L’ame, indépendamment des plaisirs qui lui viennent des sens, en a qu’elle auroit indépendamment d’eux & qui lui sont propres ; tels sont ceux que lui donnent la curiosité, les idées de sa grandeur, de ses perfections, l’idée de son existence opposée au sentiment de la nuit, le plaisir d’embrasser tout d’une idée générale, celui de voir un grand nombre de choses, &c. […] L’exacte proportion de la fameuse église de Saint Pierre, fait qu’elle ne paroît pas d’abord aussi grande qu’elle l’est ; car nous ne savons d’abord où nous prendre pour juger de sa grandeur. […] Et par les mêmes paroles qui marquent la destruction de ce peuple, il fait voir la grandeur de son courage & de son opiniâtreté. […] Il la suppose instruite de ce grand mystere, & par-là lui fait soûtenir avec grandeur le spectacle de cette mort. […] Jules Romain dans sa chambre des géans à Mantoue, où il a représenté Jupiter qui les foudroye, fait voir tous les dieux effrayés ; mais Junon est auprès de Jupiter, elle lui montre d’un air assuré un géant sur lequel il faut qu’il lance la foudre ; par-là il lui donne un air de grandeur que n’ont pas les autres dieux ; plus ils sont près de Jupiter, plus ils sont rassûrés ; & cela est bien naturel, car dans une bataille la frayeur cesse auprès de celui qui a de l’avantage. . . .
Le diadème n’est rien aux yeux de l’orateur ; par lui, le pauvre est égalé au monarque, et le potentat le plus absolu du globe est obligé de s’entendre dire, devant des milliers de témoins, que ses grandeurs ne sont que vanité, que sa puissance n’est que songe, et qu’il n’est lui-même que poussière. […] Tout consiste en quelques oppositions vulgaires de la beauté, de la jeunesse, de la grandeur et de la mort ; et c’est pourtant sur ce fond stérile que Bossuet a bâti un des plus beaux monuments de l’éloquence ; c’est de là qu’il est parti pour montrer la misère de l’homme par son côté périssable, et sa grandeur par son côté immortel. […] « Fêtes sacrées, mariage fortuné, voile nuptial, bénédiction, sacrifice, puis-je mêler aujourd’hui vos cérémonies, vos pompes avec ces pompes funèbres, et le comble des grandeurs avec leurs ruines199 ?
Je ne sais rien même de si faible et de si vain que de fuir devant les vices, ou de les haïr sans mesure ; car on ne les hait jamais que parce qu’on les craint, par représailles ; ou par vengeance, parce qu’on en est mal traité ; mais un peu de grandeur d’âme, quelque connaissance du cœur, une humeur douce et tacite, empêchent qu’on en soit surpris ou blessé si vivement. […] … L’on sait assez que la gloire ne rend pas un homme plus grand ; personne ne nie cela ; mais, du moins, elle l’assure de sa grandeur, elle voile sa misère, elle rassasie son âme, enfin elle le rend heureux. […] Je ne juge pas du fond ; mais on serait fâché que Vauvenargues n’eût pas fait sa belle déclamation sincère, sa noble profession de grandeur idéale. […] Au risque de démentir ses propres conseils de tout à l’heure, il dira à Mirabeau : Il n’est pas facile de changer son cœur, mais il est encore plus difficile de détourner le cours rapide et puissant des choses humaines ; c’est donc principalement sur nous que nous devons travailler, et la véritable grandeur se trouve dans ce travail. […] L’on ne mesure bien, d’ailleurs, la force et l’étendue de l’esprit et du cœur humains que dans ces siècles fortunés ; la liberté découvre, jusque dans l’excès du crime, la vraie grandeur de notre âme ; là, la force de la nature brille au sein de la corruption ; là, paraît la vertu sans bornes, les plaisirs sans infamie, l’esprit sans affectation, la hauteur sans vanité, les vices sans bassesse et sans déguisement.
Ses malheurs même et la bataille de Pavie, où, à des fautes trop réelles, il mêla de la grandeur de caractère, durent ajouter à sa célébrité, en fixant sur lui les yeux de l’Europe, et devaient surtout intéresser un peuple qui pardonne tout pour le courage, et se rallie toujours au mot de l’honneur. […] Où trouve, en 1555, un éloge qui lui est adressé sur la grandeur de son règne. […] À l’égard de Henri II, son nom aujourd’hui ne réveille plus l’idée de grandeur. […] Elles servent encore à prouver qu’il y a dans les talents une grandeur personnelle, qu’on a crue quelquefois égale à celle des dignités. […] La nation en l’admirant, aimait à se persuader qu’on peut mêler la galanterie à la grandeur et que le caractère d’un Français fut en tout temps d’allier la valeur et les plaisirs.
Ainsi sa grandeur éclipsait tout. […] On peut donc lui reprocher d’avoir prodigieusement augmenté cette maladie épidémique des emprunts, qui devient de jour en jour plus mortelle ; d’avoir donné l’exemple de la multiplication énorme des impôts ; d’avoir aggravé tour à tour et la misère par le despotisme, et le despotisme par la misère ; de n’avoir jamais vu que je ne sais quelle grandeur imaginaire de l’État, qui n’est que pour le ministre, et dont le peuple ne jouit point ; et d’avoir sacrifié à ce fantôme les biens, les trésors, le sang, la paix et la liberté des citoyens. […] Il ne sera pas mis au rang sacré des Antonins : trop de maux se sont mêlés à sa grandeur. Il ne sera pas mis non plus parmi ces grands hommes d’état nés pour être conquérants et législateurs, puissants par leur génie, grands par leur propre force, qui ont créé leur siècle et leur nation, sans rien devoir ni à leur nation ni à leur siècle : cette classe des souverains n’est guère plus nombreuse que la première ; mais il en est une troisième qui a droit aussi à la renommée : ce sont ceux qui, placés par la nature dans une époque où leur nation était capable de grandes choses, ont su profiter des circonstances sans les faire naître ; ceux qui avec des défauts ont déployé néanmoins un esprit ferme et toute la vigueur du gouvernement, qui, suppléant par le caractère au génie, ont su rassembler autour d’eux les forces de leur siècle et les diriger, ce qui est une autre espèce de génie pour les rois ; ceux qui, désirant d’être utiles, mais prenant l’éclat pour la grandeur, et quelquefois la gloire d’un seul pour l’utilité de tous, ont cependant donné un grand mouvement aux choses et aux hommes, et laissé après eux une trace forte et profonde. […] Il sut, comme Auguste, employer les talents qu’il n’avait pas, et faire servir les grands hommes à sa renommée ; mais il fallait qu’Octave se servît de ses égaux pour sa grandeur, et leur persuadât qu’il avait droit à leurs victoires, quoiqu’il ne tînt ce droit que de leurs victoires même ; tandis que Louis XIV, armé de la souveraineté, commandait à des hommes qui lui étaient soumis, etc.
Au théâtre d’Athènes, toute une pompe lyrique venait surcharger et embellir pour la foule la grandeur même d’Homère, non sans l’altérer quelquefois. […] Mais, quel que fût l’effet du spectacle, ici l’éclat lyrique nuisait à la grandeur du drame, si pathétique entre deux personnages. […] Pour qui a respiré, même sur des ruines, le souffle créateur de la Grèce, quelle doit paraître en idée la magnificence d’un tel spectacle, la grandeur et la succession de ces trois états de la vie humaine personnifiés dans un témoin immortel ! […] Né vingt-huit ans après Eschyle, Sophocle cependant avait vu les mêmes grandeurs. […] C’est la perfection du naturel et de l’art, la grandeur simple et la pureté sublime.
car il en est du sujet d’Homère dans son ensemble comme de ces comparaisons même, si libres et si vastes, qu’il affectionne ; il suffit qu’elles marchent et qu’elles se dessinent par une partie essentielle ; le reste suit avec un certain désordre qui est le cortége de la grandeur ou de la grâce. […] Ce qui frappe aujourd’hui, c’est encore dans les traits généraux et dominants une grandeur terrible ; Jupiter, Neptune, Apollon, Minerve, ces dieux principaux, ne sont pas peints à faire sourire. […] Chez les Modernes, la grandeur et la vertu se trouvent trop habituellement séparées ; elles ne se rejoignent pour nous dans un seul rayon qu’à cette longue distance. […] Mais non, ce n’est nullement un pur effet de l’illusion et de la perspective : les Anciens avaient bien, je le crois, grandeur réelle et supériorité absolue, au moins quelques-uns, les bons, les meilleurs, comme ils disaient, ceux-là auxquels les autres obéissaient et servaient. Elle fut achetée bien cher cette grandeur de quelques-uns : qu’elle ne soit pas tout à fait perdue pour nous !
L’éloge d’une reine qui, par caractère, autant que par les circonstances, éloignée des grands intérêts et des affaires, n’a pu avoir qu’une grandeur modeste et des vertus presque obscures sur le trône, peut être difficilement piquant. […] Ici Fléchier, comme on l’a dit souvent, paraît au-dessus de lui-même ; il semble que la douleur publique ait donné plus de mouvement et d’activité à son âme ; son style s’échauffe, son imagination s’élève, ses images prennent une teinte de grandeur ; partout son caractère devient imposant. […] Tout à coup l’orateur s’arrête, il s’adresse au dieu qui dispose également et des vainqueurs et des victoires, et se plaît à immoler à sa grandeur de grandes victimes. […] Ne pouvant encore s’autoriser contre l’usage, il fit connaître à ses amis qu’il allait à l’armée faire sa cour qu’il lui coûtait moins d’exposer sa vie que de dissimuler ses sentiments, et qu’il n’achèterait jamais ni de faveurs, ni de fortune aux dépens de sa probité. » Je pourrais encore citer d’autres endroits qui ont une beauté réelle ; mais le discours en général est au-dessous de son sujet ; on y trouve plus d’esprit que de force et de mouvement ; on s’attendait du moins à trouver quelques idées vraiment éloquentes sur l’éducation d’un dauphin, sur la nécessité de former une âme d’où peut naître un jour le bonheur et la gloire d’une nation ; sur l’art d’y faire germer les passions utiles, d’y étouffer les passions dangereuses, de lui inspirer de la sensibilité sans faiblesse, de la justice sans dureté, de l’élévation sans orgueil, de tirer parti de l’orgueil même quand il est né, et d’en faire un instrument de grandeur ; sur l’art de créer une morale à un jeune prince et de lui apprendre à rougir ; sur l’art de graver dans son cœur ces trois mots, Dieu, l’univers et la postérité, pour que ces mots lui servent de frein quand il aura le malheur de pouvoir tout ; sur l’art de faire disparaître l’intervalle qui est entre les hommes ; de lui montrer à côté de l’inégalité de pouvoir, l’humiliante égalité d’imperfection et de faiblesse ; de l’instruire par ses erreurs, par ses besoins, par ses douleurs même ; de lui faire sentir la main de la nature qui le rabaisse et le tire vers les autres hommes, tandis que l’orgueil fait effort pour le relever et l’agrandir ; sur l’art de le rendre compatissant au milieu de tout ce qui étouffe la pitié, de transporter dans son âme des maux que ses sens n’éprouveront point, de suppléer au malheur qu’il aura de ne jamais sentir l’infortune ; de l’accoutumer à lier toujours ensemble l’idée du faste qui se montre, avec l’idée de la misère et de la honte qui sont au-delà et qui se cachent ; enfin, sur l’art plus difficile encore de fortifier toutes ces leçons contre le spectacle habituel de la grandeur, contre les hommages et des serviteurs et des courtisans, c’est-à-dire contre la bassesse muette et la bassesse plus dangereuse encore qui flatte.
On dit de Saint Pierre de Rome que les proportions y sont si parfaitement gardées que l’édifice perd au premier coup d’œil tout l’effet de sa grandeur et de son étendue, en sorte qu’on en peut dire, Magnus esse, sentiri parvus. […] Il semble qu’il eût mieux valu s’en écarter, et qu’il y aurait eu plus d’habileté à produire l’effet contraire, et à donner de la grandeur à une chose ordinaire et commune. […] On accorde que tout étant égal d’ailleurs, un homme mince et élancé paraîtra plus grand qu’un homme bien proportionné ; mais on demande encore quel est de ces deux hommes celui qu’on admirera davantage ; et si le premier ne consentirait pas à être réduit aux proportions les plus rigoureuses de l’antique, au hasard de perdre quelque chose de sa grandeur apparente. […] On réplique qu’il n’est pas étonnant que l’homme consente à perdre de sa grandeur apparente, en acceptant des proportions rigoureuses, parce qu’il n’ignore pas que c’est de cette exactitude rigoureuse dans la proportion de ses membres, qu’il obtiendra l’avantage de satisfaire le plus parfaitement qu’il est possible, aux différentes fonctions de la vie, que c’est d’elle que dépendront la force, la dignité, la grâce, en un mot la beauté dont l’utilité est toujours la base ; mais qu’il n’en est pas ainsi d’un édifice qui n’a qu’un seul objet, qu’un seul but.
Charlemagne et Napoléon sont deux noms qui frappent le même accord dans l’imagination des hommes, soit par la grandeur de leur fortune, soit par le pathétique éclat qui s’est attaché à quelques-uns de leurs revers. […] Après le couronnement de la victoire, l’Empire eut le couronnement des catastrophes, pour que tout fût complet dans sa destinée ; car la grandeur humaine ne s’achève que par le malheur, et les larmes des choses (lacrymæ rerum) ne doivent pas plus manquer à l’Épopée que les larmes des hommes au Drame… deux espèces de larmes différentes, que l’Empire, tour à tour Épopée et Tragédie, a su faire également couler ! […] Aujourd’hui, Belmontet vient à son tour se placer parmi tous ces poètes que la grandeur des gloires ou des mélancolies de l’Empire a fait chanter comme malgré eux. […] Le caractère du talent de Belmontet est une fougue âpre et non sans fierté, qui rappelle en plus d’un endroit la manière de Lebrun, le lyrique, auquel il reste supérieur par la grandeur des sujets qu’il traite et l’ardeur de ses sentiments.
Pour mon compte, je n’ai jamais cru à la grandeur divine de Gœthe. […] Je n’ai jamais admis non plus sa grandeur humaine. La grandeur humaine, c’est toujours du caractère ou du génie. […] Mais, si j’écarte la grandeur divine et humaine, j’ai très volontiers accepté Gœthe comme un cerveau d’une certaine force, comme doué jusqu’à un certain point d’imagination, de réflexion et de goût. […] Franchement, au point de vue de la grandeur et de la poésie, j’aime mieux Pascal.
Dans un œil dont l’éducation est complète, ces quatre choses : l’ajustement oculaire, l’étendue de l’image sur la rétine, la distance, la grandeur, se suggèrent les unes les autres. On sait qu’à mesure qu’un objet se rapproche, sa grandeur augmente ainsi que l’inclinaison des axes visuels. […] L’inclinaison des axes, accompagnée d’une image rétinale donnée, suggère d’abord la grandeur ; de la grandeur ainsi donnée et de la grandeur rétinale nous inférons la vraie grandeur. » Peut-être quelque intraitable adversaire de la métaphysique reprocherait-il à M.
On a vu des siècles où c’était le seul genre ; et ces siècles étaient ceux de l’oppression ou des succès, ceux de la tyrannie ou de la grandeur d’un maître. […] Les panégyriques doivent donc être tombés : on lit beaucoup moins d’oraisons funèbres : les dédicaces deviennent rares ; elles ne s’ennoblissent que lorsque la philosophie sait parler avec dignité à la grandeur, ou lorsque la reconnaissance s’entretient avec l’amitié. […] ayez de la grandeur. […] Mais soit que vous soyez éloquent, ou que vous ne le soyez point, soit qu’en célébrant les grands hommes vous preniez pour modèle ou la gravité de Plutarque, ou la vigueur de Tacite, ou la sagesse piquante de Fontenelle, ou de temps en temps l’impétuosité et la grandeur de Bossuet, n’oubliez pas que votre but est d’être utile. […] Non, le génie n’est pas fait pour trafiquer du mensonge avec la fortune ; il a dans son cœur je ne sais quoi qui s’indigne d’une faiblesse, et sa grandeur ne peut s’avilir sans remords.
Rousset nous en fait mieux apprécier que personne la nécessité, la justesse, la grandeur, et c’est à ce même moment qu’il se montre sévère ou un peu dédaigneux pour le monarque, lui si judicieux et si équitable envers tous ceux qui l’ont servi. […] Toutes ont un cachet de grandeur. […] C’était de bonne guerre : « Dieu (c’est dans la bouche de Louis XIV plus qu’une formule), Dieu, dit-il, favorisa mes desseins : les Hollandais, enivrés de leur grandeur et de leur puissance, demeurèrent dans un assoupissement presque léthargique pendant tout l’hiver. […] Mais c’est assez ; mieux vaut en rester sur une impression qui est un témoignage de la vraie grandeur du cœur. […] Le roi chez lui était le même que l’homme, et prêtait même de sa grandeur à l’homme.
Mais leur grandeur elle-même les rend inaccessibles. […] C’est une charmante et haute figure ; je ne puis pas l’examiner dans cette étude, mais je la décrirai un jour, il me suffit de dire maintenant quelle fut sa grandeur véritable et essentielle. […] C’est elle qui est le symbole de toute grandeur, de toute force, de toute beauté. […] Au contraire, la grandeur qui nous est enseignée ne dépend que de notre amour, de notre obstination et de notre innocence.
Il semble, en effet, qu’alors l’Écriture sainte, associée, avec tant de grandeur, aux cérémonies du culte, aux solennités funèbres et à tous les triomphes de la parole chrétienne, ait fait tort, même auprès des imaginations les plus savantes, à la poésie du chantre de Thèbes. […] Veut-il, par une singulière fantaisie, imiter, en l’honneur du duc de Vendôme, cette ode si élégante, si pure à la divinité favorite des Hellènes, aux Grâces, que Pindare invoquait, au nom d’un jeune vainqueur à la course, enfant de la belliqueuse ville d’Orchomène, où elles avaient un temple, Lamotte n’approche pas plus cette fois du tour noble et léger et de la dignité sereine du poëte, qu’il n’en avait ailleurs atteint la sublime grandeur. […] C’était un instinct de la grandeur sous toutes les formes, un goût pour les choses éclatantes, depuis les phénomènes de la nature jusqu’aux pompes de la puissance et de la richesse humaines ; c’était aussi ce ferme jugement, en contraste avec l’imagination éblouie, ce retour sévère et triste qui abat ce qu’elle avait d’abord admiré et se donne le spectacle de deux grandeurs également senties, celle du monument et celle de la ruine. […] On y verrait ce même art, ou plutôt cette création spontanée, cette création par le verbe du génie, sans matière préexistante, qui tire de soi la grandeur que les choses n’ont pas, en même temps que, d’instinct et sans hausser la voix, elle s’égale par la parole à tout ce qui est sublime dans la nature, ou dans l’homme. […] Eh bien, c’est dans l’éloge funèbre de ce bon gentilhomme que, mettant à la place de l’individu, qui n’est rien, la grandeur et la misère de l’humanité, Bossuet se complaît à dire : « Toutes les rivières ont cela de commun qu’elles viennent d’une commune origine, que, dans le progrès de leur course, elles routent leurs flots en bas par une chute continuelle, et qu’elles vont perdre leurs noms, avec leurs eaux, dans le sein immense de l’Océan, où l’on ne distingue plus le Rhin ni le Danube7 d’avec les rivières les plus inconnues.
Voilà, ajoute L’Estoile dans un langage plein de satiété et de pléonasme, et qui semble regorger de son objet, voilà les augustes et magnifiques titres de grandeur du grand duc de notre siècle. Pour mon regard, j’honorerai toujours la grandeur en lui et en autrui, mais je ferai plus de cas d’un grain de bonté que d’un monde entier de grandeur. […] Mézeray, très bon historien pour ces derniers siècles, portait de Sully le jugement juste et vrai qu’il faut qu’on en porte encore, mais sans embellissement et sans enthousiasme : « Outre qu’il était infatigable, ménager et homme d’ordre, dit-il, il avait la négative fort rude, et était impénétrable aux prières et aux importunités, et attirait à toutes mains de l’argent dans les coffres du roi. » Tant que Louis XIV régna, il fut assez peu question des grandeurs et des gloires des règnes précédents. […] Une tentation dont on a d’abord à se garder quand on se débarrasse ainsi du Sully de convention pour vouloir retrouver le réel, c’est d’aller à l’extrémité contraire, c’est de lui chercher un défaut précisément à la place de la qualité dont on l’avait loué, c’est de diminuer sa grandeur, parce qu’elle n’est pas tout à fait celle qu’on avait, dans les derniers temps, préconisée. […] Il avait de tout temps écrit ou fait rédiger les journaux et mémoires des actions principales et des événements importants de sa vie ; il chargea en définitive quatre secrétaires d’en faire un extrait considérable et un recueil à l’usage du public : Monseigneur, est-il dit dans la dédicace, Votre Grandeur ayant commandé à nous quatre, que vous connaissez assez, de revoir et considérer bien exactement certains mémoires que deux de vos anciens serviteurs et moi avons autrefois ramassés et depuis fort amplifiés, etc., etc., de toutes lesquelles choses nous nous sommes acquittés le mieux qu’il nous a été possible, etc.
IV Idée de l’infini — Infini mathématique On appelle infini, au sens propre du mot, une grandeur sans limites. […] Donc la notion de quantité et de grandeur se retrouve dans toutes les qualités que nous pouvons concevoir. En général, nous ne pouvons rien concevoir en dehors de la catégorie de grandeur ; quand ce n’est pas une grandeur en espace, c’est une grandeur en durée, une grandeur en intensité, etc. […] Une douleur infinie, si elle était possible, serait elle-même la perfection de la douleur, une perfection en son espèce, purement quantitative, mais ne serait pas une perfection proprement dite et qualitative, c’est-à-dire un bien d’une grandeur infinie.
Les douleurs même, à cette distance, disparaissent dans la grandeur et la beauté du couronnement. […] Cette messe dite sur un rocher désert avait pour lui un charme qui réveillait ses souvenirs d’enfance, et qui suscitait même d’autres mémorables souvenirs inséparablement attachés à l’époque de sa plus brillante et de sa plus pure grandeur. […] là elle se défend encore et par des raisons excellentes, judicieuses ou du moins dès plus spécieuses, appropriées au genre, tirées de la nature et de la grandeur même de l’œuvre en question. […] Il n’y a que les choses humaines exposées dans leur vérité, c’est-à-dire avec leur grandeur, leur variété, leur inépuisable fécondité, qui aient le droit de retenir le lecteur et qui le retiennent en effet. […] Du reste, je ne parle que du mien, que je crois le plus sérieux qu’il y ait au monde ; et ne pas se proposer la forme simple, c’est n’en comprendre ni la beauté ni la grandeur.
Les souvenirs d’une grandeur passée, sans aucun sentiment de grandeur présente, produisent le gigantesque. […] Mais le merveilleux arabe attache davantage la curiosité ; l’un semble le rêve de l’effroi, l’autre la comparaison heureuse de l’ordre moral avec l’ordre physique Les Espagnols devaient avoir une littérature plus remarquable que celle des Italiens ; ils devaient réunir l’imagination du Nord et celle du Midi, la grandeur chevaleresque et la grandeur orientale, l’esprit militaire que des guerres continuelles avaient exalté, et la poésie qu’inspire la beauté du sol et du climat. […] Parmi leurs romans, le Cid nous donne quelque idée de la grandeur qui aurait caractérisé toutes leurs conceptions. […] C’est que, dans leur situation politique et morale, l’âme ne peut avoir son entier développement ; leur sensibilité n’est pas sérieuse, leur grandeur n’est pas imposante, leur tristesse n’est pas sombre.
Deux événements étant liés, le second, comparé à d’autres semblables, a telle grandeur ; en ce cas, on dit que la force a telle grandeur. Quand la grandeur du second : événement est double, la grandeur de la forcé est double. […] En général, étant donnés deux faits, l’un antécédent, l’autre conséquent, joints par une liaison constante, on nomme force dans l’antécédent la particularité qu’il a d’être toujours suivi par le conséquent, et l’on mesure cette force par la grandeur du conséquent. […] Dans tout cela, il n’y a que des mouvements présents, futurs, ou possibles, liés à certaines conditions, variables en grandeur et en direction suivant une certaine loi, et déterminés par rapport à certains points.
Comme elle avait donné jadis Lucain et Martial à la monstrueuse grandeur et aux vices de Rome, elle offrait aux vertus de l’Église sortant des catacombes un chantre harmonieux et pur. […] Mais combien cette philosophie manque à la fois de grandeur et de tendresse ! […] Paulin d’ailleurs ne s’arrêtait pas, pour ainsi dire, à la grandeur extérieure de la foi pour la célébrer : il s’en faisait l’humble et zélé ministre. […] Où est maintenant cette apparence de grandeur ?
C’est pour cela peut-être que dans les poètes grecs et latins les images des dieux et des héros apparaissent toujours plus grandes que celles des hommes, et qu’aux siècles barbares du moyen âge, nous voyons dans les tableaux les figures du Père, de Jésus-Christ et de la Vierge, d’une grandeur colossale. — 7. […] En poésie, l’art est inutile sans la nature : la poétique, la critique, peuvent faire des esprits cultivés, mais non pas leur donner de la grandeur ; la délicatesse est un talent pour les petites choses, et la grandeur d’esprit les dédaigne naturellement.
Platon dit quelque part aux Grecs : « La terre est petite. » « Platon laisse voir un sentiment profond de la grandeur du monde, lorsqu’il indique en ces termes, dans le Phédon, les bornes étroites de la mer Méditerranée. […] Les Égyptiens complètent l’idée nouvelle de la grandeur de la terre, en naviguant par le golfe Arabique jusqu’au Gange, et chez les Scythes par le Bosphore de Thrace. […] « Un soir que je considérais, comme à l’ordinaire, la voûte céleste dont l’aspect m’est si familier, je vis avec un étonnement indicible, près du zénith, dans Cassiopée, une étoile radieuse d’une grandeur extraordinaire. […] « L’étoile nouvelle, continue Tycho, était pourvue de queue ; aucune nébulosité ne l’entourait ; elle ressemblait de tout point aux autres étoiles ; seulement elle scintillait encore plus que les étoiles de première grandeur. […] C’était un homme intelligent qui, durant le cours d’une nuit calme et sereine, m’accabla de questions sur la grandeur des astres, sur les habitants de la lune, sur mille sujets à propos desquels mon ignorance égalait la sienne.
Une main qui n’est pas espagnole, mais allemande a entrepris de resculpter cette vieille statue, aux traits diminués par le temps et couverts de la poussière des siècles, et de demander à la génération présente un peu d’admiration pour cette grandeur. […] Ximénès est plus grand que Richelieu de toute la grandeur, ajoutée à la sienne, de ceux qui suivaient ses conseils. […] Le cardinal Ximénès, dont la grandeur a le pittoresque qu’ont les grandeurs du Moyen Âge, n’est pas peint : il est raconté.
Cette caserne éclatante qui s’appelle Rome, a-t-elle un instant sérieux de grandeur intrinsèque et qui vraiment lui appartienne N’est-elle pas tombée, comme elle s’est élevée, — par miracle ? […] Les Saints du temps, ces figures inouïes d’inspiration et de grandeur, éprouvent aussi le même déchet que la figure du roi des Huns. […] Il a la bonne foi de l’histoire, mais avec un sentiment chrétien, plus profond encore, il en aurait eu la grandeur ! […] n’a pas la grandeur de l’Histoire de la Gaule sous la domination romaine. […] Amédée Thierry ne suffit pas à ces grandeurs.
Et comme cet instinct de jouissance exige, pour la grandeur de l’individu et du monde, sa nourriture et son expansion, le craintif et douloureux solitaire s’efforce de la satisfaire par des moyens hors nature. […] Pour ces âmes d’exceptionnelle clarté, l’isolement farouche est la condition essentielle de toute grandeur individuelle, tandis que le monde croupit autour d’eux, au-dessous d’eux, dans l’ordre des promiscuités. […] Je ne crois pas qu’il existe dans le monde entier une seule œuvre d’art, de premier ordre et d’incontestable grandeur, qui soit sortie de l’un des exemplaires de cette race inféconde. […] Sa grandeur est là ; et la médiocrité provient toujours d’une méconnaissance de réalité. […] L’équilibre demeure toujours la vertu suprême et la base infrangible de toute grandeur.
