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58. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — C — article » pp. 34-39

Quand les affaires publiques font le fil de l’Histoire, il est toujours suivi : quand les Rois n’y sont considérés qu’autant qu’ils ont servi à les faire changer, on les y fait entrer avec bien plus d’agrément, que lorsqu’on se met en tête de ne parler des affaires que selon qu’elles servent à relever ou diminuer la gloire des Rois. […] On ne le peut mieux faire, qu’en réglant le prix des actions, par la conformité qu’elles ont au devoir, & en faisant penser qu’il est bien plus louable de faire pour le bien public quelque chose qui paroisse ordinaire ou médiocre, que de faire quelque chose de fort éclatant, qui ne lui serve de rien, ou qui lui coute trop.

59. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Première partie. De la littérature chez les anciens et chez les modernes — Chapitre premier. De la première époque de la littérature des Grecs » pp. 71-94

Ils écrivaient sans autre modèle que les objets mêmes qu’ils retraçaient ; aucune littérature antécédente ne leur servait de guide ; l’exaltation poétique s’ignorant elle-même, a par cela seul un degré de force et de candeur que l’étude ne peut atteindre, c’est le charme du premier amour ; dès qu’il existe une autre littérature, les écrivains ne peuvent méconnaître en eux-mêmes les sentiments que d’autres ont exprimés ; ils ne sont plus étonnés par rien de ce qu’ils éprouvent ; ils se savent en délire ; ils se jugent enthousiastes ; ils ne peuvent plus croire à une inspiration surnaturelle. On peut considérer les Grecs, relativement à la littérature, comme le premier peuple qui ait existé : les Égyptiens qui les ont précédés ont eu certainement des connaissances et des idées, mais l’uniformité de leurs règles les rendait, pour ainsi dire, immobiles sous les rapports de l’imagination ; les Égyptiens n’avaient point servi de modèles à la poésie des Grecs ; elle était en effet la première de toutes13 ; et loin qu’il faille s’étonner que la première poésie ait été peut-être la plus digne de notre admiration, c’est à cette circonstance même qu’est due sa supériorité14. […] Mais l’origine de la poésie, mais le poëme le plus remarquable par l’imagination, celui d’Homère, est d’un temps renommé pour la simplicité des mœurs ; ce n’est ni la vertu ni la dépravation qui servent ou nuisent à la poésie ; mais elle doit beaucoup à la nouveauté de la nature, à l’enfance de la civilisation : la jeunesse du poète ne peut suppléer en tout à celle du genre humain ; il faut que ceux qui écoutent les chants poétiques soient avides de la nature entière, étonnés par ses merveilles, et flexibles à ses impressions ; les difficultés que présenterait une disposition plus philosophique dans les auditeurs, ne feraient pas que l’art des vers atteignit à de nouvelles beautés ; c’est au milieu des hommes qui s’émeuvent aisément, que l’inspiration sert mieux le véritable poète. […] On faisait précéder les repas de libations aux dieux propices ; sur le seuil de la porte, on se prosternait devant Jupiter hospitalier ; la vie agricole, la chasse, les occupations champêtres des plus fameux héros de l’antiquité servaient encore à la poésie, en rapprochant les images naturelles des faits politiques les plus importants. […] Une nation qui encourageait de tant de manières les talents distingués, devait faire naître entre eux de grandes rivalités ; mais ces rivalités servaient à l’avancement des arts.

60. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Seconde partie. De l’état actuel des lumières en France, et de leurs progrès futurs — Chapitre VIII. De l’éloquence » pp. 563-585

À quoi sert-il d’accuser ou de défendre ? […] Cette foule d’écrivains calomniateurs émoussent jusqu’au ressentiment qu’ils inspirent ; ils ôtent successivement à tous les mots dont ils se servent, leur puissance naturelle. […] Ce n’était pas aux victimes ; il était difficile de les convaincre de l’utilité de leur malheur : ce n’était pas aux tyrans ; ils ne se décidaient par aucun des arguments dont ils se servaient eux-mêmes : ce n’était pas à la postérité ; son inflexible jugement est celui de la nature des choses. […] Les factions servent au développement de l’éloquence, tant que les factieux ont besoin de l’opinion des hommes impartiaux, tant qu’ils se disputent entre eux l’assentiment volontaire de la nation ; mais quand les mouvements politiques sont arrivés à ce terme où la force seule décide entre les partis, ce qu’ils y adjoignent de moyens de parole, de ressources de discussion, perd l’éloquence et dégrade l’esprit au lieu de le développer. […] Mais si la méthode et la précision du raisonnement, le style, les idées accessoires sont susceptibles de perfectionnement, les discours des modernes peuvent acquérir, par leur ensemble, une grande supériorité sur les modèles de l’antiquité ; et ce qui appartient à l’imagination même produirait nécessairement plus d’effet, si rien n’affaiblissait cet effet, si tout servait au contraire à l’accroître.

61. (1796) De l’influence des passions sur le bonheur des individus et des nations « Section première. Des passions. — Chapitre II. De l’ambition. »

L’amour de la gloire peut s’abandonner ; la colère, l’enthousiasme d’un héros ont quelquefois aidé son génie ; et quand ses sentiments étaient honorables, ils le servaient assez ; mais l’ambition n’a qu’un seul but. […] L’amour de la gloire a tant de grandeur dans ses succès, que ses revers en prennent aussi l’empreinte ; la mélancolie peut se plaire dans leur contemplation, et la pitié qu’ils inspirent a des caractères de respect qui servent à soutenir le grand homme qui s’en voit l’objet. […] Quelques-uns d’eux craignent de se tromper, en renonçant au bien qu’il voulait leur faire ; aucun ne peut mépriser ni ses efforts, ni son but ; il lui reste sa valeur personnelle, et l’appel à la postérité ; et si l’injustice le renverse, l’injustice aussi sert de recours à ses regrets. […] Pour aimer et posséder la gloire, il faut des qualités tellement éminentes, que si leur plus grande action est au dehors de nous, cependant elles peuvent encore servir d’aliment à la pensée dans le silence de la retraite ; mais la passion de l’ambition, les moyens qu’il faut pour réussir dans ses désirs, sont nuls pour tout autre usage : c’est de l’impulsion plutôt que de la véritable force ; c’est une sorte d’ardeur qui ne peut se nourrir de ses propres ressources ; c’est le sentiment le plus ennemi du passé, de la réflexion, de tout ce qui retombe sur soi-même. […] Mais quand la cause des révolutions est l’exaltation de toutes les idées de liberté, il ne se peut pas que les premiers chefs de l’insurrection conservent de la puissance ; il faut qu’ils excitent le mouvement qui les renversera les premiers ; il faut qu’ils développent les principes qui servent à les juger : enfin, ils peuvent servie leur opinion, mais jamais leur intérêt, et dans une révolution le fanatisme est plus sensé que l’ambition.

62. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre XXI. Dernier voyage de Jésus à Jérusalem. »

Ses disciples et les femmes pieuses qui le servaient le retrouvèrent en Judée 943. […] Il y avait sur le mont des Oliviers deux grands cèdres, dont le souvenir se conserva longtemps chez les Juifs dispersés ; leurs branches servaient d’asile à des nuées de colombes, et sous leur ombrage s’étaient établis de petits bazars 954. […] … « Malheur à vous, scribes et pharisiens hypocrites, qui avez pris la clef de la science et ne vous en servez que pour fermer aux hommes le royaume des cieux 981 ! […] Le reproche que Jésus adresse ici aux pharisiens est d’avoir inventé une foule de petits préceptes qu’on viole sans y penser et qui ne servent qu’à multiplier les contraventions à la Loi. […] Peut-être y a-t-il dans la comparaison dont se sert Jésus une allusion aux « pharisiens teints. » (V. ci-dessus, p. 328.)

63. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Seconde partie. Poétique du Christianisme. — Livre second. Poésie dans ses rapports avec les hommes. Caractères. — Chapitre VII. Le Fils. — Gusman. »

Des dieux que nous servons connois la différence : Les tiens t’ont commandé le meurtre et la vengeance, Et le mien, quand ton bras vient de m’assassiner, M’ordonne de te plaindre et de te pardonner. […] Quand nous disons un idéal de vérité, ce n’est point une exagération ; on sait que ces vers : Des dieux que nous servons connais la différence, etc., sont les paroles mêmes de François de Guise25. […] On ignore assez généralement que Voltaire ne s’est servi des paroles de François de Guise qu’en les empruntant d’un autre poète ; Rowe en avait fait usage avant lui dans son Tamerlan, et l’auteur d’Alzire s’est contenté de traduire, mot pour mot, le tragique anglais : Now learn the difference,’wixt thy faith and mine… Thine bids thee lift thy dagger to my throat ; Mine can forgive the wrong, and bid thee live.

64. (1870) De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés « De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés — Chapitre XIII : Affinités mutuelles des êtres organisés »

Dans la pratique, et lorsque les naturalistes sont à l’œuvre, ils s’embarrassent peu de la valeur physiologique des caractères dont ils se servent pour définir un groupe, ou pour désigner la place que doit occuper quelque espèce particulière. […] J’ai déjà fait observer incidemment que certains organes qui, chez l’individu adulte, doivent être un jour très différents et servir à diverses fonctions, sont au contraire parfaitement identiques chez l’embryon. […] Comment expliquer que des parties qui, dans le même individu, doivent devenir plus tard entièrement dissemblables, et servir à des fonctions très diverses, pendant les premières phases de leur croissance, soient parfaitement identiques ? […] L’aile du Manchot lui est fort utile, car elle lui sert de nageoire. […] Les organes rudimentaires pourraient se comparer aux lettres d’un mot, conservées dans l’écriture, mais perdues dans la prononciation et qui servent de guide dans la recherche de son étymologie.

65. (1890) L’avenir de la science « VI »

De là le discrédit où est tombée toute branche d’études qui ne sert pas directement à l’instruction classique et pédagogique, dont on accepte de confiance la nécessité, sans trop en savoir la raison. […] Mais l’école ayant en général chez nous un but pédagogique ou pratique, réduire la science à ces étroites proportions, supposer par exemple que la philologie ne vaut quelque chose que parce qu’elle sert à l’enseignement classique, c’est la plus grande humiliation qui se puisse concevoir et le plus absurde contre-bon sens. Le département de la science et des recherches sérieuses devient ainsi celui de l’instruction publique, comme si ces choses n’avaient de valeur qu’en tant qu’elles servent à l’enseignement. […] La confusion qu’on en a faite a contribué à jeter une sorte de défaveur sur les branches les plus importantes de la science, sur celles-là même qui, à cause de leur importance, ont mérité d’être choisies pour servir de bases aux études classiques. […] Le jargon scolastique, quand il ne cache aucune pensée ou qu’il ne fait que servir de parade à d’étroits esprits, est fade et ridicule.

66. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Seconde partie. De l’état actuel des lumières en France, et de leurs progrès futurs — Chapitre VI. De la philosophie » pp. 513-542

Quand l’esprit a pris une fois cette marche, soit que momentanément il avance ou rétrograde, ses progrès futurs sont assurés ; il se sert de l’analyse ; il ne saurait longtemps défendre l’erreur. […] Descartes a trouvé une manière de faire servir l’algèbre à la solution des problèmes de la géométrie. […] Le calcul des probabilités, quand il s’applique à un très grand nombre de chances, présente un résultat moralement infaillible ; il sert de guide à tous les joueurs, quoique son objet, dans ce cas, paraisse livré à tous les caprices du hasard. […] L’on poursuit dans les autres l’incertitude dont on a soi-même la première idée ; et la faculté de croire, bizarre dans sa véhémence, s’irrite de ses propres doutes, au lieu de s’en servir pour examiner de plus près la vérité. […] Tout doit être soumis, en dernier ressort, à la vertu ; et quoique la vertu soit susceptible d’une démonstration fondée sur le calcul de l’utilité, ce n’est pas assez de ce calcul pour lui servir de base.

67. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Bernardin de Saint-Pierre. — I. » pp. 414-435

Après quelques études élémentaires de mathématiques, Bernardin, entré comme élève à l’École des ponts et chaussées, eut l’idée de servir dans le génie militaire : il y fut admis par une première méprise, mais il ne put jamais s’y faire accepter sur un pied d’égalité. […] Aux parois étaient accrochés tous les meubles qui servent au ménage ou au travail des champs. […] La nuit venue, on servit avec propreté tout ce que l’habitation fournissait. […] Les derniers éditeurs de Condorcet, en publiant une lettre de Bernardin à Mlle de Lespinasse, l’accusent d’avoir été ingrat envers d’Alembert et elle, qui cherchaient tous deux sincèrement à le servir. […] Un ministre ne peut pas répondre à votre demande d’aller servir un prince étranger.

68. (1919) L’énergie spirituelle. Essais et conférences « Chapitre IV. Le rêve »

Il y avait donc bien, offerte à notre perception pendant notre Sommeil, une poussière visuelle, et cette poussière a servi à la fabrication du rêve. Sert-elle toute seule ? […] Les sensations qui nous servent de matière sont vagues et indéterminées. […] La personne qui doit servir de sujet d’expérience est placée devant ces formules, dans l’obscurité, et ignore naturellement ce qui a été écrit. […] Les caractères réellement aperçus ont donc servi à évoquer un souvenir.

69. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Première partie. De la littérature chez les anciens et chez les modernes — Chapitre VII. De la littérature latine, depuis la mort d’Auguste jusqu’au règne des Antonins » pp. 176-187

La tyrannie, comme tous les grands malheurs publics, peut servir au développement de la philosophie ; mais elle porte une atteinte funeste à la littérature, en étouffant l’émulation et en dépravant le goût. […] La pensée de l’auteur, souillée par l’histoire de son temps, ne peut s’astreindre à cette pureté d’expressions qui doit toujours servir à peindre les images même les plus révoltantes. […] Les hommes de lettres d’alors n’ont point décoré la tyrannie ; et la seule occupation à laquelle on se soit livré sous ces maîtres détestables, c’est l’étude de la philosophie et de l’éloquence ; on s’exerçait aux armes qui pouvaient servir à renverser l’oppression même. […] L’esclavage qui mettait une classe d’hommes hors des devoirs de la morale, le petit nombre des moyens qui pouvaient servir à l’instruction générale, la diversité des sectes philosophiques qui jetait dans les esprits de l’incertitude sur le juste et l’injuste, l’indifférence pour la mort, indifférence qui commence par le courage et finit par tarir les sources naturelles de la sympathie ; tels étaient les divers principes de la cruauté sauvage qui a existé parmi les Romains.

70. (1911) La valeur de la science « Deuxième partie : Les sciences physiques — Chapitre IX. L’avenir de la Physique mathématique. »

Ensuite elle peut servir pour rendre compte de n’importe quelle dérogation au principe de Mayer ; elle répond d’avance non seulement à l’objection de Curie, mais à toutes les objections que les expérimentateurs futurs pourraient accumuler. Cette énergie nouvelle et inconnue pourra servir à tout. […] Le principe est intact, mais à quoi désormais peut-il servir ? […] Dans quel sens allons-nous nous étendre, nous ne pouvons le prévoir ; peut-être est-ce la théorie cinétique des gaz qui va prendre du développement et servir de modèle aux autres.

71. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 21, du choix des sujets des comedies, où il en faut mettre la scene, des comedies romaines » pp. 157-170

Plaute et Terence, qui n’avoient rien dans la langue latine qui pût leur servir de guide, imiterent trop servilement les comedies de Ménandre et d’autres poëtes grecs, et ils jouerent des grecs devant les romains. […] Voilà pourquoi, ajoute-t-il, ceux qui joüent dans les atellanes conservent tous les droits des citoyens et qu’ils servent même dans les legions, comme s’ils ne montoient pas sur le théatre. […] Tout le monde sçait, par exemple, le trait dont il se servit pour excroquer une ville qui vouloit dépenser une grande somme à lui ériger une statuë. […] Je ne parle point des comedies heroïques de Moliere, parce qu’il songea moins en les écrivant à faire des comedies, qu’à composer des pieces dramatiques qui pussent servir de liaison aux divertissemens destinez à former ces spectacles magnifiques que Louis XIV encore jeune donnoit à sa cour, et dont la memoire s’est conservée dans les païs étrangers autant que celle de ses conquêtes.

72. (1868) Cours familier de littérature. XXVI « CLIIIe entretien. Madame de Staël. Suite. »

Ce nom tant de fois fait, défait et refait par les factions alternatives qu’il a servies et desservies tour à tour avec un talent plus effronté qu’éclatant, est retombé déjà dans l’indifférence, et il ne fut jamais qu’une gloire de parti. […] Chacun, Lucien excepté, lassé d’avoir été proscrit par le Directoire, se préparait à servir le nouveau gouvernement, en n’exigeant de lui que de bien récompenser le dévouement à son pouvoir. […] Bonaparte remplissait cette condition du crime, mise à la place de la condition de propriété exigée dans d’autres pays ; il donnait la certitude que jamais il ne servirait les Bourbons. […] Il ne reconnaît que deux classes d’hommes, ceux qui le servent et ceux qui s’avisent, non de lui nuire, mais d’exister par eux-mêmes. […] Les gens du peuple sont beaucoup plus près d’être poëtes que les hommes de bonne compagnie, car la convenance et le persiflage ne sont propres qu’à servir de borne : ils ne peuvent rien inspirer.

73. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — F. — article » pp. 317-322

Son nom peut servir à deux époques différentes dans l’Histoire, chez notre Nation : au développement de la Philosophie, & à la corruption du goût. […] Il n’a rien inventé, il est vrai, mais il a su se rendre propres les découvertes des autres, en y ajoutant des traits de lumiere qui n’ont pas peu servi à les faire valoir. […] La modération de M. de Fontenelle, dans cette circonstance, doit servir de modele à tout Auteur raisonnable.

74. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — R. — article » pp. 109-114

On peut le regarder comme un Juge plein d'adresse & de sagacité, plus occupé à trouver des coupables, qu'à se servir de ses lumieres pour analyser les chefs d'accusation ; ou comme un censeur sévere qui interprete tout en mal, en ne s'attachant qu'aux dehors, qui sont bien du ressort de la police, mais non de la morale, qui doit pénétrer plus avant dans le cœur. Cette disposition à tout condamner se décele si évidemment dans lui, qu'il est aisé de s'appercevoir qu'il impute souvent des vices à l'homme, non pas tant parce qu'il le voit réellement, que pour ne pas perdre une expression énergique, un tout ingénieux, une pensée vive, qui peuvent servir à faire admirer son génie. […] Nous pensons y être d'autant plus obligés, que la plupart des jeunes gens, & même des Auteurs, faute de réfléchir, se sont laissé séduire, & se sont même servis de ce témoignage imposant, pour appuyer des idées fausses, absurdes, & quelquefois dangereuses.

75. (1824) Ébauches d’une poétique dramatique « De la comédie chez les Anciens. » pp. 25-29

La comédie, qu’on peut définir l’art de faire servir la malignité humaine à la correction des mœurs, est presque aussi ancienne que la tragédie ; et ses commencements ne sont pas moins grossiers. […] Il eut le malheureux talent de servir le fanatisme des prêtres d’Athènes, et de leur livrer pour victime le sage Socrate, dont ces prêtres redoutaient le plus la morale et la raison. […] Des baladins allaient de ville en ville jouer des farces qu’ils appelaient comédies, dont les intrigues sans vraisemblance et les situations bizarres ne servaient qu’à faire valoir la pantomime italienne.

76. (1867) Cours familier de littérature. XXIV « CXLIIe entretien. Littérature cosmopolite. Les voyageurs »

Puisses-tu servir de victime aux chiens des Francs ! […] Ces collations sont servies ordinairement dans des bassins plus grands que ceux dont on se sert dans nos pays, faits de bois laqué et peint fort délicatement, contenant vingt-cinq ou trente assiettes de porcelaine. […] À midi, on servit le dîner. Chaque invité n’eut qu’un bassin, mais d’une grandeur au-dessus de tous ceux dont on se sert dans nos pays. […] Le plat qu’on servit devant le roi fut apporté et posé devant lui sur une civière d’or.

77. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Vie militaire du général comte Friant, par le comte Friant, son fils » pp. 56-68

Lorsque je parlais, il y a quelques mois, dans Le Moniteur (20 avril 1857), des mémoires et Souvenirs du général Pelleport, je cherchais un nom, un type qui résumât avec gloire, aux yeux de tous, cette race d’hommes simples, purs, intrépides, obéissants et intelligents, les premiers du second ordre, les premiers lieutenants du général en chef, ses principaux exécutants et ses bras droits un jour d’action, et qui, tout entiers à l’honneur et au devoir, ne sont appliqués qu’à verser utilement leur sang et à bien servir. […] Depuis lors, le fils du général Friant, dans une pensée de piété domestique, a publié une Vie militaire fort exacte de son glorieux père, auprès duquel il a servi lui-même durant des années, et il nous est maintenant permis de nous faire une idée précise du genre de mérite et d’héroïsme de ce modèle des divisionnaires. […] J’ai le regret de te quitter ; mais nous servirons dans la même armée, et mon plaisir sera de dire : Friant a fait toujours son devoir étant sous mes ordres. […] Ceux qui ont servi sous le général Friant, questionnés sur ses mérites et qualités, nous ont donné de lui une idée que le colonel Michel, un d’entre eux, a résumée heureusement dans ce vivant portrait : Le général Friant, par son bon naturel, son excellent cœur, ses sentiments généreux, l’humanité qui le dominait, aimait ses soldats, les soignait comme ses propres enfants, vivant de leur vie, se mêlant avec eux, tout en conservant sa dignité ; il en était chéri et estimé au point que pas un d’eux n’eût balancé à sacrifier sa vie pour sauver celui qu’ils appelaient : Notre bon, notre brave père. — (Tombant mortellement blessé près de lui à la Moskowa, un voltigeur lui disait : « Mon général, voilà quatorze ans que je suis sous vos ordres ; votre main, et je meurs content […] — Il avait un talent particulier pour s’attirer l’affection, même des troupes étrangères qui servaient sous lui.)

78. (1875) Premiers lundis. Tome III « M. Troplong : De la chute de la République romaine »

L’histoire de ces temps peut donc servir à la nôtre, ou plutôt le spectacle de ce que nous avons eu sous les yeux et le sentiment de ce que nous avons observé nous-mêmes peuvent nous servir à entendre complètement cette histoire du passé ; car c’est moins l’histoire ancienne qui, en général, éclaire le présent, que l’expérience du présent qui sert à rendre tout leur sens et toute leur clarté aux tableaux transmis et plus ou moins effacés des anciennes histoires. […] Il n’espère pas vaincre, il ne veut pas régner, il ne craint pas d’être réduit à servir : il veut rester lui-même, il veut être jusqu’au bout Caton. […] Ce n’est pas un rêve que de croire qu’il serait utile de voir se produire quelquefois de beaux essais de ce que j’appelle une littérature d’État, c’est-à-dire d’une littérature affectionnée, qui ne soit pas servile, mais qui ose relever les vrais principes, honorer les hommes par leur côté principal et solide, rappeler derrière les jeux brillants et souvent trompeurs de la scène les mérites de ceux qui, à toutes les époques, ont servi le monde en le rendant habitable d’abord, en le conservant ensuite, en le replaçant, quand il veut se dissoudre, en des cadres fixes, et en luttant contre les immenses difficultés cachées.

79. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Seconde partie. De l’état actuel des lumières en France, et de leurs progrès futurs — Chapitre III. De l’émulation » pp. 443-462

La vie paresseuse ou la vie active sont plus dans la nature de l’homme que la méditation ; et pour consacrer toutes les forces de sa pensée à la recherche des vérités philosophiques, il faut que l’émulation soit encouragée par l’espoir de servir son pays et d’influer sur la destinée de ses concitoyens. […] Les esprits violents se servent des hommes éclairés quand ils veulent triompher du pouvoir établi ; mais lorsqu’il s’agit de se maintenir eux-mêmes, ils s’essaient à témoigner un mépris grossier pour la raison ; ils répandent sourdement que les facultés de l’esprit, que les idées philosophiques ne peuvent appartenir qu’aux âmes efféminées, et le code féodal reparaît sous des noms nouveaux. […] L’esprit révolutionnaire se trace une route, se fait un langage ; et si l’on voulait varier par l’éloquence même ces phrases commandées qu’exige l’intérêt du parti, l’on inquiéterait ses chefs : ils frémiraient en voyant s’introduire de nouveaux sentiments, de nouvelles pensées, qui serviraient aujourd’hui leur cause, mais qui pourraient s’indiscipliner une fois et se diriger vers un autre but. […] La parole ne sert qu’à rédiger la colère, à fixer en décrets ses premiers mouvements. […] Sans doute il faut de grands talents pour bien administrer ; mais c’est pour écarter le talent qu’on s’attachait à persuader que les pensées qui servent à former le philosophe profond, le grand écrivain, l’orateur éloquent, n’ont aucun rapport avec les principes qui doivent diriger les chefs des nations.

80. (1863) Molière et la comédie italienne « Chapitre XI. Il Convitato di pietra (le Convié de pierre) » pp. 191-208

Il n’est pas probable toutefois que cette pièce fut récitée au Petit-Bourbon ; elle dut servir simplement de canevas à ces acteurs qui jouaient d’habitude à l’impromptu. […] Son manteau lui sert pour faire l’exercice du drapeau. […] Le valet rend grâces au ciel de cet heureux changement, lorsque Don Juan se lève, et, par un coup de pied adroitement placé, fait sa réponse ordinaire à la harangue du moraliste, et lui donne l’ordre de faire servir à l’instant le souper. […] Une table est servie. […] Don Juan saisit un serpent dans un plat, en disant : “Je mangerais, quand tu me servirais tous les serpents d’enfer !”

81. (1856) Cours familier de littérature. I « VIe entretien. Suite du poème et du drame de Sacountala » pp. 401-474

Voici déjà notre chef de retour avec l’ordre du roi : ainsi, notre ami, bientôt tu vas être rendu à tes chers poissons, ou servir de proie aux chacals et aux vautours. […] C’est d’abord l’amour, qui ne sert pas toujours de texte au drame indien, mais qui souvent en est le sujet ; l’amour chaste et tendre, pur et innocent, semblable à celui qui brûle dans les pièces de Sophocle. […] Fille adorable du roi de Vidéha, pour la dernière, oui, pour la dernière fois, que tes pieds charmants servent d’oreiller à la tête de Rama !  […] Je vais vous servir de guide… Le soleil, en ce moment, échauffe le ciel de ses rayons les plus ardents, et force à venir se réfugier sous l’ombrage les chantres silencieux de la clairière. […] » La scène s’évanouit après ces paroles, et le peuple édifié sort du spectacle comme d’un temple, où le plaisir même sert de mobile à la religion et à la vertu.

82. (1772) Discours sur le progrès des lettres en France pp. 2-190

Elle ne nous est donnée que pour nous conduire, & ne leur a servi que pour les égarer. […] Au défaut des sources profanes, la Religion servit les Poëtes. […] Ce n’est pas qu’ils n’eussent déjà servi de guides à plusieurs Ecrivains, mais c’étoit sans discernement & sans choix. […] Jodelle ne fut point effrayé de l’obstacle : son génie & ses talens le servirent également bien. […] En effet, à quoi peuvent servir la science & le mérite, quand la fortune & la protection disposent de tout, conduisent à tout ?

83. (1772) Bibliothèque d’un homme de goût, ou Avis sur le choix des meilleurs livres écrits en notre langue sur tous les genres de sciences et de littérature. Tome II « Bibliotheque d’un homme de goût — Chapitre IV. Des Livres nécessaires pour l’étude de l’Histoire. » pp. 87-211

On lui suscita quelques chagrins à son retour ; ce qui ne l’empêcha pas de servir ensuite chez différens peuples. […] “Nos meilleurs historiens modernes, dit l’auteur dans sa préface, m’ont fourni les faits, & me serviront de garans. […] in-12. peut servir de supplément à l’histoire des guerres civiles de Davila. […] Mémoires pour servir à l’histoire de Louis XIII. […] Cet ouvrage est assez superficiel ; mais tel qu’il est il peut vous servir.

84. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XXXIII. Des éloges ou panégyriques adressés à Louis XIV. Jugement sur ce prince. »

C’est à elle que Louis XIV dut les principales qualités de son âme ; cette droiture, ennemie de la dissimulation, et qui ne sut presque jamais s’abaisser à un déguisement ; cet amour de la gloire qui, en élevant ses sentiments, lui donnait de la dignité à ses propres yeux, et lui faisait toujours sentir le besoin de s’estimer ; cette application qui, dans sa jeunesse même, fut toujours prête à immoler le plaisir au travail ; cette volonté qui savait donner une impulsion forte à toutes les volontés, et qui entraînait tout ; cette dignité du commandement qui, sans qu’on sache trop pourquoi, met tant de distance entre un homme et un homme, et au lieu d’une obéissance raisonnée, produit une obéissance d’instinct, vingt fois plus forte que celle de réflexion ; ce désir de supériorité qu’il étendait de lui à sa nation, parce qu’il regardait sa nation comme partie de lui-même, et qui le portait à tout perfectionner ; le goût des arts et des lettres, parce que les lettres et les arts servaient, pour ainsi dire, de décoration à tout cet édifice de grandeur ; enfin, la constance et la fermeté intrépide dans le malheur, qui, ne pouvant diriger les événements, en triomphait du moins, et prouva à l’Europe qu’il avait dans son âme une partie de la grandeur qu’on avait cru jusqu’alors n’être qu’autour de lui. […] Il ne prévit point assez que dans la constitution économique des états, de longues victoires ressemblent presque à des défaites ; que tout ce qui est violent, s’use par sa violence même ; que de grandes puissances, unies pour résister, doivent à proportion s’affaiblir beaucoup moins qu’une grande puissance armée pour attaquer ; que les grands hommes qui, à la tête de ses armées, étaient fiers de le servir, devaient, par leur exemple, faire naître d’autres grands hommes pour le combattre ; que toutes les fois qu’on fait de grands efforts, il ne peut y avoir de succès que ceux qui sont rapides, parce que les moyens extrêmes tendent toujours à s’affaiblir. […] Ce prince eut deux ministres célèbres ; Colbert, qui enrichit l’État par ses travaux, et dont les erreurs même furent celles d’un citoyen et d’un grand homme ; Louvois, dont l’esprit étendu et prompt semblait né pour la guerre, et servit son maître en désolant l’Europe. […] Ainsi, après s’être occupé de ses grands desseins avec ses généraux et ses ministres, il se délassait quelquefois en conversant avec Racine : il ordonnait qu’on représentât devant lui les chefs-d’œuvre du vieux Corneille : il sentait de l’orgueil à se voir servir dans son palais par l’auteur du Misanthrope et du Tartufe, et donnant à Molière son roi pour défenseur, empêchait qu’une cabale d’autant plus terrible, qu’on y mêlait le nom de la vertu, n’opprimât un grand homme. […] Il sut comme lui employer les talents, et faire, servir les grands hommes à sa renommée ; mais il fallait qu’Octave se servît de ses égaux pour sa grandeur, et leur persuadât qu’il avait droit à leurs victoires, quoiqu’il ne tînt ce droit que de leurs victoires même.

85. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « LXXI » pp. 281-285

Mais il y a pis ; car, en paraissant dans un journal quotidien politique, ces œuvres des grands écrivains servent avant tout d’appât et d’amorce à des doctrines et à des entreprises dont le but principal peut être funeste ou du moins directement opposé aux vues mêmes de ces écrivains. […] Mais Chateaubriand, le voilà devenu, presque sans le vouloir, le compère d’une entreprise politique qui lui est antipathique ; voilà que son livre mystérieux d’Outre-tombe va servir, en quelque sorte, de miroir à prendre les alouettes, c’est-à-dire à faire des chalands à M. […] De loin, à nous humbles esprits, il nous semble que, malgré tout, la partie n’est point perdue pour la cause des Lettres honnêtes et sévères, et que ce drapeau si bruyamment déployé par des spéculateurs intrépides peut au contraire servir de signal à tous les esprits modérés et sains, à tous les talents restés sérieux et dignes, pour s’unir, se serrer en groupe, et pour résister à un coup de main qui tend à changer ainsi de fond en comble le régime et les conditions vraies de la littérature.

86. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Correspondance de Louis XV et du maréchal de Noailles, publiée par M. Camille Rousset, historiographe du ministère de la guerre »

On le vit de bonne heure bien servir à la guerre, concevoir des plans de campagne, avoir des idées en politique, s’exprimer et agir d’une manière aisée et grande qui le rattache encore au siècle dont il était l’un des plus jeunes à soutenir le déclin. […] Revenu sur la scène, maréchal de France en 1734, il servit bien en Italie l’année suivante et réussit contre les Impériaux, de concert avec des alliés ombrageux et par une combinaison de qualités tant militaires que diplomatiques : ce mélange de talents était son fort. […] Saint-Simon était bien avec le duc de Bourgogne, le présent Dauphin ; lui mort, il n’était pas moins bien avec le duc d’Orléans, le futur et prochain Régent ; il n’était pas homme à servir mollement ceux qu’il aimait. […] J’admettrais même volontiers que ce qui était arrivé au duc de Noailles avec Saint-Simon, et dont les conséquences furent longues et dures, pût lui servir de leçon pour ne pas recommencer et s’y laisser reprendre. […] Depuis qu’il ne sert plus en qualité de général, il se montre au Conseil grand Autrichien… » Quand on lit ces portraits, il faut faire la part des antipathies.

87. (1911) Jugements de valeur et jugements de réalité

Si le blé a de la valeur, c’est qu’il sert à l’alimentation et entretient la vie. […] Cependant, ce n’est évidemment pas la manière dont les propriétés physiques du diamant ou de la perle agissent sur la généralité de nos contemporains qui peut servir à en déterminer la valeur actuelle. […] C’est que l’idéal n’est pas au service du réel ; il est là pour lui-même ; ce ne sont donc pas les intérêts de la réalité qui peuvent lui servir de mesure. […] Dans les premiers cas, c’est l’idéal qui sert de symbole à la chose de manière à la rendre assimilable à la pensée. Dans le second, c’est la chose qui sert de symbole à l’idéal et qui le rend représentable aux différents esprits.

88. (1861) Cours familier de littérature. XII « LXXe entretien. Critique de l’Histoire des Girondins » pp. 185-304

vivre si longtemps ne t’aurait servi qu’à cela ! […] Si l’empire qu’il sert aujourd’hui, comme il a servi la légitimité, la royauté de juillet, la république, avec un zèle qui ne faiblit jamais et avec un talent qui grandit toujours ; si, dis-je, l’empire venait à chanceler dans une journée de février quelconque, que penserait M.  […] La protection du prince et de sa sœur ne me fut néanmoins d’aucun secours, soit dans la carrière littéraire, où l’on n’est protégé que par son talent, si on en a ; soit dans la carrière militaire, où je servais, dans les gardes-nobles de Louis XVIII, une cause très opposée au parti politique déjà dessiné du duc d’Orléans ; soit dans la carrière diplomatique, où je servis fidèlement la politique de la légitimité jusqu’à sa chute. […] On pourrait prendre une politesse pour une adhésion à son gouvernement ; je dois respectueusement m’abstenir de paraître où je ne veux ni complimenter ni servir. » Je partis le lendemain pour l’Angleterre. […] Le ministre, son rival, qui avait consenti à servir, à Londres, la politique de guerre et qui n’avait servi qu’à se rendre acceptable au roi pour remplacer M. 

89. (1895) Histoire de la littérature française « Sixième partie. Époque contemporaine — Livre I. La littérature pendant la Révolution et l’Empire — Chapitre IV. Chateaubriand »

Enfin il fallut choisir une carrière ; il choisit d’aller explorer l’Amérique, de servir aux Indes : c’était le lointain, l’indéterminé. […] Le 15 juillet 1792, le chevalier de Chateaubriand crut se devoir à lui-même d’émigrer et de rejoindre l’armée des princes : il servit sans illusion, sans fanatisme, recueillant des impressions de la vie militaire, du service d’avant-postes, de tout le détail extérieur, pittoresque ou poétique de la guerre. […] Ambassadeur, ministre, polémiste, il servira à sa mode la Restauration, sans complaisance pour la royauté, méprisant pour les courtisans, gênant pour les ministres, dédaignant d’allonger la main pour saisir le pouvoir, voulant mal de mort à tous ceux qui le saisissent, et portant de rudes coups parfois au régime qu’il prétend servir. […] Il servit la cause des Bourbons avec désintéressement ; mais il appartient à Chateaubriand d’avoir le désintéressement égoïste : il sert pour l’honneur, ce qui revient, dans la pratique, à se détacher du succès de la cause, à se satisfaire des actes ou des gestes qui dégagent son honneur. […] Il servit encore d’intermédiaire entre la duchesse et Charles X, lorsqu’elle épousa le comte Lucchesi-Palli.

90. (1866) Cours familier de littérature. XXII « CXXXIe entretien. Littérature russe. Ivan Tourgueneff » pp. 237-315

— Vous, pourtant, vous avez servi dans les hussards. […] À quoi lui sert cette liberté tant vantée ? […] On sert de la batvine. […] Il semblait même que son absence ne servît qu’à le faire mieux apprécier. […] … À quoi sert de songer à toutes ces… — À quoi sert ?

91. (1870) De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés « De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés — Chapitre VI : Difficultés de la théorie »

Wollaston, qu’en général, lorsqu’il se présente des variétés intermédiaires entre deux autres formes, elles sont numériquement beaucoup plus rares que les formes auxquelles elles servent de lien. […] Ceux-ci ont les membres et même la base de la queue reliés ensemble par une large expansion de la peau qui leur sert comme de parachute et leur permet de se soutenir dans l’air et de sauter d’arbre en arbre à de surprenantes distances. […] Chez les Cirripèdes pédonculés, on observe deux petits plis de la peau que j’ai nommés les freins ovigères, parce qu’ils servent, au moyen d’une sécrétion visqueuse, à retenir les œufs dans le sac ovarien jusqu’à ce qu’ils soient prêts à éclore. […] Je ne puis donc douter que les deux petits plis de la peau, qui originairement servaient de freins ovigères, mais qui aidaient aussi un peu aux fonctions respiratoires, n’aient été graduellement converties en branchies par sélection naturelle. […] La vessie natatoire serait donc bien originairement construite pour servir à la respiration, et se serait au contraire transformée pour aider seulement à la flottaison, aide qui a été contestée par plusieurs naturalistes, au moins chez certaines espèces.

92. (1881) La parole intérieure. Essai de psychologie descriptive « Chapitre VI. La parole intérieure et la pensée. — Second problème leurs différences aux points de vue de l’essence et de l’intensité »

Les idées de choses sensibles, étant les premières conçues et les plus profondément enracinées, servent en quelque sorte de tuteurs aux idées psychologiques et métaphysiques jusqu’à ce que celles-ci aient acquis la force suffisante pour se passer de leur secours. […] En apparence pourtant, il fait l’unité de notre vie individuelle, comme le signe extérieur fait l’unité de la vie sociale : il sert d’intermédiaire entre plusieurs apparitions d’une même idée dans la même conscience ; sans lui, nous oublierions nos idées, et notre passé s’évanouirait à mesure ; les mots gardent pour l’avenir nos pensées d’autrefois ; à notre appel, ils nous les rendent, et nous permettent ainsi de nous en servir comme de matériaux pour de nouvelles entreprises intellectuelles ; les mots semblent la matière propre de la remémoration et, par suite, l’unité empirique de notre existence, dont la loi du souvenir est l’unité formelle. […] Les langues doivent se renouveler périodiquement, non seulement pour servir au progrès de la science, mais dans l’intérêt même de la conservation des découvertes du passé : le sens commun se perdrait s’il parlait toujours la langue de nos ancêtres. […] 2° Nous nous servions tout à l’heure des rapports mutuels des idées pour prouver qu’elles conservent toujours quelque spécificité consciente. […] Pour servir de suite aux Salons, Œuvres complètes, Garnier Frères, t. 

93. (1824) Ébauches d’une poétique dramatique « Conduite de l’action dramatique. » pp. 110-232

Une mort est à la vérité un événement important ; mais souvent il sert plus à la facilité du dénouement qu’à l’importance de l’action, et le péril de la mort n’y sert pas quelquefois davantage. […] S’il choisit le premier parti, l’intérêt qu’on prend à ces épisodes, ne sert qu’à mieux faire sentir la froideur de l’action principale, et il a mal rempli son titre. […] Sophocle s’en est servi une seule fois dans son Antigone, où Hæmon veut tuer son père Créon. […] Les caractères bas ne peuvent y être admis que lorsqu’ils servent à faire valoir des caractères supérieurs ; et c’est peut-être ce qui sert à faire tolérer Prusias dans Nicomède, et Félix dans Polieucte. […] On est étonné que Corneille se soit servi de deux confidens pour faire l’exposition de Rodogune.

94. (1813) Réflexions sur le suicide

Il ne s’ensuivrait pas que la race humaine dût se prêter à servir d’aliment aux facultés gigantesques d’Alexandre ; mais on peut dire que, d’après sa nature, lui, ne savait être heureux qu’ainsi. […] Ils ne servent qu’à l’habileté, qu’à la prudence, qu’à toutes ces qualités mondaines dont le type est dans les animaux, quoique le perfectionnement en appartienne à l’homme. […] L’esprit, le courage même ne sont dignes de louange que quand ils servent à ce dévouement qui peut produire plus de merveilles que le génie. […] Elle régna neuf jours ou plutôt son beau-père le Duc de Northumberland se servit de son nom pour gouverner pendant ce temps. […] J’étais alors dans tout l’orgueil et la vivacité de la première jeunesse, mais à quoi servirait-il de vivre, si ce n’était dans l’espoir de s’améliorer ?

95. (1864) Cours familier de littérature. XVII « XCIXe entretien. Benvenuto Cellini (1re partie) » pp. 153-232

Il servait à fermer la ceinture d’un homme, selon l’usage d’alors. […] Il devait servir de socle à une salière pour la table du cardinal. […] Hé bien, sachez, lui dis-je, que si j’ai su me servir de mes outils pour faire les ouvrages que vous m’avez commandés, je saurai me servir de mon épée pour me les faire payer. […] J’avais de plus une belle fille, qui me servait de modèle quand j’en avais besoin, et surveillait toutes mes affaires. […] Jésus-Christ n’abandonne jamais ceux qui le servent, et je lui en rends grâces.

96. (1867) Cours familier de littérature. XXIV « CXXXIXe entretien. Littérature germanique. Les Nibelungen »

Il fit servir des mets différents aux chrétiens et aux païens, mais de tout avec profusion. […] Il faut que votre mort serve de satisfaction à Kriemhilt. […] Il était assis là plein d’angoisses: à quoi lui servait d’être roi ? […] Il saisit une lance puissante ; poussé par la haine, il voulait s’en servir pour abattre Hagene. […] La force d’Irinc ne lui servit guère.

97. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 13, qu’il est probable que les causes physiques ont aussi leur part aux progrès surprenans des arts et des lettres » pp. 145-236

Tout le monde sçait bien que les chinois n’imprimoient qu’avec des planches gravées, et qui ne pouvoient servir que pour imprimer une seule chose, au lieu que les caracteres séparez, sans compter les autres commoditez qu’ils donnent aux imprimeurs, ont celle de pouvoir servir à l’impression de plusieurs feüilles differentes. […] Ces maîtres leur ont encore enseigné comme il falloit se servir des pinceaux et des couleurs, mais sans pouvoir en faire des peintres intelligens. […] Les autres ne servent plus que d’ornement à ces biblioteques, où les livres rares ont autant de droit de prendre place que les bons livres. […] Les italiens, de qui nous avons appris l’art de la sculpture, sont réduits depuis long-temps à se servir de nos ouvriers. […] Comme on ne pouvoit pas le composer entierement de morceaux rapportez, il fallut qu’un sculpteur de ce temps-là fit quelques bas-reliefs qui servissent à remplir les vuides.

98. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Le marquis de Lassay, ou Un figurant du Grand Siècle. — II. (Fin.) » pp. 180-203

Ce que Bernis écrivait de Venise à Pâris-Duverney, Lassay l’écrira presque dans les mêmes termes à Bolingbroke : « J’ai toujours pensé qu’une extrême ambition ou une entière liberté peuvent seules remplir le cœur d’un honnête homme : l’état qui est entre deux n’est fait que pour les gens médiocres. » En attendant, la guerre ayant recommencé en 1688, Lassay fit comme les gentilshommes de cœur, et alla servir en Allemagne et en Flandre sur le pied de volontaire. […] Elle l’aida donc à effacer les impressions fâcheuses que sa démission ancienne avait pu laisser dans l’esprit de Louis XIV : Je ne demande au roi pour toute grâce, écrivait Lassay, que de me donner des occasions de le servir ; l’extrême envie que j’aurais de lui plaire me donnera de l’habileté ; quand on a une grande envie de bien faire, il est difficile qu’on fasse bien mal, et personne dans le monde n’a tant de bonne volonté que moi. […] Il me déplaît de voir Lassay se servir de cette ancienne affection sacrée comme d’une amorce ou d’un aiguillon dans ses conquêtes nouvelles, et d’une manière d’ingrédient pour se faire aimer. […] C’est cette même marquise de Lassay pour laquelle Chaulieu, qui en était épris, et qui la rencontrait sans cesse dans la petite cour de Mme la Duchesse à Saint-Maur, a fait une foule de jolis vers, et ceux-ci entre autres où il parle de son cœur d’un ton presque aussi ému que l’eût pu faire La Fontaine : Il brûle d’une ardeur désormais éternelle ; Et, livré tout entier à qui l’a su charmer, Il sert encore un Dieu qu’il n’ose plus nommer51. […] Lassay qui, à la mort du prince de Conti, donna sur lui le mémoire qui servit à l’Oraison funèbre prononcée par Massillon (1709), en a tracé un autre portrait ou caractère beaucoup plus vrai, ce me semble, et plus réel, quand ce prince vivait encore.

99. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Catinat (suite et fin.) »

Il écrivait au roi, en lui adressant un mémoire sur les besoins de son armée (8 décembre 1693) : « Je connais parfaitement, Sire, la conséquence des dépenses ; mais il vaudrait mieux qu’elles fussent diminuées sur le nombre des troupes et que celles que l’on a fussent servies de leurs besoins essentiels et nécessaires… J’importune Sa Majesté dans ce mémoire de grands et petits détails, parce qu’il n’y en a aucun d’indifférent sur cette frontière, où les choses les plus nécessaires manquent tout d’un coup, pour lesquelles on n’a presque pas d’attention ailleurs. […] Le mécontentement de Louis XIV fut des plus vils en apprenant les disgrâces de son armée d’Italie et les fâcheuses conséquences de toutes ces marches en arrière de Catinat ; il en était informé, à n’en pas douter, par des lettres de Tessé, qui servait dans cette armée, et que nous retrouvons avec tout son entrain habituel et son pittoresque de langage. […] Il y a quelque chose d’invisible, et un enchantement perpétuel et impénétrable qui conduit cette machine… Encore une fois je deviens fou, mais mon état ne fait rien au roi… » Je suis forcé de supprimer les détails et les raisons à l’appui. — Et dans une autre lettre du 10 août, Tessé indiquant les mouvements en sens divers et les incertitudes multipliées de Catinat, allait jusqu’à dire : « Le pauvre Pleneuf [le munitionnaire] fait au-delà de l’imagination ; mais les ordres changent trois fois dans un jour ; encore si le bon maréchal voulait se faire servir ou se laisser servir, patience ! […] Nous ne finirions jamais si la vigueur de l’esprit et du corps était égale dans tous les âges : joignez à cela que j’ai une infirmité qui ne laisse pas de me rendre dures et pénibles les grandes fatigues à cheval. » Il continua donc de servir, en évitant tout air de plainte. […] Il y rappela par sa simplicité, par sa frugalité par le mépris du monde, par la paix de son âme et l’uniformité de sa conduite, le souvenir de ces grands hommes qui, après les triomphes les mieux mérités, retournaient tranquillement à leur charrue, toujours amoureux de leur patrie, et peu sensibles à l’ingratitude de Rome qu’ils avaient si bien servie.

100. (1872) Nouveaux lundis. Tome XIII « Le général Jomini. [III] »

me jeter ainsi votre démission à la figure, et croire que je renvoie ainsi les gens qui me servent bien ! […] » Scène peut-être ménagée à dessein pour leur servir de leçon43. […] Je lui présente l’impossibilité où je me trouve de servir plus longtemps, découragé et humilié à mes propres yeux. […] Après avoir suivi le plus grand des capitaines pendant plusieurs campagnes, personne ne doit regretter plus que moi de ne pouvoir plus servir dans ses armées. Votre Altesse me permettra aussi de lui présenter toute la peine que j’éprouve de ne pouvoir plus continuer à servir auprès d’elle.

101. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) «  Mémoires de Gourville .  » pp. 359-379

Voilà bien Gourville, le plus honnête des domestiques entendus, dévoué et ne séparant point son intérêt de celui du maître qu’il sert. […] Mazarin distingua à temps Gourville dans les rangs des adversaires et résolut de l’employer ; il le reconnaissait pour avoir de l’esprit, et capable de servir le roi. […] Dans cette négociation, comme dans toutes, il met en avant de cette gaieté naturelle et de cet esprit de plaisanterie qui sert à couvrir les affaires sérieuses et qui les rend plus faciles. […] Le jour de son arrivée, il soupe au quartier du marquis d’Humières, qu’il trouve servi en vaisselle d’argent comme à la ville ; c’était le premier qui eût donné en temps de guerre ce ruineux exemple. Le lendemain, il a l’honneur de dîner chez M. de Turenne, qu’il trouve servi en vaisselle de fer-blanc.

102. (1772) Bibliothèque d’un homme de goût, ou Avis sur le choix des meilleurs livres écrits en notre langue sur tous les genres de sciences et de littérature. Tome I « Bibliotheque d’un homme de goût. — Chapitre VI. Des Livres qui traitent de la Rhétorique. » pp. 294-329

C’est en même tems un bon recueil de Mémoires qui peuvent infiniment servir à ceux qui voudront écrire sur cette matiere. […] Ses regles sont ingénieuses & ses exemples agréables ; on a appellé son livre le Dictionnaire des Pensées fines, parce qu’il y en a beaucoup de ce genre, & qu’il peut servir à en faire naître. […] Il seroit difficile, dit l’Abbé des Fontaines, de rassembler en moins de mots & avec autant de goût & de discernement, tout ce qui sert à bien connoître l’art de prêcher. […] Quelque différens que soient l’objet du comédien & celui du Prédicateur, comme ils les remplissent par les mêmes moyens, peuvent servir au vice & à la vertu, je crois pouvoir consseiller à ceux qui se destinent à la chaire la lecture du Livre de M. […] On peut aussi se servir très-utilement des Pensées sur la déclamation, qu’un célébre acteur du théatre italien de Paris, M.

103. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Le président Jeannin. — III. (Fin.) » pp. 162-179

Un religieux cordelier, Jean Ney, fut le messager actif et secret de qui les archiducs se servirent pour insinuer aux Hollandais qu’un accord était possible, et pour convenir d’une première suspension d’armes d’où le reste dépendît. […] Deux grands rois qu’on a essayé de séparer de votre amitié sont demeurés fermes et constants en leur première affection, et n’ont eu ensemble qu’un même avis en la conduite de cette affaire… La plus grande prudence aux affaires d’importance est de se servir de l’opportunité, et de considérer qu’en peu de temps les changements arrivent en l’instabilité des choses humaines et des volontés des hommes, qui rendent impossible ce qui était auparavant aisé. […] Henri IV mort, le président continua d’être un des principaux conseillers de l’État, et pendant près de douze années encore (1610-1622) il ne cessa, sauf un court intervalle marqué par le premier ministère de Richelieu, de servir chaque jour soit dans les finances, dont il eût le maniement en chef, soit dans toutes les affaires si compliquées de la régence et des premières années de la majorité. […] Jamais il n’embrassa plus d’affaires qu’il n’en pouvait expédier… Jamais il ne flatta son maître ; s’est toujours plus étudié à servir qu’à plaire ; ne mêla jamais ses intérêts parmi les affaires publiques. […] L’ensemble de ces pièces inédites qui ne sont pas toutes d’un égal intérêt, servirait du moins à compléter sur bien des points et à établir la biographie du président.

104. (1824) Ébauches d’une poétique dramatique « Observations générales, sur, l’art dramatique. » pp. 39-63

Il consiste à ranger tellement ce qu’on a à dire, que du commencement à la fin, les choses se servent de préparation les unes aux autres, et que cependant elles ne paraissent jamais dites pour rien préparer. […] C’est encore un grand secret de l’art, quand un morceau plein d’éloquence ou un beau développement servent, non seulement à passionner la scène où ils se trouvent, mais encore à préparer le dénouement ou quelque incident terrible. […] Il eût fallu l’attendre : Qui fait plus qu’il ne doit, ne sait point me servir. […] On trouve, dans les œuvres de Racine, le canevas du premier acte d’Iphigénie en Tauride, qui peut servir de modèle. […] Ce mot sert aussi quelquefois à désigner les pièces dont le fonds est un roman connu, telles que sont la plupart des pièces de La Chaussée.

105. (1818) Essai sur les institutions sociales « Chapitre II. Marche progressive de l’esprit humain » pp. 41-66

Qui prolongea, par exemple, le séjour des rois pasteurs dans les plaines de Sennaar, si ce n’est la Providence de Dieu, qui voulait que le plus bel ouvrage de la création fût soumis à de longues et paisibles observations, pour qu’elles servissent ensuite à inspirer les Galilée et les Newton ? […] Les conquêtes d’Alexandre furent un torrent qui ne fit que passer ; toutefois elles répandirent au loin la connaissance de la langue grecque, destinée à servir d’organe aux premiers apôtres de la vérité, aux premiers martyrs de la foi chrétienne, comme elle avait servi auparavant à préparer, par la culture des lettres, et par des doctrines morales, un grand nombre de nations barbares à recevoir la semence de la parole. […] Celle qu’il n’a point aperçue, ou qu’il a négligée, donnerait ici lieu à d’importantes observations : je m’en abstiendrai aussi, parce que je ne veux point être accusé d’être guidé par un esprit de système ; mais qu’il me soit permis de puiser, dans le peu que nous connaissons de ce génie allégorique, une hypothèse qui pourra servir à faire mieux sentir, par la suite, plusieurs choses qu’il me serait assez difficile d’expliquer. Je supposerai donc, sans m’arrêter même à justifier cette supposition, quelque vraisemblable qu’elle soit, je supposerai que, chez les anciens, les initiations ne fussent, à proprement parler, qu’une imitation de la vie actuelle : l’initié passait par une suite d’épreuves qui servaient à développer ce qui était déjà en lui ; on ne lui révélait point la vérité, mais on la faisait naître de l’ébranlement de ses propres facultés ; on ne la lui disait point ; on la lui faisait trouver, en écartant les obstacles qui s’opposaient à ce qu’elle se montrât. Maintenant, si nous retournons la supposition, ne pouvons-nous pas admettre que la vie est une sorte d’initiation qui sert à manifester, dans l’homme, l’être intellectuel et l’être moral ?

106. (1895) Histoire de la littérature française « Troisième partie. Le seizième siècle — Livre IV. Guerres civiles conflits d’idées et de passions (1562-1594) — Chapitre I. Les mémoires »

Mais il faut tenir compte surtout des individus, qui, prenant le déploiement de toutes leurs énergies pour règle et pour fin de leur activité, faisaient servir à eux-mêmes les causes qu’ils servaient, et ne cherchaient réellement dans le triomphe poursuivi du calvinisme, ou du catholicisme, que les moyens d’étendre et d’enrichir leur personnalité. […] C’est alors qu’il dicta ses Commentaires, avec une mémoire merveilleusement présente, pour se consoler dans son inaction, pour se faire honneur et à sa patrie gasconne, enfin pour servir d’instruction aux capitaines. […] Il servait le roi, voilà tout, et il estimait que dans la guerre civile l’extrême rigueur est commandée. […] Mais je veux dire qu’il rend la vie, et que nous ne voyons pas seulement dans son récit des enchaînements de faits extérieurs, nous y saisissons par surcroît les réalités morales qui leur servent de support.

107. (1911) La valeur de la science « Première partie : Les sciences mathématiques — Chapitre II. La mesure du temps. »

Pour mesurer le temps, ils se servent du pendule et ils admettent par définition que tous les battements de ce pendule sont d’égale durée. […] Quand nous nous servons du pendule pour mesurer le temps, quel est le postulat que nous admettons implicitement ? […] On sait que Rœmer s’est servi des éclipses, des satellites de Jupiter, et a cherché de combien l’événement retardait sur la prédiction. […] Ou bien enfin, ils se servent du télégraphe. […] 2° Il est difficile de séparer le problème qualitatif de la simultanéité du problème quantitatif de la mesure du temps ; soit qu’on se serve d’un chronomètre, soit qu’on ait à tenir compte d’une vitesse de transmission, comme celle de la lumière, car on ne saurait mesurer une pareille vitesse sans mesurer un temps.

108. (1890) L’avenir de la science « Préface »

Je vis les fatales nécessités de la société humaine ; je me résignai à un état de la création où beaucoup de mal sert de condition à un peu de bien, où une imperceptible quantité d’arôme s’extrait d’une énorme caput mortuum de matière gâchée. […] Personne n’a plus de goût à servir de matériaux à ces tours bâties, comme celles de Tamerlan, avec des cadavres. […] Pour nous autres, idéalistes, une seule doctrine est vraie, la doctrine transcendante selon laquelle le but de l’humanité est la constitution d’une conscience supérieure, ou, comme on disait autrefois, « la plus grande gloire de Dieu » ; mais cette doctrine ne saurait servir de base à une politique applicable. […] Qui aura, dans des siècles, le plus servi l’humanité, du patriote, du libéral, du réactionnaire, du socialiste, du savant ? […] Selon la première idée chrétienne, qui était la vraie, ceux-là seuls ressusciteront qui ont servi au travail divin, c’est-à-dire à faire régner Dieu sur la terre.

109. (1895) Les règles de la méthode sociologique « Chapitre IV : Règles relatives à la constitution des types sociaux »

Sans même pousser les choses à cette rigueur, on peut prévoir que, plus les caractères qui serviront de base à la classification seront nombreux, plus aussi il sera difficile que les diverses manières dont ils se combinent dans les cas particuliers présentent des ressemblances assez franches et des différences assez tranchées pour permettre la constitution de groupes et de sous-groupes définis. […] Elle ne sera vraiment utile que si elle nous permet de classer d’autres caractères que ceux qui lui servent de base, que si elle nous procure des cadres pour les faits à venir. […] Dans ces conditions, elle ne servira pas seulement à mettre un peu d’ordre dans des connaissances toutes faites ; elle servira à en faire. […] Mais une fois ces types constitués, il y aura lieu de distinguer dans chacun d’eux des variétés différentes selon que les sociétés segmentaires, qui servent à former la société résultante, gardent une certaine individualité, ou bien, au contraire, sont absorbées dans la masse totale.

110. (1888) Les œuvres et les hommes. Les Historiens. X. « M. Fustel de Coulanges » pp. 15-32

Néron et Commode pouvaient être des monstres et abuser effroyablement de leur droit, mais ils pouvaient s’en servir. […] Tous ces Barbares, Germains, Burgundes, Suèves, se haïssaient entre eux, mais ils ne haïssaient pas Rome, et dès les commencements, ils l’avaient servie. […] Réduits à n’être que ce qu’ils étaient, ils sentirent, dans une moindre mesure que les Gaulois, mais ils sentirent aussi, le magnétique rayonnement de l’unité Romaine qu’ils avaient en face d’eux, comme les aveugles sentent le soleil… Le mot qui court dans les histoires, que les Germains servirent les Romains pour les combattre, est un mot faux. Ils servirent et furent très fidèles. […] Quant à l’Empire Romain, que les Barbares ne détruisirent pas, ce fut lui qui se frappa lui-même en accordant à l’importunité des Germains qui le servaient la juridiction civile avec le gouvernement militaire, qui auraient dû rester dans des mains romaines.

111. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Troisième partie — Section 9, de la difference qui étoit entre la déclamation des tragedies et la déclamation des comedies. Des compositeurs de déclamation, reflexions concernant l’art de l’écrire en notes » pp. 136-153

La décoration qui servoit à la tragedie ne pouvoit pas servir à la comedie. […] Enfin Horace et tous les auteurs de l’antiquité qui parlent en passant de la déclamation tragique des anciens, se servent d’expressions qui marquent qu’elle étoit ce que nous appellons chantante. […] tragaedo vociferante, et Apulée se sert des mêmes termes pour dire la même chose : comaedus sermocinatur, tragaedus vociferatur. […] Ciceron se sert de la même expression, facere modos, pour designer ceux qui composoient la declamation des pieces de théatre.

112. (1869) Cours familier de littérature. XXVIII « CLXIVe entretien. Chateaubriand, (suite.) »

M. de Villèle consentit à l’admettre, comme ministre des affaires étrangères, dans son cabinet ; il y servit mal ses collègues, favorisant tantôt leur politique, tantôt combattant sournoisement leurs plans, pour donner des gages ou des espérances aux libéraux. […] Il sortit du conseil en Coriolan, et déclara le lendemain une guerre de vengeance au parti qu’il servait la veille. […] Je me dévouai à sa cause ; la servit-il bien ou mal ? […] Ce ministère neutre, et respecté des deux partis, servait de prétexte à Chateaubriand pour ne point ébranler les hommes du cabinet ; mais M. de la Ferronnays étant tombé malade, les rivalités semblèrent près de renaître. […] Il ne pouvait supporter la solitude dès que madame Récamier lui manquait ; il ne devait qu’à elle les heures de diversion qu’elle lui ménageait dans ses journées ; sa bonté de femme lui servait de génie : la bonté est le véritable génie des femmes supérieures.

113. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Les trois siecles de la litterature françoise. — A — article »

Quand les Lettres ne lui devroient que l’excellent Recueil de Pieces fugitives pour servir à l’Histoire de France, elles n’en seroient pas plus dispensées de reconnoissance pour les services multipliés qu’il a rendus à ceux qui les cultivent. Ses lumieres sur l’histoire ont servi à guider beaucoup d’Auteurs dans leur travail ; & sa facilité à communiquer les trésors de son immense Bibliotheque, a contribué à la perfection de plusieurs Ouvrages.

114. (1868) Curiosités esthétiques « V. Salon de 1859 » pp. 245-358

Les peintres anciens aimaient aussi à avoir le pied dans deux domaines et à se servir de deux outils pour exprimer leur pensée. […] Examinez, je vous prie, toutes les petites grisailles qui servent de cadre et de commentaire à la composition principale. […] Le geste, la grimace, le vêtement, le décor même, tout doit servir à représenter un caractère. […] Anastasi, Leroux, Breton, Belly, Chintreuil, etc., ne sert qu’à rendre plus désolante et visible la lacune universelle. […] et je me demande, en supposant que j’aie exposé quelques bonnes raisons : à qui et à quoi peuvent-elles servir ?

115. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Première partie. De la littérature chez les anciens et chez les modernes — Chapitre IV. De la philosophie et de l’éloquence des Grecs » pp. 120-134

L’éloquence, soit par ses rapports avec la poésie, soit par l’intérêt des discussions politiques dans un pays libre, avait atteint chez les Grecs un degré de perfection qui sert encore de modèle : mais la philosophie des Grecs me paraît fort au-dessous de celle de leurs imitateurs, les Romains ; et la philosophie moderne a cependant, sur celle des Romains, la supériorité que doivent assurer à la pensée de l’homme deux mille ans de méditation de plus. […] Il faut que la pensée soit avertie par les événements ; c’est ainsi qu’en examinant les travaux de l’esprit humain, on voit constamment les circonstances ou le temps donner le fil qui sert de guide au génie. […] Cette résignation peut seule faire servir la douleur même aux plus sublimes effets du talent. […] Ce qu’on peut remarquer en général dans les orateurs grecs, c’est qu’ils ne se servent que d’un petit nombre d’idées principales, soit qu’on ne puisse frapper le peuple qu’avec peu d’arguments exprimés fortement et longtemps développés, soit que les harangues des Grecs eussent le même défaut que leur littérature, l’uniformité.

