/ 1842
34. (1899) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (troisième série). XVII « Du docteur Pusey et de son influence en Angleterre »

Pour elle, Henri VIII n’est qu’un réformateur d’abus, et la plupart des réformateurs anglais, elle les regarde comme de simples défenseurs de la foi ; rien de plus. […] qui se resserrerait, au contraire, si l’âme d’un de ceux entre qui elle subsiste toujours se retrempait aussi dans l’obéissance et dans la vraie foi. […] Paroles hardies dans leur humble simplicité, trop mystiques au sens corrompu du monde, mais pleines, pour qui sait les comprendre, de toutes les lucidités de la foi. […] Les catholiques du continent, les hommes qui font la propagande de leur foi, ou par leurs écrits ou par leurs prières, ont redoublé, nous n’en doutons pas, la ferveur d’une étude pieuse dont les résultats doivent être si grands. […] Dans un siècle aussi vieux de civilisation que le nôtre, il n’y avait qu’un moyen de retrouver la foi perdue : c’était de la refaire par la science.

35. (1899) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (troisième série). XVII « L’abbé Brispot »

De tous les livres que peuvent publier la science et la foi réunies, le plus élevé dans tous les temps, mais le plus utile dans les temps actuels, c’est à coup sûr la Vie de Notre-Seigneur Jésus-Christ. […] Pour tout cœur pur et tout esprit juste, il est évident que la reproduction des Évangiles est la meilleure exposition des vérités de notre foi. […] Le prêtre, l’homme qui veut convaincre et allumer la foi dans les âmes, est toujours en première ligne chez l’abbé Brispot. […] Inspiré à son tour par le livre de sa foi et par sa cohabitation de cœur et d’esprit avec les hommes de génie qui ont écrit sur ce livre saint des pages si éclatantes et si profondes, l’abbé Brispot a plusieurs fois montré que cette espèce d’intimité, ce grand voisinage, avait porté bonheur à sa pensée. […] Nous encourageons toujours de nos vœux les publications de ce genre, tous les ouvrages qui, comme cette Vie de Notre-Seigneur Jésus-Christ, remettent en lumière et en solidité les assises mêmes de notre religion et de notre foi.

36. (1895) Histoire de la littérature française « Première partie. Le Moyen âge — Livre I. Littérature héroïque et chevaleresque — Chapitre III. L’Histoire »

Et les chansons de geste furent reléguées peu à peu à l’usage des classes inférieures, qui continuèrent d’y prendre plaisir, parce qu’elles continuaient d’y avoir foi, et ne lisaient pas les histoires. […] De foi intacte et fraîche encore, mais mondaine, assez enthousiaste pour se croiser, il ne saurait se désintéresser longtemps : il a des pensées positives dans le cœur, tandis que le service de Dieu est sur ses lèvres. […] Mais surtout la foi du moyen âge fit de la Vierge et de son crédit auprès de son fils une inépuisable source de merveilleux naïvement absurde62. […] L’article essentiel de sa foi, c’est que Dieu peut prolonger la vie des hommes qui le prient. […] Voilà une foi intacte, pure, naïve, et, qui plus est, une foi qui règle les actes.

37. (1857) Cours familier de littérature. III « XIIIe entretien. Racine. — Athalie » pp. 5-80

En hommes aussi politiques que religieux, ils redoutaient l’exagération de foi et de mœurs des jansénites. […] C’est qu’un peuple ne prend jamais son originalité que dans sa foi. […] Ce sont ses imitations qui l’avaient fait homme de style ; c’est sa foi qui le fit homme de génie. […] Racine trouvait donc son excuse dans sa piété, excuse sainte, mais mauvaise excuse, qui lave la foi, mais qui n’innocente pas le cœur. […] Ce n’est plus le poète de l’école classique : c’est le poète de la foi ; ce n’est plus le poète du roi : c’est le prophète de Dieu.

38. (1895) Les œuvres et les hommes. Journalistes et polémistes, chroniqueurs et pamphlétaires. XV « Eugène Pelletan » pp. 203-217

Où est le temps où il écrivait sa Profession de foi du xixe  siècle ? […] En voulant descendre des hauteurs humiliées de la philosophie qui avait inspiré la Profession de foi du xixe  siècle, Pelletan n’a pas su aborder fermement et tranquillement l’histoire. […] Lamennais n’avait-il pas son apostasie pour se faire pardonner, par Pelletan, l’éclat de son sacerdoce et la grandeur des premières années de sa foi et de son génie ? […] Il n’a forfait ni à sa foi religieuse, ni à sa foi politique, qui n’étaient pour lui qu’une même foi.