La littérature espagnole, qui était alors très connue en France, dut contribuer encore à nous donner une fausse grandeur. […] L’enthousiasme publia fit naître ou perfectionna les talents ; ils se vouèrent tous au plaisir, ou à la grandeur du maître. […] Si dans l’assemblée tout à coup paraissait un orateur, et qu’au milieu de l’ivresse générale il voulût se faire entendre, ne fallait-il pas que tout cet appareil de grandeur, dont il était entouré, l’élevât lui-même ? […] Dans tous les genres, nous eûmes plutôt de la dignité que de la force ; et notre éloquence, circonspecte jusque dans sa grandeur, et mesurée même en s’élevant, fut presque toujours noble et sage, et presque jamais impétueuse et passionnée. […] Les grands modèles étaient approfondis ; le goût général était épuré ; l’imagination des peuples s’était montée ; la véritable grandeur avait fait disparaître la fausse.
IV Grandeur et servitude militaire ! […] De même, dans Grandeur et servitude militaires, on sent bien qu’il y a là quelque part, sous l’œuvre magnifique et touchante et déchirante, et qui finit par être si divinement résignée, oui ! […] Dans ce livre de Grandeur et servitude militaires, Vigny n’aime le régiment que parce qu’on y souffre, — comme Éloa aimait l’Abîme où l’on souffrait. […] Il y a bien, dans l’édition complète3, un volume de drames joués à diverses époques et même postérieurement à Grandeur et servitude militaires, et dont nous n’avons pas à nous occuper. […] Depuis Grandeur et servitude militaires, Vigny ne s’est donc pas élevé plus haut dans la prose.
Reprendre éternellement le leit-motiv de l’unicité est le fait d’un individualisme sans intérêt, sans portée, sans grandeur et sans noblesse. […] Un Léonard de Vinci, un Goethe sont des totalisateurs en même temps que des créateurs de valeurs ; mais ces valeurs qu’ils résument en eux, ils les incorporent et les subordonnent à leur individualité ; ils les grandissent de toute leur propre grandeur. […] Cet individualisme de la grandeur humaine ne nie plus tout idéal ; il suppose au contraire un idéal de culture progressive. Il représente, dans l’ordre intellectuel, un effort vers la plus grande science, dans l’ordre esthétique, un effort vers la plus grande beauté, dans l’ordre économique un effort vers la plus grande richesse considérée elle-même comme un moyen pour la plus grande puissance ; dans l’ordre politique, un effort vers la plus grande initiative et la plus grande responsabilité chez les maîtres et les créateurs de valeurs ; dans l’ordre moral, un effort vers une affirmation plus intense de la vie, de la grandeur humaine et de l’orgueil humain. […] L’homme supérieur, d’ailleurs, ne travaille pas pour la société qu’il juge souvent peu intéressante, mais pour le surhumain, c’est-à-dire pour son surhumain à lui, pour son idéal personnel de grandeur.
« Que penser, dit-il, d’une créole publique, veuve à l’aumône de ce poète cul-de-jatte (Scarron), et de ce premier de tous les fruits d’un double adultère, rendu à la condition des autres hommes, qui abusent de ce grand roi au point qu’on le voit, et qui ne peuvent se satisfaire d’un groupe de biens, d’honneurs, de grandeurs, si monstrueux et si attaquant de front l’honnêteté publique, toutes les lois et la religion, s’ils attentent encore à la couronne même ? […] Sans doute il y a plus loin de tirer du non-être par état, et de porter après ces ténébreux enfants au degré de puissance qu’on voit ici par leurs établissements et a l’état et rang entier des princes du sang, avec la même habileté de succéder à la couronne ; sans doute il y plus loin du néant à cette grandeur, que de cette grandeur à la couronne. […] Le secret de la prodigieuse fortune à laquelle s’éleva madame de Maintenon n’a pas été pénétré par tous ceux qui se sont ingérés de nous l’apprendre ; ce secret n’a pas été, comme tant d’écrivains l’ont supposé, une excessive ambition de richesses, de vains honneurs, de grandeur et de pouvoir, aidée par une dévotion hypocrite, par une intrigue savante et quelques charmes, dont une coquetterie raffinée augmenta l’influence. […] La première fois que madame Scarron vit le roi, elle fut frappée de sa beauté, de son air de grandeur.
Son Poëme de la grandeur de Dieu dans les merveilles de la Nature, a eu d’abord de la célébrité ; mais, à le bien examiner, il ne differe de ses autres Poésies, que par quelques morceaux heureux, & par des notes instructives à la vérité, mais tirées pour la plupart du Spectacle de la Nature, de M. […] Il est étonnant qu’un sujet aussi intéressant, aussi noble, aussi fécond, aussi propre à élever l’ame, à échauffer le génie, & à lui faire enfanter de grandes idées, tel que la grandeur de Dieu considérée dans les merveilles de la Nature, ait échappé aux grands Poëtes du siecle de Louis XIV, même au petit nombre de bons Poëtes de ce siecle-ci.
Pétrarque servit noblement à cette œuvre d’élégance ingénieuse, bien plus que de grandeur virile et de force véritable. […] voyons en elle le premier musée de l’Europe moderne ; n’en espérons pas ces élévations de génie qui tiennent à l’énergie des âmes, à la grandeur des vertus civiles. […] L’empire des Turcs était encore dans le cours impétueux de sa croissance, et sous l’élan de cette politique atroce qui semblait la condition de sa grandeur. […] Mais tout cédait alors, aux yeux du pape, devant la grandeur du devoir et du péril. […] « Bénie soit ta grandeur, ô Seigneur !
Le premier discours est en partie le résumé, et en partie le développement d’une conversation sur la grandeur du caractère romain ; Balzac y peint, d’après Polybe et Tite-Live, l’âme d’un citoyen de la république ; après l’avoir montré impénétrable à la vanité, à la peur, à l’avarice, ensuite sensible à la faveur de l’étranger, ou d’un usurpateur, il le fait voir à la dernière épreuve de sa vertu ; c’est l’injustice de la république à son égard. « La république, madame, ne le peut perdre, quelque négligente qu’elle soit à le conserver ; il souffre non seulement avec patience, mais encore avec dignité, ses mépris et ses injustices. […] C’est une certaine lumière de gloire et un certain caractère de grandeur que la vertu héroïque imprimée sur le visage des à omet mes ; elles défendent la solitude et la nudité d’une personne exposée aux outrages de la fortune, accablée sous les ruines d’un parti détruit, abandonnée de ses propres vœux et de sa propre espérance. […] » Plusieurs traits viennent à la suite de ceux-là, qui n’ont pas été dédaignés par Montesquieu, lorsqu’il a composé ses Causes de la grandeur et de la décadence des Romains. […] Balzac pense qu’à l’aménité, ils joignaient cette grandeur « dont il leur était impossible de se défaire, parce qu’elle tenait à leur cœur et à leur esprit, parce qu’elle avait racine en eux et n’était pas appliquée sur leur fortune.
Mais, quoique je n’aie jamais cru aux traducteurs ou aux illustrateurs à la douzaine, quoique la puissance de s’incorporer à un génie, déjà très rare, n’implique nullement la puissance de s’incorporer avec tous ou avec plusieurs, et qu’interpréter à merveille les Contes drolatiques de Balzac, par exemple, ne soit pas une raison pour bien interpréter Shakespeare, cependant la difficulté de traduire les différents génies qui concourent à cette grande œuvre de la Bible, à cette Babel sans confusion de langues qui ne menace pas le ciel, mais qui le fait descendre sur la terre, cette difficulté tient encore plus à la grandeur des scènes et des personnages qu’on y trouve qu’à la diversité des génies qui les ont exprimés, et ici la question du surnaturalisme revient par un autre côté, car bien évidemment l’Histoire, la stature de l’Histoire et de l’homme, sont ici dépassées. […] Mais, je l’affirme en toute sécurité, pour les autres comme pour moi-même, les chefs-d’œuvre épars vus depuis n’ont pu effacer en nous l’impression de ces images peut-être grossières, et quand nous pensons à la grandeur des scènes bibliques, c’est à travers le tressaillement d’émotions que ces images nous ont données et que rien dans nos âmes n’est capable maintenant de recommencer ! […] Le terrible ou la grandeur de la Bible il était homme à Les sentir, et il les a exprimés souvent comme il les a sentis, avec une grande puissance, relativement (bien entendu) aux conditions dans lesquelles j’ai dit que tout interprète de la Bible était naturellement placé. Dans une quantité considérable de scènes empruntées à un monde de grandeur surhumaine, il a montré l’originalité et la fougue dont il avait jusqu’ici fait preuve en ses meilleures compositions.
C’est la grandeur. […] de Charles IX, cette singulière et royale fleur de poésie, fécondée peut-être par l’intimité de Ronsard, et qui, plus tard, mourut écrasée dans du sang… Ronsard semble avoir été fait avec tous les genres de grandeurs : naissance, vie, relations, facultés, sentiments et œuvres. […] Il a, dans ses pièces de vers les plus capricieuses, des façons, par exemple, de prendre le menton aux petites filles, qui les enlèvent mieux que l’aigle n’enlevait Ganymède… Et il n’est pas de chanson effeuillée dans sa coupe comme les roses qu’il y effeuillait, où ce maître poète, qui a fait des chansons comme il a fait de tout en poésie, ne révèle encore son inévitable grandeur. Et cette grandeur n’est pas solitaire dans Ronsard ; elle y est accompagnée de la pompe d’imagination qui est l’attribut de toute jeunesse et de tout génie créateur dans la montée de son matin.
Mais qui comprend vraiment le prêtre, dans notre société sentimentalo-bête, le prêtre-vierge, qui n’est ni amant, ni époux, ni père, — les seules choses que les masses comprennent et sentent, — et qui s’intéresse à son austère grandeur ? […] Mais il a certainement le sentiment très respectueux de la force et de la grandeur de l’Église, quoique son regard d’observateur ait parfois beaucoup de hardiesse. […] Mais ce qu’il faut aussi admirer, c’est l’aisance avec laquelle l’auteur se meut dans le détail des mœurs si particulières au clergé, et les péripéties de cette lutte acharnée qui, si elle a sa scandaleuse violence, a aussi pourtant sa grandeur. […] le fougueux Capdepont n’a pas cette grandeur de dompteur sur soi, d’être qui peut dire, comme l’Auguste de Corneille : Je suis maître de moi comme de l’univers !
Bourdaloue prouve méthodiquement la grandeur de son héros, tandis que l’âme enflammée de Bossuet la fait sentir ; l’un se traîne et l’autre s’élance. […] La morale même qui est le principal mérite de l’ouvrage, y paraît rétrécie ; quelquefois elle a plus l’air de la finesse que de la grandeur ; d’autres fois elle couvre et éclipse le sujet. […] L’espèce de grandeur qu’on croit apercevoir d’abord n’est qu’une grandeur de décoration ; d’ailleurs la marche est uniforme.
Tandis que dans l’Occident tout penchait vers sa décadence, tandis que les malheurs de l’empire, les invasions des Barbares, le mélange des peuples, le despotisme ou l’incapacité des princes, la terreur des sujets, l’esprit d’esclavage, le contraste même de l’ancienne grandeur, qui ajoute toujours à la petitesse présente, corrompaient le goût, et rétrécissaient à la fois les esprits et les âmes, on vit paraître un homme né avec une imagination brillante et forte, et à qui, peut-être, pour avoir les plus grands talents, il ne manqua que d’être né dans un autre siècle : c’était Claudien. […] Pour excuser le panégyriste, il faut pourtant convenir que ces éloges ont été écrits pendant la vie de Stilicon ; et qu’alors, si l’empereur n’était rien, l’empire eut du moins de la grandeur. […] Peu de goût, souvent une fausse grandeur, une majesté de sons trop monotone, et qui, à force d’être imposante, fatigue bientôt et assourdit l’oreille ; enfin trop peu d’idées, et surtout aucune de ces beautés douces qui reposent l’âme : voilà ses défauts.
Si la Révolution, en se précipitant, roulait avec elle tout un torrent de scories impures et de flammes, parfois elle avait suscité, dans quelques esprits vulgaires en apparence, un accent de grandeur imprévue. […] Ce qu’il y avait, par moment, d’énergique grandeur était trop mêlé de mal et de crime pour laisser à la pensée son pur éclat poétique : une fureur turbulente et souvent factice en prit la place, et parut en avoir la puissance. […] Et ce n’est pas là toutefois, malgré la passion du poëte, que parut sa vraie grandeur. […] La grandeur politique de l’Angleterre, son génie voyageur, son ambition cosmopolite, devaient, même dans un temps de déclin pour les arts, ouvrir à ses enfants plus d’une source poétique. […] Ni la grandeur ni la politique du pouvoir ‘anglais dans l’Inde ne permettaient qu’il y eût un péril de martyre pour l’évêque, dont le zèle curieux parcourut même les contrées les moins soumises encore de ce vaste empire ; mais le sacrifice était dans cet effort même, dans les tristesses et l’activité dévorante de ce zèle trop faible encore pour tant de misères humaines.
s’il faut qu’un monarque se montre quelquefois à son peuple, l’endroit ne doit-il pas répondre par sa grandeur et par sa magnificence à un usage aussi solennel [?] […] Ce sont des masses qui en imposent par leur grandeur ; et le petit nombre de figures que l’artiste y a répandues m’ont paru de bon goût.
Mais il est certain qu’elle est imposante, et qu’elle donne au livre à travers lequel elle est répandue la désolation immobile et saisissante des figures tumulaires, sobres de gestes, et une solennité sans emphase qui touche presque à de la grandeur. […] Grandeur consentie d’Ordre temporel, on n’a jamais pensé à considérer Sixte comme une grandeur d’Ordre divin. […] Cela ne rabaisse point Sixte-Quint d’avoir été un de ceux que Jésus-Christ appelle « ses membres » avant d’avoir été son représentant sur la terre, et, au contraire, la grandeur d’un si grand homme se voit mieux quand on la mesure à la profondeur d’abjection dont il est sorti.
L’ode ranima son enthousiasme presque éteint ; on fut pathétique ou plaisant dans des épîtres ; on tâcha de mettre de la grandeur sans ennui dans des poèmes. […] Peut-être cette différence est-elle seulement l’ouvrage du goût ; sans doute le panégyriste a pensé que toute espèce d’éloquence a un peu de faste, et que lorsque les événements ont de la grandeur, le ton doit être simple ; peut-être aussi cette différence tient-elle à celle des siècles. […] Ainsi, presque partout ils substituèrent la finesse à la grandeur, et des beautés sages et tranquilles aux beautés d’imagination et de mouvement. […] Mais, si en rappelant le souvenir de ces batailles, monuments de deuil et de grandeur, si en retraçant les actions et la mort de tant de guerriers, on voyait une larme s’échapper de l’œil du souverain ; si l’orateur, s’interrompant tout à coup, la faisait remarquera la jeune noblesse qui l’écoute, croit-on qu’un jour, dans les combats, elle n’eût pas sans cesse présent le spectacle qui l’eût frappée dans son enfance ?
Il en est à David, à la royauté établie chez le peuple de Dieu, à Salomon qui bâtit le Temple et qui ne fait en cela que revêtir en quelque sorte de matériaux précieux l’idée de Moïse, qu’ajouter à l’arche première et au tabernacle du désert la magnificence et la grandeur. […] David, au contraire, le méritant et le combattant, David a non-seulement aperçu à l’avance le Messie dans sa forme glorieuse, il a eu un privilège entre les voyants, il a de loin aperçu les ignominies et les humiliations du Christ jointes à sa grandeur royale : en cela il est sorti de l’horizon hébraïque circonscrit. […] C’est que la grandeur et l’immutabilité de ce peuple l’avaient saisi. […] « Qui peut mettre dans l’esprit des peuples la gloire, la patience dans les travaux, la grandeur de la nation et l’amour de la patrie, peut se vanter d’avoir trouvé la constitution d’État la plus propre à produire de grands hommes. […] Ce qui les forme, ce qui les achève, ce sont des sentiments forts et de nobles impressions qui se répandent dans tous les esprits et passent insensiblement de l’un à l’autre… Durant les bons temps de Rome, l’enfance même était exercée par les travaux ; on n’y entendait parler d’autre chose que de la grandeur du nom romain… Quand on a commencé à prendre ce train, les grands hommes se font les uns les autres ; et si Rome en a porté plus qu’aucune autre ville qui eût été avant elle, ce n’a point été par hasard ; mais c’est que l’État romain constitué de la manière que nous avons vue était, pour ainsi parler, du tempérament qui devait être le plus fécond en héros. » La guerre d’Annibal est très-bien touchée par Bossuet ; et quand il a bien saisi et rendu le génie de la nation, la conduite principale qu’elle tint les jours de crise, et le caractère de sa politique, il ne suit pas l’historique jusqu’au bout, comme l’a fait et l’a dû faire Montesquieu.
Grandeur des sujets. — Timidité des sentiments. — Perfection du style et du goût ; inspiration rare, hors celle du plaisir. — Charme puissant et longue durée de cette poésie. […] Alexandre, mêlant à une véritable grandeur d’âme et à des actions incomparables quelques accès de fureur, avait vu autour de lui le silence, même sur sa gloire ; et son règne, marqué par autant de fondations que de conquêtes, n’avait pas su produire un grand poëte, un grand historien. Octave, cruel sans passion, souillé de crimes et de perfidies dans la jeunesse, sans grandeur dans la victoire et portant même dans la politique moins de génie que d’astuce, fut célébré par les plus rares esprits de son temps et transformé par leurs louanges, au point d’avoir ébloui et en partie trompé le jugement de l’avenir. […] Il le croit consul, sur la foi de César Auguste, le fondateur ou le restaurateur de tous les temples, qui, dans sa visite du temple de Jupiter Férétrius, dont il releva la ruine amenée par le temps, avait lu ce nom, disait-il, sur la cuirasse de lin formant partie du trophée élevé par le vainqueur : « Je me serais cru presque sacrilège187 », s’écrie l’historien flatteur, « de ne point laisser à Cossus, en preuve de ses glorieuses dépouilles, l’attestation de César, le fondateur du temple même. » De tels souvenirs, un tel langage, suffisent à nous montrer quel prestige de grandeur et de respect public pouvait encore, dans les mœurs romaines, s’attacher au zèle affecté d’Auguste pour effacer une des traces de la violence et de l’incurie destructive reprochées à la guerre civile. […] On lui demande, pour un des héritiers de l’empire, pour un des fils de Livie, cette gloire des armes qui avait fait la grandeur de Rome.
Il est certain, il est évident que le problème qui agite M. de Tocqueville et qui l’a conduit aux États-Unis, c’est le problème de la démocratie européenne : c’est là même ce qui donne à ce livre sa grandeur, je dirai presque son pathétique, mais ce qui y répand en même temps une certaine obscurité. […] L’histoire du monde se compose de grandeur et de décadence, de justice et d’injustice : il y a lutte entre les bons et les mauvais principes. […] N’étant plus soutenu par le dehors, il n’a de grandeur que celle qu’il trouve en lui-même. […] Je crois volontiers que l’égalité, dans les premiers moments de la jouissance, et lorsque la grandeur de la lutte a cessé, tend à répandre un certain esprit de médiocrité parmi les hommes ; mais je ne désespère pas qu’avec le temps, et si elles échappent à l’anarchie et au despotisme, les sociétés démocratiques ne finissent par découvrir pour l’individu un nouveau genre de grandeur, égale ou supérieure même à celle de l’aristocratie. […] Il semble même qu’il n’est pas ici entièrement fidèle à sa doctrine, qui consiste en toutes choses et partout à revendiquer la grandeur.
La grandeur & l’importance de l’action de l’épopée dépendent de l’importance & de la grandeur de l’exemple qu’elle contient : exemple d’une passion pernicieuse à l’humanité ; sujet de l’Iliade : exemple d’une vertu constante dans ses projets, ferme dans les revers, & fidelle à elle-même ; sujet de l’Odyssée, &c. […] Jean de Raphael, se borneroit à dire qu’il est de grandeur naturelle, porté sur une aigle, tenant une table de la main gauche, & une plume de la main droite ? […] Il n’est pas moins vrai que la régularité de cet ensemble ne consiste pas dans les grandeurs naturelles de chacune de ses parties. […] Grandeur, […] Il est de l’essence de la démocratie que les grandeurs soient électives, & que personne n’en soit exclu par état.
On ne peut les visiter encore aujourd’hui sans étonnement ; la grandeur de l’épouvante explique seule la grandeur de l’œuvre. […] « Environne-toi de grandeur et de magnificence, revêts-toi de gloire et de majesté. […] Sans la victoire de l’âme sur ses passions, ou sans sa défaite, l’âme serait privée de ce qui fait sa principale grandeur : la moralité. […] Non, ce sont souvent des âmes très grandes et très altérées du beau idéal que leur grandeur et leur altération mêmes précipitent dans ces impiétés d’esprit. […] On ne peut nier qu’il n’y ait une certaine grandeur aussi dans ces facéties et dans ces gambades de poésie sur un sépulcre : il y a la grandeur du blasphème !
Je dessinerai le premier en grandeur naturelle, et je réduirai l’autre à la dimension d’un nain. […] Mais cela veut simplement dire que, se plaçant à un point de vue déterminé comme tout physicien, adoptant nécessairement un système de référence déterminé et notant ainsi des grandeurs déterminées, il établira entre ces grandeurs des relations qui devront se conserver, invariantes, entre les grandeurs nouvelles qu’on trouvera si l’on adopte un nouveau système de référence. […] Les grandeurs qui figureront dans ces deux visions seront généralement différentes, mais dans l’une et dans l’autre certaines relations entre grandeurs, que nous appelons les lois de la nature, seront les mêmes, et cette identité traduira précisément le fait que les deux représentations sont celles d’une seule et même chose, d’un univers indépendant de notre représentation. […] Maintenant, AB et A′ B′ ont-ils ou n’ont-ils pas, réellement, la même grandeur ? […] Nous devons donc considérer l’observateur en S et l’observateur en S′, Pierre et Paul, et comparer leurs visions respectives des deux grandeurs.
Mme de Sévigné, qui raconte ceci, paraît en conclure avec le commun de la Cour que la nouvelle Madame est « tout étonnée de sa grandeur », et qu’elle parle en personne qui n’est pas accoutumée à un si grand entourage. Mme de Sévigné se trompe : Madame n’était nullement étonnée de sa grandeur ; elle se sentait faite pour ce haut rang d’épouse de Monsieur, elle se fût sentie à sa place plus haut encore ; mais Mme de Sévigné, qui se promenait pourtant si volontiers dans ses bois de Livry ou dans son parc des Rochers, ne devinait pas la jeune fille fière, brusque et sauvage, qui avait mangé avec délices son morceau de pain et ses cerises cueillies à l’arbre, à cinq heures du matin, sur les hauteurs de Heidelberg. […] Madame, dit Saint-Simon, était une princesse de l’ancien temps, attachée à l’honneur, à la vertu, au rang, à la grandeur, inexorable sur les bienséances. […] Un goût et, si je puis m’exprimer de la sorte, une sympathie de grandeur attacha Madame à Louis XIV. De secrets rapports font les nobles attachements d’estime et de respect ; et les grandes âmes, quoique les traits de leur grandeur soient différents, se sentent et se ressemblent.
Cet élément du gigantesque qui, chez lui, pouvait quelquefois se confondre avec l’élément de grandeur, était de nature aussi à le compromettre et à l’altérer. […] Après Tilsitt, il était à l’apogée de sa grandeur : le continent, broyé, ne remuait pas ; l’empereur de Russie, subjugué et charmé, entrait de lui-même dans la sphère d’attraction du vainqueur. […] Laissons de côté ce qui tient à la grandeur d’imagination et de poésie : le grand rôle politique définitif restera aux Pitt et aux Wellington, à ces opiniâtres temporisateurs. […] Il faut montrer aux Allemands la beauté, la grandeur de notre scène tragique ; ils sont plus capables de les saisir que de pénétrer la profondeur de Molière. […] On assiste à l’intimité des deux empereurs ; on comprend la grandeur de l’un, on partage la fascination de l’autre ; on peut pressentir aussi que cette fascination aura son terme.
Mais c’est là, dans le voyage miraculeux du Dante, le plus haut point où il soit parvenu ; et notre admiration doit le chercher d’abord au-dessous de ces invisibles grandeurs. […] De même, il a donné aux grandeurs du monde un régulateur et un chef qui transfère à propos ces biens frivoles, d’un peuple à un autre et d’un sang à un autre sang, malgré tout l’effort des conseils humains. […] Je ne m’étonnerais donc pas que le chef-d’œuvre de la poésie lyrique, l’hymne religieux, ou même l’ode philosophique au plus haut degré d’enthousiasme et de grandeur se retrouvât dans les chants de la Divine Comédie du Dante. […] C’est là l’incomparable grandeur du poëte. […] L’écueil ne se rencontrera que dans la grandeur continue de la fiction, dans cette élévation tout idéale rêvée si longtemps, dans cette uniformité d’éblouissement et d’enthousiasme.
La gloire éternelle, dans tous les ordres de grandeurs, est d’avoir posé la première pierre. […] Plaçons donc au plus haut sommet de la grandeur humaine la personne de Jésus. […] Il n’est pas rare de voir s’y élever, au milieu d’une atmosphère générale de méchanceté, des caractères dont la grandeur nous étonne. […] Est-il plus juste de dire que Jésus doit tout au judaïsme et que sa grandeur n’est autre que celle du peuple juif ?
Et c’est par là que cet homme, nommé grand homme un peu trop vite, manqua, selon moi, l’absolue grandeur. La grandeur absolue, en effet, qu’elle soit intellectuelle ou morale, implique dans ceux qui l’ont une largeur, une chaleur centrifuge et — j’ai l’air de faire une tautologie, — une magnanimité dans le cœur ou dans la pensée que Montesquieu ne connut jamais. […] Vian donne la liste de ces travaux morts et ensevelis, et que la Grandeur et décadence des Romains et L’Esprit des Lois, plus tard, expièrent. […] Il ne fut honteux ni de Grandeur et décadence, ni de L’Esprit des Lois… Que serait-il, sans ces deux-là ?
Voilà pourquoi, jusqu’à l’arrivée des Bourbons, qui introduisirent l’esprit moderne dans cette Péninsule, restée du Moyen Âge, et fermée par ces Pyrénées que Louis XIV abaissa, elle a dans son histoire, cette vieille et étonnante Espagne, des grandeurs de choses qui ressemblent aux mystérieux colosses de l’Égypte, et des grandeurs d’hommes presque aussi indéchiffrables que le Sphinx. Philippe II, Charles-Quint, dont il s’agit aujourd’hui, sont de ces grandeurs embrouillées qui cachent une énigme et dont le sens (du moins dans ce qu’il eut de net et de complet), un jour, s’est perdu. […] Le Rationalisme contemporain, qui n’entend pas grand-chose aux questions spirituelles et auquel, par là, bien des grandeurs se trouvent naturellement fermées, se tire, comme il peut, de la difficulté en refaisant, une millième fois, le mauvais vieux livre de l’Influence du physique sur le moral, de Cabanis.
Des monuments de sa grandeur passée, et la triste monotonie de la servitude présente, voilà ce qui lui restait. […] À l’égard des villes grecques de l’Asie, elles n’avaient pas même de souvenir de grandeur. […] Tout homme qui veut être applaudi, dénature sa pensée ; ou il en cache une partie pour faire davantage briller l’autre, ou il saisit un rapport qui étonne et qui est plus singulier que vrai ; ou il détache ce qui devrait être fondu dans l’ensemble, et le met en saillie, ou pour avoir l’air de s’élever et de voir de plus haut, il généralise un sentiment qui ne conserve sa force qu’autant qu’il est lié à une situation ; ou il ajoute au sentiment même, et pour étonner il exagère, ou par une expression recherchée il veut donner une tournure fine à ce qui devrait être simple, ou il tâche d’unir la finesse à la force pour surprendre par l’assemblage de deux qualités contraires, ou enfin pour arrêter et fixer partout l’attention, il multiplie les détails et néglige la grandeur et la marche de l’ensemble. […] Un homme qui faisait le sort du monde, une cour où l’on se rendait de toutes les extrémités de l’Europe, de l’Afrique et de l’Asie, les caprices d’un tyran qui pouvaient faire trembler cent nations, une servitude même qui avait quelque chose d’auguste, parce qu’elle était partagée par l’univers ; enfin la grandeur romaine qui respirait de toutes parts, même à travers les ruines de la liberté, tout ce spectacle, au moins dans les premiers siècles de l’empire, agitait fortement les esprits et les âmes.