116. (1796) De l’influence des passions sur le bonheur des individus et des nations « Section II. Des sentiments qui sont l’intermédiaire entre les passions, et les ressources qu’on trouve en soi. — Chapitre IV. De la religion. »

D’abord, la disposition qu’il faut donner à son esprit pour admettre les dogmes de certaines religions, est souvent, en secret, pénible à celui qui, né avec une raison éclairée, s’est fait un devoir de ne s’en servir qu’à de telles conditions ; ramené, par intervalles, à douter de tout ce qui est contraire à la raison, il éprouve des scrupules de ses incertitudes, ou des regrets d’avoir tellement livré sa vie à ces incertitudes mêmes, qu’il faut ou s’avouer l’inutilité de son existence passée, ou dévouer encore ce qu’il en reste. […] Quelque chose d’enthousiaste comme elle, des pensées qui, comme elle aussi, dominent l’imagination, servent de recours aux esprits qui n’ont pas eu la force de soutenir ce qu’ils avaient de passionné dans le caractère : cette dévotion se sent toujours de son origine ; on voit, comme dit Fontenelle, que l’amour a passé par là  ; c’est encore aimer sous des formes différentes, et toutes les inventions de la faiblesse pour moins souffrir, ne peuvent ni mériter le blâme, ni servir de règle générale ; mais la dévotion exaltée qui fait partie du caractère au lieu d’en être seulement la ressource, cette dévotion, considérée comme le but auquel tous doivent tendre, et comme la base de la vie, a un tout autre effet sur les hommes. […] Les esprits ardents n’ont que trop de penchant à croire que le jugement est inutile, et rien ne leur convient mieux que cette espèce de suicide de la raison abdiquant son pouvoir par son dernier acte, et se déclarant inhabile à penser, comme s’il existait en elle quelque chose de supérieur à elle, qui put décider qu’une autre faculté de l’homme le servira mieux.

117. (1893) Les œuvres et les hommes. Littérature épistolaire. XIII « Silvio Pellico »

Nous aimons mieux le Silvio Pellico des lettres que celui dont le nom servait aux affaires du carbonarisme contemporain. […] Mais nous, nous n’avons jamais travaillé à la statue de ce pauvre poète dont le doux nom a servi à tant de tapages ! […] Les uns l’ont donnée pour cruelle parce que, comme tous les gouvernements qui veulent vivre, elle a privé de leur liberté les gens qui s’en servaient contre elle ; les autres l’ont appelée généreuse et se sont même servi de l’histoire de Silvio Pellico pour le prouver ; mais quelle discussion est maintenant possible devant des aveux aussi calmes, aussi pourpensés, aussi nuancés que ceux-ci ?

118. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « XXVII. Silvio Pellico »

Nous aimons mieux le Silvio Pellico des lettres que celui dont le nom servait aux affaires du carbonarisme contemporain. Nous préférons au Silvio Pellico de la commisération publique le Silvio qui ne la demande pas, le Silvio humble, sévère pour lui et surtout repentant de sa faute que l’on a travestie en gloire ; mais nous, nous n’avons jamais travaillé à la statue de ce pauvre poëte dont le doux nom a servi à tant de tapages ! […] On a bien discuté l’Autriche : les uns l’ont donnée pour cruelle parce que, comme tous les gouvernements qui veulent vivre, elle a privé de leur liberté les gens qui s’en servaient contre elle ; les autres l’ont appelée généreuse et se sont même servi de l’histoire de Silvio Pellico pour le prouver, mais quelle discussion est maintenant possible devant des aveux aussi calmes, aussi pourpensés, aussi nuancés que ceux-ci ?

119. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Maurice comte de Saxe et Marie-Josèphe de Saxe, dauphine de France. »

Maurice, à vingt ans, avait servi sous lui dans les campagnes de Hongrie contre les Turcs (1716-1717) ; il l’avait vu à l’œuvre à la journée de Peterwardein, à celle de Belgrade : placé à ses côtés, il s’était appliqué à étudier de près ce grand modèle, et il se flattait, disait-il, de l’avoir pénétré. […] Un autre peintre qui n’est ni sobre ni élégant, qui est souvent barbouilleur, mais qui rencontre parfois des mots qui touchent au vif, le marquis d’Argenson, après avoir parlé du manque de génie et de vigueur de nos officiers petits-maîtres à cette date, a dit : « C’est donc le besoin des affaires qui nous a réduits à nous servir d’étrangers : les Allemands et ceux du Nord ont mieux conservé aujourd’hui le véritable esprit de la guerre ; nous tirons de leurs pays des hommes et des chevaux (c’est poli) plus robustes et plus nerveux que les nôtres. […] Je tâcherai aussi d’engager un homme raisonnable à faire un tour en Saxe ; mais les Français sont paresseux de sortir de Paris : j’entends ceux qui valent quelque chose, et ils sont au désespoir quand il s’agit d’aller seulement sur la frontière. » Il nous connaissait bien : et c’est ainsi qu’il est bon quelquefois de ne pas être de la nation qu’on sert et où l’on sera appelé à commander : on sait les défauts, on les corrige ; on combine les qualités et les mérites de deux races. […] Poniatowski et Fritsch étaient les vraies gens pour M. le Cardinal, et il avait confiance en eux. » La Saxe avait donc en lui, chez nous, un très bon observateur, un attaché du premier ordre, qui de tout temps l’aima, la servit, et qui certainement l’aurait servie encore davantage, à plein collier et de son épée, si elle l’avait voulu et si elle avait osé prendre un grand parti à l’heure décisive où, Charles VI mort, s’ouvrit la succession de l’Empire. […] Il dénonce le complet changement de système et de balance qui va se faire en Europe : « Ceux qui seront les plus habiles en profiteront. » Il supplie le roi son frère de ne rien précipiter en matière d’alliances, de ne pas se lier les mains : il est mis, par le maréchal de Belle-Isle, dans le secret des expéditions qui vont se tenter au cœur de l’Allemagne ; il doit servir dans cette armée même, mais sous condition, car s’il arrivait que le roi son frère prit des engagements contre la France, il ne serait « ni décent ni honnête » qu’il fût à la guerre de ce côté.

120. (1694) Des ouvrages de l’esprit

Il est convaincu que quelque scrupuleuse exactitude que l’on ait dans sa manière d’écrire, la raillerie froide des mauvais plaisants est un mal inévitable, et que les meilleures choses ne leur servent souvent qu’à leur faire rencontrer une sottise. […] Le philosophe consume sa vie à observer les hommes, et il use ses esprits à en démêler les vices et le ridicule ; s’il donne quelque tour à ses pensées, c’est moins par une vanité d’auteur, que pour mettre une vérité qu’il a trouvée dans tout le jour nécessaire pour faire l’impression qui doit servir à son dessein. […] Ronsard et les auteurs ses contemporains ont plus nui au style qu’ils ne lui ont servi : ils l’ont retardé dans le chemin de la perfection ; ils l’ont exposé à la manquer pour toujours et n’y plus revenir. […] Les jeunes gens sont éblouis de l’éclat de l’antithèse, et s’en servent. […] L’on n’écrit que pour être entendu ; mais il faut du moins en écrivant faire entendre de belles choses : l’on doit avoir une diction pure, et user de termes qui soient propres, il est vrai ; mais il faut que ces termes si propres expriment des pensées nobles, vives, solides, et qui renferment un très beau sens ; c’est faire de la pureté et de la clarté du discours un mauvais usage que de les faire servir à une matière aride, infructueuse, qui est sans sel, sans utilité, sans nouveauté : que sert aux lecteurs de comprendre aisément et sans peine des choses frivoles et puériles, quelquefois fades et communes, et d’être moins incertains de la pensée d’un auteur, qu’ennuyés de son ouvrage.

121. (1864) Cours familier de littérature. XVIII « CVe entretien. Aristote. Traduction complète par M. Barthélemy Saint-Hilaire (3e partie) » pp. 193-271

En troisième lieu, elles jettent également par la bouche le miel qui leur doit servir de nourriture, partie l’été, partie l’automne. […] Un organe semblable à la langue lui sert à rassembler les sucs de ces fleurs et elle les emporte. […] La semence qui sert à la reproduction, soit des abeilles, soit des bourdons, est également blanche. […] Ce sont ces cornichons qui viennent en devant du bois, et dont le cerf se sert pour se défendre : quand il est vieux il ne les a plus, son bois monte droit. […] Mais apparemment, ce n’est pas à la politique de faire les sages ; c’est à elle seulement de s’en servir, pour les fins qui lui sont propres.

122. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Œuvres complètes de Buffon, revues et annotées par M. Flourens. » pp. 55-73

On apprécie surtout mieux ce constant et noble effort qui porte un si vigoureux talent à se fortifier, à s’étendre, à se perfectionner sans cesse, à posséder de plus en plus toute cette matière immense qu’il dispose avec ordre, développement et grandeur, et qui lui sert à bâtir un monument le plus digne du modèle pour la majesté. […] Il se sert de tous les avantages que sa condition et son existence sociale lui fournissent, pour se perfectionner, non pour se dissiper et se corrompre. […] Ses pensées seules lui servent de cortège. […] qu’ils seraient en dessous de la tablette qui sert à étiqueter les plantes ». […] L’homme peut donc non seulement faire servir à ses besoins, à son usage, tous les individus de l’univers, mais il peut encore, avec le temps, changer, modifier et perfectionner les espèces ; c’est même le plus beau droit qu’il ait sur la nature.

123. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Montluc — II » pp. 71-89

Rocquancourt, quelques phrases de Montluc citées comme preuve de son aversion pour les armes à feu, tandis qu’au contraire, aucun capitaine avant lui ne s’en était aussi bien servi, et que, à en juger par ses propres paroles, il faisait grand cas de l’arquebuserie12. […] L’idée et la doctrine de Montluc, tout gentilhomme qu’il est, c’est que tout ce qui sert à la guerre, tout ce qui est utile et commandé par les besoins de l’armée, travail de main de quelque genre que ce soit, ne peut faire tache au guerrier et ne peut que procurer honneur aux capitaines et aux princes comme aux soldats. […] un prince ne doit point dédaigner au besoin de servir de pionnier : voici besogne pour tous. » Ainsi Monlluc comprenait en toutes les parties et maintenait en égal honneur tout ce qui constitue le noble métier de soldat. […] Le roi pourtant eut son avis, à lui, et démêla les qualités essentielles de son brave serviteur sous les défauts dont on le chargeait : « Le roi répondit qu’il avait toujours vu et connu que la colère et bizarrerie qui était en moi n’était sinon pour soutenir son service, lorsque je voyais qu’on le servait mal : or, jamais il n’avait ouï dire que j’eusse pris querelle avec personne pour mon particulier. » M. de Guise, favorable à Montluc, fit aussi cette remarque devant le roi, que le maréchal de Brissac se contredisait dans sa lettre, en déniant d’une part à Montluc l’ordre de talents nécessaires pour commander au nom du roi, et d’autre part en le louant si fort pour des qualités qui sont pourtant les principales en un homme de commandement, telles que d’être homme de grande police et de grande justice, et de savoir animer les soldats en toute entreprise : « Qui a jamais vu, ajoutait M. de Guise, qu’un homme doué de toutes ces bonnes parties n’eût avec lui de la colère ? […] Nous verrons à quoi un reste de vin grec servira.

124. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Le duc de Rohan — I » pp. 298-315

Il servait en cette qualité en 1610, et il était l’un des principaux dans l’armée où l’on attendait Henri IV pour sa grande et mystérieuse entreprise dont, selon toute apparence, le siège de Juliers ne devait être que le signal : la plus brillante et la plus noble carrière s’ouvrait devant lui ; il avait trente et un ans, lorsque le coup de couteau de Ravaillac, en ôtant à la France un grand roi, enleva à tous les généreux courages leur vrai guide. […] Je plains la plus belle et glorieuse entreprise dont on ait jamais ouï parler… occasion que je ne verrai jamais, pour le moins sous un si grand capitaine, ni avec tant de désir d’y servir et d’y apprendre mon métier… N’est-ce pas à moi un assez grand sujet de plaindre la seule occasion qui m’était jamais arrivée de témoigner à mon roi (mais, ô Dieu, à quel roi !) […] J’eusse bien plus estimé une louange de lui en ce métier, duquel il était le premier maître de son temps, que toutes celles de tous les capitaines qui restent vivants… Je veux donc séparer ma vie en deux, nommer celle que j’ai passée heureuse, puisqu’elle a servi Henri le Grand ; et celle que j’ai à vivre, malheureuse, et l’employer à regretter, pleurer, plaindre et soupirer. Rohan ne passa point le reste de sa vie à pleurer et à, soupirer, ni même à servir inviolablement, comme il en faisait voeu en terminant cet écrit, la France, le jeune roi et sa mère. […] Il est de ceux à qui l’adversité sert d’école continuelle et comme de réconfort, et qui n’arrachent la gloire et l’honneur que pièce à pièce et par lambeaux.

125. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Mémoire de Foucault. Intendant sous Louis XIV »

« Les Chambres s’étant assemblées deux jours après, M. de Lescar adressa la parole, moi présent, à M. de Cazaux, et, autant peut-être pour le mortifier que pour le corriger, lui fit un narré de tous les désordres de sa vie et conclut par supplier la Compagnie de trouver bon qu’en cas que M. de Cazaux ne rendît pas cette fille à son père, il se servît des voies canoniques dont l’Église se sert contre les adultères publics. […] Heureusement j’avais fait charger sur des mulets des pâtés, langues, et bonne provision de viandes froides, qui vinrent fort à propos et qui furent bientôt expédiées ; mais ce qui parut le plus extraordinaire et en même temps le plus agréable, c’est que nous fûmes servis à table par une demi-douzaine de très-belles filles, qui s’acquittèrent de très-bonne grâce de leur emploi. […] Il y est dit, entre autres griefs, que Foucault se servait, pour la conversion du menu peuple, d’un homme de néant nommé Archambaud, que cet Archambaud menait des gens de sa sorte au cabaret et trouvait le moyen de les enivrer ; que le lendemain, lorsqu’ils étaient revenus à eux-mêmes, il leur allait dire, ou qu’ils avaient promis d’aller à la messe, et que s’ils prétendaient s’en dédire, il les ferait traiter comme des relaps ; ou qu’ils avaient mal parlé du gouvernement et des mystères catholiques, et que le seul moyen de se racheter d’une sévère punition était de se ranger à la religion romaine ; que l’affaire, ainsi amorcée et entamée sur des gens du commun, se poursuivit ensuite sur ceux d’une condition supérieure ; qu’en général l’artifice de l’intendant était de faire faire aux réformés, sous quelque prétexte, un premier acte extérieur qui pût être interprété pour une adhésion à la communion romaine, comme d’assister à un sermon, par curiosité ou par intimidation, et qu’ensuite, moyennant la peur d’être déclarés relaps et traités comme tels, il avait raison de son monde ; que, sans avoir eu besoin de demander des troupes, il s’était servi de celles qu’on faisait filer alors sur la frontière de l’Espagne et que commandait le marquis de Boufflers, et qu’il avait été commis par ces troupes, lui les dirigeant et les conduisant de ville en ville, de village en village, de véritables horreurs et cruautés. […] Mais l’on comprend très-bien, après cette merveilleuse campagne et cette sorte de pêche miraculeuse à laquelle on vient d’assister, et qui faisait de Foucault l’intendant modèle, celui qui était proposé à l’émulation de tous les autres, que Louis XIV, trop bien servi et trompé dans le sens même de ses désirs, ait cru pouvoir changer de système ; qu’il ait renoncé à l’emploi et au maintien des Édits gradués, précédemment rendus dans la supposition que les conversions traîneraient en longueur, et que, persuadé qu’il n’y avait plus à donner, comme on dit vulgairement, que le coup de pouce (tant pis pour le grand roi, s’il n’est pas content de l’expression, mais je n’en sais pas de plus juste), il se soit déterminé à révoquer formellement l’Édit de Nantes.

126. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Maurice comte de Saxe et Marie-Josèphe de Saxe, dauphine de France. (Suite) »

« Il (le roi) me mande, écrivait de Bruxelles le maréchal à son frère Auguste (27 octobre 1746), toutes les contradictions qu’il a essuyées et qui lui ont été suggérées par la reine, sa femme, qu’il a fallu vaincre : en quoi Mme de Pompadour nous a beaucoup servis, car elle est au mieux avec la reine, qui a toujours le petit coin de stanislaïsme. […] Le maréchal et le prince de Conti ne s’aimaient pas : celui-ci avait des prétentions militaires dont le maréchal ne lui reconnaissait pas le droit ; il savait à quoi s’en tenir sur ses succès si enflés en Italie : depuis on avait vu le prince faire peu de besogne sur le Rhin ; et dans l’armée de Flandre, après avoir essayé pendant quelque temps de servir avec le maréchal, il n’avait pas su marcher de concert et s’était retiré par susceptibilité, sous un vain prétexte, dès le mois d’août précédent. […] Voilà ce qu’il pense, et moi je crois que c’est une chose embarrassante pour le roi et qui empêchera que l’on ne se serve de lui autant qu’il le croit. […] Cela se fit en janvier 1747 ; le roi lui dit en le lui annonçant à Choisy : « Vous m’avez aussi bien servi que M. de Turenne avait servi le feu roi ; il était juste que je vous donnasse le même grade : je souhaite que vous l’imitiez en tout. » Louis XV faisait allusion à l’abjuration de M. de Turenne. […] Le maréchal, dans ses lettres à la reine de Pologne, est amené à parler du trousseau et du détail de la toilette : on est avec lui dans les coulisses de la garde-robe ; on est mis au courant des bénéfices et des profits inhérents à toutes ces grandes charges de la haute domesticité royale : « En général, tout ce qui est garde-robe appartient à la dame d’atours, qui est Mme la duchesse de Lauraguais ; elle fournit toutes les parures, linge, dentelles, etc., et reprend ce qui ne sert plus ; elle donne son compte, qui est arrêté et payé au Trésor royal.

127. (1890) L’avenir de la science « XVI »

De là encore la superbe poésie de ces types primitifs où s’incarnait la doctrine, de ces demi-dieux qui servent d’ancêtres religieux à tous les peuples, Orphée, Thot, Moïse, Zoroastre, Vyasa, Fohi, à la fois savants, poètes, législateurs, organisateurs sociaux et, comme résumé de tout cela, prêtres et mystagogues. […] La vue nette et fine ne sert qu’à distinguer ; l’analyse n’est jamais que l’analyse. […] Je me suis souvent servi avec succès de la comparaison suivante pour faire comprendre cette vue. […] À quoi a servi le voyage à travers le multiple ? Il a servi à ce que tout ait vécu de sa vie propre, il a servi à introduire l’analyse dans l’unité.

128. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Rêves et réalités, par Mme M. B. (Blanchecotte), ouvrière et poète. » pp. 327-332

Il ne faut pas laisser lire notre douleur Par les indifférents dont le regard épie Tout ce qui sert de proie à leur sarcasme impie : Si jeune, ô mon enfant, tu l’as compris déjà ! […] … Si quelque sanglot sourd quelquefois le soulève, Mon sein, tombe profonde où gisent tant de morts, Je me sers de l’orgueil comme on se sert d’un glaive.

129. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Quatrième partie. Élocution — Chapitre VIII. De la clarté et des termes techniques »

Si votre lecteur ignore le sens du mot dont vous vous servez, si ce mot n’évoque pas en autrui l’idée qui pour vous lui tient par un rapport nécessaire et universel, la propriété de votre expression ne lui donne pas la clarté, et dans ce cas, trop de justesse nuit : on se fait mieux entendre en parlant improprement, Ovide exilé parmi les Scythes disait : « C’est moi qui suis le barbare ici, puisque je ne me fais pas comprendre. » La plus belle harangue en beau langage latin ne valait pas alors pour lui trois mots de jargon scythe tant bien que mal assemblés, plus ou moins écorchés. […] Les mots techniques ne servent plus qu’à dérouter le lecteur : ils l’arrêtent, l’épouvantent, font de la lecture un labeur et un ennui. […] Mais le procédé ne vaut que par la rareté de son emploi : s’il tourne en habitude, il perd son efficacité, il nuit au lieu de servir.

130. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — V. — article » p. 398

Les Ouvrages qu’il a laissés sur les Médailles, tous écrits en Latin, ont servi & peuvent servir encore à éclaircir plusieurs points d’Histoire.

131. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Les nièces de Mazarin et son dernier petit-neveu le duc de Nivernais. Les Nièces de Mazarin, études de mœurs et de caractères au xviie  siècle, par Amédée Renée, 2e éd. revue et augmentée de documents inédits. Paris, Firmin Didot, 1856. » pp. 376-411

Une des premières lettres du duc de Nivernais au comte de Choiseul (bientôt duc de Praslin), chargé des Affaires étrangères, est pour lui présenter une description fidèle de l’état des partis et de l’opinion (24 septembre 1762) : Comme, par la constitution de ce pays-ci, l’état respectif des partis est la seule boussole qui puisse nous guider dans la négociation présente quant au fond et quant à la forme, je vais, dans cette lettre, avoir l’honneur de vous transmettre toutes les connaissances locales, que j’ai prises avec autant de soin que de diligence, des intérêts, des vues, des forces desdits partis ; et j’ose me persuader que ce détail pourra vous servir utilement pour apprécier au juste les discours du plénipotentiaire anglais (à Versailles), qui doivent, si je ne me trompe pas, servir de preuve à mes observations, comme mes observations leur serviront de clef et d’éclaircissement. […] Enfin, il y a le parti prussien qui sert tous les autres, en ce qu’il intrigue vivement contre le ministère, et qui se sert de tous les autres, en ce que les intérêts du roi de Prusse sont également et hautement protégés par eux. […] Il y apporta mieux que le zèle et l’adresse de l’homme de cour, il y mit (pour me servir d’un mot qu’il employait déjà volontiers) la chaleur d’un citoyen. […] Il la présida souvent, et il lui servait volontiers d’organe ou même d’avocat en Cour quand elle en avait besoin66 : il partageait cette charge flatteuse avec le maréchal de Richelieu et le prince de Beauvau, et formait un de ces liens précieux dont on ne pouvait se passer alors. […] Le prince de Ligne, avec la désinvolture qui lui est habituelle, disait : « Le duc de Nivernais écrivait mieux que le duc et le menuisier de Nevers, cet ancien maître Adam qui se servait si souvent des chevilles de son métier ; mais il était aussi délicat d’esprit que de corps, et cela ne l’a mené qu’à sept ou huit fables très ingénieuses.

132. (1862) Cours familier de littérature. XIII « LXXVIIIe entretien. Revue littéraire de l’année 1861 en France. M. de Marcellus (1re partie) » pp. 333-411

Nous ne pouvons pas, lors même que nous le voudrions, apostasier nos maîtres et servir leurs ennemis. […] L’ambition honnête de bien servir était sa seule préoccupation. […] Ce beau et pénible travail ne pouvait servir que quelques curieux de l’Académie des inscriptions. […] Elle m’en expliqua l’usage : l’un servait à assujettir son turban, et l’autre à cacher sa figure, quand elle ne voulait pas être reconnue. […] Quelques Arabes me servent ici ; je parle leur langue, et leurs soins me suffisent.”

133. (1867) Cours familier de littérature. XXIII « cxxxviie entretien. Un intérieur ou les pèlerines de Renève »

Si le travail continue, un temps viendra où nous pourrons avoir une servante, mais aujourd’hui nous n’avons que nos petits qui ne servent personne et qu’il faut garder et amuser encore, dit le jeune père en les descendant de ses jambes pour que sa femme allât les coucher. […] C’est moi qui prenais son cheval, qui le conduisais par la bride aux tours qui servaient alors d’écurie, qui lui donnait du foin pour l’amuser pendant les longues heures que les deux amis passaient à causer et à souper ensemble ; je voudrais bien vous faire voir les chambres, mais je n’en ai plus les clés, et la maison, entièrement changée ainsi que les habitants, ne sert plus qu’à regarder par les fenêtres la tombe du curé que M.  […] Le fendeur de bûches était en même temps le sonneur, nous priâmes avec componction devant un simple autel du bon saint où vous aviez appris à servir la messe du vieux curé de Bussières, parent et prédécesseur de l’abbé Dumont dans la paroisse. […] Les femmes nous servaient à qui mieux mieux. […] Un petit réduit à côté servait de couchette au père quand il y était ; quant à la fille, elle avait pour lit une vieille pétrissoire où elle avait étendu quelques herbes desséchées par le soleil d’été, et de vieux lambeaux qui lui servaient de couverture.

134. (1914) Note sur M. Bergson et la philosophie bergsonienne pp. 13-101

On croit qu’il suffit qu’une idée soit neuve pour qu’elle n’ait jamais servi. […] Elle a servi au fabricant. […] Les tables de Bacon n’ont jamais servi qu’aux professeurs à montrer comment une invention (et une découverte, mais c’est toujours une invention), aurait dû être faite, après qu’elle avait été faite. […] Les tables de Bacon n’ont jamais servi qu’aux historiens des inventions à expliquer comment les inventions avaient été faites, après qu’elles avaient été faites. […] Le bergsonisme entend même servir encore mieux la raison, car il entend pour ainsi dire la servir encore de plus près.

135. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Deuxième partie. Invention — Chapitre VII. Induction et déduction. — Diverses causes des faux raisonnements »

Tel ce voyageur anglais, qui, dans je ne sais quel canton de France, servi par une fille d’auberge aux cheveux roux, notait sur son calepin qu’en ce pays les femmes étaient rousses. […] Dans les recherches scientifiques, les erreurs sont dues souvent à cet esprit de système, qui fait que l’on cherche, non pas à découvrir la vérité, mais à prouver une hypothèse ; on néglige tout ce qui la condamne, on ne voit que ce qui la sert. […] Comme contre-épreuve de cette série d’observations, on regarde non plus l’œuvre, mais l’auteur, et l’on voit que chez tous les grands artistes, dans ce qu’on appelle inspiration ou génie, se rencontre toujours une impression originale fournie par un caractère de l’objet, « la vive sensation spontanée qui groupe autour de soi le cortège des idées accessoires, les remanie, les façonne, les métamorphose, et s’en sert pour se manifester ». […] Il y a là, si l’on veut, une sorte de contradiction nécessaire et innocente, qui fait que le pessimiste, épris du néant, a droit de vivre, de jouir, d’aimer les bonnes et belles choses ; que le déterministe délibère tout comme le croyant au libre arbitre, et accepte devant les hommes la responsabilité de ses actes : tout comme on se sert dans le langage de mots et d’images qui impliquent mille croyances et une conception de l’univers que nos pères des antiques tribus aryennes s’étaient faites, et que nous avons réformées depuis des siècles. […] Outre que cela assure l’exactitude des conséquences qu’on tire, cela mène à en tirer de plus fines et de plus lointaines, et rien peut-être n’a tant servi Pascal que celle attention à conserver toujours les définitions présentes à son esprit : il apercevait toujours, d’une vue claire et distincte, les choses sous les mois, qui lui rendaient ainsi plus qu’à nul autre.

136. (1911) La valeur de la science « Première partie : Les sciences mathématiques — Chapitre I. L’intuition et la logique en Mathématiques. »

Mais il n’en serait pas de même si l’on s’était servi d’images concrètes, si l’on avait, par exemple, considéré cette fonction comme un potentiel électrique ; on aurait pu croire légitime d’affirmer que l’équilibre électrostatique peut être atteint. […] Puis elle s’est épurée peu à peu, bientôt on s’en est servi pour construire un système compliqué d’inégalités, qui reproduisait pour ainsi dire toutes les lignes de l’image primitive ; quand cette construction a été terminée, on a décintré, pour ainsi dire, on a rejeté cette représentation grossière qui lui avait momentanément servi d’appui et qui était désormais inutile ; il n’est plus resté que la construction elle-même, irréprochable aux yeux du logicien. […] On sait qu’il a déjà servi à résoudre une foule de problèmes ; en quoi consiste alors le rôle de l’inventeur qui veut l’appliquer à un problème nouveau ? […] Y a-t-il lieu de faire une nouvelle coupure et de distinguer parmi les analystes ceux qui se servent surtout de cette intuition pure ou ceux qui se préoccupent d’abord de la logique formelle ?

137. (1881) La psychologie anglaise contemporaine « M. Bain — Chapitre I : Des sens, des appétits et des instincts. »

La direction implique un point de repère ; noire corps est le plus naturel ; il nous sert à mesurer la droite, la gauche, le devant, le derrière. […] Et maintenant si l’on remarque que les images peintes sur la rétine sont les matériaux de la vision, qu’ils servent à nous suggérer une construction mentale qui seule constitue la vision proprement dite, « qu’il se produit dans l’esprit, à la vue d’un objet extérieur, un agrégat d’impressions passées que l’impression du moment suggère et ne constitue pas » ; on comprend qu’il importe peu que ces matériaux qui servent au travail ultérieur de l’esprit soient fournis par deux images, comme dans l’homme, ou par des milliers comme dans l’insecte. […] Pris dans leur ensemble, ils constituent tout un ordre de dispositions primitives, toute une structure primordiale qui sert de base à ce que l’être humain deviendra plus tard, au développement du sentiment, de la volition et de l’intelligence. […] Prenons acte toutefois de l’existence de cette spontanéité, de cette activité instinctive ; elle nous servira plus tard à mieux comprendre la nature de la volonté.

138. (1895) Les règles de la méthode sociologique « Chapitre VI : Règles relatives à l’administration de la preuve »

Outre qu’elle ne peut servir qu’aux sciences assez avancées, puisqu’elle suppose déjà connues un nombre important de lois, les phénomènes sociaux sont beaucoup trop complexes pour que, dans un cas donné, on puisse exactement retrancher l’effet de toutes les causes moins une. […] Si, au contraire, l’on n’aperçoit entre ces faits aucun lien direct, surtout si l’hypothèse d’un tel lien contredit des lois déjà démontrées, on se mettra à la recherche d’un troisième phénomène dont les deux autres dépendent également ou qui ait pu servir d’intermédiaire entre eux. […] Sans doute, il n’a pas à refaire l’œuvre des historiens ; mais il ne peut pas non plus recevoir passivement et de toutes mains les informations dont il se sert. Mais il ne faut pas croire que la sociologie soit dans un état de sensible infériorité vis-à-vis des autres sciences parce qu’elle ne peut guère se servir que d’un seul procédé expérimental. […] Si donc le sociologue ne peut pas employer avec une égale efficacité tous les procédés de la recherche expérimentale, l’unique méthode, dont il doit presque se servir à l’exclusion des autres, peut, dans ses mains, être très féconde, car il a, pour la mettre en œuvre, d’incomparables ressources.

139. (1895) Les règles de la méthode sociologique « Chapitre III : Règles relatives à la distinction du normal et du pathologique »

Tout au contraire, il est la norme qui doit servir de base à tous nos raisonnements pratiques. […] On ne peut donc se servir de cette méthode que si le type normal a été antérieurement constitué et il ne peut l’avoir été que par un autre procédé. […] C’est pourquoi, une fois que la généralité du phénomène a été constatée, on peut, en faisant voir comment il sert, confirmer les résultats de la première méthode41. […] Car il servait à préparer une morale et une foi nouvelles dont les Athéniens avaient alors besoin parce que les traditions dont ils avaient vécu jusqu’alors n’étaient plus en harmonie avec leurs conditions d’existence. […] Dès lors, que sert de les étudier ?

140. (1913) La Fontaine « VII. Ses fables. »

Je me sers d’animaux pour instruire les hommes. Il n’a pas dit « pour peindre les hommes », mais « pour instruire les hommes » et, comme il dit plus haut : la fable contient des vérités qui servent de leçons. […] La Fontaine nous peint les animaux, et cette fois en eux-mêmes, comme ils sont ou comme il croit les voir, il nous peint les animaux pour qu’ils nous servent de maîtres, pour qu’ils nous apprennent quelque chose et par leurs défauts, et par leurs qualités. […] Et ceci peut encore servir de leçon aux hommes. […] Les bons moines ont trouvé tout simplement un arbre habité par deux espèces de gens, par des souris d’un côté, par un hibou de l’autre, mais qui n’avaient aucun rapport entre eux, pas même un rapport alimentaire, si je peux me servir de cette expression.

