Elle est docile et pleine. […] Son discours est plein de mouvement, mais d’un mouvement prescrit une fois pour toutes. […] Le voici devant nous plein de sourire et de nouveauté. […] Elles sont pleines de directions comme l’eau. […] Elle se savait pleine de réserve et de dédain.
GUICHARD, [Jean-François] né en 1732, Poëte léger, plein d’esprit & de saillies. […] Sa petite Comédie lyrique du Bûcheron est pleine d’agrément, de gaieté, & est bien mieux assortie au vrai goût du Théatre Italien, que le jargon philosophique qu’on a eu la mal adresse d’y admettre.
Pourquoi semer à plein sac, quand on pouvait se contenter, comme disait Corinne, de semer du bout des doigts ? […] Un jour, d’honnêtes filles, de pauvres ouvrières trop peu occupées, ont l’idée d’offrir à Minerve un don, pour obtenir plus de travail et de commandes ; Léonidas les fait ainsi parler : « Nous, filles de Lycamédé, Athéno, Mélitée, Phinto et Glinis, ouvrières diligentes, consacrons la dîme de notre cher travail, ainsi que la quenouille laborieuse, la navette qui parcourt en chantant les fils de la trame, l’actif fuseau, ces paniers naguère pleins de laine, et ces spathes pesantes, offrande modeste : pauvres et n’ayant que peu, nous donnons peu. » Pauvres filles en effet ! […] Les habiles critiques qui ont étudié et éclairé ses œuvres ont remarqué combien, en cela, il fut peu favorisé du sort, combien sa faculté poétique ne rencontra guère que de chétives occasions, et ils ont répondu pour lui, et à sa décharge, en alléguant l’exemple de Martial, à qui l’on demandait, sur des riens, des épigrammes pleines de feu : « Tu me demandes, ô Cæcilianus, des épigrammes toutes piquantes et toutes vives, et tu ne m’offres que des thèmes froids et morts. […] Il savait se montrer plein d’accueil et avec les étrangers et avec ses concitoyens. […] Dérobe-toi donc à une vie pleines d’orages, et regagne le port, comme moi-même Plhidon, fils de Critus, qui a fui dans le Ténare. » Cette vie humaine qui n’est qu’un point serré et comme écrasé entre les deux infinis rappelle Pascal.
Je n’accepte rien de cette calomnie du livre le plus plein de sang, mais le plus plein de larmes que je connaisse. […] Il est plein d’imperfections, sans doute, parce que c’est un homme d’un talent borné qui l’a écrit ; mais il est plein de leçons, parce que c’est Dieu qui les donne. […] XIII « Une intention droite au commencement ; un dévouement volontaire au peuple représentant à ses yeux la portion opprimée de l’humanité ; un attrait passionné pour une révolution qui devait rendre la liberté aux opprimés, l’égalité aux humiliés, la fraternité à la famille humaine ; des travaux infatigables consacrés à se rendre digne d’être un des premiers ouvriers de cette régénération ; des humiliations cruelles patiemment subies dans son nom, dans son talent, dans ses idées, dans sa renommée, pour sortir de l’obscurité où le confinaient les noms, les talents, les supériorités des Mirabeau, des Barnave, des La Fayette ; sa popularité conquise pièce à pièce et toujours déchirée par la calomnie ; sa retraite volontaire dans les rangs les plus obscurs du peuple ; sa vie usée dans toutes les privations ; son indigence, qui ne lui laissait partager avec sa famille, plus indigente encore, que le morceau de pain que la nation donnait à ses représentants ; son désintéressement appelé hypocrisie par ceux qui étaient incapables de le comprendre ; son triomphe enfin : un trône écroulé ; le peuple affranchi ; son nom associé à la victoire et aux enthousiasmes de la multitude ; mais l’anarchie déchirant à l’instant le règne du peuple ; d’indignes rivaux, tels que les Hébert et les Marat, lui disputant la direction de la Révolution et la poussant à sa ruine ; une lutte criminelle de vengeances et de cruautés s’établissant entre ces rivaux et lui pour se disputer l’empire de l’opinion ; des sacrifices coupables, faits, pendant trois ans, à cette popularité qui avait voulu être nourrie de sang ; la tête du roi demandée et obtenue ; celle de la reine ; celle de la princesse Élisabeth ; celles de milliers de vaincus immolés après le combat ; les Girondins sacrifiés malgré l’estime qu’il portait à leurs principaux orateurs ; Danton lui-même, son plus fier émule, Camille Desmoulins, son jeune disciple, jetés au peuple sur un soupçon, pour qu’il n’y eût plus d’autre nom que le sien dans la bouche des patriotes ; la toute-puissance enfin obtenue dans l’opinion, mais à la condition de la maintenir sans cesse par de nouveaux crimes ; le peuple ne voulant plus dans son législateur suprême qu’un accusateur ; des aspirations à la clémence refoulées par la prétendue nécessité d’immoler encore ; une tête demandée ou livrée au besoin de chaque jour ; la victoire espérée pour le lendemain, mais rien d’arrêté dans l’esprit pour consolider et utiliser cette victoire ; des idées confuses, contradictoires ; l’horreur de la tyrannie, et la nécessité de la dictature ; des plans imaginaires pleins de l’âme de la Révolution, mais sans organisation pour les contenir, sans appui, sans force pour les faire durer ; des mots pour institutions ; la vertu sur les lèvres et l’arrêt de mort dans la main ; un peuple fiévreux ; une Convention servile ; des comités corrompus ; la république reposant sur une seule tête ; une vie odieuse ; une mort sans fruit ; une mémoire souillée, un nom néfaste ; le cri du sang qu’on n’apaise plus, s’élevant dans la postérité contre lui : toutes ces pensées assaillirent sans doute l’âme de Robespierre pendant cet examen de son ambition. […] Mais, si cette histoire est pleine de deuil, elle est pleine surtout de foi.
Lucas-Montigny, et, au sortir d’une lecture si pleine d’impressions contraires, dont quelques-unes sont rebutantes et pénibles, je me plais à m’appuyer de ce jugement et à le répéter. […] Il descendit donc, et, pour arriver à la langue générale et publique, il ne craignit point de traverser la déclamation à la nage et de se plonger dans le plein courant du siècle, bien sûr qu’il était d’en ressortir à la fin non moins original et plus grand. […] Mirabeau, sans y songer, aime et affecte naturellement l’expression large et pleine, un peu grosse. […] Il termine par ce mouvement direct plein d’effet et d’une vigueur poignante, s’adressant à un vieillard : Mon père parle souvent d’un Dieu rémunérateur, et vous y croyez sans doute ; vous avancez dans une heureuse vieillesse, et mon père y touche. […] Il est tout à la fois fécond et serré, plein de gravité et de douceur, admirable par son abondance et par sa brièveté.
Les Ouvrages de celui-ci sont pleins d’esprit & de légéreté, mais de cet esprit recherché, qui, bien loin de donner du prix aux bonnes choses, ne fait que les déprécier. On trouve des vûes excellentes & des idées neuves dans son Discours sur l’Intérêt d’un Ouvrage ; mais elles sont défigurées par un style affecté, plein d’antithèses & de pointes ; ce qui porteroit presque à croire que l’Apologie des Jésuites, qu’on lui a attribuée, n’est pas de lui.
On a de lui d’agréables bagatelles, qui marquent un Auteur plein de goût, & ennemi du mauvais. […] On lui attribue un petit Roman, intitulé, Mémoires Turcs, Ouvrage trop libre, mais plein d’intérêt, & dont la seconde Partie renferme une excellente critique de nos mœurs.
La vie de Linné, racontée plus d’une fois par lui-même, est pleine de naïveté et de détails innocents9. […] Ainsi parle Linné : et, en regard, il nous faut voir Buffon seul en été à six heures du matin, à Montbard, montant de terrasse en terrasse et en ouvrant les grilles qui fermaient chaque suite de degrés, arrivant ainsi d’un pas seigneurial jusqu’au cabinet d’étude à l’extrémité de ses jardins, et n’en sortant que pour se promener lentement, la tête pleine de conceptions, dans les hautes allées d’alentour, où nul n’oserait le venir troubler. […] J’ai souvent causé avec des savants modestes qui se rattachent à cette méthode de philosophie et d’expérience, et, après chaque entretien, je suis toujours sorti plein de respect pour Buffon savant, sans parler de cette autre admiration qu’on a de soi-même pour le peintre et l’écrivain. […] Le côté métaphysique particulier aux auteurs domine un peu trop dans cet examen, qui est d’ailleurs plein de fermeté et qui, ce me semble, place Buffon naturaliste au rang où Cuvier le voyait déjà. […] … Et encore : « Buffon, toute sa vie, fut combattu entre des idées opposées : sa tête semble un chaos sublime, sillonné de mille éclairs et plein des germes des mondes futurs. » Il me semble que l’historien, en ces endroits, a fait un Buffon trop semblable à Diderot, cette tête fumeuse.
Ce dernier, comme Machiavel, autre philosophe profond et plein de réalité, a trop donné à son observation si pénétrante et si durable la marque particulière des temps où il a vécu et qu’il a traversés. […] Si M. de La Rochefoucauld avait voulu former un jeune homme à qui il se serait intéressé, le jeune duc de Longueville, à son entrée dans le monde, par exemple, il aurait pu lui faire lire ces pages pleines de conseils et de recommandations adroites, fondées sur la connaissance parfaite des esprits. […] Le monde est plein de ces grands ou de ces demi-orateurs dépaysés. […] Il y a des critiques de bon sens (non de bon goût cette fois) qui disent et répètent à pleine bouche que c’est là le style du pur xviie siècle ; c’en est le simulacre peut-être à distance, mais non la vraie et naïve ressemblance, qui ne se sépare jamais de la convenance même. […] Cousin, dans ces matières aimables, est plein de mauvais gestes.
Né en 1785, il débuta sous l’Empire en 1805 et en reçut la pleine influence ; il fut, par l’inspiration et le timbre du talent, le plus jeune poète de l’Empire, et, pour ainsi dire, éclos le même jour que lui, dans sa première grande victoire. […] Ce qu’il y avait de plus irritant, c’est que le président du Sénat, François de Neufchâteau, plus candide que fin, lui avait fait à ce sujet de grands compliments et lui avait sans doute dit la phrase consacrée : « Vous n’avez jamais rien fait de mieux. » Aussi resta-t-il implacable dans sa rancune, et il laissa sans réponse la lettre, toute pleine de déférence et d’admiration, que le jeune débutant lui avait adressée en lui envoyant son ode. […] On aurait tort, aujourd’hui que ces choses restées inachevées et incomplètes sont si éloignées, que tant d’autres ont succédé pleines d’éclat, et que la poésie a régné en son été et à son midi sous des formes plus saisissantes et toutes radieuses, de ne voir en M. […] L’idée pleine d’Évandre, de Pallas et de Dina, je travaille dans une sorte d’extase et de joie depuis le matin jusqu’à l’autre matin, sans relâche et presque sans sommeil. […] il la vaudrait mieux pleine.
Talleyrand ne crut pouvoir mieux remplir son apparence de loisir, dans les mois qui précédèrent le 18 Fructidor, et payer plus gracieusement sa bienvenue que par son assiduité à l’Institut national, dont on l’avait nommé membre dès l’origine, et en y marquant sa présence par deux Mémoires : l’un tout plein de souvenirs et de considérations intéressantes sur les relations commerciales des États-Unis avec l’Angleterre, l’autre tout plein de vues, de prévisions et même de pronostics, sur les avantages à retirer d’un nouveau régime de colonisation, et sur l’esprit qu’il y faudrait apporter. […] En convenant qu’il doit y avoir du vrai, gardons-nous pourtant de nous faire un Talleyrand plus paresseux et moins lui-même qu’il ne l’était : il me paraît, à moi, tout à fait certain que les deux Mémoires lus à l’Institut en l’an V, si plein de hautes vues finement exprimées, sont et ne peuvent être que du même esprit, j’allais dire de la même plume qui, plus de quarante ans après, dans un discours académique final, dans l’Éloge de Reinhard, traçait le triple portrait idéal du parfait ministre des affaires étrangères, du parfait directeur ou chef de division, du parfait consul : et cette plume ne peut être que celle de M. de Talleyrand, quand il se soignait et se châtiait. […] L’autre Mémoire sur les avantages à retirer de colonies nouvelles dans les circonstances présentes mériterait aussi une analyse : il se rapporte particulièrement à l’état moral de la France d’alors, et il est plein de vues sages ou même profondes. […] Il est donc très-certain encore, pour ne s’en tenir qu’à ce qui a éclaté, que Talleyrand, ministre des relations extérieures sous le Directoire, profita de la saisie des navires américains à la suite du traité de commerce des États-Unis avec l’Angleterre, pour attirer à Paris les commissaires de cette république munis de pleins pouvoirs et tâcher de les rançonner19. […] Répondant dans cet écrit à ses ennemis et ses détracteurs, il disait : « Ils osent affirmer que c’est moi qui ai aliéné de nous les États-Unis, lorsqu’ils savent bien qu’au moment précis où ils impriment cet étrange reproche, des négociateurs américains arrivent en France, et qu’ils ne peuvent ignorer la part qu’il m’est permis de prendre dans cet événement, à raison du langage plein de déférence, de modération et j’ose dire aussi de dignité, que je leur ai adressé au nom du Gouvernement français… » Il sut les attirer en effet par d’adroites paroles ; mais comment les actes et les procédés y répondirent-ils, et que devint cette dignité de ton en présence des faits ?
Ce n’est pas qu’on ne trouve dans ses Ouvrages des étincelles de lumieres, des maximes fortes, des traits hardis, des morceaux pleins de force & de vigueur ; mais ces découvertes ne se font que par intervalles, & souvent les intervalles sont très-longs. […] On pourroit dire encore, que plusieurs sont profondes, qu’elles renferment des sentimens vifs & pleins de chaleur ; qu’en général elles sont exprimées avec énergie & précision : mais à quoi serviroient tous ces éloges, si on ne peut se dispenser d’ajouter que la plupart sont impies, & le reste hasardé ? […] Goldoni, précédée d’une Préface pleine de sentimens raisonnables, intéressans & bien exprimés, peut figurer parmi les Pieces de ce genre, si opposé au génie & au vrai goût.
Ce livre contient de nombreux vers larges et puissants, pleins des grondements de la forêt et de la mer, pleins aussi des fortes senteurs des sapins et des algues.
Cet Ouvrage, qui n’a fait aucune impression dans le Public, méritoit d’être mieux accueilli ; l’idée en est neuve, le plan bien suivi ; les pensées & les vûes sont pleines de philosophie. Quand nous disons pleines de philosophie, nous ne prétendons pas parler de cette philosophie bizarre, qui eût peut-être accrédité cet Ouvrage chez les esprits frivoles, & en eût fait pardonner les défauts en faveur de la hardiesse des sentimens & de l’enflure du style ; nous parlons de cette philosophie qui tend à éclairer les hommes, & à les garantir de l’illusion.
Plein de sagacité, de lumieres, & de jugement, plein de connoissances profondes, de justesse, & de précision, il répandit le plus grand jour sur la Jurisprudence, & son autorité est encore aujourd’hui décisive dans le Barreau.
Ossian est plein de génie. […] dit sa jeune amante, les yeux pleins de larmes. […] « — Ta voix est pleine de charme, ô Carril ! […] Le bras du héros était affaibli, mais son âme était pleine de force. […] L’épée flamboyait dans la main de Cormac, ses yeux étaient pleins de douceur.
A ma première étude il me trouva plein de « chic », accusation au moins prématurée. […] A son convoi la petite église de la Trinité ôtait pleine du plus beau et du plus illustre monde. […] A ces digressions lyriques, à ces rhythmes compliqués, à ces mots pleins de recherches, ils ne comprennent rien. […] La consonnance chez lui vient pleine et ronde, presque toujours avec sa lettre d’appui. […] Il trouvait naturel d’être beau, élégant, riche, plein de génie, et de soulever autour de lui l’admiration et l’amour.
Des mœurs simples & pleines d’honnêteté, un cœur sans cesse ouvert à la bienfaisance, des procédés pleins de droiture & de candeur, une conversation animée par la franchise & la vivacité, formoient les principaux traits de son caractere, & rendront sa mémoire toujours chere à ceux qui savent apprécier l’homme honnête, le vrai Citoyen, le Savant modeste, & le sage Littérateur.
Sa pureté est même austère par moments, quoique pleine d’indulgence envers autrui. […] Et revenant alors, comme entouré d’un charme, Plein d’oubli, lentement, et dans l’œil une larme, Croyant à toi, mon Dieu, toi que j’osais nier ! […] Je croyais me sentir plein d’éloquence à une tribune, mon idéal d’alors, et plein d’héroïsme en face des tyrannies ou des multitudes. […] Il est tout plein de grâce, de naïveté, de mélancolie. […] Le sujet de vos divers morceaux plaira peut-être moins à ceux qui vous ont le plus applaudi d’abord ; il n’en sera pas ainsi pour ceux d’entre eux qui sont sensibles à tous les épanchements d’une âme aussi pleine, aussi délicate que la vôtre.
À mon avis, la série des pensées qui se succèdent dans cette pièce est pleine de grâce et de naturel. […] Sandeau n’a donc pas seulement fait un livre plein d’élégance et d’intérêt, il a donné un bon exemple. […] Sandeau a su rajeunir le type de Marianna par des détails pleins de fraîcheur. […] Sandeau plusieurs chapitres pleins de grâce et d’élégance. […] À cet égard, le poète avait pleine liberté et ne relevait que de sa fantaisie.
Il existe un autre Auteur de ce nom, de l’Académie des Sciences & de l’Institut de Bologne, à qui le Public doit une Histoire de l’Astronomie ancienne, depuis son origine, jusqu’à l’établissement de l’Ecole d’Alexandrie ; Ouvrage systématique, mais qui annonce un esprit profond, un Dialecticien habile, & un Ecrivain très-exercé & plein de goût. […] Ses Lettres sur l’Atlantide de Platon & sur l’ancienne Histoire de l’Asie, pour servir de suite à l’Ouvrage précédent, ne lui cedent en rien du côté du style, qui en est vif, animé, rapide, & plein de chaleur ; mais quelquefois défiguré par une affectation d’esprit qui approche du précieux.
Duclos nous a laissé des commencements de Mémoires de sa vie, qui sont pleins d’intérêt. […] Duclos, qui ne songe qu’au plaisir, qui a fréquenté les salles d’armes, et qui est plein de vigueur corporelle, ne demanderait pas mieux que d’entrer au service et de devenir militaire ; il pourrait avoir une lieutenance dans le régiment de Piémont. […] Les romans de Duclos sont pleins de ces indélicatesses de sensibilité. […] Faut-il y reconnaître une pleine et entière sincérité ? […] Toutes ces remarques faites au milieu du siècle, dans la pleine vogue des gens de lettres et avant toute expérience, témoignent de bien du sens.
Il était délégué commissaire pour l’exécution de la convention de Königsberg, commissaire encore pour l’exécution du traité de Tilsitt (1807), chargé de pleins pouvoirs pour régler, de concert avec M. […] Les décrets de l’Empereur par lesquels il lui conférait ces hautes missions sont conçus en des termes qui sont de beaux titres de noblesse : « Prenant entière confiance dans le zèle et la fidélité à notre service du sieur Daru, membre de notre Conseil d’État…, lui donnons plein et absolu pouvoir… ; promettant d’approuver tous les actes qu’il aura passés…, de regarder comme valides et irrévocables toutes les opérations qu’il aura terminées, etc. » (Décret d’Erfurt du 11 octobre 1808, et aussi celui de Dresde du 22 juillet 1807.) […] Daru fit à son sujet un excellent discours, plein de sens et de nuances : il y appréciait « les plans sages, la gaieté douce, le dialogue naturel, la versification pleine de grâce » de celui qu’on aurait pu indulgemment appeler un demi-Térence, de même qu’on avait dit de Térence que c’était un demi-Ménandre. […] Daru lui fit une réponse moins brève, pleine de bonté, de sens et d’élévation, qui serait applicable encore aux plaintes et aux révoltes de bien des Gilbert et des Chatterton modernes : Puisque vous me le permettez, lui écrivait-il de Königsberg (24 juillet 1807), nous allons causer de vos affaires. […] Daru pour qui il avait la plus grande estime, différait de lui par plus d’un point essentiel : il était plus réellement poète, et il se montrait tel dans ses vers trop rares, surtout dans sa conversation pleine de feu et dans toute sa personne : il avait de l’imagination en causant, et de la paresse dans le cabinet.
Le Journal de son voyage, publié très tard pour la première fois, en 1774, n’a rien de curieux littérairement ; mais moralement, et pour la connaissance de l’homme, il est plein d’intérêt, C’est un simple récit, en partie dicté, et de l’écriture d’un secrétaire, en partie de la main de Montaigne, et dont une portion considérable, plus d’un tiers, est même écrite par lui en italien, pour s’y exercer et s’y entretenir. […] Ce seigneur raconta à Montaigne que ce changement lui était venu en un instant, un jour qu’il était chez lui plein d’ennui pour la mort d’un sien frère que le duc d’Albe avait fait mourir comme complice des comtes d’Egmont et de Homes : il tenait sa tête appuyée sur la main à cet endroit ; de façon que les assistants pensèrent, quand il eut retiré sa main, que c’était de la farine qui lui était tombée là par hasard. […] A peu de distance de là, il admire fort le paysage : « Ce vallon semblait à M. de Montaigne représenter le plus agréable paysage qu’il eût jamais vu ; tantôt se resserrant, les montagnes venant à se presser, et puis s’élargissant à cette heure de notre côté, qui étions à main gauche de la rivière, et gagnant du pays à cultiver et à labourer dans la pente même des monts qui n’étaient pas Ri droits, tantôt de l’autre part ; et puis découvrant des plaines à deux ou trois étages l’une sur l’autre, et tout plein de belles maisons de gentilshommes et des églises. […] Tout se voit rempli de clochers et de villages bien haut dans la montagne ; et près de la ville, plusieurs belles maisons très plaisamment bâties et assises. — M. de Montaigne disait : « Qu’il s’était toute sa vie méfié du jugement d’autrui sur le discours des commodités des pays étrangers, chacun ne sachant goûter que selon l’ordonnance de sa coutume et de l’usage de son village, et avoir fait fort peu d’état des avertissements que les voyageurs lui donnaient : mais en ce lieu, il s’émerveillait encore plus de leur bêtise, ayant, et notamment en ce voyagé, ouï dire que l’entre-deux des Alpes en cet endroit était plein de difficultés, les mœurs des hommes étranges, chemins inaccessibles, logis sauvages, l’air insupportable. […] Ce n’est plus l’humeur voyageuse qui s’égaye et qui se joue en mille désirs de courses errantes et vagabondes, ce n’est plus la curiosité jeune et dans sa légère ivresse, c’est le sentiment historique profond, qui se prononce et se déclare, c’est une admiration pleine de deuil pour la plus grande cité qu’ait portée la terre et qu’elle a presque tout engloutie.
La vie n’est qu’une ombre qui marche ; un pauvre comédien qui piaffe et trépigne, son heure durant, sur ses tréteaux, et puis on n’en entend plus parler ; c’est un conte raconté par un idiot, plein de bruit et de fracas, qui ne signifie rien ! » Quelques jours auparavant, j’avais vu au Théâtre-Français Athalie : — Macbeth et Athalie, deux grands vaisseaux désemparés, sans grands acteurs, sans amiral et sans pilote ; mais, des deux, Macbeth est encore celui qui se gouverne le mieux tout seul et par l’infernale diablerie qui l’anime, celui qui, dans le désarroi, se souffle le mieux à lui-même le vent à pleines voiles et les tempêtes. Puis je me suis mis à songer, non sans tristesse, à ce qu’il a fallu d’efforts, de bégayements, pour amener et rendre possible sur notre scène cette reproduction à peu près fidèle ; je repassais dans mon esprit et ces anciens combats et ces discussions si animées, si ferventes, dont rien ne peut rendre l’idée aujourd’hui ; ces-études graduelles qui faisaient l’éducation de la jeunesse lettrée, et par où l’on se flattait de marcher bientôt à une pleine et originale conquête ; je me redisais les noms de ces anciens critiques si méritants, si modestes et presque oubliés, de ces précepteurs du public qui, tandis que les brillants Villemain plaidaient de leur côté dans leur chaire, eux, expliquaient dans leurs articles et serraient de près leur auteur, le commentaient, pied à pied avec détail ; les Desclozeaux, les Magnin nous parlant dans le Globe, dès 1826 ou 1828, de ces pièces admirables dont bientôt nous pûmes juger nous-mêmes sous l’impression du jeu de Kean, de Macready, de miss Smithson, et nous en parlant si bien, dans une note si juste, si précise à la fois et si sentie. […] Ducis, avec qui il avait quelque parenté de talent et d’origine, a dit dans un portrait qu’il a donné de lui : « Il aimait passionnément Molière, Montaigne et Shakespeare ; il y trouvait ce fonds immense de naturel, de raison, de force, de grâce, de variété, de profondeur et de naïveté qui caractérise ces grands hommes ; aussi, était-il né avec un sens exquis et une âme excellente : c’était tout naturellement qu’il voyait juste, comme c’était tout bonnement qu’il était bon. » On est sous Louis XVI, aux premières et belles années, sous un jeune roi plein de mœurs et de bon sens. […] Ducis est sur le point de lire son OEdipe aux comédiens (février 1775) et il n’attend pour cela que le Carême : « Me voilà toujours ici, en attendant que la cendre du saint mercredi qui s’approche fasse tomber toute cette fureur de fêtes et de danses qui tournent les têtes : on ne pourrait pas entendre mon Œdipe avec des oreilles pleines du bruit des orchestres et du tumulte des bals. » Cependant, déjà revenu de la Grèce à ses dieux du Nord et à Shakespeare, il a choisi Macbeth pour sujet de pièce nouvelle : « Tout le monde me gronde ici, mon cher ami, écrit-il de Versailles à Delevre, à cause du genre terrible que j’ai adopté.
Aussi les bibliothèques sont-elles pleines d’histoires médiocres, triviales, sans génie, sans philosophie, sans politique, sans couleur, sans pathétique, sans moralité, écrites par des annalistes de tous les pays ; enregistreurs de dates, de nomenclatures, de faits, ils tiennent la chronologie du monde, l’état civil des nations. […] Il faut qu’il soit moraliste, sinon de cœur, au moins d’esprit : car, s’il caresse les perversités dont l’histoire est pleine, s’il donne toujours raison à la fortune, s’il exalte le vainqueur coupable et qu’il écrase le vaincu innocent, s’il foule aux pieds les victimes, s’il ajoute la sanction de sa propre immoralité et l’autorité de son amnistie à tous les scandales d’iniquité qui attristent les annales des peuples, l’historien n’est plus un juge ; c’est un complice abject ou intéressé de la fortune, qui montre sans cesse le droit violé par la force, et la vertu déjouée par le succès. […] V Il faut que l’historien soit homme d’État : car l’histoire est pleine de politique, et s’il n’a pas l’intelligence de la politique, cette bonne conduite de la vie appliquée en grand aux nations, aux sociétés, aux empires, il écrira au hasard des récits pleins d’ignorance, de contresens et de non-sens. […] Écoutons Tacite, c’est ainsi qu’il commence son premier livre : XI « J’entreprends une œuvre riche en vicissitudes, atroce en batailles, déchirée en séditions, sinistre même dans la paix : « Quatre empereurs tranchés successivement par le glaive, trois guerres civiles, plusieurs guerres extérieures, quelques autres tout à la fois civiles et étrangères ; « Nos armes, prospères en Orient, malheureuses en Occident ; l’Illyrie troublée, les Gaules mobiles, la Grande-Bretagne conquise et perdue presque au même moment ; les races suèves et sarmates se ruant contre nous ; les Daces illustrés par des défaites et par des victoires alternatives ; l’Italie elle-même affligée de calamités nouvelles ou renouvelées des calamités déjà éprouvées par elle dans la série des siècles précédents ; des villes englouties ou secouées par les tremblements de terre sur les confins de la fertile Campanie ; Rome dévastée par les flammes ; nos plus anciens temples consumés ; le Capitole lui-même incendié par la main de ses concitoyens ; nos saintes cérémonies profanées ; des adultères souillant nos plus grandes familles ; les îles de la mer pleines d’exilés ; ses écueils ensanglantés de meurtres ; des atrocités plus sanguinaires encore dans le sein de nos villes ; noblesse, dignités, acceptées ou refusées, imputées à crime ; le supplice devenu le prix inévitable de toute vertu ; l’émulation entre les délateurs, non-seulement pour le prix, mais pour l’horreur de leurs forfaits ; ceux-ci revêtus comme dépouilles des consulats et des sacerdoces, ceux-là de l’administration et de la puissance de l’État dans les provinces, afin qu’elles supportassent tout de leur violence et de leur rapacité ; les esclaves corrompus contre leurs maîtres, les affranchis contre leurs patrons, et ceux à qui il manquait des ennemis pour les perdre, perdus par la trahison de leurs amis. » XII « Toutefois le siècle n’est pas assez tari de toute vertu pour ne pas fournir encore de grands exemples : « Des mères accompagnant leurs fils poursuivis, dans leur fuite ; des femmes s’exilant volontairement avec leurs maris ; des proches courageux ; des gendres dévoués ; la fidélité des serviteurs résistant même aux tortures ; des hommes illustres bravant les dernières extrémités de l’infortune ; l’indigence elle-même héroïquement supportée ; des sorties volontaires de la vie comparables aux morts les plus louées de nos ancêtres. […] Puissant en influence et en séduction sur ses subordonnés, sur ses proches, sur ses collègues ; homme à qui il était plus facile de décerner l’empire par son crédit que de l’obtenir pour lui-même. » En Judée, Vespasien et son fils Titus commandaient trois légions ; ils étaient pleins de déférence pour Mucien, leur collègue le plus rapproché, et se concertaient entièrement avec lui.