Transporté de honte pour le compte du genre humain, cet homme, qui était un écrivain du talent le plus élevé, résolut d’arracher, dans la mesure de ses forces, Christophe Colomb à la destinée de silence et d’ingratitude qui pesait depuis près de quatre siècles sur sa mémoire, et qui avait mis la grandeur de l’oubli en proportion avec la grandeur du service rendu par lui au monde tout entier. […] Otez, en effet, par la pensée, la personnalité de Christophe Colomb de la synthèse du monde, que, seule, l’Église embrasse, et que seule elle explique, et il ne sera plus qu’un homme à la mesure de la grandeur humaine ; mais avec l’Église et faisant corps avec elle, il devient immédiatement le grand homme providentiel, le bras charnel et visible de Dieu, prévu dès l’origine du monde par les prophètes des premiers temps… Les raisons de cette situation miraculeuse dans l’économie de la création, irréfragables pour tout chrétien qui ne veut pas tomber dans l’abîme de l’inconséquence, ne peuvent pas, je le sais, être acceptées par les esprits qui chassent en ce moment systématiquement Dieu de partout ; mais l’expression de la vérité, qu’ils prennent pour une erreur, est si grande ici, qu’ils seront tenus de l’admirer.
. — Éléments primitifs d’une grandeur. — Le calcul infinitésimal. — Dans toute loi énoncée par une science de construction, — la dernière raison de la loi est un caractère général inclus dans les éléments de la première donnée de la loi. […] C’est donc sur les facteurs primitifs que doit se porter le principal effort de la méthode. — De là une nouvelle façon de considérer les grandeurs, et notamment les grandeurs géométriques. […] Au lieu d’y comparer deux grandeurs prises en bloc, on y compare les accroissements infiniment petits des deux grandeurs, accroissements qui sont leurs facteurs composants et leurs éléments primitifs112. […] Elle n’est effectivement plus commode que parce qu’elle est l’expression naturelle du mode de génération ou d’extinction des grandeurs, qui croissent ou décroissent par éléments plus petits que toute grandeur finie. Ainsi, quand un corps se refroidit, le rapport entre les variations élémentaires de la chaleur et du temps est la vraie raison du rapport qui s’établit entre les variations de ces mêmes grandeurs quand elles ont acquis des valeurs finies.
Dans l’un et dans l’autre, il s’agit de mouvements dont la petitesse, la vitesse et le nombre sont tout à fait disproportionnés aux grandeurs ordinaires que nous pouvons apprécier dans le temps et dans l’espace. […] Si, après lui avoir fermé les yeux, on lui plaçait un objet assez volumineux dans la main, il s’étonnait de ne pouvoir la fermer ; il avait la sensation d’une résistance, mais rien de plus ; il ne pouvait rien dire de l’objet, quelles étaient sa forme, sa grandeur, son espèce, s’il était froid ou chaud, piquant ou émoussé, ni même s’il y en avait un. […] Composés d’éléments semblables, ils constituent des types ou rhythmes dissemblables ; indéfinissables pour nous dans l’état présent de la science, ils sont, comme tout déplacement, définissables en eux-mêmes par la vitesse, la grandeur et l’ordre de leurs éléments ; et nous pouvons admettre que, selon l’ordre de leurs éléments, ils éveillent en nous tantôt la sensation de température, tantôt la sensation de contact ou de pression ; qu’au minimum de vitesse et de grandeur, ils éveillent en nous les sensations faibles de pression, de contact et de température ; qu’au maximum de vitesse et de grandeur, ils éveillent en nous la sensation de douleur. […] D’après le second et le troisième, les odeurs qui, comme le blanc, paraissent des sensations simples, sont, comme le blanc, des sensations composées, et les diverses odeurs qui, comme les divers timbres, semblent irréductibles entre elles, sont, comme les divers timbres, des totaux qui, composés des mêmes éléments, ne diffèrent que par la grandeur, l’ordre et le nombre de leurs éléments. […] Nous concevons, d’après les trois principes posés, que les sensations élémentaires des cinq sens peuvent être elles-mêmes des totaux composés des mêmes éléments, sans autre différence que celle du nombre, de l’ordre et de la grandeur de ces éléments, et que, partant, comme les diverses sensations de l’ouïe ou de la vue, elles peuvent se réduire à un type unique.
Il dit qu’une philosophe de quinze ans ne pouvait se connaître soi-même, et que j’étais entourée de tant d’écueils, qu’il y avait tout à craindre que je n’échouasse à moins que mon àme ne fût d’une trempe tout à fait supérieure ; qu’il fallait la nourrir avec les meilleures lectures possibles : et à cet effet il me recommanda les Vies illustres de Plutarque, la Vie de Cicéron, et les Causes de la grandeur et de la décadence de la République romaine, par Montesquieu. […] » La voilà donc grande-duchesse ; mais les misères, l’esclavage et les affronts sont pour elle, pendant des années, tout à côté de la grandeur, et d’une grandeur encore précaire et souvent menacée. […] Elle tira de sa poche sa boîte à mouches, et en choisit une de médiocre grandeur qu’elle m’appliqua sur le visage. […] Ce qui est certain, c’est que, malgré ses persécutions d’alors, elle regrettait plus tard, jusque dans la grandeur absolue, quelque chose de ce temps où elle était aimée pour elle, et avec une discrétion chevaleresque qui ne se retrouva plus depuis.
Le jeune prince comprit à l’instant les grandeurs et les faiblesses de cette dernière campagne de 1814, et par où elle avait manqué ; il dit à ce sujet ce mot remarquable, et qui a déjà été cité : « Mon père et ma mère n’auraient dû jamais s’éloigner de Paris, l’un pour la guerre, l’autre pour la paix. » La curiosité une fois apaisée sur ces parties à la fois les plus classiques et les plus vives, Marmont reprit chronologiquement la suite des campagnes, l’expédition d’Égypte, la campagne de Marengo, celles d’Austerlitz, d’Iéna, de Wagram, de Russie : il recommanda vivement au jeune prince, pour cette dernière, l’Histoire de M. de Ségur, non pas comme l’ouvrage le plus didactique ni peut-être le plus complet militairement, mais comme celui où l’on trouve le plus la vérité de l’impression. […] Mais ici la méfiance, déjà propre à cette jeune nature, se marqua à l’instant ; sa physionomie se ferma : « Mais je ne connais personne à Paris », répondit-il ; — et après une pause d’un instant : « Je n’y connais plus que la colonne de la place Vendôme. » Puis s’apercevant qu’il avait interprété trop profondément une parole toute simple, et pour corriger l’effet de cette brusque réponse, il envoya le surlendemain à M. de La Rue, qui montait en voiture, un petit billet où étaient tracés ces seuls mots : « Quand vous reverrez la Colonne, présentez-lui mes respects. » Au maréchal Marmont, comme à toutes les personnes avec qui il parlait de la France, le jeune prince exprimait l’idée qu’il ne devait, dans aucun cas, jouer un rôle d’aventure ni servir de sujet et de prétexte à des expériences politiques ; il rendait cette juste pensée avec une dignité et une hauteur déjà souveraines : « Le fils de Napoléon, disait-il, doit avoir trop de grandeur pour servir d’instrument, et, dans des événements de cette nature, je ne veux pas être une avant-garde, mais une réserve, c’est-à-dire arriver comme secours, en rappelant de grands souvenirs. » Dans une conversation avec le maréchal, et dont les sujets avaient été variés, il en vint à traiter une question abstraite ou plutôt de morale, et comparant l’homme d’honneur à l’homme de conscience, il donnait décidément la préférence à ce dernier, « parce que, disait-il, c’est toujours le mieux et le plus utile qu’il désire atteindre, tandis que l’autre peut être l’instrument aveugle d’un méchant ou d’un insensé ». […] La puissance de Méhémet Ali en Égypte était alors l’objet de l’attention des politiques et de la curiosité du monde : c’est par cette étude faite de près et sur les lieux, que le duc de Raguse termina ce voyage, et qu’il put dire en se rendant toute justice : Il est dans mon caractère de prendre un vif intérêt à ce qui a de la grandeur et de l’avenir. […] Le talent proprement dit, l’art d’écrire lui vient chemin faisant ; il dira à propos des sépulcres restés vides, qui furent construits près de Jérusalem par Hérode le Tétrarque : « Alors, comme à présent, il y avait des grandeurs passagères ; et des tombeaux promis et élevés ne recevaient pas les cendres qui devaient les occuper. » Mais c’est l’Égypte surtout qui est le but où tend le voyageur ; il y retrouve, en y mettant le pied, les souvenirs présents et les émotions héroïques de sa jeunesse. […] Non, la France ne saurait renier celui qui justifia si bien les grandeurs déjà commencées de l’histoire, et qui montra de sa présence et de sa personne, dans ces diverses contrées du monde où il parut, que la renommée lointaine ne mentait pas.
Il commença toutefois par payer son tribut d’admiration à Rome et à cette grandeur déchue. […] nous approchons de la grandeur. […] combien, dis-je alors, la grandeur que je voi Est misérable au prix de la grandeur d’un roi ! […] Venise elle-même ne l’avait pas enchanté, et le doge et les magnifiques seigneurs y ont attrapé un sonnet de sa main et de la bonne encre, un pasquin des mieux lardés, qui reste comme une parodie de leur fastueuse grandeur. […] Ce patron si loué m’a bien l’air, malgré tout, de n’avoir jamais assez apprécié, du sein de ses grandeurs, celui qui se donnait à lui.
Moins grand cependant que s’il eût été toujours honnête, vrai, juste, et que sa grandeur eût été aussi honnête, aussi vraie, aussi juste dans le sens qu’il fut magnifique dans l’expression ; mais il eut du génie ; il en eut même plus qu’aucun écrivain de son pays et de son temps. […] Il n’y était pas pour les Américains, peuple qui n’a que la grandeur de l’espace et la philosophie du lucre ; peuple sans ancêtres, pour lequel le passé n’existe pas, peuple brutal qui ne croit qu’à ce qu’il touche ; mais il y était en germe dans l’immensité des œuvres de sa nature, non encore épousée par les hommes nouveaux. […] Il s’était réfugié de bonne heure dans la seule pensée, triste aussi par sa grandeur, inexplicable, à laquelle tout aboutit, mais qui est, elle-même, un mystère, pour en expliquer un autre, Dieu ; il était religieux par mélancolie ; par là, il était grand comme sa pensée. […] Cette haine du vulgaire faisait partie de sa grandeur ; sa physionomie même et son goût pour la solitude le trahissaient aux regards intelligents. […] Sa grandeur dédaignait de se faire accepter par eux, elle s’imposait.
Pour un génie synthétique, qui sait généraliser sa pensée et qui échappe par sa grandeur même, vous avez la multitude des esprits qui analysent et qui se complaisent dans les finesses du détail. […] n’empêche pas ledit Louis de Camors de faire de très laides et de très abominables choses, le long du roman ; mais il les fait sans grandeur, car le mal même a sa grandeur, sans aplomb, avec la pâleur des gens qui tremblent, avec le trémoussement de nerfs de ce temps, si misérablement nerveux… C’est véritablement à faire pitié, et nous nous attendions à de l’horreur ! […] Ainsi encore quand il s’éprend de sa cousine Charlotte, qui pourra faire illusion aux petits jeunes gens, mais qui n’a pas d’autre grandeur que celle de la beauté ; qui tente et tombe comme toute femme ; qui craint moins, dit-elle (toujours les mêmes charlatanes de mots !) […] Mais, par un hasard que je trouve heureux pour sa gloire, Octave Feuillet, de cette fois, s’est rencontré avec un sujet de grandeur qu’il pouvait embrasser. […] Alors, le vis-à-vis du père et du fils, — du père qui dit fièrement au fils, en plein xixe siècle : « Reste dans ta province : la dignité, la grandeur et l’utilité de la vie ne sont que là pour des gens comme nous !
Grandeur de la vie privée. […] La Grandeur de la Vie privée ! […] Cette extrémité du Léman où il place sa scène d’idylle est, pour la simplicité et la précision du dessin, d’une grandeur tout à fait classique. […] Simiane va porter son écrit à Montesquieu, que les Lettres persanes ont placé à la tête de la réaction qui s’est prononcée contre la grandeur et le despotisme de Louis XIV.
Il n’a pas le bonheur, si c’est là un bonheur que cette bonne fortune éphémère, d’être éloigné de nous et de nous apparaître avec la grandeur et le mirage des bâtons flottants ! […] Il est grand de près, sans illusion, à quelques pouces de nous, — et à cette distance, et nous touchant du coude, il est écrasant de grandeur. […] Sa grandeur n’écrase pas. […] Voilà la vraie grandeur de Lamartine, quoiqu’il en ait une autre moins vraie, et que le bruit qu’elle a fait ait été grand !
C’est donc, dans les détails profonds et fouillés, un sujet neuf… Grand en bloc, grand d’effet et dans la perspective, Christophe Colomb nous apparaissait bien, avec cette Amérique qu’il a tirée de sa tête, comme quelque chose d’assez puissant et d’assez considérable, mais toute cette grandeur avait ses nuages, comme le génie Adamastor dans le poète, et l’indistinct, pouvait-on croire, augmentait encore cette grandeur. […] Il y a le mystère de sa grandeur, expliqué d’une manière insupportable à la philosophie, c’est-à-dire, par l’intervention directe et personnelle de la Providence. […] Et précisément, en acceptant tout cela, l’historien a fait saillir davantage le côté inspiré d’un homme qui n’avait pas la science, disent les savants, et qui a toujours agi comme la science et une science infaillible aurait agi ; et c’est ainsi que sur les diminutions historiques de la grandeur humaine de Colomb il a élevé et plus solidement établi l’homme providentiel !
Si la grandeur, en dehors de vous, n’est jamais intensive, l’intensité, au dedans de vous, n’est jamais grandeur. […] Et de ce que la conscience ne mesure pas la quantité intensive, il ne suit pas que la science n’y puisse indirectement parvenir, si c’est une grandeur. […] On se demande en effet si l’acte pouvait ou ne pouvait pas être prévu, étant donné l’ensemble de ses conditions ; et soit qu’on l’affirme, soit qu’on le nie, on admet que cet ensemble de conditions pouvait se concevoir comme donné à l’avance : ce qui revient, ainsi que nous l’avons montré, à traiter la durée comme une chose homogène et les intensités comme des grandeurs.
Mais ce n’était là que la moitié du génie de Michel-Ange, la grandeur ; l’autre moitié de ce génie, la beauté, est à Florence. […] Mais l’instinct de la grandeur, joint au respect de la règle, le culte de la puissance visible et invisible, s’y font sentir comme dans toutes les institutions de ce peuple. […] et que de génie, de grandeur, de sagesse, de lumière, de vertu même (car non loin de là mourut Socrate) pour ce temps ! […] L’aspect du Parthénon fait apparaître, plus que l’histoire, la grandeur colossale d’un peuple. […] Lisez le Phidias de M. de Ronchaud, et vous comprendrez la grandeur du monument dans la grandeur du poète.
Soit cette table d’acajou vers laquelle je tourne les yeux ; quand je la perçois, j’ai, à propos de la sensation de ma rétine, une conception affirmative, qui est celle d’un quelque chose étendu, résistant, dur, lisse, faiblement sonore, d’un brun rougeâtre, de telle grandeur et de telle figure, bref d’un être ou substance, doué des qualités ou propriétés susdites. […] Quand notre bras se meut, il parcourt une étendue : mais nous n’évaluons la grandeur de ce parcours que par les deux facteurs qui la mesurent, d’un côté par la quantité de notre effort musculaire, de l’autre côté par la durée de nos sensations musculaires successives. Dans un parcours, il y a trois termes, la grandeur de la force motrice, la longueur du temps employé, l’étendue de l’espace parcouru, et chacun d’eux est déterminé par les deux autres. […] Il évaluait la force par la grandeur de sa sensation d’effort ; il la mesure, maintenant par la vitesse du mouvement qu’elle imprime à une masse donnée, ou par la grandeur de la masse à laquelle elle imprime un mouvement d’une vitesse donnée. — Il arrive ainsi à concevoir le corps comme un mobile moteur, en qui la vitesse et la masse sont des points de vue équivalents. […] À la limite extrême de simplicité, toutes se réduiraient à des mouvements, lesquels ne seraient eux-mêmes que des séries continues de sensations infinitésimales, dépouillées de toute qualité et définissables seulement au point de vue de la quantité, c’est-à-dire par la durée employée à leur accomplissement et par la grandeur de l’effet consécutif.
Grand, bien fait et d’une belle taille s’il s’était mieux tenu, avec une figure à longs traits expressifs et fortement marqués, laquelle exprimait la bonhomie, et qui aux clairvoyants eût permis, par éclairs, de deviner de la force ou de la grandeur, il se laissa aller, durant cette première partie de sa vie en province, au hasard des compagnies et des camaraderies qu’il rencontrait. […] Les Contes lui seraient aisément venus dans ce lieu-là, non pas les Fables ; les belles fables de La Fontaine, très probablement, ne seraient jamais écloses dans les jardins de Vaux et au milieu de ces molles délices : il fallut, pour qu’elles pussent naître avec toute leur morale agréable et forte, que le bonhomme eût senti élever son génie dans la compagnie de Boileau, de Racine, de Molière, et que, sans se laisser éblouir par Louis XIV, il eût pourtant subi insensiblement l’ascendant glorieux de cette grandeur. […] Chez les Orientaux, à l’origine, quand la sagesse primitive s’y déguisait sous d’heureuses paraboles pour parler aux rois, elle pouvait avoir son élévation et sa grandeur ; mais, transplantée dans notre Occident et réduite à n’être qu’un récit tout court qui amène après lui son distique ou son quatrain moral, je n’y vois qu’une forme d’instruction véritablement à l’usage des enfants. […] Dans sa première manière pourtant, à la fin du premier livre, dans Le Chêne et le Roseau, il a atteint la perfection de la fable proprement dite ; il a trouvé moyen d’y introduire de la grandeur, de la haute poésie, sans excéder d’un seul point le cadre ; il est maître déjà. […] Sa distance me fait juger de sa grandeur : Sur l’angle et les côtés ma main la détermine.
Ce que l’école libérale appelait le despotisme de la démocratie, c’était la violence démagogique, le gouvernement brutal et sauvage des masses ; mais Tocqueville avait en vue une autre espèce de despotisme, non pas celui de la démocratie militante, entraînée par la lutte à d’abominables violences et manifestant à la fois une sauvage grandeur : non, il croyait voir la démocratie au repos, nivelant et abaissant successivement tous les individus, s’immisçant dans tous les intérêts, imposant à tous des règles uniformes et minutieuses, traitant les hommes comme des abstractions, assujettissant la société à un mouvement mécanique, et venant à la fin se reposer dans le pouvoir illimité d’un seul. […] Il pensait que les démocrates et les conservateurs se trompaient également en prêtant à la démocratie organisée et victorieuse, les uns la grandeur, les autres la férocité des crises révolutionnaires. […] Or il y a deux sortes d’égalité, — l’égalité de servitude et l’égalité de liberté, l’égalité d’abaissement et l’égalité de grandeur. […] Nous ne devons pas tendre à nous rendre semblables à nos pères, mais nous efforcer d’atteindre l’espèce de grandeur qui nous est propre. » Un de ses amis les plus intimes, M. de Corcelles, avait paru comprendre son livre dans un sens trop défavorable à la démocratie. […] « Il ne restait plus qu’à choisir, disait-il, entre des maux inévitables ; la question n’était pas de savoir si l’on pouvait obtenir l’aristocratie ouladémocratie, mais si l’on aurait une société démocratique sans poésie et sans grandeur, mais avec ordre et moralité, ou une société démocratique désordonnée et dépravée, livrée à des fureurs frénétiques ou courbée sous un joug plus lourd que tous ceux qui ont pesé sur les hommes depuis la chute de l’empire romain. » Au reste, M. de Tocqueville, quand il propose et indique les remèdes qui lui paraissent nécessaires, se contente des indications les plus générales et n’entre pas dans les détails particuliers.
Par l’imagination nous sommes émus de la grandeur qu’il imprime à ses personnages, de ce surhumain dont il les a marqués. […] Même les beaux vers que débite Porus, héros cornélien, qui aime mieux la gloire que la vie, se sentent de la grandeur d’imitation ; et la grandeur imitée est bien près de la bravade. […] Mais, dans les vers qui suivent, en cherchant la grandeur sur les traces du maître, le disciple la rencontre dans le cœur humain. […] Tant de grandeur nous enlève, sans nous convaincre toujours. […] Il y a de l’enthousiasme dans Esther, à cause de la grandeur de l’intérêt auquel elle se dévoue.
époque de grandeur mignarde et compliquée, grandiose. […] Je dirai plus : il y a ici des fragments dignes des plus beaux chapitres de l’Adorant (Sixtine)… Cela me confirme dans l’appréciation très digne que je me suis formée de M. de Gourmont, à savoir : que c’est un prosateur exquis qui a des douceurs de poète et des grandeurs de philosophe.
L’étendue des cieux, la profondeur des forêts, l’immensité des mers, la richesse et la variété des campagnes, cette multitude innombrable d’êtres en mouvement, destinés à servir d’ornement au globe qu’il habite, tout ce vaste assemblage dut porter à son esprit une impression de grandeur. […] Ô Dieu qui verses tous les dons, Dieu à qui les orages et la foudre obéissent, écarte de l’homme cette erreur insensée ; daigne éclairer son âme ; attire-la jusqu’à cette raison éternelle qui te sert de guide et d’appui dans le gouvernement du monde, afin qu’honorés nous-mêmes, nous puissions t’honorer à ton tour, célébrant tes ouvrages par une hymne non interrompue, comme il convient à l’être faible et mortel ; car, ni l’habitant de la terre, ni l’habitant des cieux n’a rien de plus grand que de célébrer dans la justice, la raison sublime qui préside à la nature. » Il est difficile sans doute de parler de Dieu avec plus de grandeur. […] À imagination égale, cette impression même est plus forte chez les peuples qui habitent les campagnes, que chez les peuples renfermés dans l’enceinte des villes, et l’on sent bien que cela doit être : dans les villes on n’aperçoit pour ainsi dire que l’homme ; partout l’homme y rencontre sa grandeur.
Pascal va le premier vous répondre ; il va, d’une seule phrase, vous manifester celle qui tient à la grandeur de l’esprit. […] La réponse sublime de ce magistrat français naît encore de la grandeur d’âme. […] Cet exemple démontre que la grandeur n’est que relative et que toute autre n’est que chimère, et exagération. […] Il tient à la grandeur d’âme et de cœur. […] Eschyle y devait plaire au nombreux concours de ses auditeurs, par sa grandeur colossale et sa haute uniformité.
Animé de cet esprit, Bossuet ne craint pas de le représenter dans sa grandeur, comme pour entretenir en lui l’émulation des grandes choses. […] Et si quelque chose peut prouver que le dauphin valait mieux que le rôle que lui fit jouer la jalouse grandeur de son père, c’est que Bossuet l’ait jugé de force à lire les ouvrages qu’il écrivait pour lui. […] Colbert n’aurait pas jugé en termes plus propres et plus précis, ni vu de plus haut la sage administration des Egyptiens, la grandeur pratique de leurs arts, l’économie de leurs travaux publics. […] Lui aussi a parlé de notre belle langue ; c’est une de ces grandeurs auxquelles il s’est intéressé. […] C’était à peine assez, pour la grandeur du genre et pour l’attente qu’il suscite, de la piété touchante de Marie-Thérèse, de la conversion miraculeuse d’Anne de.
Et pour en montrer un exemple dans notre révolution, qu’on nous dise si ce furent des causes ordinaires qui, dans le cours de quelques années, dénaturèrent nos affections, et affectèrent parmi nous la simplicité et la grandeur particulières au cœur de l’homme. […] Elle n’a de prudence et de grandeur que sur sa frontière ; au dedans tout est abattu, à l’extérieur tout triomphe.
Les Grecs ont surtout été remarquables par la grandeur des hommes ; les Romains, par la grandeur des choses.
Quand on dépouille sa personne de toutes ces drôleries anecdotiques qui sont le régal des esprits légers, et qu’on va droit à l’homme et au caractère, on s’arrête avec admiration, avec respect ; on reconnaît dès le premier instant, et à chaque pas qu’on fait avec lui ; un supérieur et un maître, ferme, sensé, pratique, actif et infatigable, inventif au fur et à mesure des besoins, pénétrant, jamais dupe, trompant le moins possible, constant dans toutes les fortunes, dominant ses affections particulières et ses passions par le sentiment patriotique et par le zèle pour la grandeur et l’utilité de sa nation ; amoureux de la gloire en la jugeant ; soigneux avec vigilance et jaloux de l’amélioration, de l’honneur et du bien-être des populations qui lui sont confiées, alors même qu’il estime peu les hommes. […] Souvent battu, souvent en faute, sa grandeur est d’apprendre à force d’écoles, c’est surtout de réparer ses torts ou ceux de la fortune par le sang-froid, la ténacité et une égalité d’âme inébranlable. […] Il se dit encore, et il nous dit avec franchise, que Frédéric Ier (son grand-père), en érigeant la Prusse en royaume, avait, par cette vaine grandeur, mis un germe d’ambition dans sa postérité, qui devait fructifier tôt ou tard. […] J’ai dit que le type qu’il se propose ; l’homme dont il fait dater à bon droit la grandeur de sa maison, est Frédéric-Guillaume, dit le Grand Électeur, celui qui prit en main le Brandebourg, au sortir de cette désastreuse guerre de Trente Ans « qui avait fait de l’électorat un désert affreux, où l’on ne reconnaissait les villages que par des monceaux de cendres qui empêchaient l’herbe d’y croître ». […] Il a pour les héros un attrait visible ; il ne parle qu’avec respect et avec un instinct de haute fraternité, des Gustave-Adolphe, des Marlborough, des Eugène ; mais il ne se méprend pas à la grandeur, et n’en prodigue pas le mot : la reine Christine, avec son abdication par caprice, ne lui paraît que bizarre ; le duel de Charles XII et de Pierre le Grand à Poltava lui paraît celui des deux hommes les plus singuliers de leur siècle.
La pompe, l’appareil dans lequel le jeune roi se montrait, cette grandeur empreinte sur toute sa personne, manifestaient en lui cette passion de gloire, ce besoin de respect et d’admiration qu’il est si agréable aux Français de satisfaire dans leur prince. […] Non, rien de vulgaire ne convient à un esprit de cette distinction, à l’honnêteté de ce caractère, à la grandeur et à la noblesse du but qu’il s’est proposé. […] C’était pourtant au fond une âme assez basse, et pleine de vénération pour les grandeurs humaines ; d’ailleurs tracassier et processif. […] Tous les biographes81 s’accordent, avec raison, à dire, d’après la correspondance de madame de Maintenon, que, « parvenue aux grandeurs, elle se trouva si importunée des respects que son nouvel état inspirait au directeur, qu’elle crut devoir donner sa confiance à un autre ».
Mais pourquoi tout cela, qui lui constitue dans l’Histoire une si haute fortune, ne lui constitue-t-il pas une grandeur ? C’est que la grandeur ne vient ni des facultés, ni de leur emploi, ni de leur réussite, mais d’une imposante manière d’être, soit dans la vertu, soit dans le talent, soit même dans le vice ; et Mazarin manqua toujours de ce naturel et mystérieux ascendant. […] Si, plus tard encore, il s’opposa, dans des lettres magnifiques, écrites pour piper l’histoire, au mariage de Louis XIV et de sa nièce Marie, la raison qu’il ne nous a pas dite, et que Renée pénètre, n’est ni l’honneur du roi ni le bien de l’État, mais la peur de voir Marie lui arracher le pouvoir en lui arrachant Louis XIV. — Renée a vu très clair sous ce désintéressement et cette grandeur de carnaval. […] Richelieu disait, du haut de cette grandeur que ses vices et ses ridicules n’ont pu diminuer : « Je suis timide par nature.
