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48. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre VII. La littérature et les conditions économiques » pp. 157-190

La comédie, qui, chez les Grecs, naquit des vendanges, fleurit encore dans les époques de vie large et facile. […] Par des hommes nés à l’île de la Réunion, à l’île de France, ou conduits là-bas par les hasards d’une vie aventureuse. […] Puisque tu as eu le tort de naître sans rentes, mets ton talent en coupe réglée, débite en menue monnaie la cervelle d’or qui t’est départie. […] Un de ses biographes nous conte qu’il naquit l’année où le vainqueur de Marignan fut vaincu et pris à Pavie et que cette naissance heureuse compensa le désastre subi par la France. […] En effet, ils se jettent sur les grands sujets qu’un La Bruyère, avec un soupir de regret, déclarait interdits à un homme chrétien et français.

49. (1796) De l’influence des passions sur le bonheur des individus et des nations « Section première. Des passions. — Chapitre III. De la vanité. »

C’est non seulement à la réunion des hommes en société que ce sentiment est dû, mais c’est à un degré de civilisation qui n’est pas connu dans tous les pays, et dont les effets seraient presque impossibles à concevoir pour un peuple dont les institutions et les mœurs seraient simples ; car la nature éloigne des mouvements de la vanité, et l’on ne peut comprendre comment des malheurs si réels naissent de mouvements si peu nécessaires. […] Dès qu’elles veulent avoir avec les autres des rapports plus étendus ou plus éclatants que ceux qui naissent des sentiments doux qu’elles peuvent inspirer à ce qui les entoure, c’est à des succès de vanité qu’elles prétendent. […] Le seul vrai ridicule, celui qui naît du contraste avec l’essence des choses, s’attache à leurs efforts : lorsqu’elles s’opposent aux projets, à l’ambition des hommes, elles excitent le vif ressentiment qu’inspire un obstacle inattendu ; si elles se mêlent des intrigues politiques dans leur jeunesse, la modestie doit en souffrir ; si elles sont vieilles, le dégoût qu’elles causent comme femmes, nuit à leur prétention comme homme. […] Il semble que des succès éclatants offrent des jouissances d’amour propre, à l’ami de la femme célèbre, qui les obtient ; mais l’enthousiasme que ces succès font naître a peut-être moins de durée, que l’attrait fondé sur les avantages les plus frivoles. […] La peine se multiplie par la peine, et le but s’éloigne par l’action même du désir ; et dans ce tableau qui semblerait ne devoir rappeler que l’histoire d’un enfant, se trouvent les douleurs d’un homme, les mouvements qui conduisent au désespoir et font haïr la vie ; tant les intérêts s’accroissent par l’intensité de l’attention qu’on y attache ; tant la sensation qu’on éprouve, naît du caractère qui la reçoit bien plus que de l’objet qui la donne.

50. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Seconde partie. Poétique du Christianisme. — Livre second. Poésie dans ses rapports avec les hommes. Caractères. — Chapitre III. Suite des Époux. — Adam et Ève. »

Sa compagne, au contraire, laisse descendre, comme un voile d’or, ses longues tresses sur sa ceinture, où elles forment de capricieux anneaux : ainsi la vigne courbe ses tendres ceps autour d’un fragile appui ; symbole de la sujétion où est née notre mère ; sujétion à un sceptre bien léger ; obéissance accordée par Elle et reçue par Lui, plutôt qu’exigée ; empire cédé volontairement, et pourtant à regret, cédé avec un modeste orgueil, et je ne sais quels amoureux délais, pleins de craintes et de charmes ! […] Ainsi passe, en se tenant par la main, le plus superbe couple qui s’unit jamais dans les embrassements de l’amour : Adam, le meilleur de tous les hommes qui furent sa postérité ; Ève, la plus belle de toutes les femmes entre celles qui naquirent ses filles. […] Adam, quoiqu’à peine et sans expérience, est déjà le parfait modèle de l’homme : on sent qu’il n’est point sorti des entrailles infirmes d’une femme, mais des mains vivantes de Dieu. […] D’où naît cette magie des anciens, et pourquoi une Vénus de Praxitèle toute nue charme-t-elle plus notre esprit que nos regards ? […] Tout drame pèche essentiellement par la base, s’il offre des joies sans mélange de chagrins évanouis, ou de chagrins à naître.

51. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 29, qu’il est des païs où les ouvrages sont plûtôt apprétiez à leur valeur que dans d’autres » pp. 395-408

Les romains naissent presque tous avec beaucoup de sensibilité pour la peinture, et leur goût naturel a encore des occasions fréquentes de se nourrir et de se perfectionner par les ouvrages excellens qu’on rencontre dans les églises, dans les palais, et presque dans toutes les maisons où l’on peut entrer. […] Il plaint même, pour ainsi dire, les idées capables de faire beaucoup d’honneur à l’inventeur, d’être nées dans d’autres cerveaux que dans les cerveaux de ses compatriotes. […] Ce n’est pas sans peine qu’il consent d’estimer un artisan dans le même païs que lui, autant qu’un artisan à cinq cens lieuës de la France. […] Pour être bon spectateur il faut avoir cette tranquilité d’ame qui ne naît pas de l’épuisement, mais bien de la sérenité de l’imagination.

52. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — M. — article » pp. 200-202

MALLEVILLE, [Claude de] à Paris en 1597, mort en 1647, un des premiers reçus à l’Académie Françoise. […] Ce n’est pas que frere René D’aucun mérite soit orné, Qu’il soit docte, qu’il sache écrire, Ni qu’il dise le mot pour rire ; Mais seulement c’est qu’il est Coiffé. Ce mot coiffé expliqueroit assez bien la petite fortune littéraire & civile de quelques merveilleux Auteurs de nos jours.

53. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — V. — article » pp. 444-446

Villon, [François Cordeuil, surnommé] à Paris en 1431. […] Même nom de baptême, nom également substitué à son vrai nom de famille ; il a fait, comme lui, époque* dans notre Littérature ; l’un & l’autre sont nés avec beaucoup d’esprit & de talent ; l’un & l’autre ont ambitionné la Monarchie Littéraire, & la manie de dominer leur a également suscité une foule d’ennemis ; tous deux ont habité successivement l’Angleterre, la Hollande, l’Allemagne & la Suisse ; tous deux ont été fêtés à la Cour des Rois, & tous deux, par la suite des événemens, ont été forcés de vivre loin de leur patrie. […] Nous lui donnons place dans cet Ouvrage, non parce qu’on nous a reproché de l’avoir omis [reproche très-mal fondé, puisqu’il est antérieur à François I.ABCD], mais parce qu’un caractere aussi étrange nous a paru propre à faite naître des réflexions, à effrayer par l’exemple, & à détacher de toute célébrité qui ne seroit pas fondée sur la raison, l’honnêteté & la vertu.

54. (1885) Préfaces tirées des Œuvres complètes de Victor Hugo « Préfaces des romans — Préface et note de « Notre-Dame de Paris » (1831-1832) — Note ajoutée à l’édition définitive (1832) »

Un roman, selon lui, naît, d’une façon en quelque sorte nécessaire, avec tous ses chapitres ; un drame naît avec toutes ses scènes. […] Une fois que le livre est publié, une fois que le sexe de l’œuvre, virile ou non, a été reconnu et proclamé, une fois que l’enfant a poussé son premier cri, il est , le voilà, il est ainsi fait, père ni mère n’y peuvent plus rien, il appartient à l’air et au soleil, laissez-le vivre ou mourir comme il est. […] Votre drame est boiteux ?

55. (1887) Revue wagnérienne. Tome II « Paris, le 8 avril 1886. »

Cependant, l’esprit humain fut plus sage que les hommes ; durant cette longue campagne hivernale, il préparait le printemps là où chaque année il naît avec le soleil à l’est. […] De ce sang naquirent tous les génies de l’Europe. […] Et tout ce qui aujourd’hui dans ces peuples peut être ému par la musique, par la représentation du drame d’un Wagner, même en Allemagne, tout cela n’est autre chose que la goutte de sang Aryen. […] Et cette représentation devait être un drame, car dans un drame seulement peuvent vivre les idéals ; et ce drame devait naître de la musique, car la musique seule peut exprimer l’âme profonde de l’homme, de la nature, et le Divin. […] C’est seulement de l’abîme de la misère tragique, Tristan, que pouvait naître la grande image du vainqueur du monde, Parsifal.

56. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — R. — article » pp. 78-80

Reyrac, [François-Philippe de] Censeur Royal, de l'Académie de Caen, Associé Correspondant de l'Académie des Inscriptions & Belles-Lettres de Paris, en Limousin en 1734. Si, comme cet Auteur le dit lui-même dans un Vers des plus prosaïques, Qui n'est pas Poëte, à rimer perd son temps. […] Une autre preuve que cet Auteur n'est pas Poëte, c'est que le langage sublime & figuré des Prophetes n'a pas été capable d'échauffer sa verve.

57. (1893) Les œuvres et les hommes. Littérature épistolaire. XIII « Horace Walpole »

On naît dandy. […] Je sais bien qu’ils n’étaient pas nés encore, alors, les dandys, au temps de Walpole, mais ils allaient naître. […] À chaque instant, Walpole se pique d’être misanthrope ; mais c’est de la misanthropie née dans les salons du xviiie  siècle, c’est de la misanthropie… au pastel ! […] Narcisse mécontent, qui disait du mal de sa figure avec coquetterie… « Squelette je suis , — disait-il, — squelette je suis, et la mort ne me changera pas… » Ce squelette, il l’enveloppait dans un costume complet couleur de lavande, la veste, avec un mince filet d’argent ou de soie blanche, brodée au tambour, des bas de soie œil de perdrix, des boucles d’or, des manchettes et un jabot de dentelles, ce qui, pour un squelette, n’est pas trop mal ! […] IV Et, en effet, je le crois bien qu’il était craie, de substance !

58. (1869) Cours familier de littérature. XXVIII « CLXVe entretien. Chateaubriand, (suite) »

C’est de cette union des hommes nouveaux usés par la civilisation avec la nature sauvage que devait naître la nouvelle Bible de l’humanité. […] Il était triste, parce qu’il était profond, comme les autres naissent gais, parce qu’ils sont légers. […] La définition de l’univers, c’est la douleur d’être , qui contient la douleur de mourir. […] Mais l’aristocratie était son sang ; il était grand. […] Il n’était pas pour être un tribun de la multitude, mais pour être le roi des lettrés d’une époque.

59. (1773) Discours sur l’origine, les progrès et le genre des romans pp. -

La galanterie étoit si rare parmi eux, qu’Alcibiade, galant, y parut comme un phénomene. […] Alcibiade, dans Paris, n’eût fait qu’accroître le nombre de nos Merveilleux. […] Ce fut chez les Orientaux, que naquit le Roman, comme ils avoient vu naître la fable. […] Toutes, vraisemblablement, y cédoient ou n’épargnoient rien pour les faire naître. […] L’amour fait la base de ces sortes d’ouvrages, & celles qui le font naître semblent devoir être propres à le décrire.

60. (1895) Histoire de la littérature française « Sixième partie. Époque contemporaine — Livre III. Le naturalisme, 1850-1890 — Chapitre VI. Science, histoire, mémoires »

Renouvier ( en 1815) : Essais de critique générale, 4 vol. in-8, 1854-64. — Th. […] Jules Simon ( en 1814) a fait en outre le Devoir (1854), l’Ouvrier (1863), etc. […] Gréard ( en 1828), vice-recteur de l’académie de Paris. […] Sorel, en 1842 à Honfleur : Histoire diplomatique de la guerre franco-allemande, 2 vol. in-8, 1875. […] Biographie : Ernest Renan (1823-1892), à Tréguier, étudie au collège de sa ville natale, puis aux séminaires de Saint-Nicolas-du-Chardonnet, d’Issy et de Saint-Sulpice.

61. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — C — article » pp. 13-15

COLLETET, [Guillaume] Avocat au Conseil & au Parlement, de l’Académie Françoise, à Paris en 1598, mort dans la même ville en 1659 ; Poëte sans imagination, sans goût, sans élocution, & cependant un de ceux que le Cardinal de Richelieu faisoit travailler pour le Théatre. […] Malgré cette précaution, la Muse cessa d’être inspirée dès qu’elle eut perdu son Apollon, c’est-à-dire qu’après la mort de Colletet, Claudine publia que les Vers suivans, pour se dispenser d’en produire d’autres. […] Colletet laissa un fils, [François, en 1628] qu’il ne faut confondre avec son pere que du côté de la Poésie & de la pauvreté.

62. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — T. — article » pp. 392-394

H.ABCD] ancien Professeur de l’Université de Caen, en 17.. […] Les réflexions n’y sont point parasites ; elles naissent du sujet, & n’occupent le Lecteur qu’autant qu’il faut pour l’éclairer & répandre de la variété dans la narration. […] « Forcé par la fortune à être avare de mon temps, je suis souvent réduit à le consacrer à ces hommes qui, nés avec plus de fortune que de talent, aspirent à la gloire littéraire, quoique la Nature leur ait refusé les moyens d’en acquérir.

63. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — V. — article » pp. 441-443

Villette [Charles Marquis, de] Maréchal général des Logis de la Cavalerie, à Paris en 1736. […] Tout le monde sait qu’après avoir épousé une protégée de M. de Voltaire, il a eu l’honneur de loger chez lui ce Patriarche des Beaux-Esprits, de le soigner dans sa derniere maladie, & de recueillir ses derniers soupirs ; ce qui a donné lieu au distique suivant : Admirez d’Aroüet la bizarre planete : Il naquit chez Ninon, & mourut chez Villette. […] Taurin, à Cognac, dans l’Angoumois sur la Charente, en 1649, mort à Paris en 1728.

64. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre second. De la sagesse poétique — Chapitre VI. De la politique poétique » pp. 186-220

Ici nous voyons naître une double division : 1. […] Composées d’un ordre de nobles qui commandaient, et d’un ordre de plébéiens nés pour obéir, les cités eurent d’abord un gouvernement aristocratique. […] Au moment où les sociétés devaient naître, les matériaux, pour ainsi parler, n’attendaient plus que la forme. […] En faisant naître les républiques sous une forme aristocratique, elle transforma le droit naturel des familles, qui s’était observé dans l’état de nature, en droit naturel des gens, ou des peuples. […] C’est alors que dut naître Neptune, le dernier des douze grands dieux.

65. (1864) Études sur Shakespeare

La poésie dramatique n’a donc pu naître qu’au milieu du peuple. […] C’est un essai dans ce genre savant où le ridicule naît du sérieux et qui constitue la grande comédie. […] D’où est née la part que tu as prise dans les événements où je te rencontre ? […] Où l’ingénuité d’un amour permis a-t-elle fait naître une fleur plus pure que Desdemona ? […] Aucun enfant ne naquit de ces deux mariages, et ainsi s’éteignit à la seconde génération la postérité de Shakespeare.

66. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre II. Enfance et jeunesse de Jésus. Ses premières impressions. »

Jésus naquit à Nazareth 98, petite ville de Galilée, qui n’eut avant lui aucune célébrité 99. Toute sa vie il fut désigné du nom de « Nazaréen 100 », et ce n’est que par un détour assez embarrassé 101 qu’on réussit, dans sa légende, à le faire naître à Bethléhem. […] Elle eut lieu sous le règne d’Auguste, vers l’an 750 de Rome, probablement quelques années avant l’an 1 de l’ère que tous les peuples civilisés font dater du jour où il naquit 104. […] Le recensement opéré par Quirinius, auquel la légende rattache le voyage de Bethléhem, est postérieur d’au moins dix ans à l’année où, selon Luc et Matthieu, Jésus serait . Les deux évangélistes, en effet, font naître Jésus sous le règne d’Hérode (Matth., II, I, 49, 22 ; Luc, i, 5).

67. (1856) Cours familier de littérature. I « IIe entretien » pp. 81-97

Sans cette communication de l’homme vivant à l’homme vivant, et de l’homme mort à l’homme qui naît sur la terre, l’homme serait resté un être éternellement isolé, le grand sourd et muet des mondes ; il y aurait eu des hommes, il n’y aurait point eu de société humaine, il n’y aurait point eu d’humanité. […] « Avec cette révélation probable de la parole parlée, ou de la langue innée, est née aussi la première littérature du genre humain, autrement dit l’expression de l’humanité par la parole ; c’est-à-dire encore le seul lien intellectuel possible entre les hommes, c’est-à-dire enfin cette société intellectuelle d’où devait découler et se perpétuer l’esprit humain. » …………………………………………………………………………………………………… L’homme est donc un être qui a besoin de s’exprimer au dedans et au dehors pour être un homme, et qui n’est un homme complet qu’en s’exprimant. […] Les langues, comme des urnes brisées dont on transvase la liqueur pour la verser dans d’autres urnes, se transmettent de l’une à l’autre une faible partie de la littérature sacrée ou profane qu’elles contenaient ; elles en laissent fuir la plus grande partie dans l’oubli ; puis naissent, de la décomposition de ces langues mortes, d’autres langues formées de leurs débris. […] Ainsi, il est évident que quand une philosophie aussi savante et aussi éloquente que celle de Job nous apparaît tout à coup avec le livre qui porte ce nom dans la Bible, cette sagesse, cette expérience, cette éloquence, ne sont pas nées sans ancêtres du sable du désert, sous la tente d’un Arabe nomade et illettré ; il est également évident que quand un poète comme Homère apparaît tout à coup avec une perfection divine de langue, de rythme, de goût, de sagesse, aux confins d’une prétendue barbarie, il est évident, disons-nous, qu’Homère n’est pas sorti de rien, qu’il n’a pas inventé à lui seul tout un ciel et toute une terre, qu’il n’a pas créé à lui seul sa langue poétique et le chant merveilleusement cadencé de ses vers, mais que derrière Job et derrière Homère il y avait des sagesses et des poésies dont ces grands poètes sont les bords ; littératures hors de vue, dont la distance nous empêche d’apprécier l’étendue et la profondeur. Rien ne naît de rien dans ce monde, pas même le génie : quand vous apercevez un grand monument littéraire, soyez sûrs qu’il n’est pas isolé, et que derrière ce monument il y a une littérature invisible par la distance dont ce monument est le chef-d’œuvre, mais non le commencement.

68. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 5, des études et des progrès des peintres et des poëtes » pp. 44-57

Mais un homme avec du génie, est bien-tôt capable d’étudier tout seul, et c’est l’étude qu’il fait par son choix, et déterminé par son goût, qui contribuë le plus à le former. […] Peut être que Raphaël, avec un génie, moins hardi que Le Florentin, ne seroit jamais parvenu, en volant de ses propres aîles, au sublime de cette idée. […] Au contraire, rien ne décele mieux l’homme sans génie, que de le voir examiner avec froideur, et discuter de sens rassis, le mérite des productions des hommes qui excellerent dans l’art qu’il veut professer. […] Cesar, avec le génie de la guerre, fut touché jusques aux larmes en voïant une statuë d’Alexandre. […] La pensée et l’expression naissent presque toûjours en même-temps.

69. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « LE COMTE XAVIER DE MAISTRE. » pp. 33-63

1839 Nous avons eu occasion déjà, dans cette série d’écrivains français, d’en introduire plus d’un qui n’était pas en France, et d’étonner ainsi le lecteur par notre louange prolongée autour de quelque nom nouveau. […] Il est à Chambéry, en octobre 1763, d’une très-noble famille et nombreuse ; il avait plusieurs frères, outre celui que nous connaissons. […] L’esprit français se retrouve sous son léger accent de Savoie et s’en pénètre agréablement : « L’accent du pays où l’on est , a dit La Rochefoucauld, demeure dans l’esprit et dans le cœur, comme dans le langage. » La pensée semble parfois plus savoureuse sous cet accent, comme le pain des montagnes sous son goût de sel ou de noix. […] Dans cette postérité, plus ou moins directe, je me permets à quelques égards de ranger, et je distingue la trop sensible Ourika, chez qui la lèpre n’est du moins que dans cette couleur fatale d’où naissent ses malheurs. […] Parmi les auteurs français nés en Savoie, il faut compter aussi M.

70. (1880) Les deux masques. Première série. I, Les antiques. Eschyle : tragédie-comédie. « Chapitre XVI, les Érynnies. »

Hésiode les fait naître du sang d’Ouranos, inutile par la faux de Chronos ; mais la philologie comparée croit avoir découvert dans les mythes aryens leur plus lointaine origine. […] Les plus effrayantes déesses seraient ainsi nées de la plus charmante. […] En revanche, leurs privilèges sinistres étaient inviolables, et le cercle sanglant où s’exerçaient leurs vindictes ne pouvait être franchi par l’intrusion d’aucun dieu. — « Quand nous sommes nées », — dit l’un de leurs chœurs, — « le Sort nous imposa cette loi, que nous ne toucherions point aux Immortels, que nulle de nous ne pourrait s’asseoir à leurs festins, et que nous ne porterions jamais les vêtements blancs de la joie. […] De ses amours sauvages avec les Démons du désert, naquit la race des Lamies et des Empuses, divinités cannibales qui cherchaient leurs proies parmi les vivants.

71. (1857) Cours familier de littérature. IV « XXIVe entretien. Épopée. Homère. — L’Odyssée » pp. 445-524

C’est dans cette classe homérique et biblique que j’étais . […] De cette nombreuse maison, mon père seul, quoique le dernier , s’était marié. […] Presque tous étaient nés ou avaient grandi dans la maison. […] «  d’un père prudent, dit Ménélas au jeune homme, vous parlez avec prudence. […] Quand vous serez grands, songez à conserver cette bonne fortune à ceux qui naîtront après vous ! 

72. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — G — article » pp. 440-443

GRANGE, [Joseph de Chancel de la ] au Château d’Antoniat, près de Périgueux, en 1676, mort au même Château en 1758. […] L’esprit qui naît des passions déréglées, ne peut que s’égarer. […] GRAVILLE, [Barthelemi-Claude Graillard de] à Paris en 1727, mort en 1764.

73. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre premier. Des principes — Chapitre II. Axiomes » pp. 24-74

Des idées uniformes nées chez des peuples inconnus les uns aux autres, doivent avoir un motif commun de vérité. […] La nature des choses consiste en ce qu’elles naissent en certaines circonstances, et de certaines manières. Que les circonstances se représentent les mêmes, les choses naissent les mêmes et non différentes. […] Les propriétés inséparables du sujet doivent résulter de la modification avec laquelle, de la manière dont la chose est née ; ces propriétés vérifient à nos yeux que la nature de la chose même (c’est-à-dire la manière dont elle est née) est telle, et non pas autre. […] Pour que les hommes se décident à abandonner pour toujours la terre où ils sont nés, et qui naturellement leur est chère, il faut les plus extrêmes nécessités.

74. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « JASMIN. » pp. 64-86

Jasmin se rattache, je l’ai dit, à Marot, tout près de là, à Villon, l’enfant de Paris, à Boileau du Lutrin, à Gresset, à Voltaire des Poésies légères, à Parny, à Béranger. […] Jacques Jasmin (Jaquou Jansemin) est en 97 ou 98 ; l’autre siècle, vieux et cassé, n’avait plus, dit-il, qu’une couple d’années à passer sur la terre, quand, au coin d’une vieille rue, dans une masure peuplée de plus d’un rat, le jeudi gras, à l’heure où l’on fait sauter les crêpes, d’un père bossu, d’une mère boiteuse, naquit un enfant, un petit drôle, et ce drôle, c’était lui. […] Il naquit pourtant au bruit d’un affreux charivari qu’on donnait à quelque voisin, et qui, dans son tintamarre de cornets et de poêlons, ne faisait que mieux résonner à ses oreilles vierges les trente couplets d’une chanson composée par son père. […] Sa femme, née dans la même condition que lui, mais d’esprit naturel, d’imagination, et d’un parler pittoresque, sa femme, qui d’abord était ennemie jurée des vers et lui cachait plumes et papier, maintenant qu’elle sait le prix de la rime, lui offre toujours, d’un air gracieux, la plume la plus fine et le papier le plus doux : « Courage ! […] Vous nous accusez, nous autres d’ici, d’être enfants de Du Bartas, et voilà que du pays de Du Bartas, tout à côté, naît à l’improviste un poëte vrai, franc, naturel et populaire, qui nous ressemble peu, direz-vous, mais que nous saluons parce qu’il nous rend aussi et nous chante à sa manière cette même espérance que nous avons : « Non, la poésie n’est pas morte et ne peut mourir. » La publication de l’Aveugle a mis, dans le pays, le comble à la gloire de Jasmin.

75. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre II. Les formes d’art — Chapitre III. Comédie et drame »

Dans les Fausses Confidences, l’artifice des valets force l’attention et la pitié d’Araminte : de l’attention et de la pitié naissent l’intérêt, qui fait poindre l’inclination. […] La « sensibilité » naissait. […] Biographie : Pierre Carlet de Chamblain de Marivaux, à Paris en 1688. […] Destouches (Philippe Néricault, dit), à Tours en 1680, secrétaire de M. de Puysieux, ambassadeur de France en Suisse ; sa mission à Londres dura de 1717 à 1723. […] Gresset, à Amiens en 1709, auteur de Ver-vert (1733), de Sidney drame moral, et du Méchant (1745) ; il mourut en 1777.

76. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Nouveaux documents sur Montaigne, recueillis et publiés par M. le docteur Payen. (1850.) » pp. 76-96

d’un père excellent et qui, médiocrement instruit, avait donné avec un véritable enthousiasme dans le mouvement de la Renaissance et dans toutes les nouveautés libérales de son temps, il avait corrigé ce trop d’enthousiasme, de vivacité et de tendresse, par une grande finesse et justesse de réflexion ; mais il n’en avait point abjuré le fond originel. […] le dernier jour de février 1533, nourri dès l’enfance aux langues anciennes tout en se jouant, éveillé même dès le berceau au son des instruments, il semblait avoir été élevé moins pour vivre dans une rude et violente époque, que pour le commerce et le cabinet des muses. […] Daunou) a pu appeler le siècle « le plus tragique de toute l’histoire », Montaigne se garde bien de se croire dans la pire des époques. […] Une autre considération plus humble et plus humaine le soutient dans ces maux, c’est cette consolation qui naît du malheur commun, du malheur partagé par tous, et de la vue du courage d’autrui. […] On vient de voir qu’il a plus d’un conseil utile et d’une consolation directe à l’usage de l’honnête homme pour la vie privée et engagé dans les temps de trouble et de révolution.

77. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XXXV. Des éloges des gens de lettres et des savants. De quelques auteurs du seizième siècle qui en ont écrit parmi nous. »

Peiresc, conseiller au parlement d’Aix, en 1580, et mort en 1637, obtint après sa mort des distinctions encore plus éclatantes. […] Le premier, en 1544 et mort en 1611, fut tour à tour jésuite, avocat, historien, annaliste, panégyriste, commentateur et géographe. […] Scévole de Sainte-Marthe, en 1536, et mort en 1623, naquit et mourut dans cette même ville de Loudun, où, onze ans après, Urbain Grandier, par arrêt de Laubardemont, et sur la déposition d’Astaroth et d’Asmodée, devait être traîné dans les flammes. […] Achille de Harlay, premier président, en 1536, mort en 1616.

78. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome II « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — Addisson, et Pope. » pp. 17-27

Pope naquit à Londres en 1688 : il étoit d’une ancienne famille noble de la comté d’Oxford. […] Avec quelque génie, ajoute-t-il, que cet écrivain soit pour réussir dans tout ce qu’il embrasse, tout lui fait ombrage. […] Laissez-moi écraser cette punaise aux aîles dorées, cet insecte de la boue pour piquer, pour infecter. […] Je ne suis point pour les cours ni pour les grandes affaires.

79. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 27, que les sujets ne sont pas épuisez pour les poëtes, qu’on peut encore trouver de nouveaux caracteres dans la comedie » pp. 227-236

Non seulement un poëte avec du genie, ne dira jamais qu’il ne sçauroit trouver de nouveaux sujets, mais j’ose même avancer qu’il ne trouvera jamais aucun sujet épuisé. […] Les hommes paroissent differens les uns des autres aux esprits plus étendus ; mais les hommes sont tous des originaux particuliers pour le poëte avec le genie de la comedie. […] Ainsi, l’homme qui n’est pas avec le genie de la comedie ne les sçauroit demêler comme celui qui n’est pas avec le genie de la peinture n’est pas capable de discerner dans la nature quels sont les objets les plus propres à être peints.

80. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 46, quelques refléxions sur la musique des italiens, que les italiens n’ont cultivé cet art qu’après les françois et les flamands » pp. 464-478

Comme un homme à Strasbourg est allemand, quoi qu’il soit sujet du roi de France, de même un homme à Mons en Hainault est françois, quoiqu’il soit sujet d’un autre prince, parce que la langue françoise est dans le Hainault la langue naturelle du païs.

81. (1887) Revue wagnérienne. Tome II « Paris, le 8 juillet 1886. »

Née en Prusse Orientale, en 1855 ; études musicales avec le Dr. […] Née près de Ratisboime, où elle a fait ses études musicales ; en 1878, début à l’Opéra de Hambourg, qu’elle n’a plus quitte depuis cette époque. […] à Brunswick, en 1849 ; étudie le chant à Hanovre et à Paris ; début à Sordersh au sen ; ensuite, engagement à l’Opéra de Vienne, où il est encore. […] Kammersänger » à l’Opéra de Munich, la Bohême, en 1847 ; débute à Munich en  1865, En 1876, a joué Bayreuth Dernier et Gunther. […] en Westphalie, en 1837 ; d’abord médecin ; débute comme chanteur à Neustrelitz ; à Munich depuis 1876.

82. (1772) Discours sur le progrès des lettres en France pp. 2-190

Quoique l’homme soit pour connoître & pour aimer la vérité ; l’erreur, l’illusion & le mensonge assiégent son berceau. […] De-là naissent la plupart des vices du cœur & des travers de l’esprit. […] De-là naquirent l’intérêt sordide, les faux airs & les ridicules de toute espèce. […] Quels sentimens nouveaux feront-ils naître dans notre ame ? […] D’où naît cette extrême sensibilité, si ce n’est d’une vanité mal-entendue, d’un fonds d’orgueil désordonné ?

83. (1888) Revue wagnérienne. Tome III « VI »

comment, dans l’unité qui est la vie, l’art est-il , à côté de la réalité ? […] Et de là est sortie la musique : en même temps que les lignes et les couleurs répondaient à la forme des choses, les mots aux idées abstraites d’elles issues, l’harmonie des sons née de l’imitation des bruits de la nature atteignait ce où échouaient lignes et mots, l’impression sentimentale découlée de la nature. […] Je suis dans un village auprès de Blois, et, comme ce fut en l’année 1861, je n’assistai à aucune des trois représentations de Tannhæuser à l’Opéra de Paris. […] Dans le vain monde où fourmillent les foules, l’esprit, pour la vie savante, opprimé par le commerce des hommes, efforce son départ vers le but silencieux de son être ; et, en toutes ses formes (Amfortas, Kundry, Klingsor, les Graliens, Parsifal), il désire. […]   Conclusion ; objection extra-artistique. — Le Parsifal est l’émotion née de la contemplation de l’éternel désir, et la synthèse de l’existence.

84. (1856) Cours familier de littérature. I « IIIe entretien. Philosophie et littérature de l’Inde primitive » pp. 161-239

L’égoïste est pour lui seul, l’homme collectif est pour ses semblables : se dévouer au perfectionnement relatif ou absolu, limité ou illimité, fini ou indéfini, local ou universel, viager ou éternel de ses semblables, c’est donc le devoir, c’est donc la vertu ! […] « L’homme est un insecte éphémère, des ténèbres et de la douleur un matin, pour mourir dans les ténèbres et dans la douleur un soir. […] » Quelle métaphysique déjà profondément spiritualiste, que cette création par le désir occulte qui presse toute chose, non encore née, de naître pour s’unir à Celui de qui tout sort et à qui tout retourne, afin de l’aimer et de le glorifier ? […] Il créa un être revêtu d’un corps ; il le vit ; et la bouche de cet être s’ouvrit comme un œuf brisé ; de sa bouche sortit la parole, de la parole sortit le feu ; les narines s’ouvrirent, et des narines sortit le souffle, et du souffle sortit l’air qui se dilate et se répand partout ; les yeux s’ouvrirent, et des yeux jaillit la lumière, et de cette lumière fut produit le soleil ; les oreilles se sculptèrent, et des oreilles naquit le son qui donne le sentiment du loin et du près (des distances) ; la peau s’étendit, et de cet épiderme étendu naquit la chevelure, de cette chevelure de l’homme naquit la chevelure de la terre, les arbres et les plantes ! etc., etc. » On voit qu’en sens inverse du matérialisme moderne, qui fait naître l’intelligence des sensations brutales de la matière douée d’organes, le spiritualisme déjà raffiné des sages de l’Inde fait naître les phénomènes matériels de l’intelligence.

85. (1818) Essai sur les institutions sociales « Chapitre II. Marche progressive de l’esprit humain » pp. 41-66

Les sociétés humaines naissent et meurent ; mais leur berceau et leur tombeau sont des objets sacrés, également secrets et inconnus. […] Comme l’enfant naît, croît et s’élève en présence de ses parents, ainsi les idées nouvelles qui s’introduisent dans la société naissent, croissent et s’élèvent en présence des idées anciennes qui leur ont donné le jour. Quelques hommes marchent en avant : les opinions de ces hommes de choix s’étendent peu à peu, et finissent par être l’opinion de l’âge suivant, qui, à son tour, voit naître d’autres idées, destinées aussi à être d’abord celles du petit nombre, puis les idées dominantes, et enfin les idées de tous. […] Ainsi les oracles des sibylles annonçaient un siècle nouveau ; et cette grande prophétie, née du besoin des peuples, inspirait à Virgile de beaux vers dont lui-même ignorait le sens profond. […] Mais si chaque peuple a une mission, ne peut-on pas dire que chaque homme a la sienne à l’égard de la société où il est , quelquefois même à l’égard du genre humain tout entier ?

86. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Les trois siecles de la litterature françoise. — A — article » pp. 157-161

Arnaud, [Antoine] vingtieme fils de l’Avocat qui plaida contre les Jésuites, Docteur de Sorbonne, à Paris en 1612, mort à Bruxelles en 1694. […] Il étoit avec toutes les qualités qui forment les grands Ecrivains ; mais son esprit naturellement polémique, l’engagea dans des disputes qui aigrirent son humeur & dégraderent ses talens. […] Son génie, plus constamment appliqué à des objets convenables à son état & à sa plume, nous eût laissé des Productions utiles, au lieu de ces Ecrits polémiques qui tombent d’eux-mêmes avec les sujet qui les a fait naître.

87. (1917) Les diverses familles spirituelles de la France « Chapitre xi‌ »

Elle ne comportait aucun oubli de ce qui fait vivre nos consciences, mais, au contraire, elle est née de ces croyances qui, par tout ce qu’elles ont de plus excellent, se rejoignent en profondeur. […] « Les églises de France ont besoin de saints », disait quelqu’un à la veille de la guerre… Ils naissent chaque jour des champs de bataille et voici leur liste affichée sous le porche. […] Qu’est-ce qui va naître dans l’immense émotion de la victoire ?‌ Ce qui naîtra, je ne sais, mais l’âme nationale vient de se réaliser.‌ […]   Ce livre est de la confiance que me témoignent des inconnus, me communiquant chaque jour ce qu’ils admirent, ce qui les émeut et qu’ils croient bon à mettre sous les yeux du public et dans le cœur de la France.

88. (1864) Cours familier de littérature. XVIII « CIIIe entretien. Aristote. Traduction complète par M. Barthélemy Saint-Hilaire (1re partie) » pp. 5-96

« De plus, les révolutions naissent tout aussi bien de l’inégalité des honneurs que de l’inégalité des fortunes. […] Solon en faisait partie, ainsi que ses vers l’attestent ; Lycurgue appartenait à cette classe, car il n’était pas roi ; Charondas et tant d’autres y étaient également nés. […] La démagogie est née presque toujours de ce qu’on a prétendu rendre absolue et générale une égalité qui n’était réelle qu’à certains égards. […] et un être le premier jour de la catastrophe y sera compris comme les autres ! […] C’est encore une erreur de faire naître l’oligarchie de l’avidité et des occupations mercantiles des chefs de l’État.

89. (1894) Propos de littérature « Chapitre V » pp. 111-140

Certes, quant au résultat, il se montre comme elle objectif, — encore qu’il réclame du lecteur la complicité d’une pensée ; la différence jaillit quant à la cause d’où ces deux modes naquirent. […] Mais les visions qu’il rêve se prêtent on le dirait d’elles-mêmes à l’harmonie. — Une fée le toucha de sa baguette fleurie, lorsqu’il naquit, et de cette caresse enchantée ses yeux s’ouvrirent à la Beauté. […] Pourquoi des compositions enfantines à la fois et profondes telles que l’Ondine de l’allemand Lamothe Fouqué, telles que tant de contes du danois Andersen ne pourraient-elles naître chez nous ? […] Et en même temps que la légende, interprétée avec simplesse mais illuminée de symboles et grandie par toutes les magies de la langue, je voudrais la chanson enfin, car la chanson parfaite doit naître assurément en France ! […] Et nous sentons pourtant, oui, on commence je crois à le sentir, quelle force inconnue naîtrait de ce magique baiser, quel courant réciproque de nos yeux à la terre et de la terre jusqu’à nos lèvres !

90. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XXVI » pp. 279-297

Des amours du roi et de madame de Montespan, commencés, comme nous l’avons vu, en 1667, était née, en 1669, une fille, que le duc de Saint-Simon appelle madame la Duchesse, et qui ne vécut que trois ans. Le 30 mars 1670 naquit le duc du Maine. […] Ces personnes n’avaient proposé que l’éducation d’enfants nés de madame de Montespan. […] Il y avait deux ans que le bruit de cette liaison avait cessé, quand on proposa les deux enfants de madame de Montespan à madame Scarron, et l’un de ces enfants n’était pas encore . […] Bien que la lettre ait été datée par les éditeurs du 24 mai 1669, elle est évidemment du 24 avril 1670, puisqu’en 1669 madame de Montespan n’avait qu’un enfant du roi, et que le duc du Maine ne naquit que six jours après la lettre.

91. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XXXVII. Des éloges en Italie, en Espagne, en Angleterre, en Allemagne, en Russie. »

Dans le seizième siècle surtout, on vit naître une foule d’ouvrages destinés à conserver les noms de tous les Italiens célèbres. […] Ce genre serait en Allemagne, s’il n’avait point été inventé ailleurs. […] Ce philosophe, avec plus d’imagination que de profondeur, et qui peut-être avait plus d’esprit que de lumières ; qui s’agita toute sa vie pour être en spectacle, mais à qui il fut plus facile d’être singulier que d’être grand ; qui courut après la renommée avec l’inquiétude d’un homme qui n’est pas sûr de la trouver ; qui quitta sa patrie, parce qu’il n’était pas le premier dans sa patrie, qui s’ennuya loin d’elle, parce qu’il n’avait trouvé que le repos, et qu’il avait perdu le mouvement et des spectateurs ; qui, trop jaloux peut-être des succès des sociétés, perdit la gloire en cherchant la considération ; frappé de bonne heure de la grande célébrité de Fontenelle, avait cru devenir aussi célèbre que lui en l’imitant. […] Quoique avilie et corrompue, c’est l’Angleterre qui t’a vu naître ; elle se glorifie de ton nom ; elle t’offre pour modèle à ses enfants. […] Le génie du czar Pierre, qui a porté les semences de tous les arts en Russie, y a fait naître aussi l’éloquence.

92. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — D. — article » pp. 145-150

] Avocat, Historiographe de la Maison de Bourbon, Bibliothécaire de M. le Prince de Condé, de l’Académie des Inscriptions, de celle de Dijon & d’Auxerre, en 17.. […] DESPORTES, [Philippe] Chanoine de la Sainte-Chapelle, Abbé de Tiron, Lecteur du Roi Henri III, à Chartres en 1546, mort en 1606. […] Quand on est avec le sentiment du vrai, on y revient toujours, quoiqu’un enthousiasme mal entendu puisse nous en éloigner quelquefois.

93. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — S. — article » pp. 190-194

Saint-Didier, [Ignace-François Limojon de] à Avignon en 1668, mort dans la même ville en 1739, cultiva la Poésie Provençale avec succès, & auroit pu également réussir dans la Poésie Françoise, s’il eût eu plus de goût & des amis prompts à le censurer. Il étoit avec des talens : trop de facilité en fut l’écueil. […] Que ses hautes vertus font naître de Grands Hommes !

94. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « Mme de Girardin. Œuvres complètes, — Les Poésies. »

L’histoire militaire venait de finir et l’histoire littéraire allait naître. […] Elle-même s’enivra aux émotions qu’elle fit naître, mais tout le monde fut de si bonne foi que quand un jour, se croyant une Jeanne d’Arc poétique, elle se proclama Muse de la patrie, personne ne rit dans ce malin pays de France où le sentiment du ridicule est peut-être toute la gaieté. Il faut dire, il est vrai, que si le Français est vaudevilliste, il est aussi galantin, et que là où une prétention d’homme serait châtiée par le coup de fouet de l’éclat de rire, une prétention de femme, surtout lorsque cette femme est belle, est admise toujours. […] C’est cette loi qu’il faut dégager… Née pour faire des choses très-différentes de celles que nous avons à faire dans la vie, — je ne voudrais pas écrire ce mot d’inférieure qui fait cabrer les amours-propres, — mais posée, dans la hiérarchie sociale et dans la famille, à une autre place que nous, la femme est et doit être le plus transitoire, le plus éphémère de tous les poètes, tandis que chez l’homme, au contraire, la poésie s’exalte par la vieillesse et atteint un degré sublime.

95. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XXXIV. Des panégyriques depuis la fin du règne de Louis XIV jusqu’en 1748 ; d’un éloge funèbre des officiers morts dans la guerre de 1741. »

On prononça avec pompe des discours éloquents, ou qui devaient l’être ; chaque jour voyait naître et mourir des éloges nouveaux, en prose, en vers, gais, sérieux, harmonieux et brillants, ou durs et sans couleur, tous sûrs d’être lus un jour, et malheureusement la plupart presque aussi sûrs d’être oubliés le lendemain. […] Alors s’élevèrent deux écrivains d’un ordre distingué, mais nés tous deux avec cette justesse qui analyse et qui raisonne, bien plus qu’avec la chaleur qui fait les orateurs et les poètes. […] Du moins, s’il faut célébrer toujours ceux qui ont été grands, réveillons quelquefois la cendre de ceux qui ont été utiles. » Il s’élève ensuite avec une éloquence pleine de vigueur contre le fléau de la guerre, « contre cette rage destructive qui change, dit-il, en bêtes féroces des hommes nés pour vivre en frères ; contre ces déprédations atroces ; contre ces cruautés qui font de la terre un séjour de brigandage, un horrible et vaste tombeau. […] À ce tableau il oppose celui de l’officier français : « Idolâtre de son honneur et de celui de son souverain ; bravant de sang-froid la mort, avec toutes les raisons d’aimer la vie ; quittant gaiement les délices de la société pour des fatigues qui font frémir la nature ; humain, généreux, compatissant, tandis que la barbarie étincelle de rage autour de lui ; pour les douceurs de la société comme pour les dangers de la guerre ; aussi poli que fier ; orné souvent par la culture des lettres, et plus encore par les grâces de l’esprit. » Il parcourt ensuite rapidement nos victoires, nos exploits et nos pertes ; il célèbre cette brave noblesse qui partout a versé son sang pour l’État76. […] À peine en ai-je goûté les charmes, non pas de cette amitié vaine qui naît dans les vains plaisirs, qui s’envole avec eux, et dont on a toujours à se plaindre, mais de cette amitié solide et courageuse, la plus rare des vertus. » L’orateur nous apprend ensuite que c’est le dessein d’élever un monument à la cendre de son ami, qui lui a fait entreprendre cet ouvrage ; il finit par une réflexion triste mais vraie.

96. (1875) Premiers lundis. Tome III « Du point de départ et des origines de la langue et de la littérature française »

— Il est donc indispensable que j’établisse devant vous quelques faits généraux antérieurs, que j’expose l’état des choses, et comment le français d’alors était , — un français intermédiaire et qui n’est pas encore tout à fait le nôtre, mais qui y mène par une route et une pente désormais ininterrompues. […] Le Christianisme s’introduisit dans les Gaules avec saint Pothin sorti d’Asie, disciple de saint Polycarpe, — et avec saint Irénée, en Asie Mineure, disciple de saint Polycarpe également, lequel Polycarpe avait vu les apôtres. […] La solitude, avec ses pures délices, est célébrée par saint Eucher, évêque de Lyon, et racontée dans ses détails, exprimée dans ses mœurs par Cassien, peut-être dans la petite Scythie, au bord de la mer Noire, mais qui vécut et écrivit à Marseille. […] Permettez-moi de vous en expliquer la cause : c’est qu’il a existé, il y a plus de dix siècles, une langue qui, née du latin corrompu, a servi de type commun à ces langages. […] Il pense avec la plu-part d’entre eux que dans la transformation de l’ancien latin, dans ce renouvellement d’où sont nés les quatre idiomes vulgaires, provençal, français, italien, espagnol, il y a lieu de constater plus d’ordre et de régularité qu’on ne le soupçonne d’ordinaire.

97. (1818) Essai sur les institutions sociales « Chapitre IX. Première partie. De la parole et de la société » pp. 194-242

Il ne peut naître que dans la famille, et la famille ne peut exister que dans la société. Son intelligence, comme lui-même, ne peut naître que dans la famille, et, comme lui-même encore, ne peut se développer que dans la société. […] Si l’homme n’a pas plus inventé le langage que la société, il en résulte qu’il est avec la parole, ou que la parole lui a été enseignée. […] Il faisait naître les unes des autres. […] Schlegel, remarque générale que ce savant archéologue applique sans restriction aux langues de l’Asie comme à celles de l’Europe, les langues analytiques sont nées de la décomposition des langues synthétiques.

98. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Étienne de La Boétie. L’ami de Montaigne. » pp. 140-161

Étienne de La Boétie38, à Sarlat en Périgord le 1er novembre 1530, était de deux ans l’aîné de Montaigne. […] Examiné en lui-même, le traité de La Boétie ne laisse pas de soulever plus d’une question et de faire naître plus d’un doute. […] D’après cette version, La Boétie voulant voir un jour la salle du bal au Louvre, un archer de la garde, qui lui trouva l’air d’un écolier, lui laissa tomber sa hallebarde sur le pied : « De quoi celui-ci criant justice par le Louvre, n’eut que des risées des grands qui l’entendirent. » Du ressentiment de cet affront serait le pamphlet vengeur. […] Telles étaient les inspirations senties et touchantes que le spectacle des premières guerres civiles dont allait s’embraser toute la dernière moitié du siècle, faisait naître dans les nobles âmes, et qu’Étienne de La Boétie exhalait en des vers qui n’ont contre eux que de n’être point en français. […] La Bruyère, qui a dit ce beau mot : « Il y a un goût dans la pure amitié où ne peuvent atteindre ceux qui sont nés médiocres », ne paraît pas admettre cette formation prompte et soudaine du même sentiment : L’amour, dit-il, naît brusquement, sans autre réflexion, par tempérament ou par faiblesse : un trait de beauté nous fixe, nous détermine.

99. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « Entretiens sur l’architecture par M. Viollet-Le-Duc (suite et fin.) »

A la longue leur patience fut couronnée du succès : l’originalité un jour leur était née. Comment naît l’originalité dans un art et chez un peuple ? […] Ainsi de l’architecture romane et gothique : il y eut un jour où elle naquit, où elle sortit de terre de toutes parts, et couvrit le sol comme une végétation nouvelle. […] Étant donnés le climat, les mœurs de la France, les matériaux, le fond d’art préexistant, c’est-à-dire quelques traditions venues des Romains et des Byzantins, l’architecture romane est née et devait naître la première : et déjà impliquée en celle-ci, s’y laissant d’abord entrevoir par places, la seconde, plus élancée et à ogive, l’architecture gothique se produit à un certain moment avec hardiesse et se déduit comme d’elle-même, grâce à des gens qui raisonnent juste, et qui, par émulation et par zèle, sont poussés à toujours mieux faire. […] Ainsi notre propre Moyen-Âge, en ce qu’il a eu de meilleur et d’excellent, notre architecture d’alors, bien nationale, bien originale, née chez nous dans l’Ile-de-France ou aux environs, a eu tort à nos yeux, et l’on est allé, dans la suite, chercher ailleurs, à l’étranger, bien loin, ce dont on avait la clef sous la main et chez soi.

100. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Madame Émile de Girardin. (Poésies. — Élégies. — Napoline. — Cléopâtre. — Lettres parisiennes, etc., etc.) » pp. 384-406

Je n’y trouve pas plus de ce naturel véritable qui, de la pensée ou du sentiment, et jaillissant de la passion même, pénètre dans tout le langage et y circule comme la vie. […] Il y a de très grandes dames qui sont nées actrices, et qui cependant n’ont jamais joué la comédie. » Et elle développe cette idée dans toutes ses variétés et ses bizarreries de contrastes que vous voyez d’ici. Il y a de très grandes dames qui sont nées portières, il y en a d’autres qui sont nées gendarmes, colonels, que sais-je ? […] Et les hommes, il y en a qui sont nés troubadours, d’autres chevaliers, d’autres bouffons, quelques-uns grands seigneurs. […] Il devrait porter pour épigraphe ces vers de Bérénice : En quelque obscurité que le sort l’eût fait naître, Le monde, en le voyant, eût reconnu son maître.

101. (1898) L’esprit nouveau dans la vie artistique, sociale et religieuse « I — L’art et la sexualité »

Il est absolument impossible pour moi qu’un homme sans vie produise de la beauté ; d’un être farouchement clos ne peut sortir aucune vivace mélodie, pas plus que du sol d’une cave ne peut naître une tige colorée. […] Il aurait pu joindre à ce groupe Nietzsche, dont la folie est née peut-être de l’abstentionnisme vis-à-vis de la femme et de tout ce qu’entraîne la continence.‌ […] C’est d’un malentendu que naissent presque toutes les discussions, et je reconnais une fois de plus, ici, la vérité de cette observation. […] Quand l’excitation ne s’épanouit pas en possession, elle aboutit fatalement à une sensation de douleur ou plutôt de malaise, née du désir non satisfait. […] Si l’excitation sexuelle, lorsqu’elle naît et s’élève en nous, éveille et fait briller nos facultés cérébrales, lorsqu’elle se prolonge, elle ne fait que les engourdir et les paralyser, et l’on ne peut citer de meilleure preuve de cet engourdissement que les « maux de tête » qui en résultent presque toujours.

