprits. […] Je savais seulement qu’un auteur de ce nom avait fait des préfaces pour des éditions de Racine et de La Fontaine ; je ne doutais pas aussi qu’il n’y eût mis des notes, et je me l’imaginais comme un professeur de collège érudit et ambitieux, ce qui, dans ces temps anciens, n’était point pour me le rendre cher. […] France n’a été plus pur et plus harmonieux ; et jamais on n’a parlé de La Fontaine et de Racine dans une langue qu’eux-mêmes eussent pu mieux goûter. […] Notre cher Ronsard, pour ne parler que de littérature, se serait fâché si on lui avait dit qu’il n’imitait pas les anciens poètes, et on sait assez que la seule ambition littéraire de Racine a été d’imiter Euripide.
Victor Hugo ; mais ceux que l’on traita de cuistres parce qu’ils défendaient Racine et Boileau ne furent pas cuistres pour cela. […] Racine et Boileau avaient eu leur droit comme M. […] D’où vient donc que, malgré l’école romantique et l’immense progrès qu’elle nous a fait faire, Racine restera debout ? […] À toutes vos critiques, nous répondrons : c’est vrai ; et vous voilà empaillé, cristallisé, momifié dans votre victoire avec deux ou trois grands noms, Boileau, Voltaire, Racine, tout au plus. […] Et cependant on n’avait pas crié au plagiat lorsque Molière et Racine avaient traduit littéralement des pièces quasi entières d’Aristophane et des tragiques grecs.
Ces exemples d’inversions gracieuses, tirées de Virgile, ne prouvent rien ; car que voulait Virgile par l’inversion, sinon ce que veulent, en menant leurs lecteurs droit au sens par l’ordre naturel et logique des mots, Corneille, Racine et Molière ? […] Cette prose agréable et facile, qui se joue autour du cœur et qui n’y pénètre pas, nous fait adorer les vers de Virgile et de Racine, qui sont comme la langue naturelle de l’amour.
Les Grecs de Racine ne sont guère Grecs que par la date à laquelle on les place, et qui reste trop souvent une simple étiquette, un simple chiffre, sans nous faire voir la Grèce d’alors. […] Au dix-septième siècle, ils ont inspiré aussi les premiers essais lyriques de Corneille et de Racine, les strophes de Polyeucte et de la traduction de l’Imitation, les chœurs d’Esther et d’Athalie.
L’art du xviiie siècle croyait à la vertu, du moins avant Racine qui fut le plus audacieux, le plus terrible et le plus vrai des naturalistes, et peut-être, à certains égards le moins moral.
A propos de l’Électre de Sophocle, il rencontre un vers qui est tout entier ou presque tout entier en monosyllabes : sur ce, il remarque et note tous les vers qu’il connaît, composés également de monosyllabes : « Racine, dans Phèdre : Le jour n’est pas plus pur que le fond de mon cœur.
L’imagination populaire, tant qu’elle ne s’est pas fixée et figée par écrit, fait perpétuellement pour ses héros ce qu’on reproche à Racine d’avoir fait pour les siens : elle les modernise.
La répétition, la reprise de domus alta à la fin d’un vers et au commencement du vers suivant a paru avec raison un de ces accents particuliers au génie du poète, et que même l’œil ne retrouverait pas dans Racine.
Elle s’était mise au latin et était arrivée à entendre les odes d’Horace ; elle lisait l’anglais et avait traduit en vers quelques pièces de William Cowper, notamment celle des Olney Hymns, qui commence ainsi : God moves in… ; une poésie qui rappelait les Cantiques de Racine et toute selon saint Paul.
Le groupe des poètes n’avait rien perdu : Boileau célébrait le passage du Rhin ; Racine, au milieu de sa course, reprenait haleine par Bajazet.
Oui, après la génération grandiose et un peu rude des Lucrèce, des Corneille, arrive d’ordinaire la génération épurée, accomplie, solide et fine, et suave, des Virgile, des Horace et des Racine.
On sait avec quelle finesse acérée Racine répondit à l’injure dans laquelle il se voyait compris.
Si nous assistions en foule aux premières représentations d’une tragédie digne de Racine ; si nous lisions Rousseau, si nous écoutions Cicéron se faisant entendre pour la première fois au milieu de nous, l’intérêt de la surprise et de la curiosité fixerait l’attention sur des vérités délaissées ; et le talent commandant en maître à tous les esprits, rendrait à la morale un peu de ce qu’il a reçu d’elle ; il rétablirait le culte auquel il doit son inspiration.
Alors naquirent les lyriques patriotes, comme Tyrtée, les lyriques philosophes, comme Orphée ou Solon, les lyriques érotiques, comme Anacréon et Sapho, les lyriques purement poétiques, comme Horace (chantant pour chanter et pour plaire) ; enfin les lyriques académiques de nos derniers siècles, comme Hafiz en Perse, Pétrarque en Italie, Dryden en Angleterre, Klopstock, Goethe, Schiller en Allemagne, Malherbe, Racine, Jean-Baptiste Rousseau, Lefranc de Pompignan et les grands chanteurs contemporains de notre pays, au sommet desquels chantait Victor Hugo, enfant, ce Benjamin de la tribu de la lyre.
Comme Newton enterré à Westminster, Molière, Racine, protégés de Louis XIV, feraient voir au public de quelle façon devaient être traités les penseurs, les poètes qui sont l’honneur d’une nation : ce passé jugerait le présent.
Elle n’est pas d’ailleurs si simple ni si facile à trancher, et on ne se la pose guère quand on écoute une tragédie de Racine, une comédie de Molière, une pièce de Dumas fils.
L’éditeur qui donne, aujourd’hui, les œuvres de Racine, se trouve un peu l’héritier du poëte quand il bénéficie de la faveur acquise à de nobles vers.
Il va rugir, captif, au siècle suivant, quand Corneille lui mettra la bride du Devoir et Racine, celle des convenances.
Le roi au centre ; ici Condé et les princes ; là-bas, dans cette allée, Bossuet et les évêques ; ici au théâtre, Racine, Lulli, Molière et déjà quelques libertins ; sur les balustres de l’Orangerie, Mlle de Sévigné et les grandes dames ; là-bas, dans ces tristes murs de Saint-Cyr, Mme de Maintenon et l’ennui.
Comme c’est l’interprétation parlante de la tragédie, telle qu’elle fut conçue dans le cerveau d’un Racine, déclamée, chantée, dansée par une Champmeslé, applaudie par les gens bien nés d’alors et les seigneurs sur les banquettes.
là où d’autres ont leur vie engagée, qui a ses modèles à lui, ses types désespérants à atteindre, ses classiques, son Bellart, son Marchangy, comme tel poëte a Racine et tel autre Boileau.
Naturellement, ce n’est pas lui, mais Moïse, David, Isaïe et tout le chœur des prophètes, que prit pour modèles Racine, si harmonieux lyrique, mais n’osant pas imiter la grande poésie d’Athènes jusqu’à porter sur notre théâtre, même dans les sujets grecs, avec la mélopée tragique, les intermèdes chantés de Sophocle et d’Euripide.
Bossuet seul et Racine ont retrouvé tout entier ce feu, couvert sous la parole des prophètes d’Israël : ou bien aussi parfois, dans le coin d’une église, quelque âme pieuse, en extase sur la leçon du jour, aura senti, dans la plus simple version de quelques fragments épars d’Isaïe, l’accent divin que lui aura révélé sa foi.
» Ô Racine !
Le meurtre ou le suicide, comme dans Racine, c’est encore, une manifestation active, une lutte, une suprême affirmation de révolte contre le destin. […] Qu’avec leurs noms anciens les personnages de Racine aient certains traits de son époque, ce n’est pas douteux. […] Racine n’est pas plus artificiel que Shakespeare ou que Sophocle. […] Coquiot paraît un peu scandalisé, parce que Huysmans qualifiait Corneille, Racine et Molière de raseurs, en ajoutant impartialement qu’il en fallait dire autant de Dante, Schiller et Goethe. […] On citera les exemples de Racine et de Rossini qui, le premier par scrupule, le second par paresse, renoncèrent à leur art dans la force de l’âge.
Dumas n’inquiétait nullement Shakespeare, Molière, Racine, même le bon marguillier Corneille, et que M. […] Un peu plus tard encore, sa pâleur le trahira, lisant en cachette « le théâtre complet » de Racine, et il sera privé de sortie et dûment sermonné, attendu que « de telles lectures, quand on les fait trop tôt, ne peuvent que corrompre le cœur ». […] Pour l’amour et la jalousie, c’est à merveille ; et voilà pourquoi nous comprenons Racine. […] Récitez congruement une scène de Corneille ou de Racine, et vous vaudrez mieux. […] Ainsi, j’aime beaucoup les tragédies de Racine et les comédies de Meilhac et Halévy, — pourvu qu’on me les laisse lire, et qu’on ne me force point à les voir.
C’est cet orgueil-là qui fait repousser le novateur… C’est lui, sous mille formes, au nom de mille sentiments plus sacrés les uns que les autres, lui qui déterre Homère, Racine et Shakespeare… » Et il est hors de doute qu’en littérature la loi s’impose d’un perpétuel renouvellement. […] Racine, où chaque phrase est un modèle de contorsions et d’images extraordinaires ? […] Tenons Rabelais et Racine pour des génies de même ordre, et dont l’exemple peut être invoqué pour une même démonstration. […] Admirons comme il convient ces images extraordinaires dont Racine lui-même ne s’était pas avisé : « Sa tête de Shoshone, son œil d’éclaireur, sa lèvre autocratique avaient sous la parole de Fougeraye la détente des ravins torrides quand revient l’automne… Ils furent pénétrés de la ténèbre comme d’une parabole à la fois stellaire et microbienne. » Prenons pour une gentillesse et non pour un coq-à-l’âne cette remarque : « Quand elle se levait d’une chaise, la grâce se levait avec elle. » Pourquoi faut-il que nous nous heurtions parmi les néologismes de M. […] C’est à peu près le système d’après lequel les dramatistes de la fin du dix-huitième siècle imitaient Racine.
Le xviie siècle et le suivant blâmèrent Corneille et Racine de s’être inspirés, dans la plupart de leurs œuvres, des tragiques antiques, prétendant que l’histoire nationale était assez riche en faits héroïques et grandioses pour fournir des sujets aux auteurs. […] Et les œuvres des Corneille et des Racine continuèrent à planer sans que la différence des époques ait enlevé quelque chose de leur grandeur.
Pareillement Théagène et Chariclée, que Racine avait fini par savoir par cœur. […] Encore, pour la tragédie, y a-t-il Polyeucte de Corneille, outre quelques autres drames dont le sujet est emprunté au martyrologe, et l’Esther, l’Athalie, de Racine, faites pour être jouées uniquement devant les demoiselles de Saint-Cyr : pièces de « circonstance », pour ainsi dire, et qui n’étaient pas destinées au public ; il y a, de Corneille — et il prend soin de s’en excuser — ses versions poétiques de quelques fragments lyriques de l’Ancien Testament, et de l’Imitation. […] Je songe parfois que Racine nous en aurait pu donner un bien beau — et Voltaire lui-même, au siècle suivant, n’écrira Candide et ses autres contes que pour divertir Mme du Châtelet, en l’éclaircissant sur « l’optimisme » ou d’autres questions philosophiques. […] Imaginez donc ce grand esprit, cet écrivain magnifique, ironique et violent, — car il était violent sous une apparence de perpétuelle politesse des termes, comme Racine, son Dieu — à cheval entre les conceptions politiques et morales de la bourgeoisie du second Empire et celles, leurs génératrices, du xviiie : et vous ne vous en ferez pas une idée tout à fait fausse. […] Penser, penser le plus possible, pour parvenir à sentir le plus possible, transformer ces pensées en émotions : audacieux effort pour concilier le classicisme, qui a pour base l’exercice de la raison — à tel point que l’appareil littéraire, la représentation même des violences passionnelles, si fortement senties par un Racine, prennent par l’expression une apparence rationnelle, — et le romantisme, qui prend pour base le sentiment.