Ces sortes d’autopsies morales ne se font pas sur une tombe récente, surtout quand celui qui y est entré était plein de force, de fécondité, d’avenir, et semblait encore si plein d’œuvres et de jours. […] À cette distance, la portion légèrement fantastique qui s’y mêle à la réalité, et qui de près en compromettait le plein succès auprès des esprits difficiles, disparaissait ou même n’était qu’un attrait de plus. […] Villemain, bien jeune encore, lisait à Sieyès son Éloge de Montaigne, ce charmant éloge, le premier qu’il ait composé, et si plein de légèreté et de fraîcheur. […] Il venait, il causait avec vous ; lui, si enivré de son œuvre, et, en apparence, si plein de lui-même, il savait interroger à son profit, il savait écouter ; mais, même quand il n’avait pas écouté, quand il semblait n’avoir vu que lui et son idée, il sortait ayant emporté de là, ayant absorbé tout ce qu’il voulait savoir, et il vous étonnait plus tard à le décrire. […] La puissance propre à M. de Balzac a besoin d’être définie : c’était celle d’une nature riche, copieuse, opulente, pleine d’idées, de types et d’inventions, qui récidive sans cesse et n’est jamais lasse ; c’était cette puissance-là qu’il possédait et non l’autre puissance, qui est sans doute la plus vraie, celle qui domine et régit une œuvre, et qui fait que l’artiste y reste supérieur comme à sa création.
Il a cultivé les Arts, l’Erudition, les Lettres, & l’on peut ajouter que ce n’est pas sans succès : dans chacune des parties où il s’est exercé, il s’est montré plein de sagacité, de discernement, & de goût. […] Le style de celui-ci est aisé, nombreux, plein de goût, propre enfin à servir de modele ou de condamnation à certains Aristarques qui s’érigent en Censeurs des Productions d’autrui, sans s’apercevoir que rien n’est d’abord plus digne de censure que leurs propres Productions.
Plusieurs Critiques respectables & éclairés nous ont reproché d’avoir traité avec trop d’indulgence ses Mélanges de Littérature : de n’avoir pas assez insisté sur les défauts de sa métaphysique souvent obscure, imperceptible, entortillée ; sur les inégalités de son style, tantôt foible, tantôt plein de morgue, & presque toujours froid & bourgeois ; de n’avoir pas mis sous les yeux du Lecteur le contraste qui résulte de la médiocrité de ses productions, & du ton de mépris qu’il affecte, dans toutes les occasions, pour ce qu’il appelle le bas peuple des Poëtes, des Orateurs, des Historiens. […] Ceux de la Mothe Houdart, les plus pleins de pensées, sont précisément ceux qu’on lit avec le moins de plaisir ; les vers de S. […] Plein de souplesse & de modération, il présente ses pensées dans un jour ménagé, qui écarte de lui le blâme de l’excès, autant que le soupçon d’un zele trop vif.
Sa réponse, digne d’une tribu fétichiste gouvernée par un astrologue, fut qu’une antique coutume lui défendait d’entrer en campagne avant la pleine lune ; or on était au dernier quartier. Sparte promit de marcher, mais dans cinq jours seulement, lorsque l’astre serait reparu dans son plein. […] La pleine lune étant enfin venue, la lourde armée de Lacédémone s’ébranla et se mit en marche.
Marc Lafargue gâte ainsi un certain nombre d’effets pleins de charme. […] Yves Berthou Ses vers sont à la fois pleins de couleur et d’émotion.
Le naturel & la délicatesse font l’agrément du petit Recueil de ses Poésies ; elles consistent en Chansons mises en musique par Couperin, en Madrigaux pleins de finesse, & en Epigrammes pleines d’enjouement & de sel.
À la vérité il est plus instruit que Commines, et néanmoins le vieux seigneur gaulois, avec l’Évangile, et sa foi dans les ermites, a laissé, tout ignorant qu’il était, des mémoires pleins d’enseignement. […] Les premiers volumes de l’Histoire ancienne respirent le génie de l’antiquité : la narration du vertueux recteur est pleine, simple et tranquille ; et le christianisme, attendrissant sa plume, lui a donné quelque chose qui remue les entrailles.
Deuxième contredanse L’humoriste, plein d’indifférence à l’égard des sottises individuelles127, se dresse sur la roche tarpéienne d’où sa pensée précipite l’humanité tout entière128 Devant son regard bienveillant et triste il n’y a pas de sots, mais l’homme est sot ; il n’y a pas de folies particulières, mais la folie est universelle. […] Le démolisseur humoriste doit savoir danser sur la tête au milieu des ruines qu’il entasse ; il doit savoir rêver eu pleine veille, tournoyer à jeun comme s’il était ivre, paraître toujours pris de vertige, écrire en tenant sa plume à l’envers, effacer à mesure chaque trait de son dessin sous l’enchevêtrement des arabesques, jeter la préface au milieu, les réflexions dans le drame, les bêtises dans les réflexions, et l’épilogue avant le titre ; il doit unir Héraclite et Démocrite, et faire le Solon eu démence, pour pouvoir dire au monde la vérité qui rebute, quand elle est servie seule, mais qui s’avale avec le reste dans une olla-putrida 149. […] Nous avons remplacé par cette métaphore équivalent celle que voici, qui nous paraît moins claire : Le satirique ordinaire attache quelques bévues ou quelques fautes de goût sur son pilori, pour leur jeter, au lieu d’œufs pourris, quelques saillies pleines de sel… Mais le thyrse de l’humoriste n’est ni un bâton de chef d’orchestre, ni un fouet, et ses coups tombent au hasard. […] L’humoriste est plein de sentiment.
La plûpart sont pleins de traits d’histoire, de pensées de philosophes, d’imaginations poétiques & fabuleuses. […] S’il est plein de figures, on sent bien qu’il n’en a recherché aucune. […] Le Pere Perussault avoit de l’ame ; aussi est-il plein de chaleur. […] Ce fameux Orateur étoit plein de raison, quoique né d’une mere qui en avoit été privée pendant plusieurs années. […] Cet heureux défaut qui caractérise le vrai talent de l’élocution, est au reste bien compensé par un ton de philosophie, par des réfléxions pleines de chaleur, par des réfléxions pleines de chaleur, par quelques vérités courageuses, & par des traits mâles qui paroissent avoir plu généralement.
Je sais des hommes d’étude et de lecture approfondie qui placent Fleury très haut, plus haut qu’on n’est accoutumé à le faire aujourd’hui, qui le mettent en tête du second 265 rang ; ils disent « que ce n’est sans doute qu’un écrivain estimable et du second ordre, mais que c’est un esprit de première qualité ; que ses Mœurs des israélites et des chrétiens sont un livre à peu près classique ; que son Traité du choix et de la méthode des études, dans un cadre resserré, est plein de vues originales, et très supérieur en cela à l’ouvrage plus volumineux de Rollin ; que son Histoire du droit français, son traité du Droit public de France, renferment tout ce qu’on sait de certain sur les origines féodales, et à peu près tout ce qu’il y a de vrai dans certains chapitres des plus célèbres historiens modernes, qui n’y ont mis en sus que leurs systèmes et se sont bien gardés de le citer ; que Fleury est un des écrivains français qui ont le mieux connu le Moyen Âge, bien que peut être, par amour de l’Antiquité, il l’ait un peu trop déprécié ; que cet ensemble d’écrits marqués au coin du bon sens et où tout est bien distribué, bien présenté, d’un style pur et irréprochable, sans une trace de mauvais goût, sans un seul paradoxe, atteste bien aussi la supériorité de celui qui les a conçus. » Pour moi, c’est plutôt la preuve d’un esprit très sain. […] La grande réputation de ce prédicateur après son premier carême à Paris lui mérita de passer de plein saut de la chaire des pères de l’Oratoire de la rue Saint-Honoré à celle du château de Versailles. […] Ayant entendu le 8 décembre 1700, jour de la Conception, le sermon du père Maure de l’Oratoire prêché aux Récollets de Versailles, « notre prélat en a loué, dit Le Dieu, la pureté du style, la netteté, les tours insinuants et pleins d’esprit ; mais il n’y a trouvé ni sublimité ni force ; il le tient même au-dessous de son confrère le père Massillon. » Mais ce n’est pas un jugement définitif, et l’on voit que, le vendredi 4 mars 1701, « il entendit à Versailles le sermon de la samaritaine prêché par le père Massillon, dont il fut très content. » Toutefois, il reste vrai pour nous que Bossuet et Massillon ne sont pas tout à fait de la même école d’éloquence sacrée, Bossuet étant de ceux qui y veulent à chaque instant la parole vive, et Massillon au contraire disant, quand on lui demandait quel était son meilleur sermon : « Mon meilleur sermon est celui que je sais le mieux. » Les jugements de Bossuet sur Fénelon sont encore plus sévères, et ils sont décidément injustes. […] L’opulence de sa maison est pour la grande place qu’il remplit et pour des bienséances d’état ; ce sont des dehors qui l’environnent ; mais, dans sa personne, tout est simple et modeste comme auparavant ; ses manières même et ses discours sont, comme autrefois, pleins d’affabilité ; c’est, en effet, la même personne que j’ai eu l’honneur de pratiquer à Germigny, il y a dix-sept ou dix-huit ans et plus… Jugez si je suis content de mon voyage ! […] Bossuet croit à la religion de toute son intelligence et de tout son cœur, et dans le cours de cette vie si pleine on ne voit pas d’interstice par où le doute se soit jamais introduit.
Plus d’une fois, quand les génies régnants, trop généreux, brassaient autour de nous leur poésie à pleine cuve, lui, avec dédain et en silence, sortait, emportant toute la sienne dans sa bague. […] En cette arène épique, de quelque façon qu’il se la trace, nous voudrions le voir prendre fréquemment et couramment tout son champ, le voir s’accorder tout entrain et pleine ouverture126. […] A ce second temps, à cette seconde saison, il a gardé encore de la fraîcheur et de la facilité des inspirations premières ; mais elles ont acquis plus de développement, de fermeté, la pleine maturité déjà : c’est le lucide moment, la nuance épanouie. […] Des forêts à la mer poursuivez votre quête ; Qu’on redise après vous les Conscrits de Plô-Meûr : Ne chantez pas à pleine tête, Faites pleurer les yeux et soupirer le cœur. […] Sa poésie est ainsi toute pleine de bons sentiments qu’il propose, d’idées et de visées qui ennoblissent, d’images qui observent l’austère beauté.
En partant pour Troie, Agamemnon avait confié Clytemnestre à un aëde vénérable, prêtre des Muses, plein de paroles sacrées et de chants sublimes. […] Mais cette femme pleine d’affreuses pensées couvrira de sa honte toutes les autres femmes, et même celles qui auront la sagesse en partage. […] Le Chœur poursuit son chant morose, plein de paroles malsonnantes qui détonnent sur la joie prescrite. — Que de morts a coûté cette guerre meurtrière ! […] Des urnes pleines de cendres au lieu d’hommes ! […] Elle y voit ce qui s’y est fait, ce qui va s’y faire : les enfants de Thyeste reparaissent « tenant à pleines mains leurs entrailles brûlées, leurs chairs déchirées ».
De l’élévation dans les sentimens, de la force dans les pensées, de l’harmonie quelquefois imitative dans l’expression, une coupe de vers originale, pleine d’aisance & de variété, étoient d’heureux présages pour le succès de sa Muse naissante. Les Littérateurs les moins portés à lui rendre justice n’ont pu s’empêcher de reconnoître dans l’Ode sur le Jugement dernier, dans la Satire du dix-huitieme siecle, & dans celle que l’Auteur a intitulée Mon Apologie, un excellent ton de versification, des images grandes & sublimes, des pensées courageuses, des tableaux pleins de feu & d’énergie, & un grand nombre de vers que les meilleurs Poëtes du siecle dernier n’auroient pas désavoués.
Marie Dauguet, dans ses Pastorales, a renversé cette valeur sentimentale et a voulu redonner à la nature son véritable aspect : la voici devant elle, comme un jeune dieu plein de vie et de santé. […] Ô grands blés pleins de vie où je suis enfouie, Perdue en vos soupirs, vos spasmes, votre joie. […] C’est tout cela qu’elle voudrait revivre, en un soir d’amour, quand le bien-aimé aura franchi le seuil de sa demeure pleine de fantômes romantiques. […] Elle s’adresse à Schéhérazade « au teint de lune », Si pure et pleine de péché, Sœur de toutes et de chacune. […] Et tandis qu’elle regarde les yeux de son enfant encore pleins de son ombre, elle se trouve « petite et l’âme retombée ».
C’était dans l’été de l’année 1844, une de ces années pleines et triples de ma vie, où les hivers étaient remplis par la politique et la tribune, les printemps par la poésie et l’agriculture, les automnes par des voyages, beaux coups d’aile vers l’Orient, vers les Pyrénées, vers les Alpes, vers les îles de Naples, vers l’Adriatique et vers Venise. […] L’un de ces artistes était le jeune Allemand Liszt, ce Beethoven du piano, pour qui la plume du premier Beethoven était trop lente, et qui jetait à plein doigté ses symphonies irréfléchies et surnaturelles au vent, comme un ciel des nuits sereines d’été jette ses éclairs d’électricité sans les avoir recueillis dans la moindre nuée. […] XXII Laprade feuilleta encore à haute voix sa mémoire ; il nous récita quelques fragments de ses poèmes évangéliques, qui s’épanchaient déjà goutte à goutte de son cœur trop plein. […] Lisez seulement ces vers, pleins des mêmes parfums dont Madeleine brisait le vase aux pieds de son Sauveur : Dans l’urne aux blancs contours que de fleurs ont pleuré Pour l’emplir jusqu’au bord d’un encens épuré ! […] que tout soit pour lui : donnez, ô Madeleine, Versez, sur ses pieds nus, votre âme toute pleine ; Versez le fond du vase et les parfums cachés, Les regrets, les espoirs, tout, jusqu’à vos péchés !
Trois fois la salle a été pleine d’amis ; la quatrième ou la cinquième fois le public a tant sifflé vers la fin qu’on a fait baisser la toile. […] La Préface, comme toutes les Préfaces de Hugo, surpasse la pièce : les premières pages sur l’antique Thessalie mythologique sont pleines de talent.
Quand il veut tirer parti de ses talens, son style est naturel, vif, agréable, plein de force comique, & son Dialogue plein d’adresse & de légéreté.
Diderot parle d’un jeune paysagiste, Loutherbourg, qui débute par des compositions champêtres, pleines de fraîcheur : « Courage, jeune homme ! […] Diderot sème à profusion les mille germes d’idées dont il est plein. […] Ce style, en ses passages les plus rapides, est savant, nombreux, plein de ces effets d’harmonie qui correspondent aux nuances les plus secrètes du sentiment et de la pensée. Il est plein de reflets de nature et de verdure ; il en offre même infiniment plus que le style de Buffon et celui de Jean-Jacques. […] Goethe, toujours plein d’une conception et d’une ordonnance supérieures, a essayé d’y trouver un dessin, une composition, une moralité : j’avoue qu’il m’est difficile d’y saisir cette élévation de but et ce lien.
Dans ce paradis terrestre, que les grandes révolutions de l’histoire avaient jusque-là peu atteint, vivait une population en parfaite harmonie avec le pays lui-même, active, honnête, pleine d’un sentiment gai et tendre de la vie. […] Ils étaient pleins de feu et de passion. […] Le caractère de ce dernier, droit, sincère, plein de premier mouvement, plaisait à Jésus, qui parfois se laissait aller à sourire de ses façons décidées. […] Jésus le reprenait d’une façon amicale, pleine de confiance et d’estime.
Il se tient si loin de la forge aux réputations, il fait si peu antichambre dans les boutiques où nous brassons la renommée ; moitié aigle et moitié colombe, c’est un esprit si haut et si chaste dans la solitude de sa province, qu’on est obligé de rappeler qu’à vingt-trois ans il achevait son ouvrage de L’Unité spirituelle, trois volumes, étonnants d’aperçus, malgré leurs erreurs, et qui donnaient du moins la puissance de jet et le plein cintre de cet esprit qui s’élançait, et que plus tard il s’élevait d’un adorable Traité de la douleur, jusqu’à cette Restauration française, l’ouvrage le plus fort d’idées qu’on ait écrit sur notre époque. […] Saint-Bonnet a ajouté la vigueur de l’idée chrétienne aux forces vives de son esprit ; et c’est ainsi qu’il est arrivé, non à la vérité par éclairs, mais au plein jour de la vérité. […] Alors seulement on comprendra le magnifique titre qui surprend d’abord : De l’affaiblissement de la Raison en Europe, donné à une brochure sur la question des classiques ; et ce titre, si plein de choses, sera complètement justifié. […] Daniel, le Rollin de la Compagnie de Jésus, qui nous donne aujourd’hui un nouveau Traité des études, plein de renseignement et de lumière.
Ces messieurs du protocole y songent, tandis que de bonnes âmes proposent qu’en révérence de tant d’amis couronnés, nous grattions les murs de nos monuments et l’Arc de Triomphe, pour en déloger quelques inscriptions suspectes et nous adjurent de voiler la nudité indécente du groupe de Rude que d’honnêtes et pieux regards ne sauraient contempler sans rougir… On sent bien à toutes ces controverses dont les journaux de l’époque sont pleins que nos dirigeants nous ont amenés à un point culminant de notre histoire. […] Je n’en éprouve pas moins une sorte de stupeur à feuilleter les journaux du temps, pleins de futiles commérages, de faux scandales, de potins d’alcôves et de coulisses comme je le fais en ce moment, dans l’angoisse de l’invasion, tandis que le monde s’écroule, que la grosse Bertha fait rage et que de quart d’heure en quart d’heure, toutes mes vitres tremblent au bruit des détonations. […] il a déjeuné avec le duc, ce matin, riposta Léonide Leblanc, à pleine voix, au milieu de la foule attentive, eh !
Qu’on se figure en effet une poésie véritablement florissante, la moisson abondante et variée des Lyriques, des Élégiaques grecs, cette richesse où puisaient à pleines mains les fils et les héritiers des muses au sortir de l’âge de Solon, à l’entrée de celui de Périclès ; et nous, au contraire, à l’entrée de notre plus beau siècle, réduits, comme ici, à noter çà et là, à souligner quelques beaux vers, à glaner quelques fleurs heureuses et comme de hasard, dans une terre redevenue maigre et pleine de ronces. […] Ce plan lui eût fourni un poème grand, noble, varié, plein d’âme et d’intérêt, et plus flatteur pour une jeune princesse, surtout s’il eût su lui parler de sa beauté moins longuement et d’une manière plus simple, plus vraie, plus naïve qu’il ne l’a fait. […] André Chénier, qui admire ce tableau de la paix, plein et achevé, renvoie à cet autre tableau qu’en a tracé Tibulle, d’une couleur moins forte, également vrai et parfait dans son genre : Interea Pax arva colat. […] Le bon sens du fond n’en souffre pas ; nous n’avons qu’à y puiser à pleines mains : « Il n’y a pas longtemps que nous avons eu des ministres qui avaient du nom dans le monde. […] On voit frissonner la draperie entremêlée à l’acier. — Les Anciens en sont pleins, de ces vers pittoresques de son ou de lumière ; les langues alors étaient plus jeunes et voisines des sensations.
Ses Lettres sont une nouvelle preuve du peu de naturel qu’il mettoit dans ses Productions, ou, pour mieux dire, il y est toujours Bel-Esprit, Ecrivain élégant, mais homme trop plein de lui-même, ne craignant pas d’ennuyer ses amis par la jactance perpétuelle de son mérite, ni le Public, qu’il avoit vraisemblablement en vue, en écrivant à des particuliers. […] Bouhours cite souvent, avec éloge, quelques morceaux des Placets qu’il adressoit au Roi pour obtenir la fin de sa disgrace : ces morceaux sont éloquens, pleins de pensées délicates & bien exprimées, sans intéresser toutefois le sentiment, quoiqu’ils aient l’appareil du sentiment.
M. de Montalembert continue par ses excès oratoires de compromettre une cause qui avait été habilement et vertement reprise en main par le comte Arthur Beugnot dans un discours plein de talent et tout politique. Vous aurez par les journaux la clôture de cette discussion générale (à la Chambre des pairs) qui aura été pleine de lumières, de talent, de maturité (M. de Montalembert à part) et qui a vivement excité l’intérêt public.
Granet est un maladroit plein de sentiment, et l’on se dit devant ses tableaux : « Quelle simplicité de moyens et pourtant quel effet ! […] Il savait colorer la pierre lithographique ; tous ses dessins étaient pleins de charmes, distingués, et respiraient je ne sais quelle rêverie amène. […] La couleur en est roussâtre comme un vilain temps plein de poussière. […] Depuis lors, il est resté dans la classe secondaire des hommes qui peignent bien et ont des cartons pleins de motifs tout prêts. […] Jacque sur le cuivre est plein d’une liberté et d’une franchise qui rappelle les vieux maîtres.
Quel curieux spectacle, plein de brillante et équivoque poésie ! […] Ses manières sont froides, franches et discrètes, souvent aussi pleines de laisser-aller et de sans-façon. […] Comme tout cet intérieur bourgeois décrit par Goethe est plein d’idéal ! […] D’une nature qui pouvait être facilement discordante, il fit une nature harmonieuse et pleine d’équilibre. […] Le monde est plein de fantômes et d’apparitions qui passent auprès de nous sans attirer notre attention.
Il semble alors qu’une noble et sainte alliance se forme entre cinq jeunes hommes, pleins de foi et de vaillance. — “Moi, je couvrirai ces toiles, ces murailles de mes peintures vivantes : graveur, prépare ton burin et répands mon œuvre dans le monde entier.” — “Je ferai respirer l’argile, dit le statuaire, et le marbre tremblera devant moi, comme il tremblait devant le Puget.” — “Moi, je saurai créer des mélodies sublimes, et mes chants inspirés se marieront aux belles harmonies de l’orchestre obéissant.” — L’architecte prend la parole et dit : “Moi, je construirai le temple où vivront tes peintures, où respireront tes statues ; je bâtirai le théâtre immense où frémira le public sous l’empire de tes chants ! […] Parlez pleins de joie, jeunes soldats de l’Art ! […] Henri Delaborde, et pour cinquième compagnon, Ampère, qui, accomplissant son Voyage dantesque s’y était rencontré avec eux : « On eut alors ce spectacle vraiment digne d’intérêt, de cinq jeunes hommes habitués à l’élégance de la vie parisienne, exilés de leur plein gré dans cette pauvreté, et vivant de la dure existence des anachorètes qui leur donnaient l’hospitalité. […] Halévy, dans une de ses Notices et sous le couvert d’un autre nom d’artiste, a laissé échapper quelque chose de sa douleur personnelle et de son secret : « Il y a, dit-il à propos de l’organiste Frohberger, il y a des artistes d’un caractère heureux, pour qui le souvenir des succès d’autrefois est si plein de douceur, qu’ils ne s’en séparent jamais, et qu’ils trouvent dans ce souvenir, quelque ancien qu’il soit, du bonheur pour toute leur vie. […] Ils voudraient ressusciter des fantômes, rendre la vie à des ombres, et le souvenir des triomphes qui ne sont plus est pour eux si amer et si plein de regrets, qu’il semble les poursuivre comme un remords.
Exception encore pour Victor Hugo, dont la Légende des Siècles, malgré les faiblesses dans l’unité, montre ce souci également, — chez ce génie divinateur si plein d’intermittents souffles d’avenir qu’il ne sut formuler. Cette poésie de sensation et de hasard a eu sa gloire pleine en ce siècle — et en d’autres âges et d’autres langues elle ne se délivra pas de cette étreinte primitive, si nous mettons à part le poète latin Lucrèce. […] Cette poésie a eu sa gloire pleine en ce siècle — avec Musset, le plus instinctif et le plus faible de tous, et avec Lamartine, Hugo, Banville, tous les purs et ruisselants romantiques enfin, par qui elle a triomphé au délire suprême, à la mort. […] Le Geste plein. — IV. […] Ces valeurs multipliées faisant les mesures pleines et eurythmiques, et additionnées les dissonnantes : et, tandis que selon que le demande la pensée ces mesures vont à travers la phrase, le retour de la cadence malgré tout demeurante, de l’alexandrin, donne une mesure comme d’accompagnement.
. — En avançant vers l’est, vous rencontrez la grasse Flandre, antique nourrice de la vie corporelle, ses plaines immenses toutes regorgeantes d’une abondance grossière, ses prairies peuplées de troupeaux couchés qui ruminent, ses larges fleuves qui tournoient paisiblement à pleins bords sous les bateaux chargés, ses nuages noirâtres tachés de blancheurs éclatantes qui abattent incessamment leurs averses sur la verdure, son ciel changeant, plein de violents contrastes, et qui répand une beauté poétique sur sa lourde fécondité. — Au sortir de ce grand potager, le Rhin apparaît, et l’on remonte vers la France. […] Nous parlons d’une intime transfusion, grâce à laquelle les forces que la nature a dirigées vers des opérations différentes seraient employées à une même fin. » Ces rêves, ces imaginations nous paraissent aujourd’hui monstrueuses, peut-être parce qu’elles sont monstrueuses en effet, surtout parce que les sciences naturelles ont depuis continué à marcher, et parce que de toutes parts nous avons reçu de la réalité de rudes avertissements ; nul aujourd’hui, de tous les historiens modernes, et de tous les savants, ne les endosserait ; et non seulement il n’est personne aujourd’hui qui ne les renie, mais il n’est personne au fond qui n’en veuille à l’ancien d’avoir aussi honteusement montré sa pensée de derrière la tête ; nous au contraire, qui n’avons aucun honneur professionnel engagé dans ce débat, remercions Renan d’avoir, à la fin de sa pleine carrière, à l’âge où l’homme fait son compte et sa caisse et le bilan de sa vie et la liquidation de sa pensée, achevé de nous éclairer sur les lointains arrière-plans de ses rêves ; par lui, en lui nous pouvons saisir enfin toute l’orientation de la pensée moderne, son désir secret, son rêve occulte. […] Mais, je le répète, la supériorité intellectuelle entraîne la supériorité religieuse ; ces futurs maîtres, nous devons les rêver comme des incarnations du bien et du vrai ; il y aurait joie à se subordonner à eux. » J’arrête ici ma citation, parce qu’il est très long de copier, et parce qu’ici, comme dans l’Avenir de la science, il faudrait tout citer, tant tout est plein : curieux, inquiétant, nouveau, passionnant ; pourtant il faut que je recommence : « L’univers serait ainsi consommé en un seul être organisé, dans l’infini duquel se résumeraient des décillions de décillions de vies, passées et présentes à la fois. » Or il est évident qu’un tel résumé ne pourrait s’obtenir que par une totalisation de la mémoire universelle, donc par une globalisation, par un achèvement, et par un arrêt de l’histoire. […] Nous sommes aujourd’hui moins accommodants que cet Eudoxe ; mais nous sommes moins tranquilles, plus inquiets, plus passionnés que ce Philalèthe ; et c’est justement parce que nous aimons le vrai que nous sommes plus passionnés ; je n’ai point voulu arrêter par des réflexions ou par des commentaires un texte aussi exubérant, aussi plein, aussi fervent ; je me rends bien compte qu’un texte aussi plein dépasse de partout ce que nous voulons lui demander aujourd’hui ; que de lui-même il répond à toutes sortes d’immenses questions que nous ne voulons point lui poser aujourd’hui ; et je suis un peu confus de retenir si peu d’un texte aussi vaste ; c’est justement ce que je disais quand je disais que tout le monde moderne est dans Renan ; on ne peut ouvrir du Renan sans qu’il en sorte une immensité de monde moderne ; et si le Pourana de jeunesse était vraiment le Pourana de la jeunesse du monde moderne, le testament de vieillesse est aussi le testament de toute la vieillesse de tout le monde moderne ; je me rends bien compte qu’ayant à traiter toutes les autres immenses questions qu’a soulevées le monde moderne c’est au même texte qu’il nous faudrait remonter encore ; et c’est le même texte qu’il nous faudrait citer encore, tout au long ; nous le citerions, inlassablement : nous l’avons cité aujourd’hui, tout au long, sans l’interrompre, et sans le troubler de commentaires, parce que s’il porte en même temps sur une infinité d’autres immenses questions, il porte aussi, tout entier et à plein, sur la grosse question qui s’est soulevée devant nous ; et sur cette question nous ne l’avons pas interrompu, parce qu’il est décisif, pourvu qu’on l’entende, et sans même qu’on l’interprète ; il est formellement un texte de métaphysique, et j’irai jusqu’à dire qu’il est un texte de théologie. […] Mais, si on l’ouvre pour examiner l’arrangement intérieur de ses organes, on y trouve un ordre aussi compliqué que dans les vastes chênes qui la couvrent de leur ombre ; on la décompose plus aisément ; on la met mieux en expérience ; et l’on peut découvrir en elle les lois générales, selon lesquelles toute plante végète et se soutient. » Je me garderai de mettre un commentaire de détail à ce texte ; il faudrait écrire un volume ; il faudrait mettre, à chacun des mots, plusieurs pages de commentaires, tant le texte est plein et fort ; et encore on serait à cent lieues d’en avoir épuisé la force et la plénitude ; et je ne peux pas tomber moi-même dans une infinité du détail ; d’ailleurs nous retrouverons tous ces textes, et souvent ; c’était l’honneur et la grandeur de ces textes pleins et graves qu’ils débordaient, qu’ils inondaient le commentaire ; c’est l’honneur et la force de ces textes braves et pleins qu’ils bravent le commentaire ; et si nul commentaire n’épuise un texte de Renan, nul commentaire aussi n’assied un texte de Taine ; aujourd’hui, et de cette conclusion, je ne veux indiquer, et en bref, que le sens et la portée, pour l’ensemble et sans entrer dans aucun détail ; à peine ai-je besoin de dire que ce sens, dans Taine, est beaucoup plus grave, étant beaucoup plus net, que n’étaient les anticipations de Renan ; ne nous laissons pas tromper à la modestie professorale ; ne nous laissons d’ailleurs pas soulever à toutes les indignations qui nous montent ; je sais qu’il n’v a pas un mot dans tout ce Taine qui aujourd’hui ne nous soulève d’indignation ; attribuer, limiter Racine au seul dix-septième siècle, enfermer Racine dans le siècle de Louis XIV, quand aujourd’hui, ayant pris toute la reculée nécessaire, nous savons qu’il estime des colonnes de l’humanité éternelle, quelle inintelligence et quelle hérésie, quelle grossièreté, quelle présomption, au fond quelle ignorance ; mais ni naïveté, ni indignation ; il ne s’agit point ici de savoir ce que vaut Taine ; il ne s’agit point ici de son inintelligence et de son hérésie, de sa grossièreté, de son ignorance ; il s’agit de sa présomption ; il s’agit de savoir ce qu’il veut, ce qu’il pense avoir fait, enfin ce que nous voyons qu’il a fait, peut-être sans y penser ; il s’agit de savoir, ou de chercher, quel est, au fond, le sens et la portée de sa méthode, le sens et la portée des résultats qu’il prétend avoir obtenus ; ce qui ressort de tout le livre de Taine, et particulièrement de sa conclusion, c’est cette idée singulière, singulièrement avantageuse, que l’historien, j’entends l’historien moderne, possède le secret du génie.