102. (1796) De l’influence des passions sur le bonheur des individus et des nations « Section III. Des ressources qu’on trouve en soi. — Chapitre IV. De la bienfaisance. »

L’homme bon est de tous les temps, et de toutes les nations ; il n’est pas même dépendant du degré de civilisation du pays qui l’a vu naître ; c’est la nature morale dans sa pureté, dans son essence ; c’est comme la beauté dans la jeunesse où tout est bien sans effort. […] Le bonheur qui naît des passions est une distraction trop forte, le malheur qu’elles produisent cause un désespoir trop sombre pour qu’il reste à l’homme qu’elles agitent aucune faculté libre ; les peines des autres peuvent aisément émouvoir un cœur déjà ébranlé par sa situation personnelle, mais la passion n’a de suite que dans son idée ; les jouissances, que quelques actes de bienfaisance pourraient procurer, sont à peine senties par le cœur passionné qui les accomplit. […] Jamais il ne voit un homme dans le malheur qu’il ne lui dise ce qu’il a besoin d’entendre, que son esprit, son âme ne découvrent la consolation directe, ou détournée, que cette situation rend nécessaire, la pensée qu’il faut faire naître en lui, celle qu’il faut écarter, sans avoir l’air d’y tâcher. Toute cette connaissance du cœur humain, dont est née la flatterie des courtisans envers leurs souverains, Almont l’emploie pour soulager les peines de l’infortuné ; plus on est fier, plus on respecte l’homme malheureux, plus on se plie devant lui.

103. (1897) Manifeste naturiste (Le Figaro) pp. 4-5

comme nous en avons souffert de cet esclavage moral où se sont soumis les littérateurs, qui naquirent vers la fin du régime impérial ! […] Une littérature naîtra qui glorifiera les marins, les laboureurs nés des entrailles du sol et les pasteurs qui habitent près des aigles. […] André Gide naît de ces mêmes sentiments.

104. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XXV. De Paul Jove, et de ses éloges. »

Ainsi, on y voit parmi les anciens, Alexandre, Pyrrhus, Annibal et Scipion ; parmi les destructeurs de l’empire, Attila et Totila ; parmi ses vengeurs, Narsès qui, esclave, devint général, et qui eunuque, fut un grand homme. […] Partout les intérêts religieux se mêlaient aux intérêts politiques et les crimes aux grandes actions ; tel était l’esprit de ce temps ; et parmi ces dangers, ces espérances, ces craintes, il dut naître une foule d’âmes extraordinaires dans tous les rangs, qui se développèrent, pour ainsi dire, avec leur siècle, et qui en reçurent le mouvement, ou qui donnèrent le leur. […] Enfin, pour connaître l’esprit de ce temps-là, il ne sera pas inutile d’observer que Paul Jove loue avec transport ce Pic de La Mirandole, l’homme de l’Europe, et peut-être du monde, qui à son âge eût entassé dans sa tête le plus de mots et le moins d’idées ; qu’il n’ose point blâmer ouvertement ce Jérôme Savonarole, enthousiaste et fourbe, qui déclamant en chaire contre les Médicis, faisait des prophéties et des cabales, et voulait, dans Florence, jouer à la fois le rôle de Brutus et d’un homme inspiré ; qu’enfin il loue Machiavel de très bonne foi, et ne pense pas même à s’étonner de ses principes : car le machiavélisme qui n’existe plus sans doute, et qu’une politique éclairée et sage a dû bannir pour jamais, dans ces siècles orageux, du choc de mille intérêts et de l’excès de toutes les ambitions joint à la faiblesse de chaque pouvoir, fait uniquement pour des âmes qui suppléaient à la force par la ruse, et aux talents par les crimes, était, pendant quelque temps, devenu en Europe la maladie des meilleurs esprits, à peu près comme certaines pestes qui, nées dans un climat, ont fait le tour du monde, et n’ont disparu qu’après avoir ravagé le globe.

105. (1857) Cours familier de littérature. III « XVIIIe entretien. Littérature légère. Alfred de Musset » pp. 409-488

Mais ces esprits-là ne se copient pas, ils jaillissent du caractère et de la verve de l’écrivain ; il faut que le livre naisse avec l’homme. […] Les poètes de cette école sont des favoris de talent ; ils se sont seulement donné, comme on dit, la peine de naître. […] Il paraît résulter de ces balbutiements de vagues sur les lagunes de Venise, que le premier amour de ce jeune homme ne fut pas heureux, et que d’un caprice, il fut abrégé et puni par un abandon. […] Ce fut un grand malheur que cette rencontre au printemps de leur vie, entre deux grandes imaginations et entre deux belles jeunesses qui n’étaient pas nées pour se refléter l’une à l’autre des clartés, mais des ombres. […] Alfred de Musset naquit ; il volait plus haut que toi, car il avait des ailes pour s’élancer, quand il était dégoûté, au-dessus de son siècle ; il avait un génie pour mépriser même sa propre trivialité.

106. (1840) Kant et sa philosophie. Revue des Deux Mondes

Le polythéisme scandinave et germanique, attaqué à la fois par l’épée, par la science, et par l’héroïsme jusqu’alors inconnu de la charité, ne put résister et fut vaincu ; avec le paganisme périt la poésie qui naissait de cet état politique et religieux. […] La poésie, consacrée à chanter les croyances, les sentimens, les évènemens nés d’une forme religieuse et politique qui n’était plus, cessa d’être populaire ; et comme une révolution n’est pas une situation, et que la poésie vit de formes déterminées, cette absence de formes ne fit pas éclore de poètes, et c’en fut fait de la poésie allemande. […] C’est cette philosophie, née à la fin du xviiie  siècle, mais qui remplit déjà le nôtre de sa renommée, de ses développemens et de ses luttes non encore achevées, c’est cette grande philosophie, considérée surtout dans sa partie morale, que je me propose de faire connaître avec quelque étendue. […] Remarquons d’abord que la métaphysique n’est point une étude arbitraire, née d’un caprice de l’orgueil, et à laquelle il nous soit libre de renoncer. […] Elle naît avec Socrate, se développe avec Descartes, se perfectionne avec Kant, et avec tous les trois elle produit chaque fois une révolution puissante.

107. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Deuxième partie. — Chapitre XVIII. »

Chœur pacifique, du Christ, peuple modeste et sage, chantons ensemble le Dieu de la paix !  […] On ne peut ainsi les transposer, car en elles rien n’est corps : elles sont un idéal qui sort de l’aine et parle aux âmes ; elles ne sauraient servir à exprimer un autre enthousiasme que celui qui les a fait naître. […] Du grand Dieu le Père est le Verbe, le Fils éternel, image archétype, essence égale à son auteur ; car la grandeur du Fils est la gloire du Père, et il a brillé d’une gloire telle que la conçoit le Père seul, ou celui qui resplendit égal au Père. […] Il la confondra presque dans la même croyance, l’embrassera du même amour ; et une veine inconnue d’émotion et de poésie naîtra de ce culte de l’âme, qui n’est pas l’orgueil idéal du stoïcien s’égalant à Dieu, mais qui se compose de foi, d’amour et d’espérance. […] sous un autre ciel, n’ayant vu que la solitude et la ruine des écoles d’Athènes, que Grégoire avait fréquentées aux jours de leur éclat renaissant, Synésius tient plus d’Alexandrie et des doctrines abstraitement mystiques de l’Égypte grecque.

108. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — M — Madeleine, Jacques (1859-1941) »

Oui, on ne peut s’empêcher de penser que ce poète est un terrible homme, un peu bien dur pour lui-même et un peu bien sévère pour sa première née. Pauvre Richesse de la Muse ; je vous ai vu naître, mignonne… et peut-être est là l’un des secrets motifs de la grosse tendresse que je vous porte. Je vous trouvais charmante, moi, et votre père vous aimait bien alors, car vous étiez le premier enfant de lui.

109. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — R. — article » pp. 109-114

Rochefoucauld, [François, Duc de la] en 1612, mort à Paris en 1680. […] Nous ne craignons pas de le dire, l'homme ne naît ni orgueilleux ni méchant, comme M. de la Rochefoucauld le pense & voudroit le faire croire. Supposons même qu'il fût dépourvu, en naissant, de tout germe de droiture & d'équité, que ces deux sentimens ne fussent jamais que l'effet de ses lumieres acquises & de sa raison ; au moins ne peut-on pas assurer qu'il naisse injuste ou méchant.

110. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « La princesse Mathilde » pp. 389-400

La physionomie entière exprime noblesse, dignité, et, dès qu’elle s’anime, la grâce unie à la force, la joie qui naît d’une nature saine, la franchise et la bonté, parfois aussi le feu et l’ardeur. […] Née au seuil de l’Italie, à Trieste, dans l’exil, à l’époque de la plus grande proscription de sa race, la princesse fut emmenée dès l’âge de trois ans à Rome, où allaient se fixer pour plusieurs années ses augustes parents le roi Jérôme et la reine Catherine. Sans parler de sa gouvernante, la baronne de Reding, elle y reçut des soins particuliers d’une tante, la comtesse de Survilliers (née Clary). […] À la voir l’hiver, chaque soir, dans le monde perpétuel et brillant quelle reçoit, toujours présente et toujours prête, parlant à chacun, variant l’accueil et l’à-propos, elle semble née pour la représentation : à la retrouver à la campagne, entourée de quelques amis toujours les mêmes, on dirait plutôt qu’elle est faite pour l’intimité, pour un cercle d’habitudes paisibles, riantes et heureuses. […] [NdA] C’est La Bruyère qui a fait cette remarque, au chapitre « Des grands » : « Les princes, dit-il, sans autre science, ni autre règle, ont un goût de comparaison ; ils sont nés et élevés au milieu et comme dans le centre des meilleures choses, à quoi ils rapportent ce qu’ils lisent, ce qu’ils voient, et ce qu’ils entendent.

111. (1856) Cours familier de littérature. II « XIe entretien. Job lu dans le désert » pp. 329-408

Toi pour qui le possible existe avant de naître ! […] Quel crime avons-nous fait pour mériter de naître ? […] L’avenir est mort avant d’être pour vous : voilà la perfection du supplice ! […] Homère, au milieu des anses, des îles, des écumes, des vagues, des voiles de la Grèce maritime, est le poète de la mer. […] Celui de l’astronomie n’est pas encore  ; Dieu le garde sans doute dans les trésors de sa création.

112. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Fanny. Étude, par M. Ernest Feydeau » pp. 163-178

Elle naît en lui à une certaine heure, devient l’idée fixe, châtiment ou revanche, — une folie, une frénésie avec de courtes intermittences, et chaque fois elle reprend avec plus de violence et de fièvre, jusqu’à ce que tout l’être moral et physique y périsse anéanti et consumé. […] Tandis que l’artiste jeune et tout moderne nage à torrent dans le présent, y abonde, s’y abreuve et s’y éblouit, nous vivons de ces rapprochements qui reposent, et nous jouissons des mille idées qu’ils font naître. […] Je lui adressai un regard pour la remercier, et me renversant alors sur le dossier de ma chaise, je contemplai longuement celui qui ne se doutait pas de l’intérêt puissant qu’allait faire naître en moi l’étude de sa personne. […] Fanny excitera et a déjà excité bien des discussions (j’en ai entendu quelques-unes) ; elle fait naître et soulève plus d’une objection. […] Un des moralistes qui ont le mieux observé et noté la passion, La Rochefoucauld a dit : « La jalousie naît avec l’amour, mais elle ne meurt pas toujours avec lui. » Pourquoi donc alors cette jalousie, qui peut très bien s’irriter et s’ulcérer dans les derniers temps par amour-propre, n’est-elle pas née en Roger du premier jour qu’il a aimé Fanny ?

113. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XXXVIII et dernier. Du genre actuel des éloges parmi nous ; si l’éloquence leur convient, et quel genre d’éloquence. »

Cette liaison intime, cette rapidité qui fait une partie de l’éloquence, ne peut naître que d’une âme ardente et sensible, et fortement affectée de l’objet qu’elle veut peindre ; mais il faut savoir quels sont les objets qui ont le droit d’affecter l’âme, et jusqu’où elle doit l’être. […] Il y a, dans toutes les âmes bien nées, des impressions que rien ne, peut détruire, et qu’on est toujours sûr de réveiller ; ce sont, pour ainsi dire, des cordes toujours tendues, qui frémissent de siècle en siècle et de pays en pays : c’est celles-là qu’il faut toucher. […] avec un sentiment vigoureux et prompt, il s’élancera avec rapidité, et par saillies, d’un objet à l’autre ; semblable à ces animaux agiles, qui, placés dans les Pyrénées ou dans les Alpes, et vivant sur la cime des montagnes, bondissent d’un rocher à l’autre, en sautant par-dessus les précipices : l’animal sage et tranquille, qui dans le vallon traîne ses pas et mesure lentement, mais sûrement, le terrain qui le porte, les observe de loin, et ne conçoit pas cette marche, qui pourtant est dans la nature comme la sienne ; mais que l’auteur prenne garde : tout a ses défauts et ses dangers. Plus une telle éloquence est noble, quand elle est appliquée à de grands objets, et qu’elle naît d’un sentiment vrai et profond, plus un faux enthousiasme et une fausse chaleur sont ridicules aux yeux de tout homme sensé. […] Qu’il en naisse un cinquième, et qu’il le soit de la vérité !

114. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « LES FLEURS, APOLOGUE » pp. 534-537

Ses yeux s’animèrent peu à peu, un nuage comme voluptueux chargea sa paupière, un trouble d’un souvenir agita son beau sein, des larmes suivirent, et une longue rêverie qui dura toute une heure. […] Mes sœurs, tout cela dans l’immensité des prairies et des bois naissait, vivait, mourait, se renouvelait sans cesse, tout cela se touchait et s’enchaînait sans se le dire, et par une sorte d’harmonie qui se suffisait à elle-même. […] Jouissons-en, donnons-le surtout avec délices, et, quand nous l’aurons exhalé, sachons bien qu’il renaîtra pour d’autres encore ; car la nature est grande, et son parfum, dans chaque repli, est universel. » 251.

115. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Joinville. — I. » pp. 495-512

On y apprend d’une manière facile mille choses nouvelles ; les réflexions naissent à chaque pas d’elles-mêmes par une comparaison presque involontaire. […] vers 1224, Joinville ne mourut que vers 1317, à l’âge de quatre-vingt-quatorze ans environ, et il écrivit ou plutôt il dicta ses mémoires dans son extrême vieillesse, à cet âge où les impressions, quand elles ne deviennent pas décidément chagrines et moroses, font volontiers un retour aimable en arrière et se teignent encore une fois des couleurs de l’enfance. […] Il était bien plus jeune que saint Louis, de dix ans environ, et dans tout ce voyage il fut traité par lui comme un jeune homme bien et d’espérance, aux mœurs duquel le saint roi s’intéressait. […] La veille de leur arrivée, il lui était un fils de sa première femme. […] Et en bref temps le vent donna dans la voile et nous ôta la vue de la terre, si bien que nous ne vîmes plus que le ciel et l’eau ; et chaque jour nous éloignait le vent des pays où nous étions nés.

116. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « Œuvres complètes de Molière »

Soulié, raisonnant méthodiquement, s’est dit que, d’après les actes trouvés par Beffara, Molière n’avait laissé qu’une fille, née en 1665, et par conséquent mineure en 1673, au moment de la mort de son père ; qu’en raison de la fortune assez considérable de Molière, un inventaire avait dû être dressé pour garantir les droits de son enfant. […] Molière, on le sait, probablement la veille, a été baptisé à Saint-Eustache le 15 janvier 1622, sous le nom de Jean ; il précisa depuis ce nom en s’appelant Jean-Baptiste. […] La chambre au-dessus de la boutique et qui a vue sur la rue Saint-Honoré est évidemment celle des époux Poquelin, celle où a dû naître Molière. […] La mère de Molière était morte depuis un an à peine que le mari veuf contractait un second mariage (mai 1633), et peu après il quittait son premier logis pour aller habiter une maison qu’il acquérait, située sous les piliers des Halles : de là la tradition vulgaire qui fait naître Molière sous ces piliers. […] mais pourquoi l’administration de Paris, qui fait tant de belles et grandes choses, n’achèterait-elle pas la vraie maison, celle qui occupe le véritable emplacement du logis où naquit Molière ?

117. (1895) Histoire de la littérature française « Sixième partie. Époque contemporaine — Livre III. Le naturalisme, 1850-1890 — Chapitre III. La poésie : V. Hugo et le Parnasse »

Il regarde la vie avec une tristesse qui naît d’un absolu, d’un incurable pessimisme. […] Sully Prudhomme a de profondes tendresses et d’abondantes pitiés, qui naissent en lui d’un pessimisme délicat et pénétrant. […] Leconte de Lisle (1820-1894), à la Réunion, s’arrêta un moment dans le Fouriérisme. […] Sully Prudhomme, en 1839. […] François Coppée, en 1842.

118. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « De la poésie et des poètes en 1852. » pp. 380-400

La poésie ne meurt pas : il y a des printemps, des générations qui naissent, qui se succèdent et qui amènent chacune avec elles leurs fleurs, leurs amours et leurs chants. […] Pourtant ne nous inquiétons pas sur ce point outre mesure ; le jour où un grand poète naîtra, il saura se dénoncer lui-même et se faire écouter. […] Ce sont des vers aimables et bien nés. […] laissez donc chaque être ; Laissez-le vivre en paix aux lieux qui l’ont vu naître ! […] Un autre poète de l’île Bourbon (car cette race de créoles semble née pour le rêve et pour le chant), M. 

119. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XXIX » pp. 319-329

Le rendez-vous du beau monde est le soir chez la maréchale d’Estrées88. » C’est ici, et toujours en 1672, que se place, par toutes les circonstances qu’elle renferme, une lettre, sans date, de madame Scarron à madame de Saint-Géran, lettre qui, jusqu’à présent, n’a été, que je sache, l’objet d’aucune remarque, et qui cependant en fait naître de singulières. […] Elle était née en 1669, ce fut donc en 1672 qu’elle mourut.) […] Le 20 juin, naquit le comte de Vexin : ce fut un accroissement de peines pour la gouvernante que la mort de madame la duchesse venait de soulager. […] Il avait épousé, le 19 mars 1662, une de Souvré, marquise de Courtenvaux, cousine de Bernard de La Guiche, comte de Saint-Géran, mari de madame de Saint-Géran, née à Warignies.

120. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XIII. Éloges donnés aux empereurs, depuis Auguste jusqu’à Trajan. »

Sous Octave, deux hommes qui étaient nés libres, et qui tous deux avaient vu les proscriptions, louèrent à l’envi l’assassin qui, à force d’art et de souplesse, avait asservi Rome ; j’en demande pardon à ces deux hommes, mais il faut les nommer, c’est Horace et Virgile. […] À l’égard d’Horace, avec de l’imagination, un esprit délicat, la manie de plaire aux grands et l’art de réussir, il eut les talents et les vices d’un courtisan poli. […] Ovide qui, chevalier romain, et relégué par un seul mot d’Octave à quatre cents lieues de Rome et parmi des peuples barbares, des bords du Pont-Euxin, fatigua, pendant six ans, de prières et d’éloges son tyran, qui ne daignait pas l’entendre ! […] Stace, qui naquit à Naples, et qui avait une imagination forte, quoique déréglée, avilit son génie par les mêmes éloges.

121. (1890) L’avenir de la science « XVII » p. 357

Mais du moment que l’homme naît dans la société, comme il naît dans la raison, il n’est pas plus libre de récuser les lois de la société que de récuser les lois de la raison. L’homme ne naît pas libre, sauf ensuite à embrasser la servitude volontaire. Il naît partie de la société, il naît sous la loi. […] si nul ne l’a reçu à son enfance pour le faire naître à la vie morale ? […] Quel étrange hasard, je vous prie, que presque tous les criminels naissent dans la même classe !

122. (1857) Cours familier de littérature. III « XVIe entretien. Boileau » pp. 241-326

Mais son véritable géant, Shakespeare, est , comme Antée, de lui-même et de la terre. […] Les infirmes naissent jaloux : c’est la loi de la nature ; ils se vengent sur les êtres complets du malheur et de l’imperfection de leur être ; leur consolation, c’est de ravaler ce qui les dépasse. […] Il te versera du vin pressuré sur les montagnes où il est et sur le penchant desquelles il folâtrait naguère, car le vin et celui qui le verse ont tous les deux la même patrie ?  […] La littérature française, entre leurs mains, allait mourir d’ennui avant d’être née. […] Il n’était pas libre et fécond, il était servile et copiste.

123. (1896) Matière et mémoire. Essai sur la relation du corps à l’esprit « Chapitre I. De la sélection des images, pour la représentation. Le rôle du corps »

Mon corps, objet destiné à mouvoir des objets, est donc un centre d’action il ne saurait faire naître une représentation. […] La commodité et la rapidité de la perception sont à ce prix ; mais de là naissent aussi les illusions de tout genre. […] Notre représentation des choses naîtrait donc, en somme, de ce qu’elles viennent se réfléchir contre notre liberté. […] Si vous la réduisez au mouvement homogène, d’où naîtra donc la qualité ? […] Car d’où sortent, comment naissent, et à quoi doivent servir ces sensations élémentaires, inextensives, qui vont se développer dans l’espace ?

124. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — R. — article » pp. 133-139

Rousseau, [Jean-Baptiste] à Paris en 1671*, mort à Bruxelles en 1741 ; celui de nos Poëtes le plus en droit de s'appliquer ce Vers qui caractérise si bien l'enthousiasme : Est Deus in nobis, agitante calescimus illo. […] Plusieurs Auteurs prétendent qu'il est en 1669 ; mais cette date est fautive, si l'on doit s'en rapporter à Rousseau même, qui écrivoit à M.  […] S'il n'avoit que 66 ans en 1737, il est clair qu'il étoit en 1671.

125. (1911) Études pp. 9-261

Ainsi naît un Paradis tempéré. […] À ce moment naît l’accord du tableau. […] Naître, pour tout, c’est connaître. […] Si soudaine elle naît qu’elle semble surprise. […] Il est trop pur.

126. (1895) Histoire de la littérature française « Sixième partie. Époque contemporaine — Livre II. L’époque romantique — Chapitre I. Polémistes et orateurs, 1815-1851 »

Hugues-Félicité-Robert de la Mennais (1782-1854), à Saint-Malo, prêtre en 1816, fonda avec Chateaubriand, Villèle et Bonald le Conservateur. […] Pierre-Joseph Proudhon (1809-1865), à Besançon, collabore ; une Encyclopédie catholique et fait un mémoire sur la célébration du dimanche. […] Quinet (1803-1875), à Bourg en Bresse, fut nommé en 1842 à la chaire de langues et littératures de l’Europe méridionale au Collège de France. […] Hyacinthe Loyson ( en 1827), prêtre, puis carme, débuta à Paris en 1864, fut très attaqué par Veuillot, rompit en 1869 avec l’ordre des carmes, puis avec le pape, qui l’excommunia : il prétendit rester catholique malgré tout. […] en 1840.

127. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « La comtesse de Boufflers. »

Marie-Charlotte-Hippolyte de Campet de Saujon, fille d’un lieutenant des gardes du corps du roi, le comte ou marquis de Saujon, et de Louise-Angélique Rarberin de Reignac, qui devint en secondes noces Mme de Montmorency, fut baptisée à Saint-Sulpice le 6 septembre 1725, et elle était née probablement la veille ou le jour même23. […] Si la vie humaine n’était destinée qu’à être plaisir et fête, féerie continuelle dans un cercle magique et dans une île enchantée, je ne saurais pas de destinée plus enviable dans l’ancienne société et sur le déclin de l’antique monarchie que celle de ces princes de Conti, nés proche du trône, à distance suffisante pour n’en pas être trop gênés et offusqués, jouissant des prérogatives du sang sans avoir les ennuis de la charge ni même ceux du trop de représentation ; pas d’obligation étroite, nulle responsabilité, popularité facile et à peu de frais. […] Dutens lui représenta qu’étant en France de parents protestants qui l’avaient élevé dans leur religion, il n’avait pu regarder ce pays comme sa patrie, puisque le gouvernement même du royaume avait pour maxime que l’on ne connaissait point de protestants en France (et c’est ce qu’un ministre des Affaires intérieures lui dit un jour à lui-même). […] Il faut voir quelles précautions il prend pour sonder une plaie si ouverte et si saignante, et pour en ôter tout ce qui peut l’irriter et l’envenimer : « Les princes, plus que les autres hommes, remarque-t-il, sont nés esclaves des préjugés, et ce tribut leur est imposé comme une sorte de représailles par le public. […] Toute société élégante recherchera votre compagnie, et, quoique tout grand changement dans les habitudes et la manière de vivre puisse d’abord paraître désagréable, l’esprit se réconcilie bien vite avec sa nouvelle situation, surtout si elle lui est le plus naturelle et celle pour laquelle il est (congénial).

128. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Louis XIV et le duc de Bourgogne, par M. Michelet »

On connaîtrait mal le duc de Bourgogne et ce naturel étrange, même quand on prête l’oreille de très près aux paroles de Fénelon, si l’on n’avait en face ce formidable et trahissant témoin, Saint-Simon : «  Il faut dire tout d’abord, nous apprend cet admirateur si fervent du même prince corrigé et morigéné, que Mgr le duc de Bourgogne était avec un naturel à faire trembler. […] Le prodige est qu’en très peu de temps la dévotion et la grâce en firent un autre homme, et changèrent tant et de si redoutables défauts en vertus parfaitement contraires… » Saint-Simon, en d’autres endroits, ajoute des détails encore plus significatifs sur les fougues et les passions du jeune prince, ses instincts précoces de libertinage, ses penchants effrénés pour toute espèce de volupté, son goût même pour le vin, son infatuation de lui-même et de ce qu’il était , et son parfait mépris de tout ce qui l’entourait : — tout cet abîme enfin, d’où il sortit après des années un autre homme au moral, méconnaissable en bien et régénéré. […] Un aperçu piquant qu’on saisit en l’air et qu’on attrape à la volée, une anecdote d’alcôve, n’est point une raison sérieuse, et il faudrait laisser à la porte de la sévère histoire toutes ces sciences conjecturales et qui sont à naître ou à peine nées encore. […] Que les Muses fassent naître en lui toutes les vertus !  […] et que les fleurs naissent sous ses pas ! 

129. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « La comtesse d’Albany par M. Saint-René Taillandier. »

Le mépris que cette entrevue fit naître pour ce prince mit fin au dessein qu’on avait de se servir de lui95. » Ne pouvant l’utiliser directement, on songea du moins à maintenir la race pour alimenter les espérances du parti. […] Elle était née princesse de Slolberg-Ge-dern ; elle avait alors vingt-deux ans. […] Mme Orlandini, née de parents irlandais, et son ami, un gentilhomme irlandais également, M.  […] Envie, bassesse, hypocrisie, osent revêtir le manteau d’une conscience pure, et de leur conjuration naît tout mon malheur. Mais le jour viendra, troupe mal née et criminelle, que moi, retourné pourtant aux côtés de ma dame, je te ferai sentir si je suis poète ! 

130. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « De la poésie en 1865. (suite.) »

à Grésy-sur-Isère le 1er juillet 1810, élevé au petit séminaire de Saint-Pierre d’Albigny, dont le supérieur, l’abbé Gex, existe encore, il termina ses études chez les Jésuites à Chambéry. […] Il dut, pour subsister, soumettre sa plume aux plus humbles emplois ; pour l’inspiration et pour l’art, il fit du métier ; il sema sa prose où il put. […] Les affections les plus fortes, celles qui vivent, sont celles qui naissent dans les larmes et grandissent dans l’affliction. […] Les idées de mon enfance, les souvenirs du premier âge se réveillaient en moi, peu à peu, au spectacle des scènes qui les avaient fait naître. […] … Il rappelle ses premiers bonheurs dans une vie patriarcale et pure, les peines cruelles de l’exil, tout ce que l’exilé au retour ne retrouvera plus : Qui me ramènera vers les bords fortunés Où sont morts mes aïeux, où mes frères sont nés ?

131. (1906) Les œuvres et les hommes. À côté de la grande histoire. XXI. « Le marquis de Grignan »

viable pourtant, ce Grignan ! […] avec un terrible défaut à la taille, comme le duc de Bourgogne, cet autre grand bossu aux jambes sublimes, on lui mit dans son enfance un corset de fer pour le redresser et on le suspendit par un clou comme un Polichinelle à la muraille pour lui faire rentrer sa bosse, à force de mur ; ce qui ne l’empêcha, du reste, ni d’être un soldat ni d’être un danseur, — un très joli danseur, ma foi ! […] Tous ils commençaient par être comme lui, ce petit Grignan, de simples volontaires dans quelque régiment de l’armée, ces jeunes gens qui naissaient colonels ! […] Il fallait qu’on s’enversaillât, — comme disait « le vieux hibou hagard, entre ses quatre tourelles », le vieux marquis de Mirabeau qui, lui, était resté un féodal.

132. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — Jean-Baptiste Guarini, et Jason de Nores. » pp. 130-138

Guarini naquit de parens nobles, à Ferrare, l’an 1537. […] On trouve en lui tout ce qu’on peut attendre d’un génie heureusement pour les vers, cultivé par la lecture des auteurs agréables, & formé sur-tout à l’école du monde. […] Jason de Nores étoit originaire de Normandie, & dans l’isle de Chipre.

133. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XII. Des panégyriques ou éloges des princes vivants. »

Ainsi le pouvoir d’un côté et la bassesse de l’autre, firent le plus souvent naître les panégyriques, que les uns eurent le courage d’entendre, et que les autres eurent l’audace de prononcer. […] Tous les ans se célébrait la naissance de Rome ; ce jour-là on louait l’empereur et l’on ne manquait pas de dire que Rome était née pour lui ; le jour de la naissance de l’empereur, on félicitait Rome ; il était pour elle.

134. (1923) L’art du théâtre pp. 5-212

C’est que l’art naît, ne peut naître que dans l’esprit : l’idée, la conception avant tout. […] La comédie naîtra. […] Molière naît peuple, artisan ou petit-bourgeois. C’est pourquoi il naît dramaturge. […] Mais un public nouveau peut naître.

135. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Les trois siecles de la litterature françoise. — B — article »

Bigot, [Guillaume] Docteur en Médecine, à Laval en 1502, mort vers l’an 1560. […] On auroit pu se passer d’apprendre qu’il naquit avec deux dents, & qu’on ne trouva pas de nourrice pour l’allaiter.

136. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre second. De la sagesse poétique — Argument » pp. 93-99

Ces ornements du style naquirent, dans l’origine, de l’indigence du langage. […] La topique naquit avant la critique. […] Les sociétés politiques sont nées toutes de certains principes éternels des fiefs.

137. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — M. — article »

MACQUER, [Philippe] Avocat au Parlement, à Paris en 1720, mort dans la même ville en 1769. […] Pierre-Joseph Macquer, son frere, de l’Académie des Sciences, à Paris en 1718, est Auteur de plusieurs Ouvrages de Chimie, qui lui ont procuré un nom célebre dans la Physique & la Médecine.

138. (1707) Discours sur la poésie pp. 13-60

C’est de cet enthousiasme que doit naître ce beau désordre dont M.  […] Elle n’y laisseroit qu’un étourdissement causé par la magnificence et l’harmonie des paroles, sans y faire naître que des idées confuses, qui se chasseroient l’une l’autre, au lieu de concourir ensemble à fixer et à éclairer l’esprit. […] Je trouverois aussi raisonnable de croire que la nature s’est épuisée sur la différence des visages, et qu’il ne peut plus naître d’homme à l’avenir qui ne ressemble précisément à quelqu’autre qui ait été. […] Les grecs les affectoient sur-tout dans leurs dithyrambes : ce qui fit naître ce proverbe : cela s’entend moins qu’un dithyrambe . […] Ils félicitent le siécle qui les a vû naître ; ils jouissent d’avance de l’admiration de la postérité, et leurs ouvrages ne craignent que les ruïnes du monde.

139. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Les trois siecles de la litterature françoise. — B — article »

Bossu, [René le] Chanoine Régulier de Sainte Genevieve, à Paris en 1631, mort en 1680. […] Il est vrai que les préceptes ne font naître ni le Poëte ni les Orateurs ; mais ils servent à les former & les retenir dans les bornes du vrai goût, que les Esprits même les plus médiocres se croient trop souvent en droit de franchir.

140. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — L — article » p. 4

LABÉ, [Louise Charly, dite] surnommée la belle Cordiere, parce qu’elle étoit femme d’un Marchand de cordes, née à Lyon en 1526, morte en 1566. […] Ce qui prouve qu’elle étoit née avec de vrais talens, c’est que, malgré la barbarie de son Siecle, on remarque dans ses Poésies, des traits d’esprit & de délicatesse qui font le plus grand plaisir.

141. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Première partie. De la littérature chez les anciens et chez les modernes — Chapitre XI. De la littérature du Nord » pp. 256-269

Les poètes anglais qui ont succédé aux Bardes écossais, ont ajouté à leurs tableaux les réflexions et les idées que ces tableaux même devaient faire naître ; mais ils ont conservé l’imagination du Nord, celle qui plaît sur le bord de la mer, au bruit des vents, dans les bruyères sauvages ; celle enfin qui porte vers l’avenir, vers un autre monde, l’âme fatiguée de sa destinée. […] Une certaine fierté d’âme, un détachement de la vie, que font naître, et l’âpreté du sol, et la tristesse du ciel, devaient rendre la servitude insupportable ; et longtemps avant que l’on connût en Angleterre, et la théorie des constitutions, et l’avantage des gouvernements représentatifs, l’esprit guerrier que les poésies erses et scandinaves chantent avec tant d’enthousiasme, donnait à l’homme une idée prodigieuse de sa force individuelle et de la puissance de sa volonté. […] Mais on peut toujours juger si les images de la nature, telles qu’elles sont représentées dans le Midi, excitent des émotions aussi nobles et aussi pures que celles du Nord ; si les images du Midi, plus brillantes à quelques égards, font naître autant de pensées, ont un rapport aussi immédiat avec les sentiments de l’âme ; les idées philosophiques s’unissent comme d’elles-mêmes aux images sombres. […] Les tragiques du Nord ne se sont pas toujours contentés des effets naturels qui naissent du tableau des affections de l’âme, ils se sont aidés des apparitions, des spectres, d’une sorte de superstition analogue à leur sombre imagination ; mais quelque profonde que soit la terreur qu’on peut produire une fois avec de tels moyens, c’est plutôt un défaut qu’une beauté.

142. (1890) L’avenir de la science « I »

Fatale distinction, qui a empoisonné l’existence de tant d’âmes belles et libres, nées pour savourer l’idéal dans toute son infinité, et dont la vie s’est écoulée triste et oppressée sous l’étreinte de l’étau fatal ! […] Un homme disait un jour à un philosophe de l’antiquité qu’il ne se croyait pas pour la philosophie : « Malheureux, lui dit le sage, pourquoi donc es-tu  ?  […] L’homme avec une faculté éminente qui absorbe toutes les autres est bien plus heureux que celui qui trouve en lui des besoins toujours nouveaux, qu’il ne peut satisfaire.

143. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Deuxième partie. — Chapitre XXIV. »

Un poëte lyrique était pour la France, avec des nuances admirables de douceur élégiaque et de tendre mélancolie. […] Mais que d’autres beautés grandes et fortes naissaient de sa puissance d’impressions ! […] C’est là que grandit un poëte à Cuba, au commencement du siècle, d’un père jurisconsulte et partisan des idées modernes. […] Elle y trouvait, pour panégyriste et pour interprète de ce patriotisme espagnol qui mesure tant de degrés, depuis Mexico jusqu’à Cadix, un autre talent lyrique également sous le ciel de Cuba, mais européen par le séjour autant que par l’étude. […] Comme Heredia, elle naquit à Cuba, en 1806, au Port-au-Prince, dont son père, Manuel Gomez, originaire de Séville, était préfet maritime.

144. (1829) Tableau de la littérature du moyen âge pp. 1-332

Comment tout à coup une langue est-elle formée, à l’instant où il est  ? […] Ce latin faisait-il naître des procès ? […]naquit notre grammaire analytique et simple. […] Est-elle née du reflet des croisades ? […] Quelquefois, dans ces ouvrages, nous reconnaîtrons de singuliers hasards de talent, qui semblaient promettre qu’un homme comme le Dante serait plus tôt, et serait ailleurs.

145. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — P. — article » p. 457

PAPIN, [Isaac] à Blois en 1657, mort à Paris en 1709. On se souvient de ses démêlés avec le Ministre Jurieu, mais on ne lit plus les Ecrits que ces démêlés ont fait naître.

146. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — S. — article » p. 304

Sully, [Maximilien de Béthune, Baron de Rosni, Duc de] premier Ministre sous Henri IV, à Rosni en 1559, mort en 1641. […] On doit se défier cependant d'un esprit de partialité, que son Editeur, M. l'Abbé de l'Ecluse, redresse avec sagacité, toutes les fois que l'occasion s'en présente ; tant il est vrai que les Mémoires particuliers sont sujets à induire en erreur, & que ce n'est que de combinaison des différens récits que peut naître la vérité !

147. (1911) La morale de l’ironie « Chapitre premier. La contradiction de l’homme » pp. 1-27

De la diversité naît le conflit. […] Il s’épanouit toute une floraison de pensées, de doctrines, de sentiments, d’actes qui naissent à l’occasion de ce désordre et tendent, spontanément ou volontairement, à le réprimer. […] Et d’autre part on entrevoit bien chez l’homme la formation d’un instinct plus proprement social, qui naît sans doute par la contrainte d’abord et sous la pression de l’intérêt personnel, par l’attraction aussi, qui se développe par l’habitude, par le jeu normal des institutions, par le fait que nous sommes continuellement emboîtés dans un ensemble social organisé, poussés, contenus, surveillés et dirigés par lui. […] Puisque l’homme s’est habitué à ne pouvoir vivre qu’en société, il devait naître en lui, et dans les groupes qu’il compose, une sorte d’instinct social, d’âme collective, trop faible pour lutter avec un succès continu contre les désirs égoïstes, mais qui pourrait compenser sa faiblesse par la ruse. […] Parfois elle a su profiler de ce que l’homme inventait, elle a organisé la sélection des produits de l’esprit humain, elle a trié, éliminé, écarté, favorisé ou repoussé, parfois ouvertement, parfois d’une manière sournoise, les sentiments et les idées qui naissent continuellement, en même temps qu’elle rectifiait, transformait et parfois tuait ou pervertissait les anciens.

148. (1920) La mêlée symboliste. II. 1890-1900 « La génération symboliste » pp. 34-56

Sitôt , l’enfant est une cause de trouble et de soucis. […] Ceux qui sont encore à naître la perçoivent dans les convulsions de leur vie embryonnaire. […] Ces enfants n’auraient pas dû naître, L’enfance est trop dure pour eux ! […] C’est qu’à l’heure même où naissait la génération symboliste, deux religions s’édifiaient dont les esprits, déjà si vacillants, vont recevoir un choc nouveau : 1º Le Spiritisme ; 2º L’Anarchie. […] Nés en 1860, les poètes : Jules Laforgue, Max Waller.

149. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre V. La littérature et le milieu terrestre et cosmique » pp. 139-154

Pendant que les rois promènent leur cour dans les châteaux merveilleux qui se nomment Blois, Amboise, Chambord, Chenonceaux, écrivains et artistes sont nés en foule dans ce coin de terre privilégié. […] Le Poussin est aux Andelys. […] Faut-il nommer tous les illustres d’alors qui sont nés à Paris ou dans le voisinage ? […] Le goût des voyages est alors presque partout à la fois, et une foule d’œuvres ont surgi pour satisfaire ce goût, qui était chez nos grands-pères une rareté. […] Combien de colonies sont nées d’un roman, d’un poème, d’un récit qui avait fait une profonde impression sur des âmes jeunes et naïves !

150. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Les Faux Démétrius. Épisode de l’histoire de Russie, par M. Mérimée » pp. 371-388

Il laissait deux fils ; l’aîné qui lui succéda, Fédor, débile de corps et d’esprit, incapable de régner par lui-même, prit pour Premier ministre ou régent de l’empire un boyard son beau-frère, nommé Boris Godounof, homme ambitieux, habile, et pour commander. […] C’est du sentiment universel et confus de cette haine, longtemps couvée et échauffée, que naquit un jour et sortit comme de terre le faux Démétrius. Le faux Démétrius, en effet, ne fut que la personnification de l’esprit populaire qui cherchait son objet, son libérateur, et qui se demandait de toutes parts : « D’où naîtra-t-il ?  […] Après l’assassinat de Démétrius (car il fut assassiné dans une émeute populaire), on en voit naître un nouveau, mais qui n’est plus qu’une copie grossière du premier. […] Mérimée a pris son parti plus franchement, ou du moins de propos plus délibéré : il donne tout d’abord ses deux personnages pour deux coquins ; il ne s’agit guère ensuite que du degré ; il s’agit surtout de voir comment l’amour naît, se comporte et se brise, ou persiste malgré tout, dans ces natures fortes et dures, dans ces âmes sauvages.

151. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Les trois siecles de la litterature françoise. — A — article » p. 155

Arnaud, [Antoine] Avocat-Général de la Reine Catherine de Médicis, à Paris en 1560, mort en 1619. […] Si on le lit aujourd’hui de sang froid, on y remarquera plutôt ce ton de chaleur & d’emportement qui naît de la prévention, que le caractere de cette véritable éloquence, qui réunit la vérité des faits à la force de l’expression.

152. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Les trois siecles de la litterature françoise. — A — article » p. 183

Aubigné, [Théodore - Agrippa d’] à S. […] Il étoit pour la satire & la plaisanterie, comme on en peut juger par un de ses autres Ouvrages, qui a pour titre : Confession de Sacy.

153. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Les trois siecles de la litterature françoise. — A — article » p. 190

Castres d’] dans le Hainaut, mort à la bataille d’Etinghen en 1743, âgé de 31 ans. avec de l’ardeur pour l’étude des Lettres, & formé par l’Abbé Desfontaines, il se seroit fait plus de réputation, si les devoirs de son état (il étoit Cheveau-Léger) lui eussent laissé plus de loisir pour cultiver son esprit & épurer son goût.

154. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Les trois siecles de la litterature françoise. — B — article » p. 367

Bourzeis, [Amable de] Abbé de Saint Martin, de l’Académie Françoise, près de Riom en Auvergne en 1606, mort à Paris en 1672. […] Boutard, [François] Abbé de Bois-Groland, de l’Académie des Inscriptions & Belles-Lettres, à Troie, mort à Paris en 1729, âgé de 75 ans.

155. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — P. — article » p. 554

PRÉMONTVAL, [André-Pierre le Guai de] de l’Académie des Sciences de Berlin, à Charenton en 1716, mort à Berlin en 1767, a écrit sur les Mathématiques, la Métaphysique, la Morale, la Critique, la Religion. […] L’Auteur des Mélanges ne prétendoit pas, sans doute, faire naître dans la République des Lettres un Ouvrage aussi ridicule & une Philosophie aussi absurde.

156. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome second — Livre cinquième. Principales idées-forces, leur genèse et leur influence — Chapitre septième. Les sentiments attachés aux idées. Leurs rapports avec l’appétition et la motion »

Les sentiments logiques sont ceux qui naissent de l’accord mutuel ou du mutuel désaccord des idées, désaccord qui peut aller jusqu’à la contradiction. […] Par cela même aussi peuvent naître les émotions morales, attachées à l’idée même de la société universelle et de ses fins. […] Une émotion agréable peut naître de sensations relativement isolées ou de mouvements relativement isolés, dont nous n’apercevons ni les relations externes ni les éléments internes.

157. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Les trois siecles de la litterature françoise. — B — article » p. 319

] de l’Académie des Belles-Lettres de Caen, Secrétaire du Conseil & des finances de Monsieur, Frere du Roi, en 17.. […] Il faut, pour être assuré de toujours plaire, sur-tout dans le genre de l’apologue, s’attacher à des ressorts plus puissans, c’est-à-dire à cette chaleur vivifiante qui naît de la force du sentiment & que l’esprit ne sauroit jamais suppléer, à cette variété de tours & d’images qui réveille l’attention & écarte l’ennui, & sur-tout à ce choix d’expressions nobles & figurées qui distingue le vrai Poëte du froid Versificateur.

158. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — H — article » p. 505

HERMANT, [Godefroi] Chanoine de Beauvais, sa patrie, & ancien Recteur de l’Université, en 1617, mort à Paris en 1690, après avoir été exclus de la Sorbonne. […] Il est vrai que sa plume s’est beaucoup exercée sur des discussions théologiques, logiques, & que ces Productions ont subi le sort commun à tous les enfans de la dispute & de l’humeur, qui ne devroient pas naître & meurent toujours avec la honte d’avoir existé ; mais il n’est pas moins vrai que M.

159. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « MADAME GUIZOT (NEE PAULINE DE MEULAN) » pp. 214-248

On lit un livre, dès la préface on en tire la connaissance de l’auteur, on entre dans sa pensée ou on la contredit ; à la vingtième page, que de réflexions le livre a déjà fait naître ! […] Mlle Pauline de Meulan, née en 1773, à Paris, fut élevée au sein des idées et des habitudes du monde distingué d’alors. […] Ainsi le combat allait bien à cette âme ; elle naissait à la passion sérieuse du vrai, à la chaleur de la raison. […] dites-leur la suite amère, Lot de tout être de mère ; Homme, dites-leur ce qu’ils sont ! […] Il est certain du moins que, dans la plupart des cas, quand l’enfant est bien , comme on dit, quand il ne recèle pas en lui de faculté trop excentrique ou de passion trop obstinée qui déjoue, le bon résultat doit s’obtenir d’après les soins qu’elle fait prendre.

160. (1878) La poésie scientifique au XIXe siècle. Revue des deux mondes pp. 511-537

D’eux-mêmes ils vont chercher un nœud qui les rassemble, Tout s’allie et se forme, et tout va naître ensemble1. […] Les deux Principes se disputent la Terre qui vient de naître. […] C’est sans doute que la justice, bannie du reste de l’univers, a son refuge dans le cœur de l’homme, et c’est ainsi que le monde moral, de la conscience humaine, va se relever en face du monde physique, théâtre des jeux éternels de l’atome, instrument et matière du destin. […] Et comme ce granit, épave de tant d’âges, Levé par tant de bras et tant d’échafaudages,                        Étonnement des derniers nés. […] Avec elle naissent la responsabilité humaine, le progrès moral, la cité idéale gouvernée par la science et par l’amour.

161. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — M. — article » p. 341

MONNOYE, [Bernard de la] de l’Académie Françoise, à Dijon en 1641, mort à Paris en 1728. […] Ses Noëls Bourguignons sont fort goûtés dans sa Patrie ; mais il faut être dans ce pays-là, pour en sentir le mérite.

162. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — P. — article » p. 562

PRIVAT DE FONTANILLES, à Tarascon, publia, en 1750, un Poëme Epique en dix Chants, sous le nom de Malthe ou l’Isle Adam, dont la Religion est l’action principale. Le sujet en est intéressant, le plan régulier, les épisodes sont bien amenés, les moralités naissent du sujet, les comparaisons sont justes, les images souvent heureuses ; malgré cela, le défaut de chaleur, d’élégance, de correction, un grand nombre de Vers foibles, durs, prosaïques, la monotonie qui regne dans les couleurs, la sécheresse du pinceau, les fautes contre la Langue & contre le goût, font que ce Poëme n’est pas plus lu que le Childebrand de Sainte-Garde, la Pucelle de Chapelain, le Saint Louis du P.

163. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — R. — article » p. 65

Reganhac, [Géraud Valet de] de l'Académie des Jeux Floraux, à Cahors en 1719. […] Le genre auquel il s'est le plus particuliérement attaché, est la Poésie lyrique ; & par le feu, la verve, la noblesse qui regnent dans ses Odes, on voit qu'il est Poëte.

164. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « HOMÈRE. (L’Iliade, traduite par M. Eugène Bareste, et illustrée par M.e Lemud.) —  second article  » pp. 342-358

second article Nous avons donc, nous croyons toujours avoir un Homère, non pas un fantôme de l’illusion et du mirage des temps, mais une personne véritable, un grand poëte qui a vécu quelques générations après la guerre de Troie, et qui en a rassemblé tous les échos. […] Pour moi, de tels scrupules en général, quand ils naissent en de bons esprits, et que la main qui tient le crayon est sûre et capable, ne m’effrayent pas plus qu’il ne convient. […] Un philosophe fameux de nos jours, et qui n’oubliait pas pourtant qu’il était gentilhomme, se faisait réveiller tous les matins par son valet de chambre qui lui disait : « Monsieur le comte, vous avez de grandes choses à faire. » Pour qui lirait tous les matins une page de Thucydide ou d’Homère, cela serait dit mieux encore que par le valet de chambre, et d’une manière, j’imagine, plus persuasive. […] Après avoir lu, au réveil, une page de l’Iliade, on n’irait pas pour cela conquérir l’Asie ; mais il est de certaines pensées d’abord qui ne naîtraient pas, il en est d’autres qui viendraient et fructifieraient d’elles-mêmes. […] uatremère de Quincy, en réintroduisant la couleur dans la statuaire, a par là même éclairé et restitué directement l’Olympe homérique, lequel en sort comme repeint d’une nouvelle fraîcheur, avec sa variété brillante de déités aux yeux bleuâtres, aux cheveux dorés, avec son luxe de dénominations et d’épithètes nées du sanctuaire.