Et encore, Bloch lui ayant dit que Racine et Musset ont fait chacun dans leur vie un vers assez bien rythmé et qui a pour lui… de ne signifier absolument rien , il s’avoue profondément troublé, lui qui des « beaux vers » n’attendait rien moins que la révélation de la vérité 14. […] Il avait donné déjà une assez forte secousse avec Racine, dont il aurait peut-être brisé la frêle et sensuelle organisation, s’il n’y avait pas eu près de lui Boileau et Louis XIV. […] Au fond de l’Allemagne, où les hasards de la guerre m’avaient relégué, je relisais Racine et Molière et une parenté m’apparaissait entre leur propos, tout au moins, mais même quelquefois entre leurs procédés, et ceux de Proust. […] bien Proust, d’une façon un peu différente, sans ce vigoureux effort de synthèse que nous admirons chez Racine ou chez Corneille, avec une patience plus lente, mais non pas avec une moindre volonté d’éclaircissement, par l’attention, par la curiosité inflexible de l’esprit, par un constant cheminement vers l’évidence, Proust « purge » lui aussi sa sensibilité, et dans la mesure où il a intéressé la nôtre, la nôtre aussi.
Je crois qu’ils doivent être rares dans le reste. » Cependant Racine en faisait usage. […] Mais tu sais qu’elles ne vont pas encore jusqu’à me faire aimer Racine (janvier 1830). » En attendant que ses réflexions portassent leurs fruits, bons ou mauvais, il écrivait rapidement les Contes d’Espagne et d’Italie, et ses amis n’y remarquaient qu’un heureux crescendo d’impertinence pour tout ce que le bourgeois encroûté de préjugés classiques se faisait un devoir de respecter et d’admirer. […] Racine, rencontrant Shakespeare sur ma table, S’endort près de Boileau . . . . . . . . . . […] J’appelle vraie tragédie, non celle de Racine, mais celle de Sophocle, dans toute sa simplicité, avec la stricte observation des règles. » « … Ne serait-ce pas une entreprise hardie, mais louable, que de purger la scène de ces vains discours, de ces madrigaux philosophiques, de ces lamentations amoureuses, de ces étalages de fadaises qui encombrent nos planches ?
Le commentateur de Despréaux dit que ce poëte exact & laborieux avoit appris à l’illustre Racine à faire difficilement des vers ; & que ceux qui paroissent faciles, sont ceux qui ont été faits avec le plus de difficulté. […] Quand Iphigénie dans Racine a reçu l’ordre de son pere de ne plus revoir Achille, elle s’écrie : dieux plus doux vous n’aviez demandé que ma vie. […] On ne peut mieux sentir cette différence, qu’en comparant les endroits que Racine, & Campistron son imitateur, ont traités. […] C’est ce qui fait que l’amour qui est si vif dans Racine, est languissant dans Campistron son imitateur.
Quelle superbe toile de fond, si je puis dire, à la tragédie de Racine ! […] Ce par quoi il semblerait pouvoir franchir ces limites si resserrées, c’est ce fond d’« éternel paganisme » dont parle Sainte-Beuve ; mais, chez le chevalier, ce grand, ce profond paganisme n’apparaît dans toute sa franchise que rarement et brièvement, et au travers de gentillesses érotiques accumulées, qui sont bien exclusivement du dix-huitième siècle. — Je demeure donc stupide, provisoirement, quand je vois mon illustre maître appliquer à Parny des qualificatifs qui conviendraient tout au plus à Shakespeare, à Racine, à Goethe ou à Hugo. […] Je me rappelle une formule de La Harpe sur je ne sais quelle tragédie de Racine, formule dont la cocasserie pédante m’amusait jadis, mais qui n’est peut-être pas dépourvue de sens : « Pièce du second ordre qui ne pouvait être écrite que par un auteur du premier. » Je vous préviens, au surplus, que ces pièces-là ne courent pas les rues. […] Athalie était bien, sans doute, dans la pensée de Racine, un drame essentiellement religieux ; il l’écrivit pour des couventines et dans le temps où il était lui-même le plus ardemment « dévot » : et cependant Athalie n’a absolument rien des étroitesses, des timidités ou des fadeurs d’un ouvrage de piété et d’édification. […] Un dramaturge incroyant, traitant le même sujet, n’eût pas mis dans son œuvre le grand souffle de foi intrépide ni la piété si tendre dont la tragédie de Racine est tour à tour animée : mais, à coup sûr, il n’eût pu concevoir les caractères de Joad, d’Athalie, d’Abner et de Mathan avec plus de vérité.
C’est l’abbé d’Olivet ou Marmontel, je ne me rappelle plus, qui trouvait lourd et inharmonieux le vers de Racine : Et sa miséricorde à la fin s’est lassée. […] Racine se trouvait avoir fait un vers romantique, un vers moderne, large et ample, avec un mot remplissant un hémistiche et supprimant un des quatre repos, et cela blessait l’oreille classique. […] Racine eut, en 1677, une année climatérique. […] Brusquement, en 1745, et comme Racine, notez ce point, sous l’influence et la douce sollicitation d’une grande dame, il rentra dans la lice, avec un succès tel, comme vous savez, que Voltaire en entra en ébullition. […] À différents degrés, bien entendu, et chacun au leur, Racine et Crébillon, non seulement, après le relais, furent aussi bons qu’à leurs débuts, mais, tous les deux, ils furent meilleurs.
De Racine (Andromaque, le fameux discours à Pyrrhus :avant que tous les Grecs vous parlent par ma voix) à Lamartine (la phrase sur le drapeau tricolore qui a fait le tour du monde et le drapeau rouge qui n’a fait que le tour du Champ-de-Marst), les leçons que reçoivent, de leurs grands ou petits maîtres, à propos de textes rimés, lycéens et étudiants, ne sont que leçons de ruses oratoires. […] classique de l’amour en nul autre que Racine. […] Citation extraite de Racine, Andromaque, Gallimard, coll. « Folio plus », 2003 (acte I, scène 5).
Racine, à quelques années de là, ne-faisait que se conformer à la prononciation des anciens du Palais dans ce vers des Plaideurs où l’on pourrait croire qu’il a cédé à la rime : ISABELLE, déchirant le billet que lui a remis L’Intimé.
Lassé de ces bruits sonores et des statues de tout métal debout sur leurs socles démesurés, on se rejette avec une sorte de faiblesse en arrière et, comme Dante en ses cercles sombres, on réclame un guide compatissant et à portée de la main : O Virgile, Térence, Racine, Fénelon, grands hommes et si charmants, pris au sein même et dans les proportions de l’humanité, où êtes-vous ?
Stendhal, Racine et Shakespeare.
Je ne parle pas ici par ressentiment d’auteur, car je suis le seul poète du temps et le seul homme politique de son époque qui soit, comme poète, placé par lui dans la compagnie immortelle d’Homère, de Virgile, de Racine, et, comme homme de tribune et de hautes affaires, au rang des hommes de bon sens.
Pour les Natchez, mais surtout pour cet admirable sujet des Martyrs, il eût fallu l’invention psychologique, l’analyse impersonnelle d’un Racine.
C’est seulement en l’entendant de la forme et du fond, que la théorie de Malherbe frappe également la poésie facile de l’école de Ronsard et certains imitateurs de la poésie difficile de Racine et de Boileau.
Rien de plus insipide que ce que Racine et Corneille nous ont laissé en fait de critique.
Il s’y montre un disciple affaibli de Racine dans Bajazet et de Voltaire dans Zaïre.
Il y eut certainement un même état de l’esprit en France qui se signifia par les théories de Descartes, où la pensée est séparée radicalement de la matière et comme réduite à l’abstraction, par la poésie abstraite de Boileau, par la poésie toute psychologique et aussi trop abstraite de Racine, enfin par la peinture abstraite et idéaliste du Poussin29.
Ces comédiens étaient recherchés par les plus grands seigneurs ; ces comédiennes étaient belles et galantes, on les aimait pour leur beauté, pour leur esprit, pour leurs amours ; il y avait de ces femmes qui tenaient pour leur amant, Racine ou M. de Sévigné ; il y en avait une qui portait le nom de Molière !
Enfin, nous avons si peu la tête épique, comme on l’a dit un jour avec justesse, que du temps de Racine, par exemple, et c’est Sainte-Beuve qui en fait la remarque, les esprits choisis qui goûtaient Virgile l’estimaient plus pour ce qu’il avait de poli et de suprêmement élégant que pour sa manière et ses qualités véritablement originales et grandioses.
Homère, Sophocle, Platon, Térence et Virgile, avant Shakspeare, Racine et Molière, passent aux yeux de beaucoup pour avoir su faire un emploi assez intelligent du « document humain ».
Il faut envoyer le Tasse dans le désert d’Armide ; exiler Chimene & Camille, malgré le respect dû à Corneille ; brûler presque tous les chefs-d’œuvre de Racine ; se bien garder de voir ni d’entendre Zaïre, &c.
Et Molière lui-même ne disait-il pas qu’il n’avait pas le temps d’écrire en vers aussi bien que Racine ? […] Corneille est tout près de Racine, Racine n’est pas loin de Voltaire ; une génération littéraire touche à une autre génération littéraire ; mais la littérature moderne, la littérature facile, elle ne tient à rien, elle n’a rien derrière elle, personne ne l’a précédée dans la carrière ; elle est venue seule et par elle-même, elle s’est faite tout ce qu’elle est. […] « La première chose, disait Racine (un de ces historiens qui n’ont pas gagné de batailles, mais qui ont vu et connu ceux qui les ont gagnées), c’est de bien considérer là où il commence, et là où il finit. » Ne dirait-on pas que M. Villemain s’est inspiré de l’élégance et de l’admirable bon sens de Racine historien ? […] Dans le silence mortel de ces demeures royales où le vent populaire a passé, une voix se rencontre pour répondre au vieux royaliste que le grand roi est parti avec toute sa cour, on ne sait où, emmenant avec lui Bossuet et Racine, mademoiselle de la Vallière et Condé.
Je cherche avec inquiétude ce qui peut rester de Racine et de La Fontaine, traduits en allemand ou en anglais. […] Mais au reste la tragédie, au dix-septième siècle, n’est pas plus chrétienne que la comédie, bien que Corneille et Racine fussent, au rebours de Moliere, des chrétiens excellents. […] Corneille, Molière, Racine, Marivaux, Voltaire, Diderot, Beaumarchais ont eu successivement la prétention de « faire plus vrai » qu’on n’avait fait avant eux. […] C’est la vérité des caractères et des passions, celle qui se fait tout autant reconnaître dans les tragédies de Sophocle ou de Racine et dans les comédies de Molière que dans les meilleurs ouvrages de Dumas fils, de Meilhac ou d’Henry Becque. […] On ne peut plus, à l’heure qu’il est, préférer Molière ou Racine à Shakespeare sans passer pour un cerveau étroit et indigent et sans encourir un peu de mépris.