39. (1909) Les œuvres et les hommes. Philosophes et écrivains religieux et politiques. XXV « Le Marquis Eudes de M*** »

Nous avons fait partie de cette jeune école qui, dans les dix premières années de la Restauration, ramenée à la foi chrétienne par l’étude des de Maistre, des Bonald et des Frayssinous, succédait, non pas à l’école légère et railleuse de Voltaire, morte déjà depuis longtemps, mais à l’école positive et raisonneuse de l’Empire… Pleine d’amour pour la vérité, mais, après tout, fille de son siècle, et pleine aussi d’admiration pour la science, l’école dont nous parlons accueillait avec respect une foi dont elle sentait la grandeur et les bienfaits, mais elle n’en restait pas moins fidèle à la raison, dont elle comprenait l’autorité… La science était déjà venue en aide aux vérités chrétiennes… Cuvier montrait partout les traces du déluge et l’accord parfait des nouvelles découvertes géologiques avec le récit génésiaque. […] jusqu’aux croisades et à la révocation de l’Édit de Nantes, la foi et la science s’entendaient merveilleusement sur toutes choses… Mais, en dehors de tous les dogmes justifiés, réhabilités, il en était un qu’on n’avait jamais abordé : c’était celui-là dont le jeune homme de Saint-Étienne s’était montré si révolté, c’est-à-dire la reconnaissance des puissances spirituelles et leur intervention dans les affaires de ce bas-monde. » Et ce fut à dater de cette époque que l’auteur des Esprits et de leurs manifestations fluidiques se mit à étudier un problème qui, comme il l’a dit très bien quelques lignes plus bas, renfermait le Christianisme tout entier. […] Et le chef-d’œuvre de la prudence, dans le pansement de ces âmes si longtemps athées, était de glisser en n’appuyant pas… Il fallait donc ce hasard d’un jeune homme insurgé en pleine église pour qu’un penseur et un observateur catholique qui se trouvait là eût sa pomme de Newton, cette occasion qui incline le génie du côté où il doit verser, et pour qu’il prouvât, au bout de vingt ans, à la science souffletée de toutes parts par des phénomènes qui la déshonorent, puisqu’elle ne peut les expliquer, que les seules explications qu’il y ait à ces phénomènes c’est la Foi qu’on croyait décrépite, l’antique Foi qui doit les donner ! […] Mais le xixe  siècle n’a qu’un assez maigre sourire, et il tarira bientôt sur les lèvres de ce pauvre siècle gourmé de doctrine quand il verra et rencontrera, comme un obstacle devant lui, la science immense qu’un catholique a su mettre au service de sa pensée et dont il construit la justification rationnelle de sa foi.

40. (1895) Histoire de la littérature française « Quatrième partie. Le dix-septième siècle — Livre III. Les grands artistes classiques — Chapitre VI. Bossuet et Bourdaloue »

Il fut le plus savant des théologiens, et garda jusqu’à sa mort la foi simple, sans nuages et sans doute, d’un petit enfant. […] Il n’a pas évidemment la liberté critique d’un savant de nos jours : sa raison est soumise à la foi. […] Pour Bossuet, tout est obscur, douteux, fragile sans la foi : par la foi, l’univers, la vie, la morale deviennent intelligibles ; de la foi sortent la clarté, la certitude. […] Sous le contrôle et dans les limites tracées par la foi, la raison de Bossuet s’exerce librement. […] La morale est la conséquence pratique du dogme : aussi ne faisait-elle jamais défaut, et le « catéchisme » de Bossuet aboutissait à ordonner la conduite en même temps qu’à éclairer la foi.

41. (1856) Cours familier de littérature. II « XIe entretien. Job lu dans le désert » pp. 329-408

C’est là véritablement le profond de l’abîme, le comble de l’infirmité humaine, que, là où l’homme dégoûté de la vie se précipite dans la foi d’une autre vie, seule explication de l’énigme de celle-ci, il trouve, quoi ? […] Mais rassurez-vous ; ce n’est que l’instinct qui parle ainsi en lui et en nous, ce n’est pas la raison ; c’est encore moins la foi, quand on a eu le bonheur de s’en former une. Job remonte bientôt, comme nous remontons toujours, tous tant que nous sommes, de cet abîme, si nous sommes sensés ; oui, comme nous remontons jusqu’à la foi, qui est la réverbération du Dieu vivant sur notre âme, jusqu’à la résignation qui est le sacrifice, le sacrifice méritoire de la volonté propre à la suprême volonté, enfin jusqu’à la joie dans les larmes, qui est l’anticipation de l’immortalité par la foi en Dieu sur la terre. […] sois donc ma foi… « Mystère, ô saint rapport du Créateur à moi ! […] « À cette obscurité notre foi se mesure, « Plus l’objet est divin, plus l’image est obscure.

