Je l’ai revu seul et j’ai pu m’en faire une idée inexprimable. […] Mais une idée de vérité le domine : le Symbole, quoique dans les poèmes détachés, les quelques sonnets surtout dernièrement parus et faits spécialement pour l’évidence de cette idée, elle n’apparaisse que comme jeu singulier et un peu puéril et faux. […] Je contemplais à mon aise d’inappréciables instants : la fraction d’une seconde, pendant laquelle s’étonne, brille, s’anéantit une idée ; l’atome de temps, germe de siècles psychologiques et de conséquences infinies, paraissaient enfin comme des êtres, tout environnés de leur néant rendu sensible.
Le remords, le devoir, l’idée du cœur qu’il va briser, tout le sel et tout le levain moral de son être ont fondu à la chaleur de la luxure qui brûle. […] L’idée traitée par M. […] La Princesse Georges L’égalité de l’homme et de la femme devant l’adultère, le droit de mort donné à l’épouse trahie, aussi bien qu’au mari trompé : telle est l’idée que M. […] Tout l’excite à le pousser vers le châtiment : son ressentiment, sa nature ardente, l’idée de justice et de talion conjugal qu’elle n’a, jusqu’ici, cessé de poursuivre ; l’espoir, à jamais perdu, de ramener cet homme perverti par une passion basse… A peine a-t-il fait un pas vers la porte qu’elle se jette au-devant de lui et, de ses bras ouverts, qui bientôt l’enlacent, lui barre le passage. — « N’y va pas !
Voilà le beau côté, le côté apparent et tout gracieux ; mais, à ne voir que celui-là, on prendrait peut-être du moral de la jeune princesse une idée trop flattée, ridée de quelque chose de trop accompli, et on ne sentirait pas assez non plus à quel point devait être grand en elle le charme, puisqu’il avait à triompher de certains défauts et de certaines ombres, dont il sera à propos de parler. […] Pour se faire une juste idée de ce qu’était alors la représentation, et de l’importance qu’on attachait à toutes ces choses, remplacées depuis par d’autres que nous croyons beaucoup plus sensées et qui le deviendront peut-être, il faut lire le récit de cette première entrevue, chez Dangeau : La princesse, dit l’historiographe fidèle, arriva sur les six heures. […] Les lettres qu’on publie d’elle aujourd’hui ne sont que des billets qui n’ajouteront pas beaucoup à l’idée qu’on a de son esprit ; une partie de ces billets est adressée à Mme de Maintenon. […] Mais à quoi bon refaire l’histoire et rétablir en idée ce qui aurait pu être ?
C’est un dessein dans lequel nous l’encourageons fort ; en attendant, nous dirons quelque chose de son livre et de ses idées. L’idée positive et la conclusion pratique de M. de Laborde est celle-ci : Que le palais Mazarin est en lui-même un monument historique très digne d’être conservé, que la Bibliothèque y est bien placée, mieux qu’elle ne le serait ailleurs, et qu’il faut l’y laisser, sauf à réparer, à améliorer l’édifice au-dedans, et à le restaurer, à l’orner au-dehors, pour qu’il n’attriste pas le brillant quartier qui le possède. […] Il est dans son élément au milieu des cabales ; il s’y retrouve et il y nage encore en idée par les vives descriptions qu’il en fait. […] M. de Laborde a réussi dans son apologie de Mazarin, en ce sens qu’après l’avoir lu on emporte de l’esprit du ministre, de ses qualités aimables et puissantes, une idée fort présente et fort vive, égale à tout ce qu’on en pouvait penser déjà.
Il se développa et se forma dans la sphère de l’éloquence proprement dite, et y apporta un excellent jugement ; mais il sortait peu de cet ordre d’idées qui tiennent à la rhétorique. […] Un jeune homme de dix-neuf ans, qui, passant par Florence, y aurait rencontré l’harmonieux poète, et aurait brûlé de l’interroger sur la réalité de ces tendres sentiments, si voilés de mysticité et de mélodie, peut nous donner quelque idée de ce qu’était Patru dans son pèlerinage auprès de d’Urfé : Lorsqu’en mon voyage d’Italie, raconte-t-il, je passai par le Piémont, je vis l’illustre d’Urfé, et je le vis avec tant de joie qu’encore aujourd’hui je ne puis penser sans plaisir à des heures si heureuses. […] À la mort de l’académicien Conrart (1675), un grand seigneur, qui n’avait d’autre titre que sa naissance, eut l’idée de se présenter pour la place vacante. […] Les dernières années de Patru furent marquées par une notoire indigence et par la façon honorable dont il la porta, et elles achèvent l’idée de son caractère mieux que n’aurait fait une fin plus adoucie.
La sévérité même qu’on déploya contre lui témoigne de son importance et de l’idée qu’on avait de son audace et de son adresse. […] Louis XIV, pour perdre plus sûrement Fouquet, avait employé un artifice dont nous avons peine à supporter l’idée. […] Un peu de superstition se mêlait de loin, dans le préjugé public, à l’idée de son infortune. […] N’ayant jamais dirigé en chef le gouvernement, on ne peut se faire une idée bien précise de la portée et des limites de sa capacité et de son esprit.
Du reste, le ministère de la justice d’alors, qui nous faisait poursuivre, n’avait-il pas eu, vingt-quatre heures, l’idée de poursuivre en police correctionnelle, dans un article de je ne sais qui du Paris, une ligne de points, paraissant avoir un sens obscène à M. […] Et dans la conversation que j’ai avec lui sur notre poursuite, il me confirme une chose qui m’avait été déjà dite : c’est que le ministère de la police, outre ce qu’il poursuivait en nous, poursuivait encore certaines idées littéraires : « Il ne voulait pas, me dit Rouland, de la littérature qui se grise et grise les autres, une idée, ajoute-t-il, que je n’ai pas à apprécier… » Oui, nous fûmes poursuivis, en l’an de grâce 1853, pour le délit de littérature anticlassique, de littérature révolutionnaire. […] Leroy, un grand brun avec une grosse voix ; il est l’ennemi des prêtres, des empereurs, des rois et des romantiques, et cache, sous des apparences de truculence et de férocité physique, une parfaite bonne enfance et des idées pas mal prudhommesques.
Personne n’admire plus que moi la beauté des fresques évocatrices de Leconte de Lisle, personne autant que moi n’admire chez Banville un magnifique poète et un conteur presque unique dans toute littérature, car je ne connais qu’Edgar Poe dans une couleur d’images différente, pour avoir fait tenir dans quelques volumes de contes brefs autant de vie et autant d’idées. […] Si vous admettez l’inversion vous détruisez le rythme de la strophe qui doit, comme la phrase, donner au lecteur l’ordre des idées. […] Tous les peuvent entendre ; les lettrés y doivent trouver les moyens de donner la forme stricte de leur idée, les sentimentaux la forme de leur rêverie. […] À ces poètes se sont joints, et toujours apportant des nouveautés de rythme et d’idées, toute cette autre jeune pléiade des Vildrac, A.
Il est un semeur de sentiments comme le philosophe est un semeur d’idées. […] Dans les livres de philosophie, on va chercher des idées générales, dans les romans réalistes des observations, dans les romans idéalistes de beaux sentiments, dans les poètes tout cela et de plus des inventions de rythme, des trouvailles de mélodie, d’harmonie, toute une technique, qui ici, a autant d’importance que le fond ; et de cette technique on ne jouit, à cette technique on ne se plaît, à cette technique on ne se joue amoureusement, que si soi-même on s’en est mêlé, que si on s’y est essayé, que si l’on en a mesuré les difficultés, que si l’on y a atteint soi-même à quelques petits succès relatifs ; comme il n’y a que les musiciens qui comprennent la musique, et les autres, quand ils croient y entendre quelque chose, sont des snobs, il n’y a que les hommes qui ont été un peu versificateurs qui comprennent les poètes. […] Il est un peu comme le Fantasio de Musset disant : « Je voudrais être ce monsieur qui passe ; il doit avoir une foule d’idées qui me sont complètement étrangères ; son essence lui est particulière ». […] — En une certaine mesure au contraire, parce que c’était la façon dont, généralement, les auteurs classiques nous étaient montrés, qui nous les faisait prendre en horreur ; parce que Virgile et Horace ne pouvaient rester dans nos souvenirs qu’accompagnés de l’idée d’ennui ; et parce que, laissés de côté par les professeurs d’à présent, ils se présenteront aux écoliers dans toute leur beauté propre, avec leur charme inaltéré et, si j’ose ainsi parler, sans encrassement.
Mais c’est d’une puissance humaine qui en fait quelque chose d’à part, — puisque ce n’est pas religieux comme nous entendons qu’on doive l’être, — quelque chose d’inouï, qui pourrait s’appeler, pour donner une idée des trésors de fortitude et de consolation déposés en ces pages : Imitation de Jésus-Christ, pour ceux qui ne croient plus, hélas ! […] VI Louis Ratisbonne, l’ami de cet Alfred de Vigny qui a laissé dans la mémoire des hommes l’impression d’un parfum et d’une harmonie, a publié en volume les pensées et les fragments de mémoires que lui a légués l’auteur d’Éloa ; Alfred de Vigny avait eu, un moment, l’idée d’écrire ses mémoires. […] Mais cette idée d’écrire des Mémoires, le chaste et fier poète ne la réalisa pas. […] Alfred de Vigny n’est point désespéré pour les raisons sentimentales et romanesques qui font les désespérés de la terre ; mais pour une raison d’une tout autre noblesse, pour une raison métaphysique, une raison qui est une idée, et du mutisme de laquelle, quand il l’a sans cesse interrogée, il ne prit son parti jamais… Pour vous en convaincre, lisez cette page si triste et si belle, triste comme tout ce que Pascal a écrit.
Telle est l’origine du « Vœu » ; il émane de consciences sombrées dans le péril atroce du moment, épouvantées de l’avenir gros de nuages et de sang, n’osant se faire une idée du futur, se demandant même parfois si les races n’allaient pas être englouties dans quelque universelle conflagration. […] Tout a disparu du « Vœu » primitif, ou plutôt, tout est prudemment dissimulé aux yeux de la « noble Chambre, si fidèle aux inspirations et aux traditions chrétiennes. » L’idée même du « Vœu » subsiste entière dans l’esprit de ceux qui l’ont formulé, mais ils se gardent bien d’en faire mention pour ne pas effrayer l’Assemblée. […] De l’idée véritable, il ne subsiste rien, par suite des artifices successifs de la forme ; et cependant, après le vote, ne portant que sur ce point spécial de l’érection d’une église, on va proclamer le triomphe collectif de cette idée, on prononcera le mot de « réparation nationale », et l’on s’empressera de décréter cette formule : Gallia pœnitens et devota !
Cette idée fut reproduite dans le Retour imprévu de Regnard, joué aux Français en 1700. […] Le poëte eut une singulière idée à propos de cette pièce. […] Ils sont propres à donner une idée du faire tragique de Benserade. […] Cette interdiction mit la plaideuse dans une fureur et un désespoir dont rien ne saurait donner l’idée. […] Un jour, malheureusement, elle eut l’idée fâcheuse de faire jouer une tragédie.
Et pourtant je n’en reconnais pas moins le prix d’une idée pratique. […] L’idée donc me paraît excellente ; et je me figure très bien une personne, une femme élégante, qui fait son courrier dans son boudoir devant témoins, pendant qu’on jase autour d’elle, et qui ne serait pas fâchée de pouvoir se fixer sur l’exacte orthographe d’un mot, sans se lever toutefois et se déranger, sans déceler son doute, sans avoir recours même au plus portatif et au plus maniable des dictionnaires : elle n’a, maintenant, qu’à tourner d’une main négligente et comme par distraction son papier ; elle a l’air, tout au plus, de chercher le quantième du mois, et son œil est tombé précisément sur le mot qui faisait doute et qu’elle avait mal mis.
Madame de Staël ne pouvait s’accoutumer à cette idée que la jeunesse s’en allait, et ce mot seul de jeunesse, elle le répétait souvent pour s’en donner la musique et en prolonger l’écho à ses oreilles. […] Émile Augier : c’est une petite comédie, à la grecque ; il y a une idée spirituelle.
Conrad, qui a une idée fixe, et qui veut, avant tout, placer ses actions industrielles, ne s’aperçoit pas du contre-temps, et prie la dame inconnue, comme il a prié Léopold, d’une façon fort comique, de lui souscrire quelques actions. […] Conrad, qui a placé enfin toutes ses actions, et qui est aujourd’hui très-riche, parce que ses actionnaires ne le sont plus, plaide contre la chanoinesse de Moldaw, et il a choisi pour avocat le jeune fou des deux premiers actes, qui, ramené par le régime de la prison à des idées plus saines, s’est créé par son travail une position honorable.
Et il est vrai qu’il y a des gens chez qui la modération des idées se confond avec le désir de conserver leur bien et l’attachement aveugle à un état social qui sert leurs intérêts. […] Cette modération-là est en train de devenir, par ce temps de modes outrancières, de cabotinage et de snobisme — en littérature, en art et, dit-on, en politique — quelque chose de rare et d’original ; j’ajoute de méritoire : car les idées extrêmes, plus frappantes, plus faciles à développer, ont bien meilleur air aux yeux des ignorants et sont généralement d’un profit plus immédiat pour ceux qui les professent.
Cette nouvelle mettait aussi en jeu les opérations de la volonté, mais elle ne traitait plus de ses affaiblissements et de ses défaites sous l’aspect de la peur ; elle étudiait, au contraire, ses exaltations sous l’impulsion d’une conviction tournée à l’idée fixe ; elle démontrait sa puissance qui parvenait même à saturer l’atmosphère, à imposer sa foi aux choses ambiantes… Mais, dans le tempérament de Villiers, un autre coin, bien autrement perçant, bien autrement net, existait, un coin de plaisanterie noire et de raillerie féroce ; ce n’étaient plus alors les paradoxales mystifications d’Edgard Poe, c’était un bafouage d’un comique lugubre, tel qu’en ragea Swift. […] Toute l’ordure des idées utilitaires, toute l’ignominie du siècle étaient glorifiées en des pièces dont la poignante ironie transportait Des Esseintes.
L’unité de l’esprit humain est le grand et consolant résultat qui sort du choc pacifique des idées, quand on met de côté les prétentions opposées des révélations dites surnaturelles. […] Un côté par lequel j’ai pu paraître injuste au cheik, c’est que je n’ai pas assez développé cette idée que toute religion révélée est amenée à se montrer hostile à la science positive, et que le christianisme n’a sous ce rapport rien à envier à l’islam.
Pour rester dans le domaine de la littérature, les grands hommes sont ceux qui apportent quelque chose de neuf et d’original ; ceux qui sont vraiment créateurs de formes, de sentiments, d’idées, de types, non encore réalisés ; ceux, comme dit le poète36, Dont les pas inventeurs ouvrirent les sentiers ; ceux ainsi qui devancent leurs contemporains, qui deviennent bientôt des modèles pour leurs admirateurs, qui sont le point de départ d’une longue vague d’imitation, précisément parce qu’ils ont été de puissants agents d’innovation. […] A toute époque, il y a dans une société certaines idées nouvelles qui naissent à la fois dans un grand nombre d’esprits, des germes de pensées et de sentiments qu’on sent flotter autour de soi et qu’on respire, pour ainsi dire, dans l’air ambiant.
Les pauvres enfants auxquels on a fait croire que les syllabes du mot stère contiennent l’idée de solide ne sont-ils pas tout disposés à comprendre stéréoscope ? […] On prépare pour l’Exposition une grande carte des récifs et des profondeurs des côtes de France ; ce titre donnerait une bien médiocre idée des talents de l’auteur ; aussi a-t-il dénommé sa carte lithologico-isboathométrique.
C’est un devoir strict envers notre langue de n’ouvrir les portes sévères de son vocabulaire qu’à des termes nouveaux qui apportent avec eux une idée nouvelle et qui prennent au dépourvu nos propres ressources linguistiques. […] De là l’idée de dégustation conservé dans gourmet, qui est une déformation de groumet.
Exemple d’une idée sublime du Rembrand : le Rembrand a peint une Résurrection du Lazare ; son Christ a l’air d’un tristo, il est à genoux sur le bord du sépulcre, il prie, et l’on voit s’élever deux bras du fond du sépulcre. […] D’ailleurs il y a dans un habit vieux une multitude infinie de petits accidents intéressants, de la poudre, des boutons manquants et tout ce qui tient de l’user ; tous ces accidents rendus réveillent autant d’idées et servent à lier les différentes parties de l’ajustement ; il faut de la poudre pour lier la perruque avec l’habit.
Je serai même aussi peu surpris qu’un homme qui auroit pris son idée du mérite des anciens sur leurs ouvrages de physique, de botanique, de geographie et d’astronomie, parce que sa profession l’auroit obligé à faire sa principale étude de ces sciences, n’admire point l’étendue des connoissances des anciens, que je suis peu surpris de voir l’homme qui a formé son idée du mérite des anciens, sur leurs ouvrages d’histoire, d’éloquence et de poesie, rempli de véneration pour eux.
Et moi, adhérent de la « Patrie Française », si je suis assez magnanime pour reconnaître à mes compatriotes le droit de se grouper dans l’intention d’afficher et de propager des idées qui m’offensent, je trouve tout de même qu’on exigerait beaucoup de mon libéralisme, en me demandant, à cette minute, de m’allier avec la Société des Droits de l’Homme contre une législation d’ailleurs blâmable. […] Probablement, les exécuteurs testamentaires ont écarté ces pages parce qu’ils en ont jugé la rédaction provisoire, mais les idées étaient mûries depuis longtemps.
Un jour, à quelqu’un qui opposait avec trop d’insistance un fait à l’une de ses idées, M. […] Froissart va jusqu’à mi-chemin ; il est de son siècle pourtant et de sa robe, et, si l’on surprend parfois chez lui un sourire, l’idée ne lui vient jamais de s’émanciper. […] Au milieu de cette vaste trame un peu confuse, l’Angleterre et la France tiennent le premier plan ; et c’est dans les tableaux qu’il en retrace qu’on pourrait le mieux choisir pour donner idée de sa manière. […] Cette idée de transfuge n’entraînait pas toujours déshonneur dans les idées du temps, et le chevalier de Morbecque, de Saint-Omer, racontant son histoire au roi Jean et comme quoi il a dû quitter le royaume de France par suite d’un homicide qu’il a eu le malheur de commettre dans sa jeunesse, ressemble à ces héros d’Homère qui racontent sans embarras comment ils ont été obligés de quitter leur pays pour avoir tué un homme par imprudence.
Lassay réduit trop ici l’idée de roi à sa portée et à son image ; il fait son roi le plus inactif et le moins inventif qu’il peut, sans, initiative aucune, afin que la place de tout point lui convienne. […] Il a écrit sur les princes, sur ceux, en particulier, de ces petites cours oisives, et en vue de ces intérieurs des Condé, des Bourbon et des Du Maine, des pages telles que le courtisan le plus clairvoyant et le plus dégoûté en peut seul écrire55 ; il revenait à ses anciennes idées favorites d’indépendance, de loisir honnête et digne. […] Saint-Simon parle de lui dans sa vieillesse comme d’un fade adulateur du cardinal de Fleury ; mais, en examinant les idées, les inclinations douces et pacifiques de Lassay, on voit que le cardinal de Fleury les réalisait suffisamment à son heure, et, s’il y a eu flatterie, c’était une flatterie toute naturelle, un faible de vieillard pour un vieillard. […] il arrive quelquefois jusqu’aux idées, il les atteint, il les touche, il les palpe, mais il ne les empoigne pas ! […] Cependant, tout ce qu’on sait de la position de son fils auprès de la duchesse douairière de Bourbon et de son empire établi, semblerait indiquer que c’est plutôt celui-ci qui, tout à côté du palais princier, a dû avoir l’idée de construire l’élégant et somptueux hôtel.
En un mot, il croit sentir toute une ironie de Virgile dans le fonds d’idées prêtées à Thyrsis. […] Le détail des Bucoliques est d’une continuelle et parfaite observation rurale, d’une peinture fidèle, prise sur nature, et du rendu le plus délicat ; elles sont bien d’un poète qui a vécu aux champs et qui les aime, et chaque fois qu’on sort de les relire, on ne peut que répéter avec M. de Maistre : « l’Énéide est belle, mais les Bucoliques sont aimables. » Ayant écrit moi-même autrefois une Étude sur Virgile, il m’est resté quelque surcroît d’idées et de remarques que je demande à joindre ici comme un dernier hommage et tribut au souverain poète à qui j’aurais aimé, moi aussi, à élever mon autel. […] Ce je ne sais quoi de mélancolique que le poète veut imprimer à la physionomie de son guerrier, il le grave et le condense dans cette répétition du domus alia qui fait la note fondamentale, et il prend l’idée de cette particularité rythmique, de cette répétition à effet, non dans le passage même d’Homère sur le guerrier mort, mais dix-huit vers plus haut, à l’endroit où Hector, se faisant fort de braver Achille, répétait coup sur coup à la fin et au commencement du vers les mêmes mots : « Dussent ses mains être comme la flamme… » Évidemment le voisinage des deux passages saillants lui a donné l’idée de les unir, de les combiner. […] Pitt n’avait pas de parti, pas d’amis politiques ; mais il était si populaire, on avait une si grande idée de son génie, il exerçait un tel ascendant dans la Chambre des communes, qu’il aurait pu former un ministère, en faisant, comme avait fait George Grenville, une scission dans le parti whig, un tiers-parti comme nous dirions.
Toujours est-ce que l’ordre chiffré apporté au maréchal par un paysan, et qui assignait positivement le rendez-vous de Bautzen, ne fut remis à temps le 19, que parce que Ney ne s’était pas laissé distraire à cette idée d’une pointe sur Berlin et s’était tenu de sa personne dans le rayon des opérations centrales, la dépêche chiffrée prescrivait le même mouvement qu’on exécutait déjà depuis quarante-huit heures. […] C’est un militaire de peu de valeur ; c’est cependant un écrivain qui a saisi quelques idées saines sur la guerre. […] Rien ne le prouve. — « Il a publié quelques volumes sur les campagnes… Il a saisi quelques saines idées sur la guerre. » C’est fort heureux que, même dans le moment le plus irrité, le dédain n’aille point au-delà. […] L’idée, approuvée de tous, n’eut pas même un commencement d’exécution. […] En un mot, je me rappelai la célèbre réponse de Scanderbeg au sultan, qui lui avait demandé son sabre (« Dites à votre maître qu’en lui envoyant le glaive je ne lui ai pas envoyé le bras ») ; fiction ingénieuse et applicable à tous les militaires qui se trouveront dans le cas de donner leurs idées sur des opérations qu’ils ne dirigeront pas. » Après la bataille perdue et quand on se décida à la retraite, lorsque, dans la soirée du 27, Jomini vit l’ordre apporté par Toll, — « le brouillon encore tout trempé de pluie56 », — qui réglait cette retraite jusque derrière l’Éger en quatre ou cinq colonnes, « chacune d’elles ayant son itinéraire tracé pour plusieurs jours, comme une feuille de route, par étapes, qu’on exécuterait en pleine paix, sans s’inquiéter de ce qui arriverait aux autres colonnes » ; à la vue de cette disposition burlesque », il n’y put tenir : toute sa bile de censeur éclairé et de critique militaire en fut émue, comme l’eût été celle de Boileau à la vue de quelque énormité de Chapelain ; et il s’écria sans crainte d’être entendu : « Quand on fait la guerre comme ça, il vaut mieux s’aller coucher. » L’ambassadeur anglais, lord Cathcart, présent, crut devoir le prendre à part pour lui conseiller de ménager davantage l’amour-propre de ses nouveaux camarades.
Et pensez un peu à ce que c’est que la continence absolue, la nécessité de promener partout sa robe noire, le renoncement à toutes les curiosités de l’esprit, l’idée que l’on porte un signe indélébile et qu’on ne s’appartiendra jamais plus. […] On a des heures de solitude où l’on reste presque sans pensée, hypnotisé par une idée fixe, celle du sacerdoce où l’on tend. […] Je ne crois pas qu’un prêtre intelligent trouve rien de choquant dans les Courbezon et dans Mon oncle Célestin, sinon l’idée même de faire des romans sur les prêtres. […] L’idée très simple et toute grossière que le dogme catholique lui donne du monde, partagé en deux camps, n’est pas pour le pousser à l’étude ni à l’analyse des dessous de la réalité. […] L’ensemble d’idées et de sentiments que suppose leur profession agit toujours en eux, fût-ce à leur insu ; c’est un élément secret dont il faut toujours tenir compte dans l’appréciation de leurs actes, car il y est toujours présent, même quand ils agissent en apparence comme les autres hommes.
Là est le secret de la foi de cette jeunesse catholique dorée, profondément sceptique, dure et méprisante, qui trouve plaisant de se dire catholique, car c’est une manière de plus d’insulter les idées modernes. […] On aime mieux passer pour leste et dégagé que pour un honnête nigaud, et, du moment que l’on associe à la morale quelque idée de pesanteur d’esprit, c’est assez pour qu’on la tienne en suspicion. […] L’idée de l’unité allemande est venue par la science et la littérature. […] De là vient un fait caractéristique, la couleur savante, poétique, littéraire de ce mouvement, depuis Arndt, Kleist, Sand, jusqu’à cette assemblée de docteurs, dont la maladresse et la gaucherie ont pu faire sourire l’Europe et compromettre, mais non perdre, une idée désormais fondée. […] J’eus un instant l’idée de les détruire.
Et, autre forme de la même idée, un chevalier et sa dame pouvaient fort bien se marier chacun de son côté et avoir chacun, dans son ménage, beaucoup d’enfants, sans briser le lien idéal qui les avait unis. […] Je pourrais suivre chez les romanciers et les auteurs dramatiques de notre siècle les métamorphoses subies par les idées et les sentiments qui se rapportent à ce sujet si grave : l’union de l’homme et de la femme. […] C’en est assez pour montrer que les écrivains ne furent pas innocents de la haute idée que les femmes d’alors se firent de leurs prérogatives et du rôle qu’elles s’arrogèrent en conséquence. […] Mince détail, si l’on veut, mais qui trahit un grand changement dans les idées. […] Le valet se sent protégé par la douceur accrue des mœurs et par le progrès des idées d’égalité.