Les uns ne pensent pas que soient conciliables l’amour de Racine et l’amour de notre poésie contemporaine ; les autres discutent au nom de principes politiques parfaitement étrangers à la vie indépendante de l’art. […] Une perruque Louis XIV, une tragédie de Racine, le Discours de la méthode, un portrait de Rigaud, un sermon de Bourdaloue, autant de manifestations sûres d’un même idéal. […] Le Français d’Île de France ne quitte Racine que pour Jules Laforgue. […] Arrive le xviie siècle avec son fâcheux censeur, Boileau, et les génies de Racine et de La Fontaine, lesquels portèrent la science du vers classique à un point dont l’auteur du Lutrin n’eut jamais l’idée. […] « Nul mieux que Racine n’a su allier le caractère des syllabes, ou plutôt des sons qu’elles représentent à la nature des sentiments. » La Fontaine, grâce à son genre de poésie, use d’une variété infinie de rythmes.
Molière et Racine n’étaient point amis ; leurs caractères ne différaient pas moins que leurs génies. Racine avait manqué de sincérité en Molière, qui cessa de l’estimer tout en l’admirant.
Ce parti considère comme une faute contre la patrie l’emploi de la langue française, dangereux facteur de dénationalisation, et témoigne d’une mauvaise humeur de plus en plus méfiante envers un Maeterlinck ou un Verhaeren, coupables d’écrire dans la langue de Racine. […] Par la langue claire et noble, Fernand Séverin s’apparente à Racine, par l’inspiration douce, à Lamartine, mais son talent dévoile toujours les secrètes pudeurs, innocemment gracie uses, d’une âme délicate et loyale. […] Au siècle suivant, le fondant, le melliflu des expressions du sentiment amoureux chez Quinault, puis chez Racine, indignaient Saint-Évremond, grand et bel esprit pourtant, et causait à Madame de Sévigné le dépit d’une chose inconnue et déplaisante. C’est ce dépit qu’elle a traduit par la phrase historique : « Racine fait des comédies pour la Champmêlé… ».
L’ouvrage plaît ou déplaît, on l’aprouve ou on le desaprouve ; c’est le cerveau qui est l’organe de ce gout là : le gout de Paris s’est trouvé conforme au gout d’Athènes , dit Racine dans sa préface d’Iphigénie ; c’est-à-dire come il le dit lui même, que les spectateurs ont été émus à Paris des mêmes choses qui ont mis autrefois en larmes le plus savant peuple de la Grèce. […] Pyrrhus fils d’Achile, l’un des principaux chefs des grecs, et qui eut le plus de part à l’embrasement de la vile de Troie, s’exprime en ces termes dans l’une des plus belles pièces de Racine : je soufre tous les maux etc. […] Racine a parodié ce vers dans les plaideurs : l’intimé parlant de son pére qui étoit sergent, dit plaisament : il gagnoit en un jour plus qu’un autre en six mois, ses rides sur son front gravoient tous ses exploits. […] On dit que le grand Corneille fut offensé de cette plaisanterie du jeune Racine.
Sainte-Beuve, qui s’y était très vivement intéressé, nous a laissé des détails curieux sur la façon dont ces lectures furent organisées alors pour la première fois, sur l’accueil que le peuple illettré fit à Corneille, à Racine, à Molière. […] On lut du Molière, du Corneille, du Racine, du Victor Hugo. […] Ce serait le cas d’appliquer à Shakespeare cette expression que Racine inscrivait sur la marge de son exemplaire de Sophocle : « Ici le poète s’est épuisé à faire pitié. » Sur le cadavre de sa fille, de l’innocente Cordelia, après avoir exhalé quelques cris déchirants, quelques paroles égarées, le vieux roi, le misérable roi, expire de douleur. […] L’impassibilité souveraine du maître d’Émaux et Camées est tenue pour un peu suspecte, comme l’aurait été, chez les durs jansénistes, la passion de Racine et de ses pareils.
Il lit Corneille, il lit Racine, mais surtout les modernes. […] Le reste est indifférent. » Dès sa vingtième année, il lui sembla que sa vocation à lui, était l’application des méthodes scientifiques à la psychologie humaine, et c’est tout l’esprit de son œuvre, soit qu’il analyse tel ou tel écrivain, un Tite-Live, un La Fontaine, un Balzac, un Racine, soit qu’il applique la méthode à l’histoire de toute une littérature — celle de l’Angleterre — soit qu’il s’essaie à démêler la genèse d’une œuvre d’art, en Italie, aux Pays-Bas, en Grèce, soit enfin qu’il étudie dans les Origines de la France comtemporaine, la formation politique et sociale d’un État. […] Mais Racine met en scène une princesse, habituée par son rang et par le souvenir de sa naissance à tout oser, et cette belle-mère n’hésite pas à déclarer sa passion au fils de son mari. […] Il se rattachait cependant par toute sa pensée à cette méthode d’analyse interne dont un Racine et un Bourdaloue nous offrent, dans des domaines si différents, des exemplaires accomplis.
Si Virgile et Racine avaient professé cette esthétique, combien de leurs vers nous manqueraient ! […] Lamartine, lui, comme ce Racine auquel il ressemble tant, comme Malherbe dont il relève par la largeur et par l’élan de la strophe, ne porte aucune trace de pareilles influences. […] Feuillet sont, pour les salons contemporains, ce que les pièces de Racine étaient pour la cour de Louis XIV, ce que les Liaisons dangereuses furent pour les boudoirs de l’autre siècle. […] Vous avez transposé, à la moderne, l’éternelle élégie qu’a soupirée Racine, après le Virgile du sublime quatrième livre, l’amour heureux et que la Némésis inévitable contraint de se renoncer en plein bonheur, l’agonie de deux cœurs séparés par un sort trop contraire. « Il faut nous quitter », dit Georges à Claudine, « parce qu’il y a, entre nous, des obstacles trop tendres. — Eh bien ! […] En quels termes d’une tendresse infinie, il parle du pieux Virgile, de l’adorable Racine, dont il se récitait les poèmes en menant paître, lors des jours de congé, une chèvre dont le lait était destiné à sa mère malade !
Voyons un peu : Le goût et la connaissance du Théâtre-Français d’abord ; — il l’aimait, le suivait, il était même sur le point de s’essayer à l’Odéon par une bluette dans le genre d’Andrieux, une petite comédie anecdotique (Racine ou la troisième représentation des Plaideurs, 1826) ; La connaissance exacte et précise de la littérature classique moderne qu’il allait combattre dans ses derniers sectateurs, et dont il eût pu continuer presque indifféremment d’accepter les traditions, sauf de légères variantes, sous un régime plus régulier et mieux établi ; Un tour d’esprit et de style judicieux et ferme, une disposition à s’assimiler toutes les idées nouvelles en matière littéraire, et une habileté à les rendre avec autant de vivacité que si de tout temps elles avaient été siennes.
Il y eut ces gais dîners de la jeunesse de Boileau et de Racine, où faisaient assaut La Fontaine et Molière : Chapelle n’y laissait pas dormir le refrain.
Parmi les fruits défendus de ce paradis de Paris, il est deux choses dont j’ai eu envie de goûter : l’Opéra et Mlle Rachel, surtout Mlle Rachel, qui dit si bien Racine, dit-on.
Aussy n’attends que du rare soleil Rays tremblottants esjouïssent ma cousche, Pour au dehors entonner chantz d’amours ; Ainz sont muets oysels, échoz sont sourds : Tout revivroit s’ung qu’appelle ma bousche, Tost la bayzant, estouffoit mes clamours ; Se l’espargnez, preulx vaillants d’Angleterre, Pardonne tout à vos maistres ingrats : En le veyant desfieray le tonnerre ; Et m’escrieray, le serrant dans mes bras : « Ores de l’air, de l’onde et de la terre, « Grondez, tyrans. » XIII Telles sont ces délicieuses élégies que Tibulle et Properce ne dépassent pas, et la langue de Racine n’était pas faite encore.
Bien que M. de Chateaubriand n’eût aucune faveur pour moi, cependant, dans les Mémoires de sa vie, il me reconnaît en politique une parenté avec les grands hommes d’État, et en littérature avec les deux noms immortels de toute poésie antique et moderne, Virgile et Racine.
Il publie, en 1817, Rome, Naples et Florence, et une Histoire de la peinture en Italie ; en 1822, son Essai sur l’Amour, et sa brochure sur Racine et Shakespeare ; en 1827, Armance, son premier roman ; en 1831, le Rouge et le Noir ; en 1838, les Mémoires d’un touriste ; en 1839, la Chartreuse de Parme.Éditions : Calmann Lévy, 22 vol. in-18 (Corresp. inédite, 2 vol.).
Quand Racine imite Sophocle, c’est qu’il a été impossible qu’ayant le même exemplaire sous les yeux, les deux grands peintres ne se rencontrassent.
Dans le premier132, elle s’épanche en des vers d’une harmonie que Racine même n’a pas connue.
Nous faisions beaucoup de vers latins ; mais on n’admettait pas que, depuis le poème de la Religion de Racine le fils, il y eût aucune poésie française.
A l’art furent donnés quelques maîtres admirables, qui créèrent sagement, par les procédés spéciaux de leurs temps et de leurs arts, une réelle vie bienheureuse : Platon, et le Vinci, et Rubens, et Bach, et Racine, et Stendhal, et Franz Hals qui sut comprendre le secret de la sensation.
Et le critique devrait encore découvrir le secret de chaque maître, nous faire sentir en quoi diffèrent l’alexandrin de Racine sinueux et profond comme un sourire dessiné par Vinci et l’alexandrin de Corneille solide et précis comme sur une médaille un profil de Romain.
A cette époque, après l’avènement de Racine et Molière, on voulait (et certainement je n’en blâmerai pas les hommes de ce temps-là), on voulait un théâtre psychologique, on voulait un théâtre, soit comique, soit tragique, qui fût psychologique avec pénétration.
Avec quelle pénétration et quel amour ils ont parlé de Racine et de Stendhal !
Il ajoute cette double formule, très condensée et très spirituelle : « Si Racine et Corneille avaient fait une psychologie, ils auraient dit avec Descartes : L’homme est une âme incorporelle servie par des organes, douée de raison et de volonté, habitant des palais ou des portiques ; dont l’action abstraite se développe avec unité — c’est-à-dire « avec nullité » — de temps et de lieu. — Si Shakespeare avait fait une psychologie, il aurait dit avec Esquirol : L’homme est une machine nerveuse, gouvernée par un tempérament, disposée aux hallucinations, emportée par des passions sans frein, déraisonnable par essence, mélange de l’animal et du poète, ayant la verve pour esprit, la sensibilité pour vertu, l’imagination pour ressort et pour guide, et conduite au hasard, par les circonstances les plus déterminées et les plus complexes, à la douleur, au crime, à la démence et à la mort2. » Lisez les lettres authentiques d’Abélard : il discute toujours ; il démontre par arguments et citations les sentiments les plus simples, les émotions les plus vives. […] Il parle la même langue que Racine, mais trempée d’une grâce byzantine, attique même, naturelle et innée, et dans laquelle se fondent heureusement l’ingéniosité grecque et la franchise gauloise. » La santé L’état de santé de l’auteur, état qui est presque toujours héréditaire, se marque ordinairement dans son ouvrage. […] Par exemple, dans la littérature française, est-ce que Joinville, François de Sales, Racine, Mme de La Fayette, Massillon, Bernardin de Saint-Pierre, Lamartine, ne sont pas des talents blonds ?