Son Drame en Vers libres d’Abeilard & d’Héloïse, n’est point fait pour être représenté ; sa Tragédie de Térée, en cinq actes, ne l’a jamais été ; mais on remarque dans ces deux Pieces une versification facile & quelquefois pleine de chaleur. […] in-8°, plein de recherches curieuses & très-instructives, mais défigurées par beaucoup de citations parasites, & par un style plus Provençal que François.
Ceux-là préféraient le temps qui allait leur échapper à celui qui les avait vus pleins d’espérance, ou en possession de tous les avantages de la vie ; et tandis que d’ordinaire les plus attachés au présent sont les jeunes gens, c’étaient alors les vieillards qui donnaient l’exemple de l’ardeur pour les nouveautés. […] Les lettres de Marguerite, presque toutes écrites à son frère, quoique d’un tour moins vif que ses contes, à cause des formes de respect qu’elle observe à l’égard du roi jusque dans les expressions du plus tendre attachement pour le frère, sont pleines de cette douceur de cette adresse, de cette insinuation qu’on admire dans les discours de dame Oysille. […] Aimer si haultement indiquerait en effet un amour inégal, et le dernier trait, Quelque doulceur de quoi vous soyez pleine, siérait bien à Marguerite. […] Enfin Apollo de sa grace Transperça l’air qui estoit plein de crace, Si qu’on veit bien la lumière approcher. […] La notice sur la vie de Marguerite, et la préface du supplément sont pleines de détails intéressants.
Cette vieille mère de Goethe, Mme la conseillère de Goethe, comme on l’appelait, d’un caractère si élevé, si noble, j’allais dire si auguste, toute pleine de grandes paroles et de conversations mémorables, n’aime rien tant que d’entendre parler de son fils ; elle a, quand on lui parle de lui, de « grands yeux d’enfant » qui se fixent sur vous et dans lesquels brille le plus parfait contentement. […] Mais Bettina vivait loin de lui ; elle lui écrivait des lettres pleines de vie, brillantes de sensations, de couleurs, de sons et d’arabesques de tout genre, qui l’intéressaient et le rajeunissaient agréablement. C’était un être nouveau et plein de grâce, qui venait s’offrir à son observation de poète et de naturaliste. […] La lettre qu’on peut appeler Sous le tilleul, à cause d’un tilleul creux qui y est décrit, est toute pleine de vie, de gazouillements d’oiseaux, de bourdonnements d’abeilles dans le rayon. […] Après le dîner, il se mit de son plein gré au piano, et joua longtemps et merveilleusement bien ; son génie et son orgueil fermentaient ensemble.
Delacroix est universel ; il a fait des tableaux de genre pleins d’intimité, des tableaux d’histoire pleins de grandeur. […] Polichinelle le suit, — tête un peu avinée, œil plein de fatuité, pauvres petites jambes dans de grands sabots. […] Il y en a de sérieux et pleins d’une grande bonne volonté ; ceux-là, plaignons-les. […] Son Étude de Saint-Cloud est une chose charmante et pleine de goût, sauf les puces de M. […] Rousseau, dont chacun a souvent remarqué les tableaux pleins de couleur et d’éclat, est dans un progrès sérieux.
Bénédictin du Journalisme, — car le Journalisme a ses bénédictins, qui font des in-folios dont le public ne se doute pas, et qui ont sur les in-folios la supériorité de ne se trouver jamais dans aucune bibliothèque, emportés qu’ils sont par la circonstance et bientôt oubliés comme elle, — ce Bénédictin trompeur, à airs de chanoine, n’a pas eu toujours le temps d’être poète largement, longuement, à pleine coupe, à bouche que veux-tu. […] on savait, bien longtemps avant ce recueil, que Monselet était un chanteur plein de verve et de fantaisie et dont on citait et on répétait les chansons, mais le poète d’âme, on le savait moins, et lui-même se méconnaissait : Entre les noms dont se contente Avec grand’peine maint rimeur, Il n’en est qu’un seul qui me tente : Poète de la bonne humeur. […] Il a dit encore, dans ce recueil, avec une modestie pleine de grâce, qu’il n’avait pas de lyre, mais une lyrette… Et qu’importe, d’ailleurs, lyre ou lyrette, si nous sommes touchés !
Il comprend cent soixante-dix sonnets développant tout un roman d’amour qui commence par la floraison des aveux et des premières tendresses, se continue au bord des flots bleus, dans les monts, s’attriste d’une querelle, se poursuit en rêveries, devant la mélancolie des vagues grises, se termine enfin par le sacrifice, le deuil et l’acceptation virile qui n’est pas l’oubli… C’est bien l’histoire commune et éternelle des cœurs… C’est un véritable écrin que l’Amie perdue, un écrin plein de colliers et de bracelets pour l’adorée, et aussi de pleurs s’égrenant en rosaire harmonieux… C’est un des plus nobles livres d’amour que j’aie lus, parce qu’il est plein d’adorations et exempt de bassesses, parce que la joie et la douleur y sont chantées sur un mode toujours élevé, entre ciel et terre, comme le vol des cygnes qui ne s’abaisse pas même quand leur aile s’ensanglante d’une blessure… Je vous assure qu’il est là tel sonnet que les amants de tous les âges à venir, même le plus lointains, aimeront à relire, où ils retrouveront leur propre pensée et leur propre rêve, comme le doux André Chénier souhaitait qu’il en fût de ses vers d’amour… [Le Journal (26 juillet 1896).]
Sa composition était sage quoique pleine de chaleur, son faire large et grand. […] Il a de vieux portefeuilles pleins de morceaux admirables qu’il dédaigne.
Un plein. […] On en avait plein la tête et plein le cœur. […] C’est une question de plein et de fouillé. […] Plein d’histoires de famille invraisemblables. […] — Corneille est plein de toute libéralité.
Les cils jetaient une ombre pleine de mystère entre les bords de ses paupières et l’œil. […] Ce sont des chemins tournants on s’y trouve lancé à pleines louanges et puis tout à coup ça tourne court, lavoiture verse et on attrape force bosses à la tête. […] Je le vois plein de bon sens, d’indépendance, de cœur et de générosité, simple, chercheur et jugeur. […] Plein qu’il est d’un maximum, il néglige le minimum, seule voie cependant par laquelle toute grande chose arrive à la réalité. […] Vous êtes plein d’ignorance et de contradictions.
Guillaume était fait pour les éprouver ; son âme pleine de combustible était prête à l’incendie ; la première étincelle devait y allumer le feu des passions, et ces passions devaient y laisser la cendre féconde d’une précoce sagesse. […] Alors (il était huit heures) on sonna lentement la cloche des morts, les matelots se jetèrent à genoux pour dire une courte prière ; le cadavre de ce jeune homme, peu de jours auparavant si robuste, si plein de santé, allait recevoir, pendant la nuit, la bénédiction du culte catholique, pour être jeté à la mer, dès le lever du soleil. […] Les quinze jours que je passai dans cette société me permirent d’étudier en silence ce véritable grand homme, et de sortir de cette demi-intimité d’occasion plein de vénération pour lui. […] Sa stature était de moyenne taille ; ses pieds et ses mains étaient petits et admirablement faits ; sa tête, au front haut et large, était garnie de cheveux d’un blanc d’argent ; ses yeux bleus étaient vifs, pleins d’expression et de jeunesse. […] Alors sa conversation devenait ouverte et pétillante d’esprit ; néanmoins ses jugements étaient pleins de réserve et il était toujours maître de sa parole.
Il était monté sur un chameau, et assis entre deux sacs, l’un plein de figues, l’autre plein de blé. […] Saumaise le déclare plein d’hébraïsmes et de syrianismes, hebraismis et syrianismis. […] Un vautour qui saisit, malgré sa course, une hase pleine, et qui s’en repaît, « mange toute une race arrêtée en sa fuite ». […] Son vers titubant ressemble à la bassaride sautant à cloche-pied sur des vessies pleines d’air. […] Le vase plein me tombe sur la « tête et s’y casse, odorant, mais autrement qu’une urne à parfums. » Qui dit cela ?
Dans un domaine rural, voisin de la mer, six pleines années se sont écoulées pour lui à méditer, à prier, à se guérir et à s’affermir. […] L’ode à M. de La Mennais est pleine d’essor ; mais nous trouvons, et nous osons croire que l’illustre prêtre trouvera comme nous qu’elle est trop prise du côté de la gloire humaine : il ne fallait pas clore une pièce à M. de La Mennais par des fleurons.
Chevaleries sentimentales est plein de vers, libres ou corrects, également beaux. […] Ils sont beaux, mais sans le savoir ; il faut les regarder longtemps pour découvrir dans cette atmosphère élyséenne un charme qui se dérobe et une grâce pleine de scrupules.
La première idylle, par exemple, est du ton plein et moyen de la poésie bucolique. […] Ce dialecte est grandiose et sonore ; il est plein ; il réfléchit la verdure, le calme, la fraîcheur, le vaste de l’étendue, l’éclat de la lumière. […] Que ma maison tout entière en soit pleine ! […] Il lui adresse à elle en particulier une ravissante petite pièce, pleine de calme et de suavité, intitulée la Quenouille. […] s’écrie le poëte ; et, dans un élan plein de grandeur, il revendique le privilège immortel de la Muse ; il montre aux riches que sans elle leur orgueil d’un jour est frappé d’un long, d’un éternel oubli.
L’oreille du monde n’est pleine que de l’âme du poète de Salzbourg. […] Don Juan, plein de verve et de bonne humeur, se promène au milieu de ses nombreux convives qu’il excite à la joie. Le thème à six-huit et en mi-bémol majeur, sur lequel don Juan brode ses propos galants, est plein de franchise et d’élégance. […] Tout cela forme un trio plein de verve, de contraste et de passion. […] paradis plein de charmes, où une douleur céleste et indicible remplit mieux qu’une joie infinie toutes les espérances semées sur la terre.
Il lui adresse aussitôt ce discours adroit et plein de douceur. […] Il s’était éteint sans souffrance et sans angoisse, plein de confiance dans les promesses de la religion, qu’il avait toujours admise sans contrôle dans ses dogmes pour la pratiquer dans ses vertus. […] La pleine clarté d’un beau jour entrait dans sa chambre par la fenêtre ouverte avec les bouffées de vent du printemps, qui jouait avec les rideaux, se concentrant sur sa mâle et athlétique figure ! […] Son luxe, c’est d’avoir sans cesse, toujours pleine, Sa baignoire, et plein d’eau son plat de porcelaine, Elle y plonge, et me fait soudain, Son lac au fond des bois, dont la source remonte Aux jardins de Paphos, de Gnide et d’Amathonte, Du Nil, du Gange et du Jourdain. […] Nous la regardions en tremblant, Et plus on regardait ses yeux pleins de lumière, Plus on me demandait si l’âme de ma mère N’était pas dans cet oiseau blanc.
Sayous) nous fait voir Henri III juge délicat des choses de l’esprit : Henri III savait bien dire quand on blâmait les écrits qui venaient de la cour de Navarre de n’être pas assez coulants : « Et moi, disait-il, je suis las de tant de vers qui ne disent rien en belles et beaucoup de paroles ; ils sont si coulants que le goût en est tout aussitôt écoulé : les autres me laissent la tête pleine de pensées excellentes, d’images et d’emblèmes, desquels ont prévalu les anciens. […] Il comprend la dignité du genre qu’il traite ; il est des particularités honteuses ou incertaines que l’histoire doit laisser dans les satires, pamphlets et pasquins, où les curieux les vont chercher : d’Aubigné, qui aime trop ces sortes de pasquins ou de satires, et qui ne s’en est jamais privé ailleurs, les exclut de son Histoire universelle, et, s’il y en introduit quelque portion indispensable, il s’en excuse aussitôt : ainsi en 1580, à propos des intrigues de la cour du roi de Navarre en Gascogne, quand la reine Marguerite en était : J’eusse bien voulu, dit-il, cacher l’ordure de la maison ; mais, ayant prêté serment à la vérité, je ne puis épargner les choses qui instruisent, principalement sur un point qui, depuis Philippe de Commynes, n’a été guère bien connu par ceux qui ont écrit, pour n’avoir pas fait leur chevet au pied des rois… Quand il s’étend longuement sur certaines particularités purement anecdotiques, il s’en excuse encore ; il tient à ne pas trop excéder les bordures de son tableau ; il voudrait rester dans les proportions de l’histoire : mais il lui est difficile de ne pas dire ce qu’il sait de neuf et d’original ; et d’ailleurs, s’il s’agit de Henri IV, n’est-il pas dans le plein de son sujet, et n’est-il pas en droit de dire comme il le fait : « C’est le cœur de mon Histoire ? […] Voilà un discours tout à fait dans le goût et le ton de ceux des meilleurs historiens de l’Antiquité, ferme, pressé, plein d’oppositions et d’antithèses pour les pensées comme pour les mots : un tel discours retravaillé et refait après coup est certes d’un écrivain, et, si d’Aubigné a mis de la négligence et du laisser-aller dans les intervalles, il a dû porter tout son soin sur ces parties de prédilection. […] … Tout ceci est plein de réminiscences latines, et d’une langue de renaissance encore plus que gauloise : elle n’en est pas moins belle et originale de combinaison et de mélange. […] Il est trop plein et trop près de son sujet pour nous l’expliquer, et il parle à des gens qui alors l’entendaient à demi-mot.
Bergeret, secrétaire du cabinet, à célébrer Louis XIV, ses guerres, ses conquêtes, le triomphe de sa diplomatie impérieuse : Heureux, disait en terminant Racine (et cette péroraison n’est pas la plus délicate partie de son discours), heureux ceux qui, comme vous, Monsieur, ont l’honneur d’approcher de près ce grand prince, et qui, après l’avoir contemplé, avec le reste du monde, dans ces importantes occasions où il fait le destin de toute la terre, peuvent encore le contempler dans son particulier, et l’étudier dans les moindres actions de sa vie, non moins grand, non moins héros, non moins admirable, que plein d’équité, plein d’humanité, toujours tranquille, toujours maître de lui, sans inégalité, sans faiblesse, et enfin le plus sage et le plus parfait de tous les hommes ! […] Ces éloges à plein visage n’embarrassaient jamais Louis XIV : il était comme le soleil et ne s’éblouissait pas lui-même. Le mardi 20 mars, à Versailles, ou lit dans le même journal : « Mme la Dauphine fit dire dans son cabinet à Racine la harangue qu’il fit à la réception de Corneille et de Bergeret. » Ce moment est celui de Racine et de Despréaux tout à fait établis en Cour et sur le pied d’historiographes : Le 31 décembre, veille du jour de l’an 1685, Mme de Montespan fit présent au roi, le soir après souper, d’un livre relié d’or et plein de tableaux de miniature, qui sont toutes les villes de Hollande que le roi prit en 1672. […] En arrivant, il mena les dames dans son appartement, où il y avait un cabinet magnifique avec trente tiroirs pleins chacun d’un bijou d’or et de diamants.
Et pourtant, ayant été refusé pour son âge, qui le rendait impropre aux austérités, par le prieur de la Chartreuse de Paris d’abord, comme aussi par le provincial des célestins vers qui ensuite il se tourna, on le voit plein d’inquiétude et de scrupule jusqu’à ce que des docteurs autorisés l’aient rassuré et lui aient dit qu’il pouvait, en conscience, se regarder comme relevé de son vœu. […] Ce qui est certain, c’est qu’en 1589, après avoir prêché le carême à Angers, et un carême très vif38, Charron retourna à Bordeauxk, où, dit-on, il prit connaissance et vécut fort familièrement avec messire Michel de Montaigne, chevalier de l’ordre du roi, auteur du livre intitulé les Essais, duquel il faisait un merveilleux cas ; et le sieur de Montaigne l’aimait d’une affection réciproque, et avant de mourir (ce qui eut lieu trois ans après), par son testament il lui permit de porter après son décès les pleines armes de sa noble famille, parce qu’il ne laissait aucun enfant mâle. […] … L’espérance, allumant de son doux vent nos fols désirs, embrase en nos esprits un feu plein d’une épaisse fumée, qui nous éblouit l’entendement, et, emportant avec soi nos pensées, les lient pendues entre les nues, nous ôte tout jugement, et nous fait songer en veillant. […] Mais en ce cas Charron n’aurait guère profité du commerce de son sage ami, puisqu’il était resté jusqu’en 1589 un prédicateur plein de passion. […] Charron, prêtre séculier, docteur en théologie, venu de la ville de Bordeaux, « qui faisait des sermons pleins de grant doctrine et duquel les doctes disaient ledict sieur Charron être le plus grant prédicateur de France. » Et quelques pages après (p. 241) : « À Angers comme à Paris, dit M.
Les sens trompent la raison, et en échange ils sont souvent trompés par elle : « Voyez quelle belle science et certitude, dit-il, l’homme peut avoir, quand le dedans et le dehors sont pleins de fausseté et de faiblesse, et que ces parties principales, outils essentiels de la science, se trompent l’une l’autre. » Il en résulte à ses yeux que les animaux, qui semblent aller plus à coup sûr, ont bien des avantages sur l’homme ; peu s’en faut par moments qu’il ne leur accorde une entière préférence. […] C’est ainsi qu’en d’autres passages, il présente la philosophie comme l’aînée de la théologie, de même que la nature est l’aînée de la grâce ; ce qui ne peut être dit raisonnablement que d’une philosophie capable d’atteindre d’elle-même, et par une pleine vue, à des principes que la théologie viendrait ensuite confirmer ou couronner. […] Parmi ceux pourtant qui critiquèrent le livre de La Sagesse, il en est un qui mérite d’être distingué, c’est l’auteur de l’écrit intitulé Considérations sur la sagesse, publiées en 1643, et qu’on dit être le médecin Chanet : il est modeste, il est modéré de ton, il se montre plein d’égards pour l’auteur qu’il réfute. […] Pourtant, par son jugement plein et sa ferme démarche d’esprit, par son style sain, grave et scrupuleux, et qui eut même son éclat d’emprunt, il mérite estime et souvenir comme tout ancien précepteur qui a été utile en son temps ; l’histoire littéraire lui doit de le placer toujours à la suite de Montaigne, comme à la suite de Pascal on met Nicole, — comme autrefois on mettait à côté de La Rochefoucauld M. […] On a beau admettre toutes les formes de maturité et d’expérience ; on a beau se dire que Charron était un de ces esprits à qui il n’est pas donné de faire leur initiation par eux-mêmes, de se donner l’impulsion, qui l’attendent d’autrui, mais qui n’ont besoin que de ce premier mouvement, de cette chiquenaude du voisin, pour prendre leur assiette et arriver à la pleine possession de leur pensée ; on a beau se donner cette explication, il reste un coin d’obscurité et d’incertitude.
Bossuet y répondait de Versailles par une lettre pleine de grâce et d’enjouement (15 avril 1690) : « Voilà, monsieur, ce que c’est de s’humilier. […] » Un petit livret très spirituel, publié en 1696, qui donne l’histoire de ces troubles, nous le représente ainsi au plus fort de la crise : Il était dans des transes mortelles, écrivant à tous les jésuites de ses amis pour leur demander quartier ; il croyait voir partout le Santolius vindicatus imprimé ; et le moindre jésuite qu’il rencontrait, il l’abordait brusquement, et, le reconduisant d’un bout de Paris jusqu’au collège, il lui faisait ses doléances avec le ton, l’air et les gestes que ceux qui ont l’avantage de le connaître peuvent s’imaginer ; et criant à pleine tête, il récitait par cœur l’apologie qu’il venait de donner au public, appuyant surtout sur ces endroits qu’il répétait plusieurs fois : « Veri sanctissima custos, docta cohors, etc., etc. » (et autres passage en l’honneur de la Compagnie)… Enfin il fallait l’écouter bon gré, mal gré ; et fut-ce le frère cuisinier des jésuites, rien ne lui servait de n’entendre pas le latin : de sorte que le chemin n’était pas libre dans Paris à tout homme qui portait l’habit de jésuite. […] Il avait cherché à le rassurer dès ses premières démarches, en lui disant « qu’il avait lu sa justification avec plaisir, et qu’il était fort aise de recevoir de ses lettres, parce qu’elles étaient pleines d’esprit et réjouissantes ». […] Aussi faut-il voir comme il célébra la promesse et l’espoir de ces divines feuillettes, comme il en déplora le retard par suite des glaces, comme il en salua enfin l’arrivée par des vers pleins d’enthousiasme et d’ivresse, où il se proclamait poète à jamais bourguignon jusque dans Paris : Sponte Parisina vates Burgundus in urbe. […] On a raconté qu’étant à Dijon pendant la tenue des états, en août 1697, un soir, à un souper chez M. le duc, ce dernier se divertit à pousser Santeul de vin de Champagne, et de gaieté en gaieté il trouva plaisant de verser sa tabatière pleine de tabac d’Espagne dans un grand verre de vin, et de le faire boire à Santeul pour voir ce qui en arriverait.
Il est vrai que ce genre de sujet offre des difficultés particulières, qu’il est plein d’épines en même temps que de fleurs, et qu’il demande, à le traiter comme il faut, bien des délicatesses. […] Doué d’une harmonie pleine et d’un vaste pinceau, en possession d’une sorte de sérénité et d’impassibilité native ou acquise, désoccupé ou guéri de passions pour lui-même, il voyage à travers le monde de l’histoire et les diverses contrées, il revêt indifféremment et presque également bien les formes les plus diverses ; il exprime avec vigueur et relief les manifestations les plus variées de l’histoire, de la nature et de la vie. […] Parfois hors des fourrés, les oreilles ouvertes, L’œil au guet, le col droit, et la rosée au flanc, Un cabri voyageur, en quelques bonds alertes, Vient boire aux cavités pleines de feuilles vertes, Les quatre pieds posés sur un caillou tremblant. […] Mais, parmi les roseaux, On entend respirer un fleuve dont les eaux Pleines de reflets d’or coulent presque sans ride. […] Un vaste taureau blanc sur la rive arrêté, Dressant ses cornes d’or, laissant pendre à sa bouche L’herbe qu’il a broutée, avec lenteur se couche, Et promène un regard plein de sérénité.
Théophile Gautier y arrivait tout plein de la Grenade des Ballades et des Orientales ; il dut rabattre de quelques illusions au premier abord devant la Grenade réelle et moderne ; mais bientôt, à la visiter en détail et à la bien pénétrer, il retrouva tous ses ravissements. […] Il avait vu l’Afrique, l’Algérie, pour la première fois en 1845, en juillet-août, au plein cœur de l’été, ayant pour principe qu’il faut affronter chaque pays dans toute la violence de son climat, le Midi en été, le Nord en hiver ; se donner l’ivresse de la neige, comme celle du soleil. […] Je le vois encore tel qu’il était à cette date et à cette époque fortunée, dans toute la force et la superbe de la seconde jeunesse, dans toute l’ampleur et l’opulence de la virilité ; aspirant la vie à pleins poumons, à pleine poitrine ; ayant sa mise à lui, et, sur cette large poitrine dilatée, étalant pour gilet je ne sais quelle étoffe couleur de pourpre, une cuirasse pittoresque, de même que Balzac avait eu dans un temps sa canne à la pomme merveilleuse. […] C’est alors, dans une de ces heures de satisfaction et de naturel orgueil, qu’il put écrire ces vers qu’il a intitulés spirituellement Fatuité (le propre du poète est d’exprimer au vif chaque sentiment qui le traverse et qui fut vrai, ne fut-ce qu’un moment) : Je suis jeune, la pourpre en mes veines abonde ; Mes cheveux sont de jais et mes regards de feu, Et, sans gravier ni toux, ma poitrine profonde Aspire à pleins poumons l’air du ciel, l’air de Dieu.
En attendant, il y avait émotion, et pour moi complicité irrésistible, je l’avoue, à suivre jusque dans ses infractions partielles ce Savonarole de nos jours, ainsi que l’a appelé M. d’Eckstein, à écouter ses menaces pleines de prières et ses invectives mêlées d’un zèle tendre. […] Du Fossé, voulant peindre dans le grand Arnauld cette colère de lion pour la vérité qui s’unissait en son cœur avec la douceur de l’agneau, nous dit naïvement : « L’exemple seul de Moïse, que Dieu appelle le plus doux de tous les hommes, quoiqu’il eût tué un Égyptien pour défendre un de ses frères, brisé par une juste colère les Tables de la Loi, et fait passer au fil de l’épée vingt-trois mille hommes pour punir l’idolâtrie de son peuple, fait bien voir qu’on peut allier ensemble la douceur d’une charité sincère envers le prochain avec un zèle plein d’ardeur pour les intérêts de Dieu. » En ne prenant les vingt-trois mille hommes et l’Égyptien tués qu’en manière de figure, comme il convient dans ce qui est de l’ancienne Loi, et en rapportant à l’abbé de La Mennais cette phrase de Du Fossé sur le grand Arnauld, je me rappelais bien que lui-même avait condamné ce dernier, et qu’il avait écrit de lui en le comparant à Tertullien : « Et Tertullien aussi avait des vertus ; il se perdit néanmoins parce qu’il manqua de la plus nécessaire de toutes, d’humilité. […] Arnauld : tous deux d’un caractère ardent, présomptueux, opiniâtre, tous deux pleins de génie, tous deux ayant rendu à la religion d’éminents services, ils se laissèrent entraîner (qui le croirait dans de si grands hommes ?) […] et ils se lèveront, et, le regard fixé sur cette divine splendeur, dans le repentir et dans l’étonnement, ils adoreront, pleins de joie, Celui qui répare tout désordre, révèle toute vérité, éclaire toute intelligence : « oriens ex alto. » Il peut paraître piquant, il est surtout triste d’embrasser dans un même tableau la suite de ces prophéties diverses et toujours aussi certaines. […] Représentez-vous une large figure pleine et ronde, empreinte d’un singulier mélange de simplicité et de finesse malicieuse, voilà Pasquale.
Sa vie fut pleine de singularités pour son temps ; c’est aux journaux qu’il a laissés qu’on doit d’en connaître les plus curieuses circonstances : il est à regretter que d’autres contemporains ne nous aient rien dit de plus particulier sur son compte, et n’aient pas joint leurs renseignements aux siens. […] Les femmes, selon lui, n’étaient que des victimes et ne faisaient que leur rendre la pareille bien faiblement : Ce sexe plein d’attraits, sans secours et sans armes, Peut assez se défendre avec ses propres charmes ; Et les traits d’un critique affaibli par les ans Sont tombés de ses mains sans force et languissants. […] Le caractère est bien soutenu, l’intrigue bel et bien nouée, les scènes pleines et sans langueur, l’action attachante et jusqu’à la fin en suspens, le style surtout dru, ample, aisé, délicieux. […] que la cave enfoncée Nous fournisse, à pleins brocs, une liqueur aisée ! […] Il recevait toute la jeunesse des environs, et lui-même a ainsi défini son hospitalité pleine de facilité et de noblesse : Grand chère, vin délicieux, Belle maison, liberté tout entière ; Bals, concerts, enfin tout ce qui peut satisfaire Le goût, les oreilles, les yeux ; Ici, le moindre domestique A du talent pour la musique.
Il en veut point passer à nos poëtes pour un merite, ce jargon plein de fadeur, selon lui, qu’on appelle galanterie. […] Les poëtes et les faiseurs de romans, continuë Monsieur Woton, comme D’Urfé, La Calprenede et leurs semblables, qui, pour avoir occasion de faire parade de leur esprit, nous peignent leurs personnages pleins à la fois d’amour et d’enjouëment, et qui en font des discoureurs si gracieux, ne s’écartent pas moins de la vraisemblance, que Varillas s’écarte de la verité.
Cet Ecrivain est plein de feu & d’énergie. […] Il est en général sec, décousu & sur le ton de dissertation ; mais il y a des morceaux pleins de chaleur & des tours originaux. […] Il est plein de métaphores vives & hardies ; ses descriptions, ses harangues & ses portraits sont d’un grand maître. […] L’abbé Peran, qui l’a continué, beaucoup plus simple dans sa marche, s’est attaché principalement à enrichir sa matiere, & ses vies sont pleines de recherches. […] L’ouvrage est plein de faits habilement discutés, de piéces importantes & de recherches curieuses.
Il est si beau d’offrir à ses ennemis une victime sans tache, et de rendre au Dieu qui nous juge une vie encore pleine d’illusions59 ! […] En même temps qu’il a été si soigneux de rattacher à chaque page, à chaque vers, tout ce qui s’y rapporte directement ou indirectement chez les Anciens ou même chez les modernes, le nouvel éditeur ne tire point trop son auteur du côté des textes et des commentaires, et il ne prétend point le ranger au nombre des poëtes purement d’art et d’étude ; il relève avec un soin pareil, il sent avec une vivacité égale et il nous montre le côté tout moderne en lui, et comme quoi il vit et ne cesse d’être présent, de tendre une main cordiale et chaude aux générations de l’avenir : « Chénier, remarque-t-il très justement, ne se fait l’imitateur des Anciens que pour devenir leur rival. » À Homère, à Théocrite, à Virgile, à Horace, il essaye de dérober la langue riche et pleine d’images, la diction poétique, la forme, de la concilier avec la suavité d’un Racine, et quand il en est suffisamment maître, c’est uniquement pour y verser et ses vrais sentiments à lui, et les sentiments et les pensées et les espérances du siècle éclairé qui aspire à un plus grand affranchissement des hommes. […] Et puis, c’est rarement en son nom qu’il parle : c’est au nom des maîtres, de ces poëtes divins et délicats dont il est plein et dont il nous sert les exquises reliques.
Ainsi voici la genèse : l’assonance engendre la rime suffisante qui donne naissance à la rime pleine ; il y a eu successivement identité dans le dernier mot du vers — du son de la voyelle tonique, de l’articulation finale et initiale. […] Car dans leur rêve, des naufs vermeilles par la mort du Soleil, aux cordages de soie, aux voiles pleines et blanches comme des seins, appareillaient vers la Cythère lointaine et bleue… Par quelle aberration en vint-on à faire disparaître l’assonance au profit de la rime ? […] Ceux, tels Leconte de Lisle, Mendès aussi et Silvestre, qui toujours ont gardé intact le culte de la Vénus ancienne, adorèrent uniquement les formes pleines et sans ombres, les contours nets, accusés lie la sorte dure et rigide qui caractérise la statuaire grecque.