Pour peu que, l’accès redoublant toujours, je m’écriasse : Fléaux du genre humain, illustres tyrans de vos semblables, hommes qui n’en avez que le titre, Rois, Princes, Monarques, Empereurs, Chefs, Souverains, vous tous enfin, qui, en vous élevant sur le trône & au dessus de vos semblables, avez perdu les idées d’égalité, d’équité, de sociabilité, de vérité, je vous assigne au Tribunal de la Raison ; écoutez : si ce globe malheureux a été votre proie, ce n’est point à la sagesse de vos prédécesseurs ni aux vertus des premiers humains que vous en êtes redevables, c’est à la stupidité, à la crainte, à la barbarie, à la persidie, & à la superstition : voilà vos titres Le Prophete Philosophe, Part. […] Mais laissons-les avec leur acharnement & leur partialité ; il y a longtemps qu’ils abusent des terme, qu’ils confondent les idées, & qu’ils s’efforcent de donner au mensonge les couleurs de la vérité : nous en avons dit assez, pour prouver qu’on peut être leur adversaire déclaré, sans être injuste ni partial. […] Quelle plaisante idée de nous donner les Diderot, les Marmontel, les Thomas, les S. […] Non, tous les connoisseurs, tous les hommes sages & vraiment éclairés se sont élevés contre la morgue de leur style, la singularité de leurs idées, la médiocrité de leurs talens, & ont protesté contre leurs usurpations. […] Mais qu’on vienne nous donner pour les illustrateurs de notre Littérature, des Ecrivains pédantesques, bizarres, décousus, hyperboliques, lilencieux, qui la dégradent tous les jours ; mais qu’on prétende établir sur des Ecrits que la raison réprouve autant que le bon goût, cette haute idée, cette estime qui fait considérer un Peuple chez les autres Peuples : c’est le comble de l’extravagance ou de l’imbécillité.
les idées de la foule, mais ses aspirations. […] Par ces quelques lignes, ai-je pu donner une idée de Stockholm ? […] Est-ce que le compositeur qui veut donner l’idée d’un bruit répète tout simplement le bruit lui-même ? […] Sans doute, pour vouloir contenir trop d’idées, la phrase courte risque de s’obstruer. […] Et pourtant il est une idée encore plus élevée et plus pure, qui transporte celui qui la conçoit dans une région tout à fait supérieure, et lui procure des délices indicibles et vraiment célestes ; c’est l’idée du renoncement.
Mais c’est là une conception étrangère à tous ceux de nos contemporains qui sont dominés par cette idée que la vie n’est pas autre chose qu’un marchandage. […] En ce qui concerne la réalisation pratique de cette idée, M. […] Elle ne répondrait en aucune manière à l’idée que nous nous faisons sur l’échange des pensées par l’écriture. […] Ces derniers n’ont dû rien écrire qui fût indigne d’eux ou contraire à leurs idées, lesquelles entrent dans le patrimoine de l’esprit humain. […] Avec deux ou trois idées générales qu’il est pour ainsi dire inévitable de rencontrer dans sa cervelle pour peu qu’on réfléchisse cinq minutes, on peut mettre debout un système admirable.
Et Sainte-Beuve me confesse à l’oreille l’idée qu’il a de faire, un de ces jours, une Marie-Antoinette, avec l’intention d’être, par elle, désagréable à l’Impératrice. […] — Vous avez tort et vous n’y arriverez pas, riposte Gautier, je vous montrerai dans vos livres quatre cents mots qui ne sont pas du xviie siècle… Vous avez des idées nouvelles, n’est-ce pas, eh bien à des idées nouvelles il faut des mots nouveaux ! […] Nefftzer. — Voyons, si c’est beau, c’est qu’il y a une idée. […] C’est un état délicieux de pensée figée, de regard perdu, de rêve sans horizon, de jours à la dérive, d’idées qui suivent des vols de papillons blancs dans les choux. […] Nous contenons tous plus des autres, et alors contenant plus des autres, notre physionomie nous est moins propre… Nous sommes plutôt des portraits d’une collectivité que de nous-mêmes… » Michelet a remué, comme cela, de hautes idées, pendant près d’une demi-heure.
Nieuwerkerke lui fit l’observation que cette représentation était d’un goût médiocre, et à la barricade, lui donna l’idée de substituer le Retour des Cendres de l’Empereur. […] » C’est peut-être une grande idée. […] mot énorme par tout le vague que cela me semble remuer dans les idées de cette femme sur nos occupations. […] Aussi ne parlons-nous plus beaucoup, renfonçant nos idées personnelles sur toutes choses, et dédaignant de les étonner par la propriété personnelle de nos pensées. […] C’est un tas d’observations, une suite de coupures dans le vif de votre phrase, de votre idée : c’est énervant à la longue comme une amputation faite à coups de canif.
Plus porté aux sentiments qu’aux idées, la jeunesse lui sied bien et devrait lui durer toujours : le créole est comme naturellement épicurien. […] La couleur locale, que Parny n’avait pas eu l’idée d’employer en 1778, lui souriait peut-être davantage depuis qu’il en avait vu les brillants effets et le triomphe180. […] La société, qui renaissait et qui obéissait déjà à tout un autre reflux d’idées, y accourut en foule et dans les dispositions d’une curiosité quelque peu malicieuse ; c’était le même monde qui venait d’inaugurer le Génie du Christianisme, et tout récemment de faire le succès de la Pitié de Delille, succès qu’on peut considérer comme une revanche sociale de celui de la Guerre des Dieux. […] La Décade, dans son article du 10 nivôse (an XII), s’attacha à rétablir le fil des idées que les malveillants, disait-on, avaient tâché d’embrouiller. […] « Vous savez que je ne suis pas maître de mes idées ; quand elles arrivent, elles m’entraînent.
chaque siècle vit de ses idées : ils avaient les leurs, nous avons les nôtres ; dans cinquante ans ne serons-nous pas des aïeux ? […] Elle se dit qu’elle n’était sûre de rien, que se perdre de vue, c’était se perdre ; et l’idée que Marius pourrait bien lui revenir du ciel, lui apparut, non plus charmante, mais lugubre. […] Elle, l’idée pure, elle devient voie de fait. […] Une insurrection qui éclate, c’est une idée qui passe son examen devant le peuple. Si le peuple laisse tomber sa boule noire, l’idée est fruit sec ; l’insurrection est échauffourée.
La double passion se fait consciente en eux : le thème puissant du héros s’amollit ; leurs idées se joignent en l’étonnant dialogue, jusque le moment où l’amour, dominant, met aux deux cœurs l’émotion pareille. […] Boileau parlant à Racine. « On voit bien que l’Opéra est l’ébauche d’un grand spectacle ; il en donne l’idée ; mais je ne sais pas comment l’Opéra, avec une musique si parfaite et une dépense toute royale, a pu réussir à m’ennuyer. » Qui s’exprime ainsi ? […] si l’on pouvait, s’écrie-t-il, couronner l’ouvrage d’une grande idée philosophique ; même en faire naître le sujet ! […] Cette idée : le dieu coupable sauvé par l’homme innocent, est certainement une des plus hardies et des plus hautes que l’esprit puisse concevoir. […] Telle est, sans entrer dans le détail des quatre drames, poignants et terribles, pleins d’événements et de situations hardies, — telle est la trilogie de l’Anneau du Niebelung, ou du moins l’idée qui s’en dégage.
… Dieu garde que jamais pareille idée ne te vienne ! […] Les poètes allemands de la période classique, avec leurs efforts pour idéaliser le théâtre, ont exercé une heureuse influence sur l’esprit de leur époque ; mais la confusion d’idées née du mélange de rêves antiques et d’études Shakespeariennes, a été nuisible au théâtre. […] Cette esquisse fut rédigée de 1849 à 1851, sous la double influence, manifeste : en politique, des idées communistes ; en esthétique, du Communisme des Arts, fondus dans l’œuvre idéale d’Art complet. […] Ce livre, je le répète, n’a pas été écrit pour la propagande d’un homme et d’une œuvre, mais pour l’avancement d’une idée. […] Cette idée singulière est toute de Wagner.
N’ayant aucune idée que notre pièce pût être retenue par le Théâtre-Français, et pressés par un rendez-vous que nous venions de recevoir de M. […] C’est ce souvenir qui nous a donné, à mon frère et à moi, l’idée du transport de Paul de Bréville, blessé, chez Mme Maréchal. […] Et voilà comme quoi je ne crois pas au rajeunissement, à la revivification du théâtre, et comme quoi j’ai des idées particulières sur son compte. […] Mais le matin de la lecture, sur l’annonce des journaux, nous recevions la visite d’une personne qui nous apprenait l’existence d’une marquise de la Rochedragon, d’une vieille femme qui souffrait de l’idée de se voir affichée, imprimée. […] Carvalho, alors directeur du Vaudeville, avait eu l’idée de monter La Patrie en danger, dans le temps où il jouait l’Arlésienne d’Alphonse Daudet.
Quoique ce livre renferme des idées fausses, il prévient en faveur de l’étendue & des connoissances de son auteur, qu’on ne peut qu’estimer beaucoup, même en rejettant son systême. […] C’est un livre moins solide que brillant, moins instructif qu’agréable, où l’on ne trouve que des idées imparfaites du gouvernement, de la législation & des mœurs. […] Ce que j’en ai lu par-ci par-là, me donne l’idée d’un homme plus sçavant que judicieux, d’un écrivain médiocre & d’un foible peintre.” […] Vous la puiserez dans l’histoire des révolutions de Hongrie, où l’on donne une idée juste de son légitime gouvernement, in-12. six vol. 1739. […] L’Abrégé de l’histoire de France du Président Henault, a donné l’idée de cet Abrégé chronologique & de plusieurs autres.
Les uns croient que c’est outrager les hommes que d’en faire une si terrible peinture, et que l’auteur n’en a pu prendre l’original qu’en lui-même, ils disent qu’il est dangereux de mettre, de telles pensées au jour, et qu’ayant si bien montré qu’on ne fait les bonnes actions que par de mauvais principes, la plupart du monde croira qu’il est inutile de chercher la vertu, puisqu’il est comme impossible d’en avoir si ce n’est en idée ; que c’est enfin renverser la morale, de faire voir que toutes les vertus qu’elle nous enseigne ne sont que des chimères, puisqu’elles n’ont que de mauvaises fins. Les autres, au contraire, trouvent ce traité fort utile, parce qu’il découvre aux hommes les fausses idées qu’ils ont d’eux-mêmes, et leur fait voir que, sans la religion, ils sont incapables de faire aucun bien ; qu’il est toujours bon de se connaître tel qu’on est, quand même il n’y aurait que cet avantage de n’être point trompé dans la connaissance qu’on peut avoir de soi-même.
Ce passage de l’ordre sensitif à l’ordre intellectuel, du monde des images à celui des idées, nous pouvons le prendre sur le fait en comparant les deux séries de vocables sous lesquels un médecin, d’une part, un profane de l’autre, traduiraient les mêmes tableaux de clinique courante. […] Il y a là succession d’idées de plus en plus abstraites, les dernières même souvent consolantes.
Mais en principe, et très sincèrement, c’est au nom d’une idée religieuse qu’ils se précipitaient dans l’inconnu. […] , « plus je suis convaincu que, pour une très grande partie de son essence, l’homme est un pur animal. » Suit l’amplification de cette idée neuve que ventre affamé n’a pas d’oreilles.
Mais je sais que sa réputation est immense, et plus européenne encore que française ; qu’il est plein d’idées, fertile en inventions, et mécanicien et chimiste presque autant que chirurgien ; qu’il s’est élevé seul, en dehors des cadres officiels et des académies, et que son exemple est excellent à une époque où nous commençons à connaître mieux le prix de l’énergie individuelle et de ses œuvres. […] D’abord, tout cet appareil compliqué, précis, luisant et froid ; ces multiples et fins instruments faits pour couper, percer, pincer, brûler, scier, limer, tordre, et qui éveillent en nous l’idée de sensations atrocement aiguës et lancinantes ; puis cette pauvre nudité exposée sur le lit opératoire, et qui (nous y pensons fraternellement) pourrait être la nôtre ; ce mystère violé de nos plus secrets organes ; cet aspect de corps éventré sur un champ de bataille ; la vue du sang, et des entrailles ouvertes, et des plaies béantes et rouges, vue qui serait insoutenable si le malade sentait, mais qui n’est que suprêmement émouvante puisqu’on a la certitude qu’il ne souffre pas et l’espoir que, en se réveillant, il aura la joie infinie de se savoir affranchi de la torture ou de la honte de son mal ou de son infirmité… Et ce spectacle est aussi très bon pour l’intelligence.
Cette lettre, en dépit de l’admiration que nous professions pour le Maître, ne modifia en rien nos idées sur la rime, non plus que notre opinion sur « l’affreux Voltaire ». […] Sans s’embarrasser d’une barrière inutile, il donna au vers ternaire le droit de cité : Il a vaincu — la Femme belle — au cœur subtil… Néoptolème — âme charmante — et chaste tête… Et sur mon cœur — qu’il pénétrait — plein de pitié… Ces braves gens — que le Journal — rend un peu sots… Quoi que j’en aie — et que je rie — ou que je pleure… Rien de meilleur — à respirer — que votre odeur… Pour supporter — tant de douleur — démesurée… Pour, disais-tu, — les encadrer — bien gentiment… Cette coupe nouvelle de vers, d’où l’on allait tirer des effets si imprévus, offrait toutes les garanties d’une réforme née viable, puisqu’elle était l’épanouissement naturel d’une idée lentement mûrie et qu’elle avait subi le contrôle à la fois du Génie et du Temps.
Cette consonnance fait ici un très-bon effet, parce qu’elle arrête l’esprit sur l’idée de l’exagération qu’emploient les accusateurs. […] Cette idée très-philosophique, jetée dans le discours que La Fontaine prête à la lime, fait beaucoup d’effet, parce qu’elle est entièrement inattendue.
L’évêque de Meaux a créé une langue que lui seul a parlée, où souvent le terme le plus simple et l’idée la plus relevée, l’expression la plus commune et l’image la plus terrible, servent, comme dans l’Écriture, à se donner des dimensions énormes et frappantes. […] Si, pour Marie-Thérèse et pour le chancelier de France, ce ne sont plus les mouvements des premiers éloges, les idées du panégyriste sont-elles prises dans un cercle moins large, dans une nature moins profonde ?
Mais tous ces chants soit qu’ils ayent été composez avant saint Gregoire, soit qu’ils aïent été faits de son temps, peuvent toûjours servir à donner une idée de l’excellence de la musique des anciens. Si dans mille ans d’icy les chants prophanes qui sont composez depuis quatre-vingt ans étoient perdus, et si les chants d’église qui se sont faits depuis le même temps s’étoient conservez, ne pourroit-on pas alors se faire une idée de la beauté de nos chants prophanes sur celle de nos chants d’église.
S’il les ignore, il peut arriver qu’il lui vienne à l’idée de s’en enquérir. […] Il a en médecine de l’expérience et des idées. Ses idées, il est capable de les répandre. […] Ce souci est conforme à l’idée que M. […] Il doit donner des idées de grandeur, de dignité et de raison.
Pour arriver à Burguete, nous traversons le plateau de Roncevaux dans une grande partie de sa longueur, ce qui nous en donne une première et déjà assez complète idée. […] L’idée a fort bien pu lui venir à lui-même. […] C’est l’idée, éminemment catholique, qu’il n’est pas de si grand péché que Dieu ne pardonne à la confession et au repentir sincère. […] C’est sans doute un nom plus ou moins gauchement forgé dans une vague idée d’imitation hébraïque. […] On ne voit pas bien seulement par quelle voie ces idées arrivèrent en Occident.
On lit, au tome ixe de ses Œuvres complètes, un écrit intitulé : Réflexions sur les différents caractères des hommes, et qui, bien qu’on s’explique peu le motif qui le lui aurait fait composer, se rapporte assez bien à l’ordre d’idées, d’habitudes sociales et d’inclinations littéraires, où l’on sait que Fléchier a vécu et auquel il resta fidèle jusqu’à la fin. […] Toutefois l’idée de bienséance varie avec les âges et selon les moments. […] Il est en lutte sourde de prérogative avec ses collègues les commissaires, qui restent obstinément des gens de robe et de palais jusqu’au sein de cette commission royale extraordinaire, et qui résistent à l’idée de devoir être présidés par lui, par un maître des requêtes, en cas d’absence ou de récusation de M. de Novion. […] Il caresse volontiers son idée jusqu’au bout et concerte son expression ; il pousse et redouble à plaisir son antithèse. […] Une des idées les plus singulières qu’ont eues les contradicteurs des Grands Jours, lors de la première publication, ç’a été de supposer que je ne sais quel philosophe du xviiie siècle y avait intercalé à plaisir des passages ou des historiettes malignes pour faire tort à la religion et à la noblesse, et pour décrier l’ancien régime.
Si jamais l’imagination d’un mortel se jouant des formes et des couleurs pour reproduire la création par l’image, donna quelque idée de la conception divine se jouant dans sa puissance créatrice des temps, des espaces, des éléments, des êtres naissant et disparaissant sous ses yeux, c’est dans ce monde du pinceau de la chapelle Sixtine qu’il faut chercher, bien plus que dans la Divine Comédie de Dante, cette divine comédie de l’infini. […] C’était une floraison de l’esprit humain plus luxuriante sur des ruines ; un confluent du paganisme retrouvé et du christianisme ; confluent étrange et adultère, sans doute, mais productif pour l’imagination, pour l’art et pour la littérature, comme ces unions illicites, plus fécondes souvent que les unions légales, le vice même, la licence des dogmes, des idées, des mœurs y favorisant les libertés du génie ; phénomène étrange entre tous les grands siècles ! L’absence d’idée fondamentale et créatrice et le désordre d’idées incohérentes semblaient par ses aberrations mêmes y grandir l’esprit humain. […] Le pape, après un long entretien avec lui sur l’agrandissement de Saint-Pierre de Rome, lui permit d’aller mûrir ses idées sur cet édifice en achevant à Florence les tombeaux des Médicis commencés. […] « L’œuvre divine en elle manifeste tellement l’ouvrier, qu’elle me ravit à lui par des impressions aussi divines, et que j’y puise intarissablement mes idées, mes inspirations, mes œuvres, mes paroles, dans le feu dont je brûle pour l’angélique modèle !
Ce fut alors que le mot de précieuses commença à trotter dans toutes les bouches, chacun le prenant dans le sens qui s’accordait avec l’idée qu’il avait des personnes. […] Pour se faire une idée des ruelles et des alcôves, il faut savoir que dans le xviie siècle, et longtemps encore dans le xviiie , les lits ne se rangeaient pas comme aujourd’hui, le long d’une des laces de l’appartement. […] Ce fut par la rumeur des précieuses de haut rang ou de mérite considérable, et par la nécessité où se trouva l’auteur de faire une distinction entre les précieuses, que ce mot cessa d’exprimer seul une idée déterminée. […] Pour les unes, précieuse était synonyme de prisée, l’opposé de méprisée, ou femme de grand prix, opposée à femme commune ; pour les autres, le mot était synonyme de femme qui se prise beaucoup, surfait son mérite, fait la renchérie, et n’est au fond qu’une hypocrite bel-esprit, Une seule idée commune aux précieuses de tout genre resta attachée à ce mot, ce fut celle de femmes qui se sont tirées du pair par des mœurs irréprochables, par un esprit plus ou moins cultivé. […] Mais, par le mot Galantes, il entend parler d’un esprit tourné vers les idées et les sentiments romanesques et vers les ouvrages de galanterie, et non des habitudes désordonnées d’une vie galante.
En donnerai-je une idée plus précise ? […] Telle est la moralité, inattendue, involontaire peut-être, mais certaine, qui sortira de ce livre cruel et osé dont l’idée a saisi l’imagination d’un artiste ! […] L’artiste, vigilant et d’une persévérance inouïe dans la fixe contemplation de son idée, n’a pas été trop vaincu. […] Comme transition à des idées moins noires et comme conclusion, je citerai le sonnet suivant qui est à lui seul la clef et la moralité du livre. […] Voilà que j’ai touché l’automne des idées, Et qu’il faut employer la pelle et les râteaux Pour rassembler à neuf les terres inondées Où l’eau creuse des trous grands comme des tombeaux.
On figurait les objets pour en exprimer l’idée avant que l’écriture alphabétique fût en usage. […] J’en conçus la premiere idée, j’en formai le premier essai. […] Quelle élévation d’idées ! […] Ce Vieillard avait-il par lui-même l’idée du vrai genre, ou l’ouvrage de Moliere lui fit-il naître cette idée ? […] Il suffirait seul pour donner une idée avantageuse des talens de M.
Il établit bien d’abord qu’il n’aspire point à améliorer la condition de l’homme ou la morale de la vie ; il estime que chacun a en soi, c’est-à-dire dans son tempérament, les principes du bien et du mal qu’il fait, et que les conseils de la philosophie servent de peu : « Celui-là seul est capable d’en profiter, dit-il, dont les dispositions se trouvent heureusement conformes à ces préceptes ; et l’homme qui a des dispositions contraires agit contre la raison avec plus de plaisir que l’autre n’en a de lui obéir. » Ce qu’il veut faire, c’est donc de présenter un tableau de la vie telle qu’elle est, telle qu’il l’a vue et observée : « Tous les livres ne sont que trop pleins d’idées ; il est question de présenter des objets réels, où chacun puisse se reconnaître et reconnaître les autres. » Les premiers chapitres des Mémoires de La Fare, et qui semblent ne s’y rattacher qu’à peine, tant il prend les choses de loin et dans leurs principes, sont toute sa philosophie et sa théorie physique et morale. […] Appliquant cette idée aux dernières époques historiques, il montre que le xvie siècle, par exemple, fut un siècle de troubles et de divisions, d’abaissement de l’autorité royale et de rébellions à main armée, tellement que ces guerres et rivalités de princes et de grands seigneurs sous forme de religion étaient devenues le régime presque habituel : Comme il y avait beaucoup de chemins différents pour la fortune, et des moyens de se faire valoir, l’esprit et la hardiesse personnelle furent d’un grand usage, et il fut permis d’avoir le cœur haut et de le sentir. […] La Fare cite à ce sujet un mot de M. de La Rochefoucauld qui avait été l’un des principaux acteurs de cette dernière guerre civile, et qui lui disait : « Il est impossible qu’un homme qui en a tâté comme moi veuille jamais s’y remettre. » La Fare en conclut que l’histoire est un va-et-vient, un jeu de bascule perpétuel ; que l’abus qu’on fait d’un des éléments pousse à l’élément contraire, jusqu’à ce qu’on en abuse comme on avait fait du premier ; que « l’idée des peines et des maux venant à s’effacer peu à peu de la mémoire des hommes, et frappant peu l’esprit de ceux qui ne les ont point éprouvés, les mêmes passions et les mêmes occasions rengagent les hommes dans les mêmes inconvénients ». […] Revenant en idée sur cet amour délicat et tendre qui avait honoré son passé, sur ce souvenir qui aurait dû lui être sacré de Mme de La Sablière, il ne craignait pas de le comparer et de le sacrifier aux images de cette vie sans retenue et sans scrupule qui l’envahissait désormais tout entier : De Vénus-Uranie, en ma verte jeunesse, Avec respect j’encensai les autels, Et je donnai l’exemple au reste des mortels De la plus parfaite tendresse.
Ce qu’il fit en ces années nous échappe, et on peut au plus en prendre quelque idée par ce qu’il nous dit du prince, depuis maréchal de Beauvau, dont il a écrit la vie, les mémoires, et à la carrière duquel il s’attacha de tout temps, moins encore en protégé qu’en ami. […] Ce Saint-Lambert est un esprit froid, fade et faux ; il croit regorger d’idées, et c’est la stérilité même ; et sans les roseaux, les ruisseaux, les ormeaux et leurs rameaux, il aurait bien peu de choses à dire. […] Cette originalité, jointe aux vertus et aux qualités morales les plus fines qui sont l’âme de cette poésie, se rencontre au plus haut degré en un poète anglais bien connu de nom, mais trop peu lu en France, et dont je voudrais présenter une idée précise et vive, par opposition aux divers noms que je viens de passer en revue. […] Cowper voit dans cette disposition et dans ce vœu universel un cri de la conscience qui, longtemps méconnue, mais non abolie, rappelle toute créature humaine à son origine et à sa fin, et l’avertit de sortir du tourbillon des villes, de cette atmosphère qui débilite et qui enflamme, pour revenir là où il y a des traces encore visibles, des vestiges parlants d’un précédent bonheur, et « où les montagnes, les rivières, les forêts, les champs et les bois, tout rend présent à la pensée le pouvoir et l’amour de Celui qui les a faits. » Et dans une description minutieuse et vivement distincte, où il entre un peu trop d’anatomie, mais aussi de jolis traits de pinceau, il donne idée de la manière d’interpréter et d’épeler la création, et il montre qu’ainsi étudié, compris et consacré, tout ce qui existe, loin d’être un jeu d’enfant ou un aliment de passion, ne doit plus se considérer que comme une suite d’échelons par où l’âme s’élève et arrive à voir clairement « que la terre est faite pour l’homme, et l’homme lui-même pour Dieu. » Tout cela est grave et solennel sans doute, il faut s’y accoutumer avec le poète : Cowper, c’est à bien des égards le Milton de la vie privée.
En repassant l’autre jour en idée les abdications forcées ou volontaires de rois et d’empereurs, j’ai été naturellement amené à penser à Charles-Quint, le plus mémorable exemple que l’histoire nous offre antérieurement à notre temps, et un simple coup d’œil m’a fait apercevoir à quel degré de précision et d’intérêt les travaux récents ont porté l’examen et l’exposé de ce curieux épisode. […] Un autre motif qui l’avait fait différer jusque-là, quoique cette idée de renonciation fût déjà très ancienne chez lui, c’était que, s’il avait abdiqué un peu plus tôt, et vers le temps de sa fuite d’Inspruck, il eût quitté la partie sur des revers, qu’il eût donné gain de cause aux ennemis de la foi catholique et eût paru céder au découragement moral, quand il ne se rendait qu’à la fatigue. […] il viendra, quelques années après, un sage appelé Montaigne qui remettra tout à sa place et à son rang dans l’estime, et qui ayant à développer cette idée, qu’un père sur l’âge, « atterré d’années et de maux, privé par sa faiblesse et faute de santé de la commune société des hommes, se fait tort et aux siens de couver inutilement un grand tas de richesses, et que c’est raison qu’il leur en laisse l’usage puisque la nature l’en prive », ajoutera pour illustrer sa pensée : « La plus belle des actions de l’empereur Charles cinquième fut celle-là, à l’imitation d’aucuns Anciens de son calibre, d’avoir su reconnoître que la raison nous commande assez de nous dépouiller, quand nos robes nous chargent et empêchent, et de nous coucher quand les jambes nous faillent : il résigna ses moyens, grandeur et puissance à son fils, lorsqu’il sentit défaillir en soi la fermeté et la force pour conduire les affaires avec la gloire qu’il y avoit acquise : Solve senescentem… » Mais entrons un peu plus avant dans les raisons qui persuadèrent à une de ces âmes d’ambitieux, si aisément immodérées, d’en agir si sensément et prudemment. […] Conçut-il, dans les heures de loisir qui lui étaient laissées, l’idée d’écrire ou plutôt de continuer ses Commentaires ?
Une idée domine les différentes publications dont j’ai à parler : cette idée, c’est que la copie fidèle de la nature, sa reproduction exacte, sincère, convaincue, faite avec suite et menée à fin avec une entière bonne foi, fût-elle accompagnée de fautes, d’incorrections et de gaucheries, même visibles, a son prix inestimable, son attrait, je ne sais quel charme auprès des esprits et des cœurs droits et simples. […] Il salue et honore en eux ses pareils agrandis, ses pères : heureux qui trouve ainsi à personnifier dans le passé ce à quoi il aspire en idée dans le présent, ce qu’il est déjà en partie, ce qu’il voudrait être ! […] La littérature proprement dite n’offrirait cependant, durant cette période, que trop peu d’exemples à citer de la vérité dans les tableaux : on ose à peine rappeler les romans bourgeois trop vulgaires, dont Sorel donna la première idée dans son .