Dès la fin du xviie siècle et au commencement du xviiie , ce fut dans l’école et la postérité immédiate de Racine que s’annoncèrent les premiers signes d’attention donnés à la littérature et à la poésie anglaises. […] Racine fils faisait entrer dans ses Réflexions sur la Poésie l’examen du Paradis perdu.
Si je possédais quelque première édition d’une pièce de Racine ou de Molière, je m’en séparerais également ; je préfère un livre de classe. […] Un drame de Shakespeare, une tragédie de Corneille ou de Racine, ressemble à tout ce qui se faisait à l’époque, et le Panthéon à tous les temples grecs.
François Mauriac dans la Vie de Jean Racine : « Enfin pour notre malheur il [Racine] laissa deux fils qui détruisirent pieusement tout ce qui risquait d’altérer l’image édifiante de leur père qu’ils souhaitaient de léguer aux siècles futurs…. […] D’abord, le plus souvent, les familles s’éteignent : on constate, en fait, aujourd’hui, que les héritiers de Racine ou de Chateaubriand sont fort peu nombreux, souvent même représentés par une seule personne.
Louer en toute occasion Corneille et Racine, c’était beaucoup assurément ; traiter avec une malice paternelle les tentatives de la littérature contemporaine pouvait passer pour un calcul assez adroit. […] S’il s’efforce de copier l’alexandrin de Racine, ce n’est pas qu’il préfère les césures et les périodes d’Andromaque aux hardiesses de Nicomède ou de l’École des Femmes ; c’est qu’il connaît dès longtemps le respect de la majorité pour la périphrase et les hémistiches disciplinés, et que l’imitation de Racine lui semble une spéculation profitable. […] Racine et Alfieri appartiennent à Sophocle, comme Schiller et Goethep appartiennent à Shakespeare.
Ce n’est pas une hypothèse arbitraire de prétendre que Racine soit arrivé à la parfaite quiétude, nécessaire pour écrire Esther et Athalie, précisément parce qu’il avait d’abord exhalé en beaux vers les jalousies furieuses et les amours maladives, dont il souffrait plus cruellement lui-même qu’Oreste, Hermione ou Roxelane. […] Sans reproche, le théâtre de Goethe, une fois qu’on en a retiré le Faust qui est moins un drame qu’une épopée dialoguée, fait une assez pauvre figure à côté du théâtre de Corneille ; et si l’on me proposait d’échanger Racine contre Schiller en me donnant Werner et Kotzebue par-dessus le marché, je demanderais encore à réfléchir. Mais ce n’est pas non plus vider la querelle de Herder avec la France, que de s’écrier en style d’éloge académique : « Quelle science de l’âme humaine dans Racine ! […] Hettner n’est pas sans doute un admirateur de Corneille et de Racine : ce serait trop que de demander à un Allemand de l’admiration pour notre théâtre. […] On ne lui persuadera point que les chefs-d’œuvre de la scène française soient autre chose que « des tragédies mécaniques. » Mais du moins il distingue Corneille et Racine des plats imitateurs qu’ils ont rencontrés en Espagne, en Italie, en Angleterre et surtout en Allemagne.
C’est ainsi qu’il dira, par le même jeu de mots que Racine : « Cependant il est certain que pendant qu’il (un mari) faisait brûler ce chaume, sa femme brûlait d’amour avec son galant. » Pour marquer la fécondité des femmes de Clermont, et le grand nombre d’enfants qu’ont la plupart d’entre elles, il dira que la petite vérole, qui est la contagion des enfants, « s’étant répandue, s’est enfin lassée dans la ville, et après en avoir emporté plus de mille, s’est retirée de dépit qu’elle a eu qu’il n’y parût pas ».
Racine, certes, la sentait tout entière, mais il ne la rendait pas également, et il l’accommodait plus ou moins à l’usage de son temps, selon ce qu’on en pouvait porter autour de lui.
. — Racine, dans sa préface de Britannicus, a usé aussi, en se l’appliquant, de la pensée de Longin : « Que diraient Homère et Virgile s’ils lisaient ces vers ?
. — De même sous une tragédie du dix-septième siècle, il y a un poëte, un poëte comme Racine, par exemple, élégant, mesuré, courtisan, beau diseur, avec une perruque majestueuse et des souliers à rubans, monarchique et chrétien de cœur, « ayant reçu de Dieu la grâce de ne rougir en aucune compagnie, ni du roi, ni de l’Évangile » ; habile à amuser le prince, à lui traduire en beau français « le gaulois d’Amyot », fort respectueux envers les grands, et sachant toujours, auprès d’eux, « se tenir à sa place », empressé et réservé à Marly comme à Versailles, au milieu des agréments réguliers d’une nature policée et décorative, parmi les révérences, les grâces, les manéges et les finesses des seigneurs brodés qui sont levés matin pour mériter une survivance, et des dames charmantes qui comptent sur leurs doigts les généalogies afin d’obtenir un tabouret.
La Révolution l’accueillit au Panthéon ; Saint Louis et le moyen âge à Notre-Dame et à la Sainte-Chapelle ; Louis XIV et Napoléon aux Invalides ; Molière chez lui ; Richelieu, Corneille et Racine à l’Académie.
Je suis sûr que Beauvilliers prenait un plaisir très délicat aux tragédies de Racine, peut-être même aux comédies de Molière ; et pourtant il est bien certain qu’en y assistant il ne pensait pas faire une œuvre religieuse, peut-être même croyait-il faire un péché.
Charles Morice a rappelé avec plus de détails que ne l’a fait Rodin cette mélancolique histoire des cathédrales, méprisées pendant trois siècles, à peu près indifférentes à Montaigne, considérées comme des vestiges de la barbarie par un Molière, un Racine, un La Bruyère, un Montesquieu, un Voltaire, un Jean-Jacques Rousseau. […] Évidemment nous sommes beaucoup plus intelligents que Racine, Molière, La Bruyère, Voltaire, Montesquieu et même Jean-Jacques Rousseau. […] Paul-Louis Couchoud, dans son livre moins abstrait et plus vivant, d’ailleurs très élogieux, imite un peu ce Masson-Forestier, qui descendait vaguement de Racine, ou s’en flattait, et qui voulait faire de cet ancêtre un sacripant, pour le grandir dans l’opinion ; mais après avoir cherché dans le caractère de Spinoza des défauts propres à le mieux glorifier, M. […] À qui la faute si, quoi qu’en ait dit Louis XV, il n’obtint pas l’aide et la bienveillance que Louis XIV en son bon temps avait accordées non seulement à Racine et à Boileau, mais à l’auteur de Tartuffe, et si le roi de France était alors un des monarques d’Europe qui admiraient le moins ses mérites et redoutaient le plus ses idées ? […] Il disait à d’Alembert qu’il aimerait mieux avoir fait Athalie que toutes ses guerres, en quoi il avait raison, car la tragédie de Racine est immortelle et la Prusse de Frédéric a mal tourné.
Et Régnier non plus ne l’a point ignorée, ni les poètes du temps de Louis XIII, ni Scarron ou Saint-Amant, ni Racine dans les Plaideurs (c’est, du reste, M. de Banville qui nous en avertit), ni J. […] On laissait ces amusettes au genre burlesque : Racine ne se les permettait que dans la farce des Plaideurs. […] Brunetière n’en mettra pas moins la tragédie de Racine fort au-dessus du roman de Flaubert. […] Car enfin je vois bien que le style de Racine est plus noble, plus abstrait, plus majestueux ; mais celui de Flaubert est assurément plus coloré et plus plastique. […] Si peut-être Corneille, Racine, Bossuet n’ont point aujourd’hui d’équivalents, le grand siècle avait-il l’équivalent de Lamartine, de Victor Hugo, de Musset, de Michelet, de George Sand, de Sainte-Beuve, de Flaubert, de M.
Si la littérature était un métier si grave et n’était pas — au gré de Racine et de son époque, la plus belle entre toutes — un divertissement, le scrupule que j’indiquais n’aurait pas eu sa raison d’être. […] Le nom de Racine revient plusieurs fois dans les pages de ce roman ; il nous étonne et, bientôt, nous enchante. […] À Paris, dès la première alarme, — l’auteur de ce roman le note, — on se mit à prononcer ces mots « nous… chez nous… » comme jamais on ne les avait prononcés : et il est naturel qu’aussitôt les écrivains songent à Racine. […] Un peintre, un auteur seulement pompeux et noble sera copié par tout le monde : celui qui est naïf est à jamais inimitable… Vingt autres peuvent être aussi naïfs, aussi excellents que lui : ils ne le seront pas comme lui ; ce seront de nouveaux originaux… » Et Chénier cite les plus belles « naïvetés » de Corneille et de Racine, les « naïvetés » de Montaigne et de La Fontaine. […] La tragédie de Racine, comme une fleur violente et douce, surgit naturellement de ce sol tourmenté et arrosé d’orages.
il s’attaquait à Racine. […] Racine est un pieu. […] Ils avaient raison de se fâcher, et de défendre Racine contre les « polissons » qui l’insultaient. […] Sophocle dessinait d’une main ferme le portrait d’Œdipe ; Racine marquait Phèdre de traits rigoureusement précis. Et je ne sache point que le chef-d’œuvre de Sophocle en soit diminué, pas plus que le chef-d’œuvre de Racine… D’ailleurs, il convient d’ajourner son jugement.
Quant au symbole, très justement le critique remarque sa perpétuelle utilisation ; tout beau poème est un symbole ; une tragédie de Racine peut, étant une étude du jeu des passions, être considérée comme symbolique. […] Si l’on pousse plus loin l’investigation on découvre que les vers sont ainsi scandés : 3 3 3 3 Oui je viens | dans son temple | adorer | l’éternel 2 4 2 4 Je viens | selon l’usage | antique | et solennel soit un premier vers composé de quatre éléments de trois pieds, ou ternaires ; et un second vers scandé : 2, 4, 2, 4 — Il est évident que tout grand poète ayant perçu d’une façon plus ou moins théorique les conditions élémentaires du vers, Racine a, empiriquement ou instinctivement, appliqué les règles fondamentales et nécessaires de la poésie, et que c’est selon notre théorie que ses vers doivent se scander. […] Des deux côtés, l’influence toute puissante de Racine a vécu.
L’amour maternel eût plané sur toute la pièce, déployant son courage avec ses craintes, ses forces avec ses douleurs ; Shakespeare n’eût pas hésité à faire paraître l’enfant, comme Racine devenu plus hardi l’a fait ensuite dans Athalie. Toutes les émotions du spectateur auraient été attirées vers un seul point ; on eût vu Andromaque, plus active, essayant, pour sauver Astyanax, d’autres moyens que « les pleurs de sa mère », et ramenant toujours, sur son fils et sur elle, une attention que Racine a trop souvent détournée sur les moyens d’action qu’il était contraint de puiser dans les vicissitudes de la destinée d’Hermione. […] Ce terrain n’est pas celui de Corneille et de Racine ; ce n’est pas celui de Shakespeare ; c’est le nôtre ; mais le système de Shakespeare peut fournir, ce me semble, les plans d’après lesquels le génie doit maintenant travailler.