Sa compagne, au contraire, laisse descendre, comme un voile d’or, ses longues tresses sur sa ceinture, où elles forment de capricieux anneaux : ainsi la vigne courbe ses tendres ceps autour d’un fragile appui ; symbole de la sujétion où est née notre mère ; sujétion à un sceptre bien léger ; obéissance accordée par Elle et reçue par Lui, plutôt qu’exigée ; empire cédé volontairement, et pourtant à regret, cédé avec un modeste orgueil, et je ne sais quels amoureux délais, pleins de craintes et de charmes ! […] Avec des regards pleins d’amour, et dans un tendre abandon, elle se penche, embrassant à demi notre premier père. […] Il est noble, majestueux, et tout à la fois plein d’innocence et de génie ; il est tel que le peignent les livres saints, digne d’être respecté par les anges et de se promener dans la solitude avec son Créateur.
Ces hommes pleins d’ans sentent certaines vérités que nous savons seulement. […] Nous savons que le siècle est plein de violences et d’impuretés. […] Il est vaste, mouvant, animé, plein de vie. […] Il est plein de force, de génie et de vices. […] C’est un spectateur à la fois naïf et plein d’esprit.
Tout le séjour à Mytilène est plein de perversité et de la poésie saphique la plus étrange et la plus pleine de justesse dans l’observation de l’anormal que j’aie lue.
Ces cinq tons sont la gamme naturelle de la voix, et donnent une phrase musicale pleine et agréable. […] Le Pentateuque se chantait à Jérusalem, comme des bucoliques, sur un mode plein et doux ; les prophéties se disaient d’un ton rude et pathétique, et les psaumes avaient un mode extatique qui leur était particulièrement consacré123.
La nuit était belle, toute pleine d’étoiles. […] Des roses pleines de rosée. […] Qu’est-ce que cela fait, des murs nus, quand le cœur est plein ? […] Il ne sera pas tenté par les belles violences des pleins midis, ni par l’intensité des ténèbres. […] Une autre maintenant lui répond à voix pleine.
Mais ils étaient pleins d’inquiétude. […] — Le sillon — de misère est plein. […] Il a étudié leur âme, à la fois grossière et subtile, pleine de visions merveilleuses. […] Il est désintéressé et plein d’honneur. […] C’est là une opinion singulière et pleine de fantaisie.
Superbe, étincelant, plein de sens et d’une poésie merveilleuse d’expression ! […] Mais que de fois aussi le vers jaillit plein, sonore, tout d’une venue, éclatant de franchise et de verve.
La princesse remit alors à la griote un bracelet de bras et un bracelet de pied et, en échange, celle-ci versa de l’eau plein une coquille d’huître pour qu’elle put se désaltérer un peu. […] La griote exigea d’elle le reste des bijoux dont elle était parée et lui remit de nouveau de l’eau plein la coquille d’huître.
Les hymnes du Rig Véda sont pleins de sa bienfaisance et de sa puissance. […] Le vieux Silène est là, plein jusqu’au gosier, ballotté sur l’âne qui apprit à tailler la vigne, lorsqu’on le vit la brouter. […] Il est aperçu par des pirates qui louvoyaient le long du rivage. — Quelle riche proie que ce bel éphèbe, fils de roi, sans doute, sorti d’un palais plein d’airain et d’or ! […] Au-dessous du vignoble verdoyant et fructifiant au soleil, plonge la cave obscure pleine de cœcums, d’embranchements, de bifurcations, de dédales. […] Le jour, menant par les rues cette brillante troupe d’énergumènes couronnés de fenouil et de peuplier, pressant dans tes mains des serpents joufflus, et les élevant sur ta tête, tu vociférais à pleins poumons : Evohé !
Les temples, pleins de l’ombre de Dieu, sont aussi pleins du chant des hommes ; les cantiques sont l’encens des cœurs ; ils jaillissent des lèvres dès que l’homme se croit en présence de la Divinité. […] Aussi ne levait-il jamais les yeux jusqu’à elle, et, le seul symptôme auquel on pût soupçonner son amour, c’était la rougeur de son visage ordinairement pâle et le tremblement de sa forte main en lui présentant, comme aux autres faneuses, l’écuelle de cuivre pleine d’eau de la source où elle buvait debout quand on se levait de table après le repas de midi. […] « Je jetterai le trèfle à pleines brassées dans la mangeoire ! « J’y jetterai le sel à pleine poignée ! […] Du berceau et de la mamelle jusqu’au dernier soupir dans lequel une mère lègue son âme à ses enfants et jusqu’aux bénédictions qu’elle va répandre du ciel sur eux, ce gémissement, cette ode, ruisselante de plus de larmes que de notes, contenait tout ce qui réchauffe, tout ce qui console, tout ce qui bénit le fils de l’homme sur la terre, le plein et le vide de la vie !
Je n’en sais rien : qui peut dire où l’emportera le souffle qu’il a dans la poitrine, quand il aura pris confiance dans son talent et qu’il chantera à pleine haleine ce qu’il gazouille aujourd’hui à demi-voix ? […] J’ai été bien souvent témoin, dans les couvées de rossignols ou de fauvettes, de cet apprentissage mélodieux des petits, qui gazouillent à la sourdine le matin ce que les mères chantent à grande voix dans le plein soleil. […] Lisez cet inventaire prosaïque, et pourtant poétique, de ma tour de travail : Tout dort dans le château plein d’ombre et de silence. […] Quand on partit, riant de ce tour de bonté, Les sabots étaient pleins : les bourses étaient vides. […] Alexandre, sont pleins de vertu, de patriotisme et de vrai talent ; mais, selon nous, ils se trompent d’instrument en entrant dans ce grand concert des âmes qui accorde ses lyres pour remuer le siècle nouveau ; ils veulent nous faire penser, il s’agit de nous faire jouir.
Il fut plein de résignation à la volonté de Dieu ; il l’aimait ardemment, ainsi que sa très sainte mère. […] Je n’étais plein que de sa pensée, et je remplissais mes devoirs dans le but de me rendre le moins possible indigne du secours du ciel et d’aller l’y rejoindre un jour. […] Et le cardinal plein de frayeur de répliquer : “De Majorque”, comme s’il reniait sa patrie. […] Non seulement je le dispense de faire un inventaire légal, mais, pour éviter les frais voulus pour cela, je le lui défends ; il suffit qu’il dresse une simple liste des biens tant immeubles que meubles (quoique pourtant ces derniers doivent être aliénés et convertis en espèces, pour satisfaire aux charges indiquées au feuillet, lettre E, annexé à mon testament, ou dans mon testament même), liste qui, vu la probité reconnue dudit héritier fiduciaire, devra faire pleine foi. […] Je l’ai connu peu d’années avant sa fin ; le portrait que je fais de ses années pleines et mûres serait certainement le portrait vivant de ses premières.
Tout en lisant ces lettres pleines de sagesse, de raison et d’une vivacité prudente, je songeais à la différence de ce ton avec celui qui règne aujourd’hui. […] Quand j’ai commencé à réfléchir, j’ai cru que le monde était plein de vérités démontrées ; qu’il ne s’agissait que de bien regarder pour les voir : mais lorsque j’ai voulu m’appliquer à considérer les objets, je n’ai plus aperçu que doutes inextricables. […] Guizot lui disait un jour à la Chambre en causant : « Vous êtes pour moi un aristocrate vaincu qui accepte sa défaite. » On aurait pu dire aussi et en toute équité : « Vous êtes un aristocrate converti qui plaide la cause du vainqueur, mais qui la plaide sans joie. » Tocqueville ne se donna jamais pleine carrière, en effet ; il ne sut jamais prendre à temps son élan ; il se méfiait des autres et de lui ; raisonnable, consciencieux et prudent, dès le point de départ il enraya sa roue et prit garde de ne point se briser à la borne : il ne courait qu’en signalant le danger. […] Sa pleine valeur est dans ses écrits. […] Royer-Collard : « La démocratie coule à pleins bords », fut, en quelque sorte, le texte de méditation que se proposatoute sa vie Tocqueville.
Le célèbre Sadolet, croyant le moment favorable pour ramener cette ville à l’orthodoxie, l’y avait exhortée par une lettre pleine d’onction chrétienne et d’imitations de l’antiquité classique. […] Avec les réprouvés, la conduite n’était pas difficile ; elle était délicate et pleine d’embarras avec les élus. […] La troisième objection en particulier inspire à Calvin une réponse pleine d’éloquence, où l’on voit une première application parfaite de la méthode antique aux idées qui ont le plus profondément remué la société moderne. Mélanchthon avait senti l’excellence de cette méthode ; mais il ne l’appliqua pi un corps de discours si serré et si plein, ni à des doctrines qui lui fussent propres. […] Dans ce même pays sur lequel Calvin avait comme imprimé le sombre cachet de son génie, un homme supérieur, saint François de Sales, moins de quarante ans après lui, devait, dans des écrits pleins d’onction, attirer aux enseignements de la foi l’imagination et le cœur, et rendre Dieu aimable où Calvin l’avait rendu si terrible.
Une lanterne jette un reflet dans l’ombre pleine d’objets, sur le casque d’un pompier, sur un visage, sur un bout de jupe à la couleur éclatante. […] * * * — Ce soir, à la répétition d’une pièce, sur un petit théâtre du boulevard, une pièce pleine de femmes. […] Un respect vous saisit, quand on entre dans ces chambres pleines de registres en vélin blanc, entre lesquels vous passez comme dans un couloir. […] Je m’éveille ce matin dans une chambre pleine de portraits d’aïeux et d’aïeules qui me regardent tous, dans le costume de leur profession ou dans l’habillement de leur classe, avec des accessoires aussi naïfs d’indication que les phylactères du moyen âge : le médecin avec un Boerhave à la main, le prêtre avec un paroissien, l’homme de banque avec une lettre de change. […] En arrivant devant le Rembrandt, qu’on est convenu d’appeler La Ronde de nuit, j’ai retrouvé le même effet, je n’ai vu qu’un plein, un chaud, un vibrant rayon de soleil dans la toile.
En 1656, c’est-à-dire dix ans avant que Boileau publiât ses premières satires, et trois ans avant Les Précieuses ridicules de Molière, on était dans la pleine littérature des Scudéry, des Sarasin, des Pellisson, Scarron, Chapelain, Gilles Boileau, Ménage, et de tous ces beaux esprits dont le goût n’était pas également sain et pur. […] Dans le Voyage de Chapelle et Bachaumont, on mange beaucoup ; on mange dès le Bourg-la-Reine, et ainsi à chaque étape ; on se gorge, on s’empiffre, ce sont les termes, et c’est le plaisir ; la gourmandise rabelaisienne s’y montre dans tout son plein. […] Les Ausone, les Numatianus commençaient pourtant à la décrire avec amour, quand la barbarie survint, refermant les communications, ramenant les périls ; et avec le moyen âge cette nature redevint toute repoussante et pleine de laideur ou d’effroi. Le vilain, qui était proprement le nom donné à l’habitant des campagnes, exprime l’impression même que faisait d’ordinaire le lieu qu’il habitait ; en général, et sauf quelques rares éclaircies au soleil du printemps, ces portions défrichées et non désertes de la contrée étaient les plus pleines de boue, de fumier et de misères. […] Au bruit, j’ouvris ma chambre qui dans l’instant fut pleine d’eau et de meubles qui flottaient.
Il me semble qu’il y a lieu de tout maintenir, de ne rien sacrifier, et en rendant plein hommage et entière révérence aux grandes forces humaines qui, semblables aux puissances naturelles, éclatent comme elles avec quelque étrangeté et quelque rudesse, de ne cesser d’honorer ces autres forces plus contenues qui, dans leur expression moins semblable à une explosion, se revêtent d’élégance et de douceur. […] La rime l’a conduit à des oppositions, à des redoublements d’antithèses dans des tours de phrases limités, ce qui est son fort à lui, mais ce qui est contraire à la large manière homérique et à ce plein fleuve naturel, courant à toutes ondes, continu, épandu et sonore. […] C’est un impuissant qui n’a pu être artiste. » Tout artiste présomptueux avait trop intérêt à cette définition du critique : il s’en est suivi, pendant des années, la pleine licence et comme l’orgie des talents. […] Le poète critique attribue même un peu trop à Homère quand, se souvenant à son sujet d’un mot d’Horace pour le réfuter, il dit que là où nous voyons une faute et une négligence, il n’y a peut-être qu’une ruse et un stratagème de l’art : « Ce n’est point Homère qui s’endort, comme on le croit, c’est nous qui rêvons. » Le beau rôle du vrai critique, Pope l’a défini et retracé en divers endroits pleins de noblesse et de feu, et que je rougis de n’offrir ici que dépolis et dévernis en quelque sorte, dépouillés de leur nette et juste élégance : « Un juge parfait lira chaque œuvre de talent avec le même esprit dans lequel l’auteur l’a composée : il embrassera le tout et ne cherchera pas à trouver de légères fautes là où la nature s’émeut, où le cœur est ravi et transporté : il ne perdra point, pour la sotte jouissance de dénigrer, le généreux plaisir d’être charmé par l’esprit. » Et ce beau portrait, l’idéal du genre, et que chaque critique de profession devrait avoir encadré dans son cabinet : « Mais où est-il Celui qui peut donner un conseil, toujours heureux d’instruire et jamais enorgueilli de son savoir ; que n’influencent ni la faveur ni la rancune ; qui ne se laisse point sottement prévenir, et ne va point tout droit en aveugle ; savant à la fois et bien élevé, et quoique bien, élevé, sincère ; modeste jusque dans sa hardiesse, et humainement sévère ; qui est capable de montrer librement à un ami ses fautes, et de louer avec plaisir le mérite d’un ennemi ; doué d’un goût exact et large à la fois, de la double connaissance des livres et des hommes ; d’un généreux commerce ; une âme exempte d’orgueil, et qui se plaît à louer, avec la raison de son côté ? […] Certains hommes, ajoute-t-il, comme certains tableaux, sont plus faits pour garder un coin que pour se montrer dans un plein jour. » Il se comptait lui-même de ce nombre ; charmant dans la conversation privée, pas plus que Nicole ou que M. de La Rochefoucauld il n’aurait pu aborder le discours public.
J’étais en retard depuis quelque temps avec Mme Sand ; je ne sais pourquoi j’avais mis de la négligence à lire ses derniers romans ; non pas que je n’en eusse entendu dire beaucoup de bien, mais il y a si longtemps que je sais que Mme Sand est un auteur du plus grand talent, que tous ses romans ont des parties supérieures de description, de situation et d’analyse, qu’il y a dans tous, même dans ceux qui tournent le moins agréablement, des caractères neufs, des peintures ravissantes, des entrées en matière pleines d’attrait ; il y a si longtemps que je sais tout cela, que je me disais : Il en est toujours de même, et, dans ce qu’elle fait aujourd’hui, elle poursuit sa voie d’invention, de hardiesse et d’aventure. […] Les scènes de « La fenaison » offrent un tableau plein de charme et de grâce assurément, mais on y voit tout à côté cet éternel plaidoyer entre la société et la nature, entre les gens de loisir et les gens du peuple ou de labeur, ceux-ci ayant invariablement l’avantage. […] On n’a pas affaire ici à un peintre amateur qui a traversé les champs pour y prendre des points de vue : le peintre y a vécu, y a habité des années ; il en connaît toute chose et en sait l’âme ; il sait le vol des grues dans le nuage, le babil de la grive sur le buisson, et l’attitude de la jument au bord de la haie, « pensive, inquiète, le nez au vent, la bouche pleine d’herbes qu’elle ne songeait plus à manger ». […] Il cueillait dans ses prés du foin à pleins charrois, et c’était du foin de première qualité, « sauf celui qui était au bord du ruisseau, et qui était un peu ennuyé par le jonc ». […] Là même où il y a quelque pastiche, c’est plus vif et comme de source, c’est de l’Amyot à plein courant.
Le matin de la vie est comme le matin du jour, plein de pureté, d’images et d’harmonies. […] Les mots, en ce chef-d’œuvre de l’art, ont pris une magie nouvelle ; ce sont des mots pleins de lumière et d’harmonie. […] Le commencement du second livre des Confessions est délicieux et plein de fraîcheur : Mme de Warens pour la première fois nous apparaît. […] Mais son accueil plein de bonté, son ton compatissant, ses manières douces et caressantes me mirent bientôt à mon aise ; je vis que je réussissais, et cela me fit réussir davantage. […] Et il raconte cette scène vive et muette que personne n’a oubliée, cette scène par gestes, arrêtée à temps, toute pleine de rougeur et de jeunes désirs.
En rabattant de l’exaltation bien naturelle à un vieillard, plein d’imagination, qui se souvient de son plus beau moment de gloire, on sent en plus d’un passage l’accent de la conviction et d’une sincérité persuasive Beaumarchais, dans ses souvenirs, oubliait sans doute bien des détails qui eussent apporté de l’ombre au tableau, mais il avait raison en parlant de cet intérêt public, de cet aspect patriotique et général sous lequel avait toujours eu soin de placer et de voir même son intérêt particulier. […] On lit à la fin de sa sixième Époque ou de son sixième mémoire, après un quatrain digne de Pibrac, cette signature pleine d’innocence : « Le citoyen toujours persécuté, Caron Beaumarchais. — Achevé pour mes juges, à Paris, ce 6 mars 1793, l’an second de la République. » Tout rempli de son unique objet, il ne se représente pas au juste ce que c’est que la Convention nationale ; ce qui étonne, c’est qu’il y ait sauvé sa tête. […] Il venait de marier sa fille à « un bon jeune homme », comme il disait, à un homme honorable, plein d’amour pour elle, et qui, à l’heure où nous écrivons, vit encore. […] C’est bien là l’homme qui fut aimé de tous ceux qui l’approchèrent, qui mêlait un fonds de bienveillance à la joie, un fonds de simplicité à la malice, qui avait écrit sur le collier de sa chienne : « Beaumarchais m’appartient ; je m’appelle Florette ; nous demeurons Vieille-Rue-du-Temple » ; et de qui son biographe et son fidèle Achate, Gudin, a écrit naïvement : « il fut aimé avec passion de ses maîtresses et de ses trois femmes. » Et ce n’est pas seulement Gudin qui parle ainsi, c’est La Harpe, peu suspect de trop d’indulgence, et qui dit, en nous montrant le Beaumarchais de la fin et au repos, tel qu’il était assis dans le cercle domestique et dans l’intimité : « Je n’ai vu personne alors qui parût être mieux avec les autres et avec lui-même. » C’est Arnault encore, qui, dans ses Souvenirs, lui a consacré des pages pleines d’intérêt et de reconnaissance ; c’est Fontanes enfin, qui, trouvant qu’Esménard l’avait traité bien sévèrement dans le Mercure, écrivait une lettre où on lit (septembre 1800) : Quant au caractère de Beaumarchais, je vous citerai encore sur lui un mot de Voltaire : « Je ne crois pas qu’un homme si gai soit si méchant » ; et ceux qui l’ont vu de près disent que Voltaire l’avait bien jugé. […] [NdA] Me recherchant sur… Beaumarchais est plein de ces locutions incorrectes et de néologismes de tout genre ; on ne les compte pas avec lui.
Quand Boileau loue à plein cœur et à plein sens, comme il est touché et comme il touche ! […] Le roi d’abord à part et seul dans un vers ; Condé de même, qui le méritait bien par son sang royal, par son génie, sa gloire et son goût fin de l’esprit ; Enghien, son fils, a un demi vers : puis vient l’élite des juges du premier rang, tous ces noms qui, convenablement prononcés, forment un vers si plein et si riche comme certains vers antiques : …………………… Que Colbert et Vivonne, Que La Rochefoucauld, Marcillac et Pomponne, etc. […] Il était plein de bons mots, de reparties et de franchise ; il parlait avec feu, mais seulement dans les sujets qui lui tenaient à cœur, c’est-à-dire sur les matières littéraires. […] Savez-vous ce qui, de nos jours, a manqué à nos poètes, si pleins à leur début de facultés naturelles, de promesses et d’inspirations heureuses ?
Après avoir assisté pendant des heures à ces débats, souvent aussi éloquents que confus, sans prendre une note, mais aussi sans se dissiper en paroles, il rentrait chez lui tout plein de ce qu’il avait entendu, et il le jetait sur le papier avec feu et avec netteté dans un travail de soirée et de nuit, où sa plume, si hâtée qu’elle fût, ne rencontrait jamais un mot douteux ni une locution louche : il ne pouvait parler ni écrire d’autre langue que celle de sa famille et de sa maison, celle qu’il tenait de son illustre père, et de ses premiers maîtres, de ses premières lectures d’enfance. […] Ses articles littéraires (ainsi qu’autrefois ses articles politiques) rendent bien l’ensemble de son impression, le plein effet d’une lecture récente, d’une lecture dont on est encore tout chaud, et cela sans raffinement, sans s’amuser aux hors-d’œuvre, sans se détourner aux accessoires ; car il s’attache, en toute chose, au gros de l’arbre. […] En combattant La Rochefoucauld, il est à la fois plein d’onction et d’émotion ; il s’arme de tous les souvenirs d’enfance, de toutes les traditions héréditaires, du besoin de croire et d’espérer qui revient et s’augmente avec l’âge. […] On lisait donc, on lisait pour la seconde ou la troisième fois, et en dernier ressort, une de ces pièces de vers pénibles, laborieuses, sillonnées çà et là de lueurs, mais pleines d’obscurités, semées de précipices et à se casser le cou à chaque pas ; c’était un supplice pour tous.
Son volume intitulé Stances et Poëmes 54 est très plein, trop plein même, s’il me permet de le lui dire. […] Ainsi nos âmes restent pleines De vers sentis, mais ignorés… M. […] Nos pères tâtonnaient aux lueurs d’une aurore, Mais le plein jour enfin se lève sur nos pas !
L’imagination s’éveillait déjà en elle, une espèce d’imagination qui s’isole en le voulant, pleine de suite en son rêve, compatible avec les qualités de la vie positive, et qui ne fait jamais confusion avec la réalité ; elle-même l’a décrite à merveille dans son conte en prose du Bracelet maure. […] fantômes, ombres vaines, Qui lassez à la fin mes pas irrésolus, Quand reviendront ces jours où vos mains étaient pleines Vos regards caressants, vos promesses certaines ? […] Tout cela est plein de combinaison, plein d’un art ingénieux sans doute ; mais on a quelque peine à saisir l’idée, à la dégager de l’entourage qui l’enchâsse.
Ses conversations, d’ordinaire pleines de grâce, deviennent un feu roulant de disputes 969, une suite interminable de batailles scolastiques. […] Son doux et pénétrant génie lui inspirait, quand il était seul avec ses disciples, des accents pleins de charme : « En vérité, en vérité, je vous le dis, celui qui n’entre pas par la porte dans la bergerie est un voleur. […] Car vous nettoyez le dehors de la coupe et du plat 983 ; mais le dedans, qui est plein de rapine et de cupidité, vous n’y prenez point garde. […] Car vous ressemblez à des sépulcres blanchis 986, qui du dehors semblent beaux, mais qui au dedans sont pleins d’os de morts et de toute sorte de pourriture.
Cette apothéose souterraine n’était pas un privilège, mais une loi commune ; elle transfigurait les bons et les méchants également. « L’air plein de dieux », dit quelque part Homère : la terre n’était pas moins pleine de divinités. […] C’est la source d’eau douce filtrant d’un rocher brûlé, sous un soleil fauve, dans un désert plein de rugissements. […] Ces grandes naïvetés sont familières, d’ailleurs, en hauts lieux ; la Bible en est pleine.
Parlant de l’expédition du prétendant en 1708, et des seigneurs qui devaient en être, Saint-Simon cite confusément Hamilton : Les Hamilton, dit-il, étaient frères de la comtesse de Grammont, des premiers seigneurs d’Écosse, braves et pleins d’esprit, fidèles. […] Ses yeux n’étaient pas grands, mais ils étaient vifs, et ses regards signifiaient tout ce qu’elle voulait ; sa bouche était pleine d’agréments, et le tour de son visage parfait. […] Soulavie a rédigé sur ses notes des volumes pleins de scandales, d’aventures récréatives et plus ou moins vulgaires. […] Qui ne se rappelle, pour les avoir vus, le grotesque Cerise, l’honnête gouverneur Brinon, et Matta surtout, le second du chevalier, Matta si naturel, si insouciant, si plein de saillies ?
La ville où l’on séjourne a beau être embrouillée, inégale, tortueuse, sans ordre et sans plan, pleine de carrefours, de tréteaux de charlatans, de passages et de ruelles, de monuments inachevés dont les pierres encombrent les places, d’arcs de triomphe sans chars ni statues de vainqueurs, de clochers et de coupoles sans croix : quand le soleil est couché, quand, du haut des collines prochaines, le voyageur qui n’est pas entré dans cette ville et qui n’y a pas vécu, l’aperçoit à l’horizon dessinant sa silhouette déjà sombre sur le ciel encore rougi du couchant, il la voit toute différente ; il y distingue des étages naturels, des accidents dominants, des masses imposantes et combinées ; les édifices que la distance et l’obscurité achèvent et idéalisent à ses yeux, lui apparaissent selon des hauteurs bien diverses. […] Dites que notre littérature est sans choix, désordonnée, impure, pleine de scandales, d’opium et d’adultères ; et l’on va vous citer des œuvres pures, voilées, idéales même avec symbole et quintessence, des amours adorablement chrétiennes, des poëtes qui ont l’accent et le front des vierges. Dites que cette littérature est ignorante, sans critique, se jetant à l’étourdie à travers tout, pleine de méprises, de quiproquo et de bévues que personne ne relève, ne prenant les choses et les hommes graves du passé que dans un caprice du moment, s’en faisant une contenance, un trait de couleur, un sujet de charmante et folle fantaisie ; et quand il s’agit d’être érudite, l’étant d’une érudition d’hier, toute de parade, soufflée et flatueuse ; et voilà qu’on peut vous nommer, même dans les jeunes, des esprits patients, analytiques, circonspects, en quête de l’antique et lointaine érudition, de celle à laquelle on n’arrive qu’à travers les langues, les années et les préparations silencieuses d’un régime de Port-Royal.
Il y a six mois environ, il nous donnait ses Lettres berlinoises, coup d’œil rapide et enflammé, jugement plein de verve sur l’époque présente et les divers systèmes qui s’y agitent, qui y rendent l’âme ou s’efforcent d’y éclore. […] Il arrive en effet que dans cet orage naturel qui s’agite au dedans de lui aux heures de paroles ou de composition, il se fait des éclats peu mesurés, qui vont au-delà de l’équitable pensée, qui dévient et frappent à faux, qui heurtent en face les scrupuleux et les superstitieux, qui pourraient en aveugler à tort quelques-uns sur un ensemble plein d’utilité et de puissance. […] Le chapitre sur Turgot est un chef-d’œuvre de sage et neuve appréciation, plein et mesuré, éloquent et simple.
C’est le type syrien dans toute sa grâce pleine de langueur. […] Antonia Martyr remarque que les femmes juives, ailleurs dédaigneuses pour les chrétiens, sont ici pleines d’affabilité. […] En leur imposant une telle obligation, l’autorité romaine aurait sanctionné des prétentions pour elle pleines de menaces.
II Il nous est impossible de croire qu’il n’y a point pensé un peu… S’il ne nous avait donné que des poésies dans le livre qu’il publie aujourd’hui, nous dirions : « C’est une grâce d’état, une inspiration particulière que cette poésie perpétuellement grave, que cette cornemuse, perpétuellement enflée du même vent. » La poésie de M. de Laprade, grave et vide, ressemble à la barbe de cet ambassadeur de Venise, dont Paul III disait, croyant qu’il n’y avait rien derrière cette barbe, pleine de gravité : Bella barba ! […] Le poète, qu’il le veuille ou non, qu’il y pense ou qu’il n’y pense pas, est un lakiste, un lakiste attardé qui mêle la description, la description éternelle à l’éjaculation lyrique, et qui malgré ses prétentions à la force, à l’expression simple et à pleine main, a parfois les gaucheries et les vulgarismes de Wordsworth sans en avoir la longue et magnifique rêverie… M. de Laprade veut être naïf ; mais on ne veut pas être naïf, on l’est quand on peut. […] Mais quand il redescend du ciel, en se servant toujours de cette échelle, il retrouve la montagne Où l’homme des hauts lieux respire à pleins poumons.
J’ai dit qu’il prend l’air, mais c’est l’air plein qu’il faut entendre ; car les choses qui sont dans l’air, les choses matérielles, extérieures, sont les seules qui le préoccupent. […] Le dernier rayon crépusculaire de l’Orient est plus puissant sur tout ce qui pense que les aurores américaines, si pleines de jour et d’espérance qu’elles puissent être pour les dénicheurs d’idées ou de perroquets. […] Son histoire de Marseille, qui comprend tant de faits et à laquelle il sait rattacher tant de choses, est écrite avec une rapidité pleine d’éclairs.
Mais leur parole était pleine d’images. […] Mon âme est toute pleine de leurs reliques. […] Ils sont pleins de joie et d’oubli. […] Ce malheureux village est plein d’incestes. […] C’est un serviteur plein de ressources, et d’une fantaisie charmante.
» ; j’ajoute : le seul poème scientifique de toute la littérature française qui soit cependant de la poésie… Sa forme est bien à lui, sans parti pris d’école, sans recherche de l’effet, souple et véhémente, pleine et imagée, musicale toujours. […] Elles sont toutes, au dénouement, d’un large pathétique, animées d’un bout à l’autre par une passion vraie, pleine de choses exquises et fortes.
Ses Poésies annoncent une imagination douce & brillante ; les expressions en sont naturelles & délicates, le style simple & plein de graces ingénues. […] Il falloit, pour carquois, une bourse lui pendre, L’habiller de clinquant, & lui faire reprendre Rubis à pleines mains, perles & diamans.
Toutes les pierres funéraires d’ailleurs sont pleines d’intérêt. […] C’est plein de fantaisie et d’humour délicat. […] Elle est fleurie, et fervente, et pleine de fantaisie. […] L’oligarchie est pour elle pleine d’attraits. […] Il voit la nature pleine de sentiment et d’émotion.