Ce n’est rien moins que quatre volumes chargés de ce titre qui oblige et qui ne manque pas d’une certaine grandeur : Histoire de la Liberté religieuse en France et de ses fondateurs, sujet triste et terrible qu’il n’a pas envisagé comme nous l’envisagerions, nous… nous le savons bien. […] En effet, ce christianisme plus fort que tout dans l’auteur de l’Histoire de la Liberté religieuse et qui lui a fait épouser les grandeurs catholiques autant que les grandeurs protestantes, a été reproché sourdement à M. […] Dargaud, il y a dans son histoire une méconnaissance profonde de la grandeur et de la sainteté du Concile de Trente, contre lequel il invoque, le croirait on ?
On n’en sait rien : peut-être une éclaboussure ignée de lave refroidie, lancée avec une impulsion rotatoire par quelque éruption d’un volcan céleste ; peut-être un grain de poussière éthérée soulevé dans sa course par le vent de quelque astre démesuré de grandeur ; peut-être un atome de fumée émané tout noir et tout calciné de quelque foyer de soleil ? […] L’homme atome noyé dans un rayon perdu de soleil, et qui se confondait par son imperceptibilité avec le néant, se confond tout à coup par sa grandeur avec la Divinité ! […] Sa grandeur, c’est de s’exprimer.
On voit combien ce nom et le souvenir d’une ancienne grandeur en imposaient encore : « L’orateur, dit-il, craint de faire entendre devant les héritiers de l’éloquence romaine, ce langage inculte et sauvage d’au-delà des Alpes, et son œil effrayé croit voir dans le sénat les Cicéron, les Hortensius et les Caton assis auprès de leur postérité pour l’entendre. » Il y a trop d’occasions où il faut prendre la modestie au mot, et convenir de bonne foi avec elle qu’elle a raison ; mais ici il y aurait de l’injustice : l’orateur vaut mieux qu’il ne dit ; s’il n’a point cet agrément que donnent le goût et la pureté du style, il a souvent de l’imagination et de la force, espèce de mérite qui, ce semble, aurait dû être moins rare dans un temps où le choc des peuples, les intérêts de l’empire et le mouvement de l’univers, qui s’agitait pour prendre une face nouvelle, offraient un grand spectacle et paraissaient devoir donner du ressort à l’éloquence : la sienne, en général, ne manque ni de précision, ni de rapidité. […] « Si l’accusé, dit-il, a parlé par légèreté, il faut le mépriser ; si c’est par folie, il faut le plaindre ; si c’est pour nous faire outrage, il faut lui pardonner. » Cette loi paraît être l’ouvrage de la grandeur d’âme et de l’humanité unies ensemble. […] Il semble qu’un orgueil noble donne du ressort à la vanité, et lui communique un peu sa grandeur.
Si d’aventure ils croient ajouter à leur grandeur en nous montrant leur point de départ, ils s’abusent étrangement. […] La lutte ainsi posée, ainsi comprise, réunit tous les caractères de la grandeur poétique. […] quelle grandeur dans son adolescence ! […] Assurément il est impossible de méconnaître la grandeur, la sincérité de l’inspiration qui a dicté cette plainte éloquente. […] Si les personnages ne vivent pas, ils parlent une langue pleine de grandeur et d’énergie.
Dans l’état où sont aujourd’hui toutes ces questions profondes qui touchent aux racines mêmes de la société, il semblait depuis longtemps à l’auteur de ce drame qu’il pourrait y avoir utilité et grandeur à développer sur le théâtre quelque chose de pareil à l’idée que voici. […] Puis, de tout ceci ainsi posé, faire un drame ; pas tout à fait royal, de peur que la possibilité de l’application ne disparût dans la grandeur des proportions ; pas tout à fait bourgeois, de peur que la petitesse des personnages ne nuisît à l’ampleur de l’idée ; mais princier et domestique ; princier, parce qu’il faut que le drame soit grand ; domestique, parce qu’il faut que le drame soit vrai.
La véritable religion nous enseigne que ce n’est pas par la force du corps que l’homme se doit mesurer, mais par la grandeur de l’âme. […] Énée, couvert de ses armes divines, et debout sur la poupe de sa galère, qui approche du rivage Rutule, est dans une attitude héroïque ; Agamemnon, semblable au Jupiter foudroyant, présente une image pleine de grandeur : cependant Godefroi n’est inférieur ni au père des Césars, ni au chef des Atrides, dans le dernier chant de la Jérusalem.
Sans beaucoup de peine et d’efforts, et en restant dans les travaux de toute sa vie, il pouvait conquérir littérairement le nom d’Asiatique et se faire une gloire éclatante et facile, à une époque où l’esprit d’aberration philosophique qui mène le monde s’est engoué de l’Asie, et poétiquement, scientifiquement, politiquement, — de toutes les manières enfin, — en a monstrueusement exagéré la grandeur. […] III Le livre de l’abbé Huc, qui ne parle que du passé du Christianisme à la Chine, n’avait point à indiquer ces choses ; mais il les soulève fatalement dans l’esprit du lecteur, selon cette parole, vraie pour le coup, d’un esprit célèbre, qui fut trop souvent dans le faux : « Le passé est gros de l’avenir. » Nous le répétons, ce qui nous a frappé et comme accablé dans la lecture de ces deux volumes, c’est la grandeur de la vie et de la mort des missionnaires, ces héros de l’Église romaine ; c’est aussi la grandeur des moyens employés par eux pour fonder quelque chose de vaste et de solide, et cependant la petitesse des résultats qu’ils ont obtenus !
Involontairement, on se demande si dans cette souveraineté calme du regard historique de Guizot il n’y aurait pas un peu de cette indifférence dont il parle avec tant de majesté, quand il dit quelque part : « Les longues grandeurs amènent l’indifférence. » Oui ! les longues grandeurs du talent comme les longues grandeurs de la fortune.
Avant Hugues Capet, dont il nous fait mesurer la grandeur, avant Hugues Capet, qui a établi dans la loi politique du royaume le droit de primogéniture et d’hérédité, il n’y avait sous les Mérovingiens, malgré Clovis, et sous les Carlovingiens, malgré Charlemagne, que le partage, que le morcellement de la couronne, — en d’autres termes, que le Communisme, qui ne vaut pas mieux pour les Royautés que pour les peuples ! […] C’est moins une histoire — comme le dit, du reste, son sous-titre, — qu’un Cours tout entier philosophique et critique de l’histoire moderne ; c’est une démonstration en sens contraire de tous les problèmes agités, à cette heure, par l’esprit révolutionnaire, et dont la solution dernière serait, sous le nom imposteur de progrès, de faire rétrograder la civilisation du monde… Après avoir, dans ses premières pages, comme donné le dictionnaire de la langue qu’il va parler en fixant l’origine et en déterminant la grandeur de la Monarchie française, en traitant de « la providence des dynasties inamovibles », de la propriété, du droit divin, dont il dit : « La primogéniture, le droit successif, la légitimité, le droit divin, ne sont qu’une même expression, une même vérité, une loi de raison », le métaphysicien politique aborde vaillamment l’Histoire. […] … Ce livre, qui nous montre les nôtres et qui nous les explique, a parfois de la grandeur et de la beauté.
Ces volumes, en effet, sont suffisants pour fixer sur Camille Desmoulins l’opinion, que les grandes histoires de la Révolution laissaient indécise quand elles le plaçaient dans un lointain qui lui donnait, comme aux bâtons flottants, de la grandeur. […] « J’ai tenu la balance des grandeurs ! […] » Comme tous les hommes qui n’en ont pas, il parlait incessamment de son caractère, et demandait une caverne pour s’y retirer avec sa femme et son enfant… Je ne sais pas si je me trompe, mais la cave sinistre de Marat a plus de grandeur que cette caverne sentimentale et poltronne de ce mari de Greuze dans l’embarras.
Le titre seul l’exprimait, mais l’exprimait mal : Servitude et Grandeur militaires. […] Grandeur ? […] Je vis deux yeux bleus, démesurés de grandeur, admirables de forme, sortant d’une tête pâle, amaigrie et longue, inondée de cheveux blonds, tout plats. […] Les grandeurs éblouissantes des conquérants sont peut-être éteintes pour toujours. […] … Tantôt il porte l’homme à ne pas survivre à un affront, tantôt à le soutenir avec un éclat et une grandeur qui le réparent et en effacent la souillure.
Ainsi, parlant des colonies anglaises de l’Amérique du Nord, et prédisant leur émancipation future et leur séparation de la métropole, prophétisant avec un enthousiasme anticipé la grandeur gigantesque de ces nouveaux États-Unis dès qu’ils travailleront pour eux et non plus pour d’autres : « Quelle supériorité, s’écrie-t-il, sur toutes les autres colonies de mercenaires, gouvernants intéressés, troupes mal disciplinées, recrues lentes, ordres lents, peu de force, peu de zèle, puisqu’il faut tirer son âme de si loin ! […] C’est précisément tout ce que la France de la Révolution, la France de 89 avait à abattre, en dégageant et achevant les parties nettes et vives de l’Ancien Régime, et en y versant l’esprit d’égalité, l’esprit de bon sens et de droit commun opposé au principe monarchique du droit divin : et c’est ce qu’elle a fait à l’Assemblée constituante avec grandeur et quelque inexpérience, ce qu’avertie et mûrie elle a refait ensuite sous le Consulat avec précision et perfection, sous l’œil d’un génie, mais à l’aide des hommes modernes issus de l’ancien régime. […] Chauvelin vient de causer avec d’Argenson pendant deux heures dans son cabinet ou dans les allées de Grosbois, ou de le promener dans son carrosse par les rues de Paris, quand il a l’air de le consulter et de le vouloir avancer, il lui paraît avoir l’étoffe d’un grand ministre et être le dernier de la grande école de Richelieu, de Louis XIV : notre homme s’enflamme pour lui, il compte sur lui ; il le considère, dans le ministère du vieux cardinal, comme le bras nerveux d’un cerveau sénile ; il le voit déjà comme l’âme énergique d’un nouveau ministère, le vainqueur de Maurepas et de la faction des marmousets dans une nouvelle journée des Dupes ; il lui souhaite la prochaine succession de Fleury, qu’il croit prête à s’ouvrir à l’amiable, et en augure bien pour la grandeur et la restauration politique de la France. […] Il avait de l’ambition pour lui, et, de là, il en avait pour l’État ; j’entends par là de cette ambition de grandeur, inane nomen. […] Le piquant, lorsqu’on lit de suite le Journal, est de voir les idées sensées de d’Argenson, ses vœux honorables pour la grandeur de son pays, se mêler sans cesse à ses propres poussées d’ambition ; car ce vertueux était de la même pâte que les autres hommes, seulement son ambition prenait, à son insu, je ne dirai pas le masque, mais la forme du bien public : il avait l’ardeur du bien, s’en croyait les moyens et la science, et avait hâte d’en venir à l’application.
Les « considérations sur les romans » Montesquieu donna en 1734 ses Considérations sur la grandeur et la décadence des Romains. […] Il a été idolâtre de la grandeur romaine, de l’éloquence romaine, de la vertu romaine : il a lu Tite-Live et Tacite avec enivrement, il les a longuement médités. […] Toute une partie des Considérations atteste une lecture attentive du Discours sur l’Histoire universelle ; c’est celle où Montesquieu énumère les causes de la grandeur romaine. […] La grandeur de l’État romain qui a pour effet de substituer les guerres civiles aux dissensions du Forum, les guerres lointaines où périt le patriotisme du soldat, l’extension du droit de cité à toutes les nations, le luxe qui corrompt les mœurs, les proscriptions, qui, depuis Sylla jusqu’à Auguste, brisent par la peur le ressort des âmes et les dressent à la servitude, la suite des mauvais empereurs, le partage de l’empire, la destruction de l’empire d’Occident par les invasions barbares, et la lente agonie de l’empire d’Orient, voilà les principales étapes de la décadence du peuple romain. […] Éditions :Lettres persanes, 1721, in-12, Amsterdam et Cologne ; Considérations sur les causes de la grandeur et de la décadence des Romains, Amsterdam, 1734, in-12 (anonyme) ; De l’esprit des Lois, Genève, 1748, 2 vol. in-4 (sans nom d’auteur) ; Paris, Huart, 1750, 3 vol. in-12.
Peu importe que Descartes soit ou non un habile écrivain (il l’est cependant, et la première partie du Discours de la méthode est un chef-d’œuvre d’esprit, de naïveté, de grandeur) ; là n’est pas la question. […] Après cela je ne veux point dire que Versailles ne soit pas une grande chose ; c’est une grandeur froide qui impose, mais qui éteint. Ce qu’il y a de plus beau d’ailleurs à Versailles, c’est la mélancolie de cette grandeur évanouie et déserte ; ce n’est pas là l’œuvre de Louis XIV. […] N’avoir pas deviné la grandeur des sociétés protestantes ni la grandeur des sociétés libres, c’est avoir eu les yeux fermés sur les plus grands faits des temps modernes, sur l’esprit moderne lui-même, tel qu’il est sorti du xvie siècle, génie momentanément interrompu dans ses destinées par la halte glorieuse de Louis XIV, mais qui devait en avoir de tout autres que celles que rêvait Bossuet.
Malgré les difficultés qui se présentoient dans un Discours dont le but est de développer le chaos des temps, de suivre, pour ainsi dire, pas à pas la marche de la Sagesse divine, de rapprocher les événemens pour en faire connoître les ressorts & le terme, de présenter enfin le tableau du genre humain dans sa naissance, dans ses erreurs, dans ses crimes, dans le progrès de ses lumieres, dans sa législation, dans la réformation de ses mœurs, dans les révolutions des Empires ; le génie de Bossuet est toujours égal au sujet qu’il embrasse, & embellit les objets que leur propre grandeur sembloit mettre au dessus de l’esprit de l’homme. […] Présenter des tableaux qui touchent, qui épouvantent, qui éclairent ; annoncer la vérité, confondre l’orgueil, apprécier les grandeurs, ne point dissimuler les foiblesses ; instruire les vivans au milieu des trophées de la mort ; voilà quel doit être le but de ces sortes de Discours, & celui que l’Evêque de Meaux a rempli avec une supériorité qu’il conservera peut-être toujours.
Il est plein de feu, de grandeur, de mouvement et de poésie. […] Mais ayant à donner l’avantage de la grandeur à ses héros sur ses dieux, que vouliez-vous que le peintre fît de ceux-ci, sinon des génies, des ombres, des démons.
Mais, nous le dirons, dans un tel travail, l’inégalité des œuvres est, pour ainsi dire, en proportion de leur ressemblance affectée : l’éclat éblouissant devient obscurité semée d’éclairs, la hardiesse, bizarrerie, et la grandeur, monstruosité. […] Que si maintenant on relit, au sombre crépuscule du poëte d’Alexandrie, cette prophétie de la grandeur romaine, à côté des chants de l’Iliade, des strophes guerrières d’Eschyle, du chœur héroïque d’Aristophane dans les Guêpes, des digressions triomphales de Pindare sur la Sicile et la Grèce délivrées, et enfin des vers de Virgile et d’Horace célébrant la durée des grandeurs romaines, comment ne pas reconnaître quelle place les arts d’imagination avaient dans l’antiquité, et quelle puissance ils ont exercée sur ses destinées ? […] N’y a-t-il pas ici, sous quelques rapports, un artifice, un effort de grandeur, symptôme des œuvres faussement archaïques, et qui rappelle Ossian comparé à Homère ? […] Plus tard, ce problème reviendra et s’éclaircira dans la pensée humaine, qui, sans faire Dieu l’auteur du mal, comprendra qu’il a dû le permettre sous ses deux formes extrêmes, la douleur et le vice ; car, sans cette double épreuve, les deux lois et les deux grandeurs de l’homme, le travail et la vertu, n’auraient plus où se prendre ici-bas. […] Les hymnes rehaussent même les dieux. » Ce ton de panégyriste enthousiaste, rappelant d’abord la grandeur des Ptolémées, leur faste royal, leur palais, près duquel repose Alexandre, divinité terrible aux Perses ornés de la mitre, se soutient par l’idolâtrie des louanges prodiguées au monarque et à Bérénice, son épouse et sa sœur.
Il serait commode de dire que ce sont là des additions de disciples bien inférieurs à leur maître, qui, ne pouvant concevoir sa vraie grandeur, ont cherché à le relever par des prestiges indignes de lui. […] Des faits, aujourd’hui morbides, tels que l’épilepsie, les visions, ont été autrefois un principe de force et de grandeur. […] Les faiblesses de l’esprit humain n’engendrent que faiblesse ; les grandes choses ont toujours de grandes causes dans la nature de l’homme, bien que souvent elles se produisent avec un cortège de petitesses qui pour les esprits superficiels en offusquent la grandeur.
Nous la laisserons telle qu’elle est en toutes les imaginations, dans la grandeur de sa double force, imposante comme la bonté grave, et charmante comme la toute-puissance qui sourit. […] Il a beau avoir de la grandeur de tête et de la vertu, Joseph de Maistre a un esprit du diable, comme on dit dans le pays des gens d’esprit, mais c’est le diable avant sa chute, dans le temps qu’il était ange encore et qu’il s’appelait Lucifer ! […] Nous nous doutions bien de la haine de Joseph de Maistre contre celui qu’il appelle le Dæmonium meridianum, mais nous savions aussi à l’avance que cette haine ne serait jamais mesquine, et, de fait, la haine de de Maistre est taillée à la grandeur de l’homme qui l’inspire !
Et en effet, en les posant, il les renverse… Et, même, de telle façon, que si jamais un téméraire en critique critique avait vainement cherché un moyen de ne pas trop révolter les habitudes faites en abaissant dans l’opinion, qu’il croirait mal informée ou superficielle, cette renommée effrayante de grandeur et de fixité qu’on appelle « l’histoire de Thucydide », il n’aurait, maintenant, rien de mieux à prendre que les motifs consciencieusement cherchés et savamment déduits de l’admiration de M. […] C’est cette raison humaine, philosophique, didactique, qui n’admet ou du moins ne veut admettre que ce qu’elle conçoit en elle-même ; c’est cette raison qu’il reconnaît, et qui fait la force, la beauté, la grandeur de histoire de Thucydide. […] Cette sévérité par appauvrissement, — car toute sévérité consiste à se priver de quelque chose, — cette simplification comme l’entendent les Grecs, est toujours la diminution ou l’extinction d’une réalité dont un art plus large et plus fort ne redouterait ni la grandeur ni l’énergie.
Les grâces dans le même temps avaient, au rapport des anciens, embelli l’esprit, le caractère et l’âme de Socrate ; il allait quelquefois les étudier chez Aspasie : il en inspirait le goût aux artistes, il les enseignait à ses disciples, et probablement Xénophon et Platon les reçurent de lui ; mais Platon, né avec une imagination vaste, leur donna un caractère plus élevé, et associa pour ainsi dire à leur simplicité un air de grandeur ; Xénophon leur laissa cette douceur et cette élégante pureté de la nature qui enchante sans le savoir, qui fait que la grâce glisse légèrement sur les objets et les éclaire comme d’un demi-jour ; qui fait que peut-être on ne la sent pas, on ne la voit pas d’abord, mais qu’elle gagne peu à peu, s’empare de l’âme par degrés et y laisse à la fin le plus doux des sentiments : à peu près comme ces amitiés qui n’ont d’abord rien de tumultueux, ni de vif, mais qui, sans agitation et sans secousses, pénètrent l’âme, offrent plus l’image du bonheur que d’une passion, et dont le charme insensible augmente à mesure qu’on s’y habitue. […] Serait-ce parce que nous nous efforcerions d’autant plus de paraître grands, que nous aurions moins de grandeur réelle ? […] La première moitié a cet agrément qui caractérise presque tous les ouvrages de Lucien ; la dernière est pleine de grandeur ; elle est digne des plus beaux temps de la Grèce.
. — Grandeur qui reste encore à l’esprit grec. — Lyrisme philosophique. […] Il semble, cependant, par un souvenir de son règne, que là même, l’ostentation orgueilleuse de la puissance, et ce je ne sais quoi d’asiatique et de barbare qu’Alexandre recevait du contact de ses ennemis vaincus, venaient altérer, dans les arts qui touchent à l’expression matérielle de la grandeur, la sublime pureté du génie grec. […] C’est un demi-siècle après Alexandre, à travers les dominations tyranniques issues de sa grandeur, qu’un des fondateurs de cette école stoïque, sanctuaire de l’indépendance humaine survivant à la liberté, le philosophe Cléanthe, résumait son culte et sa foi dans un hymne au Dieu suprême.
Notre esprit fléchit aujourd’hui sous l’idée de cette grandeur et de cette barbarie ; mais nous découvrons que la barbarie fut alors la cause de la grandeur. […] Si nous avons effacé chez nous la férocité et la sottise, nous avons diminué chez nous la force et la grandeur. […] La force des objets qu’il décrit passe en nous ; nous devenons grands par sympathie pour leur grandeur. […] Le lecteur jugera par la grandeur des outrages de la grandeur des ressentiments : « L’humble pétition du docteur Alexandre Leighton, prisonnier dans la Flotte. […] Que de grâces, que de grandeur !
Cette idée, qui fut pour elle une religion, lui dicte en toute occasion des paroles d’une vanité bien franche, bien naïve, et lui impose des sentiments qui visent à la grandeur et qui du moins ne dérogent pas à la dignité. […] Mademoiselle, durant la Fronde, fut éprise d’une fausse grandeur, elle poursuivit une fausse gloire : elle resta désintéressée du moins, généreuse, et n’imprima aucune tache à son nom. […] Après avoir été quelque temps à rêver, elle ne tarda pas à se fixer résolument, et, comme elle était très honnête et très imprévue, que l’idée qu’on put aimer sans se marier ne lui entrait pas dans l’esprit, elle pensa qu’il n’y avait rien de plus court que de faire la grandeur de ce gentilhomme et de l’épouser. […] Dans la lettre au roi où elle demande d’épouser Lauzun, Mademoiselle a soin de faire sonner bien haut cette chaîne de précieuse servitude et de domesticité, qui, selon elle, honore plus que tout, et dont elle réclame sa part : « Je dis tout ceci à Votre Majesté pour lui marquer que plus on a de grandeurs, plus on est digne d’être vos domestiques. » Il y avait quelque chose à quoi Lauzun tenait plus encore qu’à être le mari de Mademoiselle, le duc de Montpensier et le plus grand seigneur du royaume, c’était d’être du dernier bien avec son maître. — Je note expressément la forme régnante de platitude de ce temps-là : n’allons pas nous flatter de n’avoir point la nôtre. […] Elle aime surtout la grandeur, elle aime la gloire ; elle s’y méprit souvent ; elle a toutefois des mouvements de fierté, d’honneur et de bonté, dignes de sa race.
Qu’il nous permette d’ajouter que la grandeur et l’élévation dont il fait preuve si aisément, et qui lui sont familières, amènent bientôt quelque froideur ; il n’a pas assez d’émotion et de ces cris qui font songer qu’on est un homme ici-bas ; il n’a pas assez de ce dont M. de Musset a trop. […] Quelques-unes des scènes évangéliques sont reproduites avec un rare bonheur, dans un ton de forte simplicité et de grandeur calme… Psyché, qui est le Désir de l’infini, les Poèmes évangéliques, qui sont la Charité, le Sacrifice, la Douleur, expriment presque au même titre l’idéalisme religieux chez M. de Laprade.
Car, remarquons-le en passant, il a été donné à Shakspeare, et c’est ce qui fait la souveraineté de son génie, de concilier, d’unir, d’amalgamer sans cesse dans son œuvre ces deux qualités, la vérité et la grandeur, qualités presque opposées, ou tout au moins tellement distinctes, que le défaut de chacune d’elles constitue le contraire de l’autre. […] Au centre de toutes ses créations, on retrouve le point d’intersection de la grandeur et de la vérité ; et là où les choses grandes et les choses vraies se croisent, l’art est complet.
Regretta-t-il sa trop haute nature, et, victime de sa grandeur, pleura-t-il de n’être pas resté un simple artisan de Nazareth ? […] Mais du moins, dans cette victoire du Doute, il n’a pas perdu le sentiment de la grandeur du Dieu auquel il ne croit plus. […] Partout où la souffrance est vraie, il y a de la grandeur. […] Quelques-unes des scènes évangéliques sont reproduites avec un rare bonheur, dans un ton de forte simplicité et de grandeur calme. […] Chez lui, l’instinct est énergique et simple ; il va naturellement au progrès des classes populaires et à la grandeur de la patrie.
Un tableau, tel que celui, d’une grandeur considérable n’y paraît qu’une toile ordinaire. […] Quelle grandeur ! […] Ce morceau est très-beau, il est plein de grandeur et de majesté ; on l’admire, mais on n’en est pas plus ému, il ne fait point rêver, ce n’est qu’une vue rare où tout est grand, mais symmétrique. […] C’est une variété infinie d’objets pittoresques sans confusion ; c’est une harmonie qui enchante, c’est un mélange sublime de grandeur, d’opulence et de pauvreté. […] Trois marmites de terre de différentes grandeurs sont au fond de l’âtre.
La marche lente d’une procession pieuse, la blancheur des vêtements, la vapeur de l’encens, le son mesuré des voix, la douceur poétique des paroles et par-dessus tout l’enthousiasme des âmes, la vénération du récent martyr, l’aspiration aux mêmes souffrances, faisaient la grandeur de la liturgie nouvelle. […] Du grand Dieu le Père est né le Verbe, le Fils éternel, image archétype, essence égale à son auteur ; car la grandeur du Fils est la gloire du Père, et il a brillé d’une gloire telle que la conçoit le Père seul, ou celui qui resplendit égal au Père. […] Nous ne discutons pas ici ces contrastes donnés par la foi même, ce chaos de grandeur et de misère. […] Par là son unité ne s’écoule jamais, possédant une incomparable grandeur dans l’harmonie de sa divine essence. […] Et cependant ce génie contemplatif, qui ne trouvait toute sa grandeur que dans le repos, sous la main de Dieu, dans la tristesse solitaire, avait été bien des années en butte au choc des passions humaines, entre les grands et le peuple, admiré, applaudi, calomnié, battu de toutes les agitations des conciles, ce forum du monde chrétien.
Lisez Le Siècle de Louis XIV par Voltaire, La Grandeur et la Décadence des Romains de Montesquieu, les Époques de la nature de Buffon, Le Vicaire savoyard et les belles pages de rêverie et de description de nature par Jean-Jacques, et dites si le xviiie siècle n’a pas su, dans ces parties mémorables, concilier la tradition avec la liberté du développement et l’indépendance. […] Le chef-d’œuvre que cette théorie aime à citer, et qui réunit en effet toutes les conditions de prudence, de force, d’audace graduelle, d’élévation morale et de grandeur, c’est Athalie. […] Toutefois, réservons sa part et sa supériorité à toute grandeur. […] Au centre du lieu, trois grands hommes aimeraient souvent à se rencontrer devant le portique du principal temple (car il y en aurait plusieurs dans l’enceinte), et, quand ils seraient ensemble, pas un quatrième, si grand qu’il fût, n’aurait l’idée de venir se mêler à leur entretien ou à leur silence, tant il paraîtrait en eux de beauté, de mesure dans la grandeur, et de cette perfection d’harmonie qui ne se présente qu’un jour dans la pleine jeunesse du monde.
Feuillet, mon père, lui dit-elle avec une douceur admirable (comme si elle eût craint de le fâcher) ; vous parlerez à votre tour. » Cependant ce docteur Feuillet lui disait à haute voix de rudes paroles : « Humiliez-vous, Madame ; voilà toute cette trompeuse grandeur anéantie sous la pesante main de Dieu. Vous n’êtes qu’une misérable pécheresse, qu’un vaisseau de terre qui va tomber, et qui se cassera en pièces, et de toute cette grandeur il n’en restera aucune trace. » — « Il est vrai, ô mon Dieu ! […] » Prière de Bossuet prosterné à genoux au lit de mort de Madame, épanchement naturel et prompt de ce grand cœur attendri, vous fûtes le trésor secret où il puisa ensuite les grandeurs touchantes de son Oraison funèbre, et ce que le monde admire n’est qu’un écho retrouvé de ces accents qui jaillirent alors à la fois et se perdirent au sein de Dieu avec gémissement et plénitude ! […] Il y eut après elle, dans cette cour, plus de splendeur et de grandeur imposante peut-être, mais moins de distinction et de finesse.