Un homme de beaucoup d’esprit, dont les idées valaient mieux que les faits et gestes, et qui eut l’honneur de recevoir, depuis, les confidences de Napoléon sur ces matières ecclésiastiques, l’abbé de Pradt, a traité ce sujet dans un livre fort remarquable et digne d’être relu85. […] Liautard qui était jusqu’au cou dans toute cette manigance, ou plutôt on se figure sans peine « combien il fallut de soins et de minutieuses attentions pour dépouiller le roi de ses propres idées, pour refaire en quelque sorte son cerveau, sa mémoire, son cœur, toutes ses facultés, toutes ses affections. » Ce qu’il y a de plus certain, c’est que Louis XVIII, ainsi travaillé, faiblit à vue d’œil et baissa. […] Vous vous ralentissez pour lui un jour : il vous a déjà quitté et lâché tout le premier. — D’autre part, je vois le courant du milieu, ce flot d’élèves sortant chaque année des écoles de l’Université, avec des idées toutes contraires, bien qu’eux-mêmes très-divers entre eux : idées politiques très-brouillées, très-mélangées, connaissances littéraires (si l’on excepte une élite) trop incomplètes au point de vue de l’Antiquité et trop peu consistantes, malgré tous les efforts et l’excellence des maîtres.
Je sors de ce volume avec l’idée très-rafraîchie et très-présente de tout ce qui occupait en ces moments l’attention du public et de ce qui hantait l’imagination d’Horace Vernet. […] On n’est pas condamné, en le cherchant, à s’arracher les cheveux et à se ronger les ongles au vif, à être continuellement tendu comme vers une idée d’au-delà. […] Le tableau qu’il exposa en 1822 et qui représente l’Intérieur de son atelier donnerait, je crois, une idée un peu fausse si on le prenait au pied de la lettre et si on ne voyait Horace Vernet que dans cette heure de spirituelle ivresse, dans cette débauche de gaieté perpétuelle. […] Tu vas me dire : Voilà de belles paroles J’espère ne pas m’en tenir là ; d’ailleurs quand l’idée vous en vient naturellement, il y a déjà la moitié du chemin de fait. » Horace était alors dans sa trente et unième année.
Gavarni, on l’a vu, a eu dans un temps, à un moment de sa jeunesse, non pas des prétentions, mais des velléités ou de vagues projets littéraires ; au nombre de ces projets était un roman, non terminé, dont, je puis cependant donner une idée assez précise et citer quelques pages arrachées qui seront autant de jours ouverts sur sa manière de penser et de sentir. […] Le Diable avait une idée. […] Malgré cela, la passion avance peu de son côté ; elle fait des objections, des raisonnements sans fin ; on lui répond, et c’est en entrant dans son idée qu’on essaye de l’amener insensiblement plus loin : « Vous ne pouvez pas m’aimer encore, parce que vous êtes une femme, et que les femmes n’aiment pas ainsi pour un oui, pour un non. […] et vous n’auriez pas pris dans tous ces beaux livres des phrases pour des idées !
Sa première et sa plus chère idée, dès qu’elle le vit en âge, fut de penser à l’éloigner de ses États héréditaires et à le reléguer au loin sur un trône, elle devant continuer de régner et de gouverner par elle-même ou par ses ministres favoris. […] Je ne vois à mettre en regard, et comme pendant, que certain écran que le cardinal d’Estrées avait donné, il y avait quelques mois, à Madame Royale en manière de surprise, et dont Mme de La Fayette, amie de la Régente, avait soigné les détails et fourni le dessin : « Vous savez, écrivait Mme de Sévigné, la tète pleine de ce galant cadeau, et voulant en donner idée à sa fille (13 décembre 1679), que Madame Royale ne souhaite rien tant au monde que l’accomplissement du mariage de son fils avec l’infante de Portugal ; c’est l’évangile du jour. […] Catinat, depuis quelque temps caché sous un faux nom dans la citadelle de Pignerol où il passait pour un certain Guibert ingénieur, qui aurait été arrêté par ordre du roi pour avoir emporté des plans de places fortes à la frontière de Flandre (ce qui ne laisse pas de faire un rôle étrange dans l’idée qu’on s’est formée à bon droit du grave et sérieux personnage), — Catinat jeta tout d’un coup son déguisement, redevint homme de guerre et alla prendre possession du gouvernement de Casai. […] Singulière figure, aujourd’hui tout entière éclairée, que celle de ce prince de Savoie, opiniâtre et mobile, versatile et fixe d’idée, pliant et grandissant toujours !
Pour moi, je l’avouerai, ces sortes d’explications sur de grands génies pris dorénavant comme types absolus et symboles, non pas précisément surfaits, mais généralisés de plus en plus et comme élevés en idée au-dessus de leur œuvre, si forte et si grande déjà qu’elle soit en elle-même, ces considérations chères à la haute critique moderne restent à mes yeux nécessairement conjecturales ; ce sont d’éternels problèmes qui demeurent au concours et où l’on revient s’essayer de temps à autre : chacun, à son tour, y brise une lance. […] Mais le merveilleux enfant avait pris de lui, en le lisant, une si haute et si chère idée, qu’il obtint de quelques amis qu’on le menât dans le café que fréquentait Dryden, et il revint tout heureux de l’avoir vu. Il put se dire comme Ovide : Virgilium vidi tantum… Il ne parlait jamais de cet illustre devancier, sans une entière révérence et en se défendant de toute idée de rivalité. […] en sortant de l’ordre de création, de cette création aveugle et un peu fumeuse, en daignant entrer dans la sphère sereine et tempérée des idées morales, des pensées justes, lucides, des réflexions élevées ou fines qui sont proprement l’objet et, comme dirait Montaigne, le gibier des philosophes et des sages, ne raillons pas trop ce curieux et aimable Pope d’avoir écouté si soigneusement la voix de son démon à lui et de son génie, d’avoir prêté l’oreille aux inspirations purement abstraites et spirituelles qui s’élèvent dans la solitude du cabinet ou dans l’entretien à deux quand on se promène en quelque allée de Tibur ou de Tusculum ; et quand l’esprit, tout en restant calme, se sent excité par l’émulation ou la douce contradiction d’un ami, ne nous scandalisons pas si lui-même, venant avec une sorte d’ingénuité nous initier à sa préoccupation littéraire constante, il nous fait la confidence que voici : « Une fois que Swift et moi nous étions ensemble à la campagne pour quelque temps, il m’arriva un jour de lui dire que si l’on prenait note des pensées qui viennent à l’esprit, à l’improviste, quand on se promène dans les champs ou qu’on flâne dans son cabinet, il y en aurait peut-être quelques-unes qui vaudraient bien celles qui ont été le plus méditées.
Il est fort supérieur à Boileau pour l’étendue des idées, et aussi par le goût du pittoresque ; mais on lui a fait quelques-uns des mêmes reproches que nous-mêmes nous avons adressés à Boileau à nos débuts et dans notre première impertinence. […] En mettant en vers les idées de Bolingbroke, en les combinant avec celles de Leibniz, il n’allait pas au-delà d’un déisme bienveillant et intelligent : l’Essai sur l’Homme, tel qu’il est sorti de sa pensée et de sa main, dans sa mesure honorable et incomplète, dans sa gravité ornée, est acquis depuis longtemps à la littérature française et nous est présent par la traduction de Fontanes et par la belle préface qu’il y a mise. […] La sphère d’idées où il vivait agréablement dans sa grotte et sur sa colline est tout à l’opposite de la région lumineuse et fervente où habitait Milton solitaire comme un prophète sur les hauts lieux. […] Pope était bien le poète de son moment, d’une heure brillante et tempérée, d’une époque mémorable où la société anglaise, sans s’abjurer elle-même, comme sous Charles II, entra en commerce réglé avec le continent et se prêta, pour les formes et pour les idées, à un utile et noble échange.
Parce qu’on a réussi dans quelques exemples notables à ce jeu d’élévation et de rabaissement, voilà qu’il prend à chacun les idées et les fantaisies les plus singulières à propos des personnages célèbres du passé : ceux-ci, on se contente de les diminuer, de les amoindrir ; ceux-là, on veut les dégrader à tout prix, les abîmer et les abattre ; quelques autres, au contraire, en petit nombre, on n’est occupé qu’à les grandir et à les transfigurer, c’est-à-dire encore à défigurer leur caractère. […] Y avait-il lieu à une révolution dans l’idée qu’on doit se former dorénavant de ces illustres personnes, à un bouleversement d’opinion du tout au tout ? […] On rapporte que M. de la Feuillade voulant empêcher Catinat d’être major dans le régiment des gardes, idée première qu’avait eue le roi, lui avait dit pour l’en détourner : « On peut faire de lui un général, un ministre, un ambassadeur, un chancelier, mais non pas un major du régiment des gardes. ». […] Le roi l’ayant vu à l’œuvre de longues années sous ses yeux, a l’idée de l’émanciper et de s’en servir au loin.
On n’aurait pas l’idée, d’ailleurs, de s’occuper particulièrement de lui : il n’offre qu’un intérêt assez médiocre comme individu ; il était assez spirituel, mais sans pouvoir passer pour véritablement distingué : c’est comme existence, comme variété et bizarrerie de condition sociale, que le personnage est curieux à connaître : prince du sang, abbé, militaire, libertin, amateur des lettres ou du moins académicien, de l’opposition au Parlement, dévot dans ses dernières années, il est un des spécimens les plus frappants, les plus amusants à certains jours, les plus choquants aussi (bien que sans rien d’odieux), des abus et des disparates poussés au scandale sous un régime de bon plaisir et de privilège. […] D’Alembert, dans l’article qu’il lui a consacré comme à un membre de l’Académie (article qu’il s’est bien gardé d’intituler Eloge), a raconté une singulière idée que le prince mita exécution quand il eut vingt ans : « Il avait formé une Société littéraire, aux assemblées de laquelle il assistait quelquefois, et qui avait pris le titre de Société des Arts. […] D’ailleurs les rédacteurs de ses statuts avaient conçu à ce sujet, pour ne rien dire de plus, une étrange idée : non seulement ils voulaient (ce qui était raisonnable) marier, pour ainsi dire, chaque art mécanique à la science dont cet art peut tirer des lumières, comme l’horlogerie à l’astronomie, la fabrique des lunettes à l’optique ; mais ils prétendaient encore, qu’on nous passe cette expression, accoler chacun de ces arts à la partie des belles-lettres qu’ils s’imaginaient y avoir plus de rapport : par exemple, disaient-ils, le brodeur à l’historien, le teinturier au poëte, et ainsi des autres. […] C’est ici que se place l’influence du marquis de Valfons, quelque temps major général du prince : dans ses Souvenirs publiés et qu’on a lus avec plaisir, il n’a eu garde d’omettre les conseils qu’il avait donnés en toute occasion, et il ne s’est pas oublié ; on y prend une idée fidèle de l’état-major du prince, de son caractère indécis, de sa bienveillance un peu molle, en même temps qu’il y est rendu toute justice à son courage à la tranchée et dans l’action.
Ne manquant ni d’idées ni d’une certaine hardiesse qui fait souvent réussir dans une position subalterne, il avait acquis du crédit auprès de M. de Talleyrand, qui se servait de lui pour ses affaires d’argent avec les princes d’Allemagne. […] En mars 1812, il paraît que Napoléon, surmontant ses répugnances, avait eu une dernière fois l’idée d’employer M. de Talleyrand en Pologne, et que, sur l’ouverture qui lui en avait été faite sous le sceau du secret, Talleyrand s’était empressé de négocier une opération financière à Vienne. […] Il paraît que, dès la fin de 1813, il avait insinué quelques-unes de ses idées jusque dans le gouvernement même ; Napoléon écrivait de Nogent-sur-Seine, le 7 février 1814, au roi Joseph, son lieutenant général à Paris, et qui lui-même était d’humeur pacifique et douce : « Faites donc cesser ces prières de quarante heures et ces miserere. […] Beugnot, dans ses Mémoires, nous en a donné un vif aperçu, et tous ceux qui ont vu de nos jours le quartier général d’un gouvernement provisoire peuvent en avoir quelque idée.
Casimir Delavigne a cela de particulier, entre les gloires poétiques de son âge avec lesquelles on l’a souvent comparé, qu’il reçut docilement la tradition des maîtres d’alors, et qu’il n’eut jamais l’idée ni la velléité de s’y soustraire : il pressentait toutes les ressources que son talent en pouvait tirer, et qu’il en serait le rejeton le plus fertile, le plus brillant. […] Je conçois, Messieurs (et d’assez beaux noms autour de moi me le disent), que le divorce entre les différentes applications de la pensée ait cessé de nos jours, qu’un noble esprit habitué à tenter les hautes sphères, à parcourir la région des idées en tous les sens, ne se croie pas tenu à circonscrire son activité sur tel ou tel théâtre, qu’il ne renonce pas à sa part de citoyen, à faire peser ou briller sa parole dans les délibérations publiques, à compter dans l’État ; — je conçois, Messieurs, et même j’admire un tel rôle ; mais ce n’en est pas moins un aimable contraste que cette modération de désirs et, si l’on veut, d’idées, chez un homme aussi distingué, aussi désigné, et qui pouvait espérer beaucoup. […] (Il m’était arrivé rarement, trop rarement, avant ce Discours, d’écrire sur Casimir Delavigne ; je l’avais pourtant fait en deux circonstances, l’une déjà bien ancienne, dans le Globe, à l’occasion des Sept Messéniennes de 1827, et une autre fois assez récemment dans la Revue des Deux Mondes, à l’occasion de la Popularité (1838) ; je ne crains pas de donner ci-après, en appendice, ces deux morceaux dans lesquels, avec la différence du ton, on retrouvera exprimées plusieurs idées qui chez moi ne sont pas si nouvelles ; de tout temps, par exemple, j’ai pensé que la vocation de Casimir Delavigne était d’être classique.
On conçoit à la rigueur qu’à une époque où tout était chose d’Etat, où s’achevait l’unité de la France, où toute son histoire aboutissait enfin à la monarchie absolue, où partout, dans les mœurs, dans les manières, dans la religion, dans les lettres, triomphait le même esprit de discipline et d’autorité, un cardinal ait eu l’idée de préposer une compagnie de lettrés à la fixation et à la conservation de la langue. […] Car enfin, quoi qu’il lui soit arrivé, il reste académicien, secrétaire perpétuel, logé à l’Institut ; et les choses s’oublient, et dans huit jours on ne songera plus à son affaire, ou même sa loyauté et son courage lui auront ramené des défenseurs… Vous me direz que, au moment de son suicide, il est revenu de tout, même des vanités académiques… Mais justement il m’avait donné l’idée d’un homme absolument incapable de revenir jamais de certaines vanités. […] Même il y a, dans les rencontres de ce père et de ce fils, qui n’ont pas une idée en commun, un dramatique froid navrant qui serre le cœur (et qui serait peut-être doublé si l’auteur semblait moins persuadé qu’Astier-Réhu n’est qu’une horrible vieille bête)… Mais enfin cette unité secrète, intérieure du livre, M. […] Brunetière l’idée d’un si beau roman (Revue des Deux-Mondes du 1er août), soit un psychologue si insuffisant.
Sorti d’une île à demi sauvage, placé dans une école militaire et appliqué aux études mathématiques, ne retrouvant point dans le français la langue de sa nourrice, le jeune Bonaparte, en s’emparant de cet idiome pour rendre ses idées et ses sentiments, dut lui faire subir d’abord quelques violences et lui imprimer quelques faux plis. […] Au reste, je ne voudrais pas répondre que Napoléon n’eût lui-même suggéré au peintre cette idée du cheval fougueux ; il aimait les genres tranchés, comme il disait ; il les aimait jusqu’au point de ne pas haïr le convenu. […] On citerait tel endroit où l’image se lie si étroitement à la pensée qu’elle n’en est pas séparable et qu’elle n’est autre que l’idée même. […] Le plan et l’idée de cette campagne sont retracés avec une précision qui ne laisse aucun doute sur les projets, alors très réels, de Napoléon du côté de l’Inde.
Il est vrai que, lorsque j’en donnais de si favorables aperçus en avril 1834, je ne parlais que de ce que je connaissais et de ce qui était terminé à cette date ; mais on avait déjà l’idée de l’ensemble. […] Émigré à Londres à l’âge de vingt-six ans, il écrivit ce bizarre Essai sur les révolutions, plus bizarre de forme que d’idées, et où se dessinait déjà tout l’homme. […] Il reproche à Byron de l’avoir imité sans le nommer et sans lui en faire honneur ; il ajoute que, dans sa propre jeunesse, le Werther de Goethe, les Rêveries de Rousseau ont pu s’apparenter avec ses idées : « Mais moi, dit-il, je n’ai rien caché, rien dissimulé du plaisir que me causaient des ouvrages où je me délectais. » Il oublie ici ce qu’il a fait lui-même ; car, loin d’avouer ces génies parents du sien, il les a reniés au contraire tant qu’il a pu, et, dans la Défense qu’il fit autrefois du Génie du christianisme et de René, il écrivait : C’est J. […] On a peine, dans bien des cas, à saisir le fil très léger qui unit l’idée présente à la réminiscence, au souvenir que l’auteur évoque.
Scribe indiquait, pour donner idée de l’esprit véritable de ce rôle, l’Arlequin-Lubin de La Bonne Mère de Florian. […] Et en même temps on n’y sent pas l’arrangement artificiel comme chez La Motte, ni ce genre d’esprit qui, ayant pour point de départ une idée abstraite, a besoin ensuite de s’avertir lui-même qu’il faut être figuré, riant, familier, et même naïf. […] L’invention dernière, l’idée de la sarcelle remorquant à la nage le lapin assis sur un radeau qu’elle a construit exprès pour lui faire passer la rivière, est exprimée d’une manière tout à fait pittoresque et gracieuse : Ah ! […] Or, dans la première quinzaine de septembre 1793, le château privilégié réunissait encore, au sein de sa douce et fraîche vallée, une vingtaine de personnes de tout âge, hommes, femmes, tous plus ou moins menacés, et qui, au milieu de ces idées de ruine, de prison et de mort même, dont chacun était environné alors, tâchaient d’oublier l’orage et de jouir ensemble des derniers beaux jours.
Dans les idées du temps, c’était une espèce d’honneur qu’un tel choix. […] Ici, on aura beau épuiser toutes les explications et les artifices de l’apologie, on ne fera jamais que Mme de Maintenon (car elle en eut le titre vers ce temps), installée par Mme de Montespan, prenant intérêt en apparence à sa passion et à toutes les vicissitudes qui y survenaient, lui écrivant encore le 13 mars 1678 : « Le roi va revenir à vous, comblé de gloire, et je prends une part infinie à votre joie », n’ait pas joué à un certain moment un jeu double, et n’ait pas conçu une idée personnellement ambitieuse. Elle ne conçut point tout d’abord sans doute l’idée de ce que rien ne pouvait présager, elle ne se dit certes point qu’elle deviendrait l’épouse secrète, mais avérée, du monarque : elle sentit seulement la possibilité d’une grande influence et elle y visa. […] Pour se compléter l’idée de Mme de Maintenon, il convient, en les lisant, d’y ajouter un certain enjouement de raison, une certaine grâce vivante qu’elle eut jusqu’à la fin, même dans son austérité ; qui tenait à sa personne, à son désir de plaire en présence des gens, mais qui n’allait pas jusqu’à se fixer par écrit.
À moins d’être historien, on aurait peu l’idée d’entrer dans une appréciation plus particulière de sa renommée, si l’on n’avait d’elle presque toute sa correspondance avec Mme de Maintenon : c’est par là qu’il nous est permis de l’approcher plus familièrement, de pénétrer dans son esprit, et de prononcer sur son compte avec plus d’estime qu’on ne fait d’ordinaire. […] Mme de Maintenon, Mme des Ursins, et Louis XIV, ces trois personnes furent quelque temps sous un même charme : Je rappelle souvent votre idée et cette aimable contenance qui me charmait à Marly, lui écrivait un an après Mme de Maintenon ; conservez-vous cette tranquillité qui vous faisait passer de la conversation la plus importante avec le roi au badinage de Mme d’Heudicourt dans mon cabinet ? […] À la différence de Mme de Maintenon, elle a des idées politiques ; elle ose les avouer et pousser à l’exécution. […] » Elle a des idées sur la guerre (je ne les donne pas pour les meilleures, mais elle en a), et sur les plans de défense à suivre, et sur le choix des généraux ; elle les dit, tout en s’excusant de raisonner là-dessus ; et elle raisonne cependant.
En France, le meilleur remède qu’on puisse avoir est la patience… » Et il exprime à ce propos sur notre légèreté, si fertile en revers, des idées fâcheuses qui seraient trop décourageantes si lui-même, homme d’autorité et d’établissement, ne venait bientôt, par son propre exemple, les combattre et les corriger. […] Machiavel a dit : « Ce n’est pas la violence qui répare, mais la violence qui détruit, qu’il faut condamner » ; il est bon pourtant que, dans tout ce qui se continue et qui est fondé pour durer, l’idée de violence s’évanouisse, et Richelieu, dans son gouvernement, ne put jamais parvenir à cette action d’énergie régulière et comme insensible. […] Nous le laisserons régner ; mais il nous serait essentiel, pour ne pas rester trop au-dessous de notre idée, de pouvoir dire quelque chose encore de ce Testament politique où il a déposé, sous une forme un peu sentencieuse, le résumé de son expérience et l’idéal de sa doctrine. […] Richelieu y expose ses idées sur une sage administration et dispensation de la littérature ; et, à la date où il écrit, il y fait preuve d’une haute prévoyance.
Au bout d’un an, il revenait à Naples, exposait, avec un certain succès, mais les ennuis qu’il éprouvait, de la part de ses frères hostiles à sa vocation, le décidèrent à quitter Naples, avec l’idée d’aller à Paris. […] Dans la cohue insouciante, et qui trouve l’enterrement long, commence à sourire l’idée d’une petite fête. […] En me mettant l’album dans les mains, elle m’a dit gentiment : « Tenez, je me porte très bien, je vous ferai attendre trop longtemps… Je ne sais quelle idée m’avait pris de les vendre cet hiver, comme ça je ne pourrai plus. » Jeudi 24 juin Je dîne aujourd’hui chez Francis Magnard, établi dans 2 500 mètres de terre, à Passy. […] Alors Lafontaine a eu l’idée de montrer à Chelles, comment elle devait être jouée, cette déclaration marchée, — et rien qu’avec une hésitation, un faux départ de la marche, et pour ainsi dire, des balbutiements de pieds, accompagnant le balbutiement amoureux des paroles, cette déclaration a pris tout à coup un très grand effet.
Le vrai vers libre est conçu comme tel, c’est-à-dire comme fragment musical dessiné sur le modèle de son idée émotive, et non plus déterminé par la loi fixe du nombre . […] L’alexandrin s’allonge et s’accourcit selon que l’idée a besoin d’ampleur ou de resserrement et le rejet, comme un rejeton de rosier planté en bonne terre, pousse et verdoie selon sa vie propre : l’allitération et les assonances internes ou finales rejoignent les deux vies et les parent de leurs feuillages. Ou bien ce sera un rythme dont les brisures multipliées sembleront à merveille adoptées à une idée de légèreté et de grâce : L’universel baiser court sur les hautes tiges comme un menu vol de papillons, tendresse brève, espoir long sur la plaine humaine voltigent coquelicots, pivoines, pavots, l’heur est léger, longue est la peine mais partout partent les pollens pour de futurs étés toujours beaux. […] Ce vers latin, ce vers des séquences, presque sans rime, a un nombre variable de syllabes, d’accents ; comme il diffère de l’idée que nous pouvons nous faire d’un vers latin, français, ou allemand213, il faut bien lui donner un nom nouveau et admettre qu’à la suite du vers mélodique et en même temps que le vers syllabique il y eut en latin un vers libre.
Telle est la moralité, inattendue, involontaire peut-être, mais certaine, qui sortira de ce livre, cruel et osé, dont l’idée a saisi l’imagination d’un artiste. […] L’artiste, vigilant et d’une persévérance inouïe dans la fixe contemplation de son idée, n’a pas été trop vaincu. III Cette idée, nous l’avons dit déjà par tout ce qui précède, c’est le pessimisme le plus achevé. […] L’auteur, qui est poète, entend admirablement les mises en scène de son idée.
Ce besoin d’un Narcisse71, que Louis XVIII rapportait de l’exil, et qui s’afficha jusque dans les plus belles heures de son règne, n’est pas plus séparable de l’idée qu’on se peut faire de la politique de ce roi, que l’habitude d’un ministère occulte, confidentiel, en opposition avec celui qu’il acceptait extérieurement pour la forme, n’est séparable de l’idée qu’on se doit faire de la politique de Monsieur, comte d’Artois. […] Ferrand, un des membres du ministère, et l’esprit certainement le plus à contretemps, le plus fermé à toute idée saine, venant présenter à la chambre des députés un projet de loi relatif aux biens non vendus des émigrés, s’avisa de partager tous les Français en deux catégories : 1° la portion des sujets du roi désignés par le nom d’émigrés, et 2° ceux qui n’avaient pas émigré et qu’il embrassait sous la dénomination de régnicoles.
Tel il fut au lycée, dans les concours ; tel, à l’École normale dans cette première génération qui datait de la fondation même : partout le plus en vue, le plus désigné, l’âme et la vie, le prince de la jeunesse pensante, le grand promoteur et agitateur dans l’ordre des idées. […] Mais il est certain qu’ayant, au degré où il l’avait, un continuel et irrésistible mouvement d’idées, il lui était difficile de demeurer au même point et de ne pas varier, même dans ses liaisons politiques. […] Cette publication a été, selon moi, une faute, car elle n’est propre qu’à donner une idée très-peu juste de la femme si distinguée dont l’excellence n’était pas en ce genre de littérature.
Ce fut là son idée originale. […] Ce sera ce goût antique qui ira se développant sous la Révolution, favorisé par les événements politiques et par le mouvement des idées : dégagé de plus en plus des éléments mondains, élégants, spirituels, auxquels il s’est allié d’abord, il créera des formes pures et froides ; il réalisera l’harmonie sans la vie, et la beauté par l’effacement du caractère ; il suscitera la correcte poésie des Fontanes, des Luce de Lancival et des Chênedollé ; il imposera même à l’imagination brûlante de Chateaubriand les idéales figures de Cymodocée et d’Atala, qui ressemblent à l’antique tout juste comme des marbres de Canova. […] Les thèmes, les idées, les images de ses poètes favoris ont été employés artistement par lui à exprimer sa propre nature, ses propres émotions.
En donnerai-je une idée plus précise ? […] La phrase est toute bourrée par l’idée, à en craquer. […] Ces pièces de vers, d’une saveur si exquisément étrange, renfermés dans des flacons si bien ciselés, ne lui coûtaient pas plus qu’à d’autres un lieu commun mal rimé… Avec ces idées, on pense bien que Baudelaire était pour l’autonomie absolue de l’art et qu’il n’admettait pas que la poésie eût d’autre but qu’elle-même et d’autre mission à remplir que d’exciter dans l’âme du lecteur la sensation du beau, dans le sens absolu du terme.