42. (1889) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Quatrième série « Barbey d’Aurevilly. »

Je pense qu’il a la foi. […] Je comprends et il me plaît que la critique d’un écrivain catholique soit intolérante à l’endroit des ennemis de la foi. […] Il suppose nécessairement la foi. Mais notre siècle a inventé une forme nouvelle du péché de malice, quelque chose de bâtard et de contradictoire : le péché de malice sans la foi, le plaisir de la révolte par ressouvenir et par imagination. […] Parmi des affirmations d’idéalisme et de foi catholique ou aristocratique développées avec furie, je vois s’agiter des figures étranges et plus qu’humaines ; mais je vous jure que je ne les sens pas vivre.

43. (1865) Du sentiment de l’admiration

Ne craignez point l’enthousiasme, chers élèves ; des enthousiastes ont fait toutes les grandes choses de ce monde, repoussé le flot des barbaries orientales, subi le martyre pour leur foi, conquis le tombeau de leur Dieu, délivré leur patrie, notre patrie ! […] On admirait alors comme l’on croyait : car l’admiration est une des formes de la foi. […] Fondez en vous-mêmes une foi inattaquable par la pratique quotidienne de l’admiration ; alors seulement vous entrerez dans le monde avec une intelligence accessible aux conceptions les plus hautes, avec un cœur incliné vers les plus pures émotions. […] Tout modeste aveu du peu que nous sommes, toute soumission devant les supériorités éternelles, tout acte de foi sincère agrandit le cœur en même temps que l’esprit se développe. […] À d’autres le courage ferait défaut ; mais une foi profonde palpite au cœur du pèlerin ; il attache sur la cime aérienne des regards enivrés, et cette vue lointaine le ranime.

44. (1906) Les œuvres et les hommes. À côté de la grande histoire. XXI. « Philippe II »

pour écrire la vérité, l’épouvantable vérité qui le désole, mais sans le faire trembler dans la moindre des incertitudes de sa foi. […] C’est tout ce qui restait de l’antique foi chrétienne, de l’enthousiaste amour de Dieu, épousé par le cœur ardent du Moyen Age demeuré fidèle jusqu’au grand Adultère de la Renaissance, dont le XVIe siècle fut un des bâtards ! […] même sans la foi religieuse qu’il n’a pas, l’historien n’a point le droit de n’en pas tenir compte dans la vie des hommes dont il écrit l’histoire ; car cette foi religieuse, même inconséquente, même violée et faussée par les passions qui entraînent hors de Dieu, fût-ce dans les voies les plus scélérates, cette foi religieuse, tombée et ravalée jusqu’au fanatisme de Philippe II, par exemple, est encore une grande chose, qui grandit l’homme par le Dieu qu’elle y ajoute, et qui, s’imposant au moraliste dans l’historien, doit le forcer à s’occuper d’elle.

45. (1889) Histoire de la littérature française. Tome III (16e éd.) «  Chapitre treizième.  »

Il y en a trop pour ceux qui ont la foi ; il y en a trop peu pour les incrédules ou pour les indifférents. […] Turenne, qui déclarait lui être obligé de son retour à la vraie foi, n’avait cessé d’en demander l’impression. […] Il battait les protestants par leurs propres paroles, par des actes de foi publique, par des confessions communes. […] Est-ce un de ces dogmes d’où dépend toute la foi ? […] Voltaire a bien voulu protéger certaines d’entre elles, mais y croire par la foi et s’y dévouer, il ne l’a pas pu.

46. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « XI. MM. Mignet et Pichot. Charles Quint, son abdication, son séjour et sa mort au monastère de Yuste. — Charles V, chronique de sa vie intérieure dans le cloître de Yuste » pp. 267-281

Cette scène, dont tout retentissait dans l’histoire, des funérailles de Charles-Quint vivant, est, disent les discuteurs d’anecdotes, de l’invention d’un pauvre moine qui avait, ma foi ! […] Prudent comme les saints, et comme les gens seulement convaincus ne le sont jamais, froid et fin sous la grandesse d’une majestueuse dignité, cet esprit de milieu, également éloigné de tous les fanatismes, nous laisserait l’imagination bien tranquille, s’il ne portait pas jusque dans le fond de son être les brûlantes réverbérations de cette Foi espagnole qui avait chauffé son berceau. […] Un historien a dit de Charles-Quint : « Les regrets de Worms furent tardifs. » Pour notre compte, nous croyons fort peu à ces regrets ; mais regrets ou remords dans la conscience du prince qui avait compromis également sa puissance et sa foi avec les ennemis de l’une et de l’autre, les faiblesses de Worms, les fausses habiletés du grand Habile qui ne vit pas à l’origine tout ce que le Protestantisme cachait, n’en furent pas moins un crime dans la pure conscience de l’Espagne, et un crime qui avait besoin d’expiation. Si Charles-Quint put se tromper à la clarté de sa raison, l’Espagne ne pouvait, elle, se tromper à la clarté de sa foi, et s’il ne se repentit pas sous les désillusions de l’expérience, il dut sentir, en sa qualité de grand politique, qu’il avait profondément blessé son peuple, et cela reconnu comme un mal pour son pouvoir et pour sa race, il dut chercher à l’amoindrir et à l’effacer. […] Chez cet homme, grand de foi comme un croisé du temps de saint Louis, chez ce poète à force de catholicisme, qui ordonna qu’on l’enterrât sous un autel, de manière à ce que les pieds du prêtre portassent d’aplomb sur sa poitrine, la religion, chose singulière !

47. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « XXXI. Sainte Térèse »

Nous nous soucions fort peu, il est vrai, de l’Espagne de Saint Isidore de Séville, de Saint Ignace de Loyola, de la terre catholique d’Isabelle et de Ximenès, mais, en revanche, nous raffolons depuis trente ans de l’Espagne moresque, de l’Espagne des boléros, des fandangos, des basquines et des castagnettes, et c’est, ma foi ! […] Pascal est infini dans le doute, dans l’anxiété, dans la crainte, et Sainte Térèse l’est dans la foi, dans l’amour et dans l’espérance, et de même que l’espérance, l’amour et la foi sont au-dessus de la crainte, de l’anxiété et du doute, Sainte Térèse est au-dessus de Pascal ! […] Le scepticisme, l’inquiétude et la peur, qui firent pousser de si magnifiques cris d’aigle épouvanté à l’âme de Pascal, sont plus communs que la foi, l’amour et l’espérance, et les hommes sont faits ainsi qu’ils entendent mieux la voix qui les crie. […] Moins encore que Pascal, qui songeait peu à faire de la littérature, lorsque dans ses Pensées il essayait de se faire de la foi, Sainte Térèse, dont la littérature espagnole a le très juste orgueil, n’était pas littéraire, et c’est pourquoi peut-être ce qu’elle nous a laissé est si beau ! […] Or, le livre de Sainte Térèse n’est pas seulement un chef-d’œuvre pour les Initiés de la Foi.

48. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Méditations sur l’essence de la religion chrétienne, par M. Guizot. »

… Vous êtes bien curieux, ô homme ; ayez foi et confiance ! […] Il a en lui certainement un principe de foi ; il a sucé dès l’enfance une croyance, il ne s’en est jamais complètement sevré ou guéri ; il y revient avec bonheur, et il aime, comme Royer-Collard, à rentrer plus strictement dans l’ordre et dans la règle en vieillissant. […] s’écrie-t-il ; se figure-t-on ce que deviendraient l’homme, les hommes, l’âme humaine et les sociétés humaines, si la religion y était effectivement abolie, si la foi religieuse en disparaissait réellement ? […] C’est pourtant là ce qui serait, si toute foi au surnaturel s’éteignait dans les âmes, si les hommes n’avaient plus, dans l’ordre surnaturel, ni confiance ni espérance… « L’histoire naturelle, dit-il encore, est toute la science des époques matérialistes et, pour le dire en passant, c’est là que nous en sommes. […] J’ai lu autrefois cette lettre manuscrite qui s’était conservée parmi quelques personnes du canton de Vaud, et qu’on citait comme un monument de foi et un témoignage de grave jeunesse.

49. (1898) L’esprit nouveau dans la vie artistique, sociale et religieuse « III — Un symbole »

Si l’on y adhère on fait implicitement acte de foi au Christ et au Saint-Siège. […] Ce que vous cherchez à revivifier dans sa conscience, c’est la foi catholique. […] Je demande si le vote lui aussi sera renouvelé et si la Chambre actuelle sanctionnera la profession de foi papiste du 21 juillet 1873. […] Ce que le catholique entend par « le salut de la patrie », c’est sa libération spirituelle par le retour à la foi chrétienne. […] L’impression de grandeur dont on pense, sur la foi des descriptions enthousiastes, être saisi, n’existe nullement.

50. (1897) Le monde où l’on imprime « Chapitre VI. Le charmeur Anatole France » pp. 60-71

Ce serait, s’il n’y avait pas l’exemple de Renan, une extraordinaire originalité que le goût de la science, et même la foi à la science, de cet esprit catholique. […] Il est injuste de dire qu’une vérité, qu’une foi, en un tel esprit, est limitativement restreinte par une autre croyance, par une assurance opposée. […] Coignard tempère son scepticisme par un sens très vif des plaisirs que ce très bas monde nous donne, au jour la nuit, et par une foi irraisonnée à l’égard des dogmes de la religion catholique. […] Enfin, ménageons-nous une foi, soit dans une confession religieuse, soit dans une doctrine scientifique, ou dans un credo philosophique ; l’essentiel est de mettre un fil qui ne casse pas entre nos jours mal attachés une bonne manie suffit au besoin ; des individus trouvent une raison de vivre dans une collection de tabatières à parachever… Jérôme Coignard est un sage hardi et prudent. […] Le prix de la philosophie d’Anatole France est qu’elle est critique jusqu’à la négation, sans aboutir à un acte de foi.

51. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Deuxième partie. — Chapitre XIX. »

Il était au quatrième siècle ce qu’avait été Minutius Félix au second, un mondain néophyte servant de sa parole la foi de ses frères, et célébrant la Rome nouvelle avec la tradition littéraire d’un ancien Romain. […] Plusieurs héros de la foi sont célébrés dans ses hymnes puissantes sur les contemporains, mais longues et parfois étranges pour nous. […] Quelques années après la naissance du poëte de Tarragone, un autre chantre de la foi chrétienne s’élevait dans ces provinces méridionales de la Gaule, la conquête et la continuation de l’Italie ; c’était Paulin, l’élève, l’ami, le contradicteur d’Ausone, et associé comme lui quelque temps aux dignités de l’empire. Par une affinité de plus avec le poëte Prudence, Paulin, jeune encore, avait reçu la foi dans cette province d’Espagne si passionnée pour elle. […] Paulin d’ailleurs ne s’arrêtait pas, pour ainsi dire, à la grandeur extérieure de la foi pour la célébrer : il s’en faisait l’humble et zélé ministre.

52. (1895) Histoire de la littérature française « Quatrième partie. Le dix-septième siècle — Livre II. La première génération des grands classiques — Chapitre III. Pascal »

Sans ajouter foi aux chiffres donnés par le Père Mersenne (une statistique en pareille matière ne saurait être, même approximativement, exacte), nous devons croire que les libertins furent très nombreux sous Louis XIII : nombre de témoignages l’attestent. […] Au milieu de ces travaux, chaque crise qui froissait son âme maladive met à nu la profondeur de sa foi janséniste : de là la Prière pour le bon usage des maladies (1648), et de là la Lettre sur la mort de M.  […] D’autres appliqueront la même méthode à tout le dogme, et poseront la question entre la raison elle-même et la foi. […] La foi est un moyen supérieur de connaissance : elle s’exerce au-delà des limites où la raison s’arrête (distinction de la raison et du sentiment ou du cœur). […] Pascal ne serait pas Pascal, si sa foi n’avait satisfait sa raison, et le dévot en lui n’a pas détruit, il a contenté le savant.

53. (1898) L’esprit nouveau dans la vie artistique, sociale et religieuse « III — Bossuet et la France moderne »

La conscience allait renaître des ruines de l’ancienne foi. […] Calvin parut et la foi nouvelle s’affermit et se propagea. […] De voix retentissante, d’attitude fière et autoritaire, de foi intransigeante, ce prélat ne tarda pas à occuper, dans l’ordre moral, la première place du royaume. […] Pour formuler une foi, il faut la force. […] Vast, Histoire de l’Europe) Il est évident que la majorité des protestants ne demandaient qu’une chose, la liberté de conscience, mais il est aussi indéniable qu’ils avaient le droit et, le devoir de défendre, en même temps que leur foi religieuse, leur foi politique, et que cette défense entraînait la lutte sur tous les terrains.

54. (1895) Histoire de la littérature française « Seconde partie. Du moyen âge à la Renaissance — Livre I. Décomposition du Moyen âge — Chapitre II. Le quinzième siècle (1420-1515) »

Ainsi, de l’honneur, de la foi féodale, il ne faut plus parler, et voici que la foi religieuse elle-même n’est plus de force à enlever l’homme, à créer de nobles formes d’âme et d’existence. […] Il a des accents délicieux de foi ingénue : c’est plus rare aujourd’hui chez nous, mais là où le peuple n’a pas encore rejeté la foi, en Espagne, en Russie, j’imagine dans des âmes d’assassins des coins parfumés de dévote candeur. […] » Ce mystère est plus douloureux au cœur que la sécurité de la foi : mais quelle douce et exquise douleur ! […] Il se décide donc, s’affranchit délibérément de la foi féodale et le voilà Français. […] Commynes est le premier exemple de la foi du diplomate en sa spécialité : c’est quelque chose déjà de positif.

55. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « Sainte Térèse » pp. 53-71

Nous nous soucions fort peu, il est vrai, de l’Espagne de saint Isidore de Séville, de saint Ignace de Loyola, de la terre catholique d’Isabelle et de Ximenès ; mais, en revanche, nous raffolons depuis trente ans de l’Espagne moresque, de l’Espagne des boléros, des fandangos, des basquines et des castagnettes, et c’est, ma foi ! […] Pascal est infini dans le doute, dans l’anxiété, dans la crainte, et sainte Térèse l’est dans la foi, dans l’amour et dans l’espérance ; et de même que l’espérance, l’amour et la foi, sont au-dessus de la crainte, de l’anxiété et du doute, sainte Térèse est au-dessus de Pascal ! […] Le scepticisme, l’inquiétude et la peur, qui firent pousser de si magnifiques cris d’aigle épouvanté à l’âme de Pascal, sont plus communs que la foi, l’amour et l’espérance, et les hommes sont faits ainsi qu’ils entendent mieux la voix qui les crie. […] Moins encore que Pascal, qui songeait peu à faire de la littérature lorsque dans ses Pensées il essayait de se faire de la foi, sainte Térèse, dont la littérature espagnole a le très juste orgueil, n’était pas littéraire, et c’est pourquoi peut-être ce qu’elle nous a laissé est si beau ! […] Or, le livre de sainte Térèse n’est pas seulement un chef-d’œuvre pour les Initiés de la Foi.