Corneille, ancien Romain parmi les Français, a établi une école de grandeur d’âme ; et Molière a fondé celle de la vie civile. […] Sans parler d’Œdipe, qui est fondé d’un bout à l’autre sur l’ancien système du fatalisme ; c’est Brutus qui, dans la pièce de ce nom, veut, contre l’avis de Valerius, qu’on admette dans Rome l’ambassadeur toscan, qui doit séduire son fils ; c’est lui qui, par noblesse et par grandeur d’âme, a donné à la fille de Tarquin un asile dans sa maison ; c’est encore lui qui, au cinquième acte, s’écrie : Mais quand nous connaîtrons le nom des parricides, Prenez garde, Romains : point de grâce aux perfides. […] La tragédie partage avec l’épopée la grandeur et l’importance de l’action, et n’en diffère que par le dramatique seulement ; elle imite le beau, le grand ; la comédie imite le ridicule ; l’une élève l’âme et forme le cœur, l’autre polit les mœurs et corrige les dehors. […] Une invention purement raisonnable, dit le grand Corneille, peut être très mauvaise ; une invention théâtrale que la raison condamne dans l’examen, peut faire un très grand effet : c’est que l’imagination émanée de la grandeur du spectacle se demande rarement compte de son plaisir.
L’espace est une grandeur continue à trois dimensions, absolument infinie, c’est-à-dire excluant toute limite. De plus, nous le concevons comme n’étant ni un être réel, ni la qualité d’un être réel, ce qui signifie qu’il est une grandeur abstraite ; d’où l’on voit pourquoi il est nécessaire, et pourquoi on ne peut le supposer détruit. […] De plus, sa grandeur continue à trois dimensions se confond absolument avec celle des corps, qu’on appelle étendue : ce qu’on exprime en disant que les corps occupent l’espace. […] Dire qu’une grandeur est infinie, c’est dire qu’elle exclut toute limite, et que, si elle était limitée, il y aurait en elle une contradiction.
Il a cité enfin le très docte Daunou, l’oratorien apostat, qui fait de Grégoire un tourmenteur de peuples, doué d’un zèle inconsidéré qui lui venait d’une persuasion incurable… Et à tous ces doctes il a ajouté le docte Guizot, calomniateur d’un autre genre, car c’est calomnier un homme que de lui retirer de sa grandeur sans en avoir le droit. […] III C’est l’instinct politique, en effet, qui a averti Renée de la grandeur de Grégoire VII, et c’est la justesse de cet instinct qui la lui a fait reconnaître. […] À cela près de deux ou trois places où le scepticisme a fait tourner la main et trembler le pinceau, je ne crois pas que Grégoire VII ait inspiré jamais une page de plus de simplicité dans la grandeur et de plus de fierté dans la justice.
Malgré des travaux qui ont eu pour prétention de nous l’apprendre, malgré l’hypocrisie ou la duperie d’impartialité de la critique de ces derniers temps, le Moyen Âge n’a encore été montré par personne dans l’énergie sublime de son esprit et la grandeur cordiale de ses institutions. […] Le livre qu’Ernest Semichon a publié sous ce beau titre : La Paix et la Trêve de Dieu 21, est une tentative de justice rendue au Moyen Âge par un esprit qui croit aimer le Moyen Âge dans l’Église, qui comprend la grandeur du rôle que l’Église a joué alors, — et même qui la comprend trop, car ce rôle-là, il l’exagère, et c’est le vice profond et dangereux de son travail. […] Il est prodigieux qu’il n’ait absolument rien compris à la grandeur de la féodalité et à son action, manifeste même dans l’établissement de ces Trêves de Dieu qu’Ernest Semichon a raison de regarder comme un progrès.
et ce fut ainsi que se réalisa une fois de plus le beau mot de Balzac l’ancien sur la France : « La France est un vaisseau qui a pour pilote la tempête. » Évidemment, en présence de ces événements et de ces immensités, l’écrivain peut se tenir dispensé du maigre travail des biographies, ou, s’il lui plaît d’en faire encore, ce ne doit pas être pour mesurer la grandeur des hommes, mais pour montrer leur petitesse, et la montrer avec l’implacable exactitude d’un niveau. […] Il n’est point un Pascal de l’Histoire, un rabaisseur de l’orgueil humain devant la grandeur de la Providence. […] la même valeur, la même grandeur, le même héroïsme.
Balzac, en effet, Balzac est tout entier, de pied en cap, de fond et de surface, dans cette Correspondance, publiée, avec raison, comme le dernier volume de ses Œuvres, — les éclairant par sa personne, — les closant par l’homme, — et démontrant la chose la plus oubliée dans ce temps où le talent voile si souvent la personne de son rayon et lui fait malheureusement tout pardonner, c’est que l’homme égalant l’artiste le rend plus grand et en explique mieux la grandeur. […] À mes yeux, le talent — surtout dans l’art que pratiquait Balzac — est une question d’âme tout autant que d’intelligence… Byron, tout coupable qu’il fut parfois, était une âme magnanime, faite pour la vérité, même quand il la méconnaissait ; car il l’a souvent méconnue… Balzac, lui, est aussi grand par l’âme que par l’esprit, et c’est la grandeur absolue ! […] Dites-vous le souvent dans vos moments de mélancolie et vous devinerez par l’effet-travail la grandeur de la cause… » Ah !
L’air militaire manque ici complètement à cet homme qui a fait pourtant un magnifique livre à l’usage des soldats : Grandeur et servitude militaires, et j’y trouverais bien plutôt la placidité de l’Église. […] Aussi heureux en prose qu’en vers, il était allé jusqu’à l’éclat, dans Stello, et dans Grandeur et servitude militaires, jusqu’à l’attendrissement sublime. […] IV Telle donc est l’inspiration dernière d’Alfred de Vigny ; tel le sentiment amer, mais dompté, qui donne une beauté de douleur calme, de beauté de Niobé devenue marbre, aux compositions de sa vieillesse, et à son livre, que d’aucuns disent déjà un peu sec, son originalité, son pathétique et sa grandeur.
Le sol de l’ancienne Rome avait été caché deux ou trois fois ; des restes de palais ou de temples noircis par les feux, et un terrain immense couvert de décombres, attestaient seuls son ancienne grandeur. […] Rome, l’empire, tout avait été bouleversé ; tout avait changé ou péri : mais il restait encore une telle idée de la grandeur romaine, qu’on ne s’occupa, chez tous les peuples, qu’à faire revivre les lois, les arts, les monuments et la langue du peuple-roi qui n’était plus. […] En général, elle méprisa presque toutes les conventions, celles de la beauté, comme de la grandeur.
Guizot a un cachet d’élévation qu’il a tenu à marquer ; il y rend hommage à l’esprit, à la grandeur intellectuelle ; il invite les générations à remonter en idée vers les régions sereines de la méditation et de l’étude. […] Guizot nous a tout récemment montré dans sa belle étude sur sir Robert Peel combien une telle politique peut avoir de patriotisme et de véritable grandeur.
Au spectacle de cette période de terreur, c’est, je pense, une consolation de voir s’élever une autre grandeur que la grandeur de la cour, une autre autorité d’exemple et d’opinion, un autre modèle de société, une autre source de mœurs, d’idées, de principes ; c’est surtout un besoin pour les âmes douces et nobles, au milieu des tourments politiques qui les épuisent, d’entrevoir dans une société nouvelle un asile fermé à l’esprit de faction, et où se retrouvent les principales aménités de la vie civilisée.
C’est une question de grandeur, (et non point seulement de dimension, de longueur). […] Alors dans Polyeucte la sainteté recoupant juste dans l’héroïsme nous parvenons d’un dernier coup, d’une dernière montée à un deuxième faîte, d’un deuxième pas, d’un dernier pas, au faîte suprême ; à une grandeur, à un faîte de grandeur d’une grandeur suprême, d’une grandeur unique ; car c’est pour ainsi dire à un faîte spirituel comme d’une grandeur temporelle. […] La netteté en est parfaite, et la grandeur, l’agrandissement n’en est pas moins infini. La grandeur du texte est parfaite et totale et la grandeur de l’extratexte n’en reçoit pourtant aucune limitation. […] Car il y en aura deux, un seul ne suffit pas à ma grandeur.
Les livres y sont couchés à plat, les uns sur les autres, en pile, selon leur grandeur ou leur volume, sans aucun distinction des matières qu’ils traitent, comme on l’observe si bien dans nos bibliothèques. […] Ils sont à deux étages, le bas consistant en salons avec des chambres et des cabinets autour, et le haut en chambres, qui sont plus petites, en cabinets, en galeries, en niches de cent sortes de figures et de grandeurs, avec de petits degrés çà et là dans les murs. […] Ces pavillons sont de différente construction et figure ; mais ils sont presque tous d’égale grandeur et tous peints et dorés fort matériellement, ce qui offre aux yeux l’aspect le plus éclatant et le plus agréable. […] Les bassins d’eau sont différents aussi, et en grandeur et en figure. […] Le jardin, qui est au bout, est appelé Mille-Arpents, non pas qu’il contienne en effet mille arpents, mais pour faire entendre que sa grandeur est extraordinaire.
Grandeur morale de l’esprit janséniste. […] La grandeur du jansénisme est tout entière dans sa morale. […] Pascal peindra à l’homme sa grandeur et sa bassesse, ses avantages et ses faiblesses, toutes les contrariétés étonnantes qui se trouvent dans sa nature. […] Ce n’est pas à Pascal qu’il prendra l’idée du néant et de la grandeur de l’homme, cette effrayante énigme dont la religion dit le mot. […] Il s’agit de montrer que l’homme est un composé de grandeur et de bassesse : la grandeur, ce sont les aspirations, le rêve, l’illusion ; la bassesse, c’est la réalité, et toutes les réalités, sentiments, croyances, institutions, coutumes, arts, toute la vie morale, politique et sociale de l’homme.
Corneille lui-même se paye ici de mots ; car si don Sanche passe pour n’avoir point de naissance, il n’en est pas moins fils d’un roi ; la grandeur de son origine perce sous l’obscurité de sa condition présente. […] Entre les héros fabuleux et ceux de Corneille, il y a cette différence que la grandeur des premiers est trop inaccessible pour nous tenter, tandis que la grandeur des seconds n’est pas si hors de notre portée, que nous ne sentions le désir de nous en rapprocher, ou du moins quelque honte d’en être loin. Une certaine grandeur, également éloignée d’un héroïsme impossible et d’une vertu ordinaire, est le trait commun aux principaux personnages de Corneille. […] Cette grandeur est quelquefois hors de la nature. […] D’ailleurs, parmi ces héros, quelques-uns ont vécu ; leur grandeur est une tradition historique.
L’Esprit des Loix avoit été précédé par un autre Ouvrage, qui ne lui est peut-être pas inférieur, les Considérations sur les causes de la grandeur des Romains & de leur décadence. […] Les causes de la grandeur & de l’abaissement des Romains se trouvent dans leur Histoire ; mais il n’y avoit qu’un homme de génie consommé dans la politique & la connoissance de l’esprit humain, qui pût les y découvrir, les lier ensemble, en former un tissu historique, qui prouve, d’une maniere lumineuse, ce qu’on s’est proposé de montrer.
Or cette cause était la mythologie, qui, peuplant l’univers d’élégants fantômes, ôtait à la création sa gravité, sa grandeur et sa solitude. […] Il faut plaindre les anciens, qui n’avaient trouvé dans l’Océan que le palais de Neptune et la grotte de Protée ; il était dur de ne voir que les aventures des Tritons et des Néréides dans cette immensité des mers, qui semble nous donner une mesure confuse de la grandeur de notre âme, dans cette immensité qui fait naître en nous un vague désir de quitter la vie, pour embrasser la nature et nous confondre avec son Auteur.
La vraie grandeur, celle de la vérité, manque à ce philosophe. […] On peut reprocher à M. de Chateaubriand beaucoup de vices, mais il y a trois qualités qu’il est impossible de lui refuser : l’originalité, la nouveauté et la grandeur. […] Dieu seul reste grand dans son style, et quelque ombre de cette grandeur divine reste attachée à l’écrivain lui-même et le rend grand comme lui. Je défie de prononcer le mot de grandeur sans que l’image de Chateaubriand s’élève à l’instant dans votre âme. […] Il y a des grandeurs de deux natures : celle de la plume et celle de l’épée sont égales peut-être, mais jamais semblables ; elles ne doivent pas s’assimiler : l’une agit sur les choses, l’autre sur les âmes.
Sa grandeur est évidente, mais sa misère ne l’est pas moins. […] Il ne sentit pas la grandeur de cette révolution, il affecta de ne pas s’en émouvoir : il fut moins grand alors que Schiller. […] « À quoi bon des temples pour qui conçoit la grandeur et l’unité de Dieu ? […] Jésus lui-même, dans l’Évangile, ne vit-il pas dans la retraite, au bord des lacs, au sein des déserts, contemplant la grandeur de Dieu et la misère des hommes ? […] Telle est donc, à notre avis, la borne de ce livre, telle est sa grandeur et sa limite.
Enchaînées et se succédant, les métaphores, par les rudes raccourcis qu’elles infligent au style, par les sauts de pensée qu’elles impliquent, donnent à toute pièce une grandeur grave, quelque chose de biblique et d’auguste. […] Les plus simples scènes champêtres, une vache paissant dans un pré, des enfants qui jouent, un chêne dans une clairière, une fleur au bord d’un chemin, prennent sous ses puissantes mains de pétrisseur de verbe, une grandeur calme et menaçante, un aspect fatidique et géant, qui émeut intimement. […] Hugo possède les variétés de la grandeur et les étale magnifiquement partout. […] Lazarus, dans sa monographie sur l’Esprit et le langage, montrent que nos mots sont abstraits et absolus Le mot « arbre » ne représente aucun arbre particulier, qui pourrait être de telle grandeur et de telle disposition, mais bien un vague ensemble de masse globulaire verte placée au haut d’un grand tronc gris-brun. […] Il ne faut pas que cette explication qui, comme tous les principes, paraît moindre que les effets causés, fasse illusion sur la beauté et la grandeur de l’œuvre de M.
Si on ne se laissait pas démoraliser par cette renommée, si on osait regarder ses œuvres, on verrait bientôt que l’on s’est entendu un peu trop aisément et trop vite pour les trouver de grandeur et de force à honorer la tradition littéraire d’un pays. […] Mais toute cette phrase ambitieuse et menteuse n’a été dressée à grand’peine sur son brodequin de Muse, que pour introduire adroitement le petit mot de grandeur dans ία vie publique. […] Et l’orateur parlant pour lui-même, pro aris et focis, car, ne nous y trompons pas, c’est pour lui que Villemain veut de la grandeur dans la vie publique ! […] Il ne s’ouvrit jamais à la grandeur. […] Eux, ils ne le gênaient pas par leur grandeur… Que de raisons pour les préférer !
Ainsi, la réalité qui éveille l’intérêt, la grandeur qui donne la poésie, la nouveauté qui passionne la foule, voilà sous quel triple aspect la lutte des burgraves et de l’empereur pouvait s’offrir à l’imagination d’un poète. […] L’idée qui se présenta à lui n’était pas sans quelque grandeur, il le croit. […] Enfin il se dit qu’il y aurait peut-être quelque grandeur, tandis qu’une esclave représenterait la fatalité, à ce qu’un empereur personnifiât la Providence.
Mais la grandeur d’un homme doit être double de celle d’une femme pour que cette grandeur paraisse égale… Les femmes sont toujours très exceptionnellement grandes quand elles le sont seulement un peu. […] Il n’aperçoit rien qui n’ait été déjà vu, et ce qui a mérité le nom d’aperçu dans d’autres histoires, il ne le voit même pas… Ainsi, il n’a pas l’air de se douter de la grandeur de Louis XI, aperçue dernièrement par Urbain Legeay.
Mais à cela près de cette boutade d’un poète, d’un hypocondriaque sublime, plus capricieux qu’une femme et qu’une nuée, on n’avait pas vu un esprit sérieux et honnête, ayant réfléchi seulement deux minutes sur ce qui constitue la beauté ou la grandeur de la vie, proclamer « le tout-puissant écu » comme la religion philosophique (deux mots qui s’étranglent !) […] voilà une grandeur de mérite dont, malgré la bonne opinion qu’elles peuvent avoir d’elles, ne se doutent pas les gracieuses personnes qui visent, dans tout pays, à un mariage d’intérêt, et font la traite innocente de leur propre chair, comme si elles avaient des lettres de naturalité américaine dans leur poche ! […] Il a appliqué plus ou moins légèrement des idées faites à l’Amérique et à ses femmes, mais, lui qui parle de l’individualité, de sa grandeur et de ses droits, avec l’orgueil ivre de l’eau qu’il a troublée, on cherche en vain celle de son esprit… on ne la trouve pas !
Mais, quoique ces noms soient bien retentissants et bien pleins, et même pleins de ces choses restées mystérieuses pour l’Histoire et que l’auteur de La Renaissance pénètre et dévoile, ce n’est pas seulement ces cinq personnalités, qui semblent de leur grandeur agrandir l’Italie, que le comte de Gobineau nous a fait parler, mais c’est toutes les personnalités éclatantes, à différents degrés d’éclat, ou vulgaires, qui fourmillent dans l’histoire de cette époque ressuscitée de 1492 à 1559. […] À part la grandeur de l’expression, qu’il faut épique parfois, quand on fait parler, par exemple, des hommes comme Michel-Ange et comme Jules II dans le registre colossal de leur voix, au moins, la tonalité de cette voix, l’imagination la connaît et sur elle ne peut se méprendre. […] Et on pourra trouver cette terribilité d’ambition quelque peu diminuée par tant de grandeur !
De là au sophisme de Pascal sur la grandeur du roseau pensant, le passage est court. […] Entre cette notion et celle de l’incessante ruine de tout, entre cette sorte de manie des grandeurs spirituelles et les désolantes vues d’ensemble dont elle est l’effet, la contradiction est douloureuse. […] À ces maux internes, qui proviennent des qualités mêmes qui font la grandeur de l’artiste, s’ajoutent d’autres causes de douleur, qu’impose la fabrication de l’œuvre d’art. […] Que l’on joigne enfin à toutes ces supériorités de l’artiste, sa connaissance des douleurs humaines et sa commisération, le mécontentement même qui l’anime contre la société et le met à la tête des réformateurs et des révolutionnaires, qui le fait sans cesse préférer par son dédain des choses présentes, les choses meilleures et futures, — l’on aura un tableau approché des causes qui font à la fois sa grandeur et son affliction. […] Jusqu’à la fin presque du XVIIIesiècle nos écrivains n’ont guère demandé aux auteurs classiques, aux Italiens, que des conseils techniques, des préceptes et des modèles ; ce que l’exemple des Espagnols a inspiré de rodomontades à Corneille, l’exemple des historiens latins de rhétorique et de grandeur austère, fut en somme minime et provenait d’ancêtres et de parents de notre race.
L’âme se juge dans ses œuvres ; les œuvres doivent être jugées et classées d’après la grandeur de l’âme qu’elles manifestent. […] Tels sont ces âges, que nous avons signalés comme les moments de grandeur de la poésie. […] Placée en regard des ouvrages de sa maturité, cette tentative juvénile aurait rompu la grandeur magistrale de l’ensemble. […] De profonds enseignements jaillissent de cette contemplation de la douleur ; la grandeur du spectacle frappe l’homme et le rend sérieux. […] Dans leur poésie, cependant, le genre lyrique et l’épopée conservent leur supériorité et leur grandeur.
Si cela était, une telle avance serait trop honorable à la cause des lettres pour devoir être reprochée à l’homme d’État qui en sentirait si bien la grandeur et la portée durable. […] Les voici, monseigneur, représentés et par la plume et par le burin, qui paraissent avec les plus beaux ornements de leur grandeur royale ; et, tout chargés qu’ils sont de palmes et de couronnes, je prends la hardiesse de les offrir à l’auguste majesté de leur successeur. […] La monarchie française serait venue au point souhaitable de sa grandeur, si elle avait pour bornes les Alpes, les Pyrénées et le Rhin. […] À ce sujet, il parle de ses devanciers, et, sans les trop écraser, il les relègue assez légèrement dans le passé ; il s’empresse pourtant de proclamer que, quoi qu’on puisse tenter de nouveau et quel que soit le nombre et l’émulation des historiens présents et futurs, il y a fort à faire pour atteindre la grandeur et l’immensité d’un tel sujet : Mais qu’il en naisse tous les ans de nouveaux, dit-il ; ils ne mettront jamais ce sujet en sa perfection.
Sa grandeur d’âme, son habileté, son infatigable vigilance, sa supériorité sur ceux qui l’entouraient et dont il se servait utilement, tout cela était senti d’une manière directe et présente, bien autrement efficace qu’aujourd’hui l’histoire, à l’aide de ses pièces et de ses études, ne peut arriver à le reproduire et à le démontrer. […] La France ne fut un peu consolée que lorsqu’elle se vit rentrée, par la domination de Richelieu, dans une autre période de grandeur ; mais l’idée de bonté qui faisait partie du souvenir de Henri IV ne perdait pas à la comparaison, et alla même en s’exagérant avec les années. […] Napoléon a la grandeur dans le style comme en toute chose. […] On y voit que Henri IV n’était qu’un bonhomme et un brave militaire qui gâtait ce à quoi il touchait, mais qui avait bon cœur et revenait toujours à son Sully ; que Sully fit toute sa grandeur, etc., etc. » (Manuscrits de d’Argenson, Bibliothèque du Louvre, dans le volume intitulé : Remarques en lisant.) — Et qu’on s’étonne, après cela, du rôle qu’on a fait à Charlemagne avec son archevêque Turpin et ses douze pairs, dans les romans de chevalerie !
L’humble religieuse lui aurait pour toujours engravé dans l’âme ce Christianisme fécondant sans lequel il n’y a dans la vie intellectuelle ni consistance, ni force réelle, ni grandeur, ni même gravité, et il aurait plus tard retrouvé, à coup sûr, toutes ces puissances-là, à l’heure où se déclara son ardente vocation littéraire. […] De Maistre est si grand que Philarète Chasles n’a pu s’empêcher d’en reconnaître la grandeur. […] Il y trouva Jacques II (Histoire de Guillaume III), Jacques II, aussi absolu dans l’ordre de l’action que J. de Maistre dans l’ordre de la pensée, et voilà qu’après avoir reconnu la grandeur de l’un, il méconnaît inconséquemment la grandeur de l’autre.
Car, il n’y a pas à se le dissimuler, toute l’architecture de l’édifice, dans son ensemble comme dans ses détails, est du plus navrant effet, du plus détestable style jésuite, de ce style sans caractère, sans grandeur, sans intimité, qui répond si étroitement aux aspirations catholiques d’aujourd’hui. […] L’impression de grandeur dont on pense, sur la foi des descriptions enthousiastes, être saisi, n’existe nullement. […] La noble tentative qui a échoué au Panthéon par l’adjonction d’éléments dont l’inhéroïsme vraiment trop puéril vient détruire d’un seul coup la grandeur du symbole, cette tentative grandiose triompherait à Montmartre et y acquerrait une incontestable grandeur.
Ce n’est pas à une nation démocratiquement constituée comme la nôtre, et chez laquelle les vices naturels de la race ont une malheureuse coïncidence avec les vices naturels de l’état social, ce n’est pas à cette nation qu’on peut laisser prendre aisément l’habitude de sacrifier ce qu’elle croit sa grandeur à son repos, les grandes affaires aux petites ; ce n’est pas à une pareille nation qu’il est sain de laisser croire que sa place dans le monde est plus petite, qu’elle est déchue du rang où l’avaient mise ses pères, mais qu’il faut s’en consoler en faisant des chemins de fer et en faisant prospérer au sein de la paix, à quelque condition que cette paix soit obtenue, le bien-être de chaque particulier. […] Si nous cessions d’avoir l’orgueil de nous-mêmes, mon cher Mill, nous aurions fait une perte irréparable. » On sent parfaitement les diverses idées qui se combattent en lui : il n’est pas d’humeur militaire, et il n’est pas non plus absolument de doctrine industrielle et économiste : il voudrait assister à de grandes choses, et il doute que la nation en soit capable : faut-il conseiller la grandeur à qui n’est pas de force à la soutenir ? […] La grandeur et la singularité du spectacle que présente le monde de nos jours absorbe trop l’attention pour qu’on puisse attacher beaucoup de prix à ces curiosités historiques qui suffisent aux sociétés oisives et érudites. […] Le modèle inimitable de ce genre est dans le livre de Montesquieu sur la Grandeur et la Décadence des Romains : on y passe, pour ainsi dire, à travers l’histoire romaine sans s’arrêter ; et cependant on aperçoit assez de cette histoire pour désirer les explications de l’auteur et pour les comprendre. […] Toutes les idées que je viens de t’exprimer l’ont mis fort en travail ; mais il s’agite encore au milieu des ténèbres, ou du moins il n’aperçoit que des demi-clartés qui lui permettent seulement d’apercevoir la grandeur du sujet, sans le mettre en état de reconnaître ce qui se trouve dans ce vaste espace.
Vous pouvez dire que vous avez encore affaire à du temps, — on est libre de donner aux mots le sens qu’on veut, pourvu qu’on commence par le définir, — mais nous saurons qu’il ne s’agit plus du temps expérimenté ; nous serons devant un temps symbolique et conventionnel, grandeur auxiliaire introduite en vue du calcul des grandeurs réelles. […] Nous devrions, en outre, distinguer entre le point de vue de la philosophie et celui de la science : celle-là considère plutôt comme réel le concret, tout chargé de qualité ; celle-ci extrait ou abstrait un certain aspect des choses, et ne retient que ce qui est grandeur ou relation entre des grandeurs. […] Mais il en est d’autres auxquels la théorie défend, en quelque sorte, d’être perçus ou de devenir perceptibles : s’ils le devenaient, ils changeraient de grandeur, — de telle sorte que la mesure, exacte si elle porte sur ce qu’on n’aperçoit pas, serait fausse aussitôt qu’on apercevrait.
GRANDEUR, s. f. […] Les curés en écrivant aux évêques, les appelloient encore votre grandeur. […] Qui étale la grandeur, montre la vanité. […] Il manie ce morceau habilement, & dans le reste il parle avec grandeur. […] Vous prononcez les termes abstraits, grandeur, vérité, justice, fini, infini ; mais ce mot grandeur est-il autre chose qu’un mouvement de votre langue qui frappe l’air, si vous n’avez pas l’image de quelque grandeur ?
La Religion y paroît avec ces charmes, que lui prête un cœur éloquent, pénétré de sa vérité & de sa grandeur. […] Ce genre d’ouvrage n’étoit, avant eux, que l’art d’arranger de beaux mensonges pour relever les fausses vertus des Grands, & souvent l’abus de la grandeur même. […] Dans ses Oraisons funèbres, il loue dans les Grands les monumens qu’ils ont laissés de leur vertu ; il regne dans quelques-unes une noblesse d’expression égale à la grandeur du sujet. […] Ecriture, soit pour avoir outré quelquefois les caractères, à dessein d’établir entre différens Saints des comparaisons absolument étrangeres à la grandeur de ces héros & au mérite même du Panégyrique, soit enfin pour quelques antithèses favorites. […] La grandeur des pensées releve chez lui la vivacité des peintures.