Racine & Boileau, tous deux de ses amis, pour rendre ridicule à ses yeux la requête de l’université, imaginèrent cet arrêt brulesque qu’ils dressèrent conjointement, & dans lequel Aristote se plaint de ce que, « depuis quelques années, une inconnue, nommée la Raison, auroit entrepris d’entrer, par la force, dans les écoles de la dite université ; &, pour cet effet, à l’aide de certains quidams factieux prenant le surnom de Gassendistes, Cartésiens, Mallebranchistes, & Pourchotistes gens sans aveu, se seroit mise en état d’en expulser le dit Aristote, ancien & paisible possesseur desdites écoles, contre lequel elle & ses consorts auroient déjà publié plusieurs livres, traités, dissertations, & raisonnemens diffamatoires ; voulant assujettir ledit Aristote à subir devant elle l’examen de la doctrine, ce qui seroit directement opposé aux loix, & coutumes de ladite université, où ledit Aristote auroit toujours été reconnu pour juge sans appel, & non comptable de ses opinions. » L’arrêt fut mis avec quelques expéditions que le premier président avoit à signer ; mais il s’apperçut de la plaisanterie : « A d’autres, dit-il en riant, & jettant le papier au nez de la personne qui le lui avoit présenté : voilà un tour de Despréaux. » Ce tour comique, à ce qu’avoua depuis ce magistrat, sauva un arrêt fort sérieux qu’eut pû donner le parlement. […] Parmi les élèves qui s’y formèrent, on compte les Bignon, les Harlai, les Bagnol & l’illustre Racine. […] On en exhuma les corps pour les transporter ailleurs : ceux de Le Maître & de l’immortel Racine sont dans l’église de saint Etienne du mont, à la cave de saint Jean-Baptiste.
Il n’en alla plus ainsi dès qu’il voulut étendre sa galerie et portraiturer un Voltaire, par exemple, un Molière, un Racine. […] Faut-il rappeler le cantique de Racine tiré de l’épître de saint Paul aux Romains : Mon Dieu, quelle guerre cruelle ! Je trouve deux hommes en moi… Racine souffre de cet état. […] En dehors des quatre écrivains que j’ai nommés, ses goûts allaient aux tragédies de Racine, à la Princesse de Clèves, à Manon Lescaut, et, plus près de nous, à Flaubert, auquel il reprochait pourtant ses surcharges, son coloris plaqué, ses cynismes, — ainsi la dernière visite de Mme Arnoux à Frédéric dans l’Éducation, — à Baudelaire.
Libre, sauvage et indomptée dans ses forêts de la Gaule, sacerdotale sous ses druides, chevaleresque sous ses Francs, féodale sous ses chefs militaires, municipale sous ses communes, monarchique sous ses rois, représentative sous ses états généraux, conquérante sous ses princes ambitieux, artistique sous ses Valois, fanatique sous ses ligueurs, anarchique dans ses dissensions religieuses, unitaire sous ses Richelieu et sous ses Louis XIV, agricole sous ses Sully, industrielle sous ses Colbert, lettrée sous ses Corneille et ses Racine, théocratique sous ses Bossuet, philosophe et incrédule sous ses Voltaire, réformatrice et révolutionnaire sous ses Fénelon et ses J.
Tels furent les véritables grands hommes dans l’antiquité et dans tous les temps, les Homère, les Aristote, les Socrate, les Cicéron, les Solon, les Virgile, les Raphaël, les Michel-Ange, les Shakespeare, les Racine, les Fénelon, les poètes, philosophes, législateurs, hommes d’État, orateurs, artistes, chez lesquels une imagination grandiose était en rapport exact avec une infaillible raison.
(Racine.)
Comme si les vers de Racine les plus pleins de lumière n’étaient pas aussi les plus mystérieux.
Après le règne de Louis XIV, on s’avise que de grands écrivains font autant pour la gloire d’un peuple que de grands capitaines ou de grands diplomates ; on s’aperçoit que les Corneille, les Molière, les Racine ont opéré des conquêtes plus durables que celles du grand roi, et si Voltaire peut traiter presque d’égal à égal avec des têtes couronnées, en sa qualité de roi de l’opinion publique, s’il a des correspondants et des flatteurs parmi les souverains d’Europe, il doit en partie ce prestige au souvenir de ses illustres devanciers, à l’admiration qu’ils ont inspirée, à la haute idée qu’ils ont donnée des droits sacrés du génie.
—Tristan quand Isolde conte à Brangœne ses rages, que sont ces musiques, sinon les exactes, rigoureuses, logiques et terriblement vivantes notations d’états d’âme … Mais faire de la musique qui soit une psychologie, c’est faire ce qu’ont fait (à peu près seuls) Beethoven et Wagner, c’est être de la taille de Beethoven, Wagner, Stendhal et Racine.
Ce qu’est le drame ; Shakespeare, Racine, Corneille, Molière, M.
Les Descartes, les Malebranche, les Pascal, les Corneille, les Racine, les Moliere, les Lafontaine, les Despréaux, les Bossuet, les Fénélon, les Bourdaloue, & tant d’autres, n’ont-ils pas reçu de ma part les hommages dus à la supériorité de leurs talens & au véritable honneur qu’ils font à la Nation ?
Il reprend par sa belle vie le sens de la tradition ; il s’éprend naturellement de Racine et de Chénier ; il écrit d’admirables églogues d’une pureté classique ; il devient enfin, tous les jours, plus vigoureusement organisé. » L’heure de volupté s’écoule, insaisissable, Comme l’eau qu’illumine un long rayon du soir, Et mon âme, sachant que tout est périssable, Comprend la vanité même du désespoir… Le chant du rossignol module sa tristesse Et lui donne l’extase ardente du sanglot ; Car tous les bruits du soir ont accru son ivresse : Chants, feuillages froissés, vent sonore sur l’eau.
Qu’on relise le récit de Chicaneau dans les Plaideurs : ce sont des procès qui s’engrènent dans des procès, et le mécanisme fonctionne de plus en plus vite (Racine nous donne ce sentiment d’une accélération croissante en pressant de plus en plus les termes de procédure les uns contre les autres) jusqu’à ce que la poursuite engagée pour une botte de foin coûte au plaideur le plus clair de sa fortune.
Sur le devant du théâtre, Bossuet, Boileau, Racine, tout le chœur des grands écrivains jouaient la pièce officielle et majestueuse.
Ronsard serait remplacé par Ponthus de Thyard, Corneille par son frère, Racine par Campistron, Lamartine par M. de Laprade, Victor Hugo par M. […] Après avoir compulsé des dictionnaires et des manuels, je ne voyais de possibles Sophocles que les deux Robert Garnier, nés à la Ferté-Bernard, quand je songeai à Racine.
En vain, la misère et le haillon envahissent la comédie errante, cherchez bien dans ce silence, dans cette pauvreté, dans cet abandon, dans cet hôpital, dans ce rendez-vous des comédiens qui invoquent le pain et l’habit, le victum et le vestitum que promettait saint Paul à ses disciples, vous retrouverez l’odeur des cuisines fermées, des bouteilles brisées le bruit des gaietés envolées, le vestige, en un mot, de l’œuvre des maîtres, et je ne sais quel parfum d’atticisme qui vous fait deviner que Molière et Racine, Lesage et Corneille, quelquefois même Mozart et Rossini ont passé par ces ruines. — « Esclave, va-t’en dire que tu as vu Marius assis sur les débris de Carthage ! […] Grand danger de traduire les comédies des vieux peuples ; on ne traduit pas l’esprit et la gaîté des siècles devanciers ; la plupart du temps on n’en sait rien, on ne s’en doute pas, tout vous échappe, ou bien, s’il est en effet, dans l’œuvre traduite, quelqu’un de ces traits vifs, acérés et très vrais, tirés de l’âme humaine, qui sont de tous les pays et de tous les siècles, alors nouvel embarras pour le malheureux traducteur : il se trouve en effet que depuis longtemps ce passage de l’œuvre que vous ravaudez, avec tant de peine et si peu de récompense, a été pris et enlevé par un homme de génie nommé Molière, ou Racine, ou tout simplement Plaute, Térence, ou comme nous le disions tout à l’heure, par le poète Lucrèce ! […] — En résumé, ceci est une comédie, tout comme les Provinciales, au dire de Racine lui-même, étaient une comédie ; disons mieux, c’est une comédie comme le Mémoire de Beaumarchais contre M. l’avocat-général Bergasse qui n’en est pas mort, non plus que Fréron n’est mort de l’Écossaise et des autres violences de Voltaire : la comédie grecque, en effet, c’est le pamphlet politique transporté sur le théâtre avec l’assaisonnement excellent d’une observation nette et vive, d’une peinture hardie et fidèle, d’une malice ingénieuse et piquante ; malheureusement, depuis qu’Aristophane a fait la joie de ce peuple, sans rivaux dans les arts du goût et de l’esprit, cet esprit s’est entouré d’obscurité, cette observation se perd dans le nuage ; le temps dégradé ce portrait fidèle du peuple athénien. […] — La bonne et amusante scène des Guêpes a été prise par Racine dans Les Plaideurs. […] Sans le savoir, il frayait à la littérature de ce pays, un sentier que ni Boileau, ni Corneille et ni Racine, ni Molière, et La Fontaine lui-même n’auraient osé tracer à leurs survivants… le sentier de la licence poétique, de la vie facile, des amours vulgaires, des joies de la taverne et des amours débraillés.
Et quand on égalerait Fénelon dans la prose, Racine ou Voltaire dans la poésie, serait-on dispensé de garder un ton modéré, à moins qu’il ne fût question de défendre l’innocence calomniée ?’ […] Si Racine doit à Tacite la belle scène entre Agrippine et son fils, Corneille doit à Sénèque celle d’Auguste et de Cinna (Voyez le chapitre IX du premier livre). […] tu t’es immortalisé par une multitude d’ouvrages sublimes dans tous les genres de littérature ; ton nom, prononcé avec admiration et respect dans toutes les contrées du globe policé, passera à la postérité la plus reculée et ne périra qu’au milieu des ruines du monde ; tu es le premier et seul poëte épique de la nation ; tu ne manques ni d’élévation ni d’harmonie ; et si tu ne possèdes pas l’une de ces qualités au degré de Racine, l’autre au degré de Corneille, on ne saurait te refuser une force tragique qu’ils n’ont pas ; tu as fait entendre la voix de la philosophie sur la scène, tu l’as rendue populaire. […] Dans l’année où les seigneurs d’Angleterre avaient accompagné à Westminster, parmi la sépulture des rois, à côté de l’urne de Newton, les cendres de Garrick, acteur qui devait sa célébrité à sa manière de rendre les poëmes de Shakespeare, on refusait à Paris une poignée de terre, un coin de cimetière, à l’émule de Corneille et de Racine.
Un exemplaire des Sentiments de l’Académie sur le Cid, aux armes du cardinal de Richelieu ; une Esther offerte par Racine à Mme de Maintenon, avec dédicace de la main de l’auteur : — qui resterait indifférent, à regarder et à toucher de tels volumes, qu’ont feuilletés des doigts augustes ? […] Voici les premiers caractères d’imprimerie par lesquels s’est révélée, est devenue « matérielle, publique et durable » la pensée de Corneille, de Racine et de Molière. Et l’on évoque aussi, à feuilleter tel exemplaire, Mme de Sévigné ou Mme de Lafayette qui descend de sa chaise ou de son carrosse, devant la boutique de Barbin, pour acheter un Corneille ou un Racine. […] Il emprunte à l’Iliade et à l’Odyssée, à l’Énéide, aux Évangiles, à la Légende dorée, à Corneille et à Racine, les anecdotes et les personnages ou, mieux, le commencement de ses récits.