165. (1796) De l’influence des passions sur le bonheur des individus et des nations « Section première. Des passions. — Chapitre II. De l’ambition. »

En parlant de l’amour de la gloire, je ne l’ai considéré que dans sa plus parfaite sublimité ; alors qu’il naît du véritable talent, et n’aspire qu’à l’éclat de la renommée. […] Les peines attachées à cette passion sont d’une autre nature que celles de l’amour de la gloire ; son horizon étant plus resserré, et son but positif, toutes les douleurs qui naissent de cet agrandissement de l’âme, en disproportion avec le sort de l’humanité, ne sont pas éprouvées par les ambitieux. […] Les peines donc qui naissent de l’exaltation de l’âme, ne sont point connues par les ambitieux ; mais si le vague de l’imagination offre un vaste champ à la douleur, elle présente aussi beaucoup d’espace pour s’élever au-dessus de tout ce qui nous entoure, éviter la vie, et se perdre dans l’avenir. […] L’orgueil, ou la paresse, la défiance, ou l’aveuglement, naissent de la possession continue de la puissance ; cette situation où la modération est aussi nécessaire que l’esprit de conquête, exige une réunion presque impossible ; et l’âme qui se fatigue ou s’inquiète, s’enivre ou s’épouvante, perd la force nécessaire pour se maintenir. […] Cromwell est resté usurpateur, parce que le principe des troubles qu’il avait fait naître était la religion, qui soulève sans déchaîner, était un sentiment superstitieux, qui portait à changer de maître, mais non à détester tous les jougs.

166. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre XV. Commencement de la légende de Jésus  Idée qu’il a lui-même de son rôle surnaturel. »

La croyance universelle était que le Messie serait fils de David et naîtrait comme lui à Bethléhem 678. […] Sut-il quelque chose des légendes inventées pour le faire naître à Bethléhem, et en particulier du tour par lequel on rattacha son origine bethléhémite au recensement qui eut lieu par l’ordre du légat impérial, Quirinius 681 ? […] Peut-être un œil sagace eût-il su reconnaître dès lors le germe des récits qui devaient lui attribuer une naissance surnaturelle, soit en vertu de cette idée, fort répandue dans l’antiquité, que l’homme hors ligne ne peut être des relations ordinaires des deux sexes ; soit pour répondre à un chapitre mal entendu d’Isaïe 685, où l’on croyait lire que le Messie naîtrait d’une vierge ; soit enfin par suite de l’idée que le « Souffle de Dieu », déjà érigé en hypostase divine, est un principe de fécondité 686. […] Au moins faut-il distinguer profondément les sociétés comme la nôtre, où tout se passe au plein jour de la réflexion, des sociétés naïves et crédules, où sont nées les croyances qui ont dominé les siècles.

167. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Mémoires touchant la vie et les écrits de Mme de Sévigné, par M. le baron Walckenaer. (4 vol.) » pp. 49-62

Vous paraissez née pour les plaisirs, lui disait Mme de La Fayette, et il semble qu’ils soient faits pour vous. […] La marquise de Courcelles, née Sidonia de Lenoncourt, d’une illustre famille de Lorraine, orpheline de bonne heure, fut élevée chez une tante abbesse, dans un couvent d’Orléans, et tirée de là à l’âge de moins de quatorze ans, par ordre de Louis XIV, pour être mariée comme riche héritière à Maulévrier, un des frères de Colbert. […] La jeune Sidonia était née un peu tard ou un peu tôt. Elle aurait dû naître à temps pour être de la Fronde ; elle y aurait pris place régulièrement après Mme de Chevreuse, Mme de Longueville et la Palatine, à côté de Mmes de Montbazon, de Châtillon et de Lesdiguières. Elle aurait pu naître un peu plus tard et être tout simplement Manon Lescaut.

168. (1824) Ébauches d’une poétique dramatique « De la tragédie chez les Anciens. » pp. 2-20

Les Grecs venant à se polir, transportèrent dans leurs villes une fête née du loisir de la campagne. […] La nature va ordinairement de l’un à l’autre dans les arts, ainsi que dans ses productions ; et il arrive presque toujours que l’idée nouvelle qui survient, a quelque rapport avec celle qui l’a fait naître. […] Heureuse erreur dont l’effet est d’autant plus certain, que le remède naît du mal même qu’on chérit ! […] Telle est la règle du bon sens que la réflexion fit naître à Eschyle, et plus nettement à ses successeurs, en considérant qu’une action représentée doit essentiellement ressembler à l’action réelle dont elle est l’image ; car, sans cela, il n’y a plus d’imitation, plus d’erreur, plus de vraisemblance et par conséquent plus d’enchantement. […] C’est donc un effort d’esprit considérable dans Eschyle, d’avoir le premier aperçu cette différence de l’épique et du tragique, en faisant naître l’un de l’autre avec tant d’art que le disciple en ceci l’emporte sur le maître.

169. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre VIII. »

De même que, sous le beau climat de l’Ionie et de la Grèce orientale, le spectacle éblouissant de la terre et des cieux suscitait des hymnes de louanges, et, en quelque sorte, une apothéose de la nature, ainsi l’étude réfléchie de ses merveilles, la recherche de leurs causes, l’interprétation de leurs symboles, firent naître un autre enthousiasme, qui prit bientôt le même langage. […] à Samos, voyageur en Orient et législateur de villes grecques en Italie, sa science des nombres, sa théorie morale de la musique, et la part qu’il lui donnait dans l’ordre même du monde céleste, attestent dès l’origine quelle influence l’imagination devait prendre sur la civilisation des Grecs. […] Nommons d’abord, à ce titre, un philosophe dans les lieux qu’habita souvent Pindare, et mêlé dans sa jeunesse aux fêtes que le poëte avait illustrées. Empédocle, en effet, dans Agrigente, avait, nous apprend Aristote, rem porté le prix de la course équestre dans les jeux de la soixante-onzième olympiade. […] Il est malaisé d’ailleurs de découvrir si le premier homme levé du sol fut Alcomène, chez les Béotiens, au-dessus des eaux du Céphise, ou si ce furent les Curètes d’Ida, race divine, ou les Corybantes de Phrygie, que le soleil vit alors éclore les premiers, enfantés par la tige des arbres, ou si l’Arcadie donna naissance à Pélasge, plus ancien que la Lune, ou Éleusis à son premier habitant Diaulos, ou si Lemnos, féconde en beaux enfants, mit au monde le Cabire des mystères ineffables, ou si Pallène fit naître Alcione de Phlégra, l’aîné des superbes géants.

170. (1911) Nos directions

Ainsi naissent, ainsi vivent, se survivent des formes qu’il faut périodiquement anéantir. […] Le Parnasse naissait : il n’y eut pas de théâtre parnassien. […] Adonis naît d’Adonaï, Hadrien de Dioclétien, et d’Hadrien, Antinoüs ! […] L’élégiaque — se voulut poète tragique — malgré sa voix. […] Elle naît, au fond de l’âme du poète, d’un mouvement secret, l’émotion.

171. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — R — Rambert, Eugène (1830-1886) »

Édouard Grenier Toute sa poésie n’est qu’un hymne, un chant d’amour pour la Suisse… Fils d’un simple vigneron des environs de Clarens, il se fait gloire de son humble origine : Je suis paysan et je le resterai. […] Il est le représentant, comme Frédéric Bataille chez nous, de ces natures naïves et fortes, nées parmi les pasteurs et les villageois, qui s’élèvent peu à peu par le travail et la méditation jusqu’aux plus hautes régions de la pensée, et à qui la poésie ouvre son domaine enchanté, trop souvent fermé aux heureux de ce monde… [La Revue bleue (17 août 1895).]

172. (1874) Portraits contemporains : littérateurs, peintres, sculpteurs, artistes dramatiques

Diverses notices me font naître à Tarbes, le 31 août 1808. […] Nichault de Lavalette, est née à Paris, et, en effet, c’était là qu’elle devait naître, car personne ne fut plus parisienne : esprit parisien, grâce parisienne, élégance parisienne, tout en elle portait le cachet de Paris. […] Les hommes nés avec ce siècle ou un peu avant ont été le public immédiat de Béranger. […] Des teints qu’on trouve distingués eussent en ce temps-là fait naître l’idée de maladie. […] Le public comprit tout de suite qu’un grand peintre était .

173. (1857) Cours familier de littérature. IV « XXIe Entretien. Le 16 juillet 1857, ou œuvres et caractère de Béranger » pp. 161-252

Ceux mêmes parmi les hommes de génie qui sont nés dans ces régions du travail manuel se hâtent de monter aux régions du loisir plus calme et de la pensée plus vaste, pour écrire. […] Il dit, dans deux de ses chansons, qu’il est en pleine roture ; il y parle cinq ou six fois de son grand-père le pauvre tailleur d’habits de la rue Montorgueil ; il prend pour armoiries les ciseaux et l’aiguille de cet honnête artisan de Paris. […] Son talent futur ne naissait donc nullement d’une enfance illettrée et mercenaire ; ce talent naissait d’une famille déchue, mais qui se respectait elle-même dans son passé ; il naissait des soins d’une tante qui rêvait pour son pupille une restauration du nom de la famille ; enfin il naissait d’une première profession essentiellement lettrée, et qui, ayant fait naître un Franklin dans un autre monde, pouvait bien faire éclore un Béranger dans celui-ci. […] C’est possible ; mais cela ne serait pas une raison d’impuissance dans un homme pour penser par lui-même et pour écrire dans la langue usuelle de son pays. […] Je suis dans ces bois, j’y passai ma jeunesse ; Une épouse et deux fils embellissent ma fin.

174. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 13, qu’il est probable que les causes physiques ont aussi leur part aux progrès surprenans des arts et des lettres » pp. 145-236

Ne sçauroit-on croire donc qu’il est des temps où dans le même païs, les hommes naissent avec plus d’esprit que dans les temps ordinaires ? […] Les arts naissent d’eux-mêmes sous les climats qui leur sont propres. […] La nature capricieuse, à ce qu’il semble, n’y fait naître ces grands artisans que lorsqu’il lui plaît. […] que les arts parviennent à leur élevation par un progrès subit, et que les effets des causes morales ne les sçauroient soûtenir sur le point de perfection où ils semblent s’être élevez par leurs propres forces. voilà ma premiere raison pour montrer que les hommes ne naissent pas avec autant de génie dans un païs que dans un autre, et que dans le même païs ils ne naissent pas avec autant de génie dans un temps que dans un autre temps. […] Tout le monde connoît le mérite de l’Arioste et du Tasse, qui du moins naquirent dans le même âge.

175. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — G — article » p. 396

GESSÉE ou JESSÉE, [Jean de la] Secrétaire du Duc d’Anjou, depuis Henri III, à Mauvaisin, dans la Gascogne, en 1551, mort vers 1593, Poëte aussi médiocre que fécond. […] GIBERT, [Jean-Pierre] Docteur en Théologie, à Aix en Provence en 1660, mort à Paris en 1736, Auteur peu connu des Littérateurs, mais très-estimé & très-consulté par les Jurisconsultes & les Théologiens.

176. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — O. — article » p. 429

ORIGNY, [Pierre-Adam d’] Chevalier de Saint Louis, à Reims en 1697. […] Il y a un autre Auteur du même nom, Conseiller en la Cour des Monnoies, aussi à Reims en 1736, dont nous connoissons quelques Poésies fugitives, qui supposent le talent d’exprimer de petites choses d’une maniere aussi facile qu’agréable, & un Dictionnaire des origines, qui donne une idée trop succincte des objets qui en font la matiere.

177. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — P. — article » pp. 495-496

PERRON, [Jacques Davi du] Cardinal, Archevêque de Sens, à Berne en 1556, mort à Paris en 1618. […] La Lecture des Peres de l’Eglise le détacha du Calvinisme dans lequel il étoit  ; & depuis, les Protestans n’eurent point d’adversaire plus redoutable.

178. (1854) Histoire de la littérature française. Tome I « Livre II — Chapitre septième. »

L’homme se reconnaît dans les hommes d’autrefois ; il agrandit sa vie en la reculant par-delà le jour où il est , en la prolongeant par-delà les jours qu’il lui est donné de vivre. […] La curiosité commençait à s’apaiser, le goût naissait. […] parmi les grands spectacles de la nature alpestre, élevé en Italie, saint François de Sales avait la mémoire remplie de toutes ces images de la grandeur et de la bonté de la Providence. […] à Paris en 1541, mort le 16 novembre 1603. […] en Savoie en 1567, mort à Lyon en 1622.

179. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — R. — article » p. 89

Richer, [Adrien] à Avranches en 17.. […] Il ne faut pas confondre cet Auteur avec François Richer, son frere, Avocat au Parlement de Paris, à Avranches en 1718.

180. (1887) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (deuxième série). IX « M. Léon Aubineau. La Vie du bienheureux mendiant et pèlerin Benoît-Joseph Labre » pp. 361-375

dans ce temps de démocratie où les Saints du peuple devraient être au moins respectés par tous ceux qui n’ont la bouche ou la plume pleine que de ce nom de peuple, parions que Benoit Labre, d’ouvriers (ces rois actuels qui ont détrôné les autres), fera rire le siècle de toutes ses vilaines dents, et que ce nom même de Labre, d’assez piètre physionomie, j’en conviens ! […] Le sang allait venir… Mais, avant qu’il vint, il naquit, de deux pauvres gens, au fond d’une province, — précisément celle-là qui nous a donné plus tard cet athée tremblotant de Sainte-Beuve, qui fait l’effet d’un magot d’athéisme après les grands athées intrépides et impudents du xviiie  siècle. […] Il était , ce Benoît Labre, dans l’obscurité la plus profonde, et il allait y vivre jusqu’au jour où l’Église l’en tirerait. […] Vous ne vous répondrez peut-être pas, mais vous aurez constaté le phénomène dans cette humanité qui doit mourir, mais qui, en attendant qu’elle meure, goûte un charme amer dans le spectacle de sa misère, et trouve dans la contemplation d’un vieux pauvre ou d’une vieille pauvresse la plus longue de ses rêveries… Cette fascination de la pauvreté qui agit sur nous tous, pas de doute que Benoît Labre ne l’ait ressentie ; mais si vous ajoutez à cette poésie naturelle la poésie de l’amour de Dieu, du Dieu dans l’étable de Bethléem et qui a enseigné le renoncement aux joies matérielles de la vie, vous aurez une vie très particulière et très belle, et qui, même sans la foi chrétienne qui seule peut l’expliquer, doit couper le rire sur les lèvres superficielles et sottes des moqueurs.

181. (1906) Les œuvres et les hommes. Poésie et poètes. XXIII « Henri Cantel »

ce n’est pas qu’il soit une imagination sans richesse ni une sensibilité sans accent ; mais il appartient par des amitiés, plus élevées que la camaraderie, je le sais, à ce milieu d’esprits qui ne mettent entre eux que l’amour du beau dans l’indépendance, et ce n’est point avec cela qu’on trouve (tout de suite, du moins,) sa manière, quand on n’est pas avec elle. […] Or, cette influence, mortelle à toute personnalité qui voudrait naître, doit, s’il n’y prend garde, tuer la sienne dans sa fleur. […] Il est des êtres qui naissent coiffés ! […] Il s’amenuise et peint des pastels : Belle, vous deviez naître au temps de la Régence, ce bon temps, — dit-il, — qui ne reviendra pas !

182. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XXXI. Des oraisons funèbres de Bourdaloue, de La Rue et de Massillon. »

La Rue, moins célèbre que lui pour les discours de morale, mais avec un esprit plus souple et une âme plus sensible, réussit mieux dans le genre des éloges funèbres ; il était en même temps poète et orateur ; il avait, comme Fléchier, le mérite d’écrire en vers dans la langue d’Horace et de Virgile, mais il n’avait pas négligé pour cela la langue des Bossuet et des Corneille. […] « Il souffrait, dit l’orateur, du peu de succès de nos armes… Le siège de Mons ayant fait naître l’occasion d’une nouvelle bataille, il fut encore prêt à marcher. […] Le plus souvent il jette et abandonne ses idées sans s’en apercevoir, et l’expression naît d’elle-même. […] Enfin ce sont trop souvent des réflexions qui, au lieu de naître, et de forcer, pour ainsi dire, l’orateur, paraissent arrangées, que l’esprit fait de sang-froid, et que l’âme des lecteurs reçoit de même.

183. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — L — article » p. 61

LAMBERT, [Anne-Thérese de Marguenat de Courcelles, Marquise de] en 1647, mort à Paris en 1733 ; une des Femmes qui a fait le plus d’honneur, par son esprit & ses connoissances, à la Cour de Madame la Duchesse du Maine. […] Son Traité de l’Amitié fait sentir ce doux sentiment, le fait désirer, & prouve qu’elle avoit une ame propre à le faire naître.

184. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « M. Andrieux »

à Strasbourg en 1759, il fut toujours aussi pur et aussi attique de langue que s’il était à Reims, à Château-Thierry ou à deux pas de la Sainte-Chapelle. […] Andrieux, qui n’eut jamais rien de commun avec l’Allemagne que d’être dans la capitale alsacienne, et qui faisait fi de tout ce qui était germanique, avait moins de répugnance pour la littérature anglaise, et il la posséda, comme avait fait Suard, par le côté d’Addison, de Pope, de Goldsmith, et des moralistes ou poëtes du siècle de la reine Anne.

185. (1895) Histoire de la littérature française « Première partie. Le Moyen âge — Introduction. Origines de la littérature française — 3. Causes générales de diversité littéraire. »

Quand naît la littérature française, la société déjà n’est plus homogène : une première séparation y a créé deux mondes distincts, celui des clercs et celui des laïcs. […] Cet esprit français dont j’ai essayé de marquer les principaux traits, est comme la patrie, comme la langue, entre Loire et Meuse, dans ce que Michelet appelle les « plaines décolorées du centre6 » : presque aucune particularité n’en modifie la définition générale dans cet ancien duché de France, qui en donne comme l’exacte moyenne, dans ce Paris surtout, qui, comme la première des bonnes villes, doit à ses marchands, ses étudiants, et, bientôt ses gens de palais, de paraître la propre et naturelle patrie de l’esprit bourgeois. […] La décadence des principes qui avaient fait la force et la grandeur de l’âme féodale, les victoires de l’intérêt sur l’honneur, de la ruse sur la force, de la sagesse pratique sur la folie idéaliste, l’infiltration de la science cléricale dans le monde laïque, moins sévèrement enfermé dans l’abstraction, moins étroitement contenu par l’orthodoxie théologique, l’essor du bon sens bourgeois et de la logique disputeuse, l’éveil de la curiosité, de la critique, du doute, et la diffusion d’un esprit grossièrement négatif et matérialiste, tout cela, dans ce xive et ce XVc siècle qui sont moins le moyen âge que la décomposition du moyen âge, fait naître et fleurir toute sorte de genres, narratifs, didactiques, satiriques, prose ou vers, contes, farces, allégories.

186. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Les trois siecles de la litterature françoise. — B — article » p. 325

Boivin, [Jean] Professeur Royal en Langue Grecque, Garde de la Bibliotheque du Roi, à Montreuil d’Argilé, mort à Paris en 1726, âgé de 64 ans. […] Bologne, [Pierre de] Secrétaire du Roi, des Académies d’Angers, de la Rochelle, de Marseille, & de celle de Bologne, à la Martinique en 1706.

187. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — C — article » pp. 85-86

CUJAS, [Jacques] Professeur en Droit, à Toulouse en 1520, mort à Bourges en 1590, peut être regardé comme le Restaurateur de la Jurisprudence parmi nous. […] Outre cela, Cujas avoit une trempe d’ame qui le rendoit encore plus estimable que ses talens ; non seulement il aidoit de ses lumieres ses Ecoliers, il soutenoit de plus, par ses dons, l’émulation de ceux qui, nés avec de l’esprit, trouvoient, dans leur peu de fortune, des obstacles à la perfection de leurs études ; générosité qui le fit nommer le Pere des Etudians.

188. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — N. — article » pp. 423-424

NOUGARET, [Pierre-Jean-Baptiste] à la Rochelle en 1742. […] Rien de si ordinaire aujourd’hui, que de voir des Auteurs nés avec des talens, les égarer par un essor trop prompt, ou les affoiblir par la diversité des matieres qu’ils embrassent.

189. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — P. — article » p. 464

PASSERAT, [Jean] Professeur d’Eloquence au Collége Royal, à Paris, à Troies en Champagne, en 1534, mort à Paris en 1602. […] Son zele ne contribua pas peu à en faire naître le goût parmi ses Contemporains, qui venoient de toute part l’entendre expliquer les Auteurs Grecs & Latins.

190. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — V. — article » pp. 402-403

Vallier, [François-Charles] Comte du Saussay, ancien Colonel d'Infanterie, des Académies d'Amiens & de Nanci, à Paris, mort en 1778. […] Pour vivre indépendans croyez-vous être nés ?

191. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — T — Truffier, Jules (1856-1943 ; acteur) »

Alphonse Lemerre Jules Truffier est à Paris, le 25 février 1856 ; le poète Léon Valade nous apprend en quel endroit : Si tu n’es pas bourré de prose Et de raison comme un greffier, Tête d’un rayon bleu férue, C’est pour être dans la rue De la Lune, ô pâle Truffier !

192. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Les trois siecles de la litterature françoise. — B — article » pp. 232-233

Baudouri, [Joseph] Jésuite, à Vannes en 1710, mort à Paris en 1749. […] Baudot de Juilli, [Nicolas] à Vendôme en 1678, mort en 1759.

193. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Les trois siecles de la litterature françoise. — B — article » pp. 396-397

Brun de Granville, [Jean-Etienne le] à Paris, mort en 1765, âgé de 27 ans. […] La plaisanterie doit naître de la critique, mais la critique ne doit jamais paroître faite dans l’intention d’amener la plaisanterie.

194. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — H — article » p. 478

HABERT, [Philippe] Commissaire d’Artillerie, un des premiers qui furent reçus à l’Académie Françoise, à Paris en 1603, mort en 1637, d’une autre famille que les précédens. […] On sera étonné du début de son Poëme, sur-tout si on se rappelle que Despréaux & Racine n’étoient pas nés quand il parut.

195. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — H — article » pp. 479-480

HALDE, [Jean-Baptiste du] Jésuite, à Paris en 1674, mort dans la même ville en 1743. […] HALLÉ, [Pierre] Professeur en Droit Canonique dans l’Université de Paris, à Bayeux en 1611, mort à Paris en 1689, mérite d’être plus connu des Jurisconsultes que des Littérateurs.

196. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — S. — article » pp. 228-229

de la Curne de] de l’Académie Françoise, de celle des Inscriptions, de Nancy, de Dijon, &c. à Auxerre en 1697, mort à Paris en 1781. […] Cet Ouvrage semble avoir fait naître à M.

197. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « MME DESBORDES-VALMORE. » pp. 124-157

Marceline Desbordes est née à Douai le 20 juin 1786, trois ans avant cette révolution qui, par contre-coup, allait ruiner son humble famille. […] La jeune enfant est née et a vécu sous cette perpétuelle invocation. […] Elle naquit la dernière, et toute blonde : la famille en eut une grande joie, car on retrouvait en elle la couleur de sa mère. […] Bertin et Parny se souviennent trop peu, dans leurs vers, de l’île et de la nature où ils sont nés ; ils en ont pourtant gardé quelque flamme. Le poëte Léonard est à cette Guadeloupe où la jeune Marceline va tenter la destinée.

198. (1863) Cours familier de littérature. XVI « XCIe entretien. Vie du Tasse (1re partie) » pp. 5-63

C’est d’un sépulcre en effet que naquit en nous ce premier culte de mon imagination et de mon cœur pour le chantre de à Jérusalem délivrée. […] Une famille n’arrive pas à la gloire du premier coup ; il y a croissance dans la famille comme dans l’individu ; la nature procède par développement successif et non par explosions soudaines ; un génie qui se croit de lui-même est du temps ; ce phénomène se remarque également dans le Tasse. […] Le père du poète s’appelait Bernardo Tasso, il était en 1493 ; orphelin de bonne heure, et sans fortune, il fut élevé par un de ses oncles, évêque de Ricannoti. […] C’est là que naquit, en effet, Torquato Tasso ; peut-on s’étonner qu’un enfant d’un tel père et d’une telle mère, et élevé dans un tel séjour, au sein d’une telle félicité et d’une telle poésie, soit devenu le poète le plus tendre et le plus mélodieux de son siècle ? […] C’est une grande infortune, Madame, de perdre ses richesses, mais la pire est de se dégrader du rang où la nature nous fit naître.

199. (1880) Les deux masques. Première série. I, Les antiques. Eschyle : tragédie-comédie. « Chapitre XVII, l’Orestie. — les Euménides. »

Ces nouveaux venus qu’elles ont vus naître et croître, les voilà qui insultent leurs doyennes dans la vie divine. — « Jeune dieu ! […] De cette blancheur céleste était née l’image d’une jeune fille froide et sereine, candide et splendide : son nom de Pallas signifie cela. […] C’est de la crainte que naît la sagesse. […] Elle est née sevrée de ce lait du cœur. […] De cette alliance entre la vengeance et la loi, naîtra la Justice.

200. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « CHRISTEL » pp. 515-533

Sa fille, née en Suisse, dans le frais Appenzel, avait plus tard doré son enfance au soleil d’Espagne. […] Ces traces légères remirent Christel aux regrets de la vie élevée et choisie pour laquelle elle était née. […] Ne dites pas qu’il ne naît qu’une seule fois pour un même objet dans un même cœur, car j’en sais qui se renflamment comme de leur cendre et qui ont eu deux saisons. Ne dites pas qu’il naît ou ne naît pas tout d’abord décidément d’un seul regard, et que l’amitié une fois liée s’y oppose ; car un poëte qui savait aussi la tendresse a dit : Ah ! […] Mais de tous ces amours le plus parfait pourtant et le plus simple, à les bien comparer, sera toujours celui qui est le plus sans cause.

201. (1829) De la poésie de style pp. 324-338

Celles-ci ne sont pas froides et inanimées ; elles sont générales sans être abstraites ; leur expression est souvent véhémente et passionnée ; on y sent pour ainsi dire le romancier : elles ont conservé quelque chose du sol où elles sont nées. […] * * * Les fautes et les hérissons naissent sans dards ; mais nous ne ressentons ensuite que trop vivement leurs blessures. […] L’oreille, l’œil, trouvent leur plaisir dans le rapport harmonique de deux sons ou de deux couleurs ; mais ici c’est pour ainsi dire le plus haut degré de consonance que l’âme puisse percevoir, car en même temps toutes ses puissances sont en jeu : l’imagination, les sens sont séduits, satisfaits par un des termes de la comparaison ; la raison spéculative ou le sens du beau moral, par l’autre ; et ce double plaisir est encore surpassé par celui qui naît simultanément du rapport entre les deux termes, c’est-à-dire de la similitude même. […] L’abstraction disparaîtra de la poésie de ce peuple, et le mystère y naîtra. […] Et, comme s’il y avait synchronisme pour la propagation des procédés de l’art dans le Monde Européen, ainsi que pour tout le reste, on voit à la fois ce style naître et se développer en France, en Angleterre, en Allemagne, et toujours sous la plume d’écrivains amoureux de la nature et profondément méditatifs.

202. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « M. de Féletz, et de la critique littéraire sous l’Empire. » pp. 371-391

Geoffroy, en 1743, était de beaucoup leur aîné à tous. […] Il y a, pour la critique moderne des journaux, deux filiations, deux lignées distinctes : l’une honnête, scrupuleuse, impartiale, née de Bayle ; l’autre, née de Fréron. […] à Nancy, de race un peu allemande, mais comme un Allemand du temps de Wieland, il se lança de bonne heure dans la littérature, dans la poésie légère, dans le genre lyrique et les opéras. […] , celui-ci lui avait dit, en concluant d’un ton de maître : « Croyez-moi, c’est un conseil d’ami que je vous donne : renoncez aux dissertations, vous êtes pour les opéras. » Quand Hoffman fut entré, en 1807, au Journal de l’Empire, Geoffroy put voir s’il avait prédit juste. […] en Périgord, sorti d’une famille noble, après d’excellentes études à Sainte-Barbe, où il enseigna même, pendant quelques années, la philosophie et la théologie, il avait traversé la Révolution avec dignité, avec constance, subissant toutes les persécutions qui honoraient les victimes.

203. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Histoire du chancelier d’Aguesseau, par M. Boullée. (1848.) » pp. 407-427

Cette timidité et cette vacillation en politique n’est point rare chez de grands magistrats, qui ne retrouvent toute leur force et leur autorité que sur leur siège et sous les garanties extérieures qui laissent à leur jugement toute sa balance Mais les faiblesses mêmes d’un d’Aguesseau observent des principes et ont leurs limites ; elles naissent d’un fonds de scrupules, et elles méritent encore les respects. […] D’Aguesseau naquit en 1668 à Limoges, où son père était alors intendant, un père vénérable dont il nous a retracé la vie ; et il reçut de lui une éducation domestique forte et tendre, qui rencontra le naturel le plus docile et le plus heureux. […] Son talent, comme un fruit d’extrême automne, naquit tout mûr en quelque sorte, et n’eut à aucun moment cette verdeur première qui, en se corrigeant, relève plus tard la saveur et le parfum. […] En se servant de tous ces grands mots, la gravité magistrale du jeune homme ne se permet pas un sourire, c’est tout simple ; mais elle ne paraît pas non plus soupçonner le sourire qui pourrait bien naître au-dehors. […] Sa femme (née d’Ormesson), digne de lui, fit ce jour-là comme une Romaine, et, embrassant son mari au départ, elle l’exhorta à oublier qu’il avait femme et enfants, et à ne songer qu’à son honneur et à sa conscience.

204. (1868) Les philosophes classiques du XIXe siècle en France « Chapitre II : M. Royer-Collard »

Il était  en Champagne, dans une famille qui ajoutait à la sévérité des anciennes mœurs provinciales la rigidité du christianisme primitif. […] Lui-même, après une éducation toute religieuse, grave, studieux, muni de convictions fortes, éprouvé par la proscription, formé pour gouverner les hommes sans les contraindre, et préparé à la politique par la morale, il entrait dans les affaires publiques, lorsque l’anarchie du Directoire et le despotisme de l’Empire lui fermèrent la carrière pour laquelle il était et il était prêt. […] En fait de science comme en fait de conduite, aucun des dons naturels qui confèrent l’autorité ne lui manquait ; il était conquérant et dominateur des esprits. […] À l’occasion d’une sensation naît une idée représentative, ou, en d’autres termes, un simulacre que nous prenons pour l’objet, qui, comme l’objet, nous paraît extérieur et réel, dont la naissance coïncide avec la présence d’un objet réel et extérieur. […] Comment naissent ces trompeurs dont le mensonge est véridique ?

205. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XXVI. Des oraisons funèbres et des éloges dans les premiers temps de la littérature française, depuis François Ier jusqu’à la fin du règne de Henri IV. »

Il entrevit ces principes étouffés tour à tour par l’ignorance et par l’orgueil, qu’il n’y a ni législation, ni politique sans lumières ; que ceux qui éclairent l’humanité, sont les bienfaiteurs des rois comme des peuples ; que l’autorité de ceux qui commandent n’est jamais plus forte que lorsqu’elle est unie à l’autorité de ceux qui pensent ; que le défaut de lumière, en obscurcissant tout, a quelquefois rendu tous les droits douteux, et même les plus sacrés, ceux des souverains ; qu’un peuple ignorant devient nécessairement ou un peuple vil et sans ressort, destiné à être la proie du premier qui daignera le vaincre ; ou un peuple inquiet et d’une activité féroce ; que des esclaves qui servent un bandeau sur les yeux, en sont bien plus terribles, si leur main vient à s’armer, et frappe au hasard ; qu’enfin, tous les princes qui avant lui avaient obtenu l’estime de leur siècle et les regards de la postérité, depuis Alexandre jusqu’à Charlemagne, depuis Auguste jusqu’à Tamerlan, Tartare et fondateur d’une académie à Samarcande, tous dédaignant une gloire vile et distribuée par des esclaves ignorants, avaient voulu avoir pour témoins de leurs actions des hommes de génie, et relever partout la gloire du trône par celle des arts. […] Ce roi brave, mais d’une valeur moins éclatante que son père protecteur des lettres, mais sans cette espèce de passion qui tient de l’enthousiasme, et le fait naître chez les autres ; avide de gloire, mais incapable de cette hauteur de génie qui s’ouvre de nouvelles routes pour y parvenir ; gouverné par des favoris qui dirigeaient à leur gré sa faiblesse ou sa force, et poussé en même temps par l’esprit de sa nation et de son siècle, qu’il trouva créé et auquel il n’ajouta rien, n’eut ni dans l’esprit, ni dans l’âme, cette espèce de ressort qui fait la grandeur. […] La nature agitée et secouée, pour ainsi dire, dans tous les sens, déploie alors toute son énergie ; ses productions sont extraordinaires, elle fait naître en foule des monstres et des grands hommes. […] Et qui, en voyant sur presque toute l’étendue de la terre, les hommes si malheureux, tant de fléaux de la nature, tant de fléaux nés des passions et du choc des intérêts, le genre humain écrasé et tremblant, éternellement froissé entre les malheurs nécessaires, et les malheurs que l’indulgence et la bonté auraient pu prévenir, peut se défendre d’un attendrissement involontaire, lorsqu’il voit s’élever un prince qui n’a d’autre passion et d’autre idée, que celle de rétablir le bonheur et la paix ? […] Enfin, on écrivit son histoire, et l’on ne manqua point d’observer qu’il était le même jour que François Ier perdit la bataille de Pavie, comme si apparemment la nature eût voulu consoler la France.

206. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Les trois siecles de la litterature françoise. — B — article » pp. 339-340

Boudier de la Jousseliniere, [René] à Alençon en Normandie en 1634, mort à Mantes en 1723. […] Boudier de Villemert, [Pierre-Joseph] Avocat au Parlement, neveu du précédent, en 1716.

207. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — H — article » pp. 476-477

HABERT, [François] à Issoudun en Berri, Poëte qui vivoit sous François I & sous Henri II. […] De ce dernier naquit Isaac Habert, mort Evêque de Vabres en 1688.

208. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — P. — article » pp. 511-512

PEYREILHE, [Bernard] Docteur en Médecine, Professeur Royal de Chimie au Collége de Chirurgie de Paris, de l’Académie de Chirurgie, & de celle de Toulouse & de Montpellier, à Pompignan, dans le Languedoc, en 173.. […] « Marquer tous les pas de l’Art de guérir, soit qu’ils l’approchent, soit qu’ils l’éloignent de la perfection ; annoncer en quel temps & par qui il fut accéléré ou retardé dans sa marche ; présenter les découvertes vraiment originales, les vûes propres de chaque Inventeur ; disposer les inventions dans l’ordre de leur naissance ; indiquer où elles se trouvent, afin d’épargner au Lecteur qui sait qu’elle existe ; la peine de les chercher, & à celui qui l’ignore, celle de les inventer ; montrer comment une découverte a produit d’autres découvertes ; rapporter les inventions de tout genre à leurs véritables Auteurs ; déterminer le temps, le lieu, & les circonstances qui ont vu naître ces Auteurs, & recueillir les fruits les plus frappans de leur vie ; faire connoître le rang que la Chirurgie a tenu dans tous les temps parmi les autres Arts, le degré d’estime accordé à ceux qui l’ont professée, & le mérite personnel de ses promoteurs » : telle est la tâche étendue & pénible que M.

209. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — S. — article » pp. 290-291

Sirmond, [Jacques] Jésuite, Confesseur de Louis XIII, à Riom en Auvergne, en 1559, mort à Paris, âgé de 93 ans, est peut-être celui de tous ses Confreres qui a rendu les plus grands services à l'Histoire de l'Eglise, par les profonds Ouvrages dont il l'a enrichie. Débrouiller la Chronologie, faire revivre plusieurs Auteurs ignorés, commenter des Ouvrages obscurs, les rendre intelligibles, faire naître, pour ainsi dire, l'ordre & la lumiere du sein du chaos ; voilà l'idée qu'on doit se former des travaux de cet Ecrivain, plein, d'ailleurs, d'exactitude & de pureté dans le style.

210. (1892) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Cinquième série « Les derniers rois »

sensible, j’abolis dans mon empire l’esclavage, qui est une des hontes du genre humain. […] … Et cependant l’ennui et l’inquiétude, et les passions désordonnées qui naissent de ce malaise de l’âme, envahissent les maisons royales. […] et cette vision, que tout ici devait obscurcir (car il n’est pas encore arrivé qu’on naquît impunément d’un sang impérial), quelle force d’esprit elle suppose, ou quel incomparable désenchantement !

211. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 18, que nos voisins disent que nos poëtes mettent trop d’amour dans leurs tragedies » pp. 132-142

Quand on veut faire joüer un rolle important à l’amour, il faut du moins qu’il soit depuis un tems, qu’il ait eu le loisir de s’enraciner dans un coeur, et même qu’il ait eu de l’esperance. […] On croiroit que l’amour fut une passion gaie à oüir les gentillesses que ces galands disent aux personnes qu’ils aiment ; ils ornent leurs discours enjouez de ces traits ingenieux, de ces métaphores brillantes, enfin de toutes les expressions fleuries qui ne sçauroient naître que dans une imagination libre. […] De là sont nées les extravagances de tant d’amans dont la plûpart n’étoient point amoureux ; les uns se sont fait assommer en écrivant le nom des belles qu’ils pensoient aimer sur les murailles des villes assiegées ; d’autres sont allez de vie à trepas pour avoir voulu rompre dans les portes d’une ville ennemie leur lance enrichie des livrées d’une maîtresse qu’ils n’aimoient point, ou qu’ils n’aimoient gueres.

212. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre II. Quelques traditions sur Pindare. »

cent soixante-quatre ans avant la naissance d’Alexandre, il appartenait à l’âge le plus florissant de la Grèce, aux commencements de cette époque, sans égale pour la durée comme pour la grandeur, qui va du génie d’Eschyle et de Sophocle au génie d’Aristote. […] Dans la réalité, Pindare, d’un père dont le nom est rapporté diversement, Daïphante ou Scopelinos, fut dès l’enfance formé par lui à l’art de la musique, et plus tard élève de Lasos d’Hermione, le plus renommé de son temps pour la lyre et le chant. […] Le jeune homme, averti, commence un nouveau chant sur ce ton : Vais-je chanter Ismène, ou Mélias aux fuseaux d’or, ou Cadmus, ou la race sacrée des hommes nés des dents de serpents, ou la force toute-puissante d’Hercule, ou… » Comme il récitait ce début à Corinne : « Il faut semer par pincées », dit-elle avec un sourire, et non renverser tout le sac27. » C’était bien juger ce luxe de souvenirs mythologiques et d’épithètes sonores, dont le génie de Pindare ne s’est pas toujours assez défendu.

213. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Les trois siecles de la litterature françoise. — B — article » pp. 322-323

Boissi, [Louis de] de l’Académie Françoise, à Vic en Auvergne en 1694, mort à Paris en 1758 ; Poëte comique, dont un grand nombre de Pieces sont restées au Théatre. […] Il a donné dans sa jeunesse une Histoire de la Vie de Simonide & de son Siecle, Ouvrage plein d’érudition & de discernement, propre à faire naître quelques espérances, mais qui n’a été suivi d’aucun autre, du moins nous n’en avons pas connoissance.

214. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — F. — article » pp. 311-312

FONCEMAGNE, [Etienne Laureault de] de l’Académie Françoise & de celle des Inscriptions, à Orléans, mort à Paris en 1779. […] de la] de l’Académie de Lyon, sa patrie, en 17..

215. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — P. — article » pp. 525-526

PLUCHE, [Antoine] Abbé, à Reims en 1688, mort en 1761. […] Pluche aura la gloire d’avoir contribué à faire naître, parmi nous, le goût de la Physique & de l’Histoire Naturelle ; ce qui suppose l’art de communiquer ses connoissances d’une maniere intéressante, & de les rendre, en quelque sorte, familieres à tous les esprits.

216. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — P. — article » pp. 530-531

POLIGNAC, [Melchior de] Cardinal, de l’Académie Françoise, au Puy-en-Velay en 1661, mort à Paris en 1741. […] Quoique ce Poëme ait été écrit en Latin presque sous nos yeux, la tournure & le génie de la Langue Latine y sont si bien conservés, qu’on seroit tenté de croire que l’Auteur est au Siecle de l’Adversaire qu’il combat.

217. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre troisième. Découverte du véritable Homère — Chapitre II. De la patrie d’Homère » pp. 258-259

L’auteur de l’Odyssée naquit sans doute dans les parties occidentales de la Grèce, en tirant vers le midi. […] L’Homère de l’Odyssée qui avait une telle idée de l’Eubée, ne fut pas sans doute le même que celui de l’Iliade, car l’Eubée n’est pas très éloignée de Troie et de l’Asie Mineure, où naquit sans doute le dernier.

218. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Première partie. De la littérature chez les anciens et chez les modernes — Chapitre XX. Du dix-huitième siècle, jusqu’en 1789 » pp. 389-405

Des ouvrages d’une plus haute conception ont marqué sa place : des milliers de pensées sont nées de sa pensée. […] Il n’a rien découvert, mais il a tout enflammé ; et le sentiment de l’égalité, qui produit bien plus d’orages que l’amour de la liberté, et qui fait naître des questions d’un tout autre ordre et des événements d’une plus terrible nature, le sentiment de l’égalité, dans sa grandeur comme dans sa petitesse, se peint à chaque ligne des écrits de Rousseau, et s’empare de l’homme tout entier par les vertus comme par les vices de sa nature. […] Toutes les récompenses de la monarchie, toutes les distinctions qu’elle peut offrir, ne donneront jamais une impulsion égale à celle que fait naître l’espoir d’être utile. […] S’il plaide pour la victime devant l’assassin, pour la liberté devant les oppresseurs ; si les infortunés qu’il défend écoutent en tremblant le son de sa voix, pâlissent lorsqu’il hésite, perdent tout espoir si l’expression triomphante échappe à son esprit convaincu ; si les destinées de la patrie elle-même lui sont confiées, il doit essayer d’arracher les caractères égoïstes à leurs intérêts, à leurs terreurs, de faire naître dans ses auditeurs ce mouvement du sang, cette ivresse de la vertu qu’une certaine hauteur d’éloquence peut inspirer momentanément, même à des criminels.

219. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — F. — article » pp. 272-292

FÉNÉLON, [François de Salignac de la Motte] Archevêque de Cambrai, Précepteur des Enfans de France, de l’Académie Françoise, en Quercy en 1651, mort en 1715 ; homme qui seul peut-être a eu le privilége de réunir les plus beaux & les plus heureux dons du génie, aux sentimens de l’ame la plus élevée, la plus sensible & la plus vertueuse. […] Le don le plus utile que les Muses aient fait aux hommes, disoit l’Abbé Terrasson, c’est le Télémaque ; car si le bonheur du genre humain pouvoit naître d’un Poeme, il naîtroit de celui-là. […] Un tel dessein ne pouvoit naître que d’une ame sensible, & il falloit un génie supérieur pour le rendre aussi intéressant. […] Ce genre de triomphe, si glorieux pour sa mémoire, prouve que, si l’esprit peut s’égarer parce qu’il est faillible, la droiture des sentimens, l’élévation de l’ame, la générosité du cœur, sont des ressources puissantes pour contenir l’amour-propre, & faire naître la véritable gloire du sein même de ce que les hommes vulgaires seroient tentés de regarder comme une humiliation.

220. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XIX. Panégyriques ou éloges composés par l’empereur Julien. »

On voit que l’opinion qui a fait de l’ignorance, en Europe, un titre de noblesse, et a défendu aux hommes qui ont ou croient avoir un nom, de l’avilir par l’art de penser et d’écrire ; opinion introduite par les sauvages du nord qui ne savaient que détruire, consacrée par des seigneurs de châtellenies barbares, qui ne savaient qu’opprimer, combattre et chasser ; opinion bien digne en effet de ces deux époques, et qui, au bout de quatorze siècles, n’est pas encore éteinte, et subsiste même aujourd’hui beaucoup plus qu’on ne croit, n’était pas encore née sur la terre. […] «  avec du courage, il hait la guerre ; mais si ou le hasard ou les vices des hommes la font naître, il sait combattre. […] Il réprime les séditions, le luxe, l’intérêt avide, source des crimes ; ou il empêche tous ces maux de naître, ou il les étouffe dès leur berceau.

221. (1893) Des réputations littéraires. Essais de morale et d’histoire. Première série

J’estime qu’il peut y avoir des œuvres de critique qui durent, et des œuvres d’imagination qui ne sont pas nées viables. […] Mais Chénedollé, quels que fussent ses talents poétiques, n’était point génie. […] Qu’est-ce qu’être trop tard ? […] Mais les écrivains ainsi arriérés ne sont pas nés « trop tard » ; ils n’auraient pas dû naître du tout. […] Ce qui est rare, c’est la mise en œuvre, c’est le talent ; et ce qui est unique, c’est le bonheur de naître à propos.

222. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « M. de Sénancour — Note »

« Il ne faut pas dire : « Il n’y a pas eu d’hommes d’État dans tel pays, car s’il s’y en était trouvé, ils se seraient élevés comme Cromwell, lequel a prouvé, ainsi que d’autres, qu’il n’était pas nécessaire d’être sur le trône. » Cela n’était pas nécessaire pour lui, mais l’était pour d’autres qui, moins en état de s’élever comme lui, ou plus scrupuleux sur le choix des moyens, sont restés simples particuliers. Si cependant ceux-ci et Cromwell fussent également nés puissants, ceux-ci eussent peut-être mieux gouverné que ce politique hardi et rusé. Cromwell, sur le trône en temps de paix, n’eût été qu’un prince assez peu remarquable, et Marc-Aurèle, dans l’obscurité, y fût resté. […] « Je sais bien toutefois que, si je n’ai pu faire mieux dans les circonstances où je me suis trouvé, j’ai manqué de l’art d’en faire naître de plus fécondes.

223. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « GLANES, PÖESIES PAR MADEMOISELLE LOUISE BERTIN. » pp. 307-327

Ce volume est aux Roches, c’est-à-dire en un lieu riant et champêtre qui a eu son influence sur l’école poétique moderne, et dans lequel cette école à son tour a trouvé des échos aussi : redituraque Rupibus Echo. […] Comme il arrive aisément dans les lieux qui plaisent, on eut le chemin plutôt que le but ; et, au lieu de la critique qu’on cherchait d’abord, la poésie naquit. Elle était née déjà dans plus d’un cœur, dans plus d’un talent qui la cultivait de ce côté en silence. […] Oui, quoique beaucoup de ces pièces nous arrivent datées depuis 1840, on en peut dire, comme de certaines poésies lentes à s’écrire, qu’elles sont d’une rédaction postérieure au sentiment primitif d’où elles sont nées. […] Qu’il vienne donc, qu’il soit déjà, celui de qui dépendent nos prochaines destinées !

224. (1796) De l’influence des passions sur le bonheur des individus et des nations « Section première. Des passions. — Chapitre VII. De l’esprit de parti. »

L’esprit de parti unit les hommes entre eux par l’intérêt d’une haine commune, mais non par l’estime ou l’attrait du cœur ; il anéantit les affections qui existent dans l’âme, pour y substituer des liens formés seulement par les rapports d’opinion : l’on sait moins de gré à un homme de ce qu’il fait pour vous que pour votre cause ; vous avoir sauvé la vie est un mérite beaucoup moins grand à vos yeux que de penser comme vous ; et, par un code singulier, l’on n’établit les relations d’attachement et de reconnaissance qu’entre les personnes du même avis : la limite de son opinion est aussi celle de ses devoirs ; et si l’on reçoit, dans quelques circonstances, des secours d’un homme qui suit un parti contraire au sien, il semble que la confraternité humaine n’existe plus avec lui, et que le service qu’il vous a rendu est un hasard qu’on doit totalement séparer de celui qui l’a fait naître. […] L’esprit de parti est exempt de craintes, non pas seulement par l’exaltation de courage qu’il peut inspirer, mais par la sécurité qu’il fait naître : les Jacobins et les Aristocrates, depuis le commencement de la révolution, n’ont pas un instant désespéré du triomphe de leur opinion, et au milieu des revers qui ont frappé si constamment les Aristocrates, il y avait quelque chose de béat dans la certitude avec laquelle ils débitaient des nouvelles, que la foi la plus superstitieuse aurait à peine adoptées. […] Jamais il n’existe un esprit de parti, sans qu’il en fasse naître un autre qui lui soit opposé, et le combat ne finit que par le triomphe de l’opinion intermédiaire. […] Je le répète, en examinant tous les effets du fanatisme, on acquiert la démonstration, que c’est le seul sentiment qui puisse réunir ensemble des actions coupables et une âme honnête ; de ce contraste doit naître le plus effroyable supplice dont l’imagination puisse se faire l’idée : les malheurs qui sont causés par le caractère, ont leur remède en lui-même ; il y a, jusques dans l’homme profondément criminel, une sorte d’accord qui seul peut faire qu’il existe, et reste lui-même ; les sentiments qui l’ont conduit au crime lui en dérobent l’horreur ; il supporte le mépris par le même mouvement qui l’a porté à le mériter. […] … C’est d’une telle supposition que les anciens ont tiré les plus terribles effets de leurs tragédies : ils attribuent à la fatalité les actions coupables d’une âme vertueuse ; cette invention poétique, qui fait du rôle d’Oreste le plus déchirant de tous les spectacles, l’esprit de parti peut la réaliser ; la main de fer du destin n’est pas plus puissante que cet asservissement à l’empire d’une seule idée, que le délire que toute pensée unique fait naître dans la tête de celui qui s’y abandonne ; c’est la fatalité, pour ces temps-ci, que l’esprit de parti, et peu d’hommes sont assez forts pour lui échapper.