Dans nos gouvernemens modernes, il est de l’ordre politique que le pouvoir suprême, qui maintient tout, soit la première des grandeurs, que l’ambition des hommes de talent soit d’attirer les regards des hommes d’état, que la gloire du génie soit d’être distingué par le souverain, et d’obtenir des récompenses de celui qui seul les distribue à tous les genres de mérite, et qui a le plus d’intérêt à les encourager. […] Le premier il connut le langage de la vraie grandeur, l’art de lier les scènes, l’art de l’exposition et du dialogue. […] Chez lui, le courage d’une femme n’est jamais fastueux, sa colère n’est jamais indécemment emportée, sa grandeur n’est jamais trop mâle. […] Les unes, tenant de plus près à la nature, et réveillant en nous ces premiers sentimens qu’elle nous a donnés, ont un effet aussi infaillible qu’universel, parce qu’il dépend ou de cette pitié naturelle placée dans le coeur humain pour l’adoucir et le rendre meilleur, ou bien de ce sentiment de grandeur, qui l’élève à ses propres yeux, et le soumet par l’admiration au pouvoir de la vertu. […] C’est qu’on ne veut point revenir sur ses pas ; qu’on tient à ses erreurs par amour-propre ; qu’après avoir décidé qu’un auteur a seul atteint les bornes de son art, il en coûte d’avouer qu’un autre les a reculées bien plus loin ; que c’est bien assez d’avoir un grand homme à admirer, et qu’il paraît un peu pénible d’en admirer encore un autre sur lequel on n’a pas compté ; qu’en général dans tous les arts on adopte d’abord un maître, à qui l’on veut bien prodiguer toutes les louanges, pourvu qu’on soit dispensé d’en accorder aucune à tous les autres : c’est qu’il est beaucoup de juges de certains traits de force et de grandeur, et qu’il en est peu de la perfection ; que les beautés étincellent davantage dans une multitude de défauts, sont plus vivement senties et plus aisément pardonnées ; au lieu que la perfection continue, procurant un plaisir égal, paraît naturelle et simple, charme sans étonner, et a pour ennemis secrets ceux qui, pouvant l’apprécier mieux que les autres, ont plus d’intérêt à la rabaisser.
Lui, la force et la grandeur lui vont, et il s’y attache avec une visible complaisance. […] Il ne considérait point les objets face à face, et de plain-pied, en mortel, mais de haut comme les archanges… Ce n’était point la vie qu’il sentait, comme les maîtres de la Renaissance, mais la grandeur, à la façon d’Eschyle et des prophètes hébreux, esprits virils et lyriques comme le sien, qui, nourris comme lui dans les émotions religieuses et dans l’enthousiasme continu, ont étalé comme lui la pompe et la majesté sacerdotales. […] Jamais le feu de l’enthousiasme pour la chose publique, jamais la grandeur et la terreur qu’inspirent ces grands sauveurs révolutionnaires, hommes de glaive et d’épée, ne trouvèrent de plus vibrants et de plus vrais accents s’échappant à flots pressés d’une poitrine sincère : « C’est folie, s’écrie le poète, de braver ou d’accuser l’éclair et la foudre du Ciel irrité : et, à parler franc, beaucoup est dû à cet homme qui, de l’enclos de ses vergers domestiques, où il vivait retiré et austère comme si son plus profond dessein eût été de planter ses poiriers et de greffer sa bergamote, a su par son industrieuse valeur gravir et s’élever jusqu’à ruiner l’œuvre antique des temps et à jeter ces vieux royaumes dans un nouveau moule. » On sent ici comme la réalité anglaise et la franchise du ton se contiennent mal sous l’imitation classique, comme elles percent et crèvent en quelque sorte l’enveloppe d’Horace. […] Nul ne s’est incrusté plus profondément dans la grandeur anglaise.
Représentons-nous-la, en effet, dans cette beauté première que Mlle de Scudéry nous a décrite fidèlement : Lyriane (c’est Mme Scarron, qui est censée, dans Clélie, la femme du Romain Scaurus), Lyriane était grande et de belle taille, mais de cette grandeur qui n’épouvante point, et qui sert seulement à la bonne mine. […] Il lui suffit, pour tous les autres, d’être un personnage à part, non défini et d’autant plus respecté, jouissant de sa grandeur voilée sous le nuage et du sens merveilleux d’une destinée qui perçait assez, comme dit Saint-Simon, sous sa « transparente énigme ». […] Avec sa parole qui servait si bien son esprit merveilleusement droit, elle définissait sa position, un jour qu’à Saint-Cyr on remarquait autour d’elle, en la voyant se fatiguer à la marche et ne pas se ménager, qu’elle ne se comportait pas comme les grands : « C’est que je ne suis pas grande, répliqua-t-elle, je suis seulement élevée. » De tous les portraits de Mme de Maintenon, celui qui nous la montre le mieux dans cette attitude dernière et réfléchie d’une grandeur voilée, est, selon moi, un portrait qui se voit à Versailles dans les appartements de la reine (nº 2258) : elle a plus de cinquante ans, elle est tout en noir, belle encore, grave, d’un embonpoint modéré, d’un front élevé et majestueux sous le voile. […] Elle a tracé, de sa gêne et de son esclavage au milieu de sa grandeur, des tableaux qui sont sincères et qui donnent presque de la pitié pour elle.
Il est l’ouvrage d’une main habile, qui a su mettre dans sa physionomie ce mélange de douceur, de simplicité, de bonhomie et de grandeur qui rendait, pour ainsi dire, visible l’âme de cet homme rare. Ôtez ce mot de grandeur, ôtez ces noms de Platon et d’Aristote qui sont de trop, il reste vrai que l’abbé Barthélemy avait la plus belle tête ; trop de maigreur, mais tous les avantages extérieurs qui préviennent, et des manières qui faisaient de ce jeune savant le plus naturel des gens du monde : « L’abbé Barthélemy est fort aimable et n’a d’antiquaire qu’une très grande érudition » ; c’est ce que dit Gibbon et ce que répètent tous ceux qui l’ont connu. […] Il y avait en M. de Choiseul de la grandeur et de la magnificence dans le bienfait, avec un fonds rare de délicatesse ; il allait au-devant du cœur de l’obligé. […] Je rougis mille fois par jour de ces infiniment petits monuments qui sont dans notre infiniment petit Cabinet des antiques ; je rougis de l’avoir montré aux étrangers : qu’auront-ils pensé de l’intérêt que je prenais à tous ces bronzes de 7 à 8 pouces de hauteur, à ces deux ou trois têtes mutilées dont je voulais leur faire admirer la grandeur et la rareté ?
Je ne justifie aucunement le dédain de nos anciens auteurs envers la province, qui fut toujours pour la grandeur du pays, grandeur matérielle et grandeur morale, ce que les masses de l’infanterie sont pour la force d’une armée : l’élément principal, le corps discipliné, pressé, obscur, qui porte le poids de la bataille et ne connaît de la victoire que le repos qui la suit. […] Les romanciers, dégagés du préjugé traditionnel, découvriraient la France du silence, celle qui sème et récolte pour Paris qui fait tant de bruit ; ils apercevraient la grandeur de sa mission qui est de perpétuer la race, de la nourrir et d’en maintenir l’énergie morale et les qualités essentielles par le constant apport d’éléments sains qu’elle envoie non seulement à Paris, mais dans toutes nos grandes villes.
Comment ce qui semblait manquer aux beaux jours de la république, à l’époque où elle avait produit de si grands hommes, lui fut-il donné sous le joug d’un maître habile mais sans grandeur, indigne par ses premiers crimes des éloges qu’à mérités la modération prudente de ses dernières années ? […] Lucrèce, nous ne voulons parler ici que de poésie, pour la verve, la grandeur, la magnificence, demeure le premier poëte de Rome. […] Quelle grandeur alors auraient eue ses tableaux, épurés de cette mythologie qu’il méprise, mais remplis de cette présence divine que ses yeux trompés n’ont pas aperçue dans l’univers ! […] Par l’ordre des idées, elle ne parlait point à la foule ; par la disposition même du poëte, elle s’adressait rarement à l’âme, et ne pouvait lui donner ni passion, ni grandeur ; elle n’était pas lyrique.
Selon le comte de Gasparin, ce Pape, qui fut grand, mais certainement moins grand que Grégoire VII, — qui, à distance de plus d’un siècle, sut lui paver la voie Appienne de sa grandeur future, — représente pourtant, sinon le plus haut degré du génie absolu de l’Église, au moins le plus haut point de sa fortune, et c’est pour cette raison que le comte de Gasparin, en le choisissant, l’a frappé. Il croit atteindre, à travers ce Pape, l’Église, à la tête et au cœur… Comme, pour lui, le comte de Gasparin, l’Église romaine est une institution faite de main d’homme ou gâtée par la main des hommes, on ne dira pas (a-t-il dit) qu’il la diminue en la concentrant dans le plus glorieux et le plus heureux de ses pontifes, et il le prend, ce grand homme, pour déshonorer l’Église dans sa grandeur même. Singulier rapport entre le prédicateur évangélique, qui se fait très doux, dans son livre, — mais un peu comme Rominagrobis, et qui pousse la bonté jusqu’à bien vouloir convenir de la grandeur et de la conscience de nos Papes, — et cet empereur affolé qui désirait que le genre humain n’eût qu’une tête, pour la lui couper.
Les Français cultivaient la littérature espagnole au commencement du dix-septième siècle : cette littérature avait en elle une sorte de grandeur qui préserva les écrivains français de quelques défauts du goût italien alors répandu dans toute l’Europe ; et Corneille, qui commence l’ère du génie français, doit beaucoup à l’étude des caractères espagnols. […] La grandeur factice qu’il fallait accorder à Louis XIV portait les poètes à peindre toujours des caractères parfaits, comme celui que la flatterie avait inventé : l’imagination des écrivains devait au moins aller aussi loin que leurs louanges ; et le même modèle se répétait souvent dans les tableaux dramatiques.
Cette conquête de la Loi, c’est à l’Astronomie que nous la devons, et c’est ce qui fait la grandeur de cette Science, plus encore que la grandeur matérielle des objets qu’elle considère.
L’élite des courtisans se compose d’hommes puissants, au moins indépendants ou par leur fortune, ou par leur rang, ou par l’éminence de leurs talents, même par l’éminence de leurs vertus, l’élévation de leur caractère, et la grandeur de leurs desseins. […] C’était encore un courtisan quand il mettait dans la bouche du comte de Fiesque, parlant au roi, ce vers d’adulation inouïe : Jupiter prend de vous des leçons de grandeur.
À Malherbe réservons la gloire et l’honneur de l’harmonie, de la fierté, de la gravité, d’un haut sens et de la distinction dans la grandeur. […] Il eut en effet une pension. — Voilà bien tout Malherbe : grandeur, élévation de talent, et l’œil au pécule. […] II La probité, quoi qu’il en soit, subsiste, même sous les défauts de Malherbe ; son caractère privé, bien qu’étroit, est solide et suffit à porter, sans jamais fléchir, sa grandeur lyrique. […] Après quatorze ou quinze ans, il eut ce bonheur de voir la chaîne se renouer, la politique de Henri IV reprise par une main ferme, et Richelieu souverain au profit de son maître, pour le bien et la grandeur de l’État. […] Sa profession de foi politique à M. de Mentin nous l’a fait voir sous un jour encore plus favorable, et nous nous sommes convaincus que ce bon sens pratique n’avait qu’à s’appliquer à de dignes objets pour se concilier avec la grandeur.
Car, certainement, chacun des araucarias que j’ai vus a provoqué alors en moi une sensation visuelle distincte ; il n’y a pas deux plantes absolument semblables dans la nature ; j’ai regardé peut-être vingt ou trente araucarias ; sans aucun doute, chacun d’eux différait des autres en grandeur, en grosseur, par les angles plus ou moins ouverts de ses branches, par les saillies plus ou moins fortes de ses écailles, par le ton de son tissu ; partant, mes vingt ou trente sensations visuelles ont été différentes. […] Partant, s’il y a dans le mouvement qu’elle provoque un caractère capable de grandeur, elle sera capable de grandeur ; or on vient de voir que ce caractère est la vitesse. […] Ainsi naît notre dernière idée élémentaire, celle de la masse, qui se trouve être une quantité comme la vitesse, et désormais nous mesurons la force de deux façons, soit par la grandeur de la masse à qui elle imprime telle vitesse, soit par la grandeur de la vitesse qu’elle imprime à telle masse. — Avec ces éléments, notés au moyen de lignes, de chiffres et de mots, nous pouvons construire une infinité de composés mentaux différents, concevoir d’abord un mobile en repos auquel ne s’applique aucune force, puis un mobile en repos auquel s’applique une force, ensuite, par une complication plus grande, imaginer un mobile auquel s’appliquent deux ou plusieurs forces égales ou inégales, qui le dirigent sur la même ligne dans un même sens ou dans des sens contraires, ou qui le dirigent sur des lignes différentes, etc. […] En second lieu, il est plus simple que la vitesse, une fois donnée, subsiste toujours avec la même grandeur ; car de cette façon nulle grandeur nouvelle n’est introduite.
Vous ne savez pas encore ce que c’est que partout, direction, position, parties, etc. ; mais il y a déjà dans votre cœnesthésie un changement sensible répondant au caractère massif et à la grandeur des impressions. […] Voilà donc l’animal et l’enfant, pour acquérir la notion vague d’extensivité, de grandeur indéterminée, de chose volumineuse et massive, obligés de se livrer à une docte mensuration de positions diverses, de déterminer leurs relations, d’« agréger » ensuite le tout et finalement de concevoir l’espace. […] Bain, à son tour, dit que la caractéristique même de l’espace est d’être « un but pour le mouvement » ; d’où il conclut, entre autres choses, que la distance et même la grandeur ne peuvent être « des attributs originels de la sensibilité des yeux ». […] Regardez une surface mi-bleue, mi-rouge : vous avez d’abord, au point de séparation, la ligne géométrique, sans largeur, ayant cependant une forme précise et une grandeur déterminée : vous voyez à la fois du bleu, du rouge, et la ligne de partage. […] Une personne ouvrant pour la première fois les yeux à la lumière perçoit immédiatement « l’étendue plane avec les rapports de grandeur et de position des figures qui peuvent s’y trouver dessinées ».
Si je suis trop politique dans ma physionomie et dans mon geste, j’enlève à ce rôle le caractère d’inspiration et d’intervention divine qui fait la grandeur et la sainteté de cette tragédie. […] On se demandait en soi-même quelle serait la voix qui oserait s’élever sur cette scène en consonance avec cette grandeur et cette antiquité du spectacle. […] La grandeur de la scène, la majesté du pontificat, l’intervention divine pressentie dans le grand-prêtre, la divinité surtout de la langue des vers dont la perfection faisait oublier le rythme pour ne penser qu’au sens, enfin la voix et la prononciation de Talma, qui résumait dans son accent tous les échos souterrains ou célestes du Temple, suspendaient la vie des auditeurs. […] Quelquefois à l’autel Je présente au grand-prêtre ou l’encens ou le sel ; J’entends chanter de Dieu les grandeurs infinies ; Je vois l’ordre pompeux de ces cérémonies. […] Il est la grandeur, mais Racine est la beauté.
Michelet, la rage du révolutionnaire repoussé du présent, et qui s’en venge sur le passé ; qui fait payer les déceptions du présent à la grandeur du passé ; vipère glissée dans les caveaux de Saint-Denis, exaspérée par la houssine et affamée à mordre… des marbres ! […] c’est assurément là de la grandeur et de la gloire pour plus d’un homme ; mais il y a deux hommes pourtant qui ne se contentent pas à un tel prix, c’est M. […] Atteint par la mort dans son travail interrompu, il mesura ce qu’il avait fait à la grandeur de ce qu’il avait médité de faire, et dans son idéal de grand homme, il trouva sans doute que c’était peu ; — mais M. […] Il n’est point un Pascal de l’histoire, un rabaisseur de l’orgueil humain devant la grandeur de la Providence. […] Les femmes qu’il expose… et propose à nos admirations n’ont pas pour lui (et on le comprend bien du reste,) la même valeur, la même grandeur, le même héroïsme.
Et cette douce âme fut aussi une âme haute, rêveuse de la grandeur et de la beauté. […] C’était alors, dans notre France destinée à tant de grandeur, le triomphe de la petitesse ; et de tels temps hélas ! […] Une autre grandeur concilie à Molière l’admiration enthousiaste et sympathique aussi de ceux-là mêmes que l’exagération des paradoxes d’écoles détourna de lui ; cette grandeur, c’est la bonté. […] Que nul ne m’attribue de voir, en cette volonté vers la grandeur suprême, un amoindrissement de cette grandeur atteinte ! […] Au surplus, il y a toujours une grandeur dans tous ses petits ouvrages, et, cette grandeur, ce n’est pas la moins sublime de toutes, puisque c’est la bonté.
Situation fausse et dangereuse qui assoit la puissance publique sur la misère privée, qui enracine la grandeur de l’État dans les souffrances de l’individu. Grandeur mal composée où se combinent tous les éléments matériels et dans laquelle n’entre aucun élément moral. […] VI « Résolvez les deux problèmes, encouragez le riche et protégez le pauvre, supprimez la misère, mettez un terme à l’exploitation injuste du faible par le fort, mettez un frein à la jalousie inique de celui qui est en route contre celui qui est arrivé, ajustez mathématiquement et fraternellement le salaire au travail, mêlez l’enseignement gratuit et obligatoire à la croissance de l’enfance et faites de la science la base de la virilité, développez les intelligences tout en occupant les bras, soyez à la fois un peuple puissant et une famille d’hommes heureux, démocratisez la propriété, non en l’abolissant, mais en l’universalisant, de façon que tout citoyen sans exception soit propriétaire, chose plus facile qu’on ne croit ; en deux mots, sachez produire la richesse et sachez la répartir, et vous aurez tout ensemble la grandeur matérielle et la grandeur morale ; et vous serez dignes de vous appeler la France. […] « Le pavé de Paris avait beau être là tout autour, les hôtels classiques et splendides de la rue de Varenne à deux pas, le dôme des Invalides tout près, la Chambre des députés pas loin ; les carrosses de la rue de Bourgogne et de la rue Saint-Dominique avaient beau rouler fastueusement dans le voisinage ; les omnibus jaunes, bruns, blancs, rouges, avaient beau se croiser dans le carrefour prochain : le désert était rue Plumet ; et la mort des anciens propriétaires, une révolution qui avait passé, l’écroulement des antiques fortunes, l’absence, l’oubli, quarante ans d’abandon et de viduité, avaient suffi pour ramener dans ce lieu privilégié les fougères, les bouillons-blancs, les ciguës, les achillées, les hautes herbes, les grandes plantes gaufrées aux larges feuilles de drap vert pâle, les lézards, les scarabées, les insectes inquiets et rapides ; pour faire sortir des profondeurs de la terre et reparaître entre ces quatre murs je ne sais quelle grandeur sauvage et farouche ; et pour que la nature, qui déconcerte les arrangements mesquins de l’homme et qui se répand toujours tout entière là où elle se répand, aussi bien dans la fourmi que dans l’aigle, en vînt à s’épanouir dans un méchant petit jardin parisien avec autant de rudesse et de majesté que dans une forêt vierge du nouveau monde.
Au milieu de ses courses, il rencontre une colonnade, chef-d’œuvre de grandeur et d’harmonie…. […] De là a excuser, à absoudre, à admirer même quelquefois les hommes qui ont figuré dans chaque phase avec désintéressement et grandeur, il n’y a qu’un pas, et l’historien, si l’on n’y prend garde, vous le fait faire. […] Français qui avons vu depuis notre liberté étouffée, notre patrie envahie, nos héros fusillés ou infidèles à leur gloire, n’oublions jamais ces jours immortels de liberté, de grandeur et d’espérance ! […] En même temps que le détail se multiplie à plaisir sous son regard et se décompose en ses moindres points, l’ensemble prend de la construction et de la grandeur ; il y a toujours des horizons. […] Thiers ; mais c’est par la simplicité seule, par la grandeur et la netteté des lignes, que son récit prétend à les égaler.
« Il faut laisser, dit-il, à celui qui se trompe si désastreusement, sa grandeur, qui ajoute encore à la grandeur de la leçon, et qui, pour les victimes, laisse au moins le dédommagement de la gloire. » Non ! il faut laisser la grandeur aux grandes actions même malheureuses, accomplies ou tentées pour un grand but ; mais la grandeur aux mémorables et cruelles folies des hommes, il faut montrer qu’elle n’est que petitesse devant Dieu et devant la postérité. […] Thiers Napoléon existerait dans toute sa fantasmagorie gigantesque de légende populaire, mais il n’existerait pas historiquement dans toute la grandeur réelle de ses proportions colossales comme administrateur, comme général et comme despote. […] Triste grandeur ! […] Égoïsme, c’est le dernier mot de cette histoire ; dévouement, c’est le dernier mot de la vraie grandeur.
Elle a pour elle, l’éclat de l’histoire et l’éclat du théâtre ; elle a la poésie et le roman ; l’Encyclopédie et l’Évangile, l’opéra-comique et la cathédrale ; elle est en deçà de toute imagination, elle est au-delà de tous les arts, au-dessus de tous les royaumes, au niveau de tous les crimes, au niveau de toutes les grandeurs. […] Ces grandeurs passagères, un rien les crée, un rien les tue ; — aujourd’hui a disparu le héros de la veille, et le lendemain (décoration nouvelle !) où brillait un empire, a surgi un royaume ; où le royaume était florissant, éclate une république, et comptez que de grandeurs nouvelles, que de grandeurs déchues ! […] Elle domine, de sa grandeur, les passions environnantes… à peine si demain, le monde saura le nom de cette Muse ! […] Celle-ci destinée à toutes les grandeurs de l’infortune, orpheline à seize ans, orpheline d’un roi et d’une reine, que dis-je !
Il l’a vue telle qu’elle était, tout occupée du salut du roi, de sa réforme, de son amusement décent, de l’intérieur de la famille royale, du soulagement des peuples, et faisant tout cela, il est vrai, avec plus de rectitude que d’effusion, avec plus de justesse que de grandeur ; enfin, il a résumé son jugement sur elle en des termes précis, au moment de l’accompagner dans son œuvre de tendresse et de prédilection : Mme de Maintenon, dit-il, n’a donc pas eu sur Louis XIV l’influence malfaisante que ses ennemis lui ont attribuée : elle n’eut pas de grandes vues, elle ne lui inspira pas de grandes choses : elle borna trop sa pensée et sa mission au salut de l’homme et aux affaires de religion ; l’on peut même dire qu’en beaucoup de circonstances elle rapetissa le grand roi ; mais elle ne lui donna que des conseils salutaires, désintéressés, utiles à l’État et au soulagement du peuple, et en définitive elle a fait à la France un bien réel en réformant la vie d’un homme dont les passions avaient été divinisées, en arrachant à une vieillesse licencieuse un monarque qui, selon Leibniz, « faisait seul le destin de son siècle » ; enfin en le rendant capable de soutenir, « avec un visage toujours égal et véritablement chrétien », les désastres de la fin de son règne. […] Elle représenta au roi, après une visite qu’il avait faite à Noisy et dont il avait été fort content, que « la plupart des familles nobles de son royaume étaient réduites à un pitoyable état par les dépenses que leurs chefs avaient été obligés de faire à son service ; que leurs enfants avaient besoin d’être soutenus pour ne pas tomber tout à fait dans l’abaissement ; que ce serait une œuvre digne de sa piété et de sa grandeur, de faire un établissement solide qui fût l’asile des pauvres demoiselles de son royaume, et où elles fussent élevées dans la piété et dans tous les devoirs de leur condition. » Le père de La Chaise appuyait le projet ; Louvois se récriait sur la dépense. […] Pourtant Mme de La Fayette, en personne sensée, et un peu jalouse peut-être de Mme de Maintenon, y voyait quelque prétexte à dire : Mme de Maintenon, qui est fondatrice de Saint-Cyr, toujours occupée du dessein d’amuser le roi, y fait souvent faire quelque chose de nouveau à toutes les petites filles qu’on élève dans cette maison, dont on peut dire que c’est un établissement digne de la grandeur du roi et de l’esprit de celle qui l’a inventé et qui le conduit : mais quelquefois les choses les mieux instituées dégénèrent considérablement ; et cet endroit qui, maintenant que nous sommes dévots, est le séjour de la vertu et de la piété, pourra quelque jour, sans percer dans un profond avenir, être celui de la débauche et de l’impiété. […] » Une haute idée, c’est que les Dames de Saint-Louis étant destinées à élever des demoiselles qui deviendront mères de famille et auront part à la bonne éducation des enfants, elles ont entre leurs mains une portion de l’avenir de la religion et de la France : « Il y a donc dans l’œuvre de Saint-Louis, si elle est bien faite et avec l’esprit d’une vraie foi et d’un véritable amour de Dieu, de quoi renouveler dans tout le royaume la perfection du christianisme. » La fondatrice leur rappelle expressément qu’étant à la porte de Versailles comme elles sont, il n’y a pas de milieu pour elles à être un établissement très régulier ou très scandaleux : « Rendez vos parloirs inaccessibles à toutes visites superflues… Ne craignez point d’être un peu sauvages, mais ne soyez pas fières. » Elle leur conseille une humilité plus absolue qu’elle ne l’obtiendra : « Rejetez le nom de Dames, prenez plaisir à vous appeler les Filles de Saint-Louis. » Elle insiste particulièrement sur cette vertu d’humilité qui sera toujours le côté faible de l’institut : « Vous ne vous conserverez que par l’humilité ; il faut expier tout ce qu’il y a eu de grandeur humaine dans votre fondation. » Quoi qu’il en soit des légères imperfections dont l’institut ne sut point se garantir, il persista jusqu’à la fin dans les lignes essentielles, et on reconnaîtra que c’était quelque chose de respectable en l’auteur de Saint-Cyr que de bâtir avec constance sur ces fondements, en vue du xviiie siècle déjà pressé de naître, et dans un temps où Bayle écrivait de Rotterdam à propos de je ne sais quel livre : On fait, tant dans ce livre que dans plusieurs autres qui nous viennent de France, une étrange peinture des femmes de Paris.
Elle est immense, et elle imprime par son étendue sans limite une idée de grandeur démesurée qui fait penser à l’infini. — Émotion ! […] Toutes ces émotions éparses ou réunies forment pour l’homme la poésie de la mer, elles finissent par donner au contemplateur le vertige de tant d’impressions, qu’il s’assoit sur le rivage élevé des mers, comme dit Homère, et qu’il demeure immobile et muet à regarder et à écouter les flots ; et s’il essaye, en présence d’un tel spectacle, de se parler à lui-même, il cherche involontairement une langue qui lui rappelle la grandeur, la profondeur, la mobilité, le sommeil, le réveil, la colère, le mugissement, la cadence de l’élément dont son âme, à force d’émotions montées de l’abîme à ses sens, contracte un moment l’infini. Il ne parle pas, il s’exclame, il gémit, il pleure, il s’exalte, il frissonne, il jouit, il tremble, il s’anéantit, il se prosterne, il adore, il prie, il chante le Te Deum de la grandeur de Dieu et de la petitesse de l’homme, et son chant prend instinctivement la symétrie, la sonorité, la majesté, la chute et la rechute des vagues. […] Ce jeu consistait à plier une baguette d’osier en demi-cercle ou en arc à angle très-aigu, à en rapprocher les extrémités par un fil semblable à la corde sur laquelle on ajuste la flèche, à nouer ensuite des cheveux d’inégale grandeur aux deux côtés de l’arc, comme sont disposées les fibres d’une harpe, et à exposer cette petite harpe au vent.
Prévoir qu’un morceau de plomb pèsera plus qu’un morceau de bois de même grandeur ; et prévoir qu’à un moment déterminé deux planètes déterminées seront en conjonction, voilà la différence de la prévision qualitative et de la prévision quantative. […] Nous appliquons bien le nombre, à l’occasion, à des unités inégales, comme les animaux qui composent une ferme ; mais tout calcul suppose l’égalité parfaite des unités, et n’arrive à des résultats exacts qu’en vertu de cette hypothèse : les premières idées de nombre sont donc dérivées de grandeurs égales ou semblables, considérées surtout dans les objets inorganiques ; et par suite la géométrie et l’arithmétique ont une origine simultanée. […] De là vient que si nous voulons juger deux nuances de couleur, nous les plaçons côte à côte, que si nous voulons estimer deux poids, nous en prenons un dans chaque main, et que nous comparons leur pression, en faisant passer rapidement notre pensée de l’un à l’autre : et, « comme de toutes les grandeurs, celles d’étendue linéaire sont celles dont l’égalité peut être le plus exactement connue, il en résulte que c’est à celles-là qu’on doit réduire toutes les autres. » Car c’est le propre de l’étendue linéaire, que seule elle permet la juxtaposition absolue, ou pour mieux dire, la coïncidence, comme il arrive pour deux lignes mathématiques égales ; l’égalité devenant alors identité. […] Il apprend à la fois la grandeur et la petitesse de l’intelligence humaine, sa puissance dans le domaine de l’expérience, son impuissance quand elle le dépasse.