La mère de Verlaine était une septuagénaire encore solide, simple et cordiale, à qui l’âge et les déboires avaient quelque peu brouillé les idées. […] C’était aussi mon idée, mais où trouver les ressources suffisantes ? […] Pour lui, chaque pièce de vers devait être un roman, « le roman d’une heure, d’une minute, d’un moment psychologique et physiologique, avec le milieu, le cadre du Fait, un Fait signifiant quelque chose », et, dans le rendu de l’heure, de la minute, du moment, il essayait de « donner l’impression du milieu sur le corps, du corps sur l’âme, car il ne comprenait pas le corps sans le milieu, l’âme sans le corps, c’est-à-dire l’idée sans la sensation » et, pour la langue, il rêvait « au lieu du mot qui narre, le mot qui impressionne ».
Quand même il ne s’agirait que de connaître l’auteur, il faut d’autres procédés pour avoir do lui une idée, je ne dis pas complète, mais suffisante. […] On cherche à savoir, au moyen de procédés ingénieux, de tests, comme on dit en langage technique, quelle est chez lui l’association habituelle des idées, quelle mémoire il a des couleurs, des sons, des mots, des phrases, des pensées ; comment il apprécie la distance, la durée, les dimensions des objets, à quel degré il possède l’adresse des mouvements, la facilité de la parole, etc. […] Jean-Jacques ajoute, après avoir conté l’anecdote19 : « Tout ce qu’il me dit à ce sujet, et dont je n’avais pas la moindre idée, me fit une impression qui ne s’effacera jamais.
L’idée étoit noble, & demandoit un grand courage dans son exécution. […] Notre seul but a été de donner une idée des talens des Auteurs, & d’appuyer cette idée sur leurs Ouvrages les plus connus ou les plus caractéristiques.
J’ai besoin de m’expliquer, ayant là-dessus depuis longtemps des idées qui ne sont peut-être pas d’accord avec celles qui ont cours aujourd’hui. […] Il faudrait seulement que les gouvernements, quels qu’ils fussent, que les grands corps littéraires, les Académies elles-mêmes, en revinssent à l’idée qu’une littérature se peut jusqu’à un certain point contenir et diriger. […] Pour mon compte, je n’ai pas si mauvaise idée du public pris en masse, mais à condition qu’il soit suffisamment averti.
En effet, à ne le prendre que dans cette carrière déjà si pleine qu’il a fournie durant treize années au sein de la Chambre des pairs, je vois en lui un orateur des plus distingués, l’avocat ou plutôt le champion, le chevalier intrépide et brillant d’une cause ; mais tous ses développements d’alors roulent sur deux ou trois idées absolues, opiniâtres, presque fixes : il défend la Pologne, il attaque l’Université, il revendique une liberté illimitée pour l’enseignement ecclésiastique, pour les ordres religieux ; il a deux ou trois grands thèmes, ou plutôt un seul, la liberté absolue. […] Ainsi la confiance en sa propre idée, la certitude dans l’affirmation, avant d’être de l’autorité réelle, peut ressembler à de la témérité. […] M. de Montalembert, dès le premier jour, entra en lice, je l’ai dit, avec une idée absolue.
III L’idée démocratique, pont nouveau de la civilisation, subit en ce moment l’épreuve redoutable de la surcharge. Certes, toute autre idée romprait sous les poids qu’on lui fait porter. […] Sortons, il en est temps, de cet ordre d’idées ; la démocratie l’exige.
. — Aucune analyse, si détaillée soit-elle, ne peut donner aucune idée de ces cinq drames ; ils ne rappellent quoi que ce soit, et l’on est étonné qu’ils existent ; ils semblent palpiter et vivre, avec des organes nouveaux, agiter des bras inconnus, respirer avec des branchies, penser avec les sens, et sentir avec les objets ; — mais ils vivent pourtant ; ils vivent d’une vie rouge et violente, pour étonner, rebuter et exaspérer le grand nombre, pour enthousiasmer quelques-uns. » La Dame à la Faux de M. […] Ses idées très originales, son lyrisme philosophique transportés au théâtre (Le Délire de Clytemnestre), sont à retenir. […] Car il sera le temple de l’idée, le foyer ardent de l’Âme consciente, libre et créatrice. » Sans doute.
C’est qu’une idée accessoire donne la loi à l’ensemble au lieu de la recevoir. […] Vous n’avez pas une idée dans la tête. […] C’est n’avoir aucune idée de la fierté avec laquelle certains chrétiens fanatiques se sont présentés au pied des tribunaux des préteurs, de la majesté prétoriale, de la férocité froide et tranquille des prêtres, et de la leçon que je reçois de ces compositions qui m’instruisent bien mieux que tous les philosophes du monde de ce que peut l’homme possédé de cette sorte de démon.
Chopin a eu l’heureuse idée de réunir en un volume8 plusieurs Nouvelles dues à la plume des écrivains russes les plus vantés dans leur pays. […] Les livres russes, comme les hautes classes russes, comme le gouvernement russe, comme tout ce qui tient en Russie au développement quelconque de l’intellectualité, recherchent avec trop d’empressement le joug de l’idée européenne pour avoir la force de le secouer et de le rejeter. […] Ils avaient sous eux une colossale obéissance… Il n’y a que les peuples de ce côté-ci de l’Europe, si vite cabrés, qu’il soit difficile de gouverner et qui nous donnent, par conséquent, la véritable idée de la force de celui qui les gouverne et la justification de sa gloire.
C’est la rédemption par le sang du Sauveur des hommes qui a fait naître dans le cerveau de cet immense chrétien, qui s’appelait Colomb, l’idée d’un monde possible à découvrir ! […] Et la seconde fut l’idée du Moyen Âge tout entier, de l’époque chrétienne par excellence, la délivrance du Saint-Sépulcre, cette idée qui n’habitait plus alors qu’au fond de quelques grandes âmes isolées.
… À part le talent de ses œuvres, pour lequel on n’a trouvé que le mot de distingué, — ce qui n’est pas assez, — on n’a trouvé aussi pour caractériser l’esprit sur place de Gozlan que le mot banal de charmant causeur, et ç’a été à peu près tout, sauf les arabesques et les chatoiements de la phrase sur ces deux pauvres idées, l’aumône de la Superficialité émue un moment par la mort ! […] Partout, en effet, quand au lieu d’être journaliste il eût été corsaire, — ce qui, du reste, ne fait pas une si grande différence déjà, — partout, même quand il serait resté marchand d’anchois dans son excellente ville de Marseille, il aurait eu ce génie du mot, qui nous est donné, à pur don, comme tous les autres génies ; cette faculté qui, tout à coup, met une idée sous sa forme la plus concentrée, espèce de cristallisation de l’esprit d’une rapidité foudroyante. […] Dire comment il n’est que le troisième, expliquer sa place hiérarchique dans l’ordre de composition qu’il avait choisi pour les ambitions et les bonheurs de sa pensée, nous donnera l’occasion de poser quelques-unes de ces idées générales préliminaires sur lesquelles la Critique doit s’élever pour mieux juger les hommes qui seraient plus haut qu’elle de plain-pied.
avec les idées et les mœurs de ce temps, il n’est pas si difficile de l’expliquer. […] Il doit tomber toujours d’un principe, d’une idée, d’une vérité. Quel est le principe, quelle est l’idée, quelle est la vérité de Dumas ?
Les mêmes objets leur communiquent les mêmes idées, et souvent la même manière de les rendre. […] Il parut grand, même en travaillant sur les idées d’un autre. […] Je choisirai, dans tous, les idées éparses sur les philosophes et sur les princes ; car ce sont les deux objets dont il s’occupe sans cesse.
Mais quand même, chez lui, les idées d’ordre eussent pris davantage le dessus, ses opinions philosophiques, et un peu païennes en religion, se fussent mal prêtées, j’imagine, au Concordat, au rétablissement du culte. […] La poésie, en se faisant simple auxiliaire à la suite des idées philosophiques, avait perdu ses qualités éminentes les plus énergiques et les plus châtiées ; Voltaire, son dernier représentant illustre, avait été son plus grand corrupteur L’entreprise de Chénier fut une œuvre d’étude et de long silence, pleine de secrets labeurs au sein d’une vie de plaisirs, et animée d’un profond amour de cette France, qu’il voulait doter de palmes plus rares.
L’auteur s’est d’abord attaché à réfuter M. de Montgaillard, et, tout en le réfutant, il a été naturellement amené à exposer ses propres idées sur les diverses époques de la Révolution française. […] Laurent, celle qui renferme ses propres idées et les vues de son école.
Depuis que les morceaux, recueillis dans le premier volume de cet ouvrage23, ont paru en 1832, l’auteur s’est trouvé insensiblement engagé à en composer dans le même genre un plus grand nombre qu’il n’avait projeté d’abord, et il n’a pas tardé à concevoir la réunion de ces divers Portraits ou articles critiques comme pouvant former une galerie un peu irrégulière, assez complète toutefois, et propre à donner une idée animée de la poésie et de la littérature contemporaine. […] Décidément, ce genre de Portraits que l’occasion m’a suggéré, et dont je n’aurais pas eu l’idée probablement sans le voisinage des Revues, m’est devenu une forme commode, suffisamment consistante et qui prête à une infinité d’aperçus de littérature et de morale : celle-ci empiète naturellement avec les années, et la littérature, par moments, n’est plus qu’un prétexte.
C’est peut-être telle bourgeoise affinée qui nous donnera le mieux aujourd’hui l’idée de la grande dame. […] Prenons-en notre parti ; faisons ce sacrifice à l’idée de justice.
Raoul Rosières Les cent dix-huit sonnets des Trophées ne sont assurément pas tous de la même valeur, n’en est de pâles dont l’idée se révèle avec peine et ne semble pas valoir l’honneur de tant de soins. […] Il a publié lentement des sonnets sonores, enfin recueillis dans les Trophées, qui, par la fermeté du dessin, l’éclat des tons et la puissance du modèle, suggèrent un plaisir esthétique rival de celui qui est propre aux arts plastiques, et qui donnent souvent par l’accord de l’idée et de la forme le sentiment même de la perfection.
Il paraît qu’il a défendu dans ces pages, comme dans d’autres d’ailleurs, des idées qui troublent la sieste des bonnes gens. […] Fixé à Guermantes (Seine-et-Marne) en 1894 — après une condamnation pour outrage à l’autorité, — nous l’avons vu, élargissant le domaine de son esthétique, accueillir des idées nouvelles, s’éprendre des formes de la Nature au point de dédaigner ce qu’il avait naguère et avec passion défendu.
Quand l’adolescent a fini un nombre suffisant de phrases commencées par son maître, quand il les a ornées d’adjectifs modérés, quand il a, en temps convenable, emmailloté des idées qu’il n’avait point conçues, le grade de bachelier ès lettres vient témoigner qu’il a appris par là à se rendre maître de ses propres pensées. […] On oublia que le poème ne gagne pas plus à la valeur sociale des idées qu’il exprime, que l’opéra de Wagner ne perd à l’inauthenticité des légendes germaniques évoquées.
L’idée d’une différence de races dans la population de la France, si évidente chez Grégoire de Tours, ne se présente à aucun degré chez les écrivains et les poètes français postérieurs à Hugues Capet. La différence du noble et du vilain est aussi accentuée que possible ; mais la différence de l’un à l’autre n’est en rien une différence ethnique ; c’est une différence de courage, d’habitudes et d’éducation transmise héréditairement ; l’idée que l’origine de tout cela soit une conquête ne vient à personne.
Mais ne doit-on pas convenir qu’il a trop abusé de cette réputation, en voulant établir dans les Lettres certains paradoxes qui tendent à dénaturer les genres, & que l’esprit géométrique, si nous entendons par ce mot la justesse des idées, auroit dû être le premier à réprouver ? […] Tous les Auteurs qui en ont traité, depuis Aristote jusqu’à Despréaux, en ont cette idée, ut pictura, Poësis erit.
L’idée d’avoir manqué sa fortune, d’avoir perdu l’estime de son prince & l’espoir de ses libéralités, faisoit son tourment. […] On tâchoit, par tous ces honneurs, de répondre à la haute idée que, de son vivant, on avoit conçue de lui.
La posterité pourra donc blâmer l’abus que nos poëtes tragiques ont fait de leur esprit, et les censurer un jour d’avoir donné le caractere de Tircis et de Philene, d’avoir fait faire toutes choses pour l’amour, à des personnages illustres et qui vivoient dans des siecles où l’idée qu’on avoit du caractere d’un grand homme n’admettoit pas le mêlange de pareilles foiblesses. […] Les idées des amans n’ont point de liaison suivie.
Voilà pourquoi l’on habille aujourd’hui communément ces personnages de vêtemens imaginez à plaisir, et dont la premiere idée est prise d’après l’habit de guerre des anciens romains, habit noble par lui-même, et qui semble avoir quelque part à la gloire du peuple qui le portoit. […] Les italiens qui nous rendent justice sans trop de répugnance quand il s’agit des arts et des talens, où ils ne se piquent pas d’exceller, disent que notre déclamation tragique leur donne une idée du chant ou de la déclamation théatrale des anciens que nous avons perduë.
Les anciens avoient la même idée que nous sur la perfection de la musique, et sur l’usage qu’il étoit possible d’en faire. […] je vais encore rapporter un endroit de Macrobe qui pourroit paroître inutile, parce qu’il ne dit que la même chose que les passages de Quintilien et de Longin qu’on vient de lire, mais il m’a semblé propre à fermer la bouche à ceux qui voudroient douter que les anciens songeassent à tirer de la musique toutes les expressions que nous voulons en tirer, et qu’ils eussent communément de cet art la même idée qu’en avoit Lulli.
Chateaubriand parle d’un auteur de son temps qui, chaque année, allait faire sa remonte d’idées en Allemagne ; un homme sage doit aller faire de temps en temps chez les mauvais auteurs la remonte de ses facultés d’admiration. […] Je ne saurais pas le contraire de quoi il faut croire bon ; car il avait une infaillibilité à rebours qui donnait une idée de l’absolu.
Gauchie dans ses voies, mise hors des règles, qui sont la force, et hors des idées morales, qui sont l’honneur, la littérature de l’individualisme et de l’indépendance a tué l’esprit, qui, comme la mousse des vins pétillants, est toujours le résultat d’une compression. […] Et, au contraire, qu’un homme qui voit juste en cela le dise comme nous, — mais que, pour mieux l’affirmer, il établisse une fondation de post-obit, une espèce de repas des funérailles comme les Écossais en font à la mort de leurs parents, le tout, dit-il, en se moquant un peu de nous, pour ressusciter le défunt, ce qui serait un miracle auquel ne croient pas les Écossais, ni lui non plus, tous les gens d’esprit de France et de Navarre qui l’entendent, cette redoutable impertinence, ne s’insurgent ni ne se gendarment, et disent même, en approuvant : « Tiens, c’est une idée !
Et pour prouver qu’on le croyait, on fit une révolution avec ses idées. […] V De telles idées (comme il arrive toujours, du reste) n’étaient en Rousseau que le reflet de ses antécédents et de ses mœurs.
L’auteur de la Fête votive de saint Bartholomée Porte-glaive — un nom de tableau bien plus que de livre — n’est, à exactement parler, ni un inventeur dans l’ordre du roman ou du drame, ni un esprit d’aperçu qui voit les idées par-dessus les images, ni un écrivain… littéraire. […] Je ne crois donc guères, en Cladel, à ces idées de moraliste républicain.
Mais n’a-t-il pas eu l’idée de me faire monter dans une chambre, et de vouloir me faire voir ses tableaux. […] Les idées et les paroles affluent un peu chez lui, comme les liquides dans le goulot trop étroit d’une bouteille, mais il a un certain tour pasquinant dans le dire, assez amusant. […] Et cette robe, Jacquet, la voyait tous les jours, et ce beau ton, qu’il sentait sien, lui faisait venir des idées de vol. […] C’est un monsieur, au noir de la barbe rasée d’un prêtre du Midi, aux longs cheveux rejetés en arrière, à la mode chez les universitaires à idées révolutionnaires. […] Taine n’a fait son livre que d’après les idées déjà émises dans les livres.
On ne peut se faire une idée de la caresse de l’ébauchoir dans le modelage des paupières, et de la délicate nervure du nez. […] Il ne veut pas admettre que Drumont soit touché par Meyer, et blague cette idée de se battre sur le terrain de la tribune des courses, avec autorisation du prince de Sagan, et encore plus dans le parc de Saint-Cloud, où on sera dérangé par les promeneurs, ou interrompu par les gardiens. […] Daudet est tenté de l’idée de tirer un bouquin de ses maux, est tourmenté d’écrire quelque chose sur la souffrance, étudiée sur lui-même. […] » est une phrase renfermant un mépris, dont on ne peut donner l’idée. […] Samedi 11 décembre À mon idée — je lis cela aujourd’hui au-dessus de la boutique d’un marchand de vin de Boulogne.
J’ai insisté sur la grande idée qui en fait l’unité et la portée. […] N’y aurait-il pas aussi l’empire d’une idée fixe ? […] — Vous connaissez cette plaisanterie vulgaire : On n’a pas idée de ces choses-là en province ! […] nous sommes tentés de dire ici : On n’a idée de ces choses-là nulle part ! […] Si cette adorable Léa ne partageait pas ses idées ?
Sur presque tout le reste, les femmes ont gagné plus ou moins la partie, et quiconque a voulu leur plaire en écrivant ou en parlant, a dû éviter les sons durs, les images désagréables, les métaphores qui présentent une idée ignoble ou rebutante. […] Transfuge, comme en latin Transfuga, est quiconque quitte son parti pour suivre celui des ennemis. » Pour que ce mot s’établît de plain-pied et d’un si prompt accord, il fallait peut-être que l’idée de patrie elle-même fût bien établie, et encore mieux qu’elle ne l’était il y avait environ un siècle, du temps du connétable de Bourbon. Le cardinal de Richelieu avait contribué plus que personne à inculquer à tous l’idée de l’État, et, par suite, celle des ennemis de l’État et de ceux qui méritent d’être qualifiés de transfuges. […] De leur union résulte cette perfection du bien dire qu’il a en idée, vers laquelle il tend sans cesse, et où il voudrait conduire ses lecteurs. […] Tout cela est bien et irréprochable pour le fond : mais lui-même, on ne saurait en disconvenir, il a une manière de dire bien peu propre à persuader ; il abonde en termes et locutions déjà hors d’usage et dont le français ne veut plus ; il dit translations pour métaphores, allégations grecques et latines pour citations ; il dira encore en style tout latin : « La lecture est l’aliment de l’Oraison », Quoiqu’il contînt, on le voit, de bonnes idées, bien du sens et de la doctrine, ce traité de l’Éloquence de La Mothe-Le-Vayer péchait donc de bien des manières, et surtout en ce qu’il naissait arriéré, sans à-propos, sans rien de vif ni qui pût saisir les esprits.
La Bruyère, qui aimait la lecture des anciens, eut un jour l’idée de traduire Théophraste, et il pensa à glisser à la suite et à la faveur de sa traduction quelques-unes de ses propres réflexions sur les mœurs modernes. […] La Bruyère était très-pénétré de cette idée, par laquelle il ouvre son premier chapitre, que tout est dit, et que l’on vient trop tard après plus de sept mille ans qu’il y a des hommes, et qui pensent. […] Vieille en 1720, date de la note manuscrite, était-elle une de ces personnes dont La Bruyère, au chapitre du Cœur, devait avoir l’idée présente quand il disait : « Il y a quelquefois dans le cours de la vie de si chers plaisirs et de si tendres engagements que l’on nous défend, qu’il est naturel de désirer du moins qu’ils fussent permis : de si grands charmes ne peuvent être surpassés que par celui de savoir y renoncer par vertu. » Était-elle celle-là même qui lui faisait penser ce mot d’une délicatesse qui va à la grandeur ? […] Mais il n’appartient qu’à lui d’avoir eu l’idée d’insérer au chapitre du Cœur les deux pensées que voici : « Il y a des lieux que l’on admire ; il y en a d’autres qui touchent et où l’on aimerait à vivre. » — « Il me semble que l’on dépend des lieux pour l’esprit, l’humeur, la passion, le goût et les sentiments. » Jean-Jacques et Bernardin de Saint-Pierre, avec leur amour des lieux, se chargeront de développer un jour toutes les nuances, closes et sommeillantes, pour ainsi dire, dans ce propos discret et charmant. […] J’hésite presque à glisser cette parole de Ménage, moins bon juge : elle concorde pourtant : « Il n’y a pas longtemps que M. de La « Bruyère m’a fait l’honneur de me venir voir, mais je ne l’ai pas vu « assez de temps pour le bien connoître. « Il m’a paru que ce n’étoit pas un grand parleur. » (Menagiana, tome III.) — On a opposé depuis à cette idée qu’on se faisait jusqu’ici de La Bruyère quelques mots tirés de lettres et billets de M. de Pontchartrain. et desquels il résulterait que La Bruyère était sujet à des accès de joie extravagante ; c’est peu probable.
Et le monde vous laissera mourir et tomber, parce que le monde laisse tomber et mourir tout ce qui n’est que l’égoïsme, tout ce qui ne représente pas pour le genre humain une vertu ou une idée. […] Une ombre étrange, gagnant de proche en proche, s’étendait peu à peu sur les hommes, sur les choses, sur les idées ; ombre qui venait des colères et des systèmes. […] La détresse du peuple, les travailleurs sans pain, le dernier des Condés disparu dans les ténèbres, Bruxelles chassant les Nassau comme Paris les Bourbons, la Belgique s’offrant à un prince français et donnée à un prince anglais, la haine russe de Nicolas, derrière nous deux démons du midi, Ferdinand en Espagne, Miguel en Portugal, la terre tremblant en Italie, Metternich étendant la main sur Bologne, la France brusquant l’Autriche à Ancône, au nord on ne sait quel sinistre bruit de marteau reclouant la Pologne dans son cercueil, dans toute l’Europe des regards irrités guettant la France ; l’Angleterre, alliée suspecte, prête à pousser ce qui pencherait et à se jeter sur ce qui tomberait ; la pairie s’abritant derrière Beccaria pour refuser quatre têtes à la loi, les fleurs de lis raturées sur la voiture du roi, la croix arrachée de Notre-Dame, la Fayette amoindri, Laffitte ruiné, Benjamin Constant mort dans l’indigence, Casimir Périer mort dans l’épuisement du pouvoir ; la maladie politique et la maladie sociale se déclarant à la fois dans les deux capitales du royaume, l’une la ville de la pensée, l’autre la ville du travail ; à Paris la guerre civile, à Lyon la guerre servile ; dans les deux cités la même lueur de fournaise ; une pourpre de cratère au front du peuple ; le midi fanatisé, l’ouest troublé, la duchesse de Berry dans la Vendée, les complots, les conspirations, les soulèvements, le choléra, ajoutaient à la sombre rumeur des idées le sombre tumulte des événements. » VIII Tout cela mène à ce que l’auteur nomme l’Épopée de la rue Saint-Denis, c’est-à-dire aux barricades. […] ni idée arrêtée, ni moyens praticables, ni but avoué et avouable, ni gouvernement à fonder ! […] Il était comme s’il avait la tête pleine de fumée ; des éclairs lui passaient entre les cils ; ses idées s’évanouissaient ; il lui semblait qu’il accomplissait un acte religieux et qu’il commettait une profanation.
Car c’est dans les femmes que la faiblesse naturelle paraîtra le plus visiblement : ce sont elles qui sont par excellence des êtres d’instinct, de volonté faible ou nulle, de raison ployable, et réduite au rôle de servante du sentiment qu’elle fournit de sophismes ; ce sont elles que toujours et partout l’affection conduit, jamais l’idée. […] Mais j’ai dit aussi qu’il y a des vers, des couplets de poète dans Racine ; la traduction serrée de l’idée que commande la psychologie dramatique, s’achève sans cesse en images, en tableaux qui la dépassent infiniment, et qui ouvrent soudain de larges échappées à l’imagination. […] Nous ne pouvons exiger que Racine nous parle selon nos idées de la Grèce ou de l’Asie, qu’il costume ses acteurs d’après les dernières trouvailles ou les hypothèses récentes de l’histoire et de l’archéologie : il n’y avait guère que la civilisation gréco-romaine », la décadence raffinée, dont il pût avoir un sentiment historiquement exact. […] La grande figure de Mithridate séduisait son âme d’artiste ; et, au risque de déranger l’équilibre de sa composition, au milieu du drame réaliste du vieillard amoureux, il s’arrêtait à peindre, dans toute sa hauteur, le despote oriental, cruel et héroïque, dont Plutarque lui donnait l’idée. Il écrivait Britannicus, le plus saisissant tableau qu’on ait tracé de Rome impériale : il l’écrivait en pur artiste, sans idée ni intention de politique, attaché seulement à bien rendre la sombre couleur de Tacite.
Ce progrès n’est pas seulement extérieur, le langage ne pouvant se perfectionner sans que les idées soient plus claires, plus exactes et plus délicates. […] De l’esprit, c’est-à-dire des idées justes, exprimées d’un style piquant, il y en a en beaucoup d’endroits. […] Pour ce dernier, c’était visiblement l’impression des excès où l’imitation de ce poëte avait fait tomber Ronsard outre qu’il sentait que cette forme de poésie, déterminée par deux choses exclusivement propres aux Grecs, la musique et le culte, ne pouvaient convenir ni aux idées modernes ni à l’esprit français. […] Son sens supérieur discernait, entre tous ces souvenirs, ceux qui étaient, en quelque sorte, communs au monde ancien et au monde moderne, et qui devaient se mêler à toujours aux idées nouvelles. […] Pénétrant dans tous les détails de ce style, dans ses jointures les plus cachées dans ses fausses délicatesses, dans ses grâces spécieuses ; demandant compte à chaque mot de sa valeur, de son rapport avec l’idée qu’il exprimait, de sa place dans la phrase, il se rendait comme témoin du travail du poëte, et faisait voir dans la faiblesse de la conception les causes des imperfections de la langue.
Tel est l’inconvénient, grave sans doute, mais nécessaire et compensé par de grands avantages, de séparer ainsi un groupe d’idées de l’ensemble de l’esprit humain, auquel il tient par toutes ses fibres. […] Parcourez nos idées les plus arrêtées en littérature comparée, en linguistique, en ethnographie, en critique, vous les verrez toutes empreintes et modifiées par cette grande et capitale découverte. […] Quand je m’interroge sur les articles les plus importants et le plus définitivement acquis de mon symbole scientifique, je mets au premier rang mes idées sur la constitution et le mode de gouvernement de l’univers, sur l’essence de la vie, son développement et sa nature phénoménale, sur le fond substantiel de toute chose et son éternelle délimitation dans des formes passagères, sur l’apparition de l’humanité, les faits primitifs de son histoire, les lois de sa marche, son but et sa fin ; sur le sens et la valeur des choses esthétiques et morales, sur le droit de tous les êtres à la lumière et au parfait, sur l’éternelle beauté de la nature humaine s’épanouissant à tous les points de l’espace et de la durée en poèmes immortels (religions, art, temples, mythes, vertus, science, philosophie, etc.), enfin sur la part de divin qui est en toute chose, qui fait le droit à être, et qui convenablement mise en jour constitue la beauté. […] Les pères de la race sémitique eurent, dès l’origine, une tendance secrète au monothéisme ; les Védas, ces chants incomparables, donnent très réellement l’idée des premières aspirations de la race indo-germanique. […] Proudhon, bien qu’ouvert à toute idée, grâce à l’extrême souplesse de son esprit, et capable de comprendre tour à tour les aspects les plus divers des choses, ne me semble pas non plus par moments avoir conçu la science d’une manière assez large.