56. (1912) Chateaubriand pp. 1-344

En somme, cette armée ne semble pas avoir eu la foi. […] De quelle espèce était sa foi ? […] Chateaubriand a donc la foi. Quelle foi ? […] Victor Giraud a raison : Chateaubriand avait la foi.

57. (1859) Cours familier de littérature. VIII « XLVe entretien. Examen critique de l’Histoire de l’Empire, par M. Thiers (2e partie) » pp. 177-248

L’État est humain, la foi est divine ; ils ne peuvent se toucher sans s’altérer dans leur nature entièrement distincte. […] Les prétendus chrétiens qui se déclarent satisfaits de pareilles théories religieuses ne sont pas exigeants en profession de foi ni même en politesses de paroles envers la divinité des cultes. […] Il substitue la nation à Dieu et la loi de police des cultes à la conscience, siège unique de la foi. […] Nous le laissons à dire à ceux qui ont la religion de la foi, et non la religion d’État, dans le cœur. […] Si elle ne décelait pas le goût pur, la foi simple et solide des écrivains du siècle de Louis XIV, elle peignait avec charme les vieilles mœurs religieuses qui n’étaient plus.

58. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Correspondance de Voltaire avec la duchesse de Saxe-Golha et autres lettres de lui inédites, publiées par MM. Évariste, Bavoux et Alphonse François. Œuvres et correspondance inédites de J-J. Rousseau, publiées par M. G. Streckeisen-Moultou. — II » pp. 231-245

N’est-ce qu’une répétition nouvelle, une reprise, sous forme poétique, des idées exposées dans la profession de foi du vicaire savoyard ? […] Il se relève le cœur plus embrasé que jamais, et cette joie épurée qu’il éprouve, cette clarté qui l’inonde, il veut la communiquer à ses semblables ; il a soif de les y faire participer et de leur porter, avec l’explication du mystère de la nature, la loi du maître qui la gouverne, loi de justice, de solidarité de fraternité, soumission dans les traverses de cette courte vie, espoir et foi dans une vie meilleure. […] Il a cru ce jour-là par le cœur, et il n’a rien voulu ajouter qui démentît ou affirmât cet acte de foi et d’effusionz. — Telle est du moins mon impression, qui s’accorde assez bien, ce me semble, avec l’interprétation de M.  […] Plusieurs lettres, publiées ici, font foi de ce scrupule délicat : « M. d’Alembert m’a fait saluer plusieurs fois, écrivait-il à Watelet (1764) ; j’ai été sensible à cette bonté de sa part. […] [1re éd.] et il n’a rien voulu ajouter qui démentît ou infirmât cet acte de foi et d’effusion.

59. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre I. Les origines du dix-huitième siècle — Chapitre I. Vue générale »

La philosophie cartésienne, dont l’esprit est foncièrement hostile à la foi, se développe dans une forme conciliable avec les dogmes de l’Église, chez Descartes, dans une forme hétérodoxe, mais plus chrétienne encore, chez Malebranche. […] Mais nulle voix ne met directement en question les principes de la foi : nulle voix surtout n’attaque la puissance de l’Eglise dans l’ordre temporel. […] Ils contribuent aussi à la décadence de l’Église et au péril de la religion, en mettant leurs cadets frivoles, ignorants, sans zèle et souvent sans foi, dans les évêchés et les archevêchés, à la place des solides docteurs que la bourgeoisie fournissait à Louis XIV. […] Elle était juge souverain, elle devient juge universel : plus de domaine de la foi, réservé, intangible. La foi même sera de son ressort.

60. (1883) Souvenirs d’enfance et de jeunesse « Chapitre III. Le Petit Séminaire Saint-Nicolas du Chardonnet (1880) »

Lamartine les troublait encore plus ; ils devinaient chez lui une foi peu solide ; ils voyaient ses fugues ultérieures. […] L’idée sérieuse que je m’étais faite de la foi et du devoir fut cause que, la foi étant perdue, il ne m’était pas possible de garder un masque auquel tant d’autres se résignent. […] Leur foi était vive et sincère, mais c’était une foi implicite, ne s’occupant guère des dogmes qu’il faut croire. […] La foi absolue de M.  […] Il croyait au talent et en faisait la base de la foi.