— enthousiastes, pleins de foi et résolus à vaincre ou mourir dans la grande bataille littéraire qui allait se livrer. […] Certes, c’est là un spectacle navrant, plein d’idées lugubres et de réflexions amères ! […] Ranimé pour quelque temps par cette atmosphère pleine de soleil et de souffles balsamiques, il reprit la palette, et son talent fit peau neuve. […] Il savait adoucir le caractère féroce de son masque par un sourire plein d’urbanité. […] Il tourne vers Méphistophélès un visage plein d’anxiété et semble épier sa réponse.
Le félibrige est gai, amical, fraternel, plein de simplicité et de franchise. […] Mais, comme une île entre les vagues, apparaissait le pur profil de la Provence, comme une île fortunée, pleine de danses et de chansons. […] « Chouette, tu me frappes l’âme : tu n’as qu’un ton, mais qu’il est plein, qu’il est beau ! […] L’âme continue à être pleine de Dieu, lorsqu’une fois elle l’a possédé. […] Un rien fera déborder la coupe, pleine à verser.
Nous allons voir Thierry sur le coup de cinq heures, tout pleins de confiance, arrangeant, ordonnant tout d’avance dans notre tête. […] Un gai rez-de-chaussée, tout plein de pimpantes aquarelles, de tableautins d’amis, d’armes orientales. […] Nous traînons nos pieds dans les feuilles mortes du jardin des Tuileries, sans vision des choses ni des gens, de l’amertume plein la bouche. […] L’impatience de ces jours-ci a fait place en nous à un contentement plein, tranquille, et qui ne voudrait pas aller en avant. […] Les corridors sont pleins.
De littérateurs, ayant la tête pleine de vagues projets de réformes. […] Ses lettres écrites de l’hôpital de Bâle sont gaies, pleines d’entrain et d’esprit. […] L’expression était pleine de pathétique, mais grande comme celle d’un dieu. […] Flavien était un esprit plein d’ambition et de vigueur, il prit sur l’âme plus indolente de son ami un empire absolu. […] Capuana, « un petit homme chauve, rose, un peu obèse, avec une expression pleine de douceur ».
Des villes d’Italie où j’osai, jeune et svelte, Parmi ces hommes bruns montrer l’œil bleu d’un Celte, J'arrivais, plein des feux de leur volcan sacré, Mûri par leur soleil, de leurs arts enivré ; Mais, dès que je sentis, ô ma terre natale, L'odeur qui des genêts et des landes s’exhale, Lorsque je vis le flux, le reflux de la mer, Et les tristes sapins se balancer dans l’air, Adieu les orangers, les marbres de Carrare, Mon instinct l’emporta, je redevins barbare, Et j’oubliai les noms des antiques héros, Pour chanter les combats des loups et des taureaux ! […] Je suis jeune ; la pourpre en mes veines abonde ; Mes cheveux sont de jais et mes regards de feu, Et, sans gravier ni toux, ma poitrine profonde Aspire à pleins poumons l’air du ciel, l’air de Dieu.
Il y avait de l’a peu près dans ses termes, et au lieu du sens net et plein qu’exigent les vers, de médiocres équivalences. […] Dans ce petit livre, que terminait un appel éloquent à Corneille, les accents cornéliens ne manquaient pas… Vous retrouverez dans les Chants du paysan l’impression des Chants du soldat, le même patriotisme et la même flamme ; et aussi la même supériorité de la pensée sur l’expression, quoique celle-ci soit souvent neuve et pleine.
Le soleil couché n’avait laissé de ce côté que quelques rougeurs ; la lune se levait et montait déjà pleine et ronde : la Réserve et les petits lieux de plaisance aussi bien que les fanaux du rivage s’illuminaient. […] Je la vois ; elle est dans sa fleur, elle a passé quinze ans à peine ; son front plein de fraîcheur se couronne d’une chevelure qui amoncelle ses ondes, et qui exhale des parfums que nul encore n’a respirés. […] Je dirai tout : oui, un baiser me plairait, un baiser plein de tendresse ; mais surtout la voir, la contempler, rafraîchir mes yeux, ma pensée, en les reposant sur ce jeune front, en laissant courir devant moi cette âme naïve ; parer cette belle enfant d’ornements simples où sa beauté se rehausserait encore, la promener les matins de printemps sous de frais ombrages et jouir de son jeune essor ; la voir heureuse : voilà ce qui me plairait surtout et ce qu’au fond mon cœur demande.
Avant que Balzac parût, on ne se seroit pas douté que cette Langue fût capable de devenir pleine d’harmonie & de majesté. […] La faim, aux animaux, ne faisoit point la guerre ; Le bled, pour se donner, sans peine ouvrant la terre, N’attendoit pas qu’un bœuf, pressé par l’aiguillon, Traçât, d’un pas tardif, un pénible sillon ; La Vigne offroit par tout des grappes toujours pleines, Et des ruisseaux de lait serpentoient dans les plaines. […] Rac.ABCD Mais je n’ai plus trouvé qu’un horrible mélange D’os & de chair meurtris, & traînés dans la fange, Des lambeaux pleins de sang & des membres affreux Que des chiens dévorans se disputoient entre eux.
Les ouvrages qu’il nous a laissés, dans la langue des Romains, comme son Poëme sur la Passion divisé en douze chants, & un autre sur la Verrerie, sont pleins de chaleur & de beautés, & valent du moins, quant à l’imagination, ce qu’il a fait en François. […] Il gémit, à l’imitation de Pétrone, de ce que le stile n’a plus de nerfs, de ce qu’on sacrifie la force & la simplicité d’expression à de petites phrases bien arrondies, pleines de miel, & assaisonnées de pavots . […] Ce dernier ressemble à un athlète toujours plein de force & de nerfs, mais quelquefois dépouillé de grace.
J’entends dire que toutes les lettres sont du même ton, et que c’est toujours l’auteur qui parle et non pas les personnages : je n’ai point senti ce défaut ; les lettres de l’amant sont pleines de chaleur et de force, celles de Julie de tendresse et de raison. […] Quant au style je n’y vois rien ou presque rien à désirer ; il est plein de vérité, de naturel, de clarté, de chaleur et de force : cependant j’ai cru y remarquer, mais assez rarement, un peu de recherche ; il y a aussi des expressions hors d’usage ; il y a même de temps en temps quelques pages de mauvais goût, et quelques jugements où l’on voit trop l’auteur. […] Ce livre m’a paru, en général, plein d’éclairs et de fumée, de chaleur et de détails puérils, de lumière et de contradiction, de logique et d’écarts ; en mille endroits l’ouvrage d’un écrivain du premier ordre, et en quelques-uns celui d’un enfant.
Il coupe avec de l’eau de Seine ce vin généreux, mûri par le soleil sur les rampes ardentes des volcans, et il épargne un mal de tête aux bourgeois, pleins de reconnaissance. […] La gloire d’Alfred de Musset, c’est d’avoir hérité du crâne joyeux et triste des orgies de Newstead et d’y avoir pleuré, tout en y buvant, les plus belles larmes qui aient jamais été versées dans une coupe pleine d’ivresses, depuis les larmes du roi de Thulé. […] Les Traditionnelles, publiées à la date de 1857, sont un recueil de vers souvent pleins de largeur, d’élévation, de sentiment chrétien qui est une poésie, — mais auquel l’auteur n’en ajoute pas une autre, — de mouvement lyrique accentué, mais dans une sphère d’idées déjà parcourue.
En effet la Motte ne fit d’un corps plein d’embonpoint & de vie, qu’un squelette aride & désagréable. […] Ses scenes sont vives, pleines de feu & de mouvement. […] On juge Auguste d’après leurs vers admirables qu’on lit tous les jours, & comme ils sont pleins de ses éloges, ils sont oublier les horreurs de sa vie, conservées par des histoires qu’on lit rarement. […] Mais quoiqu’il défigure Horace, & que ses notes soient d’un savant peu spirituel, son Livre est plein de recherches utiles, & on louë son travail en voyant son peu de génie. […] Juvenal y a paru d’ailleurs un peu trop maltraité & Perse trop flatté, quoique du reste cette Epître soit pleine de réfléxions solides & ingénieuses.
Ce plan lui eût fourni un poème grand, noble, varié, plein d’âme et d’intérêt, et plus flatteur pour une jeune princesse, surtout s’il eût su lui parler de sa beauté moins longuement et d’une manière plus simple, plus vraie, plus naïve qu’il ne l’a fait. […] Il voit de toutes parts combler d’heur sa famille, La javelle à plein poing tomber sous la faucille, Le vendangeur ployer sous le faix des paniers ; Et semble qu’à l’envi les fertiles montagnes, Les humides vallons et les grasses campagnes S’efforcent à remplir sa cave et ses greniers. […] Les amateurs remarqueront, dans le rythme qu’il y emploie, une heureuse coupe de vers et un entrelacement de rimes plein de nonchalance. […] Chapelain, sans le vouloir, lui perçait le cœur lorsqu’il lui écrivait dans le premier âge d’or de l’institution (août 1634) : Quand il n’y aurait autre avantage qu’une fois la semaine on se voie avec ses amis en un réduit plein d’honneur, je ne croirais pas que ce fût une chose de petite consolation et d’utilité médiocre. […] …………………………………………………… L’âme pleine d’amour et de mélancolie, Et couché sur des fleurs et sous des orangers, J’ai montré ma blessure aux deux mers d’Italie, Et fait dire ton nom aux échos étrangers.
Veut-on voir ce tableau d’une teinte adoucie et riche encore, agreste et fumeux, plein de vie, curieux à observer après les splendeurs et les stupeurs torrides du Sahara : « On dansait devant la grille de la ferme sur une esplanade en forme d’aire, entourée de grands arbres, et parmi des herbes mouillées par l’humidité du soir comme s’il avait plu. […] Dominique, au milieu de ce laboratoire singulier, plein de charpentes, de madriers, de cabestans, de roues en mouvement, qu’on appelle un pressoir. […] Et quelquefois, à la fin de juin, par un jour brûlant, dans la robuste épaisseur d’un arbre en pleines feuilles, je voyais un petit oiseau muet et de couleur douteuse, peureux, dépaysé, qui errait tout seul et prenait son vol : c’était l’oiseau du printemps qui nous quittait. » Augustin, le précepteur de Dominique, est un très jeune homme, d’une nature tout opposée à celle de son élève : c’est un homme de livres, de logique, de science, un cerveau ; après bien des labeurs, après des âpretés et des difficultés sans nombre de carrière et de destinée, il arrivera un jour à se faire un nom parmi les écrivains sérieux de son pays, à se faire une haute situation même ; ce sera un politique, un économiste, un conseiller d’État, un ministre, que sais-je ? […] Continuons avec lui d’assister en idée à ce frais retour, à ce portrait parlant où tout respire le mouvement naïf et la grâce virginale : « Cette soirée-là fut pleine d’effusion. […] Or, il n’y avait que deux solutions tout à fait vraies à la situation de Dominique et de Madeleine : ou bien la chute de Madeleine, résultat de leur commune imprudence ; ou bien le départ, en effet, de Dominique, trop timide, et qui a usé le plus fort de sa passion, déjà ancienne, dans des luttes stériles ; mais alors la vérité qu’il faudrait dire, c’est que Madeleine chez qui, au contraire, la passion est dans son plein et à son comble, doit lui en vouloir et le mépriser un peu de l’avoir amenée là pour reculer ensuite.
Ce contemporain, dont le nom n’étonnera que ceux qui n’ont lu aucun de ses trois ouvrages caractéristiques, et qu’un instinct heureux de fureteur ou quelque indication bienveillante n’a pas mis sur la voie des Rêveries, d’Oberman et des Libres Méditations ; l’éloquent et haut moraliste qui débuta en 1799 par un livre d’athéisme mélancolique, que Rousseau aurait pu écrire comme talent, que Boulanger et Condorcet auraient ratifié comme penseurs ; qui bientôt, sous le titre d’Oberman, individualisa davantage ses doutes, son aversion sauvage de la société, sa contemplation fixe, opiniâtre, passionnément sinistre de la nature, et prodigua, dans les espaces lucides de ses rêves, mille paysages naturels et domestiques, d’où s’exhale une inexprimable émotion, et que cerne alentour une philosophie glacée ; qui, après cet effort, longtemps silencieux et comme stérilisé, mûrissant à l’ombre, perdant en éclat, n’aspirant plus qu’à cette chaleur modérée qui émane sans rayons de la vérité lointaine et de l’immuable justice, s’est élevé, dans les Libres Méditations, à une sorte de théosophie morale, toute purgée de cette âcreté chagrine qu’il avait sucée avec son siècle contre le christianisme, et toute pleine, au contraire, de confiance, de prière et de douce conciliation ; fruit bon, fruit aimable d’un automne qui n’en promettait pas de si savoureux ; cet homme éminent que le chevalier de Bouflers a loué, à qui Nodier empruntait des épigraphes vers 1804 ; que M. […] Aux heures propices de liberté, il s’essayait dès lors à ce roman de son cœur. « Plusieurs fois j’étais dans les bois avant que le soleil parût ; je gravissais les sommets encore dans l’ombre, je me mouillais dans la bruyère pleine de rosée ; et, quand le soleil paraissait, je regrettais la clarté incertaine qui précède l’aurore ; j’aimais les fondrières, les vallons obscurs, les bois épais ; j’aimais les collines couvertes de bruyère ; j’aimais beaucoup les grès renversés, les rocs ruineux ; j’aimais bien plus ces sables vastes et mobiles dont nul pas d’homme ne marquait l’aride surface sillonnée çà et là par la trace inquiète de la biche ou du lièvre en fuite. » Si l’on a le droit de conclure d’Oberman à M. de Sénancour, genre de conjecture que je crois fort légitime pour les livres de cette sorte, en ne s’attachant qu’au fond du personnage et à certains détails caractéristiques, il paraît que, dans une de ses courses à travers la forêt, le jeune rêveur fut conduit, à la suite d’un chien, vers une carrière abandonnée, où un ouvrier, qui avait pendant plus de trente ans taillé des pavés près de là, n’ayant ni bien ni famille, s’était retiré, pour y vivre d’eau, de pain et de liberté, loin de l’aumône et des hôpitaux. […] Plein d’aversion pour une société factice où tout, suivant lui, s’est exagéré et corrompu ; en perpétuelle défiance contre cette force active qui projette l’homme inconsidérément dans les sciences, l’industrie et les arts ; ne croyant plus, d’autre part, à la libre et hautaine suprématie de la volonté, il tend à faire rétrograder le sage vers la simple sensation de l’être, vers l’instinct végétatif, au gré des climats, au couchant des saisons ; pour une plus égale oscillation de l’âme, les données qu’il exige sont un climat fixe, des saisons régulières ; il choisit de la sorte, il compose un milieu automnal, éthéré, élyséen, selon la molle convenance d’un cœur désabusé, ou selon la mâle âpreté d’une âme plus fière, l’île fortunée de Jean-Jacques ou une haute vallée des Alpes ; il y pose le sage, il l’y assimile aux lieux, il lui dit d’aller, de cheminer à pas lents, prenant garde aux agitations trop confuses, et se maintenant par effort de philosophie à la sensation aveugle et toujours semblable. « Je ne m’assoirai point auprès du fracas des cataractes ou sur un tertre qui domine une plaine illimitée ; mais je choisirai, dans un site bien circonscrit, la pierre mouillée par une onde qui roule seule dans le silence du vallon, ou bien un tronc vieilli, couché dans la profondeur des forêts, sous le frémissement du feuillage et le murmure des hêtres que le vent fatigue pour les briser un jour comme lui. […] Son plein automne aujourd’hui est riche à tous les yeux, séduisant à voir, et chacun l’aime. […] Les retours indirects de l’auteur sur lui-même sont attachants et pleins d’inductions à tirer pour le lecteur averti.
» — Mais la même voix s’éleva du sanctuaire, pleine d’une ironie courroucée : — « Certes, je l’ordonne, afin que votre impiété vous fasse périr promptement, et que désormais l’on ne vienne plus demander à l’oracle s’il faut livrer des Suppliants. » Les historiens ne citent aucun cas d’un tel sacrilège ouvertement consommé. […] Si vous portiez des arcs, je vous prendrais pour elles. » — On dirait un baron du moyen âge, la tête pleine d’histoires de goules et de sorcières barbaresques, questionnant avec une sévérité soupçonneuse quelque bande noire d’Égyptiennes qui serait venue camper sous sa ville. […] … Mon esprit est plein de doutes et de craintes. […] — Un cantique de reconnaissance salue cette nouvelle ; les jeunes filles répandent à pleine voix leurs souhaits sur Argos naissante : on dirait un groupe de fées affectueuses comblant un berceau. — « Que jamais la contagion ne dépeuple Argos de ses citoyens ! […] Tandis que la morne et caduque Égypte, chargée des chaînes de ses dogmes, tournait autour d’un puits funéraire, dans le cercle qu’avaient creusé ses ancêtres ; tandis qu’elle embaumait ses morts et raidissait ses colosses, la libre et riante Hellade créait ses dieux en chantant, et les sculptait dans les marbres pleins d’une vie sublime.
Son Jules César est aussi plein de Plutarque que Britannicus l’est de Tacite ; et, s’il n’a pas appris l’histoire mieux que personne, il faut dire qu’il l’a devinée, au moins quant aux caractères, mieux que personne ne l’a jamais sue. […] Pour excuser l’amour-propre de Montaigne, Grimm trouve une raison pleine d’observation et de finesse ; remarquant que l’amour-propre est moins fâcheux quand il se montre sans dissimulation et avec bonhomie, il ajoute : « Loin d’exclure la sensibilité pour les autres, il en est souvent la marque et la mesure la plus certaine. […] Buffon et Rousseau contribuèrent ensuite à remettre en lumière par de larges exemples le style plein, mâle, éloquent : Ces sortes de beautés, observe Grimm, étaient perdues pour M. de Fontenelle. […] Sur Montesquieu, Grimm s’exprime avec admiration et respect, mais en peu de paroles ; il le proclame un génie plein de vertu, et le salue à ses funérailles. […] Lorsque parut, vers juillet 1780, le singulier écrit intitulé : Rousseau, juge de Jean-Jacques, où se voit « le mélange le plus étonnant de force de style et de faiblesse d’esprit, tout le désordre d’une sensibilité profondément affectée, un ridicule inconcevable avec la folie la plus sérieuse et la plus digne de pitié », Grimm y trouve le sujet de réflexions pleines de modération et d’humilité sur le pauvre esprit humain.
Nous avons retrouvé l’accent libre de l’émotion pleine, et nous avons reconnu une voix d’homme dans ces vers sur Locksley Hall : Sa joue était pâle et plus mince qu’il ne fallait pour son âge ; — et ses yeux, avec une attention muette, étaient suspendus à tous mes mouvements. […] Il y a chez les personnages de la Princesse, comme chez ceux d’As you like it, un trop plein d’imagination et d’émotions. […] À présent, j’irai1537. » Elle meurt, et, selon sa dernière prière, ils l’emportent « comme une ombre à travers les champs qui brillent dans leur pleine fleur d’été », et la posent sur la barque toute tendue de velours noir. […] Il en a été trop plein, il s’y est livré, il s’en est enivré. Il s’est lâché à travers la vie comme un cheval de race cabré dans la campagne, que l’odeur des plantes et la magnifique nouveauté du vaste ciel précipitent à pleine poitrine dans des courses folles qui brisent tout et vont le briser.
Elle regardait de loin, pleine d’étonnement, les coupables morbidesses de sa sœur italienne qui s’étirait avec des langueurs de sieste, dans une alcôve mal fermée. […] Telle est, sans entrer dans le détail des quatre drames, poignants et terribles, pleins d’événements et de situations hardies, — telle est la trilogie de l’Anneau du Niebelung, ou du moins l’idée qui s’en dégage. […] Tantôt l’on soupire, tantôt l’on sourit, tantôt l’on rit à pleine gorge. […] La musique devient sautillante, pleine d’insouciance et d’ardeur légère. […] Mais l’inspiration, qui a été trop longtemps la folle du logis, il faut la vaincre, la maîtriser, la guider ; elle est la Chimère dont, à pleins poings, on saisit la crinière et que l’on courbe à la règle.
Ses correspondances, les propos qu’on rapporte de lui, ses confidences d’intimité sont pleines de ces traits. […] Son Journal est tout plein des cris d’une souffrance absolue, qui n’espère pas, qui n’espère pas même espérer. […] Hugo est plein de ce travers qu’il aurait pu éviter, puisqu’il n’était pas pour lui une fatalité de profession. […] J’en dirai autant de Plein ciel, si beau, du reste, comme poème. […] La mise en liberté (Art d’être grand-père), Chanson, Stella (Châtiments), Pleine mer et Plein ciel (Première Légende) sont des poèmes.
En somme, ce n’est point à ces illustres devanciers qu’il faut demander d’être tout à fait justes et attentifs quand on est soi-même de leur race ; ils sont trop pleins d’eux-mêmes. […] La très belle partie de Namouna, celle où le poète se déclare avec une pleine puissance, est au chant deuxième. […] Il nous le montre beau, à vingt ans, assis au bord d’une prairie, à côté de sa maîtresse endormie, et protégeant, comme l’ange, son sommeil : Le voilà, jeune et beau, sous le ciel de la France… Portant sur la nature un cœur plein d’espérance, Aimant, aimé tous, ouvert comme une fleur ; Si candide et si frais que l’Ange d’innocence Baiserait sur son front la beauté de son cœur. […] J’en distingue une intitulée Soirée perdue, où il a entrecroisé assez gracieusement un motif d’André Chénier avec une pensée de Molière, une satire Sur la paresse, où le poète s’est excité d’une lecture de Régnier ; un joli conte, Simone, où il s’est souvenu de Boccace et de La Fontaine ; mais surtout un Souvenir plein de charme et de passion encore, où il ne s’est inspiré que de lui-même.
D’une part, engagée par les sollicitations de votre mémoire, disons mieux, de votre conscience ; de l’autre retenue par les scrupules de votre amour-propre, ou du moins de votre délicatesse, il vous faudra, et j’adopte ici la supposition la plus douce, il vous faudra tout ménager, tout prévoir, conter avec apprêt et réserve, fausser presque à votre insu vos réminiscences, prendre à propos vos rêves pour des souvenirs, en un mot, par un officieux et perpétuel mensonge d’imagination, reconstruire le passé en croyant le reproduire ; à moins toutefois, ce que je ne redoute guère, qu’il ne vous advienne l’orgueilleux caprice de nous confesser voire vie pleine et entière, à la mode de saint Augustin, sinon de Jean-Jacques. […] A parler sérieusement, il n’est qu’un cas où le personnage vivant ait plein droit d’invoquer avec éclat et franchise l’attention publique sur l’intimité de ses pensées et de sa vie ; c’est quand ce personnage est public lui-même, que ses actes extérieurs sont dévolus à l’opinion, et qu’il les discute par-devant elle : ses mémoires ne sont rien alors qu’un plaidoyer qu’il lance dans les débats, et le procès se poursuit jusqu’à ce que vienne l’histoire.
Morvonnais est abondante, cordiale, salubre pour ainsi dire, pleine d’images heureuses et particulières de la nature, féconde en effusions mystiques : le fond a beaucoup de richesse et de fertilité ; la forme en est souvent indéterminée et quelque peu inculte. […] Le seul bruit de tes pas ravive dans mon cœur Des souvenirs tout pleins d’une exquise douceur De repos et de rêverie.
C’était, dit-on, un homme sobre, d’un jugement rare, plein de bons conseils, buvant peu et beaucoup plus prévoyant qu’il ne voudrait le faire croire dans ses chansons. […] Il est mort plein de jours, en possession d’une immense sympathie publique, et je ne veux, certes, contester aucune de ses vertus domestiques ; mais je nie radicalement le poète aux divers points de vue de la puissance intellectuelle, du sentiment de la nature, de la langue, du style et de l’entente spéciale du vers, dons précieux, nécessaires, que lui avaient refusés tous les dieux, y compris le dieu des bonnes gens, qui, du reste, n’est qu’une divinité de cabaret philanthropique.
Quoiqu’on n’ait cessé de lui dire qu’il ne sauroit trop respecter ces hommes qui honorent notre Nation par leur Littérature, autant que par leurs lumieres & leurs vertus ; il n’a pas craint de les qualifier d’Ecrivains bizarres, de les accuser d’être vindicatifs, intolérans, orgueilleux, égoïstes, pleins de morgue. […] Freron nous apprend, il est vrai, « qu’il avoit à craindre le mécontentement de plusieurs puissans Mécènes pleins d’entrailles pour leurs chers petits Rimailleurs, ou leurs insipides Romanciers ; que ses amis ont été cent fois le trouver lorsqu’il paroissoit un Ouvrage nouveau, pour l’engager à n’en pas dire du mal, parce que l’Auteur étoit vivement protégé par tel Prince, ou tel Duc, ou telle Dame, qui ne manqueroit pas d’employer contre sa personne & son Journal toutes les ressources du crédit* ».
Ainsi, nous ne ferons paraître à l’appui de nos raisonnements ni Fénélon, si plein d’onction dans les méditations chrétiennes, ni Bourdaloue, force et victoire de la doctrine évangélique : nous n’appellerons à notre secours ni les savantes compositions de Fléchier, ni la brillante imagination du dernier des orateurs chrétiens, l’abbé Poulle. […] Il nous semble qu’on a vanté trop exclusivement son Petit Carême : l’auteur y montre, sans doute, une grande connaissance du cœur humain, des vues fines sur les vices des cours, des moralités écrites avec une élégance qui ne bannit pas la simplicité ; mais il y a certainement une éloquence plus pleine, un style plus hardi, des mouvements plus pathétiques et des pensées plus profondes dans quelques-uns de ses autres sermons, tels que ceux sur la mort, sur l’impénitence finale, sur le petit nombre des élus, sur la mort du pécheur, sur la nécessité d’un avenir, sur la passion de Jésus-Christ.
De même que nous passons par l’immobile pour aller au mouvant, ainsi nous nous servons du vide pour penser le plein. […] Un verre a beau être toujours plein, le liquide qui le remplit n’en comble pas moins un vide. […] Elle n’est qu’une comparaison entre ce qui est et ce qui pourrait ou devrait être, entre du plein et du plein. […] C’est donc une représentation éminemment compréhensive et pleine, aussi pleine et compréhensive que l’idée de Tout, avec laquelle elle a la plus étroite parenté. […] Ne voit-on pas que c’est opposer du plein à du plein, et que la question de savoir « pourquoi quelque chose existe » est par conséquent une question dépourvue de sens, un pseudo-problème soulevé autour d’une pseudo-idée ?
Ils furent rois sans doute : Voltaire en fut un, plein de licence et de caprices ; Montesquieu en fut un qui se souvenait trop de sa robe et d’être président à mortier, et Buffon avait sa morgue et sa plénitude qui l’isolaient à Montbard. […] A la contemplation de ces scènes voisines et déjà fabuleuses qui se confondaient avec nos premiers rêves du berceau, l’imagination s’est enrichie de couleurs encore inconnues ; d’immenses horizons se sont ouverts de toutes parts à de jeunes audaces pleines d’essor ; en éclat, en puissance prodigue et gigantesque, la langue et ses peintures et ses harmonies, jusque-là timides, ont débordé. […] La publication des lettres écrites du Donjon de Vincennes avait déjà révélé Mirabeau dans la pleine frénésie des passions et des sens, sous un jour romanesque, mais vrai, et que la postérité aisément pardonne. […] Et pourtant ces souvenirs des commencements doivent être pleins de pureté et de charme, lorsque le prisonnier de Joux, jouissant d’une demi-liberté, venait à Pontarlier chez le vieux marquis de Mounier dont la maison lui était ouverte, lorsqu’il racontait devant lui et sa jeune femme les malheurs et les fautes qui l’avaient conduit là, et qu’elle, comme Desdemona aux récits d’Othello, comme Didon aux récits d’Énée, comme toutes les femmes qui écoutent longuement des exploits ou des malheurs, pleurait et l’aimait pour ce qu’il avait fait et subi, pour ce qu’il avait souffert. […] En ces conjonctures, les graves époux s’enfermaient dans leur oratoire, et ils reparaissaient ensuite avec une pleine et entière sérénité.
Quand il parut, il y a quelques mois, et qu’attiré par ce titre que je m’obstine à trouver très-piquant et plein de promesses, je lus cette platitude qui voulait avoir de la pointe, je me laissai aisément persuader qu’il ne fallait attacher sur chose de cet ordre la cocarde d’aucune critique. […] Eugène Sue, qui avait des reins, Eugène Sue, ce portefaix littéraire, a manqué les Mémoires d’une institutrice, encore un titre plein de choses, un type et un sujet heureux ! […] Il a les yeux pleins du jaune de l’envie ; et d’ailleurs il est sensuel au point d’être toujours bêtement hors de lui à la vue du moindre corsage.
« Évoque devant moi les grands hommes ; je veux les voir et converser avec eux, disait un jeune prince plein d’imagination et d’enthousiasme, à une Pythonisse célèbre qui passait dans l’Orient pour évoquer les morts. » Un sage qui n’était pas loin de là, et qui passait sa vie dans la retraite, approcha et lui dit : « Je vais exécuter ce que tu demandes. […] C’est celle d’un vieillard plein de sens, accoutumé au spectacle des choses humaines, qui ne s’échauffe pas, ne s’éblouit pas, admire avec tranquillité et blâme sans indignation ; sa marche est mesurée, et il ne la précipite jamais : semblable à une rivière calme, il s’arrête, il revient, il suspend son cours, il embrasse lentement un terrain vaste ; il sème tranquillement, et comme au hasard sur sa route, tout ce que sa mémoire vient lui offrir ; enfin partout il converse avec son lecteur : c’est le Montaigne des Grecs ; mais il n’a point comme lui cette manière pittoresque et hardie de peindre ses idées, et cette imagination de style que peu de poètes même ont eue comme Montaigne. […] La première moitié a cet agrément qui caractérise presque tous les ouvrages de Lucien ; la dernière est pleine de grandeur ; elle est digne des plus beaux temps de la Grèce.