M. l’Abbé Dupin l’accommoda à ses idées, & le fit paroître à Paris en sept vol comme si ce livre lui avoit appartenu. […] On ne peut donner qu’une idée très-générale & très-imparfaite d’un ouvrage dont il faudroit détacher plus d’un article, pour en faire connoître le fonds ; mais, après un examen attentif, nous ne craignons pas d’assurer, dit Mr. […] Son livre n’est proprement qu’un abrégé de celui de Dom Ceillier ; mais on sent qu’il a été dirigé par un homme plein de l’esprit de la Religion, & qui avoit de l’ordre dans ses idées. […] Cette comparaison est fort imparfaite, & elle ne rend qu’en partie l’idée qu’on doit avoir des Synodes universels & particuliers. […] La traduction françoise n’est pas bien élégante & donne une foible idée du style de l’auteur italien.
Vous avez pu être étonnés, au commencement de ce cours de conférences, de ce que je n’eusse attribué, dans mon programme, qu’une seule leçon aux fables de La Fontaine ; mais vous avez vu très vite quelle en était la raison : c’est que je prévoyais, d’une façon certaine, que je vous parlerais des fables de La Fontaine à peu près dans toutes les conférences que je ferais, puisqu’il est absolument impossible de parler des idées générales de La Fontaine, ou de son caractère, ou de ses tendances d’esprit, ou de ses idées philosophiques, ou de ses Contes, etc., sans faire au moins allusion à quelques-unes de ses fables, et c’est ainsi que pendant six ou sept conférences, je vous ai parlé des fables de La Fontaine en vous parlant d’autre chose. […] Il tenait cela des Indiens, chez qui c’est une idée religieuse, une idée très ancienne que l’on trouve dans leurs plus vieux poèmes, que les animaux font des sociétés les uns avec les autres même lorsqu’ils sont d’espèces différentes. […] Ensuite, je conclurai sur La Fontaine ; c’est-à-dire je vous donnerai sur le génie de La Fontaine les idées générales qu’il convient, je crois, de garder dans son souvenir.
Servir toutes les idées, c’est attester qu’on ne croit à aucune. Que sert-on alors sous le nom d’idées ? […] Il ne se précipitait point dans le parti passionné et anarchique ; il voulait bien servir les idées dominantes, mais il ne voulait périr avec personne. […] Qu’on juge du bouleversement des idées de M. de Talleyrand. […] Il y a des moments où ce qui paraît une ambition insatiable est un dévouement pénible à l’idée qu’on croit nécessaire au salut de son pays.
C’est la loi universelle ; s’il est très vrai de dire que les idées font le tour du monde, et qu’elles aillent, de peuple en peuple et de siècle en siècle, cherchant leur vie jusqu’au jour où elles revêtent définitivement la forme lumineuse qui les fait éternelles, un temps arrive, beaucoup plus rapide, où dans un certain lointain, favorable à la poésie autant qu’à la réalité, les choses humaines vous apparaissent sous un jour tout nouveau. […] Imprudent qui s’amuse à déplacer des idées, c’est l’expression même qu’il faut déplacer, l’idée arrive ensuite, obéissante à la parole nouvelle. […] ), avait créé, chez nous, toute une série de mœurs nouvelles, étranges, incroyables, dont les salons du siècle passé ne pouvaient avoir aucune idée, pas plus que nous n’avons l’idée aujourd’hui des salons du vieux Paris, dans lesquels les moralistes ont trouvé les héros de leurs comédies : Alceste, Orgon, Tartuffe et Célimène, M. et madame Jourdain, Sganarelle, Élise, Valère, Marianne ; le distrait Ménalque, Argyre la coquette, Gnathon le glouton, Ruffin le jovial, Antagoras le plaideur, Adraste le libertin et dévot, Tryphile le bel esprit, « bel esprit comme tant d’autres sont charpentiers ou maçons ». […] Il faut avoir partagé l’émotion de cette soirée, dramatique, s’il en fut, pour arriver à un juste idée de ce que peut être une réunion d’honnêtes gens qui aiment sincèrement les beaux-arts. […] C’est l’histoire et c’est le conte des amoureux qui se séparent, l’homme et la femme bien décidés à ne pas se revoir, mais chacun d’eux voulant laisser à son complice, la meilleure idée de son esprit et de sa personne.
Mais, pour prendre l’idée la plus agréable de ces premiers essais et travaux de Daru, tous inédits, excepté la traduction de l’Orateur publiée en 1788 ; pour les voir à leur point de vue comme les voyaient alors ses amis et ses maîtres, je demande à citer quelques passages charmants d’une correspondance qu’entretenait avec lui un digne oratorien, le père Lefebvre, le même à qui M. […] Ce qui manque le plus à cette Épître, c’est le mouvement et la variété, ce sont les contrastes ; puisque le poète introduit ce Brutus qui ne s’en doute pas, il pouvait lui prêter des idées, des images et des tableaux frappants qui eussent tranché avec les idées morales et élevées du prisonnier. […] ………………………… Un peu plus de concision et de contraste dans les idées, un peu plus de relief d’expression, plus d’exactitude de forme et de rime, eussent fait de la pièce entière une de ces pages légères et durables qui survivent.
Laissons les comparaisons inutiles ; je me contenterai de supposer qu’on a une idée générale et suffisante de la manière et de la veine de l’abbé Delille, et je choisirai rapidement, dans le poème de La Tâche, les endroits qui indiquent chez le poète anglais d’autres sources et d’autres inspirations. […] on a toute la variété et les contrastes du tableau : un ancien eût fini peut-être par ce dernier trait et par cet image, mais Cowper ne s’y est pas tenu ; il y a mêlé son idée de fils d’Adam sur le travail qui est une peine et un châtiment, mais qui est devenu un moyen ou un gage de rachat. […] Un jour qu’on demandait en présence de Wordsworth s’il en était nécessairement ainsi, le grave poète des lacs répondit : « Ce n’est point parce qu’ils ont du génie qu’ils font leur intérieur malheureux, mais parce qu’ils ne possèdent point assez de génie : un ordre plus élevé d’esprit et de sentiments les rendrait capables de voir et de sentir toute la beauté des liens domestiques23. » J’ai le regret de rappeler que Montaigne n’était pas de cet avis et qu’il penchait du côté du déréglement : citant les sonnets de son ami Étienne de La Boétie, il estime que ceux qui ont été faits pour la maîtresse valent mieux que ceux qui furent faits pour la femme légitime, et qui sentent déjà je ne sais quelle froideur maritale : « Et moi, je suis de ceux, dit-il, qui tiennent que la poésie ne rit point ailleurs comme elle fait en un sujet folâtre et déréglé. » Nous nous sommes trop souvenus en France de cette parole de Montaigne, et nous nous sommes laissés aller à cette idée de folâtrerie. Quelques-uns de ceux même qui ont eu l’idée d’introduire chez nous des images de la poésie familière et domestique, et qui y ont réussi à certain degré, n’en ont pas eu assez la vertu pratique et l’habitude dans la teneur de la vie ; ils en ont bientôt altéré le doux parfum en y mêlant des ingrédients étrangers et adultères, et l’on a trop mérité ce qu’un grand évêque (Bossuet) a dit : « On en voit qui passent leur vie à tourner un vers, à arrondir une période ; en un mot, à rendre agréables des choses non seulement inutiles, mais encore dangereuses, comme à chanter un amour feint ou véritable, et à remplir l’univers des folies de leur jeunesse égarée.
Je dirai plus tard jusqu’à quel point mon attente a été remplie ; je veux commencer par présenter une idée du genre d’existence, du genre d’esprit et de mérite qui caractérisent le président. […] On y cherche une date, qu’on y trouve, et on y trouve de plus une idée, un fait, un trait : en un mot, il ne se peut de table des matières en histoire dressée avec plus d’esprit et d’agrément, ni avec plus de lumières. […] La lecture du théâtre de Shakespeare, qu’on traduisait alors, donna au président l’idée d’un Nouveau Théâtre français, et de pièces historiques où se retraceraient en dialogues animés les principaux événements de nos annales : c’était une idée, et le président n’en manquait pas.
Soubise, l’irréductible et l’insoumis, pour qui l’idée de violation ou de devoir envers le souverain de la France n’existait pas, déterminé, à toute extrémité, à faire la guerre des pirates plutôt que de se soumettre à son roi, nous représente bien le Français qui s’est oublié et jusqu’à un certain point dénaturé, ou qui du moins (car je ne voudrais rien dire d’injuste pour un vaincu) s’est tout à fait dénationalisé. […] Et il eut l’idée, très hardie et originale, de se servir pour cela du secours des alliés, de ceux-mêmes qui étaient de la religion des rebelles : car la France alors n’avait pas de marine, elle n’avait pas un seul vaisseau à opposer à Soubise triomphant sur les mers depuis sa capture. […] Cet affaiblissement ou adoucissement graduel, tant de mœurs que de croyance, se fit de plus en plus sentir après la décapitation du parti par Richelieu, et cette disposition des esprits, sagement appréciée de Mazarin dans ce qu’il appelait le petit troupeau, aurait dû l’être davantage par Louis XIV ; car il s’ensuivait l’idée et la pratique possible de la tolérance. […] Richelieu et son ardeur en cette périlleuse entreprise, l’affection qu’il met aux choses et qui le consume, éclatent en mille traits de feu dans son récit : Cependant, dit-il en un endroit, tandis que le cardinal employait tout l’esprit que Dieu lui avait donné à faire réussir le siège de La Rochelle à la gloire divine et au bien de l’État, et y travaillait plus que les forces de corps que Dieu lui avait départies ne lui semblaient permettre, on eût dit que la mer et les vents, amis des Anglais et des îles, s’efforçaient à l’encontre et s’opposaient à ses desseins… Prendre La Rochelle avant toute chose, promptement et sans rémission cette fois, c’est là son idée fixe ; c’est, selon lui, le premier remède à tout, et il y faut employer tous les moyens, toutes les inventions imaginables sans en omettre aucune ; car « de la prise de La Rochelle dépend le salut de l’État, le repos de la France, le bonheur et l’autorité du roi pour jamais. » Y aura-t-il un État dans l’État, un allié naturel et permanent de l’étranger parmi nous, un port et une porte ouverte aux flancs du royaume ?
Ses idées, s’il en eut de telles, changèrent bientôt. […] La Vie proprement dite est agréablement traitée, et l’on y prend de Maupertuis une idée fort distincte. […] Mais La Beaumelle prétend faire bien autre chose : il ne corrige pas seulement les phrases de Frédéric, il ne leur donne pas seulement (chaque fois que l’envie lui en prend) un tour plus vif, une frisure, un coup de peigne ; il y intercale du sien, il y mêle ses idées, il y fait entrer, sous le pavillon du roi, ses propres commentaires. […] Il me semble qu’il doit avoir quitté ce monde avec moins de regrets, et que cette idée doit entrer pour beaucoup dans ce corps de raisons consolatoires que votre philosophie doit vous fournir.
Être critique, c’est tout soumettre à l’examen, et les idées et les faits, et même les textes ; c’est ne procéder en rien par prévention et enthousiasme. […] Ce qui nous sépare, c’est l’idée différente que nous nous faisons de l’excellence d’un portrait. […] Jusqu’ici, j’en conviens, la nouvelle est parfaite ; elle se gâte à partir de ce moment, et elle se gâte par suite d’un parti pris et sous l’empire d’une fausse idée morale. […] Il n’est pas naturel d’abord qu’Aurélie renonce si vite, et du premier coup, à l’ami et au compagnon qu’elle s’était donné en idée.
Rien n’est plus dangereux pour un personnage en vue qu’un fou et un maniaque qui s’acharne contre lui et fait de ce duel son idée fixe. […] Voici, par exemple, l’idée d’une Pyramide qu’on proposait d’élever au prélat dans la cour même de l’archevêché, avec une inscription dont je ne donne que les lignes principales : À l’unique et l’incomparable seigneur Messire François de Champvallon, archevêque de Paris, duc de Saint-Cloud ; Proviseur des collèges de La Marche et de Sorbonne ; Fondateur du Saint-Bourbier47 ; Visiteur de l’île Notre-Dame48 ; Damoiseau de Conflans49 ; Toujours jeune, toujours souriant, de qui l’on voit le mérite dès qu’on arrive dans son antichambre ; si patient qu’au milieu de cette ville on l’a volé, sans qu’il s’en soit plaint50 ; si vigilant qu’à deux heures après minuit on l’a trouvé dans les rues ; si obligeant qu’il accorde toutes les dispenses qu’on veut ; Le Tout-Puissant ; L’Infaillible ; de qui l’on n’appelle point ; qu’on ne peut déposer ; Grand maître des lettres de cachet ; Arrondisseur de la Couronne ; Intrépide amplificateur de la Régale ; Président perpétuel des Assemblées Du Clergé ; Souverain dominateur de L’Église gallicane ; plus aimable que M. de Pierrepont ; Plus diligent que feu M. le Maréchal De La Meilleraye51 ; dont la sacrée pantoufle est à Andelys, et le cordon d’or à Pontoise52 ; que sa dignité a fait recevoir dans L’Académie ; qui parle comme il écrit et qui écrit Comme il parle ; prélat des plus qualifiés ; prélat Harlay-Quint. […] Il appréhendait que « ces discours qui avaient charmé dans sa bouche n’eussent pas le même succès quand ils seraient sur le papier. » Legendre, qui avait eu l’idée de les rédiger, est forcé de convenir que le prélat avait raison : « J’ai de lui des sermons qui avaient charmé quand il les avait prononcés et qui réellement ne m’ont paru, en les lisant, que des pièces assez ordinaires. » Les fameuses Conférences restèrent donc à l’état de pure renommée et de souvenir ; si glorieuses qu’elles fussent pour le prélat, elles avaient cessé du jour où il avait pensé que l’effet était produit et son nom remis suffisamment en honneur. […] Le rapporteur y prenait goût : « Je ne sais, nous dit-il, s’il y a un plus délicieux passe-temps que de voltiger ainsi de compagnie en compagnie, pourvu qu’elle soit triée, et d’apprendre exactement à cette source les anecdotes de son temps. » L’archevêque, qui était membre de l’Académie française, eut à un moment l’idée d’intervenir dans l’affaire de Furetière, violemment aux prises avec quelques meneurs de la Compagnie (1685), et de devenir arbitre entre des confrères.
Je m’étais fait une toute autre idée de cette ville. […] On a quelques témoignages directs de sa vie, à elle, par des lettres qu’elle écrivait en ces années, et dont MM. de Goncourt ont donné des extraits96 : « C’est un grand plaisir, disait-elle (décembre 1802), que de passer son temps à parcourir les différentes idées et opinions de ceux qui ont pris la peine de les mettre sur le papier. […] Saint-Réné Taillandier lui-même, citant d’elle une note écrite après la lecture du livre de Mme de Staël : De l’Influence des passions sur le bonheur, et qui commence par ces mots : « Ce livre est un ramassis d’idées prises un peu partout… », estime qu’il est difficile d’accumuler plus d’erreurs et d’injustices. […] Fabre, d’ailleurs, tenait son rang, et des plus distingués, dans le cercle de la comtesse ; il y marquait par son tour d’idées et par l’accent de son esprit.
Voici le premier de ces morceaux, sur les Champs ou les plaines ; après avoir montré les avantages que présente le val de Nievole pour tout ce qui est des terres arrosables et des potagers, l’auteur ajoute : « Le reste de la plaine du val de Nievole mérite encore d’être compté parmi les sols les plus fertiles de la Toscane ; l’œil du cultivateur est cependant étonné, en la parcourant, de n’y voir ni prés ni pâturages, ni presque aucune récolte destinée à la nourriture du bétail. » « Mais il ne peut s’arrêter sur cette idée ; son attention est entraînée, son admiration est commandée par le tableau d’abondance que la campagne étale autour de lui, par l’étonnante variété de productions et de récoltes, qui frappe ses yeux de toutes parts. […] Mais je continue de donner la description tout agréable : « C’est dans une soirée d’automne, lorsque les lumières qui brillent de toutes parts décèlent les maisons modestes des cultivateurs, cachées sous des treilles ou des groupes d’arbres fruitiers et d’oliviers ; lorsque des flambeaux de paille errant sur tous les sentiers font remarquer les paysans qui vont gaiement se réunir chez leurs voisins et passer les veillées ensemble ; lorsque les croupes arrondies des montagnes, que les oliviers semblent velouter, se dessinent dans le ciel le plus pur, c’est alors que le spectacle des collines rappelle les idées les plus romanesques. […] Je rougissais comme si je reconnaissais ma faute ; cependant j’alléguais ma sensibilité extrême pour elle : je ne pouvais, disais-je, supporter de voir sa chute ; son avilissement surpassait ce que pouvait souffrir ma constance ; mais qu’elle eût besoin de moi, et, du bout du monde, j’étais prêt à retourner à elle… » Et il allait s’échauffant de plus en plus dans cette idée de patriotisme, si bien qu’il s’éveilla au beau milieu de son discours enthousiaste. […] C’est une manière de se fuir eux-mêmes que de fuir ce qui leur ressemble ; mais cette manière ne peut leur réussir longtemps. » Je continuerai cette suite d’extraits, en les dirigeant le plus que je pourrai, la prochaine fois, du côté de la France et des personnes ou des idées qui nous touchent.
Fromentin applique, en effet, aux figures le même mode d’expression qu’il a porté dans ses tableaux naturels ; au lieu de s’en tenir à la description pure des traits, du teint, des cheveux et de chaque partie de la personne, à ces signalements minutieux et saillants, qui, à force de tout montrer, nous empêchent parfois de voir et de nous faire une juste idée de l’ensemble, M. […] Continuons avec lui d’assister en idée à ce frais retour, à ce portrait parlant où tout respire le mouvement naïf et la grâce virginale : « Cette soirée-là fut pleine d’effusion. […] Elle avait vu de beaux pays, découvert toutes sortes de nouveautés, de mœurs, d’idées, de costumes. […] D’un autre côté, Augustin, l’ancien précepteur, jeune lui-même, établi à Paris où il lutte contre les difficultés d’un début, est un auteur pur, un publiciste acharné, un ambitieux d’idées et de principes.
» Sa correspondance d’alors donne l’idée d’une vie toute d’étude, de prière, à peine accidentée par quelques voyages de La Chesnaie à Saint-Malo, traversée par de courts et brusques éclairs de gaieté, assujettie d’ailleurs à bien des soins domestiques et de ménage, fort occupée dans un temps à la construction d’une chapelle à La Chesnaie ; mais bientôt la maladie que vous appellerez, si vous le voulez, la maladie du génie, l’inquiétude vague, le mécontentement et la nausée du présent, qui sera l’état fondamental et constitutionnel de La Mennais, se dessine et se déclare, et pour ne plus cesser. […] Abandonné alors à une accablante apathie, totalement dépourvu d’idées, de sentiments et de ressorts, tout me devint à charge, la prière, l’oraison, tous les exercices de piété, et la lecture, et l’étude, et la retraite, et la société ; je ne tenais plus à la vie que par le désir de la quitter, et mon cœur éteint ne trouvait une sorte de repos léthargique que dans la pensée du tombeau. » Je sais tout ce qu’il faut rabattre de ces descriptions désolées où se complaît involontairement la plume qui s’y exerce, et qui s’essaye déjà à l’éloquence ou à la déclamation publique sans s’en douter ; mais elles sont trop habituelles et trop opiniâtres chez La Mennais pour n’être pas significatives. […] La Mennais a mis à peine le pied sur la grande scène, qu’il conçoit l’idée d’un rôle bien différent, d’une action publique à exercer sur l’opinion, et il essaye d’y associer son aîné. […] Blaize donnent une pauvre idée du goût et de la méthode qui présidaient à son instruction.
Je ne saurais ici que donner l’idée du livre qui serait à faire et en présenter un raccourci ; mais je me figure que le tableau de cette existence si délicate, si généreuse et si combattue, pourrait être d’un véritable intérêt et d’une consolation efficace pour bien des âmes également éprouvées, à qui le sort n’a cessé d’être inclément et dur. […] On trouverait, en cherchant bien, d’autres témoignages qui donneraient l’idée la plus favorable de son talent dans les rôles de mélancolie ou de passion. […] Puis de là elle revint au théâtre de Rouen, où elle joua seulement les jeunes premières, toujours très accueillie et goûtée du public ; mais elle ne chantait plus : « À vingt ans, dit-elle, des peines profondes m’obligèrent de renoncer au chant, parce que ma voix me faisait pleurer ; mais la musique roulait dans ma tête malade, et une mesure toujours égale arrangeait mes idées, à l’insu de ma réflexion. » La musique commençait à tourner en elle à la poésie ; les larmes lui tombèrent dans la voix, et c’est ainsi qu’un matin l’élégie vint à éclore d’elle-même sur ses lèvres. […] Cinq ans après, en 1827-1828, lorsqu’une nouvelle troupe anglaise revint à la charge pour représenter Shakspeare, un grand progrès s’était accompli dans l’intervalle chez les esprits cultivés ; les idées du journal le Globe avaient fait leur chemin dans la jeunesse.
Jusque-là, cette poésie, en ce qu’elle avait de particulier, et j’oserai dire d’essentiel, semblait décidément subalterne, inférieure à la prose, incapable dans ses vieilles entraves d’atteindre à tout un ordre d’idées modernes et d’inspirations, qui s’élargissait de jour en jour. […] On saisira toute la portée de l’idée dont l’Italie n’est, à vrai dire, que la plus auguste figure. […] L’adorable drôlerie, A quoi rêvent les Jeunes Filles, imbroglio malicieux et tendre qu’on peut lire entre le Songe d’une Nuit d’Été ou Comme il vous plaira et le cinquième acte de Figaro, n’est que le gracieux persiflage de cette idée de chaos où il se joue, de même que Frank m’en paraît la personnification sombre, fatiguée et luttante. […] Mérimée, et pour mieux distinguer un talent contemporain qu’on n’a pas eu encore l’occasion d’analyser avec plus de détail, on citera ici un passage du Globe (janvier 1831) ; il y faut faire la part de la phraséologie légèrement saint-simonienne : « En relisant le Théâtre de Clara Gazul, toutes les autres productions de l’auteur me sont revenues à l’esprit, et je me suis confirmé dans l’idée que c’était l’un des artistes les plus originaux et les plus caractéristiques de cette époque souverainement individuelle.
Pour qui se complaît à ces ingénieuses et tendres lectures ; pour qui a jeté quelquefois un coup d’œil de regret, comme le nocher vers le rivage, vers la société dès longtemps fabuleuse des La Fayette et des Sévigné ; pour qui a pardonné beaucoup à Mme de Maintenon, en tenant ses lettres attachantes, si sensées et si unies ; pour qui aurait volontiers partagé en idée avec Mlle de Montpensier cette retraite chimérique et divertissante dont elle propose le tableau à Mme de Motteville, et dans laquelle il y aurait eu toutes sortes de solitaires honnêtes et toutes sortes de conversations permises, des bergers, des moutons, point d’amour, un jeu de mail, et à portée du lieu, en quelque forêt voisine, un couvent de carmélites selon la réforme de sainte Thérèse d’Avila ; pour qui, plus tard, accompagne d’un regard attendri Mlle de Launay, toute jeune fille et pauvre pensionnaire du couvent, au château antique et un peu triste de Silly, aimant le jeune comte, fils de la maison, et s’entretenant de ses dédains avec Mlle de Silly dans une allée du bois, le long d’une charmille, derrière laquelle il les entend ; pour qui s’est fait à la société plus grave de Mme de Lambert, et aux discours nourris de christianisme et d’antiquité qu’elle tient avec Sacy ; pour qui, tour à tour, a suivi Mlle Aïssé à Ablon, où elle sort dès le matin pour tirer aux oiseaux, puis Diderot chez d’Holbach au Granval, ou Jean-Jacques aux pieds de Mme d’Houdetot dans le bosquet ; pour quiconque enfin cherche contre le fracas et la pesanteur de nos jours un rafraîchissement, un refuge passager auprès de ces âmes aimantes et polies des anciennes générations dont le simple langage est déjà loin de nous, comme le genre de vie et de loisir ; pour celui-là, Mlle de Liron n’a qu’à se montrer ; elle est la bienvenue : on la comprendra, on l’aimera ; tout inattendu qu’est son caractère, tout irrégulières que sont ses démarches, tout provincial qu’est parfois son accent, et malgré l’impropriété de quelques locutions que la cour n’a pu polir (puisqu’il n’y a plus de cour), on sentira ce qu’elle vaut, on lui trouvera des sœurs. […] Puisqu’on connaît le portrait de Mlle de Liron, puisque j’ai osé citer un passage de Mlle Aïssé malade, qui, en donnant une incomplète idée de sa personne, laisse trop peu entrevoir combien elle fut vive et gracieuse, cette aimable Circassienne achetée comme esclave, venue à quatre ans en France, que convoita le Régent, et que le chevalier d’Aydie posséda ; puisque j’en suis aux traits physiques des beautés que Mlle de Liron rappelle et à l’air de famille qui les distingue, je n’aurai garde d’oublier la Cécile des Lettres de Lausanne, cette jeune fille si vraie, si franche, si sensée elle-même, élevée par une si tendre mère, et dont l’histoire inachevée ne dit rien, sinon qu’elle fut sincèrement éprise d’un petit lord voyageur, bon jeune homme, mais trop enfant pour l’apprécier, et qu’elle triompha probablement de cette passion inégale par sa fermeté d’âme. […] Mlle de Lespinasse, après avoir pleuré amèrement et consacré en idée son Gustave, se prend un jour à M. de Guibert, l’aime avec le remords de se sentir infidèle à son premier ami, et meurt, innocente et consumée, dans les flammes et les soupirs. […] Elle en fut touchée dès l’abord, et dans ses scrupules elle eut l’idée de fuir ; mais, ne l’ayant pu, elle céda.
Celui-ci, s’il peut gagner passablement sa vie par une occupation quelconque, s’apercevra à peine qu’il a changé de condition ; tandis que celui-là, d’un ordre supérieur, regardera comme le plus grand des maux de se voir obligé de renoncer aux facultés de son âme, de faire sa compagnie de manœuvres, dont les idées sont confinées autour du bloc qu’ils scient, ou de passer ses jours, dans l’âge de la raison et de la pensée, à faire répéter des mots aux stupides enfants de son voisin. […] Otway, en mendiant le morceau de pain qui l’étouffa ; Gilbert, la tête troublée par le chagrin, avalant une clef à l’hôpital, sentirent bien amèrement à cet égard, quoique hommes de lettres, toute la vanité de la philosophie. » XXXV Voici un autre passage de l’Essai sur les Révolutions, où l’idée majestueuse de Dieu se fait jour comme un pressentiment ou comme un remords parmi les doutes, et manifeste l’immortalité de l’âme surnageant au scepticisme du jeune homme. […] Les philosophes se servirent de ces idées des peuples pour sanctifier de bonnes lois par le sceau de la religion, et le polythéisme, rendu sacré par le temps, embelli du charme de la poésie et de la pompe des fêtes, favorisé par les passions du cœur et l’adresse des prêtres, atteignit, vers le siècle de Thémistocle et d’Aristide, à son plus haut point d’influence et de solidité. » XXXVI Après les deux romans d’Atala et de René, il en ébaucha un troisième : le Dernier des Abencérages ; mais, à l’exception de l’incomparable romance : Combien j’ai douce souvenance, ce roman, entièrement d’imagination, ne fut qu’un roman français sans vérité et sans succès, très-inférieur aux deux autres. […] Molé, très-jeune encore, mais déjà mûr d’idées et souple de caractère ; M.