141. (1802) Études sur Molière pp. -355

elle sert si bien la vivacité du dialogue ! […] Dans Il Principe Geloso, Arlequin, simple domestique, sert d’espion au roi. […] Je comprends encore moins pourquoi Molière, en ourdissant son canevas, a tendu deux fils qui ne devaient servir à rien. […] Les scènes. — Il n’en est pas une qui ne serve à peindre le rôle principal. […] Jusqu’à quand leurs protecteurs voudront-ils se dissimuler qu’on ne sert pas un art en permettant que sa gloire soit journellement sacrifiée à de futiles et de vils intérêts ?

142. (1909) Les œuvres et les hommes. Philosophes et écrivains religieux et politiques. XXV « Charles De Rémusat »

L’Histoire, cette grande chose, existe par elle-même d’une vie si profonde qu’elle existe encore sous la main de ceux qui la gâtent, et qu’elle ne dépend ni du talent qui peut l’orner, ni de l’opinion qui l’interprète, ni de la passion qui s’en sert. […] Le talent a très peu orné son histoire ; l’opinion qui y interprète les événements et veut y marquer le sens des choses et des hommes est ce qu’on peut nommer, en ce moment, l’opinion parlementaire éplorée, et la passion qui se sert de cette histoire… n’est pas l’amour des institutions actuelles de la France. […] Eh bien, il se sert de l’Histoire comme d’un écran pour, derrière, risquer sa pensée ! […] Il a voulu faire passer un chameau par le trou d’une aiguille ; mais le chameau n’y passe jamais, et les Livres Saints se servent même de cette image pour dire l’impossibilité.

143. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XXXI. Des oraisons funèbres de Bourdaloue, de La Rue et de Massillon. »

On sait qu’en 1709 il offrit et demanda au roi d’aller servir sous le maréchal de Villars, dont il était l’ancien. […] Entre deux guerriers pleins d’honneur, l’autorité devint commune. » Et au commencement de cet éloge funèbre, après avoir parlé des honneurs entassés sur la tête d’un seul homme : « Oublions ces titres vains qui ne servent plus qu’à orner la surface d’un tombeau ; ce n’est ni le marbre ni l’airain qui nous font révérer les grands. […] Cet orateur, si connu par son éloquence, tantôt persuasive et douce, tantôt forte et imposante, qui développait si bien les faiblesses de l’homme et les devoirs des rois, et qui, à la cour d’un jeune prince, parlant au nom des peuples comme au nom de Dieu, fut digne également de servir à tous d’interprète ; cet orateur, qui sut peindre les vertus avec tant de charmes, et traça de la manière la plus touchante le code de la bienfaisance et de l’humanité pour les grands, n’a pas, à beaucoup près, le même caractère dans ses éloges funèbres. […] Ce courage aussi respectable du moins que l’éloquence, et beaucoup plus rare, mérite d’être observé, et mériterait surtout de servir de modèle.

144. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Les trois siecles de la litterature françoise. — B — article » pp. 369-370

Si ces deux Ouvrages n’avoient servi qu’à faire passer dans notre langue les sages maximes & les beautés des Ecrivains Anglois, Abel Boyer auroit de plus grands droits aux éloges du Public reconnoissant ; mais la connoissance de la langue Angloise nous a attiré le débordement de tant d’extravagances, que les Esprits sages sont peu tentés d’applaudir à ses travaux, ou, pour mieux dire, il y eût vraisemblablement renoncé, pour peu qu’il eût prévu les mauvais services qu’il alloit rendre à sa Patrie. En effet, la lecture des productions Angloises n’a guere servi qu’à introduire parmi nous des bizarreries & des maximes, qui, n’étant analogues ni au caractere ni au Gouvernement de la Nation, n’ont produit que de très-pitoyables effets, comme l’expérience le prouve tous les jours.

145. (1824) Notes sur les fables de La Fontaine « Livre cinquième. »

Vieux mot qui veut dire la moisson, et dont on se sert encore en quelques provinces. […] La Fontaine se sert exprès de ces expressions qui appartiennent à l’art de raisonner, que l’homme dit être son seul partage, et que Descartes refuse aux animaux. […] Cela est vrai ; mais s’il est ainsi, à quoi sert la morale en général, et où est la morale de cette fable en particulier ?

146. (1765) Articles de l’Encyclopédie pp. 5482-9849

Au Dieu que vous servez, princesse, rendez gloire (Athal.), attestez le Dieu que vous servez. […] Plus heureux cent fois | qui peut le servir. […] Les grandes fautes passées servent beaucoup en tout genre. […] Elle ne peut exister sans la mémoire ; mais elle s’en sert comme d’un instrument avec lequel elle fait tous ses ouvrages. […] On les pardonne aux grands poëtes ; ils servent à rendre les autres ridicules.

147. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Les trois siecles de la litterature françoise. — B — article » p. 403

Le meilleur Ouvrage, ou, pour parler plus exactement, le moins mauvais qu’on ait de cet Auteur, est celui qui a pour titre : Tacite, avec des Notes historiques & politiques, pour servir de continuation à ce que M. […] in-12, sont bien éloignées d’être les meilleures qu’on ait faites, mais elles ont servi à perfectionner les Traductions qu’on a données, depuis, de l’Annaliste Romain.

148. (1870) De l’intelligence. Première partie : Les éléments de la connaissance « Note I. De l’acquisition du langage chez les enfants et dans l’espèce humaine » pp. 357-395

. — En somme, l’exemple et l’éducation n’ont guère servi qu’à appeler son attention sur des sons que déjà elle ébauchait ou trouvait d’elle-même, à provoquer leur répétition ou leur achèvement, à diriger de leur côté sa préférence, à les faire émerger et surnager dans la foule des autres sons semblables. […] Curiosité pure ; le besoin physique, la gourmandise n’y est pour rien ; il semble que déjà, dans son petit cerveau, chaque groupe de perceptions tende à se compléter, comme dans le cerveau d’un enfant qui se sert du langage. […] La cause en est sans doute que nous n’avons pas voulu l’apprendre ; il ne correspondait à aucune de nos idées, parce qu’il en réunissait trois fort distinctes ; nous ne nous en sommes pas servi avec elle ; par suite, elle a cessé de s’en servir. […] … L’observation a été interrompue par suite des calamités de l’année 1870. — Néanmoins les notes qui suivent peuvent servir à constater l’état mental d’un enfant. […] Aussi longtemps que les hommes désignaient les moutons seulement comme des moutons, et les vaches seulement comme des vaches, ils pouvaient très bien indiquer les premiers par béé, et les secondes par mou-ou ; mais, quand pour la première fois ils éprouvèrent le besoin de parler d’un troupeau, ni béé ni mou-ou ne pouvaient servir.

149. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « II » pp. 21-38

Linguet veut expliquer à ses contemporains comment Voltaire a pu être et paraître si universel, et par quel enchaînement de circonstances, par quelle suite d’événements qui ne furent des épreuves que le moins possible, la destinée le favorisa en lui donnant une jeunesse si aisée, si répandue, si bien servie de tous les secours, et en lui ménageant à Ferney une longue vieillesse si retirée et si garantie du tourbillon : « La jeunesse de presque tous les écrivains célèbres, disait Linguet, se consume ordinairement, ou dans les angoisses du malaise, ou dans les embarras attachés à ce qu’on appelle le choix d’un état. […] Jeunes, les gens de lettres sont éloignés du monde, dont le commerce modéré, recherché sans avilissement d’un côté, accordé sans orgueil de l’autre, servirait infiniment à les former : dans un âge plus avancé ils y sont portés, fêtés, absorbés, de manière qu’il ne leur reste plus de temps pour l’étude ou le travail. […] D’intéressantes lettres du nouveau recueil adressées à Tronchin de Lyon pour être lues du cardinal de Tencin, et dont je me suis servi dans mon étude sur la margrave de Baireuth, ont fait dire que Voltaire, si habile à ménager et à nouer une négociation, aurait pu faire un ministre. […] Voltaire n’avait point d’aversion pour ce ministère Maupeou, de près si impopulaire ; l’éloignement l’avait bien servi et lui avait fait voir juste sur un point. […] Le nouveau recueil de lettres dessine très bien ce vieillard de quatre-vingts ans qui tout d’un coup rajeunit, qui se multiplie pour écrire au ministre réformateur et à ceux qui le servent, aux Trudaine, aux de Vaisnes, aux Dupont de Nemours, et s’écrie gaiement : « Nous sommes dans l’âge d’or jusqu’au cou. » Il était arrivé à Voltaire ce qui arrive naturellement à toute grande renommée littéraire qui est jointe à une existence sociale considérable, mais ce qui devait lui arriver à lui plus qu’à un autre, à cause de son activité prodigieuse et des preuves éclatantes qu’il en avait données.

150. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Œuvres de Vauvenargues tant anciennes qu’inédites avec notes et commentaires, par M. Gilbert. — III — Toujours Vauvenargues et Mirabeau — De l’ambition. — De la rigidité » pp. 38-55

Je sais qu’il n’en est guère question à présent, selon le bas ministre (Fleury) qui le gouverne, et que ce sont les mal tôliers qui en sont les colonnes ; mais vous avez une patrie misérable, une province vexée par les esclaves subalternes, que l’on érige en souverains pour le malheur des peuples ; des amis que vous pouvez servir ; des compatriotes à qui vos talents exercés pourraient être utiles ; une famille dont vous devez ou soigner les affaires, ou soutenir le nom ; vous-même, à qui vous devez un plan fixe de bonheur et d’agrément ; que d’objets divers et opposés ! […] Je n’irai pas à présent vous faire une énumération de toutes mes infirmités, il y aurait trop de ridicule ; ni vous parler de mes inclinations, j’en ai de trop reprochables ; ni des défauts de mon esprit, car à quoi servirait cela ? […] Vous voyez donc que M. de Saint-Georges ne peut pas nous servir de règle ; il a son bonheur en lui et dans sa constitution, comme nous avons en nous la source de nos déplaisirs. […] J’ai dit que le plus jeune frère de Mirabeau servait dans le régiment du roi ; Vauvenargues était quelquefois prié de le surveiller, de lui donner des conseils : « Ayez soin du petit », lui écrivait le fougueux aîné devenu père de famille. […] Vauvenargues va même jusqu’à vouloir, quand on rencontre dans le monde de ces demi-sots et de ces ignorants dont il est rempli, qu’on ne rompe pas en visière, et qu’on tâche d’écrémer ces esprits légers, « de leur prendre ce qu’ils ont de spécieux pour leur ôter leurs avantages ; qu’on se familiarise avec leurs vices ou leur folie, afin de savoir s’en servir, s’en prévaloir ou s’en défendre, au lieu de fuir, de gronder ou de se laisser éblouir ».

151. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Histoire de Louvois et de son administration politique et militaire, par M. Camille Rousset, professeur d’histoire au lycée Bonaparte. »

Les plus modérés (comme La Fare) l’estimaient « homme excellent dans l’exécution, mais dont les vues n’étaient pas assez étendues pour le gouvernement d’un grand État ; — capable de bien servir dans le ministère, mais non pas de gouverner. » En ce sens on l’a appelé un grand commis plutôt qu’un grand ministre. […] Quoi qu’il en soit, Louvois parut de bonne heure à Louis XIV un des instruments les plus utiles dont il aurait à se servir pour l’œuvre royale qu’il méditait. […] Il faut voir leur correspondance depuis le jour où Louvois, qui ne le connaît pas encore à fond, écrit à l’intendant Charuel (14 octobre 1667) : « Le sieur Vauban est assurément capable de bien servir ; mais il n’est pas inutile de l’exciter à bien faire. […] Vous savez mieux que moi qu’il n’y a que les gens qui en usent de la sorte qui soient capables de servir un maître comme il faut. » — « Je ne comprends pas, lui répond Louvois noblement susceptible et délicat à sa manière, ce que veut dire la fin de votre lettre, par laquelle il semble que vous vous excusiez de me dire la vérité avec trop de franchise. […] Vauban écrit pour lui, et à sa demande, un Mémoire pour servir d’instruction sur la conduite des sièges : « un livre, disait-il en hochant la tête, rempli de la plus fine marchandise qui soit dans ma boutique, et telle qu’il n’y a assurément que vous dans le royaume qui en puisse tirer de moi de semblable. » Il fait de Louvois son élève et son confident dans l’art des sièges.

152. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « Mémoires de l’abbé Legendre, chanoine de Notre-Dame, secrétaire de M. de Harlay, archevêque de Paris. »

Enfin, lui mort, le choix royal se porta sur le plus beau, le plus éloquent, le plus avenant et le plus habile des prélats du royaume, Harlay de Champvallon, et en sa personne Louis XIV put croire d’abord avoir donné à la capitale le pasteur le plus digne et le plus fait pour concilier le respect et l’affection, en même temps que lui-même il avait mis certainement la main sur son ministre ecclésiastique le plus souple et le plus capable de le servir. […] Le roi, âgé de vingt ans, après un premier accueil assez sévère, lui sourit et sentit, en le voyant, que c’était là un prélat tout fait non pour l’irriter, mais pour lui complaire et le servir. […] C’était un bel esprit servi à souhait par la nature et favorisé par la fortune. […] Ariste, bien nommé, homme de mérite, qui avait longtemps servi sous l’ancien secrétaire d’État Brienne. […] On a dit de César qu’il avait tous les vices et pas un défaut ; et dans sa carrière de suprême ambition ses vices mêmes le servirent.

153. (1874) Premiers lundis. Tome I « M. Laurent (de l’Ardèche) : Réputation de l’histoire de France de l’abbé de Montgaillard  »

Laurent essaie de les faire servir à interpréter notre Révolution, comme on a cherché à les faire servir à l’interprétation des sociétés anciennes et du moyen âge, à l’intelligence de la féodalité et de la théocratie romaine. […] Il serait bien plutôt tenté de les considérer comme un poste de transition et de reconnaissance placé à la limite de deux âges, ou encore comme ces fanaux semés sur les hauts lieux, qui servent à lier, à travers les siècles, les divers temps de cette grande expérience incessamment accomplie par l’humanité.

154. (1796) De l’influence des passions sur le bonheur des individus et des nations « Section première. Des passions. — Chapitre VI. De l’envie et de la vengeance. »

Il est une réflexion qui devrait servir de guide à ceux qui se mêlent des grands débats des hommes entre eux, c’est qu’ils doivent considérer leurs ennemis comme étant de leur nature ; il y a malheureusement de l’homme jusques dans le scélérat, et l’on ne se sert jamais cependant de la connaissance de soi, pour s’aider à deviner un autre. […] L’amour de la patrie l’emportait tellement chez les Romains sur toute autre passion, que les ennemis servaient ensemble, et d’un commun accord, les intérêts de la république.

155. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Quatrième partie. Élocution — Chapitre XI. De l’ignorance de la langue. — Nécessité d’étendre le vocabulaire dont on dispose. — Constructions insolites et néologismes »

Il faut rechercher la correction sans exagération, sans minutie, sans puérilité, respecter ces bonnes et larges règles de la syntaxe qui ont servi, non gêné nos grands écrivains, et qui sont l’image sensible du génie même de la langue. […] Il viendra peut-être un jour où nous serons si ignorants de la syntaxe et de la rhétorique, si blasés sur tous les effets du style disloqué et de la phrase impressionniste, qu’un écrivain qui reviendra à la stricte observance des lois grammaticales, qui s’avisera de faire suivre un sujet de son verbe et le verbe de son complément, qui saura employer d’autres temps que l’imparfait, qui donnera un régime direct aux verbes actifs, indirect aux intransitifs, qui se servira des conjonctions et des relatifs, qui renverra les participes et les prépositions à leur ancien office, cet écrivain-là, honnête disciple de Dumarsais et de Marmontel, charmera tout le public par l’éclatante originalité de sa tentative. […] Mais il faudrait la connaître, cette langue permanente et nationale, pour s’en servir, et ce n’est que par ignorance, non par théorie, qu’on préfère souvent l’argot des salons, des boulevards et des journaux, à la langue de La Bruyère et de Mme de Sévigné.

156. (1782) Plan d’une université pour le gouvernement de Russie ou d’une éducation publique dans toutes les sciences « Plan d’une université, pour, le gouvernement de Russie, ou, d’une éducation publique dans toutes les sciences — Lettre, à Madame la comtesse de Forbach, sur l’Éducation des enfants. » pp. 544-544

J’ai relu ma réponse ; et j’ai vu avec satisfaction que les mêmes vertus qui servaient de base à la bonté, servaient également de base à la véritable grandeur ; j’ai vu qu’en travaillant à rendre mon enfant bon, je travaillerais à le rendre grand ; et je m’en suis réjoui. […] Mais à quoi serviront tant de soins, sans la santé ?

157. (1902) La formation du style par l’assimilation des auteurs

Loin de supprimer le mérite individuel, ce procédé sert à le créer. […] Mais lorsqu’il consent à s’en servir, il le fait en maître. […] Comme le morceau est servi à part, le lecteur le supprime et poursuit sa lecture. […] Son talent le servit fort mal dans cette occasion. […] Peuple vertueux, on se sert de tes malheurs pour t’opprimer !

158. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XIX. Panégyriques ou éloges composés par l’empereur Julien. »

Ce maître devient le tyran de sa pensée et le législateur de son goût ; ce maître lui dicte ses opinions, et jusqu’aux mots dont il doit se servir. […] Il dédaigne les richesses qui ne sont que de l’or ; les siennes sont des amis qui l’aiment sans feinte, et qui le servent sans le flatter. […] C’est en bravant la mollesse, en s’abstenant des plaisirs, en dédaignant les trésors, en se livrant peu au sommeil, en fuyant l’inaction, qu’il prétend commander ; en effet, à quoi sert un prince dont la vie n’est qu’un sommeil ? […] quand la statue est brisée, à quoi sert l’inscription ?

159. (1856) Réalisme, numéros 1-2 pp. 1-32

Un atelier ne peut pas servir de modèle pour distribuer la lumière dans un palais. […] Il veut agrandir le cercle du public et servir à tout le monde en restaurant la sincérité dans l’art. […] que de plaisanteries rapetassées sert-elle au-dessous de ses dessins aux malheureux qui la trouvent drôle ! […] Chacun en a plus ou moins, chacun prétend s’en servir, chacun discute. […] La peinture deviendrait sociale et utile, elle servirait à la marche de l’intelligence générale.

160. (1889) Histoire de la littérature française. Tome II (16e éd.) « Chapitre quatrième »

Enfin, sa mauvaise santé y servit. […] Pascal emploie contre la résistance de la raison l’imagination et la sensibilité ; il y fait servir toutes les passions tour à tour, l’admiration, le désir, l’espérance, la joie, la tristesse, et, s’il le faut, la peur. […] Pascal est trop honnête homme pour se servir de ceux qu’il n’aimerait pas ; il est trop humble pour se laisser aimer gratuitement. […] La méthode des Provinciales y rend tout vraisemblable ; on sent que la bonne cause doit être du côté où sont les meilleures armes, et qu’il n’est pas possible qu’un esprit qui se sert de moyens si droits ne s’en serve pas pour la vérité. […] « M. de Puget. écrit celui-ci à Brossette, me fait bien de l’honneur de me mettre en regard, pour me servir de vos termes, avec M. 

161. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Lettres sur l’éducation des filles, par Mme de Maintenon » pp. 105-120

D’abord il s’agit surtout de pauvres filles qu’on élève pour servir ; les avis de Mme de Maintenon sont proportionnés à leur condition : Dieu vous a voulu réduire à servir ; rendez-vous-en capables, et accommodez-vous à votre fortune. […] Quand il s’agit de transférer l’établissement de Rueil à Noisy, elle ne veut pas qu’on se jette dans les superfluités ni qu’on renouvelle toutes choses : Conservez bien tout ce que vous avez pour l’autel, car j’ai dit que nous ne voulions point qu’on en fît, et que nous arrangerions les dedans à notre fantaisie ; je connais MM. les architectes du roi, ils nous accommoderaient de la façon du monde la plus régulière pour la symétrie et la plus incommode ; ne perdons pas le moindre banc et la plus petite chaise de paille ; tout nous servira, et nous en demanderons moins, qui est pour moi le souverain bonheur. […] N’ayant point ce qui seul peut faire un fondement solide, j’ai voulu que les filles eussent de l’esprit, qu’on élevât leur cœur, qu’on formât leur raison ; j’ai réussi à ce dessein : elles ont de l’esprit et s’en servent contre nous ; elles ont le cœur élevé, et sont plus fières et plus hautaines qu’il ne conviendrait de l’être aux plus grandes princesses… Venant au remède, elle veut pourtant ne procéder que par degrés et ne corriger le mal que de la même façon qu’il est venu : Comme plusieurs petites choses fomentent l’orgueil, plusieurs petites choses le détruiront. […] Je prends au hasard deux pièces qui nous feront tout aussitôt pénétrer dans ce monde moral plus ému qui existe, il faut bien le reconnaître, et dont il ne servirait à rien de s’interdire et de se fermer rigoureusement l’aspect, depuis que Rousseau, Goethe, Chateaubriand, Byron et Lamartine sont venus.

162. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Le Mystère du Siège d’Orléans ou Jeanne d’Arc, et à ce propos de l’ancien théâtre français (suite et fin.) »

Puis vient « la plaisance des yeux » ; elle ne veut devant elle, pour amuser ses regards, que choses agréables à voir ; on la servira à souhait. […] Il se chante en rimes alambiquées une sorte d’exhortation amoureuse ; il fait vœu et serment de prendre Madeleine pour sa dame : de toutes les belles de Judée, passées et présentes, Rachel, Judith, Vasthi, Esther, etc., elle est la nonpareille et l’unique ; : il se propose donc d’aller deviser avec elle et servir sous sa bannière. […] On dirait que l’humanité en avançant est surtout soigneuse de s’observer tout le long de sa route, de se décrire, de laisser de soi, aux différents âges, des portraits ressemblants, tels quels, qui serviront ensuite de termes de comparaison, de documents biographiques et historiques, aux curieux, qui viendront après. […] Plus tard, d’ans l’admirable sermon pour le jour de sainte Madeleine, prêché par Massillon, ce maître des cœurs, il y aura quelques traits, quelques intentions qui, de loin, rappelleront ce même motif : c’est quand la pécheresse qui chez Massillon est aussi une femme de qualité, après avoir entendu Jésus une première fois, déjà touchée et à demi pénitente, se dit en elle-même : « Ses regards tendres et divins m’ont mille fois démêlée dans la foule… Il a eu sur moi des attentions particulières ; il n’a, ce me semble, parlé que pour moi seule… » Et la voilà déjà à demi gagnée ; sa coquetterie même sert à sa conversion. […] À quoi sert d’être aimé d’un tel Dieu ?

163. (1796) De l’influence des passions sur le bonheur des individus et des nations « Section première. Des passions. — Chapitre VII. De l’esprit de parti. »

Ses amis assurent, qu’il aurait écrit contre son opinion ; qu’il l’aurait et désavouée et combattue ouvertement, sans confier à personne le secret de ses efforts, s’il avait cru que ce moyen pouvait servir à faire triompher la cause de cette opinion même. […] Pendant les siècles, déchirés par les querelles religieuses, on a vu des hommes obscurs, sans aucune idée de gloire, sans aucun espoir d’être connus, employer tous les moyens, braver tous les dangers, pour servir la cause qu’ils avaient adoptée. […] Les hommes d’esprit qui, dans toute autre circonstance, cherchent à se distinguer, ne se servent jamais alors, que du petit nombre d’idées qui leur sont communes avec les plus bornés d’entre ceux de la même opinion : il y a une sorte de cercle magique tracé autour du sujet de ralliement que tout le parti parcourt et que personne ne peut franchir ; soit qu’on redoute, en multipliant ses raisonnements, d’offrir un plus grand nombre de points d’attaque à ses ennemis ; soit que la passion ait également dans tous les hommes plus d’identité que d’étendue, plus de force que de variété ; placés à l’extrême d’une idée comme des soldats à leur poste, jamais vous ne pourrez les décider à venir à la découverte d’un autre point de vue de la question, et tenant à quelques principes comme à des chefs, à des opinions, comme à des serments, on dirait que vous leur proposez une trahison quand vous voulez les engager à examiner, à s’occuper d’une idée nouvelle, à combiner de nouveaux rapports. […] Je me sers de l’expression temporel, parce que l’esprit de parti déifie la cause qu’il adopte, en espérant de son triomphe des effets au-dessus de la nature des choses. […] Les triomphes d’un parti donc ne servent jamais à ceux qui s’y sont montrés les plus violents et les plus injustes.

164. (1920) La mêlée symboliste. II. 1890-1900 « Le symbolisme ésotérique » pp. 91-110

Cet héritier de cent rois est obligé, par intervalles, de s’arracher aux génuflexions, aux baise-mains, à l’étiquette de Versailles, installé dans une arrière-boutique de bistro, pour venir, les manches retroussées, servir à la clientèle interlope, filles en cheveux et rôdeurs en savates, le litre à douze. […] « La philosophie de la nature, qui a servi de guide aux alchimistes, dit M.  […] Tandis que Péladan poursuit son Éthopée, que le poète Édouard Schuré trace, avec ses Grands initiés, l’esquisse de l’histoire secrète des religions qui paraîtra en 1889, tandis que Huysmans abjure la foi réaliste et retourne à Dieu où il se délecte, par haine de la banalité, comme à un vocable rare ou à une idée exceptionnelle et qu’il ébauche Là-bas, Stanislas de Guaita amasse les matériaux qui lui serviront à écrire l’histoire des Sciences maudites. […] Il est vrai que tous ne se confient point aux toxiques et ne s’en servent point pour cambrioler l’arcane. […] C’est là que Naundorff l’aurait connu et reçu ses confidences, ce qui expliquerait qu’il fut en possession de certaines particularités et détails concernant l’évasion et l’arrestation de Varennes dont il se servait pour s’accréditer dans l’opinion et s’imposer à ses interlocuteurs.

165. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — J. — article » pp. 517-518

Il étoit d’une figure avantageuse ; sévere observateur des Loix, moyen dont il se servoit pour gagner la bienveillance du Peuple ; fourbe, imposteur, hypocrite, faisant servir la Religion à ses desseins, mettant en œuvre les révélations & les visions, pour s’autoriser, effronté jusqu’à se vanter d’affermir l’autorité du Pape, dans le même temps qu’il la sapoit par les fondemens ; fier dans la prospérité, prompt à s’abattre dans l’adversité, étonné des moindres revers ; mais, avec la réflexion, capable de se servir des moyens les plus hardis pour se relever ».

166. (1895) Histoire de la littérature française « Troisième partie. Le seizième siècle — Livre IV. Guerres civiles conflits d’idées et de passions (1562-1594) — Chapitre III. Montaigne »

C’est le moins styliste, le moins puriste des hommes : il n’est pas « de ceux qui pensent la bonne rhythme faire le bon poème », et il n’a cure d’où viennent les mots qui rendent sa pensée : « C’est aux paroles à servir et à suivre ; et que le gascon y arrive, si le français n’y peut aller236 ». […] Mais il ne se pique pas d’inventer : il estime notre langue suffisante, à condition qu’on l’exploite et la cultive. « La recherche des phrases nouvelles et des mots peu connus, disait-il, vient d’une ambition scolastique et puérile : puissé-je ne me servir que de ceux qui servent aux halles à Paris. » Il devait donc moins chercher que fuir le néologisme, et peut-être Calvin et Amyot ont-ils hasardé plus de mots que lui. […] Servons bien notre patrie : si elle doit périr, que Montaigne échappe, s’il peut, à la ruine publique. […] Le malheur est que contre la douleur physique le détachement ne sert à rien : il n’y a que la fuite qui vaille. […] Il croit à la conscience, et à la raison, tellement qu’il s’en sert pour condamner la nature, ou la rectifier.

167. (1867) Cours familier de littérature. XXIII « cxxxviiie entretien. Littérature germanique. Les Nibelungen »

La traduction la plus récente et la plus fidèle dont nous nous servons est celle de M.  […] Avec grande affection on servait le guerrier. […] C’était celle dont elle se servait toujours. […] Au-delà Sîfrit, l’homme brave, la servit tendrement. […] quels mets de chevalier on servit à ces braves chasseurs.

168. (1894) Propos de littérature « Introduction » pp. 9-10

Les œuvres des deux poètes que j’ai choisis me serviront plutôt à rendre plus claire l’expression de certaines idées qui me hantent et à illustrer quelques réflexions sur la philosophie dans l’art, sur la méthode, la forme et la technique de ceux que l’on a appelés les Symbolistes ; en analysant ce que contiennent la Chevauchée d’Yeldis et les Poèmes anciens et romanesques, par exemple, je voudrais arriver à établir indirectement le compte de doit et avoir d’une génération dont ces livres indiquent assez complètement, dans les limites de l’art, les tendances diverses. […] Cela n’est-il point assez pour servir de raison à cette étude ?

169. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — V. — article » pp. 513-514

Un style simple, mais énergique & correct, une érudition adroitement ménagée, de l'exactitude dans les citations, de l'honnêteté dans les critiques, de la sagacité dans les discussions, de la solidité dans les principes, de la précision & de la justesse dans les raisonnemens ; voilà ce qui caractérise cette Production, qui mérite d'être placée à la suite du Traité, pour servir de correctif à ce qu'il offre de défectueux. […] Oter à l'homme son immortalité, c'est non seulement l'insulter, l'avilir, c'est encore l'outrager dans cette raison même, dont la Philosophie moderne prétend se servir pour l'éclairer.

170. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 8, des differens genres de la poësie et de leur caractere » pp. 62-63

Ainsi les vers que soupiroit Tibulle et que l’amour lui dictoit, pour me servir de l’expression de l’auteur de l’art poëtique, nous plaisent infiniment toutes les fois que nous les relisons. […] Les auteurs sensez qui ont voulu composer des poëmes dogmatiques, et faire servir les vers à nous donner des leçons, se sont conduits suivant le principe que je viens d’exposer.

171. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « Le Chevalier de Méré ou De l’honnête homme au dix-septième siècle. »

Avec les femmes il recommande les procédés qui servent à montrer l’esprit tout en favorisant le sentiment. […] Il aimoit la bonne chère, et sa table étoit bien servie. […] Il servait encore en 1664, et il fit partie de l’expédition navale contre les pirates de Barbarie, laquelle, après un assez brillant début, eut une triste fin. […] de Méré était chevalier de Malte et servait sur les galères de l’Ordre. […] Cette petite industrie sert de texte à un bon mot et ne le scandalise pas autrement.

172. (1865) Cours familier de littérature. XX « CXXe entretien. Conversations de Goethe, par Eckermann (2e partie) » pp. 315-400

Est-ce que par hasard je sers un tyran, un despote ? Est-ce que je sers un de ces hommes qui ne vivent que pour leurs plaisirs en les faisant payer à un peuple ? […] Lorsque les fibres d’une tige sont droites, les morceaux fendus sont droits, et on peut s’en servir, sinon, non. […] — C’est un bon arc, dis-je, la forme surtout m’en plaît, et elle me servira désormais de modèle. […] Celui qui les entend et ne croit pas à Dieu, à celui-là Moïse et les prophètes ne serviront à rien.

173. (1899) Les industriels du roman populaire, suivi de : L’état actuel du roman populaire (enquête) [articles de la Revue des Revues] pp. 1-403

Lorsque vous tenez en main tous ces personnages, vous les mêlez ensemble en deux, trois, quatre cents feuilletons, et vous servez chaud. […] Quand on a façonné pièce à pièce l’étrange macédoine, ou assaisonne, on saupoudre d’une main experte, et il ne reste qu’à servir. […] Ils servent à commandement la majorité, dont ils sont les favoris de hasard. […] Nous prenions ce brouet intellectuel comme on nous le servait. […] Nous en remercions d’autant plus nos correspondants et amis que les matériaux qu’ils nous ont fournis serviront à alimenter la campagne qui n’est qu’à ses débuts.

174. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre premier. La structure de la société. — Chapitre IV. Services généraux que doivent les privilégiés. »

. — Ils ne s’en servent que pour eux-mêmes. Inutiles dans le canton, ils pourraient être utiles au centre, et, sans prendre part au gouvernement local, servir dans le gouvernement général. […] Assemblées du clergé. — Elles ne servent que l’intérêt ecclésiastique. — Le clergé exempté de l’impôt. — Sollicitations de ses agents. — Son zèle contre les protestants. […] Elle paye encore au même commandant quarante gardes, « dont vingt-quatre seulement servent pendant sa courte présence aux États », et qui, avec leur capitaine, coûtent par an 15 000 livres. […] Il faut bien qu’il contribue à doter leurs enfants, puisqu’il signe au contrat ; il faut bien qu’il les enrichisse eux-mêmes, puisque leur luxe sert à la décoration de sa cour.