Un volume de Racine. […] je raye toute ma première liste, et je n’y laisse guère que Racine et Renan. […] Là, vous jouerez des pièces classiques ; et, le jeudi, vous ferez œuvre de pédagogie officielle en récitant Racine et Molière devant les collégiens.
Victor Hugo, en 1830, était un homme nouveau qu’on acclamait avec enthousiasme ; c’était un libérateur, c’était un envoyé de Dieu pour les gens fatigués d’admirer Racine ; ils trouvaient dans ses livres une nourriture qui les changeait de l’éternel bouilli ; c’était, sur la table, le faisan paré de toutes ses plumes ; mais, hélas ! […] Buchon justifie donc le réalisme par l’histoire même de l’art, qui est plutôt une histoire de fous et de gens faibles qu’une histoire de gens raisonnables et forts : le Tasse, Raphaël, Racine, Nourrit, Gros, J. […] Victor Hugo, en 1830, était un homme nouveau qu’on acclamait avec enthousiasme ; c’était un libérateur, c’était un envoyé de Dieu pour les gens fatigués d’admirer Racine ; ils trouvaient dans ses livres une nourriture qui les changent de l’éternel bouilli ; c’était, sur la table, le faisan paré de tontes ses plumes ; mais, hélas !
Avec son organisation délicate et fine, avec ses instincts de simplicité et de mélodie, il est permis de conjecturer que, nourri à une meilleure époque, plus loin de Trianon, et venu du temps de Racine, il aurait été un élégiaque parfait.
Non ; ces accents supérieurs, qui sont l’immortelle poésie de Pindare, d’Homère, de Virgile, de Pétrarque, de Racine, de David, et de quelques lyriques spiritualistes de nos jours, que je nommerai peu parce qu’ils vivent et chantent encore au milieu de nous, ces sublimités de la poésie divine ou humaine ne sont pas à la portée de la main badine et épicurienne d’Horace.
On fit le même reproche à Raphaël, on le fit à Mozart, on le fait à Racine, on le fait à Rossini.
L’enfant répond par les vers de Racine : Comme vivent les oiseaux, ma mère.
Boileau parlant à Racine. « On voit bien que l’Opéra est l’ébauche d’un grand spectacle ; il en donne l’idée ; mais je ne sais pas comment l’Opéra, avec une musique si parfaite et une dépense toute royale, a pu réussir à m’ennuyer. » Qui s’exprime ainsi ?
Eh bien non, je n’admets pas que le génie de Wagner, pas plus que celui d’un autre, ne puisse se révéler que dans un petit coin de la terre et à quelques douzaines d’initiés : le génie est le génie, la lumière est la lumière, une étoile se voit de partout ; c’est une question de hauteur, Shakespeare, Goethe, Molière, Dante, Corneille, Raphaël, Racine, Homère, Virgile, Weber, Schiller, Beethoven, Mozart, sont beaux sous toutes les latitudes, dans tous les musées, tous les théâtres, toutes les bibliothèques ; inutile de voyager pour les admirer.
Avec l’évolution des genres qu’amènent les siècles, et dans laquelle est en train de passer au premier plan le roman, qu’il soit spiritualiste ou réaliste ; avec le manque prochain sur la scène française de l’irremplaçable Hugo, dont la hautaine imagination et la magnifique langue planent uniquement sur le terre-à-terre général ; avec le peu d’influence du théâtre actuel en Europe, si ce n’est dans les agences théâtrales ; avec l’endormement des auteurs en des machines usées au milieu du renouveau de toutes les branches de la littérature ; avec la diminution des facultés créatrices dans la seconde fournée de la génération dramatique contemporaine ; avec les empêchements apportés à la représentation de pièces de purs hommes de lettres ; avec de grosses subventions dont l’argent n’aide jamais un débutant ; avec l’amusante tendance du gouvernement à n’accepter de tentatives dans un ordre élevé que de gens sans talent ; avec, dans les collaborations, le doublement du poète par un auteur d’affaires ; avec le remplacement de l’ancien parterre lettré de la Comédie-Française par un public d’opéra ; avec… avec… avec des actrices qui ne sont plus guère pour la plupart que des porte-manteaux de Worth ; et encore avec des avec qui n’en finiraient pas, l’art théâtral, le grand art français du passé, l’art de Corneille, de Racine, de Molière et de Beaumarchais est destiné, dans une cinquantaine d’années tout au plus, à devenir une grossière distraction, n’ayant plus rien de commun avec l’écriture, le style, le bel esprit, quelque chose digne de prendre place entre des exercices de chiens savants et une exhibition de marionnettes à tirades.
LITTÉRATURE FRANÇAISE Cycle de Charlemagne Cycle d’Arthur Charles d’Orléans Villon Poème chevaleresque Poème satirique Fabliaux Bibles Romans Joinville Froissart Commynes Mystères Farces D’Aubigné, Rabelais, Calvin, Marot, Montaigne, Ronsard, Malherbe, Régnier Les familiers de l’hôtel Rambouillet, Corneille, Descartes, Balzac, de Sales, Retz, La Rochefoucauld Pascal, Racine, Molière, Boileau, La Fontaine, Bossuet, Fénelon, Malebranche, Saint-Simon, de Sévigné, La Bruyère Montesquieu, Buffon, Voltaire, Diderot, Rousseau, Lesage, Prévost, Delille, Bernardin de Saint-Pierre, Danton, Robespierre Chateaubriand, Chénier, les auteurs de l’Empire Lamartine, Béranger, Vigny, Hugo, Musset Baudelaire, Balzac, Dumas, Sand, Thiers, Michelet, etc.
Racine lui-même, notre plus grand poète, n’est que le plus mélodieux des symphonistes, qu’on peut entendre au théâtre, ou qu’on peut lire comme on écoute, dans le silence de l’âme, la musique des langues.
Ce Jésuite fut le Corneille de la Chaire, comme Massillon en a été depuis le Racine.
Racine et Molière, qui ne s’aimaient pas, se turent l’un sur l’autre, et on leur sut gré de cette convenance morale. […] Corneille à ses débuts parut irrégulier à d’Aubignac et à l’Académie ; Racine, en commençant, fut jugé fade et amollissant par les amateurs de Corneille.
De grands génies consacrent cette formule, Corneille, Molière, Racine. […] On leur doit la belle ordonnance et l’ampleur solennelle de la tragédie de Racine, les périodes magnifiques des oraisons de Bossuet, la logique et le bon sens génial de Boileau. […] Racine vivait à la fin en petit bourgeois. […] Regretterez-vous le temps où l’on bâtonnait Voltaire, où Racine mourait d’une bouderie de Louis XIV, où toute la littérature était aux gages d’une noblesse brutale et imbécile ? […] Ronsard, Malherbe, Corneille, Racine, Molière, La Fontaine, puis le groupe des lyriques de notre siècle, Musset, Hugo, Lamartine, Gautier, d’autres encore.
Vous connaissez ces pièces dites À propos que l’on joue en France, au Théâtre-Français ou à l’Odéon, pour l’anniversaire de Corneille, de Racine, de Molière. […] Racine en frémirait d’horreur ; mais M. […] C’est ce que nous aimons le plus, nous autres Français : c’est profond et ingénieux ; c’est une tragédie de Racine. […] C’est bien simple : « Les personnages de Racine ne se comprennent que par ce qu’ils expriment », et il faudrait qu’ils fussent compris par ce qu’ils seraient incapables d’exprimer. […] Il y a eu une « contagion » qui a porté le nom de Racine, et je doute que M.
Paul Verlaine, remplacerait avantageusement Racine, Victor Hugo, et M. […] » et « Racine et Moi ! […] en attendant Ronsard et Racine : ce « pélerin passionné » découvrait successivement toutes les littératures et tous les temps — et sans se rencontrer soi-même. […] Moréas le protéique n’est plus même « roman » : il a rencontré Malherbe, et Racine « en qui nous devons chercher les règles du vers et le reste ». […] Si des poèmes dialogués tels que Déïdamia ou Diane au bois 89 emprunte de scandantes qualités techniques, le poème Hérodiade est en même temps une scène dramatique il la manière de pureté d’un Racine : une action dont le geste est tout intellectualisé.
Que si vous faites fi d’un Mécène ou d’un Médicis, lesquels d’ailleurs ne courent pas les rues, songez du moins à une Laure ou à une Béatrix, ou encore ayez, s’il se peut, à côté de vous, ce connaisseur attentif et habituel, ce parfait ami littéraire qu’était Tibulle ou Quintilius à Horace, Horace à Virgile, Despréaux à Racine et à Molière, Gœthe à Schiller lui-même.
Fénelon, Pascal, Racine, sainte Thérèse, Job et Virgile s’entremêlent sans cesse ; il est vrai que tout à côté l’auteur compare avec délectation Delille et Saint-Lambert, qu’il groupe ensemble Léonard, Florian et Berquin, comme ne formant à eux trois qu’un seul génie ; Goethe, par son Werther, lui paraît pourtant supérieur.
. — Je portai la quatrième volume de Bernardin et Racine ; je m’ouvris à la mère, que je trouvai dans la salle à mesurer de la toile.
Dites plutôt un avocat à gages, qui plaide à tant par heure, un l’Intimé, comme dans Racine.
Le poète érotique a dit : Je vois le bien, je l’aime, et le mal me séduit ; et l’Apôtre si élégamment traduit par Racine a dit : Je ne fais pas le bien, que j’aime, Et je fais le mal, que je hais. » IV Le christianisme lui-même est évidemment sorti de cette universelle tradition du monde, car son premier nom fut Rédemption.
N’aime pas qui veut ; il ne m’a rendu bien plus que justice qu’après sa mort, dans ses Mémoires posthumes, où il me plaça comme poète au rang de Virgile et de Racine, et comme homme politique plus haut que mon siècle ne m’a placé.
Rousseau dans ses Odes religieuses, Racine dans Athalie, se sont montrés poëtes lyriques ; ils étaient nourris des psaumes et pénétrés d’une foi vive ; néanmoins les difficultés de la langue et de la versification française s’opposent presque toujours à l’abandon de l’enthousiasme.
Ainsi au temps de Louis XIV, la flatterie se gonfle en hyperboles énormes, quand Boileau s’écrie : Grand roi, cesse de vaincre ou je cesse d’écrire ; quand l’Académie met au concours ce sujet : De toutes les vertus du prince laquelle mérite la préférence ; quand la même Académie reçoit comme un de ses membres, le duc du Maine, âgé seulement de treize ans, mais bâtard du roi ; quand Racine l’assure que, s’il n’y eût pas eu de place vacante, chacun des académiciens existants aurait été heureux de mourir pour lui en faire une.
Il est Beethoven, et le Vinci, et Racine, et Tolstoï, et Wagner, il les est, le Mage Divin.
Par parenthèse, il n’y a rien qui console de la nécessité de mourir comme ces livres-là, je dis comme tous ces livres-là, qu’ils soient fortement teintés de science médicale, comme les psychologies modernes, qui sont des psychopathologies sous prétexte d’être des psychiatries, — ou qu’ils soient simplement mondains, tout simplement profonds, comme ceux de La Rochefoucauld, de La Bruyère ou de Racine. […] Autrefois, des faiblesses des grands hommes on en disait juste ce qu’il fallait pour les bien faire comprendre : « Racine, nerveux, sensuel, ardent, jaloux, irritable, assez mauvais caractère. […] Un critique du xviiie siècle dont le nom me fuit trouvait lourd et inharmonieux le vers de Racine : Et sa miséricorde à la fin s’est lassée, et proposait d’y substituer : Et sa longue clémence à la fin s’est lassée, lequel est affreux. […] Racine se trouvait avoir fait un vers romantique, un vers moderne, large et ample, avec un mot remplissant un hémistiche et supprimant un des quatre repos, et cela blessait l’oreille de l’aristarque. […] Il a fait Molière et Shakespeare ; il a fait Racine et Victor Hugo ; il nous donne aujourd’hui Bossuet et Monod.