Il trouve dans la grande idée de la Providence le remède à l’accablante tristesse dont le spectacle des misères publiques frappe les cœurs honnêtes : par elle, sa raison voit clair, et dès qu’il comprend, il se redresse, il espère. […] Il fuyait trop la peine pour avoir beaucoup pensé, et l’on n’en attendra pas des idées bien neuves ni bien puissantes. Je ne sais même pas s’il convient de parler des idées de Régnier : rien de moins profond, de plus vague et de plus banal que la morale de Régnier. […] L’idée capitale de la Renaissance est passée dans les faits : la substitution des genres gréco-romains aux vieux genres français est définitivement acquise, et notre littérature, à peu près détachée du moyen âge, va se relier à l’antiquité.
Que chacun pense comme il veut, ou plutôt comme il peut, mais qu’il ne communique pas ses idées dès qu’elles sont de nature à pouvoir troubler le repos de la société. […] Il est à présent à l’école ; mais comme ici on ne songe pas à former les mœurs ou les manières des jeunes gens, et qu’ils sont presque tous nigauds, gauches et impolis, enfin tels que vous les voyez quand ils viennent à Paris à l’âge de vingt ou vingt et un ans, je ne veux pas que mon garçon reste assez ici pour prendre ce mauvais pli ; c’est pourquoi, quand il aura quatorze ans, je compte de l’envoyer à Paris… Comme j’aime infiniment cet enfant, et que je me pique d’en faire quelque chose de bon, puisque je crois que l’étoffe y est, mon idée est de réunir en sa personne ce que jusqu’ici je n’ai jamais trouvé en la même personne, je veux dire ce qu’il y a de meilleur dans les deux nations. […] Il prémunit tout d’abord son fils contre cette idée que les Français sont purement frivoles : Les froids habitants du Nord considèrent les Français comme un peuple frivole, qui siffle, chante et danse toujours : il s’en faut de beaucoup que cette idée soit vraie, quoique force petits-maîtres semblent la justifier.
Nous avons pu déjà nous faire une idée de la forme et de la qualité de l’esprit de Mme Geoffrin. […] On commence à se faire une idée de l’espèce de charme singulier et grondeur qu’exerçait autour d’elle le bon sens de Mme Geoffrin. […] Marmontel, en lui écrivant, avait paru croire que ces attentions dont une simple particulière était l’objet de la part des monarques, allaient faire une révolution dans les idées ; Mme Geoffrin le remet au vrai point de vue : Non, mon voisin, lui répond-elle (voisin, parce que Marmontel logeait dans sa maison), non, pas un mot de tout cela : il n’arrivera rien de tout ce que vous pensez. […] Ce que Mme Geoffrin eut de plus dans son gouvernement de salon bien autrement étendu et considérable, ce fut une raison plus ferme et plus à domicile en quelque sorte, qui faisait moins de frais et d’avances, moins de sacrifices au goût des autres ; ce fut ce bon sens unique dont Walpole nous a si bien rendu l’idée, un esprit non seulement délicat et fin, mais juste et perçant.
Dans toutes ces compositions Jasmin a une idée naturelle, touchante ; c’est une histoire, ou de son invention, ou empruntée à la tradition d’alentour. […] Elles ont toujours au cou le ruban que Jacques y attacha pour ma fête, l’an passé, quand elles venaient becqueter dans nos mains unies les moucherons d’or que nous choisissions. » Il faudrait citer le texte, pour donner idée de cette poésie toute rayonnante et scintillante encore au milieu de sa tristesse. […] La langue dans laquelle Jasmin écrit est le patois du Midi ; mais ce mot est bien vague et ne donnerait pas une juste idée de son doux idiome et du travail d’artiste avec lequel il l’a réparé. […] Il n’était content que quand il avait ramené aux champs son jeune Monsieur égaré, et quand il lui avait fait dire : « La campagne fut mon berceau, maintenant elle sera ma tombe : car j’ai compris la terre, j’ai sondé ce qu’elle vaut. » Ce jeune homme, égaré par les idées modernes, pourrait être caractérisé dans sa maladie morale avec plus de particularité sans doute et plus de ressemblance ; l’intention suffit pourtant ; l’auditeur achève la pensée.
Écrivain, il se recommande encore aujourd’hui par de véritables mérites : ses quatre volumes de Souvenirs sont d’une très agréable et instructive lecture ; ses tragédies, pour être appréciées, ont besoin de se revoir en idée et de se replacer à leur moment ; mais ses fables, ses apologues, plaisent et parlent toujours ; un matin, dans un instant d’émotion vraie et sous un rayon rapide, il a trouvé quelques-uns de ces vers légers, immortels, qui se sont mis à voler par le monde comme l’abeille d’Horace et qui ne mourront plus : c’est assez pour que, nous qui aimons à rechercher dans le passé tout ce qui a un cachet distinct et ce qui porte la marque d’une époque, nous revenions un instant sur lui et sur sa mémoire. […] Il provoquait des idées, un genre et un ordre de créations dont il cherchait vainement le poète autour de lui. […] Zaïre, d’après son opinion, n’était qu’une comédie. — Un jour, à la suite d’une discussion sur la tragédie, il avait dit à Arnault : « Faisons une tragédie ensemble. » Le poète avait répondu avec plus de fierté et de malice que de curiosité et de confiance : « Volontiers, général, mais quand nous aurons fait ensemble un plan de campagne. » Revenu en France avant que Bonaparte fût de retour d’Égypte, Arnault avait fait représenter sa tragédie des Vénitiens qui eut beaucoup de succès (16 octobre 1799) ; il la dédia « à Bonaparte, membre de l’Institut », et reconnut dans la dédicace que l’idée du cinquième acte était due au général. […] Celui-ci était plus prompt à lâcher un bon mot que disposé à s’ouvrir à ce qui s’éloignait de ses idées habituelles.
Ce qui compte et ce qui demeure, c’est ce qu’on a apporté de vérité positive . l’affirmation vraie se substitue à l’idée fausse en vertu de sa force intrinsèque et se trouve être, sans qu’on ait pris la peine de réfuter personne, la meilleure des réfutations. […] Plus nous nous accoutumerons à cette idée d’une conscience qui déborde l’organisme, plus nous trouverons naturel que l’âme survive au corps. […] Nous aurions certainement eu une psychologie dont nous ne pouvons nous faire aucune idée aujourd’hui — pas plus qu’on n’eût pu, avant Galilée, imaginer ce que serait notre physique : cette psychologie eût probablement été à notre psychologie actuelle ce que notre physique est à celle d’Aristote. Étrangère à toute idée mécanistique, la science eût alors retenu avec empressement, au lieu de les écarter a priori, des phénomènes comme ceux que vous étudiez : peut-être la « recherche psychique » eût-elle figuré parmi ses principales préoccupations.
Cependant son idée a fructifié, et aujourd’hui, sans qu’il y ait un vrai général digne de ce nom, l’armée catholique est assez bien rangée en bataille, réclamant cette liberté d’enseignement qui, une fois obtenue, lui rendrait toute sa sphère d’action et sa carrière d’avenir. […] Le roi Louis-Philippe, dont les idées particulières sont celles du xviiie siècle, mais dont la politique vise bien plutôt à la paix du présent qu’à l’avenir et aux longues pensées, n’est pas fâché de cette grande querelle qui en ajourne de plus périlleuses et qui prouve que les temps ont changé.
Sa collaboration devient d’autant plus difficile à saisir, qu’elle s’est fondue quelquefois dans des articles écrits avec Pierre Leroux, de telle sorte qu’on sent par moments les idées de l’un, le style de l’autre. […] — Quant à l’ancien Globe, celui d’avant la révolution de Juillet, « à l’influence considérable qu’il a eue dans l’histoire des lettres et de la philosophie au xixe siècle, on peut s’en faire une idée en lisant les deux tableaux que M.
Il est curieux de la voir, dans cette correspondance, protester à tout propos contre l’idée qu’on pouvait avoir de son crédit : « Je ne suis qu’une particulière assez peu importante ; je ne sais pas les affaires, on ne veut point que je m’en mêle, et je ne veux point m’en mêler. » Tantôt elle se compare avec pruderie à une ingénue de quinze ans : « Je suis un peu comme Agnès, je crois ce qu’on me dit, et ne creuse pas davantage. » Tantôt elle se vieillit avec une complaisance qui fait sourire : « Si vous me voyiez, madame, vous conviendriez, que je fais bien de me cacher : je ne vois presque plus ; j’entends encore plus mal ; on ne m’entend plus, parce que ma prononciation s’en est allée avec mes dents, la mémoire commence à s’égarer ; je ne me souviens plus des noms propres, je confonds tous les temps, et nos malheurs joints à mon âge me font pleurer comme toutes les vieilles que vous avez vues. » Sans croire tout à fait à ce renoncement absolu au monde, on est pourtant forcé de reconnaître qu’il y a dans ce langage de madame de Maintenon plus de manie que d’hypocrisie, et qu’à force de se faire, en paroles, insignifiante et inactive, elle l’était sur la fin réellement devenue. […] Avant de s’ajuster exactement aux différentes espèces d’idées, le langage est jeté à l’entour avec une ampleur qui lui donne l’aisance et la grâce ; mais quand le siècle d’analyse a passé sur la langue et l’a travaillée à son usage, on ne peut plus qu’admirer et regretter ce charme à jamais évanoui du grand âge littéraire ; on essayerait en vain d’y revenir à force d’art ; et la critique, qui sent tout ce qu’il a d’exquis, est dans l’impuissance de le définir sans l’altérer.
La génération surtout qui était venue trop tard pour participer à l’effervescence politique et s’embraser à l’illusion révolutionnaire évanouie vers 1824 ; cette génération étouffée, qui était au collège durant la plus belle ardeur de la Charbonnerie ; qui manquait la classe, le jour où l’on chassait Manuel, et qui, à son premier pas dans le monde, trouvant tout obstrué, allait se ronger dans la solitude ou se rétrécir dans les coteries ; cette génération cadette, dont Bories et ses compagnons furent les aînés, intelligente, ouverte, passionnée sans but, amoureuse indifféremment de Napoléon et de la République, de madame de Staël et de madame Roland, folle de René et des lettres de Mirabeau à Sophie, emportant sous le bras Diderot à la classe de rhétorique et Béranger à la classe de philosophie ; noble et chaleureuse jeunesse, qui se consuma trop longtemps dans des idées sans suite, dans des causeries sans résultat, dans d’interminables analyses ; dont les plus pressés s’affadirent si vite aux tièdes clartés des bougies, et s’énervèrent chaque soir dans l’embrasure de quelque fenêtre d’un salon doctrinaire ; cette génération-là surtout a souffert profondément, et a ressenti jusque dans la moelle de ses os la consomption de l’ennui et le mal rêveur. […] Qui veut comprendre un poète, doit le suivre dans l’ordre d’idées où son instinct le place de préférence : avant de juger son expression, il faut étudier les aspects qu’il a su découvrir, hors des voies battues par la foule.
Que de temps, que d’études, que d’observations rectifiées l’une par l’autre, que de recherches dans le présent et dans le passé, sur tous les domaines de la pensée et de l’action, quel travail multiplié et séculaire, pour acquérir l’idée exacte et complète d’un grand peuple qui a vécu âge de peuple et qui vit encore ! […] Ces forces sont la situation, les passions, les idées, les volontés de chaque groupe, et nous pouvons les démêler, presque les mesurer.
. — Un signe est une expérience présente qui nous suggère l’idée d’une expérience possible. […] Quand nous buvons, ou que nous marchons, ou que nous nous servons pour quelque effet de quelqu’un de nos membres, nous prévoyons, d’après un fait perçu, un fait que nous ne percevons pas encore ; les animaux font de même : à la couleur et à l’odeur d’un objet, ils le mangent ou le laissent. — Dans tous ces cas, une expérience présente suggère l’idée d’une autre expérience possible ; nous faisons la première et nous imaginons la seconde ; l’aperception d’un événement, objet ou caractère éveille la conception d’un autre événement, objet ou caractère.
Est-il nécessaire que l’ouvrier qui extrait les blocs de la carrière ait l’idée du monument futur dans lequel ils entreront ? […] Bien qu’il ne soit pas nécessaire que l’ouvrier ait la connaissance parfaite de l’œuvre qu’il exécute, il serait pourtant bien à souhaiter que ceux qui se livrent aux travaux spéciaux eussent l’idée de l’ensemble qui, seul, donne du prix à leurs recherches.
XIV Je sortirais de mon plan si je hasardais ici quelques idées d’une application pratique. […] Avec un million, je ferais pénétrer plus profondément les idées modernes dans la masse que ne ferait une génération de penseurs pauvres et sans influence.
L’idée ne leur vient pas plus qu’à moi qu’il y ait par ailleurs entre nous quelque différence. […] Ce brave homme a eu vraiment une idée de génie.
De plus, il y regne un ton dogmatique & magistral, qui décele un Auteur jaloux de ses petites idées, & indispose contre lui le Lecteur le plus porté à l’indulgence. C’est sur-tout à ce défaut de modestie & de bienséance, dans la maniere de présenter ses idées, que M. de la Harpe doit attribuer le peu de succès de ses Ouvrages, & le peu d’estime dont il jouit parmi les Littérateurs, parmi les Gens du monde, & même parmi les Philosophes, ses Protecteurs.
, Gerdès, hanté par l’idée qu’on pouvait interpréter un chapitre politique du livre comme une allusion à l’événement du jour, tout plein, au fond, de méfiance pour ce titre bizarre, incompréhensible, cabalistique, et qui lui semblait cacher un rappel dissimulé du 18 Brumaire, Gerdès, qui manquait d’héroïsme, avait, de son propre mouvement, jeté le paquet d’affiches au feu. […] » Au sortir de chez lui, il nous vient en chemin l’idée de faire pour le Théâtre-Français une revue de l’année dans une conversation, au coin d’une cheminée, entre un homme et une femme de la société, pendant la dernière heure du vieil an.
Ce passage effrayant remua les ténèbres ; Au bruit qu’ils firent, tout chancela ; la paroi Pleine d’ombres, frémit ; tout s’y mêla ; le roi Mit la main à son casque et l’idole à sa mitre ; Toute la vision trembla comme une vitre, Et se rompit, tombant dans la nuit en morceaux ; Et quand les deux esprits, comme deux grands oiseaux, Eurent fui, dans la brume étrange de l’idée, La pâle vision reparut lézardée, Comme un temple en ruine aux gigantesques fûts, Laissant voir de l’abîme entre ses pans confus. […] C’est la tradition tombée à la secousse Des révolutions que Dieu déchaîne et pousse ; Ce qui demeure après que la terre a tremblé ; Décombre où l’avenir, vague aurore, est mêlé ; C’est la construction des hommes, la masure Des siècles, qu’emplit l’ombre et que l’idée azure, L’affreux charnier-palais en ruine, habité Par la mort et bâti par la fatalité, Où se posent pourtant parfois, quand elles l’osent, De la façon dont l’aile et le rayon se posent, La liberté, lumière, et l’espérance, oiseau ; C’est l’incommensurable et tragique monceau, Où glissent, dans la brèche horrible, les vipères Et les dragons, avant de rentrer aux repaires, Et la nuée avant de remonter au ciel ; Ce livre, c’est le reste effrayant de Babel ; C’est la lugubre Tour des Choses, l’édifice Du bien, du mal, des pleurs, du deuil, du sacrifice, Fier jadis, dominant les lointains horizons, Aujourd’hui n’ayant plus que de hideux tronçons, Épars, couchés, perdus dans l’obscure vallée ; C’est l’épopée humaine, âpre, immense, — écroulée.
Au milieu de cette persécution injuste contre notre réformateur, il eut quelques partisans ; mais ils adoucirent son idée. […] On trouve, dans ceux qui furent appellés les deux lumières du barreau, des applications forcées, un assemblage d’idées singulières & de mots emphatiques, un ton insupportable de déclamateur ; quelques belles images, il est vrai, mais souvent hors de place ; le naturel sacrifié à l’art, & l’état de la question presque toujours perdu de vue.
Le mauvais goût, quand il est incorrigible, est une fausseté de jugement, un biais naturel dans les idées ; or, comme l’esprit agit sur le cœur, il est difficile que les voies du second soient droites, quand celles du premier ne le sont pas. […] Toutefois on aurait dû remarquer qu’il y a deux sortes de clartés : l’une tient à un ordre vulgaire d’idées (un lieu commun s’explique nettement) ; l’autre vient d’une admirable faculté de concevoir et d’exprimer clairement une pensée forte et composée.
Une expérience que je proposerais volontiers à l’homme de soixante-cinq ou six ans, qui jugerait les miennes ou trop longues, ou trop fréquentes, ou trop étrangères au sujet10, ce serait d’emporter avec lui, dans la retraite, Tacite, Suétone et Sénèque ; de jeter négligemment sur le papier les choses qui l’intéresseraient, les idées qu’elles réveilleraient dans son esprit, les pensées de ces auteurs qu’il voudrait retenir, les sentiments qu’il éprouverait, n’ayant d’autre dessein que celui de s’instruire sans se fatiguer : et je suis presque sûr que, s’arrêtant aux endroits où je me suis arrêté, comparant son siècle aux siècles passés, et tirant des circonstances et des caractères les mêmes conjectures sur ce que le présent nous annonce, sur ce qu’on peut espérer ou craindre de l’avenir, il referait cet ouvrage à peu près tel qu’il est. […] Aucune preuve n’a la même force, aucune idée la même évidence, aucune image le même charme pour tous les esprits ; mais je serais, je l’avoue, beaucoup moins flatté que l’homme de génie se retrouvât dans quelques-unes de mes pensées, que s’il arrivait à l’homme de bien de se reconnaître dans mes sentiments.
Section 33, de la poësie du stile dans laquelle les mots sont regardez en tant que les signes de nos idées, que c’est la poësie du stile qui fait la destinée des poëmes Ainsi la beauté de chaque partie du poëme, je veux dire la maniere dont chaque scene est traitée, et la maniere dont s’expliquent les personnes, contribuent plus au succès d’un ouvrage que la justesse du plan et que sa regularité ; c’est-à-dire, que l’union et la dépendance de toutes les differentes parties qui composent un poëme. […] Ces premieres idées qui naissent dans l’ame lorsqu’elle reçoit une affection vive et qu’on appelle communement des sentimens, touchent toujours, bien qu’ils soient exprimez dans les termes les plus simples.
Madame George Sand, dont le talent vieillit et prend des fanons de plus en plus tombants, a voulu — dans l’ordre des idées, bien entendu ! […] Elles auront été les trois seuls livres qui, à distance, pourront donner une idée du mouvement littéraire de cette année et de son intensité !
Le jeune Ernest Renan, quand il acceptait l’idée d’une vie ecclésiastique, n’imaginait rien d’autre que l’état d’un Malebranche qui fût prêtre et hardi penseur. […] Je l’ai rapproché d’un Stendhal, c’est pour fortement marquer mon idée et soulever tout de suite les objections.
Il convient aussi de rectifier, aux yeux du peuple, les idées très faussement populaires sur l’impôt. […] L’évêque sent juste, mais raisonne mal ; ce sont là des paradoxes qu’il est très dangereux de donner au peuple, car le peuple vit d’idées justes et non de rhétorique humanitaire. Les idées courtes de J. […] Rousseau ont contribué à produire les meurtres juridiques de 1793 ; les idées fausses de l’évêque produiraient la disette, la suppression du travail, l’extinction des salaires, la colère contre les riches et la mort des peuples. […] » Et il y a longtemps, bien longtemps avant la révolution de 1848, que cette idée lui est venue : car je me souviens parfaitement qu’avant 1848 il y pensait, il s’en occupait, il avait peut-être commencé à l’écrire.
Une amitié distinguée comme la vôtre offre des consolations au milieu des idées affligeantes qui naissent des dangers continuels auxquels on est exposé, et l’on regrette moins de les avoir courus quand ils excitent les témoignages d’une estime aussi pure que celle que vous nous laissez voir. […] Mme d’Albany ne pouvait comprendre qu’un ami de Mme de Staël pardonnât si facilement ; elle ne pouvait comprendre qu’on se préoccupât encore des idées de 89 après tant de si horribles malheurs, après des déceptions si cruelles, et, quand elle reprochait au grave historien son irréflexion, sa témérité juvénile, peu s’en fallait, en vérité, qu’elle ne l’accusât de passions révolutionnaires. […] Moi, je continue à professer le même culte pour les idées libérales, la même horreur pour les idées serviles, le même amour pour la liberté civile et religieuse, le même mépris et la même haine pour l’intolérance et la doctrine de l’obéissance passive. […] Il y a deux ou trois hommes d’esprit et de sens : du reste, c’est une ignorance dans les nobles dont je ne me faisais pas l’idée. […] Et quelle bizarre idée de lui donner un gouvernement qui a de bien nombreux ennemis, en ôtant à ce pauvre bon roi qu’on lui fait prendre tous les moyens de se faire aimer, car les contributions et les troupes étrangères se confondent avec les Bourbons, quoiqu’ils en soient à beaucoup d’égards très affligés !
D’autre part, une pareille spéculation n’a rien qui ressemble à ce qu’on appelle métaphysique ; elle ne contient aucune idée a priori, aucun mot ontologique. […] Tant qu’il ne s’agit que du sentiment, on reste dans la sphère intérieure du moi, où ne se pose jamais le problème de la réalité objective de nos sentiments et de nos idées. […] En ce qui concerne le témoignage de la conscience, nous trouvons que la critique de l’école de Kant a son principe dans une fausse idée de ce témoignage. […] C’est que, si elles trouvent en elles-mêmes les éléments de cette philosophie, elles n’y trouvent pas l’idée maîtresse qui doit présider à leur synthèse. […] Comment en serait-il différemment dans un ordre de méthodes et d’idées qui ne dépasse pas l’expérience sensible ?
Il y a, il y avait, si l’on aime mieux, une idée que Victor Hugo n’a point donnée dans toute son intensité. […] La malencontreuse idée qu’ont eue les naturalistes, de ne s’attacher qu’à écrire et à raconter de vilaines choses, fausse les idées de la masse, qui ne peut voir l’art en eux, elle qui ne le voit en rien. […] Bien que chaque phrase rythmée doive former un tout, il y a un lien bien facile à saisir, un lien qui est dans l’idée extraite, pour ainsi dire, de l’idée de la phrase première, ou pour mieux dire, qui est l’expression seconde de cette idée. […] Buet qui a prouvé sa force en s’acquittant d’autres besognes : elle incombe tout entière aux idées dont il s’est fâcheusement inspiré. […] Il court par les maisons catholiques de librairie de singulières idées sur la manière d’écrire l’histoire.
Ce qui est sûr, c’est que je suis content de n’avoir plus à examiner et à juger les idées. […] Mais l’idée est assez gracieuse de faire souhaiter la bienvenue à la nouvelle reine de France par la Nymphe de la Seine. […] Pour moi je n’en avais pas une idée si haute, etc… Voilà le ton. […] Et il attendait qu’une belle idée s’emparât de son imagination. […] Car l’amour de Chimène et de Rodrigue est un amour glorieux et lyrique, et subordonné à un devoir, à une idée.
Vous êtes entré dans une voie que vous ne sauriez suivre jusqu’au bout sans mettre en péril une foule d’idées qui vous sont encore chères et sacrées. » Nous sommes avertis, en effet, par l’auteur dans la courte préface qu’il a mise en tête, que ce volume renferme « des manières de dire et de penser qui lui sont devenues à peu près étrangères ». […] D’un côté, on s’étonne qu’un si grand et, à certains égards, un si puissant esprit ait pu se faire autant d’illusion sur la valeur de ses idées ; on rougit pour l’auteur de la faiblesse, nous dirions presque de la puérilité de son argumentation. […] Il porte dans son esprit je ne sais quelle vision apocalyptique qu’il promène devant lui et qu’il projette dans les différentes sphères d’idées et de passions qu’il traverse.
Que ceux qui arrivent à conquérir et à admirer ces fortes choses à la sueur de leur front, en aient la satisfaction et l’orgueil, je ne trouve rien de mieux ; mais que des esprits médiocres et moyens se donnent les airs d’aimer et de préférer par choix ce qu’ils n’eussent jamais eu l’idée de toucher et d’effleurer en d’autres temps, voilà ce qui me fait sourire. […] Parny élégiaque est complet en soi : il n’appelle pas, comme Millevoye et quelques autres poètes souffrants et inachevés, l’idée de plus grand que soi, et ne fait point attendre ni désirer vaguement ce maître futur. […] Quand on lit Parny, il ne donne pas l’idée ni l’inquiétude de ce talent plus puissant.
Ce malheureux homme, au milieu de ses extravagances, avait un vague instinct et un pressentiment de la destinée funeste qu’il se tramait de ses propres mains : il répétait souvent, parlant à la grande-duchesse elle-même, quand elle essayait encore de le ramener à l’idée du rôle qu’il aurait à remplir, « qu’il sentait qu’il n’était pas né pour la Russie, que ni lui ne convenait aux Russes, ni les Russes à lui, et qu’il était persuadé qu’il périrait en Russie. » Les Anciens avaient personnifié l’imprudence et l’aveuglement des hommes sous la figure d’une déesse aussi terrible que Némésis, aussi inévitable que la Destinée elle-même : Atè, c’était son nom. […] » Sans vouloir contredire aux idées d’un vieillard, et les regardant d’ailleurs comme un pur radotage, elle n’avait pas, dit-elle, mordu à cette amorce, par la raison « qu’elle regardait le projet comme nuisible à l’Empire, que chaque querelle entre un époux qui, ne l’aimait pas, et elle, aurait, déchiré » :— C’est qu’aussi elle ne marchandait point en fait de puissance, et qu’elle voulait être Impératrice, comme elle l’a dit, de son chef ; sinon, elle aimait mieux n’être rien : aut Cæsar, aut nihil. […] Ce dernier sentiment, celui du chagrin, je le réprimais infiniment plus que tous les autres ; la fierté de mon âme et sa trempe me rendaient insupportable l’idée d’être malheureuse ; je me disais : “Le bonheur et le malheur est dans le cœur et dans l’âme d’un chacun ; si tu sens du malheur, mets-toi au-dessus de ce malheur, et fais en sorte que ton bonheur ne dépende d’aucun événement.”
Dans les premières séances des États-Généraux, ému de ces grandes scènes, Frochot écoutait : mandataire scrupuleux et honnête, « il ne voulait être d’aucun parti, si ce n’est du parti de ses cahiers. » Pourtant il n’y put tenir, et, dès le mois d’octobre 80, il entra, pour n’en plus sortir, dans la sphère d’idées et d’action où présidait l’astre tout-puissant du grand tribun. […] « Si je revenais à la vie, disait Mirabeau, je ferais un bon mémoire sur l’art d’être garde-malade : c’est Frochot qui m’en a suggéré l’idée. » Et à un moment où, la fièvre s’apaisant au matin, Mirabeau faisait approcher son lit de la fenêtre, il dit à Frochot en regardant le soleil qui commençait à luire : « Mon ami, si ce n’est pas là Dieu, c’est son cousin germain. » Et le priant de lui soulever la tête : « Je voudrais pouvoir te la laisser en héritage. » Frochot refusa tout legs testamentaire. […] Frochot. » — On a des lettres écrites par Frochot dans ces premiers instants d’anéantissement à son ami Regnaud, à M. de Montalivet : elles sont vraies et touchantes5 ; elles ajoutent à l’idée honorable qu’on peut se faire de cet excellent homme, à qui il arriva comme à tel bon général de perdre en une seule et dernière journée de défaite une réputation justement acquise et jusque-là des mieux méritées.