175. (1883) Souvenirs d’enfance et de jeunesse « Chapitre I. Le broyeur de lin  (1876) »

Sous le premier Empire, avant les indemnités, il servit d’asile aux vieilles demoiselles nobles les mieux élevées. […] Bien rarement une femme pieuse ose se servir de la confession pour une confidence d’amour. […] Ils seraient près de lui, le toucheraient, serviraient à ses usages ; ils seraient elle-même près de lui. […] Quant à l’idée que la clef confiée à Kermelle eût pu servir à l’exécution du vol, une pareille idée eût semblé extravagante ; elle ne vint à personne. […] Cette pensée leur paraissait à la fois évidente et absurde : c’est que la clef du broyeur de lin avait seule pu servir au vol. 

176. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — R. — article » pp. 6-7

En effet, il y a des morceaux dans les Odes de Racan, qui ne le cedent point aux plus beaux Vers de Malherbe ; telles sont les deux Strophes que voici : Que te sert de chercher les tempêtes de Mars, Pour mourir tout en vie au milieu des hasards Où la gloire te mene ? […] Que sert à ces Héros ce pompeux appareil Dont ils vont dans la lice éblouir le Soleil Des trésors du Pactole ?

177. (1887) Discours et conférences « Réponse au discours de M. Louis Pasteur »

Vos études sur les corpuscules organisés qui existent dans l’atmosphère servent de point de départ à tout un ordre de recherches, où vos disciples sont des maîtres qui s’appellent Lister, Tyndall. […] Même dans l’ordre de la vérité, nos qualités nous servent souvent moins que nos défauts. […] L’humanité veut des noms qui lui servent de types et de chefs de file ; elle ne met pas dans son choix beaucoup de discernement. […] Vous vous servez de deux mots, par exemple, dont, pour ma part, je ne me sers jamais, spiritualisme et matérialisme. […] Il y a des esprits qu’il est aussi impossible de ramener l’un à l’autre qu’il est impossible, selon la comparaison dont vous aimez à vous servir, de faire rentrer deux gants l’un dans l’autre.

178. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Procès de Jeanne d’arc, publiés pour la première fois par M. J. Quicherat. (6 vol. in-8º.) » pp. 399-420

Parlant d’une certaine épée qui avait été prise sur un Bourguignon, elle dit qu’elle s’en servait parce que c’était une bonne épée de guerre, et propre à donner « de bonnes buffes et de bons torchons ». Ce qui montre que, si elle ne frappait pas, comme on dit, d’estoc et de taille, si elle se servait le moins possible de la pointe, elle aimait assez à frapper du plat de la lame, comme elle faisait volontiers de son bâton. […] Mais si je n’apprends bientôt votre amendement, votre rentrée au sein de l’Église, je laisserai peut-être les Anglais et me tournerai contre vous pour extirper l’affreuse superstition… Le clerc qui lui servait de secrétaire avait pu lui arranger ses phrases, mais ce devait être assez sa pensée. […] » Et elle répondit : Où il plaira à Dieu, car je ne suis pas plus assurée du temps ni du lieu que vous ne le savez vous-même ; et plût à Dieu, mon Créateur, que je me pusse retirer maintenant, laissant là les armes, et m’en aller pour servir mon père et ma mère, en gardant leurs brebis avec ma sœur et mes frères, qui auraient grande joie de me voir ! […] Un jour qu’à Poitiers, dans les premiers temps de son arrivée près du roi, un des docteurs du lieu voulait absolument savoir d’elle de quel idiome se servait l’archange en lui parlant, elle avait répondu à ce Limousin trop curieux : « Il parle un meilleur français que vous. » Chose mémorable !

179. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre IV. Les tempéraments et les idées (suite) — Chapitre VII. La littérature française et les étrangers »

Marivaux, qui s’inspire d’Addison dans ses journaux, fournit par sa Vie de Marianne un modèle à Richardson, qui, traduit en français par l’abbé Prévost, sert à son tour de modèle à nos romanciers. […] Notre xviiie  siècle s’est servi et autorisé de l’Angleterre, mais pour abonder en son propre sens, et réaliser ses intimes aspirations. […] Sans doute elle n’oublie jamais son rôle et ses intérêts d’impératrice ; elle se sert de Voltaire pour tromper le monde. […] Ainsi par la littérature et par la société, la langue française se répand, devient vraiment la langue universelle : elle est reconnue pour le plus parfait instrument qui puisse servir à l’échange des idées.

180. (1911) La valeur de la science « Deuxième partie : Les sciences physiques — Chapitre V. L’Analyse et la Physique. »

I On vous a sans doute souvent demandé à quoi servent les mathématiques et si ces délicates constructions que nous tirons tout entières de notre esprit ne sont pas artificielles et enfantées par notre caprice. […] Les progrès des observations n’auraient servi qu’à faire croire au chaos. […] De toutes les parties de l’analyse, ce sont les plus élevées, ce sont les plus pures, pour ainsi dire, qui seront les plus fécondes entre les mains de ceux qui savent s’en servir. […] J’espère en avoir assez dit pour montrer que l’analyse pure et la physique mathématique peuvent se servir l’une l’autre sans se faire l’une à l’autre aucun sacrifice et que chacune de ces deux sciences doit se réjouir de tout ce qui élève son associée.

181. (1880) Les deux masques. Première série. I, Les antiques. Eschyle : tragédie-comédie. « Chapitre XIII, les Atrides. »

L’autre raconte qu’ayant un jour invité les dieux, et voulant les tenter ou les honorer, il égorgea son jeune fiIs Pélops, dépeça ses membres, et leur servit, mêlée à d’autres viandes, cette chair palpitante. […] A Ténédos, au lieu de l’enfant prescrit pour le sacrifice, on immolait un veau nouveau-né auquel on mettait de petits souliers, avec l’idée naïve de tromper l’idole, et comme, dans un de nos contes, le cuisinier d’une ogresse lui sert un chevreau en place du petit prince qu’elle a demandé. […] Lycaon fut changé en loup pour avoir, comme Tantale, servi un enfant égorgé à Zeus. […] Il rappelle Thyeste à Mycènes, feint de se réconcilier avec lui, et l’invite à un banquet où il lui sert les corps de ses fils.

182. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Troisième partie. Beaux-arts et littérature. — Livre second. Philosophie. — Chapitre premier. Astronomie et Mathématiques. »

« Notre connaissance, dit-il, étant resserrée dans des bornes si étroites, comme je l’ai montré, pour mieux voir l’état présent de notre esprit, il ne sera peut-être pas inutile… de prendre connaissance de notre ignorance, qui… peut servir beaucoup à terminer les disputes… si, après avoir découvert jusqu’où nous avons des idées claires… nous ne nous engageons pas dans cet abîme de ténèbres (où nos yeux nous sont entièrement inutiles, et où nos facultés ne sauraient nous faire apercevoir quoi que ce soit), entêtés de cette folle pensée que rien n’est au-dessus de notre compréhension 153. » Enfin, on sait que Newton, dégoûté de l’étude des mathématiques, fut plusieurs années sans vouloir en entendre parler ; et de nos jours même, Gibbon, qui fut si longtemps l’apôtre des idées nouvelles, a écrit : « Les sciences exactes nous ont accoutumés à dédaigner l’évidence morale, si féconde en belles sensations, et qui est faite pour déterminer les opinions et les actions de notre vie. » En effet, plusieurs personnes ont pensé que la science entre les mains de l’homme dessèche le cœur, désenchante la nature, mène les esprits faibles à l’athéisme, et de l’athéisme au crime ; que les beaux-arts, au contraire, rendent nos jours merveilleux, attendrissent nos âmes, nous font pleins de foi envers la Divinité, et conduisent par la religion à la pratique des vertus. […] On a dit que les mathématiques servent à rectifier dans la jeunesse les erreurs du raisonnement. […] Vous ressemblez à un arithméticien qui examine les propriétés des nombres, au lieu de calculer sa fortune… Lorsque Archimède trouva la pesanteur spécifique des corps, il rendit service au genre humain : mais de quoi vous servira de trouver trois nombres tels que la différence des carrés de deux, ajoutée au nombre trois, fasse toujours un carré, et que la somme des trois différences, ajoutée au même cube, fasse toujours un carré ? […] Cette simplicité de la nature qui devrait leur faire supposer, comme Aristote, un premier mobile, et comme Platon, un éternel géomètre, ne sert qu’à les égarer : Dieu n’est bientôt plus pour eux que les propriétés des corps ; et la chaîne même des nombres leur dérobe la grande Unité.

183. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XVI. Des sophistes grecs ; du genre de leur éloquence et de leurs éloges ; panégyriques depuis Trajan jusqu’à Dioclétien. »

disait-il, je t’invoque ; parmi toutes les divinités, nulle ne parle plus puissamment au cœur de l’homme que toi. » Un autre, qui conseillait de fuir les villes et sentait que la situation des lieux influe sur l’âme : « Habite et parcours les montagnes, disait-il, le soleil les frappe de ses premiers rayons ; les derniers rayons du soleil reposent sur elles ; élève-toi vers les cieux, sors de l’ombre, et respire la lumière et la pureté du jour » ; un autre, après la mort de son épouse, ramasse tous les ornements qui servaient à sa parure, et les suspend dans un temple pour les consacrer à la divinité du lieu. […] Cet art, outre une imagination très vive et prompte à s’enflammer, supposait encore en eux des études très longues ; il supposait une étude raisonnée de la langue et de tous ses signes, l’étude approfondie de tous les écrivains, et surtout de ceux qui avaient dans le style, le plus de fécondité et de souplesse ; la lecture assidue des poètes, parce que les poètes ébranlent plus fortement l’imagination, et qu’ils pouvaient servir à couvrir le petit nombre des idées par l’éclat des images ; le choix particulier de quelque grand orateur avec qui leur talent et leur âme avaient quelque rapport ; une mémoire prompte, et qui avait la disposition rapide de toutes ses richesses pour servir leur imagination ; l’exercice habituel de la parole, d’où devait naître l’habitude de lier rapidement des idées ; des méditations profondes sur tous les genres de sentiments et de passions ; beaucoup d’idées générales sur les vertus et les vices, et peut-être des morceaux d’éclat et prémédités, une étude réfléchie de l’histoire et de tous les grands événements, que l’éloquence pouvait ramener ; des formules d’exorde toutes prêtes et convenables aux lieux, aux temps, à l’âge de l’orateur ; peut-être un art technique de classer leurs idées sur tous les objets, pour les retrouver à chaque instant et sur le premier ordre ; peut-être un art de méditer et de prévoir d’avance tous les sujets possibles, par des divisions générales ou de situations, ou de passions, ou d’objets politiques, ou d’objets de morale, ou d’objets religieux, ou d’objets d’éloge et de censure ; peut-être enfin la facilité d’exciter en eux, par l’habitude, une espèce de sensibilité factice et rapide, en prononçant avec action des mots qui leur rappelaient des sentiments déjà éprouvés, à peu près comme les grands acteurs qui, hors du théâtre, froids et tranquilles, en prononçant certains sons, peuvent tout à coup frémir, s’indigner, s’attendrir, verser et arracher des larmes : et ne sait-on pas que l’action même et le progrès du discours entraîne l’orateur, l’échauffe, le pousse, et, par un mécanisme involontaire, lui communique une sensibilité qu’il n’avait point d’abord. […] Près d’elle est la justice, dont le regard est à la fois imposant et doux ; le génie du gouvernement, attentif et sévère ; la paix qui sourit avec grâce, et la raison sage qui sert de ministre : et la loi en cheveux blancs, portant un sceptre d’or, et dont rien ne peut combattre la force.

184. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Appendice. — [Rapport sur les primes à donner aux ouvrages dramatiques.] » pp. 518-522

La seconde partie de l’arrêté ministériel du 12 octobre 1851 propose une prime de 5 000 francs « à l’auteur d’un ouvrage en cinq ou quatre actes, en vers ou en prose, représenté à Paris avec succès, pendant le cours de l’année, sur tout autre théâtre que le Théâtre-Français, ou même donné pour la première fois sur un théâtre des départements, et qui serait de nature à servir d’enseignement aux classes laborieuses par la propagation d’idées saines et le spectacle de bons exemples ». […] Cette pièce, d’un comique aimable, se compose de tableaux vrais empruntés à la société de nos jours ; deux familles y sont en présence : l’une toute mondaine, dans laquelle la discorde et le désordre se sont glissés, ne sert qu’à faire ressortir les mœurs unies et simples d’une autre famille toute laborieuse et restée patriarcale : deux jeunes cœurs purs, épris d’une passion mutuelle, sont le lien de l’une à l’autre. […] Cette honnêteté, qui se produit sans emphase, qui brille dans le caractère des personnages et dans toutes leurs paroles, semble couler naturellement de l’âme de l’auteur ; une versification nette, correcte, élégante, y sert d’ornement ; quelques personnages assez gais et plus actifs, jetés dans ce monde d’honnêtes gens, relèvent la douceur des tableaux.

185. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « XIX » pp. 76-83

Il croit servir le sens, il se trompe. […] Les procureurs du roi de chefs-lieux d’arrondissement et même les présidents de cour sont émus et correspondent avec l’auteur pour lui soumettre leurs idées et discuter les siennes ; il répond dans les Débats très-officiellement et sans rire à ces missives qui lui donnent un caractère respectable et qui servent à couvrir son jeu. […] Que ce séjour à Paris lui ait au moins appris à nous servir à notre gré pendant quelques heures.

186. (1890) L’avenir de la science « VII »

Des travaux entrepris sans ce grand esprit peuvent même servir puissamment au travail de l’esprit humain, indépendamment des intentions plus ou moins mesquines de leurs auteurs. […] Mieux vaut l’humble paysan qui sert Dieu que le superbe philosophe qui considère le cours des astres et se néglige lui-même. […] Tout est vanité, excepté aimer Dieu et le servir. » Cela est indubitable, si la science est conçue comme une simple série de formules, si le parfait amour est possible sans savoir.

187. (1890) L’avenir de la science « XX »

Savoir, dit-on, ne sert point à faire son salut ; savoir ne sert point à faire sa fortune, donc savoir est inutile 186. […] Les facultés qu’il doit cultiver sont celles qui servent à la richesse, l’esprit industriel, l’intelligence pratique.

188. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 33, de la poësie du stile dans laquelle les mots sont regardez en tant que les signes de nos idées, que c’est la poësie du stile qui fait la destinée des poëmes » pp. 275-287

Il est dans la vrai-semblance que le témoin oculaire de pareils évenemens, qu’il convient d’emploïer pour en faire le recit, ait été frappé d’un étonnement qui dure encore ; et il seroit ainsi contre la vrai-semblance qu’il se servit dans son recit des figures qu’un homme saisi, et qui ne songe point à être pathetique, ne trouve pas. […] Nous sommes séduits par les images dont le poëte se sert pour l’exprimer ; et la pensée de triviale qu’elle seroit énoncée en stile prosaïque devient dans ses vers un discours éloquent qui nous frappe et que nous retenons. […] Le conseil d’un ami peut bien nous faire supprimer quelques figures impropres ou mal imaginées ; mais il ne peut nous inspirer le genie necessaire pour inventer celles dont il conviendroit de se servir.

189. (1905) Les ennemis de l’art d’écrire. Réponse aux objections de MM. F. Brunetière, Emile Faguet, Adolphe Brisson, Rémy de Gourmont, Ernest Charles, G. Lanson, G. Pélissier, Octave Uzanne, Léon Blum, A. Mazel, C. Vergniol, etc… « XI »

Pélissier nous sert l’éternelle objection. […] Uzanne qui nous oppose les arguments que nous lui servons et imagine de nous répondre ce que nous avons déjà dit nous-même ! […] Lectures, guides, conseils, procédés, labeur, exemples, rien ne sert, rien n’est pratique.

190. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre III. Des éloges chez tous les premiers peuples. »

Ces chants se conservaient par la mémoire, et passaient d’âge en âge ; on les répétait dans les familles ; on les chantait dans les fêtes ; la veille des batailles ils servaient de prélude aux combats ; ils animaient le guerrier et servaient de consolation aux vieillards ; le héros qui ne pouvait plus combattre, assis sous le chêne, entendait chanter les exploits de sa jeunesse, et il était entouré de ses fils et de ses petits-fils, qui, appuyés sur leur lance, écoutaient en pleurant les actions de leurs pères. […] Ils leur inspiraient un enthousiasme de valeur, qui, plusieurs siècles de suite, leur servit de barrière contre les tyrans.

191. (1889) Histoire de la littérature française. Tome III (16e éd.) « Chapitre quatorzième. »

Chez lui, l’opposition n’est pas exempte d’animosité ni d’impatience ; le respect n’est souvent que de civilité, et pour servir de couverture à l’opposition. […] je reconnais là le chrétien, l’évêque, qui ne veut pas qu’on se serve du vice, même pour les besoins de l’État. […] A quoi servent, en effet, ces regrets de certaines qualités qui nous manquent, sinon à nous faire méconnaître nos propres privilèges ? […] Voici un trait comme il ne s’en rencontre que dans les écrits de Fénelon : parlant de Démosthène : « Il se sert de la parole, dit-il, comme un homme modeste se sert de son habit pour se couvrir. » Image à la fois sévère et aimable, je la voudrais toujours présente à ceux qui manient la parole ou la plume. […] Les dieux dont se sert Fénelon ne sont qu’une machine dans une fable.

192. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — R. — article » pp. 84-86

C'est pour elle qu'il fit bâtir la salle de son palais, qui a longtemps servi à l'Opéra : il oublia sa gravité pendant qu'on la jouoit ; ses transports éclaterent même un peu trop vivement. […] Le génie de Corneille triompha des efforts de l'autorité, & le crédit du Ministre ne servit qu'à procurer une excellente Critique, qui fit encore mieux sentir les beautés de cette Tragédie.

193. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — S. — article » pp. 253-255

Selon lui, le Ministre Protestant se joua de l'Evêque de Meaux, qui crut, dit-il, avoir converti un Ministre, & qui ne fit que servir à la fortune d'un Philosophe. […] Un Philosophe est donc, de l'aveu de M. de Voltaire, un être versatil, souple, artificieux, toujours prêt à profiter des circonstances, à quitter le masque, à le reprendre, dès que les métamorphoses peuvent servir à sa fortune ?

194. (1889) Histoire de la littérature française. Tome III (16e éd.) « Chapitre neuvième »

Tartufe ment pour pousser dans le piège l’imbécile Orgon ; c’est un méchant homme qui se sert du mensonge. […] Quand, au premier acte, Dorante se donne à Clarice pour un brave qui revient des guerres d’Allemagne, je le conçois : son vice peut lui servir. […] Il faut croire que l’esprit sert à bien peu ; car Arnolphe sait par l’amant lui-même tout ce qui se fait et tout ce qui se fera, et il n’empêche rien. […] C’est la révolte de sa noble nature contre ce vice, le plus odieux de tous, parce qu’il sert de couverture à tous. […] Ce n’est pas le bon sens moqueur de Célimène, où l’égoïsme domine, et qui fait servir les autres à l’amusement de sa vanité ; mais, comme Célimène, Henriette est sans illusions.

195. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Journal du marquis de Dangeau — I » pp. 1-17

Il suffit donc que Dangeau, quelques plaisanteries qu’on fasse de lui, soit d’une utilité réelle à la postérité et qu’il la serve, pour qu’elle lui en tienne compte et ne souffre pas qu’on le sacrifie. […] Les éditeurs se sont beaucoup servis, et avec raison, du charmant Éloge de Dangeau par Fontenelle ; car Dangeau, qui était de la Cour et de tant de choses, y compris l’Académie française, était aussi membre honoraire de l’Académie des sciences. […] Dangeau fut constamment l’organe et l’introducteur ou maître des cérémonies de l’Académie française auprès du roi ; il ne perdit aucune occasion de la servir et de lui montrer qu’il tenait à honneur d’en être. […] Ouvrons donc ce Journal de Dangeau, et apprenons à le lire en y mettant de cet esprit historique que l’auteur n’avait pas, mais qu’il sert si bien. […] [NdA] Dangeau, nommé ambassadeur en Suède, s’adressait à Chapelain pour lui demander s’il ne connaîtrait pas « quelque homme de bien et d’érudition qui pût, à des conditions honorables, lui tenir compagnie pendant son voyage de Suède, et lui servir soit par la conversation, soit par la lecture des bons livres anciens et modernes, le divertir des objets désagréables, etc. » C’est ce qu’on apprend d’une lettre (manuscrite) de Chapelain au marquis de Dangeau, datée d’avril 1671.

196. (1920) La mêlée symboliste. II. 1890-1900 « Oscar Wilde à Paris » pp. 125-145

Le servant du lieu était un jeune garçon d’une vingtaine d’années, blond, au vif regard bleu, qui portait, sans faiblir, à la satisfaction de Moréas, le glorieux prénom d’Amand et qui s’était installé dans la bonne grâce des poètes par l’empressement qu’il mettait à les servir au détriment des autres consommateurs. […] Fier de servir un homme illustre dont le nom emplissait les journaux, il s’était laissé aller à cette inspiration délicate. […] En attendant l’avènement d’une religion de lumière nouvelle, que l’Olympe nous serve d’abri et de refuge. […] Regardez ces diamants d’une si belle eau, disposés en diadème, qu’on rêverait au front d’une jeune impératrice et qui ne serviront peut-être qu’à parer quelque tripière enrichie dont elles accentueront la vulgarité et la laideur. […] Qu’est-ce que la mort d’une vague individualité si elle sert à l’éclosion d’une œuvre immortelle et à créer, selon l’expression de Keats, une source éternelle de ravissement ? 

197. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Le maréchal Marmont, duc de Raguse. — III. (Suite et fin.) » pp. 47-63

Et en effet, le duc de Reichstadt était à peine arrivé, qu’il s’approcha du maréchal et se félicita de faire la connaissance d’un guerrier qui avait servi avec tant de distinction sous les ordres de son père. […] Un jour, l’ancien aide de camp du maréchal, M. de La Rue, était allé à Vienne ; le jeune prince s’entretenait avec lui et lui faisait raconter cette circonstance de la guerre d’Espagne, quand les grenadiers de la Garde royale imaginèrent de donner au prince de Carignan, qui servait comme volontaire, les épaulettes de laine, pour le féliciter de sa bravoure à l’attaque du Trocadéro. […] Mais ici la méfiance, déjà propre à cette jeune nature, se marqua à l’instant ; sa physionomie se ferma : « Mais je ne connais personne à Paris », répondit-il ; — et après une pause d’un instant : « Je n’y connais plus que la colonne de la place Vendôme. » Puis s’apercevant qu’il avait interprété trop profondément une parole toute simple, et pour corriger l’effet de cette brusque réponse, il envoya le surlendemain à M. de La Rue, qui montait en voiture, un petit billet où étaient tracés ces seuls mots : « Quand vous reverrez la Colonne, présentez-lui mes respects. » Au maréchal Marmont, comme à toutes les personnes avec qui il parlait de la France, le jeune prince exprimait l’idée qu’il ne devait, dans aucun cas, jouer un rôle d’aventure ni servir de sujet et de prétexte à des expériences politiques ; il rendait cette juste pensée avec une dignité et une hauteur déjà souveraines : « Le fils de Napoléon, disait-il, doit avoir trop de grandeur pour servir d’instrument, et, dans des événements de cette nature, je ne veux pas être une avant-garde, mais une réserve, c’est-à-dire arriver comme secours, en rappelant de grands souvenirs. » Dans une conversation avec le maréchal, et dont les sujets avaient été variés, il en vint à traiter une question abstraite ou plutôt de morale, et comparant l’homme d’honneur à l’homme de conscience, il donnait décidément la préférence à ce dernier, « parce que, disait-il, c’est toujours le mieux et le plus utile qu’il désire atteindre, tandis que l’autre peut être l’instrument aveugle d’un méchant ou d’un insensé ». […] En effet, après le premier moment passé, il dédaigna toujours les justifications et les apologies : « Je ne puis paraître vouloir me justifier, disait-il ; je ne veux surtout pas laisser croire que j’en sens le besoin. » Le gouvernement de Juillet ne fut jamais bien pour Marmont ; d’anciens camarades maréchaux mirent peu d’empressement et de bonne volonté à le servir.

198. (1903) Considérations sur quelques écoles poétiques contemporaines pp. 3-31

Toutes leurs opinions étoient puisées de la boutique de quelque rêveur qu’ils suivoient en tout et partout… Ils vinrent à dire beaucoup de mots anciens, qui leur sembloient fort bons et très utiles en notre langue et dont ils n’osoient pourtant se servir, parce que l’un d’entre eux1 qui étoit leur coryphée, en avoit défendu l’usage. […] Quand on se sert du terme de poésie, on le fait souvent avec une confusion regrettable. […] Hugo s’en servit d’une façon constante et lui dut d’admirables effets poétiques. […] Au xiiie  siècle, Rutebœuf n’emploie de rimes alternées que dans le poème intitulé : la Desputoison de Charlot et du Barbier ; le reste du temps il se sert indistinctement de rimes masculines ou féminines, sans tenir compte le moins du monde de l’alternance. […] De là, je le répète, la nécessité, quand on emploie l’hiatus, de s’en servir avec circonspection et de veiller avec soin à l’union euphonique des voyelles afin d’éviter un heurt de sons désagréables à l’ouïe.

199. (1788) Les entretiens du Jardin des Thuileries de Paris pp. 2-212

Elle le plie, & s’en sert pour se donner de petits coups sur la main en signe d’alégresse. […] La comtesse soutint qu’un domestique habile à parler plusieurs langues, pouvoit servir de truchement. […] Nos impatiences les amusent, & nous n’en sommes que plus mal servis. […] Outre que ce légume sert de nourriture aux hommes, il est excellent pour les vaches & pour les cochons. […] Le frondeur a presque toujours un mauvais ton, criant à tue-tête, & voulant se faire servir en despote.

200. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre III. L’âge classique. — Chapitre V. Swift. » pp. 2-82

Le malheureux, ancien officier et demi-lettré, se servait maladroitement des mots constitutionnels […] Il jure solennellement qu’il vous aime et veut vous servir, et, votre dos tourné, dit aux assistants que vous êtes un chien et un drôle. […] Swift, dans sa gaieté, est toujours tragique ; rien ne le détend ; même quand il vous sert, il vous blesse. […] Swift, qui a donné quelque part la recette d’un poëme épique, est ici le premier à s’en servir. […] La dame le sert le premier, les servantes mettent le nez à la fente de la porte pour voir son habit brodé.

201. (1841) Discours aux philosophes. De la situation actuelle de l’esprit humain pp. 6-57

À tout homme qui me servait en servant la société, roi, noble ou prêtre, je décernais cette estime. […] Au nom de cette morale et de cette religion, servir était mon lot, commander était le sien. Mais servir, c’était obéir à Dieu et payer de dévouement mon protecteur sur la terre. […] J’obéissais aux prêtres, qui étaient les ministres de cette Église, et qui servaient d’éducateurs à tous. […] Jacob, qui sert Laban pour épouser Rachel, est ton image.

202. (1904) Zangwill pp. 7-90

Il y aurait des êtres qui se serviraient de l’homme comme l’homme se sert des animaux. » C’est alors peut-être que l’homme s’apercevrait que l’homme se sert mal des animaux. […] Les animaux qui servent à la nourriture de l’homme de génie ou de l’homme de bien devraient être contents, s’ils savaient à quoi ils servent. […] L’impôt mis sur ces terres les purifie seul un peu, en les faisant servir à un but supérieur. […] La matière est chose toute relative ; elle n’est pas réellement ce qui est ; elle est la couleur qui sert à peindre, le marbre qui sert à sculpter, la laine qui sert à broder. […] L’idéal seul est éternel ; rien ne reste que lui et ce qui y sert.

203. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — P. — article » pp. 480-482

Son Histoire de l’Académie Françoise a servi de modele pour le style à ceux qui l’ont écrite après lui, & doit en servir à ceux qui l’écriront dans la suite.

204. (1856) Cours familier de littérature. I « Épisode » pp. 475-479

La nature servait cette amoureuse agape ; Tout était miel et lait, fleurs, feuillages et fruits, Et l’anneau nuptial s’échangeait sur la nappe, Premier chaînon doré de la chaîne des nuits ! […] — Que vas-tu nous servir, ô femme de douleurs ?

205. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre quatrième. Du cours que suit l’histoire des nations — Chapitre II. Trois espèces de langues et de caractères » pp. 296-298

Nous avons prouvé qu’à leur premier âge, toutes les nations se servirent de tels caractères. […] C’étaient encore des universaux poétiques qui servaient à désigner les diverses espèces d’objets qui occupaient l’esprit des héros ; ils attribuaient à Achille tous les exploits des guerriers vaillants, à Ulysse tous les conseils des sages96.

206. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Le cardinal de Bernis. (Fin.) » pp. 44-66

M. de Choiseul épiait (et sincèrement, on peut le croire,) les occasions de l’obliger en cour et de le servir : il eut de bonne heure l’idée de lui faire avoir la résidence de Rome ; mais il fallait préparer les voies : De mon côté, lui écrivait Bernis (14 mai 1759), je ne songe qu’à m’attacher à mon état et à mettre dans les partis que je prendrai à cet égard le temps, les réflexions et la droiture qui conviennent à mes principes et à mon caractère… Je serai toujours prêt à servir le roi quand vous croirez que je puis lui être utile. […] Quand je dis servir le roi, je n’entends pas, comme vous pensez bien, une charge à la Cour, car sur cet article je n’ai pas plus de projet que d’espérance. […] Les plus anciens à la Cour m’ont servi avec amitié ; de sorte que mon cœur est fort à son aise, et que je n’ai jamais pu espérer une position plus agréable, plus libre et plus honorable. […] Le cuisinier de l’ambassadeur de Rome ne sera pas moins en réputation, et Bernis dut un jour en écrire à M. de Choiseul pour répondre à de sots bruits qu’on faisait courir sur le luxe de sa table : « Un bon ou mauvais cuisinier fait qu’on parle beaucoup de la dépense d’un ministre ou qu’on n’en dit mot ; mais il n’en coûte pas moins d’être bien ou mal servi, quoique le résultat en soit fort différent. » Or, il est constant que Bernis, au milieu de cette table somptueuse qu’il offrait aux autres, ne vivait lui-même que frugalement et d’une diète toute végétale : J’ai été dîner avec Angelica Kaufmann (le peintre célèbre) chez notre ambassadeur, écrit Mme Lebrun dans ses Mémoires : il nous a placées toutes deux à table à côté de lui ; il avait invité plusieurs étrangers et une partie du corps diplomatique, en sorte que nous étions une trentaine à cette table dont le cardinal a fait les honneurs parfaitement, tout en ne mangeant lui-même que deux petits plats de légumes. […] Guérard, attaché aux Affaires étrangères, et par ordre des chefs de ce département : elle était destinée à servir d’élément et de matière à l’éloge académique de Bernis que devait prononcer alors le comte François de Neufchâteau.

207. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « La marquise de Créqui — II » pp. 454-475

Un jeune militaire émigré, le marquis de Saint-Alban, qui servait dans l’armée prussienne, est blessé dans une affaire sur les bords du Rhin ; il n’évite d’être fait prisonnier qu’en traversant le fleuve dans une barque. […] — Je jouerai après souper, on va servir. » Quelques chuchotages, un air de tristesse passager. […] Il est bien plus probable que, le dessein conçu, on s’est servi des matériaux qui étaient à portée. […] L’ambition est une passion dangereuse et vaine, mais ce serait un malheur pour la plupart des hommes que d’en être totalement dénués ; elle sert à occuper l’esprit, à préserver de l’ennui qui naît de la satiété ; elle s’oppose dans la jeunesse à l’abus des plaisirs, qui entraînerait trop vivement ; elle les remplace en partie dans la vieillesse, et sert à entretenir dans l’esprit une activité qui fait sentir l’existence et ranime nos facultés. Il est bon d’exercer son esprit pour se procurer des plaisirs à tous les âges ; il est bon de se former des plaisirs intellectuels qui servent d’entractes aux plaisirs des sens, qui sont les seuls réels… Il faut croire assez à l’amitié pour avoir de douces illusions, mais jamais ne s’abandonner assez fortement pour être surpris de n’avoir embrassé qu’un nuage.

208. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « M. EUGÈNE SCRIBE (Le Verre d’eau.) » pp. 118-145

L’ancien répertoire, servi par d’admirables acteurs, sembla plus que suffire. […] Ces petites pièces servent à merveille d’accompagnement, de chatouillement et de conseil même aux gens de nos jours dans leurs propres petites passions. […] c’ruban teint de mon sang Va me servir pour acheter les vôtres69. […] Scribe, qui ne s’est servi de tous que comme de marionnettes à son dessein de la soirée. […] Les petites causes seules n’enfantent pas sans doute les grands événements, elles n’en amassent pas la matière ; mais elles servent souvent à y mettre le feu, comme la lumière au canon : faute de quoi le gros canon pourrait rester éternellement chargé, sans partir.

209. (1895) Histoire de la littérature française « Première partie. Le Moyen âge — Livre I. Littérature héroïque et chevaleresque — Chapitre III. L’Histoire »

La femme n’a pas de place en son histoire : les pâles figures d’impératrices ou de princesses, qu’il nous fait entrevoir un moment, ne viennent que pour servir aux trafics de la politique ; leurs personnes sont des moyens qui procurent des alliances ou des fiefs. […] Il y a en lui un sentiment, principe et limite ci la fois de l’individualisme, qui le légitime et le contient ; ce sentiment, tout-puissant sur lui, et qui lui sert de règle à juger toutes les actions d’autrui, c’est l’honneur féodal, le respect du pacte et du lien social, qui lient unis le vassal et le suzerain. […] La Vierge descend du ciel pour essuyer le front mouillé de sueur d’un baladin qui s’est fait moine, et qui ne sachant rien dont il puisse servir Notre-Dame, fait devant son image ses plus beaux tours et ses plus brillantes culbutes. […] A la croisade, en homme avisé, il se fait bien payer du roi : il ne veut pas renoncer, ni servir gratis. Ayant une fois tâté de la croisade, il en a assez, et quand saint Louis reprend la croix et l’engage à faire de même, il répond, avec plus de sens que de zèle, que le meilleur moyen de servir Dieu, pour un seigneur, c’est de rester sur ses terres, et de protéger ses gens.

210. (1887) Discours et conférences « Rapport sur les prix de vertu lu dans la séance publique annuelle de l’Académie française »

Une somme pareille, que vous avez décernée à M. l’abbé Carton, servira également à une excellente œuvre de charité. […] Aujourd’hui, elle sert les petits-enfants de ses premiers maîtres, et, quoique devenue presque aveugle, elle travaille, elle se prive de nourriture pour ceux à qui elle a consacré sa vie. […] Elle et sa mère servirent durant des années une vieille dame de la Guadeloupe, qui récompensa leurs soins par l’affranchissement. […] À l’âge de onze ans, elle s’est attachée à une famille qu’elle a toujours servie avec amour. […] Elle a élevé et soigné neuf enfants ; la famille à laquelle elle est attachée ayant perdu toute sa fortune, elle refuse de la quitter ; elle sert gratuitement avec un courage que de pénibles circonstances mettent à de rudes épreuves (médaille de mille francs).

211. (1772) Bibliothèque d’un homme de goût, ou Avis sur le choix des meilleurs livres écrits en notre langue sur tous les genres de sciences et de littérature. Tome II « Bibliotheque d’un homme de goût — Chapitre X. Des Livres nécessaires pour l’étude de la Langue Françoise. » pp. 270-314

Aussi M. de Voltaire a dit que ce Livre sublisteroit autant que la langue & serviroit même à la faire subsister. […] Ainsi l’on n’a point fait entrer dans le Dictionnaire tous les mots dont on ne se sert plus, & qu’on ne trouve aujourdhui que dans les auteurs qui ont écrit avant la fin du XVIme. siécle. […] Il n’étoit pas question de prouver sérieusement que le style des néologiques est vicieux ; cela n’auroit servi de rien. […] Mais, à cet inconvénient près, les étymologies peuvent servir beaucoup pour l’intelligence de notre langue. La connoissance de l’origine d’un mot en fait mieux sentir toute la force & sert à donner quelquefois plus d’énergie à une phrase en y faisant entrer ce mot à propos.

212. (1904) Prostitués. Études critiques sur les gens de lettres d’aujourd’hui « Chapitre premier. Prostitués »

Et je la prêcherai plus persuasivement à mes frères qui ont été créés comme moi pour t’admirer, t’aimer et te servir. […] Ses frémissements doivent rester libres, ne point servir à payer la vie de la bête. […] J’éviterai, aujourd’hui du moins, les doubles prostitués, ceux qui font servir une prostitution à en préparer une autre.

213. (1763) Salon de 1763 « Peintures — Greuze » pp. 234-241

Il est entouré de ses enfants et de ses petits-enfants, la plupart empressés à le servir. […] Il s’avance ; il voudrait bien aussi entendre son grand-papa, le voir et le servir ; les enfants sont officieux. […] Que le traversin est tout neuf, et qu’il serait plus naturel qu’il eût déjà servi… Cela se peut.

214. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Troisième partie — Section 7, nouvelles preuves que la declamation théatrale des anciens étoit composée, et qu’elle s’écrivoit en notes. Preuve tirée de ce que l’acteur qui la recitoit, étoit accompagné par des instrumens » pp. 112-126

Cette idée ne serviroit qu’à faire trouver des difficultez mal fondées sur une chose constante, par le temoignage des auteurs les plus respectables de l’antiquité qui ont écrit ce qu’ils voïoient tous les jours. […] C’est une figure dont Quintilien se sert pour montrer qu’un orateur ne doit pas déclamer comme un comedien, à cause de la necessité où il se jette en déclamant ainsi. […] Il semble même qu’elle imitât le sujet, et pour me servir de cette expression, qu’elle joûtât avec lui.

215. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « Jules Vallès » pp. 259-268

qu’ils ne s’en vont pas tous finir à la Morgue et à Bicêtre, mais qu’il en est qui se décident à emboîter le pas… gymnastique, pour aller plus vite, derrière cette société en marche qu’ils ne voulaient ni servir ni suivre, et même à avoir avec elle de ces manières très peu sauvages à l’aide desquelles on prend le succès à Paris. […] Je crois bien que son livre pourra très vivement intéresser dans un siècle ou deux les Mérimées de l’avenir, les archéologues et les antiquaires de l’histoire (qui demanderaient qu’on leur servît tout chaud un Tallemant des Réaux du temps de Périclès, afin de faire un feuilleton piquant de ses commérages de mœurs mortes et de singularités sociales oubliées), mais pour nous, qui sommes encore de ce siècle, et qui n’avons que trop frotté nos coudes au coude percé de ces fainéants de l’orgueil et de la jactance, lesquels disent à la société, dure parfois, je le sais ! […] Il ne doit pas s’en servir pour nous peindre la Cour des Miracles, dans des livres qui pourraient être signés très bien « Clopin Trouillefou ».

216. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XXV. De Paul Jove, et de ses éloges. »

C’est pour servir d’explication à ces portraits, qu’il composa ses éloges. […] En Espagne, vous trouverez Ferdinand-le-Catholique, qui chassa et vainquit les rois Maures, et trompa tous les rois chrétiens ; Charles-Quint, heureux et tout-puissant, politique par lui-même, grand par ses généraux, et cette foule de héros dans tous les genres qui servaient alors l’Espagne ; Christophe Colomb, qui lui créa un nouveau monde ; Fernand Cortez qui, avec cinq cents hommes, lui soumit un empire de six cents lieues ; Antoine de Lève qui, de simple soldat, parvint à être duc et prince, et plus que cela grand homme de guerre ; Pierre de Navarre, autre soldat de fortune, célèbre par ses talents, et parce que le premier il inventa les mines ; Gonzalve de Cordoue, surnommé le grand Capitaine, mais qui put compter plus de victoires que de vertus ; le fameux duc d’Albe, qui servit Charles-Quint à Pavie, à Tunis, en Allemagne, gagna contre les protestants la bataille de Mulberg, conquit le Portugal sous Philippe II, mais qui se déshonora dans les Pays-Bas, par les dix-huit mille hommes qu’il se vantait d’avoir fait passer par la main du bourreau ; enfin, le jeune marquis Pescaire, aimable et brillant, qui contribua au gain de plusieurs batailles, fut à la fois capitaine et homme de lettres, épousa une femme célèbre par son esprit comme par sa beauté, et mourut à trente-deux ans d’une maladie très courte, peu de temps après que Charles-Quint eut été instruit que le pape lui avait proposé de se faire roi de Naples.

217. (1932) Le clavecin de Diderot

Mais Diderot va renverser cette image et s’en servir pour défendre l’idée qu’il est possible de construire une représentation de l’univers à partir de l’expérience sensorielle. […] Je ne me sers pas de montre, mais je descends une rue, croyant la monter. […] C’est à croire que tous ces détails amoncelés doivent, seulement, servir à masquer, de leur ombre, la loi d’universelle réciprocité. […] Etat de fait séculaire et que revigore la trahison de n’importe qui, parmi les coloniaux, accepte de servir des idéologies des colonisateurs ou même de s’y soumettre. […] Les paradoxes évangéliques sur le bonheur des affamés et des pauvres d’esprit servent encore de titres, d’épigraphes, de thèmes aux livres de nos littérateurs.

218. (1862) Cours familier de littérature. XIV « LXXIXe entretien. Œuvres diverses de M. de Marcellus (2e partie) » pp. 5-63

Son nom, qui servait ainsi tous les ennemis des Bourbons, grandissait comme une arme à deux tranchants propre à toute main. […] Eh bien, ce livre, mauvais de forme, même de fond, a servi de texte à un excellent livre. […] Il fut fidèle à la monarchie légitime après les Bourbons, je restai fidèle à mon honneur en refusant de servir la seconde monarchie. Excepté la République, dictature de tout le monde, je ne voulus plus servir personne. Cela a fait dire aux républicains, que je ne servais pas mal : « Défiez-vous de lui, c’est un légitimiste ! 

219. (1809) Quelques réflexions sur la tragédie de Wallstein et sur le théâtre allemand

Les opinions religieuses qui lui servaient de principe changèrent de forme. […] Le paysan suisse attend son ennemi, tenant en main l’arc et les flèches qui, après avoir servi l’amour paternel, doivent maintenant servir la vengeance. […] Comme eux, il paraissait n’avoir rien à craindre d’un pouvoir élevé si fort au-dessus de lui, et son obscurité pourtant ne lui a pas servi d’asile. […] D’autres fois, ces personnages secondaires servent à développer d’une manière piquante et profonde les caractères principaux. […] Ils repoussent des caractères tout ce qui ne sert pas à faire ressortir la passion qu’ils veulent peindre : ils suppriment de la vie antérieure de leurs héros tout ce qui ne s’enchaîne pas nécessairement au fait qu’ils ont choisi.

220. (1885) L’Art romantique

Presque tous se servent des modes et des meubles de la Renaissance, comme David se servait des modes et des meubles romains. […] C’est la muscade qui leur sert à assaisonner tout ce qu’elles mangent. […] Le Vrai sert de base et de but aux sciences ; il invoque surtout l’intellect pur. […] À quoi me sert donc d’amasser des richesses ? […] Si l’on veut vivre dans une contemplation opiniâtre de l’œuvre de demain, le travail journalier servira l’inspiration, — comme une écriture lisible sert à éclairer, et comme la pensée calme et puissante sert à écrire lisiblement ; car le temps des mauvaises écritures est passé.

221. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) «  Œuvres et correspondance inédites de M. de Tocqueville — I » pp. 93-106

S’il est exact qu’il ait dit encore par une sorte de renchérissement : « Depuis Montesquieu, il n’a rien paru de pareil », il aurait provoqué une comparaison qui ne servirait qu’à éclairer ce qui, au milieu de tous ses mérites, a manqué pourtant à l’auteur. […] N’allons donc point tout d’abord heurter sans nécessité contre la statue d’airain de Montesquieu l’œuvre de M. de Tocqueville, c’est-à-dire d’un talent éminent, judicieux, fin, honnête, mais doublé d’une âme si anxieuse et si scrupuleuse, et servi d’un style ferme, solide, ingénieux, mais de peu d’éclat. […] Dans ses lettres à M. de Kergorlay on le voit de bonne heure tracer le plan de sa vie, s’assigner un but élevé et se confirmer dans la voie dont il n’a jamais dévié : « À mesure que j’avance dans la vie, écrivait-il (6 juillet 1835) âgé de trente ans, je l’aperçois de plus en plus sous le point de vue que je croyais tenir à l’enthousiasme de la première jeunesse : une chose de médiocre valeur, qui ne vaut qu’autant qu’on l’emploie à faire son devoir, à servir les hommes et prendre rang parmi eux. » Il est déjà en plein dans l’œuvre politique, au moins comme observateur et comme écrivain, et malgré tout, en présence du monde réel, il maintient son monde idéal ; il se réserve quelque part un monde à la Platon, « où le désintéressement, le courage, la vertu, en un mot, puissent respirer à l’aise. » Il faut pour cela un effort, et on le sent dans cette suite de lettres un peu tendues, un peu solennelles. […] De nos jours, d’ailleurs, je ne vois pas d’emploi plus honorable et plus agréable de la vie que d’écrire des choses vraies et honnêtes qui peuvent signaler le nom de l’écrivain à l’attention du monde civilisé, et servir, quoique dans une petite mesure, la bonne cause.

222. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « HOMÈRE. (L’Iliade, traduite par M. Eugène Bareste, et illustrée par M.e Lemud.) —  premier article .  » pp. 326-341

Il semblait qu’on se fût dit : A quoi donc serviraient l’esprit et le goût, sinon à dispenser du terre-à-terre de l’étude et à deviner ? […] Entre tant de richesses étrangères et modernes dont on est tour à tour tenté et séduit, elle seule donne au critique la vraie loi du goût, à l’écrivain les vrais secrets du style, les procédés sûrs et sévères qui servent de garantie à l’innovation même et à l’audace. […] Il finit par demander presque pardon au lecteur de dire encore Homère : « Je me sers, dit-il, d’une expression convenue pour éviter une périphrase. » Nous ne saurions, après l’avoir lu, nous sentir aussi édifié que lui. […] Dugas-Montbel (je le cite comme plus à portée de tout lecteur) commence par produire les deux scholies qui servent de base au système ; l’une des deux renferme une erreur grossière, et c’est pourtant sur ce scholiaste inepte qu’on s’appuie, en même temps qu’on trouve moyen d’infirmer le témoignage gênant de Plutarque, qui tendrait à faire remonter jusqu’à Lycurgue l’existence prouvée des poëmes homériques.

223. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Deuxième partie. Ce qui peut être objet d’étude scientifique dans une œuvre littéraire — Chapitre IV. Cause immédiate d’une œuvre littéraire. L’auteur. Moyens de le connaître » pp. 57-67

On ne se souciait guère d’y puiser autrefois ; d’aucuns11, aujourd’hui encore, prétendent qu’elle ne sert de rien pour les écrivains supérieurs, qu’il faut interroger l’œuvre seule. […] Il est arrivé parfois que le patient, qui servait de prétexte à ces débauches d’érudition, a été presque enseveli sous ce fatras comme un vieil arbre mort sous un fouillis de plantes parasites. […] Mais l’enquête biographique ne sert pas seulement à obtenir une seconde épreuve de la personne qu’on étudie. […] Mais si l’on sait que c’est une réponse ironique à Rousseau20, une façon de réfuter quelqu’un qui vous crie : Tout est pour le mieux dans le meilleur des mondes possibles, — ce n’est plus qu’un tableau poussé volontairement au noir pour servir de repoussoir à un tableau trop poussé au rose.

224. (1881) La psychologie anglaise contemporaine « Conclusion »

Les deux faits principaux qui servent de base à l’association, sont la ressemblance et la contiguïté. […] Elle sert de point de départ à la déduction. […] L’association est irrésistible, parce que les données expérimentales qui lui servent de base ont toujours été sans exception. […] Si la psychologie a sa base dans la physiologie, elle sert de base à son tour aux sciences morales, sociales et politiques.

225. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Avertissement sur la seconde édition. » pp. 23-54

Il est tels Ecrivains inconnus ou dignes d’oubli, dont l’article a pu fournir matiere à des réflexions, à des remarques utiles, à des anecdotes instructives ; dont l’exemple a pu servir de leçon ou de préservatif : alors nous les avons admis en faveur de l’instruction. […] Nous avions à parler à des sourds, il falloit nous faire entendre, & nous avons crié fort : nous avions à fixer des Esprits frivoles & inappliqués ; il falloit les servir selon leur goût, & nous avons plaisanté : nous avions des charlatans à dénoncer ; il falloit de la dextérité, de la vigueur, & nous avons tâché d’en montrer. […] Nous nous serions attachés, comme eux, à flatter les passions, à favoriser la licence, à nous asservir à tous les goûts, à pallier les vices accrédités, à déprécier les vertus incommodes, à préconiser enfin tout ce qui eût pu nous appuyer & nous servir. […] Elle apprendra de plus en plus à se défier des lumieres qui égarent l’esprit & alterent le sentiment ; à réprouver une morale où tout s’évapore en maximes, & livre l’ame à ses passions ; à distinguer ceux qui l’aiment & la servent, de ceux qui la dégradent & la jouent.

226. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 15, le pouvoir de l’air sur le corps humain prouvé par le caractere des nations » pp. 252-276

Ce que dit Monsieur Racine dans la préface des plaideurs, que les atheniens étoient bien sûrs quand ils avoient ri d’une chose qu’ils n’avoient pas ri d’une sotise, n’est que la traduction du latin que nous venons de citer, et ceux qui ont repris l’auteur françois de l’avoir écrit, lui ont donné, pour me servir de l’expression de Montagne, un soufflet sur la jouë de Ciceron, témoin qu’on ne peut reprocher dans le fait dont il s’agit. […] Quoique la difference de l’air ne soit pas assez grande dans ces provinces pour rendre les corps differens extérieurement, elle y suffit néanmoins pour rendre très-differens ceux de nos organes qui servent immédiatement aux fonctions de l’ame spirituelle. […] Néanmoins les traits dont Cesar et Tacite se servent pour caracteriser les bretons conviennent aux anglois. […] Que les anglois jugent eux-mêmes si l’on n’emploïeroit pas encore aujourd’hui chez eux avec succès l’adresse dont Agricola se servit.

227. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Troisième partie — Section 12, des masques des comédiens de l’antiquité » pp. 185-210

On ne sçauroit douter, après avoir lû le passage d’Aulugelle et celui de Boéce qui écrivoient ce qu’ils voïoient tous les jours, que les anciens ne se servissent des masques pour augmenter le son de la voix des acteurs. […] Je hazarderai ici une conjecture toute nouvelle, et qui peut donner l’intelligence d’un passage de Pline mal entendu jusques ici ; c’est que les anciens après s’être servi d’airain pour incruster les masques, y emploïerent ensuite des lames fort minces d’une espece de marbre. […] C’est pourquoi, ajoute-t-il, on conseille aux comédiens de s’en servir. […] Nous pouvons juger de l’attention que les anciens avoient pour tout ce qu’ils jugeoient capable de mettre de l’agrément ou de la facilité dans l’execution de leurs pieces de théatre, par ce que Vitruve nous dit sur la maniere d’y placer des echaea ou des vases d’airain propres à servir d’échos.

228. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Les Mémoires de Saint-Simon » pp. 423-461

Jeune page, il avait su plaire à Louis XIII par quelques attentions et de l’adresse à la chasse, en lui présentant commodément son cheval de rechange ou en rendant le cor après s’en être proprement servi. […] Saint-Simon avait servi à la guerre convenablement et avec application pendant plusieurs campagnes. […] Une des mesures qu’il proposait avec le plus de confiance, eût été de convoquer les états généraux au début de la Régence ; il y voyait un instrument commode duquel on pouvait se servir pour obtenir bien des réformes, et sur qui on en rejetterait la responsabilité par manière d’excuse. […] C’est à quoi l’édition de 1829, qui a servi depuis aux réimpressions n’avait pas eu égard : à première vue, on y a considéré les phrases de Saint-Simon comme des à peu près de grand seigneur, et chemin faisant, sans parti pris d’ailleurs, on les a traitées en conséquence98. […] [NdA] Ce morceau a servi d’introduction à l’édition des Mémoires de Saint-Simon publiés chez M. 

229. (1911) La morale de l’ironie « Chapitre II. Le rôle de la morale » pp. 28-80

Des récits fictifs, des manières de romans édifiants ont servi de preuve à la logique, peu rigoureuse, des sentiments. […] Mais l’âme collective a tâché de se servir d’elles et y a parfois réussi. […] Elle ne se sert pas seulement de ces croyances. […] Je vous aiderai volontiers à faire durer chez vous ce qui me plaît et ce qui me sert. […] S’il ne crée pas tout à lui seul, il se sert de tout ce qui naît, de tout ce qui passe dans l’esprit.

230. (1875) Premiers lundis. Tome III « Senac de Meilhan »

M. de Meilhan paraît craindre que l’imprimerie et tout ce qu’elle amène avec elle sous un régime d’entière publicité et de liberté ne serve bien moins à favoriser le génie et les grandes œuvres qu’à exciter le goût de la malignité, de la raillerie, de la chronique satirique, à propager les productions du genre de celles dont il était déjà témoin en 1790, à cette seconde année de la Révolution. […] J’ai dû l’exemplaire qui m’a servi pour cette réimpression à M. 

231. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — M. — article » pp. 368-371

Le Mémoire pour servir à l’Histoire des Cacouacs, est une Production vraiment originale. […] De tels hommes peuvent se flatter d’éclairer vraiment leur Patrie, & de la servir par leurs talens.

232. (1911) Psychologie de l’invention (2e éd.) pp. 1-184

Une intelligence souple, à parité d’images et de souvenirs, s’en servira mieux. […] Paul Desjardins, on a servi du vin grec. […] Mais parfois, même dans ses lettres, on sent le poète sous l’amant et qui se sert de lui. […] Alors celles qui sont du même ordre se classent, se systématisent, les autres disparaissent pour servir une autre fois. […] Ils ont servi d’appeaux et ne sont guère bons à manger. » M. 

233. (1890) L’avenir de la science « XVII » p. 357

Que sert telle magnifique découverte, si tout au plus une centaine de personnes en profitent ? […] Il détruira lui-même l’instrument qui aurait pu servir à l’élever ; il faudra attendre que la civilisation sorte de nouveau spontanément du fond de sa nature. […] Fermez les clubs, ouvrez des écoles, et vous servirez vraiment la cause populaire. […] Car à quoi sert d’être libre de se réunir, si l’on n’a pas de bonnes choses à se communiquer ? À quoi sert d’être libre de parler et d’écrire si l’on n’a rien de vrai et de neuf à dire ?

234. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Froissart. — I. » pp. 80-97

Il a dit encore de lui-même dans une ballade, qu’au bruit du vin qu’il entend verser de la bouteille, qu’au fumet des viandes appétissantes qu’il voit servir sur les tables, son esprit se renouvelle, et qu’il se renouvelle encore à voir chaque fleur en sa saison, et les chambres éblouissantes de lumières pendant les longues veilles, comme aussi à trouver bon lit après la fatigue, sans oublier la friande collation arrosée de clairet, que l’on fait pour mieux dormir. […] Le premier soin de Froissart et son plus grand plaisir au milieu de cette cour, dans la fréquentation de ces nobles et grands seigneurs et de leurs écuyers, fut de s’enquérir avec détail de tous les événements mémorables et de toutes les particularités qui pouvaient lui servir à dresser son histoire. […] C’est, en effet, ce sentiment de délectation très sensible chez Froissart dans la composition de son histoire et dans l’acquisition de tout ce qui peut y servir, qui le caractérise entre tous ses pareils et qui fait de lui le chroniqueur par vocation et par excellence. […] Chez Froissart le poète de société, le trouvère à la mode, qui ne vient, pour ainsi dire, qu’au second plan, a pourtant son à-propos et sert à ménager les voies à l’historien. […] Il a la morale de son temps, celle des seigneurs et chevaliers qu’il hante et qu’il sert ; il a le culte de ce qui paraît beau et brillant autour de lui, de ce qui rapporte profit, honneur et renommée à travers le monde.

235. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Charron — I » pp. 236-253

Charron à sa manière, et sous sa forme grave, servait la même cause, celle de la restauration royale et de l’autorité rétablie. […] Pascal, si bien connu aujourd’hui, nous servira au besoin de lumière pour le bien comprendre et l’éclairer. […] Loin que cet apparent pyrrhonisme soit contraire à la religion et à la piété, c’est, selon lui, la chose qui y peut le plus aider et servir, comme faisant place nette au-dedans et rendant la maison vide pour y recevoir un hôte nouveau. […] Charron fait consciencieusement son devoir comme controversiste, comme prédicateur ; il amasse ses preuves, il fait servir sa philosophie comme une espèce de machine ou de tour pour battre en brèche la place ennemie : puis, quand il estime que la brèche est suffisante, il ordonne et fait avancer ses preuves directes ; mais tout cela sans feu, sans flamme ; on sent toujours l’homme qui a dit : « Au reste, il faut bien savoir distinguer et séparer nous-mêmes d’avec nos charges publiques : un chacun de nous joue deux rôles et deux personnages, l’un étranger et apparent, l’autre propre et essentiel. […] Il ne s’en est pas tenu à Montaigne : en ce qui est des passions et affections particulièrement, il avertit qu’il n’a vu personne « qui les dépeigne plus naïvement et richement que le sieur du Vair en ses petits livrets moraux. » Il reconnaît donc qu’il s’en est fort servi.

236. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Journal d’Olivier Lefèvre d’Ormesson, publié par M. Chéruel » pp. 35-52

On ne donne pas ces choses au public pour qu’il s’en amuse, on les destine aux historiens pour qu’ils s’en servent. […] Parmi ces nobles mêmes, voués à servir une royauté devenue byzantine, et qui en faisaient partie, il y en eut qui, les premiers, sentirent le dégoût de ce qu’ils avaient sous les yeux et de leurs propres fonctions si enviées ; les La Rochefoucauld-Liancourt et d’autres opposants de cette volée, précurseurs et complices du tiers état, ne sortaient-ils pas de la garde-robe royale et des petits appartements ? […] Chéruel en a tiré ce qui peut servir à l’histoire. […] Laissons donc évaporer en liberté la malice des esprits ignorants ou passionnés, puisque l’opposition ne servirait qu’à l’irriter davantage, et consolons-nous par les sentiments qu’ont de sa vertu les étrangers, qui en jugent sans passion et avec lumière. […] Enfin jamais homme de sa profession n’a eu une plus belle occasion de paraître, et ne s’en est mieux servi. » (Lettre de Mme de Sévigné à M. de Pomponne, du mercredi 17 décembre 1664.)

237. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Une monarchie en décadence, déboires de la cour d’Espagne sous le règne de Charles II, Par le marquis de Villars »

Dès les premiers pas que la jeune reine fit en Espagne, elle était donc tombée dans les filets d’une cabale, qui espérait se faire d’elle un point d’appui et de défense près du roi ; et, chose étrange et peu digne de la prudence de Louis XIV, on avait complètement négligé de placer auprès d’elle une personne prudente, une bonne tête pour la guider dans les commencements : « Entre nous, écrivait quelques mois après Mme de Villars à Mme de Coulanges, ce que je ne comprends pas, c’est qu’on ne lui ait pas cherché par mer et par terre, et au poids de l’or, quelque femme d’esprit et de mérite, et de prudence, pour servir à cette princesse de consolation et de conseil. […] Le marquis de Villars s’avança ; le roi lui permit de servir d’interprète, et il leur fit dire de part et d’autre ce qu’ils auraient pu penser de plus honnête. » Le voyage de Burgos à Madrid se fit lentement. […] Il est bien plus large et bien plus long que le Pont-Neuf de Paris : et l’on ne peut s’empêcher de savoir bon gré à celui qui conseilla à ce prince de vendre ce pont ou d’acheter une rivière… » Ce Mançanarès tout poudreux est revenu fort à propos en idée au savant et délicat Boissonade dans je ne sais plus quel commentaire, pour lui servir à justifier une expression pareille qu’on rencontre chez les auteurs anciens et qui semblait invraisemblable ; ainsi, le pulverulenta flumina de Stace est vrai au pied de la lettre. — Un jour qu’un spirituel voyageur français (Dumas fils) était à Madrid, et que, mourant de soif, on lui apporta un verre d’eau, c’est-à-dire ce qu’on a de plus rare : « Allez porter cela au Mançanarès, dit-il, ça pourra lui faire plaisir. […] On établissait pour les marchandises des tarifs qui ne servaient qu’à entraver le commerce et qui, d’ailleurs, ne s’exécutaient pas. […] On vit, au commencement de 1681, déserter toutes les livrées des écuries royales, parce qu’il leur était dû plus de deux fins de gages, « Les rations que l’on donne à toutes les personnes du palais, jusqu’aux femmes de la reine, manquèrent aussi, et la table des gentilshommes de la Chambre, la seule qu’entretienne le roi, fut un temps sans être servie.

238. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Seconde partie. De l’état actuel des lumières en France, et de leurs progrès futurs — Chapitre II. Du goût, de l’urbanité des mœurs, et de leur influence littéraire et politique » pp. 414-442

Rien n’est plus contraire aux progrès de la littérature, à ces progrès qui servent si efficacement à la propagation des lumières philosophiques, et par conséquent au maintien de la liberté. […] Le seul motif que l’on allègue pour changer entièrement le ton et les formes qui maintiennent les égards et servent à la considération, c’est le despotisme que les classes aristocratiques de la monarchie exerçaient sur le goût et sur les manières. […] La justice et l’impartialité nécessaires à l’administration civile, font un devoir d’employer des formes et des expressions qui calment celui qui s’en sert et celui qui les écoute. […] Les modèles pleins de grâce que nous avons dans la langue, pourront servir de guide aux François, mais comme ils en servent aux nations étrangères.

239. (1895) Histoire de la littérature française « Troisième partie. Le seizième siècle — Livre II. Distinction des principaux courants (1535-1550) — Chapitre I. François Rabelais »

Rabelais suivit la voie de Despériers : mais Berquin et Caturce brûlés comme le Cymbalum lui servirent de leçons ; il savait la vigoureuse joie de son Pantagruel odieuse à Genève autant qu’en Sorbonne, et il était averti qu’il ne ferait pas bon pour lui d’aller trouver Calvin. […] Au fond, en effet, Rabelais ne philosophe que pour légitimer la souveraine exigence de son tempérament : cet optimisme rationaliste, naturaliste, ou de quelque nom qu’on veuille appeler cette assez superficielle doctrine, lui sert surtout à fonder en raison son amour immense et irrésistible de la vie. […] Eminemment raisonnable, il compte que l’homme naturellement se conduira selon la raison, que la raison lui apprendra à être bon, à préférer les plaisirs nobles aux basses jouissances, à faire servir la science à l’action, et l’action au bien général. […] Souvenirs ou expériences, il fait tout servir à exprimer tous les aspects de la vie. […] Mais Rabelais n’a pas été plus exclusif en fait de langue que systématique en philosophie : placé au croisement du moyen âge et de l’antiquité, il a usé des facilités de son temps : s’il se moquait après Geoffroy Tory des écoliers limousins qui déambulent les compites de l’urbe que l’on vocite Lutéce, il a usé copieusement, hardiment du latinisme dans les mots, dans la syntaxe, dans la structure des phrases : il a été savoureusement archaïque, utilisant la saine et grasse langue de Villon et de Coquillard : il a été enfin Tourangeau, Poitevin, Lyonnais au besoin et Picard, appelant tous patois et tous dialectes à servir sa pensée.