Le jeune homme parlait avec fougue, non seulement des auteurs à la mode, mais encore des grands maîtres, tels que Corneille et Racine. […] » Eugène Delacroix, en effet, n’admettait pas qu’on eût écrit en français depuis la mort de Racine. […] On dirait une ode de Ronsard, achevée par un chœur de Racine.
Les références d’Aimée dans le passé, je les vois auprès de Racine, des héros duquel François a si bien connu « l’ennui », auprès de La Princesse de Clèves à cause du caractère de musique de chambre de la psychologie, auprès de Dominique aussi en raison de certains paragraphes où il semble que tendrement étouffés les élans finissent en sourds sanglots, qu’au passage des oiseaux abaissent leur vol, mais par-dessus tout auprès de cet Andantino du Quatuor de Debussy où le son reste toujours si fidèlement proche de la ligne des sentiments qu’une inexprimable beauté linéaire à son tour l’en récompense. […] Voir les sentiments — et avant tout les siens propres — devant lui ; les voir exactement à la manière dont il nous dit de Bach « qu’il fallait qu’il les vît tous devant lui, bien séparés, bien purs, bien sincères », (et c’est pourquoi — et sur ce point aussi les conférences de Suisse nous enrichiront de nuances subtiles et variées — nul mieux que Rivière ne comprenait Racine, le grand maître des sentiments abstraits ; c’est pourquoi est irréparable la perte de cette Vie de Racine dont un soir chez lui-même l’an dernier nos insistances lui avaient arraché la promesse) ; mais voir les sentiments ainsi, on ne le peut que si l’on détient « un certain don contemplatif, une certaine pureté de regard » que notre ami discernait en lui et dont il pensait qu’ils pouvaient peut-être devenir son originalité136. […] Il débuta par un essai sur la poésie de Racine — paru en 1902 dans la New Quarterly Review — qui est un modèle de discernement et de sagesse critique et qui constitue la première justice rendue en Angleterre au génie racinien. […] Dans Les Provinciales, pour reprendre le mot de Chateaubriand, Pascal « fixe la langue que parlèrent Bossuet et Racine » [Le Génie du christianisme, III, 2, chap. 6.
Je pourrais à la rigueur concevoir un Racine, un Corneille, un Shakespeare, un Lope de Vega, un Calderon uniquement romanciers ou poètes épiques ou poètes lyriques ; mais il nous est impossible de concevoir Molière, à n’importe quelle époque de l’histoire où nous le placions, écrivant autre chose que des comédies. […] Et si Port-Royal revendique Racine, que pourrait aussi revendiquer le Collège de Beauvais, Louis-le-Grand a eu, pour n’en citer que deux, Molière et Voltaire. […] Il n’a jamais eu la bonne foi des Corneille et des Racine qui nous indiquaient eux-mêmes leurs « sources » et qui s’excusaient très simplement des modifications qu’ils avaient cru devoir apporter à l’histoire ou à la légende. […] Du livre de la Bible il a supprimé, comme l’eût fait un Corneille ou un Racine, les détails réalistes, presque toute la couleur locale, l’histoire de Noémi, sa parenté avec Booz qui autorise Ruth à le prier de la prendre pour femme, son adroite politique, lorsqu’elle recommande à sa belle-fille « de mettre ses plus beaux vêtements, et de s’oindre, puis de ne pas se laisser apercevoir de Booz avant qu’il ait achevé de manger et de boire, et d’aller ensuite s’étendre à ses pieds ». […] S’imagine-t-on que tout soit parfait même dans les plus belles scènes du divin Racine, qu’on n’y soulignerait aucun prosaïsme, aucune épithète défaillante ?
Parlant de Virgile et de Racine, Lamennais remarque que « les lignes de leur style ondulent avec la même pureté, la même finesse, la même grâce exquise, que celles des plus belles statues grecques31 ». […] Dans ce vers de Racine qu’admirait tant Flaubert, La fille de Minos et de Pasiphaë ! […] Voir le développement de l’opinion contraire par Paul Janet, La psychologie dans les tragédies de Racine.
La littérature n’est donc pas près de périr dans la patrie de Racine et de Fénelon, de Voltaire et de Montesquieu. […] ce goût pour le beau, pour la représentation des grands côtés de la nature humaine, peut parfois amener quelque confusion dans l’art, y faire passer çà et là l’emphase et la fausse grandeur avant la vérité ; mais, en somme, il explique comment un siècle, un pays, un souverain, se maintiennent à ces hauteurs où respirent à l’aise l’héroïsme et le génie, et lèguent au monde les noms de Corneille et de Bossuet, de Racine et de Molière, de Condé et de Turenne. […] Quand on mène dans de pareilles fondrières la poésie et la langue de la Fontaine et de Molière, de Racine et de Voltaire, on n’est plus justiciable que d’un immense éclat de rire ; et peu importe que cet éclat de rire soit catholique, protestant, juif, mahométan ou sceptique, pourvu qu’il mette un peu de bon sens au service d’un peu de bon goût.
Il faudrait, entre autres, éliminer presque tout le théâtre de Racine car je défie M. […] Aussi je n’admire vraiment comme dramaturges en France que Racine et Alfred de Musset. […] Jullien a voulu dire que la forme même du vers suffisait à dénuer de vie une œuvre d’art, il devra tenir pour inférieures non seulement les tragédies de Racine et beaucoup de comédies de Molière mais encore presque tout la théâtre de Shakespeare, Plaute et Térence chez les latins, Aristophane et les tragiques grecs — bien d’autres. […] Jullien admire Racine, Shakespeare, etc.
Et, pour accomplir un tel sacrifice, il ne suffit pas d’avoir des aspirations à l’énergie, des velléités de foi, de relire les Evangiles, de citer l’Imitation : il faut être touché de la grâce comme le fut Racine, il faut être entièrement converti. […] Ici, c’est son éclectisme qu’il constate et qu’il éprouve le besoin de justifier : « Il m’est arrivé de scandaliser les gens en leur disant que je m’arrange de l’hiver comme de l’été, que je goûte également la solitude et la société de mes amis et que je trouve mon plaisir dans Racine aussi bien que dans Shakespeare, sans même éprouver le besoin d’instituer entre eux une comparaison. » Quelques lignes plus loin, dans cette préface du huitième volume des Études qui est son testament littéraire et philosophique, il ne se hasardera à mettre en doute le sens de certains mots consacrés qu’après avoir exagéré, pour les prévenir, les reproches qu’il encourra de ce fait : « Avisez-vous, par exemple, de demander ce que c’est que le progrès ou d’insinuer que l’humanité pourrait bien n’être qu’une abstraction, et vous verrez si l’on ne vous tient pas pour une ganache ou un pervers. » Ailleurs encore, dans un article où il osait s’attaquer à un absolu plus spécial, si l’on peut dire, mais qui recrute aussi ses fanatiques parmi les bons esprits : « Allez insinuer que la comédie est après tout un art limité et qui laisse de côté les choses les plus profondes et les plus élevées de la nature humaine, allez faire entendre que Molière n’est pas toujours égal à lui-même, qu’obligé de travailler vite il improvise trop souvent, qu’il a des négligences, des vices de diction : 0n vous regardera avec étonnement ou dédain, comme un esprit chagrin ou un faiseur de paradoxes… » N’êtes-vous pas frappé par la disproportion entre l’idée indiquée et la préoccupation de l’effet désastreux qu’elle ne manquera pas de produire ? […] Car enfin, je connais et vous connaissez une foule de gens instruits, cultivés, distingués, qui ne seront point scandalisés qu’on aime à la fois Racine et Shakespeare ; j’en connais même dont l’éclectisme est plus large et qui goûtent en même temps, par exemple, Scherer et l’une de ses bêtes noires, Baudelaire ou Théophile Gautier ; j’en connais encore qui ne s’étonneraient pas du tout, oh ! […] N’est-ce pas là le fond, la matière première qu’on retrouve dans les tragédies de Racine aussi bien que dans les sermons de Bossuet ?
Du moins, puisque nous arrivons à Racine et à Corneille, nous voici préservés ? […] Et lorsque, comme dit une héroïne de Racine, De l’austère pudeur les bornes sont passées, il y a encore de part et d’autre comme un respect attendri. […] qu’il aime mieux qu’une occasion se présente de remonter sur les hauteurs, vers Shakespeare, Musset, Corneille, Racine, Molière. […] Daniel Rochat L’histoire du théâtre a enregistré un certain nombre de batailles mémorables : bataille du Cid entre Richelieu et le public, bataille de Phèdre entre Racine et Pradon, bataille d’Hernani entre les classiques et les romantiques ; en voici une nouvelle et qui fait grand vacarme : la bataille de Daniel Rochat entre M.
Il fallait que Racine, lisant de l’Amyot à Louis XIV, en ôtât subtilement tout ce qui sentait le gaulois, et y substituât couramment le mot le plus français.
Oui, nous devons au romantisme d’avoir appris à comprendre et à sentir toutes les formes du beau : Homère et Virgile, Phidias et Michel-Ange, Raphaël et Rembrandt, Racine et Shakespeare, La Fontaine et Hugo, Mozart et Wagner.
Notre théorie, à nous, comme la théorie des anciens, c’est l’art pour le beau ; c’était la théorie d’Homère, la théorie de Platon, la théorie de Virgile, de Cicéron, celle de Milton, de Corneille, de Racine, de Voltaire, du Tasse, de Pétrarque, de Byron, de Chateaubriand, d’Hugo, dans les premières splendeurs matinales de leurs beaux génies.
Qu’est-ce que Racine, Voltaire, Rousseau, et tous nos Français efféminés et plagiaires, auprès de ce Sénèque retrouvé pour faire rougir les peuples de leur servitude, et pour faire trembler les tyrans de leur audace ?
Guillaume de Lorris, plus sage et plus discret que son continuateur, semble être de la noble famille des Racine et des Boileau, où la raison, loin d’être licencieuse, aurait plutôt peur d’être trop familière.
J’y veux bien reconnaître aussi, avec Marmontel, l’élégance, pourvu que ce ne soit pas celle que Marmontel refuse à Boileau, et qu’il admire au même degré dans Quinault et dans Racine ; et le coloris, pourvu qu’il s’agisse de l’art de mettre les objets dans le meilleur jour.
C’est le titre que lui donne Racine.
Que sont, pour notre peuple, Racine, Bossuet, Buffon, Fléchier ?
Toute époque particulière du développement littéraire de l’humanité perd d’ailleurs son importance exclusive quand on la compare à l’ensemble de ce développement : même les époques classiques, si justement admirées, ne sauraient marquer toujours, pour l’historien de la littérature, un point culminant ; elles peuvent être un plus parfait modèle pour l’étudiant, comme Racine est un plus parfait modèle que Corneille, et Corneille que Shakespeare, mais leur supériorité classique ne saurait constituer une supériorité esthétique absolue.
Rien ne prouve que n’importe lequel des personnages de Racine ou de George Sand, que l’Agamemnon même d’Eschyle, l’Électre de Sophocle, que les héros étranges de M.