Tout cela est plein de combinaison, plein d’un art ingénieux sans doute ; mais on a quelque peine à saisir l’idée, à la dégager de l’entourage qui l’enchâsse. […] Puis, quand arrive par places l’idée du mythe, elle tranche nettement avec tout le détail enjoué de narration qui a précédé : on n’était pas suffisamment averti, rien n’avait transpiré ; cet ensemble ne s’annonçait pas environné d’assez de vapeur. […] (Mon désir d’être exact me fait ajouter un seul mot : ce portrait, jugé par des personnes qui voient de près l’auteur, leur a paru présenter l’idée d’une personne plus agitée ou plus résignée que ne l’est, que n’a besoin de l’être une âme si calme, si réglée, si bien établie dans les affections douces et dans les études solides.
Dans une monarchie, il est condamné à l’adoption de toutes les idées reçues, à l’importance de toutes les formes établies : s’il étonne, il fait ombrage, s’il reste le même, on croit qu’il s’affaiblit. […] Une révolution suspend toute autre puissance que celle de la force ; l’ordre social établit l’ascendant de l’estime, de la vertu : les révolutions mettent tous les hommes aux prises avec leurs moyens physiques ; la sorte d’influence morale qu’elles admettent, c’est le fanatisme de certaines idées qui n’étant susceptible d’aucune modification, ni d’aucune borne, sont des armes de guerre, et non des calculs de l’esprit. […] Mais quand la cause des révolutions est l’exaltation de toutes les idées de liberté, il ne se peut pas que les premiers chefs de l’insurrection conservent de la puissance ; il faut qu’ils excitent le mouvement qui les renversera les premiers ; il faut qu’ils développent les principes qui servent à les juger : enfin, ils peuvent servie leur opinion, mais jamais leur intérêt, et dans une révolution le fanatisme est plus sensé que l’ambition.
il a vieilli dans les affaires sans y prendre une idée, sans atteindre à un résultat, cependant il se croit l’esprit des places qu’il a occupées ; il vous confie ce qu’ont imprimé les gazettes ; il parle avec circonspection même des ministres du siècle dernier ; il achève ses phrases par une mine concentrée, qui ne signifie pas plus que les paroles ; il a des lettres de ministres, d’hommes puissants, dans sa poche, qui lui parlent du temps qu’il fait, et lui semblent une preuve de confiance ; il frémit à l’aspect de ce qu’il appelle une mauvaise tête, et donne assez volontiers ce nom à tout homme supérieur ; il a une diatribe contre l’esprit à laquelle la majorité d’un salon applaudit presque toujours, c’est, vous dit-il, un obstacle à bien voir que l’esprit, les gens d’esprit n’entendent point les affaires. […] Une femme qui se croit remarquable par la prudence et la mesure de son esprit, et qui n’ayant jamais eu deux idées dans la tête, veut passer pour avoir rejeté tout ce qu’elle n’a jamais compris, une telle femme sort un peu de sa stérilité accoutumée, pour trouver mille ridicules à celle dont l’esprit anime et varie la conversation : et les mères de famille, pensant, avec quelque raison, que les succès mêmes du véritable esprit ne sont pas conformes à la destination des femmes, voient attaquer avec plaisir celles qui en ont obtenu. […] Mais c’est dans la marche intérieure de la révolution, qu’on peut observer l’empire de la vanité, du désir des applaudissements éphémères, du besoin de faire effet, de cette passion native de France, et dont les étrangers, comparativement à nous, n’ont qu’une idée très imparfaite. — Un grand nombre d’opinions ont été dictées par l’envie de surpasser l’orateur précédent, et de se faire applaudir après lui ; l’introduction des spectateurs dans la salle des délibérations a suffi seule pour changer la direction des affaires en France.
Il est vrai que le souvenir de leur sexe peut également se retourner contre elles… En somme, soit que l’idée d’un autre charme que celui de leur style agisse sur nous, soit qu’au contraire l’effort de leur art et de leur pensée nous semble attenter aux privilèges virils, il est à craindre que nous ne les jugions avec un peu de faveur ou de prévention, qu’elles ne nous plaisent à trop peu de frais dans les genres pour lesquels elles nous semblent nées (lettres, mémoires, ouvrages d’éducation), et qu’elles n’aient, en revanche, trop de peine à nous agréer dans les genres que nous considérons comme notre domaine propre (poésie, histoire, critique, philosophie). […] Leurs plus éminentes qualités me semblent presque incompatibles avec l’idée que je me fais, peut-être naïvement et faussement, du charme féminin. […] D’abord l’invention des idées et de la forme (chose difficile à définir, car où commence l’invention ?)
Gaston Deschamps Un mauvais sujet qui fut un brave homme ; — un pauvre diable qui faisait des vers comme un ange ; — un bohème qui donne l’idée d’un vrai poète ; — un Villon buveur d’absinthe ; — un Hégésippe Moreau moins geignard ; — un La Fontaine dénué de sérénité ; — un Henri Heine moins cosmopolite… tout cela avec un curieux mélange de Parny, de Dorat, de Pigault-Lebrun. […] D’abord il semble ne confesser, n’extérioriser, n’exalter que lui-même, mais il se trouve que cet être choisi est tellement d’accord avec les idées de son siècle, avec l’incessante évolution de l’humanité, qu’il s’affirme : la conscience de tous. […] Cette exaltation violente et sacrée, cette fusion du cœur dans les brasiers du cœur d’un Dieu, cet amour gratuit, affolé, absolu, au-delà de l’enfer et du ciel, au-delà de toute idée de récompense ou de châtiment, cette transe divine n’avait jamais été traduits ainsi, ni dans la littérature française ni dans aucune littérature moderne.
Tu seras saisi de respect, d’admiration & d’enthousiasme, lorsque le vulgaire ne sera pas même ému ; tu seras pour ainsi dire le point vivant ou viendront se refléchir les merveilles diverses de la Nature, & ton amour invincible pour le vrai, pour le bon, te donnera chaque jour une idée flatteuse de la sublimité de ton ame. […] Alors dans les vastes pensées d’une sublime méditation, le livre antique lui tombe des mains, le soufle inspirateur se répand dans son ame, son cœur s’échauffe ; son imagination s’allume, un frémissement délicieux coule dans ses veines, l’enthousiasme le saisit ; sur des aîles de feu, son esprit s’élance, il franchit les limites du monde, il plane au haut des Cieux : là, il contemple, il embrasse la vertu dans sa perfection, il s’enflamme pour elle jusqu’au ravissement & à l’extase, je vois son front riant tourné vers le Ciel, des larmes de joie coulent de ses yeux, l’amour sacré du genre humain pénetre son cœur d’une vive tendresse, son sang bouillonne ; la rapidité de ses esprits entraîne celles de ses idées ; c’est alors qu’il peint avec sentiment, qu’il lance les foudres d’une mâle éloquence, qu’il crée ces chefs-d’œuvres l’admiration des siécles ; il donne l’ame, la vie, ou plutôt il embrâse tout ce qu’il touche. […] La gloire elle-même vaut-elle le plaisir réel & sensible, de vous communiquer vos idées, d’aggrandir mutuellement vos connoissances, de mêler les trésors de vos ames, de vivre en freres, en amis, honorés & vertueux.
N’ayant nulle idée du monde, accoutumé à son aimable communisme galiléen, il lui échappait sans cesse des naïvetés, qui à Jérusalem pouvaient paraître singulières 947. […] Mais moi, je suis le bon berger ; je connais mes brebis ; mes brebis me connaissent ; et je donne ma vie pour elles 977. » L’idée d’une prochaine solution à la crise de l’humanité lui revenait fréquemment : « Quand le figuier, disait-il, se couvre de jeunes pousses et de feuilles tendres, vous savez que l’été approche. […] La Sagesse de Dieu a eu bien raison de dire 987 : « Je vous enverrai des prophètes, des sages, des savants ; vous tuerez et crucifierez les uns, vous ferez fouetter les autres dans vos synagogues, vous les poursuivrez de ville en ville ; afin qu’un jour retombe sur vous tout le sang innocent qui a été répandu sur la terre, depuis le sang d’Abel le juste jusqu’au sang de Zacharie, fils de Barachie 988, que vous avez tué entre le temple et l’autel. » Je vous le dis, c’est à la génération présente que tout ce sang sera redemandé 989. » Son dogme terrible de la substitution des gentils, cette idée que le royaume de Dieu allait être transféré à d’autres, ceux à qui il était destiné n’en ayant pas voulu 990, revenait comme une menace sanglante contre l’aristocratie, et son titre de Fils de Dieu qu’il avouait ouvertement dans de vives paraboles 991, où ses ennemis jouaient le rôle de meurtriers des envoyés célestes, était un défi au judaïsme légal.
Au grand quartier général, dit-il, on ne jugeait que les résultats, sans penser à ce qu’ils coûtaient, et l’on n’avait aucune idée de la situation de l’armée ; mais en prenant le commandement d’un régiment, il fallut entrer dans tous les détails que j’ignorais, et connaître la profondeur du mal. […] Quand la santé résiste aux souffrances physiques, le courage apprend bientôt à les mépriser, surtout quand il est soutenu par l’idée de Dieu, par l’espérance d’une autre vie ; mais j’avoue que le courage m’abandonnait en voyant succomber sous mes yeux des amis, des compagnons d’armes, qu’on appelle, à si juste titre, la famille du colonel, et qu’il semblait ici n’avoir été appelé à commander que pour présider à leur destruction. […] Pourquoi Vauvenargues n’a-t-il pas eu simplement l’idée de faire le journal de son régiment ?
Il est difficile de se former une idée nette des objets, lorsqu’ils sont trop en petits. […] Chardin donne une idée complette de la Perse, de sa religion, de ses usages, de ses mœurs, de ses coutumes, &c. […] Le parallèle des anciens peuples avec les Amériquains suppose une grande connoissance de l’antiquité ; mais il est plus ingénieux que sensé ; & s’il y a dans ce livre beaucoup de choses intéressantes, il y a aussi un grand nombre d’idées fausses.
Il est aisé de voir qu’elle n’est que l’effet d’une communauté d’idées facile à constater. […] Furetière, d’ailleurs, ne s’est pas toujours borné, ainsi qu’on a voulu le faire croire, à critiquer les vices et les ridicules particuliers à son temps : le Tarif des partis sortables en mariage, l’Inventaire de Mytophilacte et la Somme dédicatoire, où se trouve formulée l’idée de l’association des gens de lettres telle que nous l’avons aujourd’hui, sont de la satire générale et éternelle. […] Non, bien loin de vouloir donner une pareille idée de Furetière, j’avouerai toujours qu’il est un des meilleurs satyriques que nous ayons, et qu’il ne le cède en rien de ce côté à M.
Il faut le citer pour donner une idée de cette correcte et insignifiante manière, qui ne manque absolument que… de tout, en croyant ne rien oublier. […] Si encore on voyait le pied, qui était joli, on se consolerait peut-être, mais le pied n’est plus ; la grâce, la beauté, la figure de la femme qui faisait croire qu’elle était spirituelle à tous les hommes qu’elle grisait avec un sourire, ont disparu, et il reste ça pour en donner l’idée. […] , Adrien et Mathieu de Montmorency, Lémontey (qui n’y est pas assez), toute une société, enfin, de gens très comme il faut, mais qui n’ont sur rien une idée nouvelle, et qui ne savent que geindre entre eux parce que Napoléon envoyait Madame de Staël à Coppet, vivre en millionnaire dans le plus pittoresque pays d’Europe, quand elle tenait à épigrammatiser contre l’Empire sur le bord de son ruisseau de la rue du Bac.
voilà une idée généreuse ! […] Pierre Vous qui n’admettez cartésiennement que les idées claires et distinctes, vous parlez par énigmes. […] Dans l’hypothèse du mythe platonicien une seule et même idée suffit pour toute la lignée des génies à travers l’espace et le temps. […] On ne peut trop savoir gré à l’esprit et au caractère du bon maître, dont il abomine forcément les idées. […] Les assauts d’idées doivent être menés sans faiblesse.
Agile et sinueuse, la conversation est pour lui comme le vol pour un oiseau : d’idées en idées, il voyage, alerte, excité par l’élan des autres, avec des bonds, des circuits, des retours imprévus, au plus bas, au plus haut, à rase terre ou sur les cimes, sans s’enfoncer dans les trous, ni s’empêtrer dans les broussailles, ni demander aux mille objets qu’il effleure autre chose que la diversité et la gaieté de leurs aspects. […] Le cardinal de Rohan a une aube brodée en point à l’aiguille qu’on estime à plus de 100 000 livres, et sa batterie de cuisine est en argent massif242. — Rien de plus naturel avec l’idée qu’on se faisait alors de l’argent ; épargné, entassé, au lieu d’un fleuve, c’était une mare inutile et qui sentait mauvais. […] Non seulement il fallait ne pas heurter, mais encore il fallait plaire ; on était tenu de s’oublier pour les autres, d’être toujours pour eux empressé et dispos, de garder pour soi ses contrariétés et ses chagrins, de leur épargner les idées tristes, de leur fournir des idées gaies. « Est-ce qu’on était jamais vieux en ce temps-là ! […] Le récit qu’on en ferait serait un résidu insipide ; est-ce que le libretto d’un opéra donne l’idée de cet opéra Si vous voulez retrouver ce monde évanoui, cherchez-le dans les œuvres qui en ont conservé les dehors ou l’accent, d’abord dans les tableaux et dans les estampes, chez Watteau, Fragonard et les Saint-Aubin, puis dans les romans et dans les comédies, chez Voltaire et Marivaux, même chez Collé et chez Crébillon fils270 ; alors seulement on revoit les figures, on entend les voix. […] À Brunoy, chez Monsieur, elles sont si grivoises294 que le roi se repent d’y être venu ; « on n’avait pas l’idée d’une telle licence ; deux femmes qui étaient dans la salle sont obligées de se sauver, et, chose énorme, on avait osé inviter la reine ».
Il y a loin de là, sans doute, aux futiles questions d’art, de langue, de prose ou de vers ; mais l’art, la langue, la prose ou les vers ne sont que les formes des idées ; c’est le fond qu’il faut d’abord considérer, si nous voulons que ce cours de littérature universelle soit en même temps un cours de pensée et de raison publique. […] V Les littérateurs politiques plus récents, tels que M. de Bonald, M. de Maistre et leurs sectaires, hommes de réaction et non d’idées, sont tout simplement des contre-sophistes. […] Ses missions donnent l’idée d’un Socrate ambulant qui, au lieu de prêcher de rue en rue et de porte en porte dans la petite bourgade d’Athènes, prêche de royaume en royaume et répand son esprit sur trois cent millions d’auditeurs. […] « Du souverain au sujet, « Du père aux enfants, « De l’époux à l’épouse et à la pratique des cinq vertus capitales qu’il suffit de vous nommer pour faire naître en vous l’idée de leur excellence et l’obligation de les accomplir. […] Il contenait pourtant pour les hommes une idée éternelle.
Nous ne voyons que les livres saints qui puissent donner idée à l’Europe de la manière dont ce précieux monument a été combattu, attaqué, calomnié pendant quatorze siècles. […] Dans l’idée chinoise, tout cela ne passe pas les bornes du culte civil, et c’est même un devoir indispensable pour un être raisonnable et un homme bien né. […] Comment s’y prendre pour détruire des idées aussi fausses ? […] L’imprimerie, immémorialement inventée et exercée dans l’empire, y fait respirer la pensée publique comme l’air ; chacun peut imprimer et afficher, à son gré, toutes ses idées ; c’est la représentation nationale universelle par la littérature, sur la place publique et sur toutes les murailles des villes ou des campagnes. […] Il reprend ensuite en ces termes : « Quant à moi, plus j’ai étudié et compris l’histoire, plus je me suis confirmé dans l’idée de ne pas laisser connaître, en mon vivant, le choix que j’aurai fait de mon successeur.
Mon plaisir le plus vif, c’était la musique des bouffes au théâtre nouveau ; mais toujours cette mélodie, si délicate qu’elle fût, me laissait dans l’âme un long et triste murmure de mélancolie ; et alors s’éveillaient en moi, par milliers, les idées les plus sombres et les plus funestes. […] Cette première impression de Paris s’est si profondément gravée dans ma tête que maintenant encore (c’est-à-dire au bout de vingt-trois ans) elle est encore dans mes idées et dans mon imagination, bien que sur beaucoup de points ma raison la combatte et la condamne. […] C’est de lui que me vint l’idée de mettre au théâtre la conjuration des Pazzi. […] Si elle était Allemande par la naissance et par le nom, elle était surtout Française par le tour de ses idées, et tous les prestiges de la grâce étaient encore embellis chez elle par une merveilleuse vivacité d’esprit. […] J’ai pensé à tout ce qui pouvait vous être de plus décent et agréable, et j’ai eu la consolation que le Saint-Père a eu la bonté d’approuver toutes mes idées.
L’idée de cet ouvrage, quoique souvent interrompu, repris à de longs intervalles et toujours par fragments, et sans que j’eusse aucun plan écrit, était néanmoins restée très fortement empreinte dans mon cerveau. […] Mais, n’étant point encore assez maître de la langue et de la rime, je m’y étais rompu les cornes ; et, craignant de ne pouvoir jamais y réussir, du moins pour le style et la versification, j’en avais à peu près abandonné l’idée. […] Il faut, pour s’en faire une idée, lire ce sordide recueil d’invectives rimées dans lequel il épanche de sang-froid ses déboires. […] En 1796, il lui vint en idée d’apprendre le grec par des procédés solitaires que le dernier des hellénistes lui aurait épargnés ; mais il aurait été obligé d’avouer à quelqu’un son ignorance. […] Du reste, le plus grand ennui et le plus oppressif, la corvée de loger le soldat, la commune de Florence eut l’heureuse idée de m’en exempter en qualité d’étranger, et comme ayant une maison étroite et trop petite.
Le genre d’observations qui est propre à Duclos est sensé, rapide, mais d’une nature très sobre : J’ai cru devoir donner, dit-il, une idée de l’état de la France et de la cour de Charles VII, pour faire mieux entendre ce qui regarde son successeur : on verra que Louis XI, né et élevé au milieu de ces désordres, en sentit les funestes effets. […] c’est beaucoup qu’il fallait dire, et si l’on ne voulait pas, comme l’abbé Le Grand, les énumérer dans leur richesse, il fallait du moins y insister davantage, pour prouver l’extrême détresse et pénurie, pour donner une juste idée de la disproportion qu’il y avait entre les magnifiques objets mis en gage et l’argent prêté dessus. […] Si l’on mettait les deux portraits sur deux colonnes en regard, on aurait idée du sans-gêne avec lequel Duclos en a usé dans ses emprunts à peu près textuels. […] Parlant des insultes de nos côtes, de la descente des Anglais en Bretagne et du combat de Saint-Cast, où ils furent vaillamment rejetés à la mer (septembre 1758), Duclos, après avoir cité quelques actions glorieuses de cette journée toute bretonne et toute française, ajoute avec une vigueur d’ironie patriotique : « On vit dans cette occasion ce que peut la persuasion la plus légère d’avoir une patrie. » Dans cet examen rapide de Duclos historien, mon intention n’a pas été de diminuer l’idée qu’on doit avoir de son esprit, mais seulement de bien montrer à quoi s’est réduit son travail.
Causant vers ce temps-là (novembre 1736) avec le maréchal de Noailles qui revenait de l’armée d’Italie, et entendant ce maréchal se plaindre de n’avoir pas été aidé du côté de Versailles, à ce terrible mot M. d’Argenson s’empressait de tourner court et de parler d’autre chose, par exemple, de matières de droit public et des biens allodiaux de la Toscane ; « car les bruits sont grands aujourd’hui, disait-il, de brigues contre le premier ministre » ; et la seule idée d’en être informé l’effrayait : À propos de cet article, dit-il, je donnerai avis à mes enfants de ne se jamais fourrer dans toutes ces intrigues de cour. […] Il me semble que dans ces pages d’Argenson s’élève, et qu’après avoir donné l’idée de quelque homme de bien et de quelque Turgot ministre, il va jusqu’à embrasser l’idéal d’un Richelieu et d’un Pitt, d’un de ces puissants serviteurs du monarque, du public et de la patrie, et qui ne distinguent plus leur égoïsme personnel de la grandeur et de l’intérêt universel ; et il y oppose moins encore son propre frère que la race de ces hommes politiques du xviiie siècle, qui avaient presque tous en eux du Maurepas, c’est-à-dire quelque chose de radicalement léger et frivole, de fat, de moqueur, de non sérieux, et, avec de l’habileté quelquefois et beaucoup d’esprit, le contraire du grand18. […] On l’avait fait passer en dernier lieu près du roi pour « incapable de toutes affaires publiques (pour un utopiste comme nous dirions)19 ; et toutes voies désormais lui étaient fermées. » Le fond de son cœur, à cette occasion, nous est révélé dans une sorte d’épanchement involontaire qui se trouve au milieu de ses Remarques sur ses lectures, et qui a pour titre assez singulier, De la Providence : « Que l’idée de la Providence est aimable ! […] Je me bornerai à dire avec lui : « N’ayant aucune intrigue à la Cour, il est aisé de sentir ce qui en arrive : tout ce qu’on fait de bien est peu senti, ou est attribué à d’autres, et la moindre faute qu’on peut faire devient un crime qui vous met à découvert. » Et à un autre endroit, trouvant à son fils M. de Paulmy, alors ambassadeur en Suisse, quelques-unes des qualités de mesure, d’insinuation et d’adresse qu’il n’avait pas, il dit, par un retour sur lui-même et en indiquant le contraste : « Il loue…, il approuve, il sait réduire ses idées et les diminuer quand il faut ; on est bien heureux d’être de cette souplesse, car il faut plaire pour réussir ; les hommes sont plus difficiles que les affaires 20 ».
Une autre race de guerriers, que personnifie le nom de Catinat, ou, si l’on veut, de Vauban, est celle des militaires qui joignent aux qualités de leur profession des mérites presque contradictoires de penseurs, de philosophes, de raisonneurs ; ils jugent, ils ont des idées politiques, des vertus civiles ; une capacité de plus les complète, mais parfois aussi les complique ; ils y perdent un peu en relief s’ils y gagnent en profondeur. […] Le nom de Drouot52, par exemple, peut en donner la meilleure idée. […] Dès la première nuit passée sur le sable après le débarquement avec quelques onces de biscuit trempé dans de l’eau saumâtre, on prend une triste idée de l’avenir qui attend l’armée en Égypte : « Cependant aucun murmure ne se fit entendre : nous voulions égaler les Romains. » — Un jour, dans un campement près de Gaza où l’on n’avait trouvé que peu de ressources, comme des soldats s’étaient approchés de sa tente pour se plaindre, le général en chef leur dit « qu’ils n’égaleraient jamais les Romains, qui, dans ces mêmes lieux, avaient mangé leurs sacs de peau. » — « Général, ils n’en portaient pas, vos Romains », lui répondit un orateur. — « Cette répartie fit rire, ajoute Pelleport, et les murmures s’apaisèrent. » C’est égal, ces Romains, toujours nommés, restaient dans l’esprit de ces braves et les piquaient d’honneur. […] C’est ce sentiment-là, répandu dans ces pages et inspirant toute une vie, qui est fait pour toucher et pour donner à des générations bien différentes l’idée de toute une race d’hommes, laquelle, il faut l’espérer, n’est point perdue.
Comme rien n’est plus difficile que de faire l’histoire d’un salon et d’une personne qui n’a pas eu d’autre règne, parce que ces annales légères ne se fixent pas, que tout le monde les sait ou croit les savoir à un moment, et qu’ensuite, une ou deux générations disparues, on ne trouve plus rien que de vague et de fuyant dans le lointain, comme devant un pastel dont la poussière s’est envolée, je crois que le mieux, pour se faire aujourd’hui une idée précise de Mme de Luxembourg, serait de la prendre dans ses relations avec Jean-Jacques à Montmorency ; puis dans ses relations avec les Choiseul et avec Mme du Deffand ; ici, du moins, on a des témoignages écrits et qui ont de la suite. […] Elle n’a pas encore eu l’apparence d’inégalité ; mais, malgré la patte de velours qu’elle m’a toujours montrée, je ne puis me défendre de la crainte de la griffe dont on m’a tant parlé, et cette crainte me donne une contrainte insurmontable telle qu’il ne me vient pas une idée… » La crainte se trouve en défaut : ce premier séjour à Chanteloup, d’une semaine environ, se passe à la satisfaction de tous, et Mme de Choiseul n’a à donner que des louanges : « L’abbé (Barthélémy) part après-demain, écrit-elle à Mme du Deffand. […] Mme du Deffand est la plus difficile à conquérir et à persuader ; on la dirait jalouse ; elle ne peut s’accoutumer à l’idée de voir Mme de Luxembourg sur un si bon pied à Chanteloup ; cette femme distinguée, cette grande dame, même par rapport à elle, cette intime de tout temps avec qui elle passe sa vie, et qui la comble de témoignages d’affection, elle la crible en arrière d’épigrammes : « La maréchale de Luxembourg ne sait que devenir. […] On n’eut pas l’idée ni le loisir de se mettre à graver son portrait.
Egger, son gendre, — a eu l’idée d’ouvrir tous ce parc réservé et, moyennant quelques précautions indispensables, de faire jouir tout le monde du parterre où jusqu’ici (selon une expression heureuse) « quelques-uns seulement allaient discrètement cueillir quelques charmants boutons. » Ah ! […] Il mérite vraiment qu’on le distingue, qu’on lui recompose sa physionomie, et qu’avec les petites pièces qu’il a laissées, au nombre de cent environ, on se forme une idée un peu nette de sa destinée, de sa vie et de son talent. […] Trois savants hommes, dans la seconde moitié du siècle dernier, se sont attachés à le faire connaître, à dégager son œuvre, sa personnalité en tant que poète, Reiske, Ilgen et Meinecke : ces noms, familiers aux savants, présentent l’idée d’une érudition profonde unie à un goût sûr ; on ne court pas risque de s’égarer en les suivant, et en ayant de plus M. […] Un jour, d’honnêtes filles, de pauvres ouvrières trop peu occupées, ont l’idée d’offrir à Minerve un don, pour obtenir plus de travail et de commandes ; Léonidas les fait ainsi parler : « Nous, filles de Lycamédé, Athéno, Mélitée, Phinto et Glinis, ouvrières diligentes, consacrons la dîme de notre cher travail, ainsi que la quenouille laborieuse, la navette qui parcourt en chantant les fils de la trame, l’actif fuseau, ces paniers naguère pleins de laine, et ces spathes pesantes, offrande modeste : pauvres et n’ayant que peu, nous donnons peu. » Pauvres filles en effet !