61. (1883) Souvenirs d’enfance et de jeunesse « Chapitre IV. Le Séminaire d’Issy (1881) »

Comment associa-t-il à des études qui, selon nous, excluent la foi au surnaturel, un catholicisme fervent ? […] La foi vive de M.  […] Je ne peux pas dire, en effet, que ma foi chrétienne fût réellement diminuée. Ma foi a été détruite par la critique historique, non par la scolastique ni par la philosophie. […] Manier, qui m’engagea vivement à ne pas faire dépendre ma foi chrétienne d’objections de détail.

62. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Lamennais — L'abbé de Lamennais en 1832 »

Parmi les hommes qui se consacrent aux travaux de la pensée et dont les sciences morales et philosophiques sont le domaine, rien de plus difficile à rencontrer aujourd’hui qu’une volonté au sein d’une intelligence, une conviction, une foi. […] On ne s’y livre pas d’abord de propos délibéré ; on se dit qu’il faut tout connaître et qu’il sera toujours temps de choisir : mais, l’âge venant, cette vertu du choix, cette énergie de volonté qui, se confondant intimement avec la sensibilité, compose l’amour, et avec l’intelligence n’est autre chose que la foi, dépérit, s’épuise, et un matin, après la trop longue suite d’essais et de libertinage de jeunesse, elle a disparu de l’esprit comme du cœur. […] Je sais qu’en parlant à dessein de celui des hommes de notre temps qui offre peut-être le plus magnifique exemple de cette union consubstantielle et sacrée de la volonté avec l’intelligence sous le sceau de la foi, de celui dont l’esprit et la pratique, toute la pensée et toute la vie, se sont si docilement soumises, si ardemment employées aux conséquences efficaces de doctrines en apparence délaissées, et aussi compromises qu’elles pouvaient l’être ; — je sais que nous avons à nous garder nous-même de cette étude inféconde, et de cette admiration curieuse sans résultat, dont nous venons de signaler la plaie. […] Ceci devint plus sérieux alors ; sa première communion en fut retardée, et il ne la fit qu’après son entier retour à la foi, c’est-à-dire à vingt-deux ans environ. […] L’auteur s’y place sans concessions, et aussi haut que possible, au point de vue unique de l’autorité et de la foi : c’était en effet par où il fallait ouvrir la restauration catholique.

63. (1854) Histoire de la littérature française. Tome I « Livre II — Chapitre troisième »

Il lui suggéra de prêcher ouvertement la justification par la seule foi au Christ. […] Son cri de ralliement fut cette parole de saint Paul : La foi justifie sans les œwres. […] Le protestantisme, dans le principe, fut une simple substitution du christianisme de la foi au christianisme des pratiques. […] C’était la première fois que ces saintes matières étaient dégagées des ténèbres dont les avait couvertes le moyen âge, et que la raison et la science rendaient compte des vérités de la foi. […] La foi, c’est la croyance à la rédemption par Jésus-Christ ; et la justification, c’est le salut.

64. (1874) Premiers lundis. Tome II « Jouffroy. Cours de philosophie moderne — II »

Jouffroy et Damiron, elle est merveilleuse à décrire jusque dans leurs moindres nuances les idées, les sentiments, les habitudes logiques de l’individu de nos jours, tel que le christianisme moins la foi, tel que le christianisme devenu philosophie l’a élaboré ; elle analyse avec beaucoup de sagacité le dernier produit intellectuel de la civilisation chrétienne, mais sans portée pour nous expliquer la formation antérieure de ce produit, sans puissance pour le féconder et le transformer. […] En effet, tout progrès nouveau est une révélation de Dieu à l’homme, une ascension de l’homme à Dieu ; le savant qui invente y est soumis comme l’artiste le plus sentimental ; il y a, dans toute conception nouvelle du génie, une sorte d’influence électrique, irrésistible, indéfinissable, un acte de foi de nous à Dieu, une volonté de Dieu en nous. […] Vous supposez dès le début que l’homme est condamné à chercher ici-bas la vérité, seul, par lui-même, à la sueur de son front ; et tout cet effort infatigable de l’humanité pendant des siècles, ce sang, ces larmes répandues à travers ses diverses servitudes, ces joies quand elle se repose et se développe harmonieusement, ces religions qui fondent, ces philosophies qui préparent ou détruisent, cette loi de perfectibilité infinie et d’association croissante, tout cela n’aura abouti pour vous qu’à la conception mélancolique et glacée d’un ensemble d’êtres rationnels avant tout, destinés à s’observer, à se connaître, s’ils en ont la capacité et le loisir, à chercher concurremment ce qu’aucun ne sait, ce qu’aucun ne saura ; honnêtes gens tristes et solitaires, sortis d’un christianisme philosophique d’où la foi et la vie ont disparu, ayant besoin d’espérer, s’essayant à croire, oubliant et rapprenant la psychologie tous les ans, pour s’assurer qu’ils ne se sont pas trompés, et pour vérifier sans cesse les résultats probables de leur observation personnelle. […] Il a professé d’abord que, sur la foi de l’observation du passé, il croyait fermement au progrès, et au progrès en tout, en politique, en art, en philosophie, etc., etc. ; puis il a vivement, et par d’énergiques exemples, étalé l’anarchie présente qui se manifeste sur tous les points. […] Auguste Comte avait déjà opposé, en termes bien autrement positifs et avec une formidable rigueur scientifique, des difficultés du même genre à la naissance et à l’adoption possible d’une foi nouvelle.