C’était vivant, c’était clair, c’était plein d’illusions bêtes, mais généreuses ; enfin, tout le contraire de Ludine. […] Je m’efforçais de lui relever le cœur, lui montrant, à ce fantassin plein d’impatience, le domptable Bucéphale des conquérants qui l’attendait dans la lumière. […] Il y en a même qui sont pleins d’allégresse et de juvénilité. […] Sa terreur est faite comme son âme et comme son génie, c’est-à-dire pleine de désirs et pleine de larmes, très mystique et très humble, à la façon des Premiers Coupables dans les fresques naïves des Primitifs. […] C’est une espèce d’enfer réalisé dans un seul cœur, un enfer vide d’espérance et plein de Dieu comme l’autre enfer, mais d’un Dieu qu’on ne voit pas et qu’on est enragé de ne pas voir plein d’anges aussi, mais d’anges ténébreux qui portent les noms désolants de tous les dégoûts et de toutes les influences néfastes de la vie.
Il en a plein des coffres, plein des caves, plein des souterrains, et incessamment une file d’esclaves lui en apporte d’opulentes corbeilles qu’il vide, dédaigneux, sur les marches éblouies de ses escaliers de marbre, cascades versicolores qui s’en vont bouillonnantes, puis paisibles, former des étangs et des lacs irradiés. […] Tailhade ne sont pas davantage destinées à faire rêver les belles madames qui s’éventent avec des plumes de paon ; il est difficile d’en citer même une pleine strophe. […] Un homme s’en va par le monde portant avec soi un coffre plein de terre natale et libre ; il porte son amour ; mais un jour il est écrasé par son amour. […] Paul Adam use d’une langue vigoureuse, serrée, pleine d’images, neuve jusqu’à inaugurer des formes syntaxiques. […] Venu à Paris comme tout autre étudiant valaque ou levantin, et déjà plein d’amour pour la langue française, M.
Hébert s’annonçait de manière à être toujours le bienvenu, comme un homme plein de distinction. […] Avec de pareils artistes, il faut être plein de réserve et de respect. […] Rousseau a le travail compliqué, plein de ruses et de repentirs. […] avec un geste plein d’autorité. […] Il a réussi, et son fantôme est plein de vide.
Il l’a modernisé sans le vulgariser ; il a inventé le débardeur, ce demi-déshabillé flottant, élégant, engageant, et où tous les avantages et les agréments naturels trouvent leur compte ; il a refait un Pierrot tout neuf, original, coquettement coiffé, aux plis mous, relâchés, mais artistement agencés dans leur mollesse, un Pierrot plein de grâce et à faire envie aux plus séduisants minois (voir, entre autres, dans là série des Bals masqués, le n° 4). […] De projets de bonheur la calèche était pleine ; Nul ne sait quels regards venaient s’y caresser, Ni de quelle main blanche on ôtait la mitaine Pour cueillir un premier baiser ; Ni quelles voix ont fait de ces aveux qu’inspire L’ombrage parfumé des arbres défendus. […] Chacun en juge à sa guise et en décide selon ses goûts : — « La beauté, c’est, ma mie, a dit l’écolier, le bonheur est dans l’amour. » — « Le bonheur est en campagne, dit le soldat ; rien n’est beau comme un cavalier le sabre au poing. » — « Si ce n’est un coffret plein et bien gardé », répond l’avare. […] Et, en cet instant, une troupe de joyeux requins suivaient dans le sillage et pensaient entre eux : — « Rien n’est beau comme une galère qui va sombrer en mer toute pleine de passagers. » Et dites après cela, philosophes, que « le beau est la forme du bon. » Cet apologue est digne de Stendhal. — Voulez-vous quelque chose de plus gai ? voici la définition d’un bal : « Un bal, c’est une corbeille de rubans et de gazes, confusément pleine de fleurs fraîches, de fleurs fanées et de fleurs artificielles, parmi lesquelles, à la lumière des bougies, se joue un essaim de papillons noirs. » Il y a là toute une aquarelle vivante, claire, légère, comme il les sait faire, et tachetée de noir par places avec caprice et agrément.
Cela est vrai, depuis le souverain qui, lorsqu’il est fait pour l’être, parle des matières d’État avec élévation, avec dignité et simplicité, jusqu’à l’homme spécial et plein de son sujet qui, pour peu qu’il soit à la fois homme d’esprit, se trouve être son meilleur truchement à lui-même. […] Deschanel, un esprit sincère, autrefois professeur distingué de rhétorique, qui, dans un livre ingénieux, plein de faits et de remarques, vient réclamer cette transformation de l’ancienne rhétorique en histoire et en observation naturelle. […] On devient calme, on devient fort, on devient bon, on devient inébranlable dans la justice, on devient plein de bienveillance et d’amour. […] Sans doute les très belles et touchantes parties, les endroits pathétiques et pleins de larmes, les adieux d’Hector et d’Andromaque, les douleurs de Priam, étaient sentis ; mais tout ce qui tenait aux mœurs, à la sauvagerie d’alors, à la naïveté et à la crudité des passions et du langage, échappait ou s’éludait grâce aux commentateurs ou traducteurs, et se défigurait vraiment à travers l’admiration des Eustathe et des Dacier. […] Est-ce que cela a nui à la pleine intelligence de son génie, de mieux connaître toute la littérature et le théâtre de son temps, ce mélange de subtilités et de violences, et de pouvoir le comparer avec les autres auteurs de cette forte couvée dramatique dont il est l’aigle et le roi ?
Courant de là vers la Bastille avec de pleins pouvoirs, elle recueillit chemin faisant les blessés, presque tous gens de marque et qu’elle reconnaissait avec pitié. Elle nous peint en traits expressifs le moment où elle retrouve M. le Prince dans un des intervalles de l’action : Il était dans un état pitoyable, il avait deux doigts de poussière sur le visage, ses cheveux tout mêlés ; son collet et sa chemise étaient pleins de sang, quoiqu’il n’eût pas été blessé ; sa cuirasse était pleine de coups, et il tenait son épée nue à la main, ayant perdu le fourreau ; il la donna à mon écuyer. […] La première fois qu’il fit son service de capitaine des gardes et qu’il prit le bâton, comme on disait, « il en fit les fonctions avec un air grand et aisé, plein de soins sans empressement. […] Il y avait des jours pourtant où l’on aurait dit qu’il commençait à entendre ; mais il s’échappait toujours à temps « par des manières respectueuses qui étaient pleines d’esprit », et qui achevaient d’enflammer l’innocente princesse.
Carrel dit quelque chose d’approchant de la seconde réalité, essentielle encore, selon lui, à toute constitution politique qui dérive de la Révolution bien comprise : ce second pouvoir, c’est une certaine aristocratie, qui tient de l’ancienne noblesse et qui se rapporte assez exactement à la classe des grands propriétaires : « Nous la transformerons en pairie, dit-il, et nous vivrons bien désormais avec elle. » Cet article, un peu enveloppé à cause du but, est d’ailleurs plein de sens et fait bon marché des doctrines abstraites ou mystiques en sens inverse, tant de celle du droit divin que de celle des disciples de Rousseau : Que si, croyant nous pousser à bout, vous nous demandez où réside enfin suivant nous la souveraineté, nous vous répondrons que ce mot n’a plus de sens ; que l’idée qu’il exprime a disparu par la Révolution comme tant de choses ; que nous ne voyons nulle utilité à la vouloir ressusciter ; que le peuple n’a plus besoin d’être souverain et se moque d’être ou non la source des pouvoirs politiques, pourvu qu’il soit représenté, qu’il vote l’impôt, qu’il ait la liberté individuelle, la presse, etc. ; enfin le pouvoir d’arrêter une administration dangereuse en lui refusant les subsides, c’est-à-dire l’existence même. […] On peut croire qu’il choisit bien ses points d’attaque ; les vers les plus étranges ne lui échappent pas ; il décrit spirituellement, et avec une verve railleuse assez légère, ce public des premières représentations d’Hernani, dont nous étions nous-même, public fervent, plein d’espérance et de désir, et qui mettait toute sa force en ce moment à tenter une révolution non pas précisément dans l’État, mais dans l’art. […] L’avenir est remis à l’énergie individuelle des citoyens. » Sa conduite, pendant ces journées de Juillet, fut pleine de fermeté ; mais il n’espérait rien de la résistance armée du peuple, et il ne la conseillait pas. […] Encore une fois, tout cela serait charmant et d’une singularité pleine de grâce dans un jeune et brillant militaire qui veut qu’on soit avant tout avec lui de la religion des braves ; mais, transposé dans l’ordre de la discussion politique et dans un système qui professait une entière liberté de presse, cela criait et jurait à chaque pas. […] Au reste, comme talent, la pleine opposition va bien à Carrel ; l’opposition ambiguë le gênait et lui imprimait souvent une contrainte visible.
Il y eut là pour lui cinq ou six années uniques (1771-1776) où, sous le coup de la lutte et de la nécessité, et dans le premier souffle de la faveur, il arriva à la pleine expansion de lui-même, et où il se sentit naître comme des facultés surnaturelles qu’il ne retrouvera plus jamais à ce degré. […] Au contraire, les autres personnages plaisent et séduisent par une touche légère et d’une nuance bien naturelle : et Suzanne, « la charmante fille, toujours riante, verdissante29, pleine de gaieté et d’esprit, d’amour et de délices », très peu sage, quoi qu’on en dise, très peu disposée du moins à rester telle, mais qui n’en est encore qu’à la rouerie innocente et instinctive de son sexe ; de même, dans un ordre plus élevé, la comtesse, si habile déjà à son corps défendant, et si perfectionnée en femme du monde, sans avoir pourtant failli encore au devoir et à la vertu. […] On y verra la différence d’un premier crayon naturel et vif à une peinture passionnée et pleine de flamme. […] Quand on fut près de la cinquantième, Beaumarchais sentit qu’il fallait quelque peu d’invention pour doubler ce cap à pleines voiles ; et, comme la bienfaisance était chose très à la mode, il eut l’idée, très sincère en partie, d’y recourir. […] Il ressentit profondément cet affront, qui lui venait dans le plein de son triomphe ; il se tint quelque temps chez lui dans la retraite, ne répondant que peu aux questions, aux lettres des curieux et admirateurs.
Un critique allemand de 1680, Bentheim, se sent désarmé, parce que, dit-il, Shakespeare est une tête pleine de drôlerie. […] Je n’aime pas Ovide, ce proscrit lâche, ce lécheur de mains sanglantes, ce chien couchant de l’exil, ce flatteur lointain et dédaigné du tyran, et je hais le bel esprit dont Ovide est plein ; mais je ne confonds pas ce bel esprit avec la puissante antithèse de Shakespeare. […] Shakespeare, c’est la fertilité, la force, l’exubérance, la mamelle gonflée, la coupe écumante, la cuve à plein bord, la sève par excès, la lave en torrent, les germes en tourbillons, la vaste pluie de vie, tout par milliers, tout par millions, nulle réticence, nulle ligature, nulle économie, la prodigalité insensée et tranquille du créateur. […] Shakespeare, comme tous les grands poètes et comme toutes les grandes choses, est plein d’un rêve. […] Il est de ces génies mal bridés exprès par Dieu pour qu’ils aillent farouches et à plein vol dans l’infini.
J’ai les mains pleines de preuves se rapportant à des dates très différentes ; mais c’en est assez sur un fait qui n’intéresse le public qu’en tant que servant à bien marquer la physionomie distincte et même contraire de deux personnages historiques assez notables. […] Voici le texte arrangé de l’édition de 1825 : Cependant mon père était recherché par ce qu’il y avait de meilleure compagnie dans la province ; il était de toutes les fêtes, convive aimable et plein d’enjouement ; avec cela un esprit nerveux, une âme forte, le cœur aussi courageux que l’esprit ; de la finesse dans les aperçus, de la justesse dans le discernement ; peut-être ne se reconnaissait-il pas lui-même, il ignorait la porté de son génie.
C’est un livre tumultueux, grondant, qui donne l’impression d’une gare immense pleine de locomotives, de sifflements, de cris et de baisers d’adieu ou de retour. […] Barrès montra la pleine possession et la pleine jouissance de soi-même ; comme moyen, la séduction des Barbares qui nous entourent, entravent nos voies, s’opposent, par leur masse, au développement de nos activités et de nos plaisirs. […] Il n’aurait jamais été un écrivain fécond, de ceux qui, l’œuvre achevée, la jettent sans souci, déjà pleins d’un amour exclusif pour celle qui va naître. […] Mikhaël était ainsi : doux et fier, plein d’un ennui très triste : Mais le ciel gris est plein de tristesse câline Ineffablement douce aux cœurs chargés d’ennuis. […] René Mauperin est un livre de ce ton, plein de larmes cachées.
Pour celle, qui était une grande dame, il était plein de politesse et de respect ; pour celle qui était une jeune personne bien élevée, il était plein de ménagements et de réserve ; pour cette autre enfin, une franche coquette, il avait l’air de lui dire : — Part à deux, Madame ! […] Elle se laissait embrasser et enlever, une demi-douzaine de fois chaque soir ; sa tête était pleine de beaux vers, son cœur plein de nobles passions ; elle rajeunissait le vieux velours à force de beauté, elle rendait son éclat au vieux satin à force de jeunesse. […] De Molière il répandait le sel à pleines mains ; de Marivaux il notait et soulignait la gaieté. […] Et cette femme accorte et vive, au regard plein de feu, le rire à la lèvre et le printemps à la joue ? […] Quelle gaieté jetée à pleines mains comme l’esprit !
Et ce chant (notez-le) n’est pas un chant de dimension ordinaire ; il n’a pas moins de 1,400 vers ; si l’on y joint les 250 premiers vers du suivant, qui exposent les derniers actes de Médée en Colchide et sa fuite à bord du vaisseau Argo, on a là une suite de plus de 1,600 vers pleins de beautés diverses, animés de feu, de passion et de grâce. […] Le fol Amour s’est échauffé au jeu : « tenant contre sa poitrine la main gauche toute pleine des osselets d’or qu’il venait de gagner, il était debout, triomphant : une molle rougeur fleurissait le teint de ses joues. […] Nous continuons de lire en son cœur : « Cependant un sommeil épais soulageait un peu de ses angoisses la jeune fille couchée sur son lit ; mais bientôt des songes trompeurs, pleins d’images funestes, comme il arrive dans les chagrins, venaient l’irriter. […] Plus d’une fois elle ouvrit les portes de sa chambre, guettant la lumière : enfin l’Aurore la frappa de sa clarté chérie, et déjà chacun se mettait en mouvement à travers la ville. » Ici se placent des descriptions pleines de fraîcheur, la toilette empressée de la jeune fille qui veut effacer la trace des larmes de la nuit et s’assurer toute sa beauté, les ordres qu’elle donne à ses compagnes d’atteler le char. […] Qu’on se garde de conclure pourtant qu’il ne se rencontre pas encore de beaux passages, et dignes de souvenir, notamment l’épisode des noces en Phéacie ; ce que je veux marquer, c’est que l’action, si heureuse et si pleine dans son milieu, est véritablement sur le retour, c’est que l’intérêt principal se traîne et n’a plus d’objet.
La politique l’avait rendu à la poésie, la poésie reportait son cœur à Laure, son imagination à Vaucluse ; il composa à San-Colomban des vers et des lettres pleines de sa mélancolie. […] Pétrarque, indigné de cette faiblesse, écrit de Milan à l’empereur une lettre pleine d’objurgations et presque d’outrages sur sa lâcheté et sur son retour ignominieux en Allemagne. […] Il rendait pleine justice à la vigueur du pinceau du chantre de l’Enfer et du Paradis ; mais il trouvait obscurité, scolastique, cynisme et quelquefois obscénité dans les images et dans le style. […] Les dix années qu’il passa à Padoue, à Venise ou dans les collines du bord de l’Adriatique, n’ont laissé traces que par de nombreuses et admirables lettres et quelques sonnets pleins de la mémoire de Laure. […] Ses propos sont pleins de sel, d’enjouement et de candeur.
Il a raconté, dans des pages publiées après sa mort, et qui n’ont été que légèrement affaiblies par l’éditeur, la crise morale qu’il subit à l’âge de vingt ans, le moment plein d’effroi, où lui, élevé dans ses montagnes et dans la foi des patriarches, il s’aperçut tout d’un coup qu’il ne croyait plus : Je n’oublierai jamais, écrivait-il, la soirée de décembre où le voile qui me dérobait à moi-même ma propre incrédulité fut déchiré. […] Ce moment fut affreux, et quand, vers le matin, je me jetai épuisé sur mon lit, il me sembla sentir ma première vie, si riante et si pleine, s’éteindre, et derrière moi s’en ouvrir une autre sombre et dépeuplée, où désormais j’allais vivre seul, seul avec ma fatale pensée qui venait de m’y exiler et que j’étais tenté de maudire… Si M. […] Ce n’était plus le jeune enthousiaste de l’École normale, rompant douloureusement avec le Dieu de ses pères et se mettant en marche vers la découverte d’un dogme nouveau ; ce n’était plus le superbe initiateur des premiers temps du Globe, altier et plein d’ambitieuses promesses, et qui croyait tenir la nouvelle vérité : c’est l’homme qui a connu le néant des espérances, qui a reçu la leçon des choses et les injures de la vie. […] Il avait une langue pure, facile et pleine, une perception vive et pénétrante de la nature, un tour d’imagination assez romanesque, et un sentiment exquis de critique littéraire : il aurait pu se porter sur plus d’un sujet qui eût du corps, s’y reposer du moins et s’y refaire dans les intervalles de ses soliloques psychologiques trop prolongés.
Je ne prendrai pas pour exemple, dans ce volume même, tout ce qui tient au blocus continental et à ces questions de douanes qu’il fait suffisamment comprendre, à la seule condition d’y donner tout leur développement : mais si l’on s’attache à cette expédition de Masséna en Portugal, expédition ingrate s’il en fut, pleine de mécomptes, où tout avorte, où les combats acharnés restent indécis, où personne n’a d’illusions, et où, si peu qu’on en ait, le résultat trouve encore moyen de tromper un reste d’espérance ; si l’on suit cette expédition dans l’Histoire de M. […] Ces pages sont pleines de clarté, de lucidité, et presque de charme. […] Thiers, plein de son objet, et y portant, comme il fait toujours, le courant et le torrent de sa pensée, raconte comment et pourquoi il aime l’histoire, la connaissance complète des faits, leur exposé exact et lumineux, comment un seul point resté douteux l’excite à la recherche et à la découverte, comment une seule erreur qui lui échappe le remplit de confusion. […] Mais aussi il y a un historien des plus heureusement doués dont le procédé est autre : il lit, il étudie, il se pénètre pendant des mois et quelquefois des années d’un sujet, il en parcourt avec étendue et curiosité toutes les parties même les plus techniques, il le traverse en tous sens, s’attachant aux moindres endroits, aux plus minutieuses circonstances ; il en parle pendant ce temps avec enthousiasme, il en est plein et vous en entretient constamment, il se le répète à lui-même et aux autres ; ce trop de couleur dont il ne veut pas, il le dissipe de la sorte, il le prodigue en paroles, en saillies et en images mêmes qui vaudraient souvent la peine d’être recueillies, car, plume en main, il ne les retrouvera plus : et ce premier feu jeté, quand le moment d’écrire ou de dicter est venu, il épanche une dernière fois et tout d’une haleine son récit facile, naturel, explicatif, développé, imposant de masse et d’ensemble, où il y a bien des négligences sans doute, bien des longueurs, mais des grâces ; où rien ne saurait précisément se citer comme bien écrit, mais où il y a des choses merveilleusement dites, et où, si la brièveté et la haute concision du moraliste font défaut par moments, si l’expression surtout prend un certain air de lieu commun là où elle cesse d’être simple et où elle veut s’élever, les grandes parties positives d’administration, de guerre, sont si amplement et si largement traitées, si lumineusement rapportées et déduites, et la marche générale des choses de l’État si bien suivie, que cela suffit pour lui constituer entre les historiens modernes un mérite unique, et pour faire de son livre un monument.
Studieux, modeste, plein du désir de savoir et de bien faire, M. […] Puis s’adressant pour finir à Bernières, à qui il dédie son ode : Tu vois dans cette poésie Pleine de licence et d’ardeur Ces beaux rayons de la splendeur Qui m’éclaire la fantaisie : Tantôt chagrin, tantôt joyeux, Selon que la fureur m’enflamme Et que l’objet s’offre à mes yeux, Les propos me naissent en l’âme, Sans contraindre la liberté Du démon qui m’a transporté. […] Toutefois il a entrevu quelque chose, il a eu un éclair de nouveauté et de libre peinture ; sa chaleur de jeunesse l’a bien servi, et dans cette pièce, de même que dans la suivante, intitulée Le Contemplateur et adressée à l’évêque de Nantes Cospeau, il a eu en présence de la nature l’aperçu de certains genres de poésie descriptive ou méditative qui ont sommeillé durant près de deux siècles encore, pour n’éclore et ne se développer dans leur vraie et pleine saison que de nos jours. […] Parmi celles de ses pièces qu’on peut citer, on appréciait fort dans le temps Le Melon ; il y célèbre à pleine bouche ce roi des fruits, et raconte son origine, sa première apparition sur la table de l’Olympe le jour où les dieux firent gala après la défaite des titans.
Il reconnut aussitôt à quel point la matière sur laquelle il allait avoir à travailler était bouillante et rebelle, d’autant plus, dangereuse qu’elle était pleine d’esprit et comme pétrie de salpêtre et de feu. […] Dans sa fureur la plus bizarre et la plus insensée, il est plaisant, éloquent, subtil, plein de tours nouveaux, quoiqu’il ne lui reste pas seulement une ombre de raison. […] Les paroles sont prises d’Horace : Non sine Dis animosus infans (Enfant plein de courage, et non déshérité des Dieux). » Voilà le beau côté ; on sourit, on croit déjà reconnaître une allusion flatteuse ; l’amour-propre est prompt à deviner ce qui le chatouille et déjà disposé à s’épanouir ; mais toute médaille a son revers ; « Le revers est bien différent. […] Et lui-même, Hésiode, il est tout prêt pourtant de céder au charme ; mais, revenant un peu à lui et se ravisant, il prononce ces paroles pleines de jalousie et d’indignation : « Virgile, tu as fait des vers plus durables que l’airain et que le bronze !
Son style, qui a été tant vanté, est peut-être ce qui mérite moins de l’être : c’est un style de sophiste tel qu’il était…, qui lient de l’orateur et de l’historien, et qui n’est propre ni à l’un ni à l’autre, plein de métaphores, d’antithèses et de ces figures brillantes qui surprennent les simples et qui flattent l’oreille sans remplir l’esprit. […] Le paysage est tout à fait dans le style du Poussin, et quelques traits ont suffi pour dessiner dans la perfection le fond sur lequel se détachent les personnages. » Ils en reparlèrent encore les jours suivants ; mais ce fut dans la conversation du 20 mars 1831, pendant le dîner, que les idées échangées entre Gœthe et son disciple épuisèrent le sujet ; on y trouve le jugement en quelque sorte définitif sur cette production charmante, Goethe venait de relire l’ouvrage dans le texte de Courrier-Amyot, et il en était plein ; son imagination tout hellénique s’en était sentie consolée et rajeunie : « Le poème est si beau, disait-il, que l’on ne peut garder, dans le temps misérable où nous vivons, l’impression intérieure qu’il nous donne, et chaque fois qu’on le relit, on éprouve toujours une surprise nouvelle. […] « On ferait bien, concluait-il, de relire le livre une fois tous les ans, pour s’en renouveler l’impression dans toute sa fraîcheur. » Qu’il y ait eu un peu d’excès dans cette admiration pour une œuvre composée de tant de parties et d’éléments dès longtemps trouvés, que le puissant lecteur, tout plein d’harmonieux souvenirs, ait prêté un peu à cette production du déclin comme à un dernier né qu’on gâte et qu’on favorise, je l’accorderai aisément ; Goethe abondait dans son sens en exaltant si fort le perpétuel âge d’or de la Grèce : mais ce qui ne le trompait pas, c’était le sentiment régnant, respirant dans ce dernier ; tableau, et par lui reconnu et salué, de tout un monde idéal, serein, fortuné, à ciel fixe, à horizon bleu, — l’horizon de la mer de Sicile ou des mers de l’Archipel12. […] Il justifie très-bien l’intervention de Lycénion et fait des remarques pleines de justesse sur le rôle de Gnathon, assez semblables à celles de Gœthe.
Port-Royal avait toute son âme ; il y puisait le calme, il y rapportait ses prières ; il était plein des gémissements de cette maison affligée, quand il fit entendre, pour l’heureuse maison de Saint-Cyr, la mélodie touchante des chœurs d’Esther 26. […] Jean Racine, le grand poëte, Le poëte aimant et pieux, Après que sa lyre muette Se fut voilée à tous les yeux, Renonçant à la gloire humaine, S’il sentait en son âme pleine Le flot contenu murmurer, Ne savait que fondre en prière, Pencher l’urne dans la poussière Aux pieds du Seigneur, et pleurer. […] L’amour dont une âme est pleine, et qui cherche un langage, s’empare de tout ce qui l’entoure, en tire des images, des comparaisons sans nombre, en fait jaillir des sources imprévues de tendresse. […] C’est une conversation douce et choisie, d’un charme croissant, une confidence pénétrante et pleine d’émotion, comme on se figure qu’en pouvait suggérer au poëte le commerce paisible de cette société où une femme écrivait la Princesse de Clèves ; c’est un sentiment intime, unique, expansif, qui se mêle à tout, s’insinue partout, qu’on retrouve dans chaque soupir, dans chaque larme, et qu’on respire avec l’air.
Accordant aux puissants de la terre, pour lui représentants de la force, un respect plein d’ironie, il fonde la consolation suprême, le recours au Père que chacun a dans le ciel, le vrai royaume de Dieu que chacun porte en son cœur. […] Mais il y mettait un accent plein d’onction, qui rendait nouveaux des aphorismes trouvés depuis longtemps. […] La prière grecque et romaine fut presque toujours un verbiage plein d’égoïsme. […] J’en suis rassasié ; la graisse de vos béliers me soulève le cœur ; votre encens m’importune ; car vos mains sont pleines de sang.
La débauche de Rabelais se passait surtout dans son imagination et dans son humeur : c’était une débauche de cabinet, débauche d’un grand savant, plein de sens, et qui s’en donnait, plume en main, à gorge déployée. […] Quand on veut lire tout haut du Rabelais, même devant des hommes (car devant les femmes cela ne se peut), on est toujours comme quelqu’un qui veut traverser une vaste place pleine de boues et d’ordures : il s’agit d’enjamber à chaque moment et de traverser sans trop se crotter ; c’est difficile. […] Gargantua était censé être né dans la dernière moitié du xve siècle, et on le soumet d’abord à cette éducation scolastique, pédantesque, pleine de puérilités laborieuses et compliquées qui semblaient faites exprès pour abâtardir les bons et nobles esprits. […] Voici l’un de ces passages par exemple, qui est plein de grâce et de beauté ; il s’agit des études et des muses qui détournent de l’amour.
J’y mettrais Molière, le génie poétique le plus complet et le plus plein que nous ayons eu en français : Molière est si grand, disait Goethe (ce roi de la critique), qu’il nous étonne de nouveau chaque fois que nous le lisons. […] Cet hommage rendu à ce qu’il suffit d’apercevoir et de reconnaître, nous ne sortirions plus de nos horizons, et l’œil s’y complairait en mille spectacles agréables où augustes, s’y réjouirait en mille rencontres variées et pleines de surprise, mais dont la confusion apparente ne serait jamais sans accord et sans harmonie. […] Au centre du lieu, trois grands hommes aimeraient souvent à se rencontrer devant le portique du principal temple (car il y en aurait plusieurs dans l’enceinte), et, quand ils seraient ensemble, pas un quatrième, si grand qu’il fût, n’aurait l’idée de venir se mêler à leur entretien ou à leur silence, tant il paraîtrait en eux de beauté, de mesure dans la grandeur, et de cette perfection d’harmonie qui ne se présente qu’un jour dans la pleine jeunesse du monde. […] ………………………………………………… J’ai vécu plus que toi : mes vers dureront moins ; Mais, au bord du tombeau, je mettrai tous mes soins À suivre les leçons de ta philosophie, À mépriser la mort en savourant la vie, À lire tes écrits pleins de grâce et de sens, Comme on boit d’un vin vieux qui rajeunit les sens.
C’est en ce même moment que, sous main, elle faisait don du royaume tout entier par un acte de bon plaisir et de pleine puissance. […] Mignet, pleine de regrets et de dégoûts, au milieu des montagnes sauvages et des habitants incultes de l’Écosse. […] Enfin, pour compliquer le péril de cette situation précaire, elle avait pour voisine en Angleterre une reine rivale, Élisabeth, qu’elle avait offensée d’abord en revendiquant son titre, qu’elle n’offensait pas moins par une supériorité féminine et bruyante de beauté et de grâce, une reine capable, énergique, rigide et dissimulée, représentant l’opinion religieuse contraire, et entourée de conseillers habiles, constants et pleins de suite, compromis dans la même cause. […] Au sortir, pourtant, de ce brillant et orageux épisode de l’histoire du xvie siècle, qui vient de nous être si fortement et si judicieusement rendu, tout plein encore de ces temps de violence, de trahison et d’iniquité, et sans avoir l’innocence de croire que l’humanité en ait fini à jamais avec de tels actes, on se prend à se féliciter malgré tout, à se réjouir de vivre en des âges d’une morale publique améliorée et plus adoucie ; on s’écrie avec le sieur de Tavannes, au moment où dans ses Mémoires il vient de raconter cette vie et cette mort de Marie Stuart : « Heureux qui vit sous un État certain, où le bien et le mal sont salariés et châtiés selon les mérites !
Cela n’est absolument que poché, mais charmant, expressif, plein de vie et d’esprit ; cependant couvrez l’instrument, et vous jugerez que c’est un fumeur. […] C’est un beau, un très-beau dessin, plein de véritable grandeur, de chaleur et d’effet. […] Le second est peint avec plus de vigueur et de verve encore, il est plein de chaleur. […] Une bonne esquisse peut être la production d’un jeune homme plein de verve et de feu, que rien ne captive, qui s’abandonne à sa fougue.
Il est plein d’invention, de chaleur, d’expression et de verve ; il trouve les plus beaux caractères de tête, sa scène est pleine de mouvement ; mais il est sec, il est dur, il est discord, et je ne me soucierais pas de posséder un de ses tableaux, je sens que la vue continuelle m’en chagrinerait. […] Indépendamment de tout module les sons pleins et vigoureux des mots brachia, … etc.