225. (1894) Propos de littérature « Chapitre III » pp. 50-68

Non pas qu’il recherche savamment l’équilibre des plans lumineux pour créer ainsi de lointaines et aériennes perspectives ; mais par le sentiment d’un coloris clair et sain, en ses récits comme à la surface des eaux, la brise passe d’un vol libre ; ils fleurent les parfums des prairies, respirent de l’aurore à l’égal du jour souple des bois et de strophe en strophe s’étendent et s’éjouissent de vivre ainsi qu’un paysage caressé par une bruine de soleil. […] J’aimerais aussi le rapprocher, à ce point de vue, de tel peintre de la Renaissance, comme Ghirlandajo qui fit naître sous son pinceau des femmes grandes et pures. […] * *   * En peinture, en sculpture plus encore, il faut admettre que la tranquille stature est supérieure au geste impliquant une action momentanée puisque, par leur nature même, les œuvres nées de ces arts se développent exclusivement dans l’Espace. […] Mais ce n’est pas à dire que les gestes ne puissent développer naturellement de la noblesse : dans un ensemble ordonné de mouvements la noblesse naît de cette harmonie même et s’applique à l’ensemble comme l’élégance à ses détails. […] La monotonie de maintes strophes immobiles est moins frappante dans ce milieu grandiose, tandis que la haute futaie, encadrant avec harmonie la noblesse des images humaines, fait naître en déesse propice une atmosphère de rêverie qui les caresse de son souffle.

226. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — F. — article » pp. 256-257

FAGAN, [Christophe-Barthelemi] à Paris en 1702, mort en 1755. […] Fagan étoit avec du talent pour la Comédie ; mais les chagrins qui le dévoroient ne lui permettoient pas de donner à ses Ouvrages la perfection dont ils étoient susceptibles.

227. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — G — article » pp. 437-439

GRAND, [Joachim le] Abbé, à S. […] Il y a aujourd’hui un Auteur du même nom, à Montpellier, qui s’est également exercé dans l’Art de la Comédie, mais qui n’a eu aucune espece de succès, & qui n’annonce aucun talent.

228. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — J. — article » pp. 517-518

JARDIN, [Benigne du] ancien Maître des Requêtes, à Paris en 17.. […] « , dit-il, avec un esprit vif, élevé, entreprenant, une conception facile, une mémoire sûre, un génie subtil & délié, beaucoup de facilité à s’exprimer, un cœur faux & dissimulé, une ambition sans bornes, il se donna tout entier à l’étude, en sorte qu’il devint bon Grammairien, meilleur Rhétoricien, excellent Humaniste.

229. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — P. — article » pp. 437-438

PALAPRAT, [Jean] Secrétaire des Commandemens de M. de Vendôme, de l’Académie des Jeux Floraux, à Toulouse en 1650, mort à Paris en 1721. […] Quant à ses petites Poésies, elles annoncent, comme ses Comédies, l’Homme d’esprit, sur les bords de la Garonne, mais jamais l’Homme de génie, élevé sur les bords de l’Hipocrene.

230. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre second. De la sagesse poétique — Chapitre IX. De l’astronomie poétique » pp. 233-234

L’astronomie naquit chez les Chaldéens. […] Ces principes établis, nous dirons que chez toutes les nations païennes, de l’Orient, de l’Égypte, de la Grèce et du Latium, l’astronomie naquit uniformément d’une croyance vulgaire ; les planètes paraissant beaucoup plus grandes que les étoiles fixes, les dieux montèrent dans les planètes, et les héros furent attachés aux constellations.

231. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Béranger — Béranger en 1832 »

Pierre-Jean de Béranger, comme sa chanson du Tailleur et de la Fée nous l’apprend, est à Paris, en l’an 1780 (19 août), chez un tailleur, son pauvre et vieux grand-père du côté maternel. […] Victor Hugo respecta cette contemplation silencieuse et se contenta d’interpréter de loin tous les rapprochements qui devaient naître, dans cette âme orageuse de René, entre la vanité des grandeurs parcourues et ces jeux d’enfants sur la poussière. […] Vaste en projets qui ne devaient pas naître. […] Tout était mûr ; les astres s’entendirent ; Des cieux brûlants quelques pleurs descendirent, Lente rosée,… et ta chanson naquit ! […] Naissaient aux flancs des taureaux immolés, Montaient dans l’air,… et la grappe enchantée Réjouissait le regard d’Aristée .

232. (1917) Les diverses familles spirituelles de la France « Chapitre x »

Le jeune Antoine Boisson, d’une famille de soldats, à Lure, dans une de ces petites villes de l’Est pleines de vertus militaires, quitte le lycée pour s’engager au premier temps de la guerre. […] J’ai vu dans ces bois de la Meuse, que j’appelle mes bois, naître chaque feuille, reverdir chaque taillis. […] Un enfant naît dans la famille ; Léo Latil écrit à la jeune mère :‌ Je vous félicite. […] Ainsi parle, au pays de saint Louis, de Jeanne d’Arc et de Pascal, un enfant bien qui possède, combinées à la française, les trois aptitudes au rêve, à la générosité, à la haute spiritualité. […] Ils naquirent deux fois : de la terre de France, d’une vieille race où chacun est noble, et puis du péril national.

233. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — G — article » pp. 401-402

] à Fontenoy-le-Château, près de Nancy, en 1750, mort à Paris en 1780. […] de parens pauvres & obscurs, doué d’une ame fiere, incapable des bassesses qui procurent des protecteurs, il fut presque toujours aux prises avec le besoin & le désespoir, & auroit peut-être succombé à ce dernier, si des gens de Lettres que son courage & les talens qu’il annonçoit avoient intéressés à son sort, n’eussent attiré sur lui les bienfaits de quelques Grands.

234. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — P. — article » pp. 520-522

PIRON, [Alexis] à Dijon en 1689 mort à Paris en 1773. […] Piron étoit avec toutes les qualités qui forment les grands Poëtes, si l’on en excepte, d’un côté, le goût & l’harmonie dans la versification, & si on lui pardonne, de l’autre, trop de penchant à la satire, & trop de facilité à lancer des Epigrammes malignes qui ne sont pas toujours justes.

235. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — S. — article » pp. 183-184

Saint-Amand, [Marc-Antoine de Gerard, Sieur de] de l’Académie Françoise, à Rouen, mort en 1660, âgé de 67 ans. Plusieurs morceaux de ses Poésies font juger qu’il étoit Poëte, & qu’il auroit pu laisser d’excellens Ouvrages, si, se livrant moins à sa facilité, il l’eût assujettie aux regles du goût.

236. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — S. — article » pp. 214-215

Saint-Mars, [N.ABCD Chevalier de] en 17.., Auteur qui a eu le courage de publier un Livre intitulé Tableau de l'Esprit & du Cœur, où il proscrit les conversations instructives & les Ouvrages agréables, en disant, avec un grand jugement, que l'utile est fait pour la plume, l'agréable pour la langue. […] A l'en croire, un sot est pour bâiller, un homme d'esprit pour s'ennuyer.

237. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — S. — article » pp. 256-257

Sautel, [Pierre-Juste] Jésuite, à Valence en Dauphiné, en 1613, mort à Tournon en 1662. […] Des idées riantes, des pensées délicates, des expressions pleines d'aisance & de douceur, sont propres à faire naître dans leur esprit cette aménité qui fait le charme du style.

238. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Les trois siecles de la litterature françoise. — B — article » pp. 222-224

Barthelemy, [Jean-Jacques] Abbé, Garde du Cabinet des Médailles du Roi, de l’Académie des Inscriptions & Belles-Lettres, à Marseille, en 17.. […] Basnage-de-Beauval, [Henri] Avocat, à Rouen en 1657, mort à la Haye en 1710.

239. (1870) Portraits contemporains. Tome IV (4e éd.) « LEOPARDI. » pp. 363-422

Pleure, car tu en as bien sujet, ò mon Italie, née pour surpasser les nations et dans la bonne fortune et dans la mauvaise. […] c’est par la douleur que naît et commence le chant italien. […] Mais Leopardi garde en lui, nous le répétons, ce trait distinctif qu’il était pour être positivement un Ancien, un homme de la Grèce héroïque ou de Rome libre, et cela sans déclamation aucune et par la force même de sa nature. […] Seul et presque étranger aux lieux où je suis , Je passe le printemps qui m’était destiné. […] Frère et sœur à la fois, naquirent fils du Sort, Éclos le même jour, et l’Amour et la Mort.

240. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Discours sur le système et la vie de Vico » pp. -

Issus de Jupiter, c’est-à-dire, nés sous ses auspices, ils étaient héros par la naissance et par la vertu. […] Vico naquit en 1668, et non en 1670, comme on le lit dans sa Vie écrite par lui-même. […] On y trouve le passage suivant : « Je suis dans cette ville, et j’ai eu affaire à bien des gens pour mes besoins. […] Genovesi ( en 1712, mort en 1769). […] Filangieri ( en 1752, mort en 1788).

241. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — D. — article » pp. 142-143

DESMAHIS, [Joseph-François-Edouard de Corsembleu] à Sully-sur-Loire en 1722, mort en 1761, un des plus agréables Poëtes de ce siecle. […] Nous naissons tous sujets d’une double Puissance ; Chaque Peuple a son Culte, & chaque Etat ses Loix : Malgré l’audace impie & l’aveugle licence, Respectons les Autels, obéissons aux Loix.

242. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — G — article » pp. 430-432

GOULU, [Jean] Général de l’Ordre des Feuillans, à Paris en 1576, mort dans la même ville en 1629. […] de] Abbé, Vicaire Général de Bordeaux, de l’Académie de Nancy, en 17..

243. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « La marquise de Créqui — I » pp. 432-453

Les prétendus mémoires font mourir la marquise de Créqui à l’âge de 98 ans au commencement de 1803, et il y est dit, dès les premières lignes, qu’elle était née je ne sais quand (les registre de l’état civil faisant défaut) et approximativement de 1699 à 1701, ce qui même la ferait mourir à plus de cent ans. […] En fait, la vraie marquise de Créqui était née le 19 octobre 1744, et elle mourut le 2 février 1803, âgée de 88 ans et quelques mois. […] Le fabricateur des mémoires fait mourir ce frère de la marquise à l’armée de Villars, de la petite vérole, et en 1713, époque où il n’était pas . […] Renée-Caroline de Froullay, née, comme on l’a déjà dit, le 19 octobre 1714, au château de Monfleaux, dans le Bas-Maine, fille d’un lieutenant général des armées du roi, ondoyée à sa naissance par un de ses oncles, évêque du Mans, fut confiée dès l’âge de trois ans à Mme des Claux, sa grand-mère maternelle, qui l’éleva et auprès de laquelle elle demeura jusqu’à l’époque de son mariage. […] Née et vivant dans la haute société, elle s’y fit de bonne heure son coin de retraite à elle ; elle ne fut, en aucun temps, mondaine, et dans sa vieillesse, jetant un regard en arrière, elle pouvait dire : « Le temps d’être dans le monde n’est jamais venu pour moi, mais en revanche celui de m’y montrer est absolument passé. » Sérieuse, instruite, ayant du temps à donner à la lecture, Mme de Créqui encore jeune désira voir les littérateurs célèbres de son temps et se former dans leur familiarité.

244. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « Collé. »

à Paris en 1709, d’un père procureur au Châtelet, au sein d’une famille nombreuse où il comptait quantité de frères et de sœurs, il était de pure race bourgeoise, et il fut très à même de très bonne heure de connaître la ville, tout ce monde de robins, de présidents et de présidentes singeant la Cour, une espèce dont il s’est tant moqué. […] Il y a des gens qu’on peut appeler gais, parce qu’ils participent du meilleur de leur cœur à la gaîté des autres, sans la produire par eux-mêmes : il y en a, au contraire, qui font naître la gaîté autour d’eux sans en éprouver le sentiment. […] Je suis susceptible, et j’eusse eu tous les jours des sujets de chagrin avec quelques-uns de mes confrères que j’étais bien loin d’estimer. » Collé était un parfait honnête homme et même, comme on disait alors, un bon citoyen. […] Faites naître les occasions sans fin de lui écrire. […] Boileau n’a-t-il pas dit qu'un homme chagrin plaît par son chagrin même ?

245. (1894) Propos de littérature « Chapitre II » pp. 23-49

Dans l’allégorie, les formes sont artificiellement juxtaposées à l’idée qu’elles analysent ; dans le symbole la pensée, le sentiment, doivent naître naturellement des formes dont ils énoncent ainsi la raison d’être. […] Certes ; mais alors l’harmonie formelle naîtra de leur opposition dans l’unité générale du style. […] Et c’est encore la suggestion dont je parlais plus haut ; l’idée, acquérant ainsi l’aspect d’une chose inconnue puisque le lecteur ne la vit jamais auparavant environnée de ces similitudes rayonnantes, semble naître à la vie par un effort de son esprit. […] Il rappelle ainsi Puvis de Chavannes et en particulier ce Bois-Sacré où l’accord merveilleux du site avec des femmes grandes et sveltes, aux attitudes lentes, fait naître la nostalgie d’une contrée surhumaine dont la Beauté serait l’unique loi. […] D’habitude elle naît d’un manque d’imaginative et est le défaut commun des littérateurs moins artistes que poètes.

246. (1880) Les deux masques. Première série. I, Les antiques. Eschyle : tragédie-comédie. « Chapitre IX, les mythes de Prométhée »

Des religions naissent dans le feu adoré lui-même comme une divinité primordiale ; il inaugure les autels et les holocaustes. […] L’accouchement est lent et laborieux, c’est sous un forceps que naît « l’Enfant de la force ». — « Cher Agni ! tu reposes encore, comme l’enfant à naître au sein de la femme grosse. » — On le voit poindre, faible et pâle, dans le germe de l’étincelle, et sa venue est saluée par des cris d’extase. […] Dans les autres Mythologies, l’homme est créé d’une façon baroque : l’engendrement dont il naît ressemble à un cas tératologique, — Belus, dans la Phénicie, l’extrait de la tête coupée d’une déesse informe. […] L’Odin scandinave ramasse deux troncs d’arbres échoués sur une plage de la mer du Nord, les taille à la hache, et en façonne le premier couple du monde ténébreux. — La noble Grèce fait naître l’homme dans un atelier de sculpteur.

247. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Adrienne Le Couvreur. » pp. 199-220

Adrienne était née vers 1690, à Fismes, entre Soissons et Reims. […] Ce voisinage offrit à la jeune enfant l’occasion de fortifier une passion pour le théâtre qui était née avec elle. […] Mlle Le Couvreur avait eu deux filles qui vécurent : l’une, née à Strasbourg, fille de M. de Klinglin, qui était dès lors ou qui devint premier magistrat et, comme on disait, préteur de cette cité ; il est question plus d’une fois de cette fille de Monime dans les lettres de Voltaire. Une autre fille naquit à Paris, et fut baptisée à Saint-Eustache le 3 septembre 1710, comme fille de Philippe Le Roy, officier de monseigneur le duc de Lorraine, et d’Adrienne Le Couvreur ; elle épousa, en novembre 1730, Francœur, musicien de l’Opéra. […] Cette duchesse de Bouillon, disons-le en passant, n’était pas du tout la princesse de ce nom, née Sobieska, dont il est question dans le drame du Théâtre-Français, mais bien la jeune belle-mère de celle-ci, née de Lorraine.

248. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Jasmin. (Troisième volume de ses Poésies.) (1851.) » pp. 309-329

Jasmin, à Agen vers la fin du dernier siècle, est un homme qui doit avoir environ cinquante et un ans, mais plein de feu, de sève et de jeunesse ; à l’œil noir, aux cheveux qui, il y a peu de temps, l’étaient encore, au teint bruni, à la lèvre ardente, à la physionomie franche, ouverte, expressive. pauvre, de la plus honnête mais de la plus entière pauvreté, d’une famille où l’on mourait de père en fils à l’hôpital, il a raconté lui-même les impressions de son enfance dans ses Souvenirs, un petit poème plein d’esprit, de finesse, d’allégresse et de sensibilité. […] Durant quelque temps elle lutta encore et essaya de se maintenir à l’état littéraire ; mais, tout centre politique étant détruit dans le Midi, cette langue, la première née ou du moins la première formée des modernes, tomba décidément en déchéance et passa à l’état de patois. […] C’est aux critiques nés de l’autre côté de la Loire de suivre plus en détail cette étude de la langue de Jasmin et des questions piquantes qui s’y rattachent. […] Ici, nous faisons tout naître rien qu’en égratignant la terre ; qui en possède un morceau se prélasse chez lui ; il n’y a pas de petit bien sous notre soleil !

249. (1861) La Fontaine et ses fables « Première partie — Chapitre IV. L’écrivain (suite) »

« On dit que les cigales étaient des hommes avant que les Muses fussent nées. Lorsqu’elles naquirent et que le chant parut, il y eut des hommes si transportés de plaisir, qu’en chantant ils oublièrent de manger et de boire, et moururent sans s’en apercevoir. C’est d’eux que naquit la race des cigales, et elles ont reçu ce don des Muses, de n’avoir plus besoin de nourriture sitôt qu’elles sont nées, mais de chanter dès ce moment, sans manger ni boire, jusqu’à ce qu’elles meurent.

250. (1899) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (troisième série). XVII « L’abbé Christophe »

Si l’Église avait fléchi sur ce point principal pour elle, les grandes fonctions ecclésiastiques seraient devenues le privilège des familles nées des hommes puissants. […] Le presbytérianisme est , et c’est dans le siècle suivant que le protestantisme va naître. […] V Telles sont les pensées que fait naître l’histoire de l’abbé Christophe sur le xve  siècle.

251. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XXXVI. Des éloges académiques ; des éloges des savants, par M. de Fontenelle, et de quelques autres. »

Tous les objets dont on s’y occupe sont grands, et en même temps sont utiles ; c’est l’empire des connaissances humaines ; c’est là que vous voyez paraître tour à tour la géométrie qui analyse les grandeurs, et ouvre à la physique les portes de la nature ; l’algèbre, espèce de langue qui représente, par un signe, une suite innombrable de pensées, espèce de guide, qui marche un bandeau sur les yeux, et qui, à travers les nuages, poursuit et atteint ce qu’il ne connaît pas ; l’astronomie, qui mesure le soleil, compte les mondes, et de cent soixante-cinq millions de lieues, tire des lignes de communication avec l’homme ; la géographie, qui connaît la terre par les cieux ; la navigation, qui demande sa route aux satellites de Jupiter, et que ces astres guident en s’éclipsant ; la manœuvre, qui, par le calcul des résistances et des forces, apprend à marcher sur les mers ; la science des eaux, qui mesure, sépare, unit, fait voyager, fait monter, fait descendre les fleuves, et les travaille, pour ainsi dire, de la main de l’homme ; le génie qui sert dans les combats ; la mécanique qui multiplie les forces par le mouvement, et les arts par l’industrie, et sous des mains stupides crée des prodiges ; l’optique qui donne à l’homme un nouveau sens, comme la mécanique lui donne de nouveaux bras ; enfin les sciences qui s’occupent uniquement de notre conservation ; l’anatomie par l’étude des corps organisés et sensibles ; la botanique par celle des végétaux ; la chimie par la décomposition des liqueurs, des minéraux et des plantes ; et la science, aussi dangereuse que sublime, qui naît des trois ensemble, et qui applique leurs lumières réunies aux maux physiques qui nous désolent. […] Vous les voyez presque tous nés avec une espèce d’instinct qui se déclare dès le berceau et les entraîne ; c’est l’énigme de la nature : qui pourra l’expliquer ? […] Les uns, nés dans la pauvreté, ou se précipitant dans une indigence volontaire, aiment mieux renoncer à subsister qu’à s’instruire ; les autres, nés dans ce qu’on appelle un rang, bravent la mollesse et la honte, et ont le double courage et de devenir savants et de l’avouer.

252. (1874) Premiers lundis. Tome I « M. A. Thiers : Histoire de la Révolution française. Ve et VIe volumes. »

Sans doute, en le lisant, il est bien vrai qu’on sent naître en soi une idée de nécessité qui subjugue ; dans l’entraînement du récit on a peine à concevoir que les événements aient pu tourner d’une autre façon, et à leur imaginer un cours plus vraisemblable, ou même des catastrophes mieux motivées ; la nature humaine, ce semble, voulait que les choses se passassent dans cet ordre, que les partis se succédassent dans cette génération ; étant donnée chaque crise nouvelle, on dirait qu’on en déduit presque irrésistiblement la suivante, et qu’on procède à chaque instant par voie de conclusion, du présent à l’avenir : non pas, au moins, que dans sa manière purement narrative ; M.  […] est-ce donc une faute, et ne serait-ce pas un mérite, que cette impression qu’il fait naître ? […] Serait-ce donc un vœu par trop mesquin, au milieu de si grands objets, de souhaiter qu’une seconde édition ne le fit plus naître ?

253. (1796) De l’influence des passions sur le bonheur des individus et des nations « Section III. Des ressources qu’on trouve en soi. — Chapitre II. De la philosophie. »

Si nos facultés, si nos désirs, qui naissent de nos facultés, étaient toujours d’accord avec notre destinée, à tous les âges, on pourrait goûter quelque bonheur ; mais un coup simultané ne porte pas également atteinte à nos facultés et à nos désirs. […] Comme elle naît toujours de la profondeur de la réflexion, et qu’elle est souvent inspirée par le besoin de résister à ses passions, elle suppose des qualités supérieures, et donne une jouissance de ses propres facultés tout à fait inconnue à l’homme insensible ; le monde lui convient mieux qu’au philosophe ; il ne craint pas que l’agitation de la société trouble la paix dont il goûte la douceur. […] Le bruit du vent, l’éclat des orages, le soir de l’été, les frimas de l’hiver ; ces mouvements, ces tableaux opposés produisent des impressions pareilles, et font naître dans l’âme cette douce mélancolie, vrai sentiment de l’homme, résultat de sa destinée, seule situation du cœur qui laisse à la méditation toute son action et toute sa force.

254. (1885) Préfaces tirées des Œuvres complètes de Victor Hugo « Préfaces des recueils poétiques — Préface des « Rayons et les Ombres » (1840) »

De la passion combinée avec l’action, c’est-à-dire de la vie dans le présent et de l’histoire dans le passé, naît le drame. De la passion mêlée à la rêverie naît la poésie proprement dite. […] De ce double regard toujours fixé sur son double objet naît au fond du cerveau du poëte cette inspiration une et multiple, simple et complexe, qu’on nomme le génie.

255. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 3, que l’impulsion du génie détermine à être peintre ou poëte, ceux qui l’ont apporté en naissant » pp. 25-34

Des emplois, ou trop élevez ou trop bas, une éducation qui semble éloigner l’homme de génie de s’appliquer aux choses pour lesquelles il est , rien ne sçauroit l’empêcher de montrer du moins qu’elle étoit sa destinée, quand même il ne la remplit pas. […] Le Févre, pour être algebriste et grand astrologe, commença de remplir sa destinée en faisant le métier de tisseran à Lisieux. […] On peut aussi la considerer du côté de la fortune et de la condition dans laquelle ils naissent comme membres d’une certaine societé.

256. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — D. — article » pp. 184-186

DOLET, [Etienne] à Orléans en 1509, mort à Paris en 1546. […] avec une grande vivacité dans l’esprit, il cultiva assez heureusement la Poésie Latine, les Sciences, & n’écrivoit pas mal, pour son temps, dans sa propre Langue ; mais emporté par son imagination fougueuse, il s’engagea dans les plus pitoyables travers.

257. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — M. — article » pp. 280-282

MAYNARD, [François] de l’Académie Françoise, à Toulouse en 1582, mort en 1646 ; ami de Regnier & de Desportes, & l’Eleve de Malherbe. […] Ses Vers ne sont point surchargés de ces mots inutiles, de ces épithetes oiseuses, tristes enfans de la stérilité, nés pour être les esclaves de la mesure & de la rime ; mais ils sont froids & monotones, quoique plus remplis de pensées que ceux de ses prédécesseurs & de ses contemporains.

258. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — O. — article » pp. 430-432

ORLÉANS, [Pierre-Joseph d’] Jésuite, à Bourges en 1641, mort à Paris en 1698 ; un des Ecrivains du Siecle dernier, qui ont montré le plus de talent pour écrire l’Histoire. […] Tout le monde connoît son Histoire des Révolutions d’Angleterre ; on ne peut la lire sans éprouver le plaisir qui naît de la surprise & de l’intérêt.

259. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — R. — article » pp. 42-44

Ramsay, [André-Michel de] en Ecosse, mort à S. […] Protestant, ses lumieres lui firent bientôt démêler la fausseté des dogmes particuliers à sa Secte ; mais il n’abandonna le Protestantisme, que pour s’engager dans une illusion plus dangereuse encore, le Scepticisme.

260. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — T. — article » pp. 346-348

Thou, [Jacques-Auguste de] Président au Parlement de Paris, sa patrie, en 1553, mort en 1617. […] Ces sentimens, trop marqués en différens endroits dans son Histoire, firent naître des doutes sur sa catholicité, & le firent accuser par plusieurs Ecrivains, d'être secrétement du parti pour lequel il montroit tant d'indulgence.

261. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — V. — article » pp. 409-411

Vaniere, [Jacques] Jésuite, dans le Diocese de Beziers, en 1664, mort à Toulouse en 1739 ; est un des Poëtes Latins qui a le mieux saisi la maniere & le ton de Virgile, dans le genre pastoral. […] Le même Siecle qui a vu naître Corneille, Racine, Moliere, Despréaux, Lafontaine, a produit aussi Cossart, Rapin, Commire, Santeuil, Huet ; & ces Auteurs ne sont pas, nous osons le dire, ceux dont la réputation est la moins étendue & sera la moins durable.

262. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Les trois siecles de la litterature françoise. — B — article » pp. 354-356

Boulogne, [Etienne-Antoine] Abbé, à Avignon en 1749. […] Semblable à ces athletes qui s’exercent long-temps avant de paroître sur l’arene, quoique avec les plus heureuses dispositions, il a eu la sagesse de ne se montrer au Public qu’après avoir mûri sa raison & formé son esprit par l’étude des hommes & celle des bons Auteurs.

263. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — G — article » pp. 380-382

GASSENDI, [Pierre] Chanoine de Digne en Provence, Professeur de Mathématiques au Collége Royal, à Chantiersier, Bourg du Diocese de Digne, en 1592, mort à Paris en 1656 ; un des hommes les plus éclairés de son temps, & celui qui, après Descartes, occupe le premier rang parmi les Philosophes François. […] Son penchant pour les rêveries de ce Philosophe, donna lieu à ses ennemis de faire naître des doutes sur sa foi.

264. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — S. — article » pp. 207-209

Saint-Hyacinthe, [Themiseuil de] à Orléans en 1684, mort en 1746. […] Ce trait, qui ne méritoit pas la plus légere créance, est formellement démenti par des preuves incontestables, par l'extrait-baptistere de Saint-Hyacinthe lui-même, à Orléans, Paroisse Saint-Victor, le 27 Septembre 1684, d'Hyacinthe de St. 

265. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — S. — article » pp. 210-213

Saint-Lambert, [N.ABCD de] ancien Capitaine au Régiment des Gardes Lorraines, de l'Académie Françoise, & de celle de Nancy sa patrie, en 1717. […] puisqu'il a encore ajouté en prose, dans une note, que le même Poëte est supérieur, dans la Tragédie, à Corneille & à Racine ; que Racine n'a su peindre que des Juifs, tandis que Phédre, Monime, Néron, Burrhus, Mithridate, Bajazet, Acomat, sont nés si loin de la Judée !

266. (1859) Cours familier de littérature. VIII « XLVIIe entretien. Littérature latine. Horace (1re partie) » pp. 337-410

Cicéron, dont nous venons de vous entretenir, avait vu naître Horace ; Horace avait vu naître et avait entendu chanter Virgile ; Virgile, Horace, Cicéron ne forment qu’un seul groupe qui semble se tenir par la main. […] À l’époque où naquit le poète son fils Horatius Flaccus était affranchi, c’est-à-dire libre et entré dans les rangs de la bourgeoisie romaine. […] Comment, ainsi que tant d’autres, me défendrais-je en disant que, si je ne suis pas de parents illustres, ce n’est pas ma faute ? […] Je ne me vantai point d’être d’un père illustre ni de parcourir mes domaines sur un coursier de Saturium ; je vous ai dit, Mécène, ce que j’étais. […] Je suis un peu fâché, pour Virgile et pour toi, Que, tous deux nés Romains, vous flattiez tant un roi ; Mon Frédéric, du moins, roi très légitime, Ne dut point ses grandeurs aux bassesses du crime.

267. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome premier — Livre premier. La sensation, dans son rapport à l’appétit et au mouvement — Chapitre premier. La sensation »

Il peut naître, dans un animal, divers organes selon les diverses espèces de mouvements physiques. […] D’une manière plus ou moins analogue naît en nous la perception des qualités, qui répondent aux manières différentes dont les objets agissent et dont nous réagissons. […] L’enfant naît avec des oreilles ; un son se produit, et il entend. […] On peut se demander si l’homme aveugle, mais avec des yeux, n’a, dans le tout continu de la conscience, absolument rien qui réponde à ses yeux, aucune sensation faible et imperceptible de la lumière qui l’enveloppe. […] Si un enfant naît et reste dans une chambre qui a gardé une forte odeur de musc, cette odeur constante, non séparée du reste, ne pourra pas être séparée par sa conscience.

268. (1856) Cours familier de littérature. I « IVe entretien. [Philosophie et littérature de l’Inde primitive (suite)]. I » pp. 241-320

L’épi est utile, mais l’alouette vit, le grillon chante, la brise pleure, le cœur sympathise, la mémoire se souvient, l’image surgit, l’émotion naît ; avec l’émotion naît la poésie dans l’âme. […] La poésie est née en vous, elle vous inonde, elle vous submerge, elle vous étouffe ; l’hymne ou l’extase naissent sur vos lèvres, le silence ou le vers sont seuls à la mesure de vos émotions ! […] Sita, l’héroïne de l’épopée indienne, est la fille du sillon ; au lieu de naître de la mer comme la Vénus grecque, elle naît du sillon sous le soc de la charrue du roi laboureur son père. On reconnaît à ces fables le génie divers des philosophes ou des poètes qui les inventèrent et les firent accepter aux peuples : les Grecs, peuplades insulaires ou maritimes, faisant naître la déesse de la vie du sein des flots, les Indiens, peuples agricoles, la faisant naître du champ labouré. […] Si tu devenais l’épouse de ce héros, ô charmante fille de roi, l’enfant qui naîtrait de cette union éclaterait de perfections surhumaines.

269. (1890) Les œuvres et les hommes. Littérature étrangère. XII « Edgar Poe »

… Malgré ses prétentions à la jeunesse, l’Amérique, cette fille de l’Europe, est née vieille comme tous les enfants de vieillards, et elle a les épuisements spirituels de sa mère. […] Aristocratique comme Lord Byron, il était attelé au joug d’une démocratie. […] Et c’était logique et justice, que le plus fort de tous les Bohèmes contemporains naquît au sein de la Bohème du refuge et du sang-mêlé de toutes les révoltes ! […] » car il était dans cette galère, qui devint pour lui un si affreux ponton. […] Edgar Poe, le poète de la Beauté désintéressée, était dans le pays le plus hideusement utilitaire.

270. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Ramond, le peintre des Pyrénées — I. » pp. 446-462

Ramond, connu dans sa jeunesse sous le nom de Ramond de Carbonnières, naquit à Strasbourg le 4 janvier 1755. […] Il faudra plus de vingt ans encore pour que le Werther de la France, celui qui s’approprie si bien à elle par sa beauté mélancolique, sa sobriété, même en rêvant, et son noble éclair au front, pour que René en un mot puisse naître ; il faudra plus de temps encore pour que l’élégie vraiment moderne, inaugurée par Lamartine, puisse fleurir et se propager. […] Les élégies de Ramond à leur date étaient une plante exotique née sur la frontière, et en portant la marque un peu sauvage. […] Seulement ce n’étaient là que des aspirations d’une âme ardente et, par ce côté, plus germanique que française ; il manquait à cette muse novice et trop contrainte la première condition d’une poésie faite pour charmer, la grâce de ces heureux mortels qui sont nés avec un talisman dans leur berceau et avec la flûte d’ivoire sur les lèvres. […] Il le fit à pied avec un ami dans le pays, et, aussi bien que son compagnon, il entendait l’allemand dans tous ses dialectes.

271. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Eugénie de Guérin, Reliquiae, publié par Jules Barbey d’Aurevilly et G.-S. Trébutien, Caen, imprimerie de Hardel, 1855, 1 vol. in-18, imprimé à petit nombre ; ne se vend pas. » pp. 331-247

C’est d’une dernière branche de cette noble race, déchue en fortune, mais restée intègre par les sentiments, que naquit Maurice de Guérin au château du Cayla près d’Alby, le 4 août 1810, le dernier de quatre enfants. […] Je jouai beaucoup et je repartis le lendemain, aimant fort ce petit enfant qui venait de naître. […] J’aime le mois de Marie et autres petites dévotions aimables que l’Église permet, qu’elle bénit, qui naissent aux pieds de la foi comme les fleurs aux pieds du chêne. […] Pendant quelques mois elle vit le monde, le meilleur monde, celui dont elle était née. […] La pensée, chez lui, naît tout armée, les images éclatent d’elles-mêmes : il n’a qu’à choisir et à en sacrifier quelques-unes pour faire aux autres une belle place, la place qui paraisse la plus naturelle.

272. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « La Grèce en 1863 par M. A. Grenier. »

Ce mouvement de l’opinion fut si fort, si irrésistible et tempétueux, qu’il pénétra jusque dans les cabinets et atteignit les gouvernements ; ils marchèrent en partie d’eux-mêmes, en partie ils furent entraînés : la Grèce fut délivrée et naquit. Elle naquit telle quelle, comme tant de choses naissent ou renaissent, rognée, écourtée, incomplète, une vraie côte mal taillée ; n’importe ! elle naquit. […] , tous ses maîtres lui avaient dit et répété bien des fois, avant de partir, ce que Pline le Jeune disait à un de ses amis qui était envoyé de Rome pour être quelque chose comme préfet à Sparte ou à Athènes : « Souviens-toi bien et ne perds pas un moment de vue que c’est en Grèce que tu vas, et au cœur de la plus pure Grèce, là où d’abord la civilisation, les lettres, toute culture, celle même du blé, passent pour être nées… Respecte les dieux fondateurs et instituteurs de toutes ces belles choses, et jusqu’au nom des dieux.

273. (1796) De l’influence des passions sur le bonheur des individus et des nations « Conclusion. »

Il faut compter dans chaque caractère les douleurs qui naissent des contrastes de bonheur ou d’infortune, de gloire ou de revers dont une même destinée offre l’exemple ; il faut compter les défauts au rang des malheurs, les passions parmi les coups du sort, et plus même, les caractères peuvent être accusés de singularité, plus ils commandent l’attention du philosophe ; les moralistes doivent être comme cet ordre de religieux placés sur le sommet du mont St. […] Je dis à l’homme qui ne veut se plaindre que du sort, qui croit voir dans sa destinée un malheur sans exemple avant lui, et ne s’attache qu’à lutter contre les événements ; je lui dis : parcourez avec moi toutes les chances des passions humaines, voyez si ce n’est pas de leur essence même, et non d’un coup du sort inattendu que naissent vos tourments. […] Une belle cause finale dans l’ordre moral, c’est la prodigieuse influence de la pitié sur les cœurs ; il semble que l’organisation physique elle-même soit destinée à en recevoir l’impression ; une voix qui se brise, un visage altéré, agissent sur l’âme directement comme les sensations ; la pensée ne se met point entre deux, c’est un choc, c’est une blessure, cela n’est point intellectuel, et ce qu’il y a de plus sublime encore dans cette disposition de l’homme, c’est qu’elle est consacrée particulièrement à la faiblesse ; et lorsque tout concourt aux avantages de la force, ce sentiment lui seul rétablit la balance, en faisant naître la générosité ; ce sentiment ne s’émeut que pour un objet sans défense, qu’à l’aspect de l’abandon, qu’au cri de la douleur ; lui seul défend les vaincus après la victoire, lui seul arrête les effets de ce vil penchant des hommes à livrer leur attachement, leurs facultés, leur raison même à la décision du succès ; mais cette sympathie pour le malheur est une affection si puissante, réunit tellement ce qu’il y a de plus fort dans les impressions physiques et morales, qu’y résister suppose un degré de dépravation dont on ne peut éprouver trop d’horreur. […] heureuse aussi, si j’avais diminué de son activité, en présentant aux hommes une analyse exacte de ce que vaut la vie, une analyse qui démontrât que les destinées diffèrent entre elles bien plus par les caractères que par les situations, que les plaisirs que l’on peut éprouver, dans quelques circonstances que ce soit, sont soumis à des chances certaines, qui, à la longue, réduisent tout au même terme, et que ce bonheur qu’on croit toujours trouver dans les objets extérieurs, n’est qu’un fantôme créé par l’imagination, qu’elle poursuit après l’avoir fait naître, et qu’elle veut atteindre au-dehors, tandis qu’il n’a d’existence qu’en elle. […] C’est bien là certainement l’une des causes de la pitié ; mais l’inconvénient de cette définition, comme de toutes, est de resserrer la pensée que faisait naître le mot qu’on a défini : il était revêtu des idées accessoires et des impressions particulières à chaque homme qui l’entendait, et vous restreignez sa signification par une analyse toujours incomplète quand un sentiment en est l’objet ; car un sentiment est un composé de sensations et de pensées que vous ne faites jamais comprendre qu’à l’aide de l’émotion et du jugement réunis.

274. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « L’abbé Barthélemy. — II. (Fin.) » pp. 206-223

Mme de Krüdener, qui n’était encore à cette date qu’une ambassadrice et une jolie femme, se mit à copier et à apprendre par cœur de longs passages d’Anacharsis ; Mme de Staël, qui venait d’écrire ses Lettres sur Jean-Jacques Rousseau et qui naissait à la célébrité, adressait à l’abbé Barthélemy, dans un souper, des couplets où résonnaient les noms de Sapho et d’Homère. […] Il n’y a pas là d’imagination véritable ; la métaphore, chez lui, ne naît jamais tout armée ni avec des ailes. […] On releva dans le discours de Barthélemy quelques néologismes : il disait en parlant des États généraux et des espérances, déjà troublées, qu’ils faisaient naître : « La France… voit ses représentants rangés autour de ce trône, d’où sont descendues des paroles de consolation qui n’étaient jamais tombées de si haut. » La singularité de cette phrase, selon la remarque de Grimm, fut fort applaudie : Barthélemy inaugurait à l’Académie le style parlementaire et ce qu’on a tant de fois répété des discours du trône. […] Doux, savant, modeste, pour la vie académique et pour ses ingénieuses recherches, pour la vie privée, pour ses plus affectueuses et ses plus agréables élégances, il offre en lui un composé des plus distingués et tout à fait flatteur ; mais il n’eut pas le grand goût, ni même cet autre goût qui n’est pas le plus simple ni le plus pur, mais qui, aux époques avancées, trouve des rajeunissements imprévus.

275. (1868) Les philosophes classiques du XIXe siècle en France « Chapitre IV : M. Cousin écrivain »

Cousin sont nées en Ecosse, en Allemagne, au dix-septième siècle ; mais il a su les expliquer, les embellir, les propager, et, en leur acquérant l’empire, il a fait son office d’orateur. […] Traduisons ; vous allez voir comment des obscurités naissent les équivoques, et comment des équivoques naissent les erreurs. […] Mais peut-être cette nécessité vient de la construction de notre esprit, et nous sommes comme des gens nés avec des lunettes vertes, qui, ne pouvant imaginer que des objets verts, en concluraient que nécessairement tous les objets sont verts. […] « Depuis, il n’a plus connu que l’enivrement passager des sens, surtout celui de la guerre, pour laquelle il était , et qui était sa vraie passion, sa vraie maîtresse, son parti, son pays, son roi, le grand objet de sa vie, et tour à tour sa honte et sa gloire. » Voilà ce que le style de M. 

276. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Les trois siecles de la litterature françoise. — B — article » pp. 390-393

Brumoy, [Pierre] Jésuite, à Rouen en 1688, mort à Paris en 1742. […] Brun, [Laurent le] Jésuite, à Nantes en 1607, mort à Paris en 1663 ; Poëte Latin qui a prétendu égaler les plus grands modeles, en n’imitant que les titres de leurs Ouvrages.

277. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — G — article » pp. 472-474

] Abbé, à Lonsle-Saunier en Franche-Comté, mort en 1771. […] « Les derniers des hommes, M. de Voltaire, sont ceux qui sont les plus dangereux, & les plus dangereux sont ces Ecrivains dont la plume s’efforce de renverser tout à la fois l’ordre de la Religion & celui de la Société ; ces Ecrivains, qui dégradent les Lettres par l’injustice de leur haine, l’amertume de leur style, la licence de leurs déclamations, l’atrocité de leurs calomnies, le renversement de toutes les bienseances ; ces Ecrivains, qui amusent, par leurs bons mots & leurs sarcasmes, la multitude ignorante & légere, & qui osent ridiculiser le mérite & l’honnêteté ; ces Ecrivains, qui veulent être plaisans aux dépens de ce qu’il y a de plus sacré & de plus respectable, qui veulent être crus en dépit du jugement & de la raison, qui veulent être estimés malgré la justice & le bon goût ; ces Ecrivains enfin, que le délire encense, & qui, noircis par la fumée de l’encens même qu’ils ont reçu, sont mis ensuite au rebut, comme ces fausses Divinités que la superstition la plus grossiere ne peut adorer qu’un moment. » GUYS, [Jean-Baptiste] de l’Académie de Caen, à Marseille en 17..

278. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Duclos. — II. Duclos historien » pp. 224-245

Le genre d’observations qui est propre à Duclos est sensé, rapide, mais d’une nature très sobre : J’ai cru devoir donner, dit-il, une idée de l’état de la France et de la cour de Charles VII, pour faire mieux entendre ce qui regarde son successeur : on verra que Louis XI, et élevé au milieu de ces désordres, en sentit les funestes effets. […] Louis XI vient au monde ; il naît à Bourges dans le palais archiépiscopal le samedi 3 juillet 1423. […] Mais, dès que Louis XI est , on tire son horoscope, et l’abbé Le Grand nous raconte ce qu’on lui prédit : On prédit qu’il vivrait soixante et dix ans, et qu’il passerait les mers, ce qui s’est trouvé faux. […] sinon pour l’agrément (laissons ce mot qui ne s’applique ni à l’un ni à l’autre), du moins pour l’intérêt, pour cet intérêt lent et suivi qui naît du fond des choses et qui, de l’auteur consciencieux, se communique au lecteur réfléchi. […] Enfant, en 1704, il avait vu cette fin de Louis XIV, comme ceux qui sont nés au commencement de ce siècle, à la date correspondante, ont pu voir les dernières années de l’Empire.

279. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Saint-Martin, le Philosophe inconnu. — I. » pp. 235-256

Il naquit dans le doux pays de Touraine, à Amboise, sur le Grand-Marché, le 18 janvier 1743, d’une famille noble : « Je suis le quatrième rejeton du soldat aux gardes, le plus ancien chef connu de la famille ; depuis cette tige jusqu’à moi, nous avons toujours été fils uniques pendant les quatre générations ; il est probable que ces quatre générations n’iront pas plus loin que moi. » Et en effet Saint-Martin ne se maria jamais. […] Quand on a dit de Saint-Martin qu’il était spiritualiste, on n’a pas dit assez ; il était de la race du petit nombre de ceux qui sont nés pour les choses divines ; en des temps plus soumis, il eût marché dans les voies de l’auteur de l’Imitation. […] Il était d’une organisation délicate et frêle : « On ne m’a donné de corps qu’en projet, disait-il agréablement. — J’étais un roseau presque cassé, ou une faible mèche qui fumait encore. » Il manquait d’activité vitale et était d’une extrême sensibilité de nerfs. […] Il n’en tenait compte : « Les femmes même les plus honnêtes, dit-il, n’ont pas pu deviner ce que c’était que mon cœur ; voilà pourquoi elles n’ont pas pu se l’approprier. » Et il en donnait pour raison que ce cœur était «  sujet du royaume évangélique » ; et sur ces cœurs-là les sens ni la tête n’y peuvent rien ; il ne leur faut que le pur amour. […] Quand ses pensées viennent bien, c’est élevé, distingué et fin ; ce n’est point au sens commun qu’il vise, c’est au sens distingué ; c’est celui-là seul qui convient à ses inclinations et à la mesure qui lui a été donnée : J’ai vu que les hommes étaient étonnés de mourir et qu’ils n’étaient point étonnés de naître : c’est là cependant ce qui mériterait le plus leur surprise et leur admiration.

280. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Lamartine — Lamartine »

Mais Lamartine était . […] Alfred de Vigny, resta, jusqu’à ces derniers temps, inaperçu et, disons-le, méconnu de Lamartine, qui n’avait rien, il est vrai, à tirer de ce mode d’inspiration antique, et dont le style était déjà de lui-même à la source de ses pensées. […] Alphonse de Lamartine est à Mâcon, en octobre 1790, c’est-à-dire en pleine Révolution. […] Il était et avait grandi dans des sentiments opposés à la Révolution : il n’avait jamais adopté l’Empire et ne l’avait pas servi. […] Le poëte chez Lamartine était avant Elvire et lui a survécu ; le poëte chez Lamartine n’était subordonné à rien, à personne, pas même à l’amant.

281. (1862) Portraits littéraires. Tome II (nouv. éd.) « M. Joubert »

Un honnête homme, pour l’Almanach du Commerce, qui aura griffonné jusque-là à grand’peine quelques pages de statistique, s’emparera d’emblée du premier poème épique qui aura paru, et, s’il est en verve, déclarera gravement que l’auteur vient de renouveler la face et d’inventer la forme de la poésie française. […] Joseph Joubert était le 6 mai 1754, à Montignac en Périgord. Ses amis le croyaient souvent et le disaient à Brive, cette patrie du cardinal Dubois : Montignac ou Brive, il aurait dû naître plutôt à Scillonte ou dans quelque bourg voisin de Sunium. […] Fontanes, alors en Angleterre (fin de 1785), et y voyant le grand monde, cherche à ramener son ami à des admirations plus modérées sur les modèles d’outre-Manche : on s’occupait alors en effet de Richardson et même de Shakspeare à Londres beaucoup moins qu’à Paris : « Encore un coup, lui écrit Fontanes, la patrie de l’imagination est celle où vous êtes . […] Joubert est un esprit délicat avec des pointes fréquentes vers le sublime ; car, selon lui, « les esprits délicats sont tous des esprits nés sublimes, qui n’ont pas pu prendre l’essor, parce que, ou des organes trop faibles, ou une santé trop variée, ou de trop molles habitudes, ont retenu leurs élans. » Charmante et consolante explication !

282. (1869) Cours familier de littérature. XXVII « CLXIe Entretien. Chateaubriand »

Dans ce jardin et dans cette cour où mon âme est née, il y a plus de mes pensées et de mes rêves, éclos et enracinés dans le sol et dans le ciment rongé des murs, qu’il n’y a de brins de mousse sur les lattes de pierre brute qui tapissent les vieux toits. […] Elle était étrangère, plus âgée que moi ; l’amour ne pouvait pas naître : mariée tard à un homme qui aurait été deux fois son père, l’amitié protectrice les unissait seule. […] XII Ce jeune homme, disait-on, était sur les écueils de la Bretagne, au milieu des forêts et des lacs, dans un vieux château, demeure d’une vieille race. […] L’initiation entre eux tous fut prompte et vive, la petite société de la Rue-Neuve-du-Luxembourg naquit à l’instant dans toute sa grâce. […] Sa répugnance n’était pas née.

283. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Madame de Lambert et madame Necker. » pp. 217-239

Mme Necker, née loin de Paris, arrivant de la Suisse française dont elle était l’honneur, n’eût rien tant désiré que de rencontrer à Paris un salon exactement pareil à celui de Mme de Lambert, c’est-à-dire où l’esprit trouvât son compte et où rien de respectable ne fût blessé. […] Elle mourut en 1733 à l’âge de quatre-vingt-six ans, dit-on, ce qui la fait naître vers 1647. […] Il nous présente en dix endroits de ses lettres Mme de Lambert sous un jour assez particulier : C’était, dit-il, ma plus ancienne amie, et ma contemporaine… Elle était née avec beaucoup d’esprit : elle le cultivait par une lecture assidue ; mais le plus beau fleuron de sa couronne était une noble et lumineuse simplicité dont, à soixante ans, elle s’avisa de se dédire. […] Comme je suis simple par goût et peut-être par nécessité, je ne voulus point paraître complice d’un tel travers et je pris congé d’elle. […] Mais comme elle avait eu une mère fort jolie, et qu’elle avait une fille à qui elle pouvait dire : « Vous n’êtes pas née sans agréments », il est à croire qu’elle n’avait pas été elle-même sans quelque grâce.

284. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Rivarol. » pp. 62-84

à Bagnols dans le Gard, en avril 1757 selon quelques biographes, il n’aurait eu que quarante-quatre ans quand il mourut à Berlin en avril 1801 ; ceux qui le font naître plus tôt ne lui donnent au plus que quarante-huit ans à la date de sa mort. […] Son grand-père, Italien d’origine, en Lombardie, après avoir fait la guerre de la Succession au service de l’Espagne, s’était établi en Languedoc et y avait épousé une cousine germaine de M.  […] » Et il conclut en disant : « Les belles images ne blessent que l’envie. » Il n’a manqué à plus d’une de ces pages de Rivarol, pour frapper davantage, que de naître quelques années plus tôt, en présence de juges moins dispersés et sous le soleil même de la patrie. […] Mais aussi ce qui honore en Rivarol l’intelligence et l’homme, c’est qu’il s’élève du milieu de tout cela comme un cri de la civilisation perdue, l’angoisse d’un puissant et noble esprit qui croit sentir échapper toute la conquête sociale : « Malgré tous les efforts d’un siècle philosophique, dit-il, les empires les plus civilisés seront toujours aussi près de la barbarie que le fer le plus poli l’est de la rouille ; les nations comme les métaux n’ont de brillant que les surfaces. » Il y a des moments où, porté par le mouvement de son sujet et par l’impulsion de la pensée sociale, il va si haut, qu’on se demande si c’est bien Rivarol qui écrit, le Rivarol voluptueux avant tout et délicat, et si ce n’est pas plutôt franchement un homme de l’école religieuse : Le vice radical de la philosophie, c’est de ne pouvoir parler au cœur. […] [NdA] Je le suppose en 1757.

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