La langue sous Louis XIV acquit bien des qualités, et elle les fixa au commencement du xviiie siècle par un cachet de correction et de concision, mais elle y avait perdu je ne sais quoi de large et l’air de grandeur. C’est cet air de grandeur que Retz prisait le plus, qu’il ambitionna d’abord en tout, dans ses paroles, dans ses actions, et qu’il porta dans tous ses projets ; mais, s’il affectait la gloire, il avait en lui bien des qualités de premier ordre pour en former le fonds. […] L’homme qui sous Louis XIV, vers 1672, âgé de cinquante-huit ans, écrivait ces choses dans la solitude, dans l’intimité, en les adressant par manière de passe-temps à une femme de ses amies, avait certes dans l’esprit et dans l’imagination la sérieuse idée de l’essence des sociétés et la grandeur de la conception politique ; il l’avait trop souvent altérée et ternie dans la pratique ; mais plume en main, comme il arrive aux écrivains de génie, il la ressaisissait avec éclat, netteté et plénitude. […] La langue est de cette manière légèrement antérieure à Louis XIV, qui unit à la grandeur un air suprême de négligence qui en fait la grâce.
Les Lettres persanes sont un livre capital dans la vie de Montesquieu : il n’a fait véritablement que trois ouvrages, — ces Lettres (1721), l’admirable livre sur La Grandeur et la Décadence des Romains (1734), qui n’est que comme un épisode détaché à l’avance de son Esprit des lois, et cet Esprit même (1748). […] Dans L’Esprit des lois, il a souvent mêlé, on ne sait comment, l’épigramme à la grandeur. […] Car il gardera la plupart de ses idées ; seulement, dans ses futurs ouvrages, il ne les rendra pas de même, il les réfléchira autrement et ne parlera qu’avec sérieux, sentant de plus en plus la grandeur de l’invention sociale et désirant l’ennoblissement de la nature humaine. […] Il était plein de l’Angleterre en arrivant, et il dut repousser et ajourner l’idée de publier d’abord un livre sur ce gouvernement original et si peu semblable au nôtre, qui le tentait : il donna de préférence ses Considérations sur les causes de la grandeur des Romains et de leur décadence (1734), qui sont restées le plus classique et le plus parfait de ses ouvrages, le seul même qui nous paraisse aujourd’hui sorti tout d’un jet comme une statue.
Dans les temps antérieurs à l’histoire, là où la poésie est fabuleuse et légendaire, elle a une grandeur prométhéenne. De quoi se compose cette grandeur ? […] Amnistie, clémence, grandeur d’âme, une ère de félicité s’ouvre, on est paternel, voyez tout ce qui est déjà fait ; il ne faut point croire qu’on ne marche pas avec son siècle, les bras augustes sont ouverts, rattachez-vous à l’empire ; la Moscovie est bonne, regardez comme les serfs sont heureux, les ruisseaux vont être de lait, prospérité, liberté, vos princes gémissent comme vous sur le passé, ils sont excellents ; venez, ne craignez rien, petits, petits ! […] Les grandeurs ne diminuent pas les oreilles.
II Or, en quelques mots, voici cette histoire dont Edouard Drumont a tiré un parti charmant, mais trop doux… Le duc de Saint-Simon mourait en 1755, insolvable et probablement ruiné par son ambassade d’Espagne, qu’il avait menée avec cette grandeur désintéressée et ce luxe que notre siècle, peu accoutumé à ces généreux spectacles, a pu admirer quand le duc de Northumberland vint, comme ambassadeur d’Angleterre, au sacre du roi Charles X. […] » Et, Lettre XXX : « J’espère que mon séjour ici sera court, dans l’impatience extrême où je suis… de vous vouer une reconnaissance et un attachement éternels, — ne pouvant cesser de vous rapporter la grandeur solide et la décoration extérieure de ma maison, et de me BAIGNER, puisqu’il faut vous le dire, dans ce comble d’amitié à qui rien de grand ou de petit n’échappe… » Et plus loin, Lettre XXXV, toujours à Dubois : « Je finis par où j’aurais dû commencer, par l’effusion la plus tendre et la plus respectueuse pour Votre Éminence, et par les protestations les plus ardentes d’un respect et d’une reconnaissance qui ne finiront jamais. » Puis encore, à la Lettre LX : « Madame de Saint-Simon a eu la galanterie de m’envoyer votre mandement sur le jubilé ! […] Saint-Simon, le duc de Saint-Simon, le plus altier des ducs, le féroce moraliste… contre les autres, l’austère janséniste, l’ami et le pénitent de Rancé, qui passait tous les ans un mois à la Trappe, se vautre, se dissout et s’escarbouille ainsi dans des effusions (comme il le dit) avec ce maraud et ce pied-plat de Dubois, de Dubois auquel il ne doit rien, malgré sa phrase sur « la solide grandeur et la décoration extérieure de sa maison » ; car ce n’est pas Dubois qui l’a nommé ambassadeur, c’est le Régent ! […] C’est tout cela enfin qui donne au Mémoire de Saint-Simon un pathétique et une grandeur que je n’avais jamais vus au même degré, même dans lui, dans Saint-Simon !
L’effet moral vraiment digne de ce nom, sur une scène élevée, doit sortir du spectacle même de la nature humaine observée et saisie dans le jeu varié de ses passions, dans ses misères et dans ses grandeurs, et jusque dans l’énergique naïveté de ses ridicules. Il est moral, l’effet qui résulte des transports tour à tour amoureux ou chevaleresques du Cid, des combats et de l’égarement de Chimène : c’est assez qu’on sente circuler, dans ce premier chef-d’œuvre de notre théâtre, un souffle et comme un courant de grandeur qui épure les sentiments et qui élève les âmes.
Mais, en dérobant à ce rare génie la misère de l’homme, nous n’avons pas su, comme lui, en apercevoir la grandeur. […] La pensée est la même dans tous les siècles, mais elle est accompagnée plus particulièrement ou des arts ou des sciences : elle n’a toute sa grandeur poétique et toute sa beauté morale qu’avec les premiers.
La belle chose que j’aurais produite, si le talent de l’avocat eût répondu à la grandeur de la cause ! […] Combien de fois, pour parler de toi dignement, n’ai-je pas envié la précision et le nerf, la grandeur et la véhémence de ton discours, lorsque tu parles de la vertu ?
IV Il y a échoué, et sans grandeur ; — car il y a parfois une grandeur dans le naufrage.
Il a dit la grandeur de cette race. […] Balzac, avec lequel la littérature du xixe siècle n’en a jamais fini et qui pourrait la remplir tout entière à lui seul, avait vu cette grandeur et l’avait dilatée avec la puissance d’un génie qui inventait trop dans l’Histoire pour se contenir dans l’étreinte d’une exacte réalité. […] Car, de même que l’idée exclusivement politique a fait du tort au livre de Forneron, qui, sous ce titre de l’Histoire des Guise et de leur époque, aurait pu être complet et grand, de même, la politique fit tort à la grandeur des Guise, et nous avons avec le livre de Forneron la mesure du tort qu’elle lui a fait. « À chacun son tour ! […] Mais Forneron n’a pas assez dégagé la Cause des hommes qui l’ont souillée ou trahie ; il n’a rien entendu à la grandeur divine de la Cause. […] Au lieu d’être atroces comme les révolutionnaires, qui ont, au moins, pour la lâcheté des hommes, la grandeur de leur atrocité, les royalistes ne furent pas, certes !
Le Génie n’a jamais été & ne peut être le partage d’un esclave ; ces coups de pinceau majestueux, ces nuances de grandeur & de justice qui doivent animer les tableaux de l’Ecrivain philosophique, où les puiseroit-il ? […] Je vous vois parcourir le vaste miroir des siécles écoulés, examiner les ressorts qui changent la face des Empires, pénétrer le jeu rapide des révolutions de la Fortune, percer les intrigues de l’Ambition, par les événemens passés prédire les événemens futurs, alors tout sert à vous affermir dans vos heureux principes ; vous les jugez, ces foibles humains, vous les jugez sans passion, vous les voyez tels qu’ils sont, composés de grandeur & de foiblesse, de vertus et de vices, mais qui doivent peut-être leurs crimes non à la Nature, qui a caché dans leurs cœurs le doux sentiment de la pitié, principe des vertus, mais à la Tyrannie, à l’affreuse Tyrannie, qui aggravant sur leur tête un joug humiliant les a fait gémir, haïr, détester leur existence & les a forcés d’être méchans en les rendant malheureux. […] Il est un autre fleau de l’humanité qui le détruit en détail, poison rongeur de l’ame qui l’attaque au milieu de la pompe & des grandeurs, ou plutôt qui la livre à elle-même, & la contraint à se dévorer, maladie commune aux Grands, sombre vapeur qui étend un voile lugubre autour de nous & flétrit l’Univers, état cruel qui sans avoir les traits aigus de la douleur nous l’a fait presque désirer pour sortir du moins de l’affreux dégoût d’une insipide existence, ce fleau est l’ennui qu’on peut appeller un demi trépas ; l’homme de Lettres a le secret de chasser ce monstre ténébreux.
Alors je ne sçais quel transport noble, & non orgueilleux rend à l’homme de Lettres un témoignage consolant de la grandeur de son génie, parce qu’il a sçu l’appliquer à ce qui est utile, décent & honnête. […] Faut-il s’étonner s’il dédaigne tout spectacle de vanité & de luxe, s’il chérit cette simplicité, vrai caractère de la grandeur, soit dans les Arts soit dans les mœurs. […] Songez enfin que la justice, la générosité, la grandeur d’ame doivent vous animer si vous voulez les peindre avec force, & les faire passer dans les cœurs de ceux qui vous écoutent.
Une des plus sauvages grandeurs de ce poëme, c’est que le soleil y est sinistre. […] Tout le poëme de Job est le développement de cette idée : la grandeur qu’on trouve au fond de l’abîme. […] Telle est la grandeur de Pan qu’il a sous lui le Destin qui est sur Jupiter. […] De là toutes les grandeurs inattendues de l’imagination. […] Ce que les ténèbres ont pris ajoute l’inconnu à cette grandeur.
Il est vrai que nous comptons les moments successifs de la durée, et que, par ses rapports avec le nombre, le temps nous apparaît d’abord comme une grandeur mesurable, tout à fait analogue à l’espace. […] La vraie durée, celle que la conscience perçoit, devrait donc être rangée parmi les grandeurs dites intensives, si toutefois les intensités pouvaient s’appeler des grandeurs ; à vrai dire, ce n’est pas une quantité, et dès qu’on essaie de la mesurer, on lui substitue inconsciemment de l’espace. […] On mesure la vitesse d’un mouvement, ce qui implique que le temps lui aussi, est une grandeur. […] Parce que chacun des pas d’Achille et chacun des pas de la tortue sont des indivisibles en tant que mouvements, et des grandeurs différentes en tant qu’espace : de sorte que l’addition ne tardera pas à donner, pour l’espace parcouru par Achille, une longueur supérieure à la somme de l’espace parcouru par la tortue et de l’avance qu’elle avait sur lui. […] Pour définir la vitesse du mobile A au point M, il suffira d’imaginer un nombre indéfini de mobiles A₁, A₂, A₃, … tous animés de mouvements uniformes, et dont les vitesses v₁, v₂ v₃, …, disposées en ordre croissant par exemple, correspondent à toutes les grandeurs possibles.
Autant vaudrait anéantir cet hymne universel qui, du brin d’herbe au chêne séculaire, célèbre incessamment sa grandeur et sa bonté. […] on y est Dieu, on se contemple, on se sourit dans sa création comme dans le miroir de sa grandeur et de sa divinité ; on se grise d’infini, on s’endort dans cet enivrement olympien, au murmure des océans et des mondes… et l’on se réveille à Charenton ! […] Il représenta, sinon avec grandeur, au moins avec éclat, ce type qui allait disparaître, qui avait fait son temps, et qui déjà n’avait plus sa raison d’être entre Richelieu et Louis XIV. […] C’en était fait ; un gouvernement absolu, ramenant tout à l’unité et se personnifiant dans un grand roi, pouvait seul désormais refondre ces éléments divers et y trouver des conditions nouvelles de force, de grandeur et de vie. […] après une phase d’un éclat incomparable, à périr victime de son isolement et de sa grandeur dans le vide.
La force ou la volonté fit défaut pour l’achèvement : la cathédrale des rois, au sein de la capitale et jusque dans sa grandeur, est restée découronnée. […] Mais du moins, sous Louis XIV, si l’on visait au majestueux à tout propos, si l’on se fourvoyait en partant d’un faux principe, on se trompait avec grandeur ; depuis lors on a gardé le faux principe, et la grandeur a diminué. […] Il n’y a pas à Notre-Dame un ornement qu’il n’ait dessiné de la grandeur d’exécution.
Il n’y a pas de grandeur dans un rôle ; il n’y a de grandeur que dans la foi. […] Chaste au milieu des séductions de la beauté et de la jeunesse, pieuse et pure dans une cour légère, humble dans les grandeurs, patiente dans les cachots, fière devant le supplice, Madame Élisabeth laissa par sa vie et par sa mort un modèle d’innocence sur les marches du trône, un exemple à l’amitié, une admiration au monde, un opprobre éternel à la république. » Amnistier de tels crimes sous prétexte des nécessités révolutionnaires, ce serait déshonorer à jamais toutes les révolutions, car aucune révolution ne vaut le sang d’un juste ; et quand le juste est une femme, sans autre crime que son nom, sa beauté, son innocence, sa jeunesse, dont on a immolé toute la famille, l’histoire qui atténuerait l’horreur contre ce forfait serait pire que les bourreaux qui le commirent. […] Vous faites croire ainsi au peuple qui vous lit que la légitimité de la cause et que la grandeur du drame auxquels il participe justifient et glorifient tous les acteurs de ce drame humain, qui laissent leur tête et leur nom dans la lutte sur ce champ de honte ou de renommée qu’on appelle les révolutions.
Reyer — le public réentendait les merveilles bafouées jadis, et comprenait enfin la grandeur du génie disparu. […] La simplicité, l’enjouement, les prévenances de notre hôte nous rendirent inoubliables ces jours heureux : une grandeur natale ressortait pour nous du laisser-aller qu’il nous témoignait. […] Les lettres du roi de Bavière sont admirables de grandeur et de finesse ; elles expliquent merveilleusement son caractère resté pour nous mystérieux. […] Il cherchait un homme qui eût la puissance et la volonté de l’aider : « Si je trouvais un prince ayant dans l’âme assez d’idéal pour me comprendre, assez de grandeur pour m’aider de sa puissance, — l’avenir de l’art serait assuré. » Trouverez-vous mauvais, Elisabeth, que j’aie considéré ces belles paroles comme un appel du destin adressé à moi, à moi !
Quelle grandeur infinie, Quelle divine harmonie Résulte de leurs accords ? […] Aussi les traits vraiment éloquents sont ceux qui se traduisent avec le moins de peine, parce que la grandeur de l’idée subsiste : toujours sous quelque forme qu’on la présente, et qu’il n’est point de langue qui se refuse à l’expression naturelle et simple d’un sentiment sublime. […] Il en est du style comme du caractère ; la grandeur et la finesse y sont incompatibles. […] plusieurs raisons y ont contribué ; la grandeur où la France est parvenue sous le règne de Louis XIV ; la supériorité de nos bons écrivains en matière de goût sur ceux des autres nations ; et peut-être aussi cette destinée quelquefois bizarre, qui décide apparemment de la fortune des langues comme de celle des hommes.
Il déclama toute sa vie contre les grandeurs & les richesses. […] Elles rouloient sur l’immortalité de l’ame, & prouvoient la grandeur de la sienne.
Le peuple est grand admirateur de la force et de la grandeur matérielle. […] Cette gloire, c’est la pire de ces « grandeurs de chair » dont Pascal parle avec mépris. […] Alors il redouble ses investigations ; il cherche un endroit où puisse s’appliquer son microscope ; il trouve une explication qui rabaisse, à la portée de sa vue, la grandeur dont l’aspect l’avait d’abord offusqué, etc. » Rien de plus faux, à mon sens, que ce jugement. […] Et je ne sais rien de plus beau, de plus riche de sens et de poésie, de plus saisissant par la grandeur et l’importance de l’idée exprimée, et en même temps par la simplicité superbe et la rapidité précise et ardente de l’expression, que ces trente vers où nous est rendue présente, comme dans un large éclair, la suprême découverte de la science et la conception la plus récente de l’unité du monde physique. […] Faustus et Stella délibèrent s’ils doivent le repeupler : ils communiqueraient leur omniscience à une humanité neuve et plus heureuse. « Non, dit la Mort : l’humanité défunte refuserait de revivre une vie exempte des tourments qui ont fait sa grandeur. » Et sur son aile, à travers les constellations, elle remporte les deux amants, parfaitement heureux désormais, puisque, s’ils n’ont pu accomplir le sacrifice, ils l’ont du moins tenté.
Voyez, à ce coup de tonnerre 225, Comme il méprise nos grandeurs, De ce qu’on crut pompeux sur notre triste terre Comme il voit en pitié les trompeuses splendeurs ! […] En un moment Eutrope tomba du comble de la grandeur dans l’extrémité de la misère. […] Le lendemain, jour destiné à la célébration des saints mystères, le peuple accourut en foule à l’église pour y voir dans Eutrope une image éclatante de la faiblesse des hommes, et du néant des grandeurs humaines. […] Et le moyen de les éviter, c’est de se bien convaincre de la fragilité et de la vanité des grandeurs humaines. […] Le lieu même d’où il parle, celui où on l’écoute, confond et fait disparaître toutes les grandeurs pour ne laisser sentir que la sienne.
Ce n’est plus cette porte que l’on voit, c’est la plus tendre des mères, le plus chéri des enfants, le plus grand et le plus heureux des rois, et le souvenir attendrissant de cette grandeur évanouie. […] Il n’est pas superflu de remarquer ces sources d’imitation successive d’où s’écoulent les beautés que le génie accroît d’âge en âge, en y ajoutant les grandeurs de sa propre originalité. […] Quelle grandeur en ce dernier vers ! […] Vous voyez quelle est sa grandeur morale ; regardez maintenant la grandeur matérielle de cette expédition, en énumérant les forces dont elle se composait, et celles qui lui furent opposées. […] qu’en ce moment il m’est aisé de vous en développer la grandeur !
On avait eu toutes les gloires ; il en restait une dernière à acquérir qui complète toutes les autres et les surpasse, celle de résister à la mauvaise fortune et d’en triompher ; après quoi on se reposerait dans ses foyers, et on vieillirait tous ensemble dans cette France qui, grâce à ses héroïques soldats, après tant de phases diverses, aurait sauvé sa vraie grandeur, celle des frontières naturelles, et de plus une gloire impérissable. — En disant ces nobles paroles, Napoléon se montrait serein, caressant, rajeuni… Il n’y avait, malheureusement, de vrai dans sa conclusion que la gloire. […] Peut-on s’étonner que les nations s’identifient avec les figures de héros qui ont ainsi vécu et lutté jusqu’à l’extrémité pour leur grandeur, et qu’elles disent dans leur enthousiasme d’instinct et par une de ces raisons du cœur, supérieures à la raison même : Eux, c’est moi ! […] Thiers, qu’une dernière bataille livrée et gagnée jusque dans Paris, une victoire qui eût rétabli d’un seul coup la France dans sa juste grandeur, n’eût pas été trop payée, même au prix des splendeurs du Paris d’alors ; tous ceux qui, l’année suivante, avaient saigné et pleuré de douleur à la nouvelle de Waterloo, ceux-là étaient tous pour qu’on fortifiât.
Dans l’ordre poétique comme dans l’ordre moral, la grandeur est au prix de l’effort, de la lutte et de la constance ; l’idéal habite les hauts sommets. […] Guillaume de Schlegel, dans laquelle il compare la Phèdre de Racine et celle d’Euripide ; il y exprime admirablement le genre de beauté de celle-ci, ce caractère chaste et sacré de l’Hippolyte, qu’il assimile avec grandeur au Méléagre et à l’Apollon antiques. […] Ce n’est plus au groupe de la statuaire antique et à cette première grandeur qu’on a affaire ; ce sont plutôt des tableaux finis qu’il s’agit, même à distance, de voir dans leur cadre et dans leur jour.
La nouveauté des doctrines, le courant de l’opinion publique, la naissance d’une littérature poétique, la grandeur mystique des théories sur l’infini et sur la raison éternelle, il n’en fallait pas tant pour pousser M. […] Je prends pour doctrine « cette philosophie qui commence avec Socrate et Platon, que l’Évangile a répandue dans le monde, que Descartes a mise sous les formes sévères du génie moderne, qui a été au dix-septième siècle une des gloires et des forces de la patrie, qui a péri avec la grandeur nationale, et qu’au commencement de celui-ci M. […] Nous fonderons notre principale démonstration sur une équivoque visible43 ; et nous développerons en style touchant ou en phrases imposantes la grandeur de cette idée et la force de cette démonstration.
Si vous faites exactement cela, vous serez toujours prospères, et votre grandeur s’accroîtra ; car ce Dieu exterminera vos ennemis, qui maintenant dévorent à leur aise vos campagnes. » Chose remarquable, et bien conforme à la nature sérieuse et appliquée du peuple romain : ces premiers contacts de l’imagination et de la poésie grecques ne lui venaient pas en délassement et en parure de l’esprit, mais comme un secours de politique et de guerre, un encouragement à la défense, une arme du patriotisme et de la liberté. […] Enfin, tout en se mêlant surtout aux choses réelles, à la majesté du culte, aux devoirs de la piété domestique, l’art des Grecs introduisit à Rome ces œuvres de l’esprit qui faisaient partie des fêtes de la Grèce, la mythologie dramatique, et jusqu’à la mélopée du théâtre d’Athènes, mais bien déchues de leur poétique grandeur. […] Ce qu’à cet égard nous supposons avec certitude pour les premiers temps de Rome, est confirmé par un témoignage précis, pour l’époque même de sa grandeur et de son luxe.
Il n’a pas lieu, il ne se produit pas entre des grandeurs décalées, entre des grandeurs qui ne seraient pas du même ordre, car cette noblesse est de même ordre que celle noblesse, et cette grandeur est de même ordre que cette grandeur. […] Le lever du soleil de la grandeur et de la force. […] Il devenait un élément de grandeur de même nature et de même ordre. […] C’est-à-dire il faut une grandeur fixe et qui ne varie pas. […] Il ne pouvait pas être ce point de grandeur fixe et qui ne varie pas.
Le premier rôle est à Bonaparte, jouant quelquefois l’indifférence philosophique et le dégoût des grandeurs pour menacer le monde d’une éclipse de génie et de force. […] Soit obscurité dans la topographie quand on ne lit pas la carte sous les yeux ; soit confusion dans les marches et contremarches des Autrichiens et des Français qui précèdent et qui préparent la bataille de Marengo ; soit incohérence de cette bataille elle-même, qui ne fut qu’un hasard et une intempestivité pour le vainqueur, la campagne et la bataille de Marengo ne répondent pas dans le récit à la grandeur des résultats. […] Elle essayait, en attendant, de détourner son mari des idées d’une grandeur exagérée, osait même lui parler des Bourbons, sauf à essuyer des orages, et, malgré ses goûts, qui auraient dû lui faire préférer M. de Talleyrand à M. […] Pitt essuyait à cette époque, Napoléon devait l’essuyer plus tard, et avec une grandeur d’injustice et de passion proportionnée à la grandeur de son génie et de sa destinée. […] Représentant en Angleterre, non pas de l’aristocratie nobiliaire, mais de l’aristocratie commerciale, qui lui prodigua ses trésors par la voie des emprunts, il résista à la grandeur de la France et à la contagion des désordres démagogiques avec une persévérance inébranlable, et maintint l’ordre de son pays sans en diminuer la liberté.
L’œil ne nous donne que la figure, la position et la grandeur apparentes : le toucher seul nous donne la figure, la position et la grandeur réelles.
Admirer en présence des orateurs et des poètes qui ont enveloppé Athènes de séduction et Rome de grandeur, c’est se donner tout entier à ces maîtres incomparables, leur livrer ses plus fraîches et ses plus naïves émotions et témoigner à ces pères de l’intelligence autant d’amour filial que de respectueuse fidélité. […] Nous sommes loin de l’âge fertile qui fut si justement appelé Renaissance, loin du temps où les Racine, les La fontaine, les Boileau devaient une partie de leur grandeur à leur admirable modestie, à leur volontaire abaissement devant les anciens qu’ils ont égalés.
Si nous examinons maintenant son caractère et ses qualités personnelles, nous lui trouverons cette ambition sans laquelle un homme n’a jamais donné un grand mouvement à ce qui l’entourait ; cette activité nécessaire à tous les genres de succès, à la guerre surtout, et dans un empire qui embrassait cent provinces ; cette férocité qui était le vice général du temps, et qui lui fit commettre des crimes, tantôt d’une barbarie calme, comme le meurtre de son beau-frère, celui de son neveu, et celui des rois prisonniers qu’il fit donner en spectacle et déchirer par les bêtes, tantôt des crimes d’emportement et de passion, comme les meurtres de sa femme et de son fils ; cet amour du despotisme presque inséparable d’une grande puissance militaire et de l’esprit de conquête, et surtout de l’esprit qui porte à fonder un nouvel empire ; un amour du faste, que les peuples prennent aisément pour de la grandeur, surtout lorsqu’il est soutenu par quelques grandes actions et de grands succès ; des vues politiques, sages, et souvent bienfaisantes, sur la réforme des lois et des abus, mais en même temps une bonté cruelle qui ne savait pas punir, quand les peuples étaient malheureux et opprimés. […] De tout cela ensemble, dut naître un mélange de beautés et de défauts, de négligence dans le style et de grandeur dans les idées, quelquefois toute la force et toute l’impétuosité du zèle religieux, quelquefois toute la faiblesse d’une morale froide et monotone, ce qui peut souvent frapper l’imagination, ce qui doit souvent révolter le goût.
L’influence si naturelle des mœurs sur le culte devait, avec le progrès de la grandeur et de la politesse romaines, accréditer de préférence les autels de la déesse dont César prétendait descendre. […] Le chœur est une voix gémissante qui témoigne du danger des grandeurs, du besoin de l’obscurité, sous la tyrannie.
Hésiode n’offre qu’une galerie de divines figures dont il trace magnifiquement les portraits, et ne raconte que des faits isolés dont la grandeur surnaturelle excite l’admiration. […] Aussi les épopées sont-elles rares, non seulement par la rareté des esprits capables de les composer, mais par la rareté des faits susceptibles de la grandeur idéale de l’imagination. […] Ce n’est donc pas ici la grandeur du fait qui manquait au poète pour surpasser l’Iliade, mais un poète tel qu’Homère qui manquait à la grandeur du fait. […] Voilà ce qui prédomine dans la conception de Valérius Flaccus : tout marche, tout agit, tout s’entraîne avec rapidité, force, et grandeur dans son. […] Ici l’action soutient le parallèle avec la grandeur de celle dont elle fut sous quelque rapport imitée.
Grandeur et décadence des Romains est du style d’idées. […] L’orbe de la lune, tout rouge, se levait dans un horizon embrumé, d’une grandeur démesurée. […] Il a la vie et la grandeur. […] Voici quelques lignes (Misère et grandeur de l’homme, qui montrent le procédé général et le ton ordinaire des Pensées : La misère se concluant de la grandeur, et la grandeur de la misère, les uns ont conclu la misère, d’autant plus qu’ils en ont pris pour preuve la grandeur, et les autres concluant la grandeur avec d’autant plus de force qu’ils l’ont conclue de la misère même. […] (Grandeur et Décadence, etc., ch.