Sans ce besoin, plein de coquetterie, de se recommander au seigneur public et de se concilier ses chères bonnes grâces, Weill n’eût peut-être pas collé au front de son livre cette locution usuelle, vulgaire, qui semble chercher des échos dans l’esprit de tous ceux qui la débitent, et qui doit plaire par sa simplicité familière aux amateurs du simple et du familier (et on sait s’ils sont nombreux, ces braves gens-là !) […] C’est la politique du mariage écrite pour des Césarines, qui ne sont pas Borgia, par un Machiavel plein d’innocence. […] À force de regarder sa fille et d’attendre à l’horizon le gendre qui doit y apparaître, il ne voit plus, moraliste raccourci, les autres jeunes filles d’un monde très compliqué, très varié, plein de vocations différentes, et que le seul mariage n’explique pas comme au premier jour de la création.
Au moins il y avait là une idée, sinon un système, un essai de philosophie, malheureux, j’en conviens, défaillant, impossible à organiser, mais qui montrait dans les tendances de son auteur des besoins de zénith et d’horizon que sa pensée, ramenée sur la terre par la politique au jour le jour, ne connaît plus… Pelletan était jeune encore dans ce temps-là ; plein d’un enthousiasme, qui avait l’excuse de son inexpérience, pour des idées qui lui paraissaient généreuses. […] Toute son introduction est pleine d’assertions de cette espèce et de réticences qui les complètent : « La France — dit l’auteur des Uns et des Autres — est républicaine jusque dans les dernières mottes de « terre de son sol. » Mais, c’est là précisément la question ! […] sans être atroce… Pour ce qui est de l’Inquisition, de Maistre n’a touché ce sujet que de l’extrémité de sa plume, au lieu de le prendre carrément à pleine main.
Nous avons fait partie de cette jeune école qui, dans les dix premières années de la Restauration, ramenée à la foi chrétienne par l’étude des de Maistre, des Bonald et des Frayssinous, succédait, non pas à l’école légère et railleuse de Voltaire, morte déjà depuis longtemps, mais à l’école positive et raisonneuse de l’Empire… Pleine d’amour pour la vérité, mais, après tout, fille de son siècle, et pleine aussi d’admiration pour la science, l’école dont nous parlons accueillait avec respect une foi dont elle sentait la grandeur et les bienfaits, mais elle n’en restait pas moins fidèle à la raison, dont elle comprenait l’autorité… La science était déjà venue en aide aux vérités chrétiennes… Cuvier montrait partout les traces du déluge et l’accord parfait des nouvelles découvertes géologiques avec le récit génésiaque. […] Enfermé dans des bornes étroites, nous n’avons pu qu’indiquer les points principaux, et, pour ainsi dire, donner le tracé de ce livre si plein de faits, si nerveux de discussion et d’une induction si résolue.
Dès la nuit tombante du 24, plus d’un aumônier commença le tour des tranchées, suivi d’un jeune soldat qui portait une hotte pleine. […] Cette nuit était pleine d’espérance et de réconciliation.
Depuis ce temps jusqu’à l’an 1672, il en est arrivé cent autres en ces mêmes pays, toutes pleines de turpitudes et d’inhumanité. […] On l’humecte d’eau rose la première fois, pour ôter la senteur de la terre, et puis on le pend à l’air, plein d’eau et un linge mouillé autour. […] En effet, c’est un ministre fort sage, tout plein d’esprit et fort intègre. […] On en tient toujours ses garde-robes pleines. […] Leur glace ne réfléchissait rien, parce qu’elle était pleine d’eux-mêmes.
Pas une heure de cette pleine et sereine plénitude et sécurité de santé qu’on voit aux autres. […] Il faut un ou deux jours pour rentrer dans la pleine intimité de sa connaissance et retrouver la caresse de sa parole : « le cher » au lieu de « monsieur ». […] Un jardin plein d’enfants, un salon plein de femmes. […] Des cheveux à larges bandeaux presque détachés, à l’apparence d’un nimbe, un calme front bombé, de grands yeux pleins de lumière dans l’ombre de leur cernure, un corps un peu plat avec dessus une robe de séraphin maigre. […] À faire, dans Napoléon, tout un chapitre sur cette tête, un monde, — ce cerveau plein des affaires du monde et des comptes de boutons d’une armée4.
Le Roman de Renart en est plein, qui sont d’avance du pur La Fontaine. […] Tandis que Racine enfant, l’esprit tout plein de Théagène et Chariclée, ne voyait rien de plus agréable au cœur et aux yeux (comme cela est en effet) que le vallon de Port-Royal-des-Champs, les religieuses et les solitaires s’en faisaient un lieu désert, sauvage, mélancolique, propre à donner de l’horreur aux sens ; ils n’avaient pas même la pensée de se promener dans les jardins. […] Il nous a confessé ce misérable état dans le préambule de l’Arcadie ; c’est la crise de quarante ans, que bien des organisations sensibles subissent : « … Je fus frappé d’un mal étrange ; des feux semblables à ceux des éclairs sillonnaient ma vue ; tous les objets se présentaient à moi doubles et mouvants : comme Oedipe, je voyais deux soleils… Dans le plus beau jour d’été, je ne pouvais traverser la Seine en bateau sans éprouver des anxiétés intolérables… Si je passais seulement dans un jardin public, près d’un bassin plein d’eau, j’éprouvais des mouvements de spasme et d’horreur… Je ne pouvais traverser une allée de jardin public où se trouvaient plusieurs personnes rassemblées. […] Sa réputation étant au comble, sa vie domestique semblait d’ailleurs s’asseoir et s’embellir par un mariage plein de promesses. […] La Prière à Dieu qui termine la première Étude de la Nature : « Les riches et les puissants croient qu’on est misérable… », n’est autre chose qu’une copie abrégée, intelligente et pleine de goût, une copie, accommodée au xviiie siècle, de la Prière à Dieu, plus mystique, qui termine la première partie du traité de l’Existence de Dieu par Fénelon.
Ce fut le conventionnel qui le rompit (car évidemment l’évêque, confondu, ne savait plus que dire) ; il se souleva sur un coude, présenta son pouce et son index replié un peu vers sa joue, comme on fait machinalement lorsqu’on interroge et qu’on juge (c’était donc maintenant le conventionnel qui, arrogamment, interrogeait et jugeait l’évêque ; le pénitent intervertissait les rôles, et jetait à ses pieds le confesseur au nom de ses doctrines glorifiées) ; il interpella l’évêque avec un regard plein de toutes les énergies de l’agonie. […] « — Oui, continua-t-il cependant encore, tant il était plein de ses raisons, oui, les brutalités du progrès s’appellent révolutions. […] Quand la paupière fut pleine, la larme coula le long de sa joue livide, et il dit presque en bégayant, bas, et se parlant à lui-même, l’œil perdu dans les profondeurs : « Ô toi ! […] Remplissaient est bien le mot, et certes cette journée de l’évêque était bien pleine jusqu’aux bords de bonnes pensées, de bonnes paroles et de bonnes actions. […] Je comprends très bien que Victor Hugo, plus libre, plus plein de loisirs que moi, ait été tenté par ce seul sujet, véritablement digne de l’homme, par ce poème, terrible et touchant à l’invraisemblable, de la misère des êtres humains : seulement je ne comprends pas autant pourquoi il fait de cette souffrance universelle des êtres un sujet d’amertume, de critique acerbe, d’accusation contre la société.
On croit contempler une belle vallée de la Lombardie italienne ; au pied de la fenêtre de la chambre, le pays que l’on voit tout entier, se creuse en larges vallons pleins de hameaux et de fumées de cheminées de paysans, qui traînent sur les prés et sur les vignes, on voit que les paysannes préparent à leur famille le souper du soir. […] Au milieu de ce chemin il y avait un lavoir plein de belle eau bleue et bordé de cinq ou six jeunes et belles filles de Milly. […] On entrait par un vestibule au bout duquel était une vieille horloge de campagne qui avait si souvent sonné les heures de l’heureuse famille alors ; une rangée de sacs de farine pour la maison était debout d’un côté, une large cuisine s’ouvrait du côté opposé, pleine de bruit, de feu, de domestiques, de mendiants et de malades, comme du temps de M. et de madame de Lamartine. […] Il y avait une petite mare d’eau pleine d’herbes et de feuilles qui la tenaient chaude pendant l’hiver. […] On y voyait de longues écuries, pleines autrefois de quatorze chevaux de trait, et maintenant vides ; il n’y avait qu’un vieux cheval de selle irlandais qui vous a servi de cheval de guerre et de triomphe dans les jours sinistres de la guerre civile ; vous lui avez donné les invalides dans un pré voisin, jusqu’à ce qu’il plaise à Dieu de rappeler son âme dans les pâturages ossianiques de la verte Érin, le paradis des braves quadrupèdes.
si elle est trop pleine et anéantie par des émotions qu’elle n’exprime pas, à qui songe-t-elle pour n’en garder que la moitié ? […] L’école messine comptait dès lors parmi ses peintres distingués Maréchal, Devilly, de Lemud et Rolland, un oncle de Gandar : Émile Michel préludait par des paysages pleins de fraîcheur, de légèreté et de vie. […] Je ne sais pas d’exposé plus plein, plus substantiel ; l’auteur n’esquisse rien au hasard ; il serre de près chaque point ; il tient compte de tout ; il pense que le temps des à-peu-près est fini. […] Dans le plein exercice de son admirable éloquence, il retrouvait toute sa sérénité, sa tranquillité de conviction, son unité morale, comme toute sa majesté de pensée et sa hauteur. […] On est entré à plein collier dans l’ère des scholiastes, et l’on s’y est un peu appesanti.
La nuit est noire et pleine d’étoiles, l’heure semble homicide et sereine. […] Nous sommes pleins de nostalgies. […] C’est plein de m…. ce temps-là. […] C’est plein de noms de la vieille France, les Condé, les Conti, Molé, Samuel Bernard et jusqu’à Sophie Arnould qui y eut son prieuré. […] … Elles sont généralement bien portantes, le visage plein, le teint un peu bis, ayant à la fois de l’aspect de la nonne et de la convalescente d’hôpital.
Son âge même était gravé dans toutes les mémoires, et la date, lorsque l’on s’interrogeait ces jours derniers, revenait voltiger en chanson : Dans ce Paris plein d’or et de misère, En l’an du Christ mil sept cent quatre-vingts, Chez un tailleur, mon pauvre et vieux grand-père, Moi nouveau-né, sachez ce qui m’advint… Sa vie fut simple ; par son bon sens, par sa probité, par la modération de ses mœurs et de ses goûts, il sut la rendre constante et digne. […] Ces jours réparateurs, de pleine et glorieuse allégeance, ces jours de grande lutte victorieuse, Béranger les a vus avant de mourir, et nul doute que, si sa muse avait eu vingt ans de moins, elle n’eût trouvé des accents pour les célébrer.
De quoi aurais-je souffert, puisque je me sentais plein de tout ce que je désirais contenir, en n’élevant jamais mes prétentions plus haut que ma stature ? […] J’aime Hugo, parce que je l’ai connu et aimé dans l’âge où le cœur se forme et grandit encore dans la poitrine ; dans l’âge où les racines de notre vie, pleines encore de sève et de souplesse, s’attachent par leurs filaments les plus tendres à ce qui pousse, végète ou se rencontre seulement dans le même sol, et où, si ces racines viennent à se tordre, à se replier et à se nouer autour d’un caillou ou d’un bloc de granit, elles l’enserrent dans leurs nœuds, l’emportent en grandissant et le font pour ainsi dire végéter et vivre avec elles de leur propre substance, comme si l’arbre et la pierre n’étaient qu’une seule vie ! […] « Mais vous ne voulez pas », continuai-je, « et vous avez raison de ne pas vouloir qu’il y ait des misères incurables et imméritées, comme la société mal inspirée en est pleine. […] Que Moïse, Isaïe, apparaisse en nos champs, Les peuples qu’ils viendront juger, punir, absoudre, Dans leurs yeux pleins d’éclairs méconnaîtront la foudre Qui tonne en éclats dans leurs chants. […] Il me répondit deux ou trois fois, en me remerciant et en m’octroyant, comme un homme fort, pleine licence d’écrire ma pensée contre sa pensée.
Nous avons un lavoir, que tu n’as pas vu, à la Moulinasse, assez grand et plein d’eau, qui embellit cet enfoncement et attire les oiseaux qui aiment le frais pour chanter. […] Tout plein de souvenirs s’attachent à Trilbette et me la font regretter. […] À présent, je te dirai qu’en ouvrant la fenêtre, ce matin, j’ai entendu chanter un merle qui chantait là-haut sur Golse à plein gosier. […] Tout est plein pour nous d’une merveilleuse bonté ; vois la rose qui, après avoir donné du miel à l’abeille, un baume à l’air, nous offre encore une eau si douce pour les yeux malades. […] Un beau champ de blé plein de moissonneurs et de gerbes, et, parmi ces gerbes, une seule debout faisant ombre à deux petits enfants, et leur grand’mère les faisant déjeuner avec du lait !
Ce baptême fut pompeux, plein de fête, plus qu’aucun autre de nous, marqué de distinction. […] Ici était ton portefeuille si plein de secrets de cœur et d’intelligence, si plein de toi et de choses qui ont décidé de ta vie. […] Sans soins matériels, sans parole qu’intérieure, sans sentiments que d’intelligence, sans vie que celle de l’âme : il y a dans ce dégagement une liberté pleine de jouissances, un bonheur inconnu, que je crois bien que pour faire durer on puisse aller cacher à cent lieues du désert. […] Je ne puis m’empêcher de voir la Providence claire comme un plein jour dans certain événements de la vie, non qu’elle ne soit en tous, mais plus ou moins manifestée. […] XX Mais vous qui vivez à la campagne, soit dans le château démantelé de vos pères, non loin de l’église du village et des pauvres du hameau, soit dans la maison modeste, château nivelé de l’honnête bourgeoisie du dix-neuvième siècle, élevant là des fils, des filles, des sœurs étagées par rang d’âge dans la vie, qui vous demandent des livres à la fois intéressants et sains, où respirent dans un style enchanteur toutes les vertus que vous cherchez à nourrir dans votre jeune tribu ; vous qui, après une existence laborieuse, vous êtes retirés à moitié de la vie active dans le verger de vos pères pour y soigner les plantes naissantes destinées à vous remplacer sur la terre, et qui voulez les saturer de bonne heure de ce bon air vital plein des délicieuses senteurs de l’air ; enfin vous qui, déjà vieillis et désintéressés de votre propre existence prête à finir, voulez cependant jeter un dernier regard consolant sur les péripéties intérieures de ceux qui traversent les sentiers que vous avez traversés, afin d’y retrouver vos propres traces et de vous dire : « Voilà ce que j’ai éprouvé, pensé, senti, prié dans mes moments de tristesse ou de consolation ici-bas ; voilà la moisson en gerbes odorantes que j’emporte à l’autre vie » ; mettez à part, ou plutôt gardez jour et nuit sur votre cheminée, comme un calendrier du cœur, non pas ce livre confus où l’on a entassé pêle-mêle les œuvres du frère et de la sœur pour que le génie de l’une fit passer sur la médiocrité de l’autre, mais le volume de Mlle de Guérin, cette sainte Thérèse de la famille, qui n’a écrit que pour elle seule, et dont une amitié longtemps distraite n’a recueilli que bien tard les chefs-d’œuvre involontaires qu’elle oublia de brûler au dernier moment.
Sa vie publique, tout en dehors et pleine d’excitation, a, durant de longues années, fait sortir aux yeux de la France et du monde entier certains défauts et certaines dispositions intérieures, dont ses amis seuls avaient jusqu’alors le secret : toutes ses humeurs, ses splendeurs de bile et ses âcretés de sang si je puis dire, ont fait éruption. […] M. de Loménie, affilié à la coterie, poussa aussi son soupir qu’il appuya de toutes sortes de réfutations et de raisonnements : essayant de m’opposer moi-même à moi-même, il ne daigna pas admettre qu’en pareille matière de jugements contemporains il vient une heure et un moment où, quand on n’est lié par rien de particulier, la vérité reparaît de plein droit et prend le pas sur la politesse. […] Dans cette persuasion, il fait avec une pleine et entière sécurité ce qui lui passe par la tête, sans s’approuver ni se blâmer le moins du monde.
La mendicité pieuse, qui cause à nos sociétés industrielles et administratives de si fortes impatiences, fut, à son jour et sous le ciel qui lui convenait, pleine de charme. […] Des femmes faibles ou coupables, surprises de tant de charme, et goûtant pour la première fois le contact plein d’attrait de la vertu, s’approchaient librement de lui. […] Des femmes, le cœur plein de larmes et disposées par leurs fautes aux sentiments d’humilité, étaient plus près de son royaume que les natures médiocres, lesquelles ont souvent peu de mérite à n’avoir point failli.
Plein de sa doctrine tout idéaliste, que ce qui fait la présence des âmes, c’est l’union par l’amour, il déclarait que, toutes les fois que quelques hommes s’assembleraient en son nom, il serait au milieu d’eux. […] À ce moment, on se rencontrait ; le maître parlait à chacun et entretenait une conversation pleine de gaieté et de charme. […] Impossible de traduire dans notre idiome essentiellement déterminé, où la distinction rigoureuse du sens propre et de la métaphore doit toujours être faite, des habitudes de style dont le caractère essentiel est de prêter à la métaphore, ou pour mieux dire à l’idée, une pleine réalité.
On ne put s’empêcher de rire du portrait « d’un vieux capitaine de cavalerie travesti en philosophe, marchant en raison composée de l’air, distrait & de l’air précipité ; l’œil rond & petit, la perruque de même ; le nez écrasé ; la physionomie mauvaise, ayant le visage plein, & l’esprit plein de lui-même ». […] Il a dédommagé, & dédommage encore autant qu’il peut, par des lettres fréquentes & pleines d’estime, celui dont les écrits font si fréquemment son éloge, celui qui, tout entier à la philosophie, désabusé des grands & des rois, préfère l’indépendance & le repos à toutes les cours.
Il en impose ; il est plein d’enthousiasme. […] La Vierge noble, grande, pleine de modestie, vêtue et drapée naturellement, dans le vrai goût de Raphaël. […] Nulle comparaison entre nos saints, nos apôtres et nos vierges tristement extasiés, et ces banquets de l’Olympe où le nerveux Hercule appuyé sur sa massue regarde amoureusement la délicate Hébé, où Apollon avec sa tête divine et sa longue chevelure tient par ses accords les convives enchantés ; où le Maître des dieux s’enivrant d’un nectar versé à pleine coupe de la main d’un jeune garçon à épaules d’ivoire et à cuisses d’albâtre, fait gonfler de dépit le cœur de sa femme jalouse.
Seulement, dans ce volume sur les Manuscrits, que je regarde comme l’épi vidé de l’autre beau volume si plein sur les Idées et les travaux de Buffon, il y a cette biographie extérieure que M. de Flourens n’avait encore jusqu’ici qu’ébauchée et dont on peut se passer d’autant moins, quand il s’agit de cet homme, d’une si magnifique ordonnance, que son talent explique sa vie comme sa vie explique son talent, et que les triples pentes de l’esprit, du caractère et de la destinée se confondent et forment son identité. […] Mais cette Gloire caressante, dont les baisers sonnent, ne l’empêcha pas de remonter les escaliers grillés du pavillon plein de silence où l’attendait l’Étude pensive, l’Étude « après laquelle, disait-il, vient la gloire, si elle peut et si elle veut, et elle vient toujours ! […] Là, on trouve une critique de Buffon pleine de verve, de mouvement, de sagacité et de science, — une critique faite par un amour qui a déchiré son bandeau, mais qui n’en est pas moins de l’amour encore.
Dans le temps qu’il lança contre les docteurs du jour cette masse qu’il faut contre eux relancer encore, Brucker était dans le plein midi de sa force. […] On glorifia dans ce temps-là Montalembert et Lacordaire à pleines volées, mais Brucker, qui n’eût, d’ailleurs, jamais sa part dans ce monde ingrat, ne l’eut pas davantage dans ce bruit. […] Parmi ses supériorités, c’est là sa maîtresse supériorité, et elle était en lui si profondément organique, elle avait poussé si naturellement dans la pleine terre de son esprit, qu’il l’avait toujours même sans écrire, même quand il parlait ; car il était encore plus orateur qu’écrivain, il l’était infiniment plus !
Rien de moins difficile que de faire pleurer ; Excepté les larmes que l’admiration fait couler, excepté celles de César devant la statue d’Alexandre, je méprise assez cette eau qui coule et je la laisse couler… Saint Maur, qui est d’un naturel trop franc et trop à pleine main pour jamais rien affecter, tempère, sous le dictame de son esprit, les tristesses qui sont le fonds commun de la misérable nature humaine. […] on dirait d’une grange, Vieille masure à jour, mais pleine de rayons. […] … Disque d’or plein que cette poésie, lancé par le poète à une hauteur à laquelle, chez les Grecs, jamais lanceur de disque ne lança le sien.
… Esprit ferme et rusé, plein d’entregent et de rétorsion, il se conduisit comme ces habiles coquettes qui quittent le monde avant que le monde ne les quitte, et il essaya de masquer, sous des travaux plus ou moins tourmentés d’art ou d’histoire, l’impuissance de l’inventeur qu’il sentait venir… II D’autant que l’inventeur, chez M. […] Carmen elle-même ne demande pas plus d’une heure de lecture, et il y a plus : comme en condensant, il obéit à la nature d’un esprit qui peut pincer avec des doigts nerveux, mais qui ne saurait étreindre à pleins bras, c’est le plus court qui vaut le mieux chez M. […] Comme conteur, on n’a pas de trop plein ; on n’a pas les longueurs sublimes de Richardson et de Walter Scott.
Ne rions pas de ces natures de modestie et d’abnégation, surtout quand elles nous apportent à pleines mains des présents de roi. […] Il était dans son heureux déclin, dans le plein et doux éclat du soleil couchant. […] Pour être vrai, il devait se montrer avec toute la bienveillance de ses jugements, avec la pleine clarté et la pleine force de son intelligence, avec la dignité naturelle à un caractère élevé. — Ce n’était pas là une petite difficulté. […] J’étais le premier arrivé, et je regardai avec plaisir les pièces pleines de lumières qui se succédaient l’une à l’autre. […] « Oui, il veut que les nobles soient pleins d’humanité, mais il les maintient dans la possession de leurs titres, de leur rang, et c’est là une modération qui ne pouvait plaire dans un temps de révolution radicale. » 15.
Et tout en gardant sa pleine liberté de critique, quiconque étudiera consciencieusement et sans préjugés les œuvres de Wagner sera forcé d’admettre ce fait. […] Mais ce qu’on peut exiger, c’est que sous une « grande note », c’est-à-dire sous une note haute et longue, il n’y ait point un mot indifférent ou une syllabe sans importance, et que là où la phrase poétique est pleine et soulignée par des accords soutenus, elle ne mette que la partie essentielle du discours. […] Tristan appelle Isolde et ma chère femme », et elle, penchée sur son cadavre, s’écrie : Accorde-moi cet instant plein de charmes ! […] Il faudra donc tourner la phrase française de façon à avoir les mots « splendeurs de Walhall » sous les accords pleins et soutenus. […] [Bruxelles] BRUXELLES. — La reprise de la Valkyrie a eu lieu le 30 septembre avec un plein succès.
» Et ses yeux, pleins de la colère de son cœur, me fouillaient les yeux. […] La maîtresse de maison pleine de grâce coquette, mais un peu trop préoccupée de faire de son appartement un petit hôtel Rambouillet du xixe siècle. […] Nous relisons le morceau de la phtisie, ce morceau qui ne serait pas, si nous ne l’avions pas écrit, fixé et animé, ce morceau sorti du dessert de Magny, échappé, sur nos interrogations, au cerveau tout à la fois nuageux et plein d’éclairs, et à la langue brouillée de Robin. […] Il en ressort… nous nous regardons… un regard mutuel et profond, où chacun tâte l’autre… Du sang plein la figure, plein l’œil. […] Le profond sentiment de tristesse qu’on éprouve à revoir ces bords de la Seine, qu’on a vus plein de santé et de force productive, à repasser dans ces sentiers, le pas traînant, sans que la nature parle au littérateur qui est en vous !
À ce récit, et au plaisir littéraire que Daudet y mettait, Gambetta le contempla, un moment, avec un regard tout plein d’une immense commisération, et qui semblait lui dire, qu’il était condamné à rester toujours le Petit Chose. […] Il me parle de son incertitude dans la bonté de ses œuvres, dans son succès, dans son avenir, comparant ce timide et malheureux état d’âme, à la pleine confiance de Rosny, ne doutant pas un seul moment, avec l’aide de quelques circonstances favorables, de sa pleine réussite future. […] Je trouve la comtesse dans son petit salon, tendu de soie jaune, tout plein des portraits des Castellane et des Contades, et dont elle a fait au milieu un frais atelier de fleuriste, enfermé dans la barrière d’un ruban. Tout en disant : « Quand on n’est plus jeune, il faut se faire des occupations qui vous tiennent compagnie », elle se lève d’un petit bureau, qui est comme une jardinière de glaïeuls naturels, en dedans desquels se pressent et se tassent des sébiles et des soucoupes, pleines de couleurs, pleines de pétales artificiels non encore colorés ; elle se lève pour me montrer un imperceptible « Jugement de Pâris » ; un pastel de la Lecouvreur, qui a bien certainement la touche des pastels de Coypel, et pourrait bien être l’original ou une répétition de la peinture à l’huile ; un collier de perles, aux perles usées, qui viendrait de la femme du duc de La Rochefoucauld, l’auteur des Maximes. […] Au bout de rues, qui ont l’air de rues de faubourg de province, où l’on cherche un lupanar, une maison honnêtement bourgeoise, où se trouve toute pleine une pauvre petite salle de théâtre ; une salle à la composition curieuse, et qui n’est pas l’éternelle composition des grands théâtres : des femmes, maîtresses ou épouses de littérateurs et de peintres, des modèles, — enfin un public, que Porel baptise : un public d’atelier.
L’auteur se forme sensiblement à mesure qu’il les écrit : la fin du tome premier, à partir de Philippe le Bel et surtout de Charles V et Charles VI, devient fort nourrie et fort pleine ; le second volume, qui commence à Charles VII et qui finit avec Charles IX, est constamment soutenu ; le troisième, qui comprend le seul règne de Henri III et celui de Henri IV jusqu’à la paix de Vervins, est excellent. […] Indépendamment de la narration qui devient pleine, variée et nourrie, et qui est d’un mouvement facile et continu, Mézeray est un grand peintre de portraits dans les résumés qu’il donne à la fin de chaque règne et où il retrace en abrégé le caractère, les mérites ou les défauts du roi dont on a lu l’histoire Un sentiment non seulement équitable, mais humain et, autant qu’il se peut, loyal et fidèle, domine dans ces jugements et en tempère la rigueur ; s’il y a quelque circonstance atténuante ou touchante pour les monarques même les plus désastreux et les plus funestes, Mézeray ne l’omet pas. […] Sa prose a d’ailleurs de ces négligences pleines de grâce et de franchise comme on les aime dans les vers de Régnier ou de Rotrou. […] Il aura, en se perfectionnant, de ces rapidités de récit qui sont même d’un grand écrivain ; parlant, dans l’Abrégé chronologique, des premiers succès de Conradin en Toscane : « Ces beaux commencements, dit-il, trahirent le jeune Conradin et le flattèrent pour le mener à la mort. » Il ne faut point faire, toutefois, comme Perrault, et aller jusqu’à comparer Mézeray à Thucydide ; les discours qu’il place dans la bouche de certains de ses personnages ont de la pensée sans doute, mais on a très bien remarqué que Mézeray écrit d’abondance et n’a point de phrase, c’est-à-dire de forme à lui ; il suffit que sa diction soit naturelle, sincère, expressive, sa narration pleine et bien démêlée.
C’est là, sous la tente, qu’il écrivit ce premier discours, en se livrant cette fois à l’émotion de ses sentiments, et en raisonnant aussi sur la situation extraordinaire qui s’ouvrait à l’improviste : « Si jamais j’ai eu sujet de joindre mes regrets avec ceux de la France, c’est à la mort malheureuse de Henri le Grand, pleine de tristesse et d’accidents funeste ? […] Enfin, avec des qualités d’un ordre supérieur qu’il aura eu sans cesse à exercer et à combiner, à tenir en échec les unes par les autres, il ne trouvera jamais cette occasion pleine et entière qu’il avait une fois espérée, l’une de ces journées de gloire éclatante et incontestable qui consacrent un nom ; et même après ses plus belles campagnes, par quelque accident final qui en rompt l’effet, il aura toujours besoin d’éclaircissement et d’apologie. […] La langue est saine d’ailleurs, rarement éclairée de grands traits, mais pleine de sens, de gravité, et telle qu’il sied à un homme d’affaires qui va au fait et ne s’amuse point à l’accessoire. […] » Car, de même, continue Plutarque, que la poésie d’Antimaque et les peintures de Denys, ces deux enfants de Colophon, avec tout le nerf et la vigueur qu’elles possèdent, donnent l’idée de quelque chose de forcé et de peiné, tandis qu’aux tableaux de Nicomaque et aux vers d’Homère, sans parler des autres mérites de puissance et de grâce, il y a, en outre, je ne sais quel air d’avoir été faits aisément et coulamment : c’est ainsi qu’auprès de la carrière militaire d’Épaminondas et celle d’Agésilas, qui furent pleines de labeur et de luttes ardues, celle de Timoléon, si on la met en regard, ayant, indépendamment du beau, bien du facile, paraît à ceux qui en jugent sainement l’œuvre non pas de la fortune, mais de la vertu heureuse.