240. (1856) Jonathan Swift, sa vie et ses œuvres pp. 5-62

Je me suis servi, pour ce travail, d’une édition récente des œuvres de Swift, publiée à Londres en deux volumes grand in-8º, à 2 colonnes, et précédée d’une notice de Thomas. […] Il n’avait jamais résisté ni aux passions royales, ni aux passions populaires, mais il ne leur avait jamais servi d’instrument. […] Cette ironie puissante qui, une fois déchaînée, n’était plus maîtresse d’elle-même et ne laissait rien sans blessure, entrava l’ambition qu’elle devait servir. […] Pour le peuple même, la religion n’est pas inutile ; il n’y croit pas plus que les hautes classes ; mais il s’en sert pour faire tenir les enfants tranquilles, et s’en amuse pendant les longues soirées d’hiver. […] Ce mépris, plus complet et plus profond que les autres, puisqu’il enveloppe les idées mêmes qui servent de fondement aux autres, ce mépris amer et désespéré a aussi sa grandeur et son triste repos.

241. (1772) Bibliothèque d’un homme de goût, ou Avis sur le choix des meilleurs livres écrits en notre langue sur tous les genres de sciences et de littérature. Tome I « Bibliotheque d’un homme de goût. — Chapitre I. Des poëtes anciens. » pp. 2-93

Son style est pur & facile, & ses notes servent à l’intelligence de son auteur sans être trop longues. […] Selon l’auteur, l’exactitude classique & littérale, ne sert qu’à rabaisser l’essor poétique. […] Il y en a pourtant qui servent à mieux faire entendre Horace. […] Mais on peut s’en servir pour bien connoître l’historique, & à-peu-près toute la substance des Héroïdes. […] Il s’est servi tantôt de grands vers, tantôt de petits vers libres & mêlés de toutes sortes de mesures.

242. (1859) Moralistes des seizième et dix-septième siècles

Pour le servir, tout le monde est empesché, tout le monde labeure. […] De quel instrument se sert-il pour abattre la raison ? […] Après s’être servi de la raison pour décréditer la raison, c’est encore de la raison qu’on est forcé de se servir pour accréditer la religion. […] Elle sert à la religion ; elle n’est pas une religion. […] La faveur, l’autorité, les amis, la haute réputation, les grands biens servent pour le premier monde ; le mépris de toutes ces choses sert pour le second.

243. (1889) L’art au point de vue sociologique « Chapitre cinquième. Le réalisme. — Le trivialisme et les moyens d’y échapper. »

En premier lieu, tout ce qui a servi à l’homme intéresse l’homme par cela même. Voici une armure, une poterie, ils ont servi à nos pères, ils nous intéressent donc, mais ils ne servent plus ; par là ils perdent aussitôt ce caractère de trivialité qu’entraîne nécessairement avec elle l’utilité journalière, ils n’excitent plus qu’une sympathie désintéressée. […] Il sert à attirer l’attention par le contraste de la nouveauté et à la concentrer sur l’objet qu’il nous représente. […] Le pittoresque sert à isoler les objets de leur milieu habituel, à dérouter nos associations trop vulgaires. […] On pourrait pourtant invoquer en faveur de l’étude de l’hébreu une partie des arguments littéraires dont on se sert pour défendre l’étude du grec et du latin.

244. (1867) Cours familier de littérature. XXIV « CXLIIIe entretien. Littérature cosmopolite. Les voyageurs »

Ce vieux ministre, qui vous sert de père, serait-il bien assez malheureux pour avoir mérité votre indignation. […] Les murs, de bas en haut, sont percés de niches de quinze à seize pouces de profondeur, qui servent d’ais. […] Ces eunuques, qui servent dans le sérail, ont leurs logements sur les dehors, et loin des femmes, et il n’y a que les eunuques vieux et noirs qui les fréquentent et qui les servent à faire leurs messages. […] On disait que c’était aussi pour servir d’enseigne. […] À l’autre coin, il y a une autre entrée, mais qui ne sert qu’aux femmes et aux eunuques du palais et au roi, parce qu’elle donne dans le sérail.

245. (1874) Premiers lundis. Tome II « Doctrine de Saint-Simon »

Aussi il a mérité que ces lettres, écrites d’abord dans un but tout à fait particulier, et sans vue de publicité extérieure, parussent aujourd’hui, lui mort, sous les auspices et pour l’édification de cette doctrine même qu’il servit si religieusement ; qu’elles fussent proposées au public comme l’expression avouée et une des premières manifestations écrites de ce dogme immense qui mûrit et se développe de jour en jour. […] « Eugène, est-il dit dans l’Introduction, n’a point seulement servi la doctrine par des efforts purement intellectuels ; il voulait lui consacrer sa vie entière. […] Il était providentiel, en quelque sorte, que ce fût un juif qui, le premier, du point de vue saint-simonien, réhabilitât à son rang dans la tradition cette société religieuse, la plus forte qui ait jamais existé, et donnât la clef de l’obstination mystérieuse du peuple dispersé qui sert de spectacle au monde.

246. (1796) De l’influence des passions sur le bonheur des individus et des nations « Section première. Des passions. — Chapitre VIII. Du crime. »

Un homme véritablement criminel, ne peut donc point être ramené ; il possède encore moins de moyens en lui-même, pour recourir aux leçons de la philosophie et de la vertu ; l’ascendant de l’ordre et du beau moral perd tout son effet sur une imagination dépravée ; au milieu des égarements, qui n’ont pas atteint cet excès, il reste toujours une portion de soi qui peut servir à rappeler la raison : on a senti dans tous les moments une arrière-pensée, qu’on est sûr de retrouver quand on le voudra, mais le criminel s’est élancé tout entier ; s’il a du remord, ce n’est pas de celui qui retient, mais de celui qui excite de plus en plus à des actions violentes ; c’est une sorte de crainte qui précipite les pas : et, d’ailleurs, tous les sentiments, toutes les sources d’émotion, tout ce qui peut enfin produire une révolution dans le fond du cœur de l’homme, n’existant plus, il doit suivre éternellement la même route. […] Si l’on quitte la vie pour échapper aux peines du cœur, on désire laisser quelques regrets après soi ; si l’on est conduit au suicide par un profond dégoût de l’existence qui sert à juger la destinée humaine, il faut que des réflexions profondes, de longs retours sur soi, aient précédé cette résolution ; et la haine qu’éprouve l’homme criminel contre ses ennemis, le besoin qu’il a de leur nuire, lui feraient craindre de les laisser en repos par sa mort ; la fureur dont il est agité, loin de le dégoûter de la vie, fait qu’il s’acharne davantage à tout ce qui lui a coûté si cher. […] il serait si difficile de ne pas s’intéresser à l’homme plus grand que la nature, alors qu’il rejette ce qu’il tient d’elle, alors qu’il se sert de la vie pour détruire la vie, alors qu’il sait dompter par la puissance de l’âme le plus fort mouvement de l’homme, l’instinct de sa conservation : il serait si difficile de ne pas croire à quelques mouvements de générosité dans l’homme qui, par repentir, se donnerait la mort ; qu’il est bon que les véritables scélérats soient incapables d’une telle action ; ce serait une souffrance pour une âme honnête, que de ne pas pouvoir mépriser complètement l’être qui lui inspire de l’horreur.

247. (1796) De l’influence des passions sur le bonheur des individus et des nations « Section III. Des ressources qu’on trouve en soi. — Chapitre III. De l’étude. »

Plusieurs écrivains se sont servis des raisonnements les plus intellectuels pour prouver le matérialisme ; mais l’instinct moral est contre cet effort, et celui qui attaque avec toutes les ressources de la pensée la spiritualité de l’âme, rencontre toujours quelques instants où ses succès même le font douter de ce qu’il affirme. […] Toutes les époques de la vie sont également propres à ce genre de bonheur ; d’abord, parce qu’il est assez démontré par l’expérience, que quand on exerce constamment son esprit, on peut espérer d’en prolonger la force ; et parce que, dut-on ne pas y parvenir, les facultés intellectuelles baissent en même-temps que le goût qui sert à les mesurer, et ne laissent à l’homme aucun juge intérieur de son propre affaiblissement. […] et lorsque le hasard a pu combiner ensemble la réunion la plus fatale au bonheur, l’esprit et la sensibilité, n’abandonnez pas ces malheureux êtres destinés à tout apercevoir, pour souffrir de tout ; soutenez leur raison à la hauteur de leurs affections et de leurs idées, éclairez-les du même feu qui servait à les consumer !

248. (1890) L’avenir de la science « XI »

Welcker est la science des littératures classiques, c’est-à-dire des littératures modèles, qui, nous offrant le type général de l’humanité, doivent convenir à tous les peuples et servir également à leur éducation. […] Welcker traite avec beaucoup de mépris, et les œuvres de second ordre des littératures classiques, si elles servent moins à former le goût, offrent quelquefois plus d’intérêt philosophique et nous en apprennent plus sur l’histoire de l’esprit humain que les monuments accomplis des époques de perfection. […] Ce fait d’une langue ancienne, choisie pour servir de base à l’éducation et concentrant autour d’elle les efforts littéraires d’une nation qui s’est depuis longtemps formé un nouvel idiome, n’est pas, comme on voudrait trop souvent le faire croire, l’effet d’un choix arbitraire, mais bien une des lois les plus générales de l’histoire des langues, loi qui ne tient en rien au caprice ou aux opinions littéraires de telle ou telle époque.

249. (1772) Bibliothèque d’un homme de goût, ou Avis sur le choix des meilleurs livres écrits en notre langue sur tous les genres de sciences et de littérature. Tome II « Bibliotheque d’un homme de goût — Chapitre VII. Des ouvrages périodiques. » pp. 229-243

Mais après le vingt-cinquiéme volume de cet ouvrage savant & curieux, il lui donna celui de Bibliothèque choisie, pour servir de suite à la Bibliothèque universelle. […] Le Journal de Verdun commencé depuis plus de soixante ans, débute par des annonces de livres nouveaux, donne quelques morceaux de poésie ; mais les nouvelles politiques en occupent la plus grande partie ; & il en est un recueil qui servira à l’histoire. […] Le Spectateur françois pour servir de suite à celui de Marivaux.

250. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Troisième partie — Section 15, observations concernant la maniere dont les pieces dramatiques étoient représentées sur le théatre des anciens. De la passion que les grecs et les romains avoient pour le théatre, et de l’étude que les acteurs faisoient de leur art et des récompenses qui leur étoient données » pp. 248-264

On y fait venir, au lieu d’un philosophe, un chantre, et au lieu d’un orateur, un professeur dans les arts qui servent au théatre. On ferme les bibliotheques comme on ferme les tombeaux pour toujours, et l’on ne songe qu’à faire faire des hidrauliques, des lyres énormes, des flutes de toute espece et tous les instrumens qui servent à regler les gestes des acteurs. " je dois avertir le lecteur qu’en évaluant la monnoïe romaine par notre monnoïe de compte, je n’ai pas suivi le calcul de Budé, quoique ce calcul fut juste lorsque ce sçavant homme le fit. […] Les écrits des anciens sont remplis de faits qui prouvent que leur attention sur tout ce qui pouvoit servir à fortifier ou bien à embellir la voix alloit jusqu’à la superstition.

251. (1868) Curiosités esthétiques « III. Le musée classique du bazar Bonne-Nouvelle » pp. 199-209

Il est présumable que l’artiste s’est servi pour le dessiner d’un modèle féminin. […] Servez-lui un chef-d’œuvre, il le digérera et ne s’en portera que mieux ! […] Par exemple, nous ne serions pas étonné qu’il se fût servi d’une négresse pour accuser plus vigoureusement dans l’Odalisque certains développements et certaines sveltesses.

252. (1856) Le réalisme : discussions esthétiques pp. 3-105

Comment le sert-il ? […] Mais cela sert de thème à quelques ignorants, qui délayent dessus leur prose insipide, sans se douter combien le vrai public reste étranger à la querelle. […] Courbet, ceux qui doivent servir à la personnification de notre époque. […] Mais à quoi aussi leur serviraient leurs luttes contre la misère, si elles ne leur donnaient pas un peu d’esprit ? […] Il faut convenir que vous êtes assis à une table joliment servie.

253. (1932) Les deux sources de la morale et de la religion « La religion statique »

Toute seule, elle ne sert le plus souvent à rien ; elle peut même gêner ou paralyser la fonction. […] Que ces formules puissent Servir à classer les opérations magiques, cela n’est pas douteux. […] Il use de tout ce qui peut le servir. […] Il n’est pas jusqu’à l’incapacité de parler qui n’ait servi l’animal en l’auréolant de mystère. […] A ces actes religieux la représentation religieuse sert surtout d’occasion.

254. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Riposte à Taxile Delord » pp. 401-403

Jeune homme, qui vous destinez aux lettres et qui en attendez douceur et honneur, écoutez de la bouche de quelqu’un qui les connaît bien et qui les a pratiquées et aimées depuis près de cinquante ans, — écoutez et retenez en votre cœur ces conseils et cette moralité : Soyez appliqué dès votre tendre enfance aux livres et aux études ; passez votre tendre jeunesse dans l’etude encore et dans la mélancolie de rêves à demi-étouffés ; adonnez-vous dans la solitude à exprimer naïvement et hardiment ce que vous ressentez, et ambitionnez, au prix de votre douleur, de doter, s’il se peut, la poésie de votre pays de quelque veine intime, encore inexplorée ; — recherchez les plus nobles amitiés, et portez-y la bienveillance et la sincérité d’une âme ouverte et désireuse avant tout d’admirer ; versez dans la critique, émule et sœur de votre poésie, vos effusions, votre sympathie et le plus pur de votre substance ; louez, servez de votre parole, déjà écoutée, les talents nouveaux, d’abord si combattus, et ne commencez à vous retirer d’eux que du jour où eux-mêmes se retirent de la droite voie et manquent à leurs promesses ; restez alors modéré et réservé envers eux ; mettez une distance convenable, respectueuse, des années entières de réflexion et d’intervalle entre vos jeunes espérances et vos derniers regrets ; — variez sans cesse vos études, cultivez en tous sens votre intelligence, ne la cantonnez ni dans un parti, ni dans une école, ni dans une seule idée ; ouvrez-lui des jours sur tous les horizons ; portez-vous avec une sorte d’inquiétude amicale et généreuse vers tout ce qui est moins connu, vers tout ce qui mérite de l’être, et consacrez-y une curiosité exacte et en même temps émue ; — ayez de la conscience et du sérieux en tout ; évitez la vanterie et jusqu’à l’ombre du charlatanisme ; — devant les grands amours-propres tyranniques et dévorants qui croient que tout leur est dû, gardez constamment la seconde ligne : maintenez votre indépendance et votre humble dignité ; prêtez-vous pour un temps, s’il le faut, mais ne vous aliénez pas ; — n’approchez des personnages le plus en renom et le plus en crédit de votre temps, de ceux qui ont en main le pouvoir, qu’avec une modestie décente et digne ; acceptez peu, ne demandez rien ; tenez-vous à votre place, content d’observer ; mais payez quelquefois par les bonnes grâces de l’esprit ce que la fortune injuste vous a refusé de rendre sous une autre forme plus commode et moins délicate ; — voyez la société et ce qu’on appelle le monde pour en faire profiter les lettres ; cultivez les lettres en vue du monde, et en tâchant de leur donner le tour et l’agrément sans lequel elles ne vivent pas ; cédez parfois, si le cœur vous en dit, si une douce violence vous y oblige, à une complaisance aimable et de bon goût, jamais à l’intérêt ni au grossier trafic des amours-propres ; restez judicieux et clairvoyant jusque dans vos faiblesses, et si vous ne dites pas tout le vrai, n’écrivez jamais le faux ; — que la fatigue n’aille à aucun moment vous saisir ; ne vous croyez jamais arrivé ; à l’âge où d’autres se reposent, redoublez de courage et d’ardeur ; recommencez comme un débutant, courez une seconde et une troisième carrière, renouvelez-vous ; donnez au public, jour par jour, le résultat clair et manifeste de vos lectures, de vos comparaisons amassées, de vos jugements plus mûris et plus vrais ; faites que la vérité elle-même profite de la perte de vos illusions ; ne craignez pas de vous prodiguer ainsi et de livrer la mesure de votre force aux confrères du même métier qui savent le poids continu d’une œuvre fréquente, en apparence si légère… Et tout cela pour qu’approchant du terme, du but final où l’estime publique est la seule couronne, les jours où l’on parlera de vous avec le moins de passion et de haine, et où l’on se croira très clément et indulgent, dans une feuille tirée à des milliers d’exemplaires et qui s’adresse à tout un peuple de lecteurs qui ne vous ont pas lu, qui ne vous liront jamais, qui ne vous connaissent que de nom, vous serviez à défrayer les gaietés et, pour dire le mot, les gamineries d’un loustic libéral appelé Taxile Delord.

255. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — G — article » pp. 424-428

Il faut croire qu’abandonné à lui-même, son jugement est moins exposé aux méprises, que lorsque l’enthousiasme philosophique lui sert de guide. GOUDELIN, [Pierre] né à Toulouse, mort dans la même ville en 1649, âgé de 67 ans, célebre Poëte Gascon, dont les Ouvrages subsisteront tant qu’on parlera la Langue dans laquelle ils sont écrits, & qui serviront à la faire subsister elle-même.

256. (1853) Propos de ville et propos de théâtre

L… a inventé un moyen infaillible pour être servi promptement et être bien servi, dans les restaurants, les jours où il y a encombrement et où les garçons, ne pouvant servir tout le monde à la fois, prennent le parti de ne servir personne. […] Quand le garçon de café lui demandait ce qu’il fallait lui servir, il répondait encore : ouah-ouah ! […] On était, au reste, fastueusement servi dans de la vaisselle de Chine. […] En littérature particulièrement, les relations servent les personnes au préjudice de l’art. […] Un petit bonhomme de huit ans auquel un garçon vient d’apporter un ustensile de prévoyance demande à son père à quoi peut servir ce récipient.

257. (1922) Nouvelles pages de critique et de doctrine. Tome II

La vision d’un astre lointain est conditionnée par le télescope dont l’œil se sert. […] C’est le mot dont se sert l’auteur de l’Âme du chirurgien. […] Elle nous est donnée pour « servir ». […] Autant déclarer que la littérature sera serve de la politique. […] « Servir », dit le dictionnaire, « premier sens : être assujetti.

258. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre XVI. La littérature et l’éducation publique. Les académies, les cénacles. » pp. 407-442

Dans l’Université de Paris, qui servait de modèle aux autres, la théologie avait la première place : c’était un arbre touffu et immense qui couvrait tout de son ombre. […] Rousseau, deux cents ans plus tard, put lui emprunter des principes qui parurent tout neufs et qui l’étaient : car ils n’avaient jamais servi. […] Qu’est devenu le temps où Budée, pour écrire à ses amis, se servait de la langue d’Athènes ? […] L’histoire des autres peuples et des autres époques aurait pu servir de contrepoids. […] Aussi est-ce son histoire qui va nous servir à démêler leur rôle.

259. (1898) Manuel de l’histoire de la littérature française « Livre premier. Le Moyen Âge (842-1498) » pp. 1-39

Comme d’ailleurs cet élément fabuleux flatte plus agréablement les imaginations des hommes, il ne tarde pas à usurper sur l’élément historique, auquel même on le voit servir d’explication, jusqu’à ce qu’il prenne enfin toute la place, dans les Romans de la Table-Ronde par exemple, où l’histoire ne sert plus que de prétexte au trouvère pour exercer la fertilité de son invention ; — et le roman se détache ainsi de l’épopée. […] Rien, par la suite, ne servira davantage à étendre dans le monde entier la popularité de la littérature et de la langue françaises ; et au fait, n’est-ce pas ce que les étrangers aiment de notre « parlure » quand ils l’appellent, dès le xiiie  siècle, la plus « délittable qui soit » ? […] L’Épopée antique ; — et qu’il est abusif de nommer de ce nom des « romans d’aventures » qui n’ont aucun des caractères de l’épopée ; — le Roman d’Alexandre le Grand et le Roman de Troie sont les Trois Mousquetaires ou les Quarante-Cinq de leur temps ; — ce qui revient à dire que le Moyen Âge n’a vu dans les légendes de l’antiquité que ce qu’elles contenaient de « merveilleux » ou de « surprenant » ; — et qu’à cet égard, avec les moins historiques de nos chansons de geste, les épopées inspirées de l’antiquité servent de transition aux Romans de la Table-Ronde. […] Enfin, dans une dernière période, — au seuil du xive  siècle — les nouvelles « branches » deviennent purement satiriques ; — et allégoriques ; — « la grossièreté des pires Fabliaux s’introduit dans les récits » ; — ou bien « ils servent de véhicule à une satire âpre et excessive » [Cf.  […] Il faut ajouter, de l’édition Méon, 1826, Paris : Le Couronnement Renart — Renard le Nouvel ; — et Renard le Contrefait, édition Wolf, 1861, Vienne. — Une pièce comme celle que Rutebeuf a intitulée Renart le Bestourné peut servir à prouver la popularité du Roman, mais n’en fait d’ailleurs partie à aucun titre.

260. (1739) Vie de Molière

Son père étant devenu infirme et incapable de servir, il fut obligé d’exercer les fonctions de son emploi auprès du roi. […] Molière, qui n’entendait rien au jargon de la chasse, pria le comte de Soyecourt lui-même, de lui indiquer les termes dont il devait se servir. […] Ces gentillesses frivoles servent à faire goûter les beautés sérieuses. […] Il ne manquait à cette société de grands hommes que le seul Racine, afin que tout ce qu’il y eut jamais de plus excellent au théâtre se fût réuni pour servir un roi, qui méritait d’être servi par de tels hommes. […] Molière servit le roi avec précipitation.

261. (1859) Cours familier de littérature. VII « XXXIXe entretien. Littérature dramatique de l’Allemagne. Le drame de Faust par Goethe (2e partie) » pp. 161-232

Que sert de fuir ? […] “Laissez-moi, dit-elle ; celui qui désormais doit me commander dans la maison de sa mère ne doit pas paraître me servir. Ne me plaignez pas ; toute femme apprend de bonne heure à servir selon la vocation qui lui est assignée par sa condition. Voyez, la jeune fille sert un frère, elle sert ses parents ; toute sa vie se passe à aller et à venir, à porter maint fardeau, à préparer ceci ou cela pour les autres.” […] Il n’ose l’étreindre plus fortement, mais il se raffermit pour lui servir d’appui.

262. (1834) Des destinées de la poésie pp. 4-75

Comme le chiffre ne raisonne pas, comme c’est un merveilleux instrument passif de tyrannie qui ne demande jamais à quoi on l’emploie, qui n’examine nullement si on le fait servir à l’oppression du genre humain ou à sa délivrance, au meurtre de l’esprit ou à son émancipation, le chef militaire de cette époque ne voulait pas d’autre missionnaire, pas d’autre séide, et ce séide le servait bien. […] Un trou creusé dans la terre et qui était censé correspondre à l’oreille du mort, lui servait de porte-voix vers cet autre monde où dormait celui qu’elle venait visiter. […]   À deux pas de cette femme, sous un morceau de toile noire soutenue par deux roseaux fichés en terre pour servir de parasol, ses deux petits enfants jouaient avec trois esclaves noirs d’Abyssinie, accroupies comme leur maîtresse, sur le sable que recouvrait un tapis. […] Une petite ogive de pierre s’élevait d’un ou deux pieds au-dessus de la plate-forme qui servait de toit à cette masure, et une petite cloche semblable à celle que l’on peint sur la grotte des hermites y tremblait aux bouffées du vent. […] Assis sur quelques fragments de corniches et de chapiteaux qui servaient de bancs dans la cour, nous mangeâmes rapidement le sobre repas du voyageur dans le désert, et nous restâmes quelque temps à nous entretenir, avant le sommeil, de ce qui remplissait nos pensées.

263. (1895) Histoire de la littérature française « Quatrième partie. Le dix-septième siècle — Livre I. La préparations des chefs-d’œuvre — Chapitre II. Attardés et égarés »

Il est remarquable que dans le matériel de la pastorale il a laissé toutes les machines qui servent à faire des changements à vue de passions, à créer ou détruire l’amour instantanément. […] Il servit à Jarnac et à la Roche-Abeille, puis au siège de la Rochelle. […] En 1576 il s’échappe de la cour avec son maître qu’il sert avec activité et dévouement. […] Il ne pardonna pas à Henri IV son abjuration, mais continua à le servir : il fut gouverneur de Maillezais, vice-amiral de Guyenne et de Bretagne. […] Il servit au siège de la Rochelle.

264. (1881) La psychologie anglaise contemporaine «  M. Georges Lewes — Chapitre II : La Psychologie »

On en peut dire presque autant de la doctrine moderne d’une force vitale ou de forces vitales ; ce n’est aussi qu’une abstraction réalisée243, un terme qui sert à voiler notre ignorance. […] Tout ce que le physiologiste peut faire, c’est d’indiquer les rapports de cette forme de la conscience, avec les forces intérieures et les parties du système nerveux qui lui servent d’organes. […] L’instinct, dit-il262, a été souvent invoqué pour prouver la théorie des idées innées ; il sert beaucoup mieux à appuyer la doctrine de l’évolution. […] Ainsi les plantes indigènes qui ont servi de nourriture et de nid à des générations successives sont négligées pour des plantes nouvelles que l’insecte découvre actuellement pour la première fois. […] Il n’est peut-être pas inutile de faire remarquer qu’il y a là un ensemble de faits qui pourraient servir de preuves en faveur de la loi d’évolution, et de la continuité des phénomènes naturels.

265. (1899) Esthétique de la langue française « Esthétique de la langue française — La déformation  »

C’est un moyen dont la langue se sert pour utiliser un mot qui vient de se trouver sans emploi. […] Deschanel demande : A quoi sert baser, misque l’on possède fonder ? […] A quoi sert baser ? A quoi sert enhardir ? […] Il faudrait oser s’en servir.

266. (1917) Les diverses familles spirituelles de la France « Chapitre vii »

Paul Michaut (son cousin des cristalleries de Baccarat) a été une des victimes par lesquelles Dieu nous accordera la victoire… Si je dois servir et bien servir à quelque chose dans l’avenir, j’ai la ferme conviction que je serai épargné. […] C’est d’abord une première lettre où il expose la haute idée qu’il se fait de sa vocation d’écrivain :‌ La seule pensée qui m’encourage dans mon labeur solitaire et souvent découragé, c’est l’espérance de servir. […] Ces mêmes idées d’ordre que servaient avec une puissante sérénité Joseph Hudault et Pierre de Rozières, et dont les jeunes écrivains de la Revue Critique travaillaient à construire la doctrine, enthousiasmaient Henri Lagrange. […] De tels enfants avaient prodigieusement souffert de porter en eux les rêves les plus salubres, auxquels ils se dévouaient avec l’enthousiasme d’une conviction profonde, et de les servir avec les armes de l’anarchie. […] J’ai appris à aimer cette terre française, ces pays magnifiques, qui sont nôtres ; depuis la guerre, en les parcourant, j’ai appris la poésie des grandes plaines sous le chaud soleil, ou la beauté d’un couchant sur les bois lorrains, et il m’est doux de penser qu’au moins pour une fois dans ma vie, j’aurai servi à quelque chose.

267. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « Corneille. Le Cid, (suite.) »

En attendant, chef de bande, mercenaire redoutable, à la solde indifféremment des princes chrétiens ou des roitelets arabes qu’il combattait ou servait tour à tour, il faisait métier, disent les historiens arabes, d’enchaîner les prisonniers, et il était le fléau du pays. […] Le roi que vous servez, il le faut servir sans nul artifice ; mais gardez-vous de lui comme d’un ennemi mortel. […] Elle et ses filles et ses dames, servez-les cette année. […] Me voici devant vous, moi et vos filles qui sont enfants et bien jeunes, ainsi que ces miennes dames par qui je suis servie. […] Plaise à Dieu et à sainte Marie que je puisse encore de ma main marier ces miennes filles, et qu’il m’accorde du bonheur et quelques jours de vie, et que vous, femme honorée, vous soyez de moi servie ! 

268. (1872) Nouveaux lundis. Tome XIII « Le général Jomini. [IV] »

… Je me regarderais comme le plus misérable des hommes, si j’étais capable de servir un quart d’heure de plus. […] Après Leipsick, Jomini crut devoir se retirer du quartier général des Alliés ; il en demanda, dès Weimar, l’autorisation à l’empereur Alexandre, alléguant « que rien n’arrêterait plus les armées alliées jusqu’au Rhin ; que de deux choses l’une : ou que l’on ferait la paix, si l’on se contentait d’avoir assuré l’indépendance des puissances européennes ; ou que, si l’on continuait la guerre, on marcherait vers Paris ; que dans ce dernier cas il lui paraissait contre sa conscience d’assister à l’invasion d’un pays qu’il servait encore peu de mois auparavant. » Jomini estimait, à la fin de 1813, que l’invasion de la France serait pour les Alliés une beaucoup plus grosse affaire qu’elle ne le fut réellement : « J’avoue, écrivait-il en 1815, qu’aussitôt qu’il a été question d’attaquer le territoire français mon jugement politique et militaire n’a pas été exempt de prévention, et que j’ai cru qu’il existait un peu plus d’esprit national en France… Est-il besoin, ajoutait-il pour ceux qui lui en faisaient un reproche, de se justifier d’un sentiment de respect pour un Empire que l’on a bien servi et auquel on a vu faire de si grandes choses ? » À partir de ce moment (décembre 1813), il ne songea plus qu’à servir les intérêts de la Suisse, sa patrie, auprès de l’empereur Alexandre. […] Jomini, en cette conjoncture, avait bien servi sa patrie. […] Qu’il aille en France, en Russie, qu’il entre au service des czars ou des rois, il reste Suisse au fond du cœur : la petite patrie, il ne l’abdique jamais au sein des empires, et au moment critique, à l’heure du péril, il se retrouve patriote suisse comme au premier jour, comme au jour du départ du pays natal, prêt à répondre à son appel et à le servir.

269. (1796) De l’influence des passions sur le bonheur des individus et des nations « Introduction »

Dans les deux parties de cet ouvrage, j’ai également cherché à ne me servir que de ma pensée, à la dégager de toutes les impressions du moment, on verra si j’ai réussi. […] En m’en occupant, je vois qu’il faut longtemps pour réunir toutes les connaissances, pour faire toutes les recherches qui doivent servir de base à ce travail ; mais si les accidents de la vie ou les peines du cœur bornaient le cours de ma destinée, je voudrais qu’un autre accomplit le plan que je me suis proposé. […] Mais les uns croient que la garantie de la liberté, le maintien de l’ordre, ne peut subsister qu’à l’aide d’une puissance héréditaire, et conservatrice ; les autres, reconnaissent de même la vérité du principe, que l’ordre seul, c’est-à-dire l’obéissance à la justice, assure la liberté : mais ils pensent que ce résultat peut s’obtenir sans un genre d’institutions que la nécessité seule peut faire admettre, et qui doivent être rejetées par la raison, si la raison prouve, qu’elles ne servent pas mieux que les idées naturelles, au bonheur de la société. […] L’homme alors, emporté par quelque chose de plus puissant que lui, use sa vie, mais s’en sert avec plus d’énergie. […] Leurs adversaires peuvent sans doute éprouver la juste horreur du crime, mais comme ces crimes mêmes servent d’argument à leur système, ils ne leur font pas ressentir, comme aux amis de la liberté, tous les genres de douleur à la fois.

270. (1917) Les diverses familles spirituelles de la France « Chapitre vi »

En avant, puisqu’il faut faire la guerre pour reconquérir la paix définitive…‌ Mais le grand problème subsiste : comment des antimilitaristes vont-ils se soumettre aux disciplines de l’armée et servir des chefs qu’ils ont toujours niés ?‌ […] Je pars vaillamment, écrit-il, avec l’espoir que notre dévouement, et peut-être notre sacrifice serviront à nos enfants. […] Si notre jeunesse, si notre force servent à assurer leur existence d’homme, nous nous serons battus pour notre idéal qui reste vivant, souriant, à travers les éclairs et le tonnerre. […] Mais qu’elle soit bénie, cette animosité, si elle donnait du plaisir et du réconfort, si elle servait de tonique au vaillant que je salue avec une parfaite amitié. […] A son passage à Petrograd, on lui offre de servir dans l’armée russe : il refuse, arrive en France, rentre dans le rang comme lieutenant, se bat sur l’Yser et partout avec le glorieux 20e corps.

271. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre III. »

À nos yeux, ces rapports accidentels, ces inventions fortuitement semblables, servent surtout à faire mieux comprendre le sublime des livres saints, ce sublime à part, supérieur aux choses mêmes qui lui ressemblent et qui le rappellent. […] Elle demeure aujourd’hui l’histoire et tout le génie de ce peuple, mort et vivant, à qui son culte sert de patrie. […] Pindare nous avertit de ces différences ; et parfois, selon le génie de cette Grèce où tout ce qui servait aux arts était noble, où le comédien et le joueur de flûte n’étaient exclus d’aucune dignité, il se montre lui-même disposant le concert et ordonnant le chœur, dont les lyres et les voix vont soulever dans les airs le vol de sa strophe nouvelle. […] Mais telle était la force de beauté répandue dans l’original qu’elle se conserve pour nous, malgré cette ignorance des lois qui la régissent et de quelques-uns des charmes qui lui servaient à plaire. […] Et plus tard, et toujours, quand la Bible devient la principale nourriture des âmes, combien ce langage, approprié sans cesse par la passion aux hommes qui s’en servaient, n’eut-il pas de pouvoir sur l’esprit et la volonté !

272. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « [Chapitre 5] — I » pp. 93-111

. ; je n’épargnai pas les courriers et les lettres au subdélégué pour être promptement servi, et j’envoyai cela tout musqué au petit bonhomme La Vrillière (secrétaire d’État de la province), qui me répondit sèchement que voilà qui était bien, et que personne ne révoquait en doute le don qu’avaient nos rois d’opérer ces prodiges (février 1723). […] Le garde des sceaux Chauvelin, qui avait fort contribué à cette mesure, avait pris d’ailleurs d’Argenson en grande estime et amitié ; il voulait lui servir comme de père, disait-il, et faire sa fortune politique. […] Le nom et la mémoire de son père lui servent beaucoup en tout lieu, et il le reconnaît. […] Cela choquait qu’un homme comme mon père fût lieutenant général d’un bailliage, quoique ce soit un des beaux ressorts du royaume ; mais son âge était passé de servir (à la guerre), il trouvait à cela une subsistance et de l’occupation. […] De quoi cela pouvait-il servir à un pauvre gentilhomme de campagne, ou bien à un juge de province ?

273. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Montaigne en voyage »

Son hôte de l’auberge du Raisin, en rentrant du Conseil de la ville et d’un palais magnifique et tout doré, vient servir les voyageurs à table, et l’homme qui sert à boire a autrefois mené quatre enseignes de gens de pied contre le roi, sous le comte Casimir, dans les guerres de religion. Montaigne fait causer son monde, et il tire de chacun les particularités les plus marquées : ainsi cet homme qui le sert, cette espèce de sommelier, et qui est, sous son air de domestique, une manière de seigneur, lui dit entre autres choses qu’ils ne se font nulle difficulté ni scrupule de religion de servir le roi contre les huguenots mêmes, tout huguenots qu’ils sont. […] L’air de Rome lui allait ; il le trouvait « très plaisant et sain. » Surtout il ne s’y ennuyait pas un seul instant : « Je n’ai rien, disait-il, si ennemi à ma santé que l’ennui et oisiveté : là j’avais toujours quelque occupation, sinon si plaisante que j’eusse pu désirer, au moins suffisante à me désennuyer », Et il les énumère : à défaut d’antiquités, aller voir les Vignes « qui sont des jardins et lieux de plaisir de beauté singulière, où j’ai appris, ajoute-t-il, combien l’art se pouvait servir bien à point d’un lieu bossu, montueux et inégal » à d’autres jours, à défaut de promenades, aller entendre des sermons, des thèses, ou faire la conversation chez les dames : il mêle tout cela.

274. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Charles-Quint après son abdication, au monastère de Saint-Just »

À midi, il dînait d’une grande variété de mets ; il faisait collation peu d’instants après vêpres, et, à une heure de nuit, il soupait, mangeant dans ces divers repas, toutes sortes de choses propres à engendrer des humeurs épaisses et visqueuses. » Même dans le cloître où il s’était retiré pour soigner la double santé de l’âme et du corps, il ne mettait (son médecin Mathys nous l’apprend) aucun frein à ses envies, et ne se privait ni de fruits ni de poissons : « Dans la saison des fruits, Charles-Quint commençait son dîner en mangeant une grande quantité de cerises et de fraises, celles-ci accompagnées d’une écuelle de crème : ensuite il se faisait servir un pâté assaisonné d’épices, avec du petit salé bouilli et du jambon frit. […] Ce qui est certain, c’est que les papiers de Van Male, de celui qui aurait servi de secrétaire à l’empereur pour ce genre de travail, furent saisis après la mort du maître pour être remis à Philippe II, lequel était peu ami de la publicité en telle matière, et qui, une fois qu’il la tenait, ne lâchait pas sa proie. […] Se servit-il également des disciplines, ou ne s’en servit-il pas ? […] Il me paraît clair que, s’il avait ces disciplines, ce n’était point par luxe ni ad honores ; c’était apparemment pour s’en servir une fois ou l’autre, et la goutte qu’il avait de temps en temps aux doigts ne dut pas l’en empêcher absolument ni toujours.

275. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Vaugelas. Discours de M. Maurel, Premier avocat général, à l’Audience solennelle de la Cour impériale de Chambéry. »

A côté de l’Académie, soit en dehors d’elle ou dans son sein, mais dans un parfait accord et concert avec ses principaux membres, un homme en particulier eut l’honneur de comprendre mieux que personne cette disposition de son temps, de se vouer uniquement à la servir, à l’éclairer ; il eut la pensée et la patience de s’établir durant de longues années dans un coin propice, non pour régler, mais pour relever au fur et à mesure, pour surprendre et constater les faits de langage, à simple titre de témoin scrupuleux et fidèle. […] Sa pension, dont on a tant parlé, lui était, à ce qu’il paraît, fort mal servie. […] Ce qui suit va répondre plus directement à la plaisanterie de Voiture et des gens d’esprit plus malins que sérieux : « Mais quand ces Remarques ne serviraient que vingt-cinq ou trente ans, ne seraient-elles pas bien employées ? […] « Ce sont des maximes, ajoute-t-il en parlant des siennes, à ne jamais changer, et qui pourront servir à la postérité, de même qu’à ceux qui vivent aujourd’hui ; et quand on changera quelque chose de l’usage que j’ai remarqué, ce sera encore selon ces mêmes Remarques que l’on parlera et que l’on écrira autrement que ces Remarques ne portent. […] « Il ne faut plus accuser notre langue, dit-il, mais notre génie ou plutôt notre paresse et notre peu de courage, si nous ne faisons rien de semblable à ces chefs-d’œuvre. » En un mot, la langue est faite, il ne s’agit plus que de s’en servir et de l’appliquer à de grands sujets.

276. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « Le mariage du duc Pompée : par M. le comte d’Alton-Shée »

Herman, en présence du baron Fritz, ce beau-frère entiché de sa noblesse et des vieux préjugés germaniques, maintient lui-même le rôle du noble moderne converti aux idées du siècle : il répond à l’accusation banale d’être un déserteur de sa caste et de n’avoir ni foi ni principes : « Croyez plutôt, dit-il en parlant des Biron, des Custine, des La Fayette, qu’il a fallu une foi bien ferme à ces déserteurs qui, dans la solitude de leur conscience, se sont voués à la haine de ceux qu’ils abandonnaient, à la méfiance de ceux qu’ils voulaient servir, sans autre espoir que la justice tardive de la postérité. » Mais ce commencement de discussion entre Herman et Fritz est arrêté à temps par un-geste d’Emma qui n’entend pas que ses deux adorateurs, comme elle dit, combattent sur ce terrain, et qui les rappelle à l’ordre. […] Je ne demande que la faveur de lui parler un instant ; pour l’obtenir, je m’adresserais à sa femme elle-même. » Noirmont n’insiste plus : il comprend qu’il vaut mieux pour Herman, puisqu’il faut tôt ou tard la rencontrer, revoir cette fois Pompéa, et à l’instant même, et livrer résolument le grand combat ; car c’est bien de ce côté que se présente la bataille rangée et que va être le fort du péril ; le reste n’est rien ou servira plutôt de diversion et de secours ; la coquetterie avec la future belle-sœur n’est qu’une escarmouche plus vive qu’effrayante, entamée à peine ; mais revoir Pompéa belle, jeune, ayant les droits du passé, dans la plénitude de la vie, à l’âge de vingt-six ans, avec ce je ne sais quoi d’impérieux et de puissant qu’une première douleur ajoute à la passion et à la beauté… le danger est là, danger d’une reprise fatale ; et, en pareil cas, mieux vaut affronter une bonne fois, qu’éluder. […] Tout s’accommode, moyennant quelque imbroglio encore et à la suite d’une dernière transe affreuse que Noirmont croit devoir infliger à Herman pour lui servir de leçon. […] Elle est toute trouvée : « L’ambition, a dit un autre moraliste des plus consommés, Senac de Meilhan, est une passion dangereuse et vaine, mais ce serait un malheur pour la plupart des hommes que d’en être totalement dénués ; elle sert à occuper l’esprit, à préserver de l’ennui qui naît de la satiété ; elle s’oppose dans la jeunesse à l’abus des plaisirs qui entraînerait trop vivement, elle les remplace en partie dans la vieillesse, et sert à entretenir dans l’esprit une activité qui fait sentir l’existence et ranime nos facultés. » Qu’Herman donc, s’il veut rester fidèle à sa femme, au moins dans l’essentiel (car je néglige tout ce qui ne tire pas à conséquence), devienne ambitieux ; il le faut à tout prix, et ce n’est que de ce jour-là que sa conversion me paraîtra assurée.

277. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Le comte de Clermont et sa cour, par M. Jules Cousin. »

Mais ce qui est vrai, c’est qu’il servit très honorablement dans toutes les campagnes de ces années (1744-1747) et qu’il paya vaillamment de sa personne. […] Ce trait seul suffirait pour juger à quel point la confiance du prince fut mal servie dans cette occasion par ceux qu’il en avait honorés. » Il était donc curieux ou plutôt actif ; il voulait moins s’instruire que se distraire et s’amuser. […] Après avoir fait ma commission, je lui fis observer que les hussards autrichiens qui me servaient d’escorte auraient pu la faire comme moi, sur la facilité que j’avais trouvée à arriver jusqu’à sa maison sans trouver un poste français : il se leva, envoya chercher les officiers généraux du jour, et je crois qu’ils furent sévèrement réprimandés. » Et maintenant veut-on savoir en quels termes le maréchal de Saxe réclamait cette sauvegarde, non pas directement du prince Charles, mais du comte de Batthyany, le général autrichien ? […] Msr le comte de Clermont, au château de Saint-Paul, un détachement d’un capitaine et de 50 maîtres, pour lui servir de garde et d’escorte ; ce prince est hors d’état d’être transporté, et je lui dois tous les respects dus à un prince du sang du roi mon maître. […] Celui-ci, outré, pensait déjà à quitter l’armée, lorsque Valfons, à force d’instances, arracha de lui une lettre adroite et polie, avec demande d’explication au maréchal : il se chargea de la remettre et plaida si bien que le maréchal, dans un fourrage qu’il faisait le lendemain non loin du quartier du prince, rabattit de son côté comme par hasard, et y trouva un dîner servi qui l’attendait et où tout s’oublia.

278. (1895) Histoire de la littérature française « Quatrième partie. Le dix-septième siècle — Livre II. La première génération des grands classiques — Chapitre I. La tragédie de Jodelle à Corneille »

Les unités n’ont fait que hâter et servir la définition de la forme où tendaient secrètement les auteurs et le public : et ce ne sont pas les érudits, c’est la raison qui a fait triompher Aristote sur notre scène. […] Il s’en est servi pour resserrer le poème dramatique dans l’espace et dans le temps, c’est-à-dire pour placer l’intérêt dans l’action morale et dans le mouvement des caractères plutôt que dans l’agitation des corps. […] En 1636, deux tragédies notables paraissent : la Mort de César de Scudéry, où Plutarque n’est pas mal découpé, mais où l’action trop visiblement ne sert que de prétexte aux exercices oratoires dans le goût de Lucain, et la Marianne de Tristan, qui n’ajoutait guère à celle de Hardy que la boursouflure d’une rhétorique échevelée. […] Aussi ne les montrera-t-on pas, l’unité du lieu faisant son office : la mort du comte, la bataille, le duel de Rodrigue et de don Sanche resteront dans la coulisse, parce qu’ils ne servent qu’à traduire ou modifier les éléments psychologiques du sujet. […] Corneille n’a pas songé — il ne le pouvait guère — à ressusciter le vrai Cid, le rude ambitieux et cupide baron du xie  siècle, le mercenaire cruel et pillard qui souvent combattit les chrétiens et servit les Musulmans, l’indocile vassal qui fut trois fois exilé par son roi, et fièrement se lit une souveraineté dans Valence conquise.

279. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Paul-Louis Courier. — I. » pp. 322-340

Paul-Louis Courier, né à Paris sur la paroisse Saint-Eustache, le 4 janvier 1772, d’un père riche bourgeois, et qui avait eu maille à partir avec un grand seigneur, fut élevé en Touraine sous les yeux et par les soins de ce père qui le destinait à servir dans le corps du génie et qui l’appliqua en attendant aux langues anciennes. […] Je puis dire ce qui en est, moi qui, connaissant l’un et l’autre, n’ai jamais regretté, dans mes moments de tristesse, que le sourire de mes parents, pour me servir des expressions d’un poète. […] Il a l’air de s’en faire honneur : il n’y a pas de quoi ; ce n’est pas ainsi que servaient les soldats de Xénophon. […] Mais Courier va plus loin, il doute de l’art militaire même et du génie qui y a présidé dans la personne des plus grands capitaines ; il doute d’Annibal, il doute de Frédéric, il doute de Napoléon ; lui qui a l’honneur de servir sous Saint-Cyr et qui le reconnaît « le plus savant peut-être dans l’art de massacrer », il ne prend nul goût à s’instruire sous ce maître ; il a l’air de confondre Brune et Masséna ; la première campagne d’Italie pour lui n’est pas un chef-d’œuvre. […] En traduisant dès lors le fragment inédit, en l’assortissant et en le joignant à la version d’Amyot qu’il publia après l’avoir corrigée en beaucoup de points (Florence, 1810), Courier entrait comme par occasion dans cet essai de style un peu vieilli, à la gauloise, qu’il s’appropriera désormais, qu’il appliquera à d’autres traductions et même à des sujets tout modernes, et qu’il fera plus tard servir à son personnage politique de paysan tourangeau.

280. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 33, que la veneration pour les bons auteurs de l’antiquité durera toujours. S’il est vrai que nous raisonnions mieux que les anciens » pp. 453-488

Ils nous auront surpassé, si l’on peut se servir de cette expression, en raison pratique, mais nous les surpassons en raison spéculative. […] Ces instrumens ont même part à beaucoup d’observations où l’on ne s’en sert point, parce que ces observations n’auroient jamais été tentées, si des observations précedentes, faites avec les instrumens dont je parle, n’avoient donné l’idée de les tenter. […] Il est venu un homme dont la profession étoit de faire des cartes, et qui s’est servi utilement des expériences. […] Cette science sert plutôt à nous apprendre comment on raisonne naturellement, qu’elle n’influë dans la pratique, qui, comme je l’ai déja dit, dépend du caractere d’esprit particulier à chaque personne. Voïons-nous que ce soient ceux qui sçavent le mieux la logique, je dis celle de port-royal, et dont la profession est même de l’enseigner aux autres, qui raisonnent le plus consequemment, et qui fassent le choix le plus judicieux des principes propres à servir de base à la conclusion dont ils ont besoin ?

281. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XXVI. Des oraisons funèbres et des éloges dans les premiers temps de la littérature française, depuis François Ier jusqu’à la fin du règne de Henri IV. »

Après avoir suivi le genre des éloges chez les peuples barbares, ou ils n’étaient que l’expression guerrière de l’enthousiasme qu’inspirait la valeur ; chez les Égyptiens, où la religion les faisait servir à la morale ; chez les anciens Grecs, où ils furent employés tour à tour par la philosophie et la politique ; chez les premiers Romains, où ils furent consacrés d’abord à ce qu’ils nommaient vertu, c’est-à-dire, à l’amour de la liberté et de la patrie ; sous les empereurs, où ils ne devinrent qu’une étiquette d’esclaves, qui trop souvent parlaient à des tyrans ; enfin, chez les savants du seizième siècle, où ils ne furent, pour ainsi dire, qu’une affaire de style et un amas de sons harmonieux dans une langue étrangère qu’on voulait faire revivre ; il est temps de voir ce qu’ils ont été en France et dans notre langue même. […] Il entrevit ces principes étouffés tour à tour par l’ignorance et par l’orgueil, qu’il n’y a ni législation, ni politique sans lumières ; que ceux qui éclairent l’humanité, sont les bienfaiteurs des rois comme des peuples ; que l’autorité de ceux qui commandent n’est jamais plus forte que lorsqu’elle est unie à l’autorité de ceux qui pensent ; que le défaut de lumière, en obscurcissant tout, a quelquefois rendu tous les droits douteux, et même les plus sacrés, ceux des souverains ; qu’un peuple ignorant devient nécessairement ou un peuple vil et sans ressort, destiné à être la proie du premier qui daignera le vaincre ; ou un peuple inquiet et d’une activité féroce ; que des esclaves qui servent un bandeau sur les yeux, en sont bien plus terribles, si leur main vient à s’armer, et frappe au hasard ; qu’enfin, tous les princes qui avant lui avaient obtenu l’estime de leur siècle et les regards de la postérité, depuis Alexandre jusqu’à Charlemagne, depuis Auguste jusqu’à Tamerlan, né Tartare et fondateur d’une académie à Samarcande, tous dédaignant une gloire vile et distribuée par des esclaves ignorants, avaient voulu avoir pour témoins de leurs actions des hommes de génie, et relever partout la gloire du trône par celle des arts. […] Elles servent encore à prouver qu’il y a dans les talents une grandeur personnelle, qu’on a crue quelquefois égale à celle des dignités. […] Cet ouvrage est faible, et peu digne de son sujet ; mais c’était du moins un hommage rendu à un grand homme, dans un temps où ce grand homme servait l’État, et où, pour récompense, il n’avait que les calomnies de la cour, les fureurs des traitants et la haine de la nation à qui il faisait du bien. […] On a représenté quelques-unes des époques de sa vie, en bronze et en marbre ; on les a fait servir d’ornement à ces boîtes, invention et amusement du luxe, que le goût et les modes françaises font valoir et distribuent dans l’Europe : le peuple même connaît et bénit sa mémoire.

282. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Le président Jeannin. — II. (Suite.) » pp. 147-161

Villeroi, comme médecin social, a le sentiment juste des crises, des situations et des bons instants qu’il importe de saisir : Monsieur, dit-il en s’adressant à M. de Bellièvre dans son Apologie, c’est grande imprudence de perdre l’occasion de servir et secourir le public, principalement quand elle dépend de plusieurs ; car il advient rarement qu’elle se recouvre, parce qu’il faut peu de chose à faire changer d’avis à une multitude. […] Chez le président Jeannin, quand le conseiller politique avait épuisé ses raisons auprès du duc, l’ami intime, le serviteur fidèle conservait la place et continuait de le servir quand même. […] Le président était sincèrement affectionné au duc de Mayenne, à qui cette amitié fait honneur, et il fut du petit nombre de ceux qui lui dirent : « Vous avez tort, mais je vous suivrai jusqu’au bout. » Jeannin servit donc Mayenne jusqu’à la dernière extrémité et osa être un vaincu. […] Henri IV, dès l’abord, déclara à Villeroi qu’il voulait se servir du président et lui faire du bien, et il le lui témoigna par des preuves effectives.

283. (1796) De l’influence des passions sur le bonheur des individus et des nations « Section première. Des passions. — Chapitre III. De la vanité. »

Une femme ne peut exister par elle ; la gloire même ne lui servirait pas d’un appui suffisant, et l’insurmontable faiblesse de sa nature et de sa situation dans l’ordre social, l’a placée dans une dépendance de tous les jours dont un génie immortel ne pourrait encore la sauver. […] On approche d’une femme distinguée comme d’un homme en place ; la langue dont on se sert n’est pas semblable, mais le motif est pareil. […] C’est une importante question qu’il faut soumettre aux philosophes et aux publicistes, de savoir si la vanité sert ou nuit au maintien de la liberté dans une grande nation ; elle met d’abord certainement un véritable obstacle à l’établissement d’un gouvernement nouveau ; il suffit qu’une constitution ait été faite par tels hommes, pour que tels autres ne veuillent pas l’adopter ; il faut, comme après la session de l’assemblée constituante, éloigner les fondateurs pour faire adopter les institutions, et cependant les institutions périssent, si elles ne sont pas défendues par leurs auteurs. L’envie, qui cherche à s’honorer du nom de défiance, détruit l’émulation, éloigne les lumières, ne peut supporter la réunion du pouvoir et de la vertu, cherche à les diviser pour les opposer l’un à l’autre, et crée la puissance du crime, comme la seule qui dégrade celui qui la possède ; mais quand de longs malheurs ont abattu les passions, quand on a tellement besoin de lois, qu’on ne considère plus les hommes que sous le rapport du pouvoir légal qui leur est confié, il est possible que la vanité, alors qu’elle est l’esprit général d’une nation, serve au maintien des institutions libres.

284. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Troisième partie. Disposition — Chapitre V. Subordination et proportion des parties. — Choix et succession des idées »

Il n’y a point de beauté ou d’esprit qui tienne : le premier mérite, le mérite fondamental de toute partie, de la plus petite comme de la plus grande, c’est de servir à soutenir le tout ; la grâce, le piquant, le plaisant, le sublime s’ajouteront par surcroît : il faut d’abord que la chose contribue à prouver ou à peindre, à pousser l’œuvre vers la fin qui lui est assignée. […] Pascal, dans ses Provinciales, voulant adoucir pour les gens du monde l’amertume de la théologie et en rendre agréable l’austérité, s’y est pris de telle sorte que, faisant une démonstration de l’injustice, des erreurs et des scandales de ses adversaires, il n’a rien dit qui ne serve à cette démonstration : il n’a point mis l’agrément dans son sujet, il l’en a tiré ; ce qui est ornement est aussi argument, et ce qui plaît, prouve. […] » Il continue sa harangue, répétant encore diverses fois que Brutus est un homme honorable ; mais à mesure qu’il se sent plus maître de la populace qui l’entend, à mesure qu’il peut louer César sans ameuter contre lui toutes les fureurs, il espace le retour de l’éloge donné à Brutus, jusqu’à ce qu’enfin cet éloge ne serve plus qu’à provoquer contre lui les mêmes injures dont le nom de César était couvert tout à l’heure. Voltaire, imitant Shakespeare, a tout réduit, sous prétexte de régularité et de correction, à une précaution oratoire d’Antoine prend une fois pour toutes : Contre ses meurtriers je n’ai rien à vous dire ; C’est à servir l’État que leur grand cœur aspire…… Sans doute il fallait bien que César fût coupable.

285. (1766) Le bonheur des gens de lettres : discours [graphies originales] « Le Bonheur des gens de lettres. — Premiere partie. » pp. 12-34

Il cédera plutôt aux clameurs de l’envie, il fuira ses persécuteurs jusqu’au fond des forêts, & préférera, s’il le faut, le commerce des Tygres à celui des hommes ; mais du fond des déserts il ne les oubliera point, il les servira, tout ingrats qu’ils sont, attendrit sur les nouveaux malheurs qui les menacent, il fera entendre sa voix désintéressée & expirante, & consumera ses derniers jours à instruire une Société qui la rejette de son sein. […] Je vous vois parcourir le vaste miroir des siécles écoulés, examiner les ressorts qui changent la face des Empires, pénétrer le jeu rapide des révolutions de la Fortune, percer les intrigues de l’Ambition, par les événemens passés prédire les événemens futurs, alors tout sert à vous affermir dans vos heureux principes ; vous les jugez, ces foibles humains, vous les jugez sans passion, vous les voyez tels qu’ils sont, composés de grandeur & de foiblesse, de vertus et de vices, mais qui doivent peut-être leurs crimes non à la Nature, qui a caché dans leurs cœurs le doux sentiment de la pitié, principe des vertus, mais à la Tyrannie, à l’affreuse Tyrannie, qui aggravant sur leur tête un joug humiliant les a fait gémir, haïr, détester leur existence & les a forcés d’être méchans en les rendant malheureux. […] Mais au sein de la retraite, on l’appelle dans le tourbillon du monde ; ceux qui se livrent aux plaisirs tumultueux veulent avoir le suffrage de la présence ; jettez-vous dans le tourbillon, frivoles Ecrivains, qui pour écrire n’avez pas besoin de penser, vous y perfectionnerez cet esprit léger tout fier d’idées sémillantes, il vous faut des éclairs, il vous faut un langage brillant qui puisse servir de voile à vos connoissances superficielles ; promenez-vous avec la folie, vous n’avez rien à gâter ; mais toi homme de génie qui as sçu méditer, poser des principes, affermir ta marche, & comme d’un tronc fertile, en suivre toutes les conséquences, toi qui vois en grand, garde-toi d’asservir tes mâles talens au goût des Sociétés ; elles corromproient ton éloquence, tes vues hardies & sublimes, ton héroïsme vertueux. […] Ici Lucrece sonde la Nature, analyse l’homme & le rassure contre de vaines chimères, heureux, si l’erreur ne se plaçoit pas à côté des plus utiles vérités ; là, Juvenal arme sa main de la verge de la satyre, porte le flambeau dans les ténébres épaisses ou se cache le crime, & sert l’humanité en démasquant le vice.

286. (1863) Molière et la comédie italienne « Chapitre III. La commedia dell’arte en France » pp. 31-58

Cette salle fut affectée ordinairement aux représentations théâtrales, quoiqu’elle eût de temps en temps une destination plus sérieuse : ainsi elle servit aux États généraux tenus en 1614, les derniers de la France monarchique avant 1789. […] Francesco Andreini, par exemple se faisait annoncer par son valet de la manière suivante : « Tu diras que je suis le capitaine Spavente de la vallée infernale, surnommé l’endiablé prince de l’ordre de la chevalerie ; Trismégiste, très grand bravache, très grand frappeur, très grand tueur ; dompteur et dominateur de l’univers, fils du tremblement de terre et de la foudre, parent de la mort et ami très étroit du grand diable d’enfer. » Dans La Prigione d’Amore (la Prison d’Amour), de Sforza Oddi nell’academia degli Insensati detto il Forsennato (membre de l’académie des Insensés, surnommé le Furieux), comédie récitée à Pise par les étudiants, pendant le carnaval de 1590, le rôle du capitan est très développé, et se termine par le récit suivant, qui pourra servir de spécimen. […] Je pris de la main gauche le trésorier et m’en servis comme d’un bouclier ; et, tirant Durandal du fourreau, je la dirigeai vers le roi qui s’avançait pour me frapper ; d’un coup, je fendis le pavé, j’ouvris la terre jusqu’aux abîmes où Neptune fut frappé de stupeur. […] » Et là-dessus de lui faire un cours d’horticulture comique, en lui nommant tous les outils du métier et en lui indiquant la manière de s’en servir.

287. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre VI. Jean-Baptiste  Voyage de Jésus vers Jean et son séjour au désert de Judée  Il adopte le baptême de Jean. »

La croyance à ces résurrections était fort répandue 297 ; on pensait que Dieu allait susciter de leurs tombeaux quelques-uns des anciens prophètes pour servir de guides à Israël vers sa destinée finale 298. […] Il ne semble pas qu’il possédât même en germe la grande idée qui a fait le triomphe de Jésus, l’idée d’une religion pure ; mais il servait puissamment cette idée en substituant un rite privé aux cérémonies légales, pour lesquelles il fallait des prêtres, à peu près comme les Flagellants du moyen âge ont été des précurseurs de la Réforme, en enlevant le monopole des sacrements et de l’absolution au clergé officiel. […] Les expressions dont il se servait contre ses adversaires paraissent avoir été des plus violentes 307. […] Antipas fut l’instrument dont elle se servit.

288. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre XIII. Dernière semaine de Jésus. »

Marthe servait, selon sa coutume 1047. […] Elle cassa ensuite le vase, selon un vieil usage qui consistait à briser la vaisselle dont on s’était servi pour traiter un étranger de distinction 1048. […] Il aimait les honneurs ; car les honneurs servaient à son but et établissaient son titre de fils de David. […] Il est très-ordinaire, en Orient, qu’une personne qui vous est attachée par un lien d’affection ou de domesticité aille vous servir quand vous mangez chez autrui.

289. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Appendice. [Rapport sur les primes à donner aux ouvrages dramatiques.] » pp. 497-502

Ces considérations, qui résument d’une manière générale quelques-unes des observations particulières faites au sein de la Commission, ne paraîtront point déplacées ici : elles pourront servir à éclairer la route de l’avenir ; elles prouveront du moins que la Commission n’a point pris le change et n’a fait cette année que s’affermir de plus en plus dans le sens et l’esprit de l’institution qu’elle était appelée à servir et à interpréter. […] Ponsard la prime que l’article quatrième de l’arrêté « réserve à l’auteur d’un ouvrage en cinq ou quatre actes, en vers ou en prose, représenté à Paris, pendant le cours de l’année, sur tout autre théâtre que le Théâtre-Français, et qui serait de nature à servir à l’enseignement des classes laborieuses par la propagation d’idées saines et le spectacle de bons exemples ».

290. (1875) Premiers lundis. Tome III « Viollet-Le-Duc »

il nous sert toute vive sa plus jolie pièce, ce baiser tout enflammé : Qui a leu comme Vénus, etc., qu’on ne pourrait citer ici, dans une Revue2, mais qu’on aime fort à trouver dans un livre sous le couvert de l’érudition. […] L’auteur, par  quelques lignes pleines de grâce et de fine malice, a raison de se rendre à lui-même, en finissant, ce témoignage que dans sa tâche, plus méritoire pourtant qu’il ne veut bien le dire, il a réussi comme il l’entendait ; en se livrant, non sans complaisance, aux douceurs presque paternelles de la propriété, il aura servi d’une manière durable la littérature.

291. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Troisième partie. Disposition — Chapitre premier. Rapports de l’invention et de la disposition »

Si l’on n’avait d’abord, par une aventureuse et libre recherche, récolté de tous côtés les matériaux qu’on emploiera, si l’on n’avait poussé son exploration en tous sens, un peu au hasard, prenant sans compter, fourrant pêle-mêle dans son sac tout ce qui pourra servir, sans trop s’embarrasser de savoir comment et quand il servira, si l’on n’avait battu tous les buissons, à gauche, à droite, devant, derrière, fait mille tours, s’arrêtant, allant, revenant, s’écartant, comme le chasseur qui sait qu’il y a du gibier dans une région, sans savoir où il est, il serait prématuré de choisir l’ordre selon lequel on traitera son sujet.

292. (1772) Bibliothèque d’un homme de goût, ou Avis sur le choix des meilleurs livres écrits en notre langue sur tous les genres de sciences et de littérature. Tome II « Bibliotheque d’un homme de goût — Chapitre IX. Des Epistolaires ou Ecrivains de Lettres. » pp. 265-269

Les Lettres de Madame de Maintenon, sont plus faites pour servir de modèle. […] Il flatte ceux qui peuvent le protéger ou le servir ; il outrage tous les autres.

293. (1909) Les œuvres et les hommes. Philosophes et écrivains religieux et politiques. XXV « Pierre Mancel de Bacilly »

Et, en effet, si vous la séparez un instant des passions terribles qui s’en sont servies et qui sont prêtes à s’en servir encore, si, la regardant aux entrailles, vous lui demandez, comme aux autres spéculations de la pensée, ses titres réels à l’estime ou à l’admiration des hommes, vous serez bientôt convaincu de l’impuissance et de l’inanité de cette espèce de littérature, qui depuis le commencement du monde de la métaphysique pivote sur trois ou quatre idées dont l’esprit humain a cent fois fait le tour, qui tient toute, en ce qu’elle a de vrai, dans sept chapitres d’Aristote, sans que jamais personne en ait ajouté un de plus, et à laquelle Dieu a plusieurs fois envoyé des hommes de génie inutiles, comme s’il avait voulu par là en démontrer mieux le néant !

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