Parler ensemble de la pairie, faire des vœux pour la prospérité de ses armes, se pénétrer réciproquement de l’honneur qu’il y a d’être martyr du zèle qu’on a mis à la servir, devancer par la pensée ses triomphes et sa gloire, telles étaient les idées que je me formais des moments que j’allais passer aux Sept-Tours jusqu’à l’époque de notre délivrance commune. » Il arrangeait sa persécution à souhait et se faisait en idée un martyre commode. […] La difficulté d’y trouver un maire tient à plusieurs causes : d’abord à ce qu’ici comme partout ailleurs les anciens fonctionnaires capables d’administrer ont passé en Allemagne, à la suite de la conquête ; — en second lieu, parce que Worms est une ville de plaisir, où, hors les affaires personnelles de commerce ou de propriété, on se soucie fort peu de se donner d’autres occupations ; — en troisième lieu, parce que les idées et même les prétentions de l’ancienne ville libre et impériale y existent encore, avec plus ou moins de force, dans l’esprit et le cœur de ses habitants ; — 4°, parce que les soins d’un maire sur cette frontière sont pénibles et même dispendieux pour un homme qui a de l’honnêteté, et qui pourtant a un peu de cette avarice, laquelle est aussi un des principaux traits du caractère des habitants… » À Spire, c’était bien pis ; en 1813, le maire qu’on avait cru bon était décidément hostile à la France ; ses sentiments équivoques commencèrent à se démasquer avec nos revers : « Un reste de pudeur, écrivait Jean-Bon (28 mars 1843), lui fait sans doute garder encore une sorte de réserve, mais seulement ce qu’il en faut pour ne pouvoir pas être convaincu légalement de son aversion pour le gouvernement qui l’a cru digne de sa confiance. […] Mettant à l’écart la représentation dont la nécessité ne lui était pas démontrée, et le respect de certaines convenances dont il n’avait même pas l’idée, Jean-Bon, du reste, ne laissait rien à désirer : travailleur infatigable, administrateur toujours prêt, sévèrement juste sans acception de parti, il comblait les vœux du département que d’abord il avait effrayé.
Mais il est impossible que dans les dictées d’un homme de guerre d’une vocation aussi décidée il n’y ait pas de bonnes et fines remarques de détail (comme chez Montluc en son temps), des observations pratiques utiles au métier et d’autres qui touchent au moral de l’art et qui sont supérieures : Mes Rêveries en sont semées ; Napoléon, en les lisant, y a fait les deux parts10 ; et le comte Vitzthum a raison d’y signaler, à son tour, de bonnes et même de tout à fait belles pages : ainsi l’exposé de la bataille de Pultava, ainsi un curieux récit de l’affaire de Denain au point de vue du prince Eugène11 ; ainsi des réflexions sur la défaite de Malplaquet, sur la déroute de Ramillies ; de singulières anecdotes sur des paniques d’hommes et de chevaux même après la victoire gagnée, racontées à l’auteur par Villars ; mais surtout un admirable endroit sur l’idée du parfait général d’armée que le comte de Saxe avait vu à peu près réalisé en la personne du prince Eugène. […] Il eut beau écrire jusqu’au dernier moment au comte de Bruhl : « Prenez de mes idées ce qu’il vous plaira…, mais livrez-vous entièrement à la France, car les choses à demi faites ne valent rien » ; le roi de Pologne n’entra qu’à demi et d’un pied boiteux dans l’alliance française ; ses troupes assemblées se concertèrent plus volontiers avec Frédéric qu’avec nos généraux. […] … Les quarante mille hommes qu’il propose pour marcher au secours de la Saxe, en cas de danger, me paraissent fort suspects… J’aimerais autant y voir quarante mille loups. » Et sur ce remède pire que le mal, et dont la seule idée fait bondir le cœur resté saxon de Maurice : « Grand Dieu ! […] Le prochain volume (le XXIIIe) de la Correspondance impériale confondra une lettre de Napoléon au prince Berthier, major général de l’armée d’Espagne, la date du 6 janvier 1812 : « Mon cousin, il y a dans les Rêveries du maréchal de Saxe, parmi beaucoup de choses extrêmement médiocres, des idées sur la manière de faire contribuer les pays ennemis sans fatiguer l’armée, qui m’ont paru bonnes.
Rien ne peut à Paris donner l’idée de ces solennités qui émeuvent ici la terre et les airs. […] Par exemple, Mme Duchambge se reportait toujours en idée à ses jeunes rêves, et ne pouvait s’empêcher de se revoir telle qu’elle avait été autrefois ; à quoi Mme Valmore répondait : « (Le 9 janvier au soir, 1857)… Pourquoi t’étonnes-tu de retourner si jeune dans le passé ? […] » Mme Duchambge avait eu l’idée de demander un service réel à l’un de leurs visiteurs les plus agréables et les plus gentils de façons ; Mme Valmore lui répondait : « (10 février 1843)… Ton idée sur M.
une telle idée est-elle raisonnable vraiment ? […] De trop ingénieuses, de trop brillantes et à la fois bienveillantes critiques132 ont accueilli son récent volume pour que nous nous permettions d’y toucher en ce moment ; mais il ne dément en rien notre idée : persistance puissante, veine élargie ou plutôt grossie, et sans renouvellement. […] On voit l’idée ; elle est suivie et variée jusqu’au bout. […] La plus remarquable de ces pièces est (tome II, page 51) l’élégie imitée de l’allemand de Grillpanzer, l’Enfant heureux, dont l’idée refleurie avec grâce a fait depuis le plus frais bouton d’or de la couronne poétique de Reboul.
Elle manifestait son adoption des idées nouvelles par toutes sortes d’indices plus ou moins frivoles, par l’anglomanie dans les modes, par la simplicité du frac et des costumes : « Consacrant tout notre temps, dit M. de Ségur, à la société, aux fêtes, aux plaisirs, aux devoirs peu assujettissants de la cour et des garnisons, nous jouissions à la fois avec incurie, et des avantages que nous avaient transmis les anciennes institutions, et de la liberté que nous apportaient les nouvelles mœurs : ainsi ces deux régimes flattaient également, l’un notre vanité, l’autre nos penchants pour les plaisirs. […] Pourtant les dépêches écrites par M. de Ségur durant sa campagne d’Amérique avaient donné de sa prudence et de sa finesse d’observation une assez haute idée, pour qu’au retour M. de Vergennes songeât à le demander au maréchal son père, et à le lancer activement dans la carrière des négociations. […] Il y a dans ce rapprochement de famille de quoi faire naître plus d’une idée et sur la différence des époques et sur celle des manières littéraires. […] Aimable, jeune, empressé de plaire, il était naturel que M. de Ségur traversât à un moment l’idée auguste et mille fois conquérante.
La mémoire lui fournit les mots : les mots le mènent aux idées. […] Il n’y parle que de ses ennemis ; est-ce pour détourner de nous l’idée que le pire de ses ennemis, c’était lui-même ? […] Après ces deux années d’une douce vie passée en compagnie de deux amis dignes de lui, c’est-à-dire en compagnie plus intime avec lui-même, il revint à Paris, la tête débordant de poèmes, de plans, d’esquisses, où sont mêlées la science, la politique, la Bible, l’Amérique ; ambitieux de tout sentir et de tout rendre, de faire de la poésie l’organe inspiré de toutes les idées modernes, l’écho du passé et du présent, la voix prophétique de l’avenir. […] Ni les bergers de l’Astrée, ni les champs qui avoisinent Paris, trop peu cléments pour la vie en plein air que menaient les pâtres de Sicile et d’Italie, n’avaient pu leur donner l’idée de composer des idylles.
J’en révoque, bien entendu, toute imputation injurieuse et toute idée de déchéance. […] Quand Verlaine eut achevé les présentations, nous fûmes ravis d’apercevoir que nous abondions en idées communes. […] “romantiques”, comme, mais mieux que « naturalistes » — signifiait en nous désignant, mes trois Maudits et moi, et ceux d’entre les jeunes gens dont il a été parlé plus haut, qui avaient déjà publié des vers — amateurs de l’obscur, propagateurs de théories abstruses, absconses et tout ce qu’on voudra dans ce goût-là, et, par quelle étrange association d’idées ? […] C’est alors que l’idée nous vint de publier, sous sa signature, des sonnets du style décadent le plus pur, idoines, dirait Tailhade, « à exaspérer le Mufle ».
Et d’abord, vous êtes seuls au monde à la récompenser ; puis, vous ne récompensez que les plus humbles vertus ; puis, vous les récompensez si modestement que, si quelqu’un pouvait avoir l’idée de concourir en vue de vos médailles, oh ! […] Elle aimait beaucoup ce petit sucrier, qui représentait pour elle des privations, et, se voyant mourir, elle souffrait à l’idée qu’il passerait en des mains peut-être moins pures que les siennes. […] Le digne exécuteur testamentaire, ne sachant trop où chercher une personne qui remplît ces conditions, eut l’idée de s’adressera vous. […] Je l’ai regretté ; peut-être, en nous entendant avec M. le curé de Saint-Germain-des-Prés pour la condition du catholicisme, aurions-nous pu mettre en repos l’âme de la pauvre fille et l’assurer que son petit ménage, auquel elle tenait tant, passerait entre les mains d’une personne partageant toutes ses idées et toutes ses vertus.
Il y a de la simplification du profil dans le dessin tranchant de ces figures solennelles, imperturbablement tournées vers une idée fixe. […] L’idée divine s’épure et se perfectionne sans cesse dans ses drames. […] Les vers de ses dithyrambes semblent quelquefois, pris d’ivresse, exécuter une saltation sacrée autour de l’idée. […] Rien de lugubre comme ces ruines de l’œuvre d’Eschyle : images en lambeaux, idées lézardées, cratères vides de passions éteintes, questions de dialogues tronqués qui restent éternellement sans réponse, invocations qui crient dans le désert d’un texte effacé.
Dès ses débuts, bien qu’il semblât aspirer avant tout à la gloire du poète tragique, il avait quelque chose qui décelait le juge et l’arbitre, et qui excluait l’idée de camarade : cela déplaisait, et, même avant qu’il eût pris le sceptre ou la férule au Mercure et ailleurs, on le traita sans aucune indulgence et presque comme un ennemi commun. […] Mais une fois jeté en prison (avril 1794), détenu au Luxembourg, La Harpe, avec cette âpre personnalité qu’on lui connaît, s’étonna plus qu’un autre d’avoir été atteint ; l’idée de la mort lui apparut, son imagination lui fit tableau ; il fut en proie à un grand tumulte, et, dans ce bouleversement de tout son être, il sentit une révolution s’opérer en lui : il eut le coup de foudre, ce qu’on appelle le coup de la grâce, qui le renversa et le retourna. […] Plein de ces désolantes idées, mon cœur était abattu et s’adressait tout bas à Dieu que je venais de retrouver, et qu’à peine connaissais-je encore. […] Assailli d’une foule d’idées et de sentiments, je pleurai assez longtemps sans qu’il me reste d’ailleurs d’autre souvenir de cette situation, si ce n’est que c’est, sans aucune comparaison, ce que mon cœur a jamais senti de plus violent et de plus délicieux, et que ces mots : Me voici, mon Fils !
Cinquante lettres de Fénelon, adressées à l’ami des Vendôme, des Chaulieu et des La Fare, au futur pacha, c’est là une agréable bizarrerie qui manque à la destinée de Bonneval ; c’est aussi une variété de tolérance qui n’irait pas mal avec l’idée de Fénelon. […] Bonneval, après cette glorieuse campagne, eut l’idée de revoir sa patrie et de s’y faire relever de la condamnation qu’il avait encourue en désertant, et pour laquelle « il avait représenté en effigie à la Grève ». […] dans quel pays, dans quel ordre d’idées et de société put-on dire de lui, le jour de sa mort, ce mot qui est la plus enviable oraison funèbre : C’est une perte. […] Il ne se pouvait rien de plus flatteur pour ma rapide esquisse que d’avoir inspiré l’idée d’un si agréable et si touchant tableau.
Beaumarchais avait sur la musique dramatique des idées fausses : il croyait qu’on ne pourrait commencer à l’employer sérieusement au théâtre que « quand on sentirait bien qu’on ne doit y chanter que pour parler ». […] Malgré tout, il y a eu là une infusion d’idées, de hardiesses, de folies et d’observations bien frappées, sur lesquelles on vivra cinquante ans et plus. […] Quand on fut près de la cinquantième, Beaumarchais sentit qu’il fallait quelque peu d’invention pour doubler ce cap à pleines voiles ; et, comme la bienfaisance était chose très à la mode, il eut l’idée, très sincère en partie, d’y recourir. […] J’ai, après ce récit, à résumer plus d’une idée et sur le caractère de la société à cette date, et sur le caractère de l’auteur.
* * * — Là, devant la feuille blanche, quand on arrive avec son idée, indécise, vague, flottante, et qu’il faut couvrir cette feuille de papier, de pattes de mouches noires, donnant une solidification exacte, logique, rigoureuse, au brouillard de votre cervelle, les premières heures sont vraiment dures, sont vraiment douloureuses. […] Enfin, vers quatre heures, l’entraînement obtenu, et des idées, et des images, et la vision des personnages, — et de la copie presque coulante jusqu’au dîner, jusqu’à sept heures. […] Et dans l’escalier, ne pouvant garder le secret de sa conception, il se retourne tout à coup, et s’appuyant sur la rampe, il me dit : « Eh bien voilà mon idée… il y a de grands poteaux sur le boulevard… la question est de pouvoir obtenir, d’y faire mettre des flammes, sur lesquelles serait imprimé : « La Faustin, le 1er novembre, dans le Voltaire… » Certainement la police interviendra, les fera enlever, mais elles y seront tout un jour. […] * * * — Cette première scène de La Faustin, sait-on ce qui m’en a donné l’idée ?
Arsène , du plus haut de son esprit, contemple les hommes, et dans l’éloignement d’où il les voit, il est comme effrayé de leur petitesse : loüé, exalté, et porté jusqu’aux cieux par de certaines gens qui se sont promis de s’admirer réciproquement, il croit avec quelque mérite qu’il a, posséder tout celui qu’on peut avoir, et qu’il n’aura jamais : occupé et rempli de ses sublimes idées, il se donne à peine le loisir de prononcer quelques oracles : élevé par son caractère au-dessus des jugements humains, il abandonne aux âmes communes le mérite d’une vie suivie et uniforme, et il n’est responsable de ses inconstances qu’à ce cercle d’amis qui les idolâtrent ; eux seuls savent juger, savent penser, savent écrire, doivent écrire ; il n’y a point d’autre ouvrage d’esprit si bien reçu dans le monde, et si universellement goûté des honnêtes gens, je ne dis pas qu’il veuille approuver, mais qu’il daigne lire : incapable d’être corrigé par cette peinture qu’il ne lira point. […] Les comparaisons tirées d’un fleuve dont le cours, quoique rapide, est égal et uniforme, ou d’un embrasement qui, poussé par les vents, s’épand au loin dans une forêt où il consume les chênes et les pins, ne leur fournissent aucune idée de l’éloquence. […] L’on voit bien que l’Opéra est l’ébauche d’un grand spectacle ; il en donne l’idée. […] Corneille nous assujettit à ses caractères et à ses idées ; Racine se conforme aux nôtres : celui-là peint les hommes comme ils devraient être, celui-ci les peint tels qu’ils sont : il y a plus dans le premier de ce que l’on admire, et de ce que l’on doit même imiter ; il y a plus dans le second de ce que l’on reconnaît dans les autres, ou de ce que l’on éprouve dans soi-même.
S’il saisit l’idée russe, il comprendra les erreurs de notre peuple. […] Et ainsi le social ne sera-t-il jamais présenté en détail exact, en une peinture objective de la misère (comme par l’art de 1890), mais il sera toujours envisagé comme une perspective générale, enregistré dans les grandes idées humanitaires. […] De style viril, combattant toutes décadences et avant tout créatrice, elle ne s’attachera qu’à étudier les idées des hommes vivants et leurs œuvres. […] En 1915, Soffici, avec Palazzeschi et Papini, refusent les idées marinettistes tout en se proclamant futuristes dans Futurisme et Marinettisme.
Et puis, une fois que l’idée était venue d’un tel choix, comment résister à la mettre à exécution ? […] Il n’a pas dû résister à l’idée de faire (comme on disait autrefois au barreau) une action d’éclat.
Veut-on une idée de la manière triviale et burlesque dont un poëte éminent, comme sir Walter Scott, n’a pas rougi de travestir cette merveilleuse expédition d’Égypte, si féconde en prestiges, d’un grandiose si imposant, et d’une inutilité si glorieuse ? […] Et nous nous disions : Si, au lieu d’une Vie de Napoléon Bonaparte, Walter Scott avait eu l’idée d’écrire un roman historique où ce personnage eût joué un rôle, s’il avait saisi cette occasion pour peindre des scènes de la Révolution française et pour montrer en action quelques-uns des caractères principaux qui s’y rencontrent, il eût fait un ouvrage plus intéressant à coup sûr que son histoire, mais également plein de vues fausses, de descriptions superficielles, et de portraits de fantaisie : et pourtant Walter Scott a eu sur cette période contemporaine autant et plus de renseignements que sur les époques d’Ivanhoë, de Quentin Dthrward, d’Élisabeth, de Cromwell et des Puritains.
Pour le lire convenablement, et se pénétrer de l’esprit qui y respire, il convient de dépouiller bien des idées familières aux libéraux et aux républicains rationalistes, comme nous le sommes. […] Portez donc les tchamaras d’insurgés. » En maint endroit, et par des conseils directs ou sous forme frappante de parabole, le poète recommande aux siens de ne point se disputer entre eux sur leurs mérites réciproques, ni sur les préséances et décorations ; de ne pas crier volontiers au traître et à l’espion, comme font les gens aigris et désespérés ; de ne pas se distinguer les uns des autres en disant : « Je suis de la vieille armée, et toi de la nouvelle ; j’ai été à Grochow et à Ostrolenka, et toi tu n’as été qu’à Ostrolenka …, etc., etc. » ; mais de ne revenir en idée sur le passé qu’en se préparant à l’avenir, comme un homme qui veut franchir un précipice, ne recule que juste autant qu’il faut pour mieux s’élancer.
Elle n’a rien à faire avec le passé, ni l’avenir ; une suite d’instants présents composent sa vie ; et son âme, constamment en équilibre, ne se porte jamais avec violence sur une époque, ni sur une idée ; ses vœux et ses efforts se répandent également sur chacun de ses jours, parce qu’ils appartiennent à un sentiment toujours le même, et toujours facile à exercer. […] Le bonheur qui naît des passions est une distraction trop forte, le malheur qu’elles produisent cause un désespoir trop sombre pour qu’il reste à l’homme qu’elles agitent aucune faculté libre ; les peines des autres peuvent aisément émouvoir un cœur déjà ébranlé par sa situation personnelle, mais la passion n’a de suite que dans son idée ; les jouissances, que quelques actes de bienfaisance pourraient procurer, sont à peine senties par le cœur passionné qui les accomplit.
René Doumic Cet Américain transplanté en Touraine n’a pas du tout la même façon que nous de lier ses idées. Ou plutôt idées, souvenirs, émotions, impressions, ce dont il se soucie le moins, c’est de les relier ; il les laisse se relier au hasard ou peut-être au gré d’on ne sait quelles associations très subtiles et qui échappent.
On brise une épée, on ne brise pas une idée. […] Prenant comme un plaisir secret Aux piètres avortons d’idées.
Sans certains modes particuliers de l’étendue — le cerveau et le système nerveux — nous ne pourrions avoir ces moments d’extase, — nos plaisirs, nos souffrances, nos idées, — qui dans cette vie alternent par accès avec notre conscience étendue. » II Allant encore plus loin, M. […] Bain expose ses idées propres.
Sans doute, en un pareil moment, au milieu d’un si orageux conflit de toutes les choses et de tous les hommes, en présence de ce concile tumultueux de toutes les idées, de toutes les croyances, de toutes les erreurs, occupées à rédiger et à débattre en discussion publique la formule de l’humanité au dix-neuvième siècle, c’est folie de publier un volume de pauvres vers désintéressés. […] Ce n’est partout, sur le sol de la vieille Europe, que guerres religieuses, guerres civiles, guerres pour un dogme, guerres pour un sacrement, guerres pour une idée, de peuple à peuple, de roi à roi, d’homme à homme, que cliquetis d’épées toujours tirées et de docteurs toujours irrités, que commotions politiques, que chutes et écroulements des choses anciennes, que bruyant et sonore avènement des nouveautés ; en même temps, ce n’est dans l’art que chefs-d’œuvre.
Les physiologistes positifs ont l’habitude de reprocher aux philosophes de ne pas aborder ces questions avec assez d’impartialité : ils leur reprochent de partir de certaines idées préconçues, de certaines hypothèses métaphysiques, et au nom de ces hypothèses, d’opposer une sorte de fin de non-recevoir à toutes les recherches expérimentales sur les conditions physiologiques de la pensée. […] Il tombe lui-même sous les objections qu’il fait à ses adversaires, et on sent qu’il est sous le joug d’une idée préconçue, ce qui affaiblit beaucoup l’autorité de ses paroles.
Il est donc à propos que l’enseignement de ses sujets se conforme à sa façon de penser et qu’on leur démontre la distinction des deux substances, l’existence de Dieu, l’immortalité de l’âme et la certitude d’une vie à venir, comme les préliminaires de la morale ou de la science qui fait découler de l’idée du vrai bonheur, et des rapports actuels de l’homme avec ses semblables, ses devoirs et toutes les lois justes ; car on ne peut, sans atrocité, m’ordonner ce qui est contraire à mon vrai bonheur, et on me l’ordonnerait inutilement. […] « Cette idée était très-populaire du temps de Diderot ; il nous est impossible de concevoir une manière raisonnable de l’appliquer.
Section 1, idée generale de la musique des anciens et des arts musicaux subordonnez à cette science On peut regarder le traité sur la musique, écrit en grec par Aristides Quintilianus et traduit en latin par Monsieur Meibomius, comme l’ouvrage le plus instructif que l’antiquité nous ait laissé sur cette science. […] Ainsi c’est dans son livre que nous prendrons l’idée generale de la musique des anciens.
— Pas une idée ! […] oui, une rude idée !
C’est chose toujours un peu impétueuse ; de tempérament si sain que l’on soit, ou quelque bonne méthode de lecture que l’on ait, on ne peut jamais s’empêcher tout à fait d’être pressé, avec un philosophe de voir quelle est son idée générale et quelles sont ses conclusions, avec un romancier de voir comment cela finit. […] Nous faisons attention à la langue, au style, au rythme, aux procédés et artifices de composition et de disposition des idées.
Marmont étant ce qu’il était : un satrape par-dessus un soudard, et tout cela chamarré d’idées modernes et de vieille civilisation sur toutes les coutures, et d’un autre côté les circonstances de 1814 ayant été ce qu’elles furent à l’heure où le caractère de cet homme s’effondra, nul historien de sens ne s’étonnera de cette honteuse affaire d’Essonnes, qui fut une si grande catastrophe. […] Rien n’effacera ces quelques lignes : « Lorsque l’ennemi était à Paris et que la déchéance de l’Empereur avait été prononcée par un Sénat rebelle, lorsque Napoléon n’avait pour toute ressource que son génie, plus grand dans l’infortune, comme une torche qui jette plus de feu quand une fois elle est renversée, et aussi l’idée, terrifiante pour les étrangers, que l’armée était toujours fidèle, Marmont, qui commandait l’avant-garde, la livra sans consulter personne et traita nuitamment avec Schwartzenberg. » Or, voilà ce qu’a dit Rapetti avec un impitoyable détail et une conclusion plus impitoyable encore.
Pour donner une idée de cette indifférence à conclure, il raconte quelque part, avec une lestesse de plume et un faire de romancier moderne, l’histoire de cette femme à trois maris vivants qu’il appelle Jante, qui voyait la meilleure compagnie d’Athènes, et il ne tire pas une seule conclusion — une conclusion quelconque ! […] En vérité, n’est-ce pas estimer l’idée d’élégance dont on est féru un peu trop cher ?
Il est vrai qu’à cette immense rêverie mystico-germanique, éclose du frai philosophique de Hegel dans le cerveau spongieux de la jeune Allemagne, Proudhon donne l’accent net et mordant d’une bouche gauloise ; mais cet accent, qui vibrait avec plus d’éclat et de force dans les Confessions d’un Révolutionnaire, et qui ne s’est ni rajeuni ni creusé, on le connaît comme les idées du livre, que naguère il exprimait mieux. […] Esprit fortement généralisateur, il pose plus pour les idées qu’il ne les développe.
En prose, du moins, quel que soit un livre, s’il n’est au-dessous de tout examen, il y a des faits, quand il n’y a pas d’idées, et la médiocrité de l’auteur peut se racheter par la loyauté du travail et l’énergie de la volonté. […] Chère toujours à la race sans idées et sans cœur des païens de la fantaisie, cette école, qui a trouvé sa colonne d’Hercule dans le dernier livre (Émaux et Camées) de Gautier, — le seul de ses enfants posthumes dont le vieux Ronsard se sentirait de l’orgueil, — cette école pourrait réclamer Gramont comme un des poètes de sa pléiade, mais, tout esclave qu’il en est par le plus large côté de ses œuvres, il lui échappe cependant, et, en résumé, il vaut mieux qu’elle.
Voici donc que cet illustre penseur nous fournit, en sortant de la vie, un document très grave sur la qualité de son caractère et sur l’interprétation de ses idées. […] Voilà peut-être l’expédient par lequel, sans rien sacrifier de la rigueur de notre méthode, nous pourrons unir de nobles esprits dans la paisible idée de l’infini et dans l’aspiration vers le bien idéal.
D’abord, ils ont le mérite d’être très courts ; ils renferment quelquefois en peu de lignes, et d’autres fois en peu de pages, l’idée du caractère, des actions, des ouvrages de celui qu’il loue, ou du moins dont il parle ; car quelquefois il fait le portrait d’hommes plus célèbres que vertueux ; mais il les représente tels qu’ils sont, loue les vertus, admire les talents et déteste les crimes. […] Enfin, pour connaître l’esprit de ce temps-là, il ne sera pas inutile d’observer que Paul Jove loue avec transport ce Pic de La Mirandole, l’homme de l’Europe, et peut-être du monde, qui à son âge eût entassé dans sa tête le plus de mots et le moins d’idées ; qu’il n’ose point blâmer ouvertement ce Jérôme Savonarole, enthousiaste et fourbe, qui déclamant en chaire contre les Médicis, faisait des prophéties et des cabales, et voulait, dans Florence, jouer à la fois le rôle de Brutus et d’un homme inspiré ; qu’enfin il loue Machiavel de très bonne foi, et ne pense pas même à s’étonner de ses principes : car le machiavélisme qui n’existe plus sans doute, et qu’une politique éclairée et sage a dû bannir pour jamais, né dans ces siècles orageux, du choc de mille intérêts et de l’excès de toutes les ambitions joint à la faiblesse de chaque pouvoir, fait uniquement pour des âmes qui suppléaient à la force par la ruse, et aux talents par les crimes, était, pendant quelque temps, devenu en Europe la maladie des meilleurs esprits, à peu près comme certaines pestes qui, nées dans un climat, ont fait le tour du monde, et n’ont disparu qu’après avoir ravagé le globe.