Dans la seconde guerre, en 1745, la correspondance de Frédéric nous le montre plein de bonne grâce et d’attention pour ses frères, ayant encore l’élan de cœur de la jeunesse ; il écrit à la reine sa mère, du champ de bataille de Friedberg (4 juin 1745) : « Madame, nous venons de remporter une très grande victoire sur l’ennemi. […] Je me trouve à présent la plus heureuse mère du monde, qu’ils me sont tous rendus, et il me semble qu’une pierre du cœur m’est ôtée. » À Potsdam, deux ans après, il se montre plein de sollicitude et d’angoisse pour le prince Henri qui a failli être victime d’un accident, de la chute d’un cadre qui lui est tombé sur la tête. […] Les lettres, qui remplissent les années 1761-1762, sont pleines de verve et de bonne humeur de la part du roi, d’une bonne humeur un peu brusque et âcre : aux détails militaires il se mêle, entre son frère et lui, des lambeaux de dissertations philosophiques. […] Pendant que je la lisais, je me rappelais bien souvent cette autre correspondance récemment publiée, si étonnante, si curieuse, si pleine de lumière historique et de vérité, entre deux autres frères, couronnés tous deux, le roi Joseph et l’empereur Napoléon ; et, sans prétendre instituer de comparaison entre des situations et des caractères trop dissemblables, je me bornais à constater et à ressentir les différences : — différence jusque dans la précision et la netteté même, poussées ici, dans la correspondance impériale, jusqu’à la ligne la plus brève et la plus parfaite simplicité ; différence de ton, de sonoréité et d’éclat, comme si les choses se passaient dans un air plus sec et plus limpide ; un théâtre plus large, une sphère plus ample, des horizons mieux éclairés ; une politique plus à fond, plus à nu, plus austère, et sans le moindre mélange de passe-temps et de digression philosophique ; l’art de combattre, l’art de gouverner, se montrant tout en action et dans le mécanisme de leurs ressorts ; l’irréfragable leçon, la leçon de maître donnée là même où l’on échoue ; une nature humaine aussi, percée à jour de plus haut, plus profondément sondée et secouée ; les plaintes de celui qui se croit injustement accusé et sacrifié, pénétrantes d’accent, et d’une expression noble et persuasive ; les vues du génie, promptes, rapides, coupantes comme l’acier, ailées comme la foudre, et laissant après elles un sillon inextinguible54.
» Il n’est point propre d’ailleurs à être lu de suite, étant trop plein et trop dense de matière, c’est-à-dire d’esprit, pour cela ; mais, à quelque page qu’on l’ouvre, on est sûr d’y trouver le fond et la forme, la réflexion et l’agrément, quelque remarque juste relevée d’imprévu, de ce que Bussy-Rabutin appelait le tour et que nous appelons l’art. […] Ayant passé presque en un seul jour de l’obscurité entière au plein éclat et à la vogue, il sait à quoi s’en tenir sur la faiblesse et la lâcheté de jugement des hommes ; il ne peut s’empêcher de se railler de ceux qui n’ont pas su le deviner ou qui n’ont pas osé le dire. […] Le chapitre du Mérite personnel, qui est le second de son livre, et qui pourrait avoir pour épigraphe ce mot de Montesquieu : « Le mérite console de tout », est plein de fierté, de noblesse, de fermeté. On sent que l’auteur possède son sujet, et qu’il en est maître sans en être plein.
Amenée, moins encore par mon âge que par la reconnaissance qu’il laisse croître, à étudier la vieillesse, je me retrouve peu sur le chemin des autres, et je voudrais ici l’étudier dans ses rapports avec Dieu et l’autre vie ; montrer que la vieillesse est pleine de grandeur et de consolation ; que son activité, concentrée en un foyer, en est plus intense ; que la dignité, la beauté d’une situation dont l’âme fait toute la vie, élèvent au-dessus de tout cette situation même ; et qu’enfin, comme on l’a dit du prêtre, si le vieillard est le plus malheureux des hommes, il est le plus heureux des chrétiens, le plus averti, et, s’il le veut, le plus consolé. […] Et ceci encore (car elle ne sait qu’imaginer pour dire à la vieillesse : Tu n’es pas, ou tu es le contraire de ce que tu parais : « La vieillesse est la nuit de la vie ; la nuit est la vieillesse de la journée, et néanmoins la nuit est pleine de magnificences, et, pour bien des êtres, elle est plus brillante que le jour. » Voici qui me paraît un peu risqué et inexact : « La vieillesse est le dôme majestueux et imposant de la vie humaine… » Le dôme est ordinairement, ce me semble, aux deux tiers de l’édifice et n’est pas à l’extrémité. […] Si la vie du vieillard a été vertueuse, le long regard jeté par lui sur le passé est plein de douceur ; il contemple tous les éléments, tous les gages d’un immortel et heureux avenir. […] Son énergie sa volonté et la destinée difficile qu’elle ne s’était point choisie tinrent longtemps ce caractère en forme et à la gêne, avant qu’il nous apparût tout fait, tout cimenté et dans sa pleine consistance.
Hachette ; on peut dire qu’il éclata aux yeux de ce public de l’Université par sa polémique sur les Classiques chrétiens de l’abbé Gaume (1852), un sujet auquel il avait pensé de tout temps et dont il était plein. […] On me dira que je m’étonne de peu, mais je suis stupéfait quand je lis sur ce même Baour-Lormian : « Il continuait la tradition et cherchait la nouveauté : il avait pour lui tout le monde » ; et sur sa traduction du Tasse : « C’est le vers de l’ancienne école, solide, plein, harmonieux… Le poëme ressemble à ces vieilles étoffes au tissu ferme et doux, etc. » ; tandis que Baour-Lormian avait le vers harmonieux, sans doute, mais essentiellement vide, creux et mou. […] Quand un grain de passion politique ou universitaire s’y mêle, quand l’adversaire prête flanc par une surface prolongée, quand le journaliste professeur est à l’aise pour se déployer derrière ses lignes classiques et pour ajuster sûrement son monde, il s’en donne en homme d’esprit plein de malice ; et à ce jeu il se serait rompu à la longue ; le naturel aurait pris le dessus sur le concerté et le compassé ; ce qu’un adversaire des plus fins, mais irrévérent36, a appelé l’amidon de son style, ce que nous nommons tout uniment l’apprêt, aurait disparu. […] Je m’explique : il possédait les traditions d’école dans leur étendue et dans leur exacte mesure, et, en même temps, il était plein de zèle pour les défendre envers et contre tous, et pour les propager au dehors.
Ce style, ainsi plein d’ornements et de figures, le plus souvent fin et gracieux, a aussi ses franchises et ses fermetés de ton. […] Sa vie bien déduite et bien racontée ferait la matière d’un plein et intéressant volume. […] Au milieu de cela, elle était aimée : « Le 27 du mois de mars (1615), dit un contemporain, mourut à Paris la reine Marguerite, le seul reste de la race de Valois, princesse pleine de bonté et de bonnes intentions au bien et repos de l’État, qui ne faisait mal qu’à elle-même. […] Avec la fin de l’une on a fait mainte tragédie pleine de larmes ; avec celle de l’autre on ne ferait qu’un fabliau.
Dans ces volumes de l’abbé Gerbet, les introductions, les dissertations sur la symbolique chrétienne et sur l’histoire de l’Église, conduisent à des observations pleines de grâce ou de grandeur, à de beaux et touchants tableaux. […] Écoutez-le : En les parcourant, dit-il, vous passez en revue les phases de la destruction, comme on observe dans un jardin botanique les développements de la végétation, depuis la fleur imperceptible jusqu’aux grands arbres pleins de sève et couronnés de larges fleurs. […] L’abbé Gerbet, comme Fléchier que j’ai nommé à son sujet, a un esprit de société plein de charme, de douceur et d’invention. […] Ces nigauds de l’abbé Gerbet sont pleins d’esprit et d’à-propos : il les fait par obéissance, ce qui le sauve, dit-il, de tout reproche et de toute idée de ridicule, il est difficile de détacher ces riens des circonstances de société qui les produisent ; voici pourtant une de ces petites pièces improvisées à l’usage et pour la consolation des perdants, elle a pour titre Le Jeu du soir : C’est aujourd’hui la Fête de la Vierge, Mais, entre nous, je voudrais bien savoir Si, quand on doit le matin prendre un cierge, On peut tenir une carte le soir.
Mérimée écrit l’histoire est saine, simple, pleine de concision et de fermeté ; il y porte un esprit et un tour qui n’est qu’à lui entre les historiens modernes, et que j’aurai soin de définir, d’autant plus que cette forme n’a pas encore acquis tout son développement. […] Dans le premier sujet, plein d’actions coupées et de guerres, il a trouvé des caractères comme il les aime, il a exhumé et peint quelques-uns des défenseurs énergiques des nationalités italiennes : dans le second sujet, où il fallait entrer dans le Sénat et descendre dans le Forum, il a rencontré, en première ligne, le personnage de Cicéron, et c’est ici que, repoussé par le dégoût des lieux communs, il n’a pas rendu assez de justice à cet homme dont on a dit magnifiquement qu’il était le « seul génie que le peuple romain ait eu d’égal à son empire ». […] Lucien, qui se moque de ces historiens prétendus poétiques, qui ont, au début, des invocations pleines d’emphase, Lucien, qui veut de la simplicité dans l’histoire, admet pourtant que le style y participe, en certaines occasions, de la poésie : « Il faut alors qu’un petit vent poétique enfle les voiles du navire, et le tienne élevé sur le sommet des flots. » Il ne veut point que la diction s’élève trop, il suffit que la pensée soit un peu plus haut que l’expression, celle-ci à pied et tenant de la main, comme en courant, l’autre qui est montée et qui devance. […] Arrivé aujourd’hui à la pleine maturité de la vie, maître en bien des points, sachant à fond et de près les langues, les monuments, l’esprit des races, la société à tous ses degrés et l’homme, il n’a plus, ce me semble, qu’un progrès à faire pour être tout entier lui-même et pour faire jouir le public des derniers fruits consommés de son talent.
Il qualifie ainsi l’Ecclésiaste et le Cantique des Cantiques : — « Œuvres sans ordre, « pleines d’images basses et d’expressions grossières. » Peu de temps après, furieux, il s’écrie : On m’ose préférer Crébillon le barbare ! […] Voyez, après les luttes des arminiens et des gomaristes, de quel air superbe Sparanus Buyter, la poche pleine des florins de Maurice de Nassau, dénonce Josse Vondel, et prouve, de par Aristote, que le Palamède de la tragédie de Vondel n’est autre que Barneveldt ; rhétorique utile, d’où Buyter extrait contre Vondel trois cents écus d’amende et pour lui une bonne prébende à Dordrecht. […] Il était plein d’ossements. […] Les génies, les esprits, ce nommé Eschyle, ce nommé Isaïe, ce nommé Juvénal, ce nommé Dante, ce nommé Shakespeare, ce sont des êtres impérieux, tumultueux, violents, emportés, extrêmes, chevaucheurs des galops ailés, franchisseurs de limites, « passant les bornes », ayant un but à eux, lequel « dépasse le but », volant brusquement d’une idée à l’autre, et du pôle nord au pôle sud, parcourant le ciel en trois pas, peu cléments aux haleines courtes, secoués par tous les souffles de l’espace et en même temps pleins d’on ne sait quelle certitude équestre dans leurs bonds à travers l’abîme, indociles aux « aristarques », réfractaires à la rhétorique de l’État, pas gentils pour les lettrés asthmatiques, insoumis à l’hygiène académique, préférant l’écume de Pégase au lait d’ânesse.
L’exceptionnel en littérature est plein de danger. […] Il a des mouvements généreux : il a au moins des mouvements généreux qui, pour n’être pas toujours suivis d’un plein effet, doivent pourtant lui être comptés. […] Le romanesque est un être très aimable qui nous donne bien des satisfactions : celle d’abord de l’aimer ; celle ensuite de l’admirer un peu comme un noble exemplaire en somme de l’humanité ; celle ensuite de ne pas le craindre, encore qu’il ne fallût pas, à cet égard, avoir une pleine confiance ; celle enfin de lui donner ces fameux conseils de bon sens, de prudence, de sagesse pratique, qu’à donner nous nous épanouissons, nous nous élargissons, nous nous enorgueillissons et qui comblent de plaisir, de pleine satisfaction, de joie intime et profonde, du sentiment de la supériorité indulgente et bienfaisante, ceux de qui ils partent.
Son jeune caractère est, je crois, plein de violence. […] qu’il en soit fait ainsi », dit la femme pleine de vertus. […] Plein de vertus, il était étranger à toute fausseté. […] Elle a toujours été ma compagne fidèle, pleine de royales vertus. […] Tout le palais était plein.
L’ouvrage comprend sept leçons, pleines d’idées fines et d’aperçus originaux ; l’expression en est grave et charmante. […] Assurément, l’une des parties les plus originales et les plus fortes du livre, plein d’idées neuves, de M. […] etc. » que ces paraboles pleines de fraîcheur, jaillissant tout à coup comme une source d’eau très pure ! […] Au moment d’atteindre de la main le bonheur qu’il avait rêvé, Verlaine eut-il l’intuition d’un avenir plein de ténèbres ? […] J’ai des fourmis plein les talons, Voici l’avril !
Il était trop plein de soi et de ses sujets pour l’admettre. […] Il ne suffit que d’avoir le mot du dénouement pour s’abstenir de lire le récit tout plein de réticences qui y conduit. […] Son lyrisme plein d’entraînement et de fougue emportait tout avec lui et faisait tout oublier. […] Don Carlos revient victorieux, mais plein de son amour pour la reine qu’il dévoile au traître Gomès placé auprès de lui pour l’espionner. […] Plein d’invention, d’ardeur, de mouvement, personne n’était mieux organisé que lui pour le théâtre.
Jean Moréas, qui est philologue et curieux de langage, n’invente pas un grand nombre de termes ; mais il en restaure beaucoup, en sorte que ses vers, pleins de vocables pris dans les vieux auteurs, ressemblent à la maison gallo-romaine de […] Sa conception d’un poème dont chaque vers n’est pas seulement intéressant par lui-même, mais concourt à une harmonie d’ensemble, il l’a réalisée dans son admirable Pèlerin passionné, fort et gracieux tour à tour comme le savent être les maîtres, plein d’une inspiration noble et naturelle.
Le Dialogue en est naturel, plein d’intelligence & d’adresse ; les caracteres en sont intéressans & soutenus. […] Il eût été difficile d’être en liaison particuliere avec un homme toujours plein d’un systême qu’on eût rejeté ; & si l’on recevoit le systême, il n’étoit pas possible qu’on ne goûtât infiniment le caractere de l’Auteur, qui n’étoit, pour ainsi dire, que le systême vivant.
Ce qui sied à des hommes pleins d’autorité, comme Molière et Corneille, ne sied pas à d’autres. […] Aussi espère-t-il bien, dieu aidant, ne développer jamais sur la scène (du moins tant que dureront les temps sérieux où nous sommes), que des choses pleines de leçons et de conseils.
On ne pourra vous dire traîtres pour avoir tué le roi ; car nous ne sommes point ses vassaux… » On est loin encore, dans la Chronique, de ce Rodrigue du poème, qui, même dans ses exils et ses conquêtes au dehors, se fera honneur de rester un vassal fidèle et plein de courtoisie envers le roi qui le maltraite et lui garde rigueur. […] » Dans le testament du Cid, on lui fait dire, à l’un des articles ; « Item, je veux qu’on donne aux Juifs que je trompai, étant pauvre, un coffre plein d’argent du même poids que celui qui était rempli de sable. » Enfin, un poète moderne fait dire à la fille du Cid, pour le justifier à ce sujet des deux coffres : « L’or de votre parole était dedans. » Ce sont là de beaux anachronismes, des arrangements après coup, et l’auteur du poème n’avait pas eu tant de scrupule en montrant tout d’abord son Cid fin et rusé comme Ulysse. […] Vos filles sont à marier, on vous apporte le trousseau. » Le trousseau, c’est le butin, c’est la main basse qu’il va faire sur le camp marocain tout plein de richesses. […] « Mais quand il vint à Rodrigue, l’espérance du succès qu’il attendait étant presque morte dans son sein, — on trouve souvent là où l’on ne songeait pas, — les yeux enflammés, tel qu’un tigre furieux d’Hyrcanie, plein de rage et d’audace, Rodrigue dit ces paroles : « Lâchez-moi, mon père, dans cette mauvaise heure, lâchez-moi dans cette heure mauvaise ; car, si vous n’étiez mon père, il n’y aurait pas entre nous une satisfaction en paroles. […] Renan dans le Journal des Débats, du 31 août 1833 ; un morceau plein d’érudition et de chaleur de M.
On voit que de bonne heure tous les cadres dans lesquels avait à s’exercer une pensée si pleine d’avenir étaient trouvés. […] La prononciation quelque peu puritaine et ce débit empreint d’autorité redoublaient encore leur effet en sortant du sein d’une jeunesse si pleine d’éclat et presque souriante de grâce. […] Ce prodigieux succès que l’histoire plus développée de M hiers obtint après être terminée, et qui ne fut dans son plein que six ans plus tard, vers 1830, le résumé de M ignet l’enleva dès sa naissance. […] J’expose et je m’efforce simplement de ne rien altérer dans une conception pleine de dignité et de vigueur. […] Politique avisé autant qu’homme aimable, plein d’expédients et de ressources, fertile, infatigable, possédant à fond les affaires et les portant avec légèreté et grâce, les égayant presque toujours dans le ton, il était le chef de cette école de diplomates dont Chaulieu avait connu de brillants élèves, et dont il a fait un groupe à part dans son Élysée : Dans un bois d’orangers qu’arrose un clair ruisseau Je revois Seignelai, je retrouve Béthune, Esprits supérieurs en qui la volupté Ne déroba jamais rien à l’habileté, Dignes de plus de vie et de plus de fortune !
D’autant que les plus grands faisaient fumer l’encens devant elles à pleines cassolettes. […] Ils conduisaient ma main : ils enflaient mon courage ; Cette pleine victoire est leur dernier ouvrage. […] L’autre se nomme Léonor et, pleine de tendresse pour celui qui a veillé sur son enfance, elle finit, moitié reconnaissance, moitié amour, par l’épouser. […] Il a soin de lui rappeler qu’elle garde sa liberté pleine et entière. […] Il pourrait avoir entendu dire que le corps des laquais est « le séminaire de la noblesse98 » ; et, en attendant que la fortune le traite selon son mérite, il est plein d’égards pour sa grandeur future ; il ôterait volontiers son chapeau pour se parler.
— « Il est à celui qui le boira plein de kirsch », dit Masséna. […] Avec ce quelque chose d’appuyé et de ressenti, que les bien malades mettent dans leurs paroles, elle revenait amoureusement sur ces jours où elle servait de modèle à son mari, du matin au soir, sur ces jours tout pleins de ses peurs de l’eau, et où cependant sans rien dire, elle posait dans un remuant bateau, en robe blanche, frissonnante du froid du coucher du soleil et de la terreur de chavirer. […] Lundi 9 juin Degas disait spirituellement, en parlant du portrait de Carolus Duran par son élève : « Avez-vous remarqué les manchettes de Carolus et les veines de ses mains, pleines des vibrations d’un pouls vénitien ? […] Dimanche 21 septembre Toujours un état vague au bord de l’évanouissement, et où l’équilibre de votre corps demande à être surveillé : un état plein de trouble et de la pensée continuelle d’un coup de foudre dans la cervelle. […] Là, les élèves n’avaient, les uns, qu’un pantalon, les autres, qu’une veste ; là, tous les samedis, l’on faisait la chasse à la vermine, et chaque élève qui n’apportait pas plein un tuyau de plume de vermine, était puni… Enfin là, la moitié des élèves était couchée, quand il y avait une visite ou une inspection.
Méthode de critique — De l’idée moderne du progrès appliquée aux beaux-arts — Déplacement de la vitalité Il est peu d’occupations aussi intéressantes, aussi attachantes, aussi pleines de surprises et de révélations pour un critique, pour un rêveur dont l’esprit est tourné à la généralisation aussi bien qu’à l’étude des détails, et, pour mieux dire encore, à l’idée d’ordre et de hiérarchie universelle, que la comparaison des nations et de leurs produits respectifs. […] Un lecteur, quelque peu familiarisé par la solitude (bien mieux que par les livres) à ces vastes contemplations, peut déjà deviner où j’en veux venir ; — et, pour trancher court aux ambages et aux hésitations du style par une question presque équivalente à une formule, — je le demande à tout homme de bonne foi, pourvu qu’il ait un peu pensé et un peu voyagé, — que ferait, que dirait un Winckelmann moderne (nous en sommes pleins, la nation en regorge, les paresseux en raffolent), que dirait-il en face d’un produit chinois, produit étrange, bizarre, contourné dans sa forme, intense par sa couleur, et quelquefois délicat jusqu’à l’évanouissement ? […] Voici des figures délicates et des épaules simplement élégantes associées à des bras trop robustes, trop pleins d’une succulence raphaélique. […] de charmants petits tableaux, pleins d’intimité et de profondeur ; il a illustré les murailles de nos palais, il a rempli nos musées de vastes compositions. […] — Il est curieux de remarquer que Justinien composant ses lois et le Christ au jardin des Oliviers sont de la même année), l’Évêque de Liège, cette admirable traduction de Walter Scott, pleine de foule, d’agitation et de lumière, les Massacres de Scio, le Prisonnier de Chillon, le Tasse en prison, la Noce juive, les Convulsionnaires de Tanger, etc., etc.
C’est un jeu plein de variété et de feu. […] Je parlais tout à l’heure de vers pleins, retentissants, qui devaient sonner dans la bouche de l’acteur ? […] et si on l’attaquait, c’est moi, qui le premier en mettrais au plein jour les beautés divines. […] Il sent à plein nez son hypocrite. […] lui dit-il, pleins de cœur !
Aristophane est un poète doué d’imagination ; il a de la verve et même de l’atticisme ; mais (il y a toujours un mais) il est plein de bouffonneries indécentes et de personnalités. […] mais Racine en est plein. […] Personne n’ose dire : nationale aussi, française sous la plume d’un Français, allemande sous celle d’un Allemand, et toute pleine de patriotisme. […] Tu étais, a dit Hegel, « sans esprit philosophique, et plein d’une hardiesse effrontée398 ». […] « Un logis plein de chiens et de chats, vivant entre eux comme cousins, et se brouillant pour un pot de potage, semble bien indigne d’un homme de goût.
Oui, l’arrêt est terrible, mais il est plein de sens. […] Plein d’un tendre respect, comme Joseph de Maistre, pour sa mère, il avait gardé les croyances religieuses et les convictions monarchiques dans lesquelles il avait été élevé. […] » Il répondit : « Je ne pense pas. » Cette parole d’un penseur fatigué, désenchanté de ses théories, plein de mépris pour celles des autres, exprimait la situation du plus grand nombre. […] Cette note, pleine de renseignements et de révélations, est un de ces flambeaux qui illuminent tout à coup la situation d’une époque. […] C’était donc un livre plein de cet attrait toujours attaché aux œuvres d’opposition d’un écrivain persécuté qui allait révéler l’Allemagne à la France.
Paul et Virginie est un livre plein de détails rafraîchissants, simples, domestiques. […] Tous ces grands innocents pleins de malice auraient besoin d’aller à l’école de la bonne foi et à toutes sortes d’écoles. […] Ce système est plein d’habileté, il est peut-être naïf cependant. […] On ne lit pas la poésie, non parce qu’on est grossier, mais parce qu’on est naïf et délicat ; ce qui est grossier, matériel, plein de clinquant, c’est la poésie. […] Il est étrange que nous qui vivons dans ce milieu-là nous soyons gras, pleins d’appétit, mais nous ne résisterons pas longtemps à ce métier malsain.
Quant à sa toilette, cette aérienne toilette de mousseline et de rubans qui semblait faite avec de la gaieté, de la folie et de la musique, pleine de grelots et parfumée de lilas, elle s’était évanouie comme ces beaux givres éclatants qu’on prend pour des diamants au soleil ; ils fondent et laissent la branche toute noire. […] « Toutes ces choses, réalités pleines de spectres, fantasmagories pleines de réalités, avaient fini par lui créer une sorte d’état intérieur presque inexprimable. […] Les flots déchirés et déchiquetés par le vent l’environnent hideusement, les roulis de l’abîme l’emportent, tous les haillons de l’eau s’agitent autour de sa tête, une populace de vagues crache sur lui, de confuses ouvertures le dévorent à demi ; chaque fois qu’il enfonce, il entrevoit des précipices pleins de nuit ; d’affreuses végétations inconnues le saisissent, lui nouent les pieds, le tirent à elles ; il sent qu’il devient abîme, il fait partie de l’écume, les flots se le jettent de l’un à l’autre, il boit l’amertume, l’océan lâche s’acharne à le noyer, l’énormité joue avec son agonie. […] Il l’interrompit d’un accent plein de mansuétude et d’autorité. […] Lui continua : « — Chenildieu, qui te surnommais toi-même Je-nie-Dieu, tu as toute l’épaule droite brûlée profondément, parce que tu t’es couché un jour l’épaule sur un réchaud plein de braise, pour effacer les trois lettres T.
Nous apprîmes directement et indirectement que l’esprit avait un secret pressentiment qu’il allait bientôt abandonner ce corps épuisé de fatigue et qu’il l’abandonnerait, plein de confiance, à sa vieille amie la Nature. […] Déjà, au commencement de l’hiver de 1858, ses amis s’étaient inquiétés de le voir alité pendant un accès de grippe, et plus tard, lorsqu’il se releva et renoua ses pleines relations avec le monde, il nous écrivit, le 8 décembre 1858 : “Je suis toujours très désagréablement grippé.” […] Beaucoup de ces billets étaient pleins de malice et d’allusions offensantes à ceux qu’il honorait en public et qu’il égratignait en secret. Telle était, par exemple, sa lettre au sujet du prince Albert, époux de la reine Victoria d’Angleterre, qu’il traitait avec une odieuse injustice, quoique ce prince, excessivement distingué, lui eût témoigné et écrit à lui-même des lettres aussi pleines de convenance que d’affection. […] Les arbres de l’Éternel, les cèdres que Dieu lui-même a plantés, se dressent pleins de sève ; les oiseaux y font leur nid, et l’autour bâtit son habitation sur les sapins.”
Et leur talent est bien aussi celui de Charles Demailly : … Talent nerveux, rare et exquis dans l’observation, toujours artistique, mais inégal, plein de soubresauts, et incapable d’atteindre au repos, à la tranquillité des lignes, à la santé courante des œuvres véritablement grandes et véritablement belles9. […] Dans Charles Demailly, la rédaction du Scandale, surtout le forban de lettres Nachette ; Giroust le dessinateur, toujours plein de bière et obsédé par le moderne ; et la table du Moulin rouge : Masson, qui est sans doute Théophile Gautier ; Boisroger, qui ressemble à Banville ; Franchemont, qui rappelle Barbey d’Aurevilly Dans Manette Salomon, Chassagnol le noctambule, le toqué d’art, avec ses monologues ahurissants ; Garnotelle, le type inoubliable du peintre académicien, de la médiocrité correcte armée de savoir-faire ; la kyrielle variée des amis d’Anatole, depuis M. […] Conclusion et résumé d’un coin de la banlieue, l’été : «… Paysages sales et rayonnants, misérables et gais, populaires et vivants, où la nature passe çà et là entre la bâtisse, le travail et l’industrie, comme un brin d’herbe entre les doigts d’un homme19. » Conclusion et résumé d’une description du bois de Vincennes : «… Une promenade banale et violée, un de ces endroits d’ombre avare où le peuple va se ballader à la porte des capitales, parodies de forêts pleines de bouchons, où l’on trouve dans les taillis des côtes de melon et des pendus. […] Voici un paysage de MM. de Goncourt : La lune pleine, rayonnante, victorieuse, s’était tout à fait levée dans le ciel irradié d’une lumière de nacre et de neige, inondé d’une sérénité argentée, irisé, plein de nuages d’écume qui faisaient comme une mer profonde et claire d’eau de perles ; et sur cette splendeur laiteuse, suspendue partout, les mille aiguilles des arbres dépouillés mettaient comme des arborisations d’agate sur un fond d’opale… Anatole prit à gauche… Il était dans une petite clairière. […] Ces délicats cyniques sont capables de préférer, dans l’œuvre de MM. de Goncourt, sinon Madame Gervaisais, du moins Manette Salomon, comme ils préféreraient sans doute dans l’œuvre de Corneille Théodore, dans celle de Hugo les Mages ou Plein Ciel, dans celle de M.
« Il se laissa conduire par son hôte, machinalement, la pensée pleine de trouble, le cœur inquiet. […] Fernand Vandérem est plein de jeunesse, et ce qui s’est éteint en lui, ce n’est pas l’ardeur du sang, mais la faculté passionnelle d’aimer. […] Il avait sur sa table la France nouvelle… Il déclare qu’il veut la paix : nous ne pouvons affronter la guerre que les mains pleines d’alliances. […] » Leurs meilleurs vers étaient pleins d’elle. […] Défends les faibles, combats les forts ; gare ton honneur des déchéances vilaines et ton esprit des colères stériles ; cueille les fleurs à brassées, un bout de laurier si tu le peux, — et tâche de descendre où vous irez tous, les mains pleines de roses et pleines de bienfaits !
G. l’absorbe sans cesse ; il en a la mémoire et les yeux pleins. […] C’est une histoire qui, depuis que l’astre a donné signe de vie, est pleine de monotonie, de lumière et de grandeur. […] On donnait ainsi plein droit à la passion ; on lui attribuait une sorte d’infaillibilité. […] Rouvière n’était pas toujours maître de lui ; maintenant c’est un artiste plein de certitude. […] Le monde est plein de gens très-indignés qui cependant ne feront jamais de beaux vers.
Plein d’esprit, inconsciemment ironique, avec une parole lente, balourde d’Allemand, qu’il était. […] — Oui, me répondit-il, je sens que je ne suis pas un peintre, je peins avec mon cerveau, pas avec mon cœur… Je ne sais, si vous l’avez connu, Couture… C’était un petit ratatiné frileux, ayant toujours sur le dos un collet de manteau, et Diaz, qui était plein d’esprit, plein d’une imagination drolatique, disait, en le voyant déboucher : « Voici le champignon vénéneux ! […] Un charmant trio, que la réunion de ces trois femmes : ma tante avec sa figure brune, pleine d’une beauté spirituelle ; sa belle-sœur, une créole blonde, avec ses yeux d’azur, sa peau blanchement rosée, et la paresse molle de sa taille ; ma mère avec sa douce figure et son petit pied. […] Et aussitôt, que ma tante m’eut embrassé, son premier mot à sa femme de chambre, était : « Donne-moi un mouchoir. » Et je m’apercevais, qu’elle lui tendait le mouchoir de la nuit, plein de sang, et que ces maigres mains cherchaient à cacher. […] Une salle pleine comme à une première.