Comme aujourd’hui elle va à la Comédie-Française entendre Molière et Racine parce qu’ils sont joués d’une façon continue.
La forme est pour lui la chose capitale, « ôtez, dit-il à tous ces grands hommes cette simple et petite chose, le style, et de Voltaire, de Pascal, de Boileau, de Bossuet, de Fénelon, de Racine, de Corneille, de La Fontaine, de Molière, de ces maîtres, que vous restera-t-il ?
La poésie d’Homère, de Virgile, d’Horace, de Racine, de Boileau, de J.
Les insipides amoureux de Racine languissent à côté d’une Phèdre ou d’une Hermione.
Car Racine, qui s’y connaissait en fait de sentiments et de passions, n’a jamais connu sa mère. […] Chez nous, dans la pièce de Racine, vous ne trouveriez pas Oreste : Oreste est trop petit, on l’a envoyé se coucher de bonne heure.
Racine, cet ami de cœur ! Racine ! La passion de Racine !
Je loue ceux qui conservent les éditions originales de nos classiques, de Molière, de La Fontaine, de Racine, dans leur maison illustrée par de si nobles richesses. […] Enfin, il m’a révélé des aspects nouveaux du génie de Racine, que pourtant je connais assez bien. […] On peut aimer en même temps Racine et Shakespeare.
Pour parler français il faut avoir dans l’âme un fonds de noblesse et de sincérité ; une âme vile, une âme menteuse, une âme jalouse ou même simplement turbulente, ne parlera jamais complètement bien cette langue des Bossuet, des Fénelon, des Sévigné, des Corneille, des Racine ; elle possédera quelques notes, jamais le clavier. » Cette belle sortie de Louis Veuillot contre ceux qui, sous prétexte de renouvellement, attaquent en ce moment la langue française et semblent chercher à en faire un incompréhensible patois, m’est rappelée par la lecture de l’œuvre nouvelle de M. de Maupassant. […] Corneille et Racine, Rossini et Meyerbeer sont de grands esprits dans des formes différentes, Gluck est demeuré et Piccinnid a disparu. […] Mme de Sévigné a dit que Racine « passera comme le café », Lamartine a dit que La Fontaine n’est pas un poète ; Rosine, Figaro, Chérubin, en compagnie du Loup et de l’Agneau, de la Cigale et de la Fourmi, de Phèdre et d’Andromaque, sont partis pour l’immortalité et n’en reviendront pas.
Le romantisme, ayant divinisé l’instinct et fait de la passion la seule règle de la vie et du style (tout en réduisant celle-là à ses gestes les plus désordonnés, ce qui eût fait frémir Racine, Euripide, et tous les véritables passionnés), il était à prévoir que tous les instincts, et les plus vils, et les plus stériles, y passeraient. […] Il ou elle unit, à la force de Pindare et à la finesse d’Horace, le chant homérique et virgilien, l’héroïsme de Corneille et la passion de Racine. […] Schwob le vit mourant, dans un hôtel meublé proche du Panthéon, un exemplaire de Racine sur sa table de nuit, auprès d’un litre de marchand de vin. […] C’est un blond animé, d’une suavité comparable à un vers de Virgile et de Racine, un blond auprès duquel tout paraît maussade et sombre, un blond tel que vu par un œil d’enfant partant pour une journée de plaisir, ou par une amoureuse courant à son rendez-vous.
Il préférait Racine à Shakespeare. […] Auprès de Racine, c’est un pédant, un janséniste ! […] Je ne veux rien dire de mal de son Othello, ni, pour ma part, de son Henry VIII, mais le nommer en même temps que Racine, lui, le cuistre, le sale gredin !
Au bout d’une des salles de la Mazarine un buste de lui existe en marbre, et fait pendant à celui de Racine ; j’ai souvent admiré le contraste, et je ne sais si c’est ce que l’ordonnateur a voulu marquer : ce sont bien certainement les deux esprits qui se ressemblent le moins, les deux écrivains qui se produisent le plus contrairement ; l’un encore tout farci de gaulois, cousu de grec et de latin, et d’une diction véritablement polyglotte, l’autre le plus élégant et le plus poli ; celui-ci le plus noble de visage et si beau, celui-là si fin.
Montrer le cœur humain, créer, en Angleterre, des caractères individuels, en France, des types généraux, est devenu pour le poète la grande chose, et si l’on a quelquefois exagéré dans Corneille et dans Racine cette connaissance de l’homme et ce talent pour le peindre, il faut avoir l’impertinente suffisance ou le coup d’œil superficiel de certains petits critiques allemands, pour ne pas reconnaître en ce genre une rare supériorité chez Molière.
Pour la première fois nous voyons un plan suivi, combiné, une intrigue complète qui a son commencement, son milieu et sa fin, des actions partielles bien agencées, bien rattachées, un intérêt qui croît et n’est jamais suspendu, une vérité dominante que tous les événements concourent à prouver, une idée maîtresse que tous les personnages concourent à mettre en lumière, bref, un art semblable à celui que Molière et Racine vont appliquer et enseigner.
Corneille était aussi fort, mais pas aussi divin ; Racine, moins philosophe et moins original.
Qu’ils assistent aux drames plus ou moins déclamatoires des grands ou petits poètes de la scène ; qu’ils applaudissent aux féroces ambitions des héros de cour ou de rue dans les cours et dans les cités ; qu’ils savourent bien la connaissance du cœur humain étalé devant eux, en horreur, en admiration ou en ridicule, par les Eschyle, les Corneille, les Racine, les Shakespeare, les Aristophane, les Térence ou les Molière, ces sublimes choristes des hommes rassemblés, c’est là leur lot à eux ; mais quant à Homère, et surtout à l’Homère de l’Odyssée, qu’ils y renoncent !
Pichot et Guizot, il n’y avait peut-être qu’après 1830 qu’on pouvait traduire Shakespeare dans une langue renouvelée, qui ne fût ni celle de Racine, ni celle de Voltaire, ni celle de ce pauvre Ducis, qui, avec un talent bien voisin du génie, n’avait pu rompre cette toile d’araignée de la vieille expression classique et y était mort étouffé.
Et quand je pense que Méry conseille fortement à la grande tragédienne, qui a fait le succès de cette pauvreté, de se garder comme de la peste de toucher aux tragédies de Corneille et de Racine, afin d’obliger les Parisiens à apprendre l’italien l’année prochaine ! On a dit, et l’ou continue à dire de Méry, qu’il était resté, malgré son extrait de naissance, un jeune poète et le poète des jeunes, et l’on a eu raison sur un point : Méry en est encore aux enfantillages de 1830, et pour lui, Racine sera toujours un polisson.
Pour être ému, il est indispensable de comprendre, et le temps qu’on passe à traduire est un réfrigérant pour l’émotion ; le plus beau poème chinois me laissera insensible si je ne sais pas le chinois, et si Mathurin Régnier, Racine, La Fontaine, Chénier, Victor Hugo, Lamartine et Musset n’avaient pas pris toutes ses clartés à la langue française ; ils ne seraient pas aujourd’hui encore, et pour longtemps, les plus grands poètes de notre pays. […] Je passe des récits, des anecdotes sur bien des gens, car le futur général a vu un peu tout le monde : la bru du grand Racine, Rivarol ; Delille, etc., il a couru les rues, les spectacles, Tivoli où il a vu le Polonais silhouettiste découpant des portraits en une minute, le chevalier de Saint-Georges ; il a nagé et fait des passades à l’école de natation du Pont-Royal, en compagnie du jeune duc de Chartres, de M. de Montpensier ; il a vu forcer un cerf rue Royale, par le comte d’Artois qui le poursuivait depuis le Bois de Boulogne avec ses équipages de chasse. […] Puis viennent les jeunes amitiés, avec Salteur, le chevalier Roze, Henry Costa de Beauregard ; puis c’est le barreau qui l’appelle et où il va parler cette belle langue que sa mère lui a apprise dès le berceau, en lui récitant des vers de Racine : « J’en savais, dit-il, des centaines de vers longtemps avant de savoir lire, et c’est ainsi que mes oreilles, ayant bu de bonne heure cette ambroisie, n’ont jamais pu souffrir la piquette. » Voici la mort de cette mère tant aimée ; il trouve pourtant un adoucissement à sa douleur dans la religion, et blâme sa sœur Jeannette poussant avec ses larmes des « imprécations sublimes » contre le ciel.
Il est cependant vrai que Racine parvient à l’expression de certaines précieuses nuances par le rapprochement heureux de deux mots, et moins peut-être par l’effet logique de leur combinaison, que par le reflet que l’un jette sur l’autre. […] Ils diront même qu’il s’y trouve beaucoup plus qu’on ne l’a dit de poésie ostensible, de poésie au titre légal ; que l’auteur de l’Ode au Loisir et des Larmes de Racine 86 n’a pas perdu le talent des beaux vers ; qu’il les sait faire encore, et qu’il a semé les Pensées d’Août d’un grand nombre de ces lignes de lumière, de ces banderoles éclatantes, dont la souplesse, l’ampleur, l’ondulation, la vive couleur, signalent les vers bien faits que tout le monde aime.
Je prends des exemples n’importe où, au hasard : quand Meyerbeer écrit les Huguenots, l’Africaine, c’est un jeune ; c’est un vieux quand, trente ans avant, il compose Almansor et Marguerite d’Anjou ; Rossini est jeune quand il écrit Guillaume Tell, il est vieux quand c’est : La Cambiale di matrimonio, opéra inconnu aujourd’hui ; Corneille est plus jeune quand il écrit le Cid que quand il fait jouer Mélite, Rude quand il sculpte le bas-relief de l’Arc de Triomphe que lorsqu’il modèle les bas-reliefs de la chasse de Méléagre, Hugo quand il écrit les Châtiments que lorsqu’il publie Han d’Islande, Verdi quand il donne Aida que quand il fait jouer Il Corsaro, Musset quand son génie lui inspire les Nuits que lorsqu’il écrit ses pastiches espagnols ; je m’arrête et les œuvres de Goethea, Molière, Racine et de tant d’autres sont là pour me donner raison. […] dit Phèdre ; et il semble que Racine nous la montre grande, droite, blanche comme un marbre antique, s’avançant comme Sapho, dans son éternelle beauté, à la rencontre de la mort. Tout réfléchi, et bien que les vers de Racine aient des points et des virgules et commencent tous par une lettre majuscule, je préfère de beaucoup sa façon de peindre et de sculpter, je dis : sculpter, puisqu’on ne doit plus écrire avec une plume.
Malherbe, ni plus ni moins, a rempli sa mission à son heure : « Grammairien-poète, ai-je dit moi-même autrefois, sa tâche, avant tout, était de réparer et de monter, en artiste habile, l’instrument dont Corneille devait tirer des accords sublimes, et Racine des accords mélodieux. » Il ne vint à Paris et à la Cour qu’en 1605.
Il y entendait parler de bien des choses, surtout de littérature, de Corneille et de Racine, de Geoffroy et de Voltaire, des Grecs et des Romains, de tout ce dont on causait volontiers alors, après les excès de la Révolution, avant le réveil de 1814, à l’ombre du soleil de l’Empire, « à cette époque, nous dit-il, où l’on avait de l’esprit, mais où l’on ne pensait pas. » Penser, en effet, c’est n’être jamais las, c’est recommencer toujours, et l’on avait horreur de rien recommencer.
Saint Paul l’a dit, Racine l’a chanté.