Cependant l’esprit du vrai critique, comme l’esprit du vrai poëte, doit être ouvert à toutes les beautés ; avec la même facilité il jouit de la grandeur éblouissante de César triomphant et de la grandeur du pauvre habitant des faubourgs incliné sous le regard de son Dieu. […] Legros est un esprit vigoureux, c’est que l’accoutrement vulgaire de son sujet ne nuit pas du tout à la grandeur morale du même sujet, mais qu’au contraire la trivialité est ici comme un assaisonnement dans la charité et la tendresse. […] Tels nous apparurent, il y a quatorze ans à peu près, ces sauvages du Nord-Amérique, conduits par le peintre Catlin, qui, même dans leur état de déchéance, nous faisaient rêver à l’art de Phidias et aux grandeurs homériques. […] (je puis appliquer aux débris d’une grandeur militante comme le Romantisme, déjà si lointaine, cette expression familière et grandiose) ; M. […] Nous avons le goût de facile composition, et notre dilettantisme peut s’accommoder tour à tour de toutes les grandeurs et de toutes les coquetteries.
Il est vrai que l’homme moderne put être pathétique autrement qu’en sa qualité de citoyen, de roi, de père, de fils ou d’époux ; l’ambition, l’amour, la grandeur personnelle, voilà ce qui fit de lui un héros tragique ; mais, de même que l’homme antique, il parut sur la scène en qualité d’époux, de fils, de père, de citoyen ou de roi. […] Et quand ses personnages ne sont pas des princes, quand ils appartiennent à des époques historiques, Shakespeare les place alors dans ces temps de guerre civile où, les liens de l’ordre social étant brisés et les lois sans force, la grandeur individuelle avait un libre jeu233. […] Si celui qui pense ainsi, qui agit ainsi, qui s’efforce de mettre tout cela en pratique, mérite qu’on l’appelle nigaud ; je m’en rapporte à Vos Grandeurs, excellents Duc et Duchesse240 ! […] Euripide abandonne la grandeur et la simplicité plastiques qui distinguent les caractères antiques, pour passer au pathétique sentimental. […] L’anthropomorphisme des Dieux grecs, dans les fables où ils se rapprochent trop des passions humaines, offre un contraste avec la grandeur des idées religieuses.
Ses erreurs mêmes contenaient encore d’utiles et graves leçons, données au monde avec une incomparable grandeur. […] Pour accomplir sa noble tâche, la dictature, à notre avis, sous la forme du consulat à vie, suffisait donc au général Bonaparte, et, en le créant monarque héréditaire, on tentait quelque chose qui n’était ni le meilleur pour sa grandeur morale, ni le plus sûr pour la grandeur de la France. […] Malheureusement la France, qui avait payé de son sang leur délire républicain, était exposée à payer de sa grandeur leur nouveau zèle monarchique ; car c’est pour qu’il y eût des rois français en Westphalie, à Naples, en Espagne, que la France a perdu le Rhin et les Alpes. […] Thiers ne demande à son héros que de s’arrêter dans son nouveau triomphe, sans paraître s’apercevoir que son héros n’a obtenu ce nouveau triomphe que par l’insatiabilité de grandeur que M. […] Les principaux officiers des deux armées se tenaient à l’écart et regardaient avec une vive curiosité ce spectacle extraordinaire du successeur des Césars vaincu et demandant la paix au soldat couronné que la révolution française avait porté au faîte des grandeurs humaines.
Il avait beaucoup d’amitié pour moi, parce que j’aimais à aller, à mes heures perdues, visiter son herbier et entendre les explications scientifiques et providentielles sur la vertu des plantes et sur les mœurs des insectes, toutes attestant, suivant lui, la grandeur et les desseins de la Providence. […] Le charme manquait à sa grandeur ; le charme de la petitesse ou de la grandeur, c’est le naturel. […] Ce ne fut que plus tard que je me rendis compte de cette fausse grandeur guindée sur des échasses, et de cette fausse poésie qui déclame et qui ne sent rien. […] Il y a dans ces Mémoires autant d’originalité que de grandeur et de passion ; là, son caractère savait véritablement participer de la majesté de sa royale idole. […] » Ses compagnons épars, groupés sur le navire, Ne parlent point entre eux de foi ni de martyre, Ni des prodiges saints par la croix opérés, Ni des péchés remis dans les lieux consacrés, D’un plus fier évangile apôtres plus farouches, Des mots retentissants résonnent sur leurs bouches : Gloire, honneur, liberté, grandeur, droits des humains, Mort aux tyrans sacrés égorgés par leurs mains, Mépris des préjugés sous qui rampe la terre, Secours aux opprimés, vengeance, et surtout guerre ; Ils vont, suivant partout l’errante Liberté, Répondre en Orient au cri qu’elle a jeté ; Briser les fers usés que la Grèce assoupie Agite, en s’éveillant, sur une race impie ; Et voir dans ses sillons, inondés de leur sang, Sortir d’un peuple mort un peuple renaissant.
Faugère en son Introduction, nous croyons avoir surmonté ces difficultés autant qu’il était possible de le faire ; du moins nous y avons travaillé, non-seulement avec patience, c’eût été trop peu pour une pareille tâche, mais avec l’infatigable passion qu’inspire aisément la mémoire d’un écrivain en qui se rencontrent dans une merveilleuse alliance la beauté de l’âme et la grandeur du génie. » Connu déjà par l’Éloge de Gerson et par celui de Pascal que l’Académie française avait tous deux couronnés, M. […] On aura cette impression très-sensible à la lecture des premiers chapitres du second volume, de ces fameux chapitres sur l’homme, son divertissement, ses disproportions, sa grandeur, son néant. […] C’est là sa physionomie, c’est ainsi qu’il a sa vraie grandeur. […] Et cela indépendamment de la grandeur de leurs esprits et de la nature des idées.
Homme aussi grand qu’universel, il fit partie de la grandeur et de la gloire des Médicis : un grand homme féconde un grand siècle. […] Il expira doucement, dans le silence et dans la contemplation des grandeurs et des volontés du Tout-Puissant. […] Aussi ne trouve-t-on pas dans l’histoire une famille de simples citoyens offrant l’hérédité du mérite, du travail et des vertus continues, et rassemblés avec des qualités présentes diverses, tels que Côme Ier, Laurent, Julien et Côme II, chacun ajoutant un échelon de plus à la grandeur des autres. […] Jusqu’à son dernier souffle, il manifesta la vigueur habituelle, la fermeté, l’égalité et la grandeur de son âme.
« Cent cinquante mille soldats victorieux, point de procureurs, opéra, comédie, philosophie, poésie, un héros philosophe et poète, grandeur et grâce, grenadiers et muses, trompettes et violons, repas de Platon, société et liberté ! […] La grandeur de la littérature française sous Louis XIV l’attache à ce règne, et l’emplit d’admiration. […] Ses idées de bonne administration l’inclinent même plutôt à aimer le despotisme, dès que le despote est vigilant, laborieux, dévoué à la grandeur de l’État. […] Enfin, cinq ou six chapitres, étalant la grandeur de l’esprit humain dans les lettres et les arts, couronnaient magnifiquement l’ouvrage.
Combien le Christianisme n'éleve-t-il pas l'Homme au dessus de ces vertus calculées, & à quel degré de grandeur & de perfection son ame ne se porte-t-elle pas, lorsqu'elle se pénetre de son esprit, & qu'elle le suit ! […] Malgré cela, comparons les Siecles religieux avec les Siecles philosophiques ; ou plutôt, sans remonter ici jusqu'aux principes de la décadence de tous les Empires connus, qui n'ont en effet commencé à déchoir de leur grandeur, que lorsque la Philosophie a commencé à égarer les esprits, à énerver les ames, à substituer l'égoïsme à l'esprit patriotique, à rompre enfin les liens les plus solides de la Société, jetons un coup d'œil rapide sur les funestes effets qu'elle a produits de nos jours. Nous sommes bien éloignés de vouloir avilir nos Contemporains : mais quelle comparaison entre ces temps de grandeur & d'élévation, de franchise & de bonne foi, où la soumission religieuse contenoit les esprits, fixoit les sentimens, régloit les mœurs, & ce temps de vertige où tout paroît permis, où l'on n'est retenu par aucun frein, où l'on craint plus de manquer aux bienséances qu'à la vertu, où les rangs décident la Justice, où l'intérêt public est continuellement sacrifié à l'intérêt particulier ? […] Si, par fortune, ce prodige de grandeur qui subjugue les adversités, n’étoit qu’une méprise & qu’une erreur, quelle erreur, nous ne craignons pas de le dire, plus digne de notre admiration & de nos hommages ?
Le Moyen Âge avait de la rudesse, de l’héroïsme et de la grandeur : cette grandeur et cette force héroïque se marquent en quelques endroits des chansons dites de geste. […] Il en a fait ces admirables petits drames, qui vont parfois jusqu’à la grandeur : mais son talent et son génie, ç’a été surtout de s’y être mis lui-même, de n’y avoir vu qu’un cadre à parler de l’amitié, de la campagne, de la solitude, du sommeil, de tous ces charmes qu’il sentait si bien : « Amants, heureux amants, voulez-vous voyager ?
Dans les descriptions et comptes rendus tout scientifiques qu’il a donnés de ses voyages, Saussure a été peintre par endroits : en présence du spectacle extraordinaire et inouï qu’il avait sous les yeux, « il tâche d’atteindre à la grandeur par la simplicité, au calme et à la majesté par le déroulement harmonieux et paisible de sa période sans pompe descriptive et sans ornement d’apparat ». […] La nouveauté, sans doute, pour des citadins surtout ; l’aspect si rapproché de la mort, de la solitude, de l’éternel silence ; notre existence si frêle, si passagère, mais vivante et douée de pensée, de volonté et d’affection, mise en quelque sorte en contact avec la brute existence et la muette grandeur de ces êtres sans vie, voilà, ce semble, les vagues pensers qui attachent et qui secouent l’âme à la vue de cette scène et d’autres pareilles. […] [NdA] Byron au reste, dans son séjour en Suisse (1816), a senti et pratiqué les Alpes bien autrement que Chateaubriand qui ne les avait vues d’abord qu’en passant (1805), et qui semble les avoir traitées, et le Mont-Blanc lui-même, du haut de sa grandeur. — Je conseille aux amateurs de lire Les Alpes Suisses, par M.
La Bruyère en fait un type de toute l’espèce : « Un Pamphile est plein de lui-même, ne se perd pas de vue, ne sort point de l’idée de sa grandeur, de ses alliances, de sa charge, de sa dignité ; il ramasse, pour ainsi dire, toutes ses pièces, s’en enveloppe pour se faire valoir. […] Saint-Simon rappelle le mot de La Bruyère et en donne hautement la clef, si on l’avait pu ignorer : C’était un plaisir, dit-il, de voir avec quel enchantement Dangeau se pavanait en portant le deuil des parents de sa femme et en débitait les grandeurs. […] [1re éd.] l’homme de cour qui se pique avant tout de l’être et qui se guinde à une fausse grandeur, est en grande partie celui de Dangeau.
En architecture (puisque c’est de cela qu’il s’agit en ce moment), le Romain, qu’on ne prétend nullement déprécier parce qu’on essaye de le définir, est grand bâtisseur, et il l’est en vue surtout de l’utilité publique comme de la majesté de l’Empire ; il porte dans les monuments qu’il élève une structure puissante, logique, sensée, uniforme, qui affecte l’éternité et va de soi à la grandeur. […] Viollet-Le-Duc s’avance jusqu’à penser que l’édifice romain, en général, n’aurait guère plus de beauté, ne ferait guère plus d’effet, si on le suppose complètement restauré, et qu’il gagne plutôt peut-être à la ruine, puisque c’est par là encore que s’atteste le mieux son double caractère dominant, solidité et grandeur ; mais il maintient que ce serait le contraire pour les Grecs qui, eux, tenaient si grand compte dans tout ce qu’ils édifiaient des circonstances environnantes et des accessoires : « Le Romain est peu sensible au contour, à la forme apparente de l’œuvre d’art : ses monuments composent souvent une silhouette peu attrayante ; il faut se figurer la masse restaurée des grands monuments qui appartiennent à son génie pour reconnaître que, la dimension mise de côté, cette masse devait former des lignes, des contours qui sont bien éloignés de l’élégance grecque. […] C’est en parlant du Parthénon et des autres monuments de cette date, que Plutarque dans sa Vie de Périclès nous dit : « Pendant que ces ouvrages s’élevaient fiers de grandeur autant qu’inimitables par la beauté et la grâce, les artistes s’efforçant à l’envi de surpasser leur création par la délicatesse du détail, ce qu’il y avait de plus admirable encore, c’était la rapidité.
Le plus grand homme du monde s’occupe à manger, à dormir, à causer, à s’ennuyer, à effacer la grandeur et l’originalité de son caractère dans les petits détails communs d’une foule de petites actions communes, et le héros n’est héros que par exception. […] Sa sottise ou sa grandeur, accumulée sur un seul point, se centuple ; la figure la plus vulgaire devient expressive, et intéresse, parce que l’esprit y aperçoit toute une vie en raccourci. […] Elle a la grandeur et l’harmonie des idées pures, puisqu’elle a pour âme une idée pure ; mais elle n’en a pas l’immobilité et le vide, puisqu’elle est remplie de détails et d’action.
Prendre et garder le Canada, c’était pour lui la conclusion favorite, comme de détruire Carthage pour Caton ; il le demandait non seulement en qualité de colon, mais aussi d’Anglais de la vieille Angleterre, ardent à travailler à la future grandeur de l’empire. […] À voir l’ardeur que mit Franklin à cette question qu’il considérait comme nationale, on comprend que quinze ans plus tard, lorsque la rupture éclata entre les colonies et la mère patrie, il ait eu un moment de vive douleur, et que, sans en être ébranlé dans sa détermination, il ait du moins versé quelques larmes ; car il avait, en son âge le plus viril, contribué lui-même à consolider cette grandeur ; et il put dire dans une dernière lettre à lord Howe (juillet 1776) : Longtemps je me suis efforcé, avec un zèle sincère et infatigable, de préserver de tout accident d’éclat ce beau et noble vase de porcelaine, l’empire britannique ; car je savais qu’une fois brisé, les morceaux n’en pourraient garder même la part de force et la valeur qu’ils avaient quand ils ne formaient qu’un seul tout, et qu’une réunion parfaite en serait à peine à espérer désormais. […] Les hostilités s’allument, le sang a coulé ; il perd sa dernière étincelle d’affection pour l’antique patrie de ses pères : on ne voit plus dans tous ses actes et toutes ses pensées que l’homme et le citoyen du continent nouveau, de cet empire jeune, émancipé, immense, dont il est l’un des premiers à signer l’acte d’indépendance et à présager les grandeurs, sans plus vouloir regarder en arrière, ni reculer jamais.
Cousin est une aristocratie, et la haute naissance, il est vrai, enseigne la fierté, parfois la grandeur d’âme, toujours l’élégance et les belles manières ; avec la richesse elle donne la sécurité, le loisir, le goût pour les occupations de l’esprit ; elle fait des hommes du monde, des hommes de guerre, des hommes de cour, et quelquefois des hommes de cœur. […] Cousin, puisqu’il le dit ; il est possible que nous n’ayons point la grandeur ni la vertu des héros de la Fronde. […] Mlle de Bourbon va au couvent ; il décrit ce couvent, mesure son étendue, nomme toutes les rues qui le bornent, indique l’entrée, la place des jardins, des chapelles, de l’infirmerie, des appartements séparés, les dates, les moyens et la grandeur des accroissements successifs.
« Puisse, dit-il, cette admirable place conserver sa grandeur si chèrement achetée et nul bâtiment transversal ne gâter la belle harmonie du Louvre et des Tuileries ! […] Un peu plus loin, vous voyez l’orateur se lever subitement au milieu d’une citation, et s’interrompre pour exprimer avec une sorte de grandeur poétique l’émotion qui l’a saisi. […] La seule différence entre ces deux esprits, c’est que Bossuet était serein dans la grandeur et s’y trouvait dans son assiette, tandis que M.
Peu lui importe d’approfondir, mais la fougue gigantifie ses conceptions et dans la grandeur du poème les détails paraissent des ciselures. […] Elle est grande de tous les excès qui la font dissemblable des autres ; elle a le vertige de ne ressembler à aucune ; et elle demeure, dans sa grandeur, infiniment solitaire et triste.
C’est l’instant où la France, qui semble avoir dû ses dernières victoires à la vitesse acquise au siècle précédent, va déchoir de sa grandeur militaire ; le traité d’Aix-la-Chapelle, signé en 1748, est pour elle une halte, présage d’une décadence prochaine. […] Ensuite, il ne faut pas se figurer que les diverses périodes seront toutes de grandeur égale.
Les monuments ordinaires reçoivent leur grandeur des paysages qui les environnent ; la religion chrétienne embellit au contraire le théâtre où elle place ses autels et suspend ses saintes décorations. […] Fuyez, bruyants remparts, pompeuses Tuileries, Louvre, dont le portique à mes yeux éblouis Vante après cent hivers la grandeur de Louis !
Tous ces sonnets ont la même simplicité dans la grandeur.
On peut voir dans la Curée, dans l’Idole, dans la Popularité, combien le symbole, suivi fidèlement, donne de grandeur et de beauté à la satire lyrique. […] Barbier était sûr désormais de trouver, dès qu’il le voudrait, la grandeur simple et naïve, et cette certitude était par elle-même une assez belle conquête. […] Les acteurs de Fontainebleau ont l’air de poser devant nous dans l’unique dessein de nous initier aux misères et aux souffrances de la grandeur. […] La grandeur d’Eschyle inspire plus d’effroi que d’admiration. […] Au milieu du bourdonnement des louanges, il n’a plus qu’un seul sentiment, celui de sa grandeur ; il devient incapable de réflexion et de prévoyance.
Charles Fuster C’est le livre d’un poète breton, qui aime son pays et qui en a gardé toutes les fortes et naïves croyances, la simplicité et la grandeur.
Le tout n’est pas, surtout pour vous, de pénétrer l’homme à fond, de mesurer sa grandeur ou de démêler sa complexité : c’est d’avoir et de donner la sensation du vivant : c’est d’avoir vraiment pris son contact ; et l’eût-on vu de profil, n’en eût-on vu que l’ombre, cela vaudrait mieux encore que d’avoir calqué une photographie antérieure. […] On entend par ce mot tout ce qui est non pas extraordinaire, mais merveilleux, tout ce qui est hors de la possibilité naturelle, tout ce qui n’arrive pas, les combinaisons trop ajustées d’événements, les rencontres trop heureuses du hasard, les coups de vertu ou de passion inexpliqués dans leur grandeur, les perfections et les bonheurs incroyables dans leur continuité.
C’est la simplicité et la grandeur. […] Que si, du reste, au lieu d’être en vers provençaux, le poème de Mirèio était en langue française, la grandeur dont il brille empêcherait peut-être sa fortune, mais il aurait du moins une chance de réussite dont actuellement il est privé.
Dernier épisode de cette vie austère et toute à la gloire, et qui, sans ce malheur cruel qui l’a fait touchante, n’aurait été que majestueuse, — de cette majesté un peu monotone, il est vrai, des grandes destinées et des grands horizons, et que l’on pourrait appeler la tristesse de la grandeur et de la beauté ! IV Mais voici l’accident qui empêche cette grandeur d’accabler nos âmes : c’est cet amour infortuné du grand Corneille.
« Citoyens, c’est pour cette patrie que sont morts les guerriers que vous venez d’ensevelir ; quand vous contemplerez sa grandeur, songez que c’est à leur sang que vous la devez. […] Pensez, à leur exemple, que le bonheur est la liberté, et que la liberté est dans la grandeur de l’âme. » Il s’adresse ensuite aux pères de ces guerriers.
Son mérite fut d’avoir la passion des lettres et des antiquités, comme d’autres ont l’ambition de la fortune ou des grandeurs. […] Peiresc, beaucoup moins riche, sut employer ses richesses avec grandeur.
Louis Malosse pour dire que, quelquefois, chez lui, le fragment épique s’élève aisément à la hauteur d’un poème philosophique et alors ne manque pas d’une réelle grandeur.
— Tel, retrouvant ses maux au fond de sa mémoire, L’ange maudit pencha sa chevelure noire, Et se dit……………… C’est merveilleux d’essor, de grandeur et, si j’ose dire, d’envergure. […] Dans ce poème dédié à Victor Hugo, Moïse, conversant avec Dieu face à face sur la montagne, se plaignait de sa charge terrible de conducteur de nation et de sa grandeur solitaire, et il n’était pas malaisé de deviner le personnage agrandi du poète sous le masque du prophète. […] Magnin, cette tristesse d’une supériorité surhumaine qui isole, ce pesant dégoût du génie, du commandement, de la gloire, de toutes ces choses qui font du poète, du guerrier, du législateur, un être gigantesque et solitaire, un paria de la grandeur. » L’arrière-pensée littéraire et personnelle, si elle y était déjà, perçait à peine et n’est sortie qu’après. […] De ses souvenirs de sa vie de soldat et des problèmes qu’il y rattachait, sortit ce livre de Grandeur et Servitude militaires, un noble livre, tout plein de choses fières, fines, maniérées et charmantes, où il sculpta d’un ciseau coquet et qu’il croyait sévère la statue de l’Honneur, le dernier dieu qu’il eût aimé à voir debout et respecté au milieu des ruines. […] Des divers épisodes qui composent le volume de Grandeur et Servitude militaires, celui de Laurette ou le Cachet rouge, au moment où il parut dans cette Revue (mars 1833), obtint un succès marqué d’attendrissement et de larmes. « Que me demandez-vous de plus ?
On ne mutilait pas arbitrairement la nature, au grand détriment de la grandeur de la patrie et de l’espèce humaine. […] Ce n’était pas la profession, c’était le génie qui faisait l’homme, et l’homme alors était d’autant plus homme qu’il était plus universel : de là la grandeur de ces hommes multiples de l’antiquité. […] Un génie apparut à sa nourrice, dit la rumeur antique, et lui prédit qu’elle allaitait, dans cet enfant, le salut de Rome, ce qui signifie que la physionomie et le regard de cet enfant répandaient dans le cœur de sa mère et de sa nourrice on ne sait quel pressentiment de grandeur et de vertu innées. […] Tout en prévenant, par ses mesures, la disette qui menaçait le peuple romain, il ménagea la Sicile, et s’y fit adorer ; il la parcourut tout entière, moins en proconsul qu’en philosophe et en historien curieux de rechercher dans ses ruines les vestiges de sa grandeur antique. […] Enfin c’était un petit nombre de jeunes gens des premières maisons de Rome, tels que Clodius, César, Catilina, Crassus, Céthégus, qui, ayant gardé le crédit en perdant les vertus de leur ancêtres, corrompus de mœurs, pervertis de débauche, ruinés de prodigalités, signalés de scandales, indifférents d’opinions, avides de fortune, trahissant leur sang, leur caste, leurs traditions, la gloire de leur nom, se faisaient les flatteurs, les instigateurs, les tribuns, les complices masqués ou démasqués de la populace, et cherchaient leur richesse perdue et leur grandeur future dans l’abîme de leur patrie !
Il a bien vu le mystère dans toute sa grandeur, et il a eu le courage d’en chercher l’explication, si d’ailleurs il n’a pas eu plus qu’un autre le bonheur de la rencontrer. […] Le premier moteur est nécessairement indivisible, et il est sans grandeur quelconque. S’il avait une grandeur quelle qu’elle fût, il serait fini ; et une grandeur finie ne peut jamais produire un mouvement infini et éternel, pas plus qu’elle ne peut avoir une puissance infinie. […] Tel est le système du monde, mû durant l’éternité par le premier moteur, qui n’a lui-même, dans son unité, dans son infinitude et dans son immobilité, ni parties ni aucune espèce de grandeur possible. […] Loin de perdre à l’obéissance, il y gagne une grandeur et une dignité que sans elle il n’a pas.
Tous les peuples jeunes et nous-mêmes nous sommes des parvenus auprès de l’Italie, et nous respectons sa grandeur jusque dans sa décadence. […] Mais, depuis qu’une étude plus approfondie nous a permis de mesurer, au moins par des fragments, les grandeurs de l’intelligence de saint Thomas d’Aquin, nous sommes resté convaincu que, si ce génie universel avait pu s’émanciper de la théologie scolastique et de la mauvaise latinité, il aurait donné, longtemps avant le Dante, un Dante, supérieur encore, à l’Italie. […] Ses vers, jusqu’à l’âge de trente ans et au-delà, n’annonçaient pas le poète souverain qui devait dans l’âge avancé se révéler en lui ; c’étaient des sonnets et des canzone sans nerf, sans naturel et sans grandeur, calqués sur les poésies amoureuses des poètes secondaires de son temps. […] » XVII On voit que la prétendue injure n’est pas mortelle, et que si j’ai été accusé, peut-être avec quelque fondement, par les Italiens, d’avoir méconnu la beauté architecturale du poème, je suis bien loin d’avoir méconnu la grandeur colossale et michel-angélesque de l’homme. […] La troisième et dernière partie est celle où il envisage les hommes parfaits ; et il l’appelle Paradis, pour exprimer la hauteur de leurs vertus et la grandeur de leur félicité, deux conditions hors desquelles on ne saurait reconnaître le souverain bien.
Une étude complète sur Massillon deviendrait naturellement celle de l’éloquence même dans la dernière moitié du règne de Louis XIV ; on y suivrait ce beau fleuve de l’éloquence sacrée, on le descendrait dans toute la magnificence de son cours ; on en marquerait les changements à partir de l’endroit où il devient moins rapide, moins impétueux, moins sonore, où il perd de la grandeur austère ou de l’incomparable majesté que lui donnaient ses rives, et où, dans un paysage plus riche en apparence, plus vaste d’étendue, mais plus effacé, il s’élargit et se mêle insensiblement à d’autres eaux comme aux approches de l’embouchure. […] Et après qu’il avait ainsi fait frissonner, en la touchant au passage, la plaie cachée de chaque auditeur, après qu’il avait dû sembler en venir presque aux personnalités auprès de chacun, Massillon se relevait dans un résumé plein de richesse et de grandeur ; il se hâtait de recouvrir le tout d’un large flot d’éloquence, et d’y jeter comme un pan déployé du rideau du Temple : Non, mon cher auditeur, disait-il aussitôt en rendant magnifiquement à toutes ces chutes et toutes ces misères présentes des noms bibliques et consacrésa, non, les crimes ne sont jamais les coups d’essai du cœur : David fut indiscret et oiseux avant que d’être adultère : Salomon se laissa amollir par les délices de la royauté, avant que de paraître sur les hauts lieux au milieu des femmes étrangères : Judas aima l’argent avant que de mettre à prix son maître : Pierre présuma avant que de le renoncer : Madeleine, sans doute, voulut plaire avant que d’être la pécheresse de Jérusalem… Le vice a ses progrès comme la vertu ; comme le jour instruit le jour, ainsi, dit le Prophète, la nuit donne de funestes leçons à la nuit… Ici l’écho s’éveille et nous redit ces vers de l’Hippolyte de Racine : Quelques crimes toujours précèdent les grands crimes… Ainsi que la vertu, le crime a ses degrés… On a souvent remarqué que Massillon se souvient de Racine et qu’il se plaît à le paraphraser quelquefois. […] Quelle grandeur quand les ministres des rois venaient au pied de son trône !
On apprécie surtout mieux ce constant et noble effort qui porte un si vigoureux talent à se fortifier, à s’étendre, à se perfectionner sans cesse, à posséder de plus en plus toute cette matière immense qu’il dispose avec ordre, développement et grandeur, et qui lui sert à bâtir un monument le plus digne du modèle pour la majesté. […] Il s’étonnait du soin, selon lui excessif, qu’on prenait à décrire si longuement leurs mœurs, et surtout à faire admirer leur industrie : « Car enfin, disait-il, une mouche ne doit pas tenir dans la tête d’un naturaliste plus de place qu’elle n’en tient dans la nature. » Il semble que Buffon, se tenant au point de vue de l’homme et placé entre les deux infinis, celui de l’infinie grandeur et celui de l’infinie petitesse, n’ait été sensible qu’au premier. Il aimait assez, dans son premier ordre, à prendre les choses et les êtres par rang de taille, si l’on peut dire, et de grandeur physique ; c’est ainsi qu’il croit convenable de commencer l’histoire des oiseaux par celle de l’autruche qui est comme l’éléphant du genre.