65. (1765) Essais sur la peinture pour faire suite au salon de 1765 « Ce que tout le monde sait sur l’expression, et quelque chose que tout le monde ne sait pas » pp. 39-53

Le poète avait consacré les beaux pieds de Thétis, et ces pieds étaient de foi ; la gorge ravissante de Vénus, et cette gorge était de foi ; les épaules charmantes d’Apollon, et ces épaules étaient de foi ; les fesses rebondies de Ganymede, et ces fesses étaient de foi. […] C’étaient autant d’articles de la foi, autant de versets du symbole païen consacré par la poésie, la peinture et la sculpture. […] Ma foi, ce n’est pas moi.

66. (1906) Les œuvres et les hommes. À côté de la grande histoire. XXI. « Mathilde de Toscane »

Nous avons, nous, une lumière allumée par la foi pour voir en cet homme providentielles grâces d’état que Dieu lui a communiquées, dans les intérêts d’une fonction sans laquelle le monde périssait, mais Renée ne l’a pas, cette lumière, et pourtant il a vu cette infaillibilité et il a dit qu’il l’avait vue ! […] Il pèse plus sur l’action du réformateur dans Grégoire que sur celui du défenseur du droit de l’Église vis-à-vis des odieux usurpateurs allemands, et pour lui qui n’est pas un historien ecclésiastique, qui n’a de foi religieuse que son respect politique pour l’Église, ceci dénote une rare perfection de bon sens. […] Et tel est, du reste, à toute page, le caractère de cette histoire, où l’historien, qui, nous l’avons dit, n’est pas catholique de foi, est catholique de vue à force d’avoir la tête politique ! […] Une foi ardente et profonde se mêlait en lui à l’instinct du pouvoir. […] Et lui, Renée, lui qui a le goût et le sens, ces deux grands avertissements critiques, ces deux consciences de ce qui fait la force et la beauté littéraires, a-t-il donc pu oublier que, pour écrire l’histoire de Grégoire VII, presque autant que pour la penser, il faut avoir en soi cet absolu que Grégoire avait dans le génie, dans le caractère, dans la foi, et que ceux qui ne l’ont pas dans la pensée ne peuvent s’empêcher d’admirer ?

67. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « Sixte-Quint et Henri IV »

De même que Audin, du reste, l’écrivain du Sixte-Quint et Henri IV 24 appartient à la foi catholique. […] » et : « Paris vaut, ma foi ! […] Aux pages 136 et suivantes de son histoire, il cite, d’après Tempesti, une lettre envoyée au pape Sixte-Quint par Henri de Béarn, frappé d’excommunication, et dans laquelle « il assurait Sa Sainteté qu’il avait toujours été vrai catholique et qu’il voulait mourir dans la vraie foi, mais que les trames des ligueurs l’avaient contraint à suivre la marche qu’il avait prise ». […] « Ce qui ressortira de tout ce travail avec une certitude historique, — écrit Segretain, — c’est que Henri n’a pas cessé un seul instant d’associer à l’idée de son couronnement (qui fut l’idée de toute sa vie) l’abjuration de ses erreurs protestantes. » Avec la nouvelle foi de sa mère, et cette grande et populaire figure de Henri de Guise, jetant sur le trône l’ombre de son éclat, Henri de Béarn, qui craignait que ses droits à la succession des Valois ne fussent ni assez puissants ni assez assurés, crut, dit spirituellement Segretain, « que le chemin de traverse de la Réforme était le seul qui pût le conduire au Louvre… et il fit ce crochet stratégique… ». […] cette espèce de Robert Macaire héroïque à qui la France, qui aime à rire, a passé ses duplicités et ses manquements de foi et de sincérité, comme si c’étaient des plaisanteries.

68. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Deuxième partie. — Chapitre XXV. Avenir de la poésie lyrique. »

C’était l’époque même de l’enthousiasme en action et de la foi portée jusqu’à l’héroïsme. […] Et puis, à cette race fière de sa force, ne pouvant presque supporter d’autre joug que le péril et le travail, un frein salutaire est apporté par la religion, par l’ardeur de la foi et la discipline du culte. […] L’œuvre avance, au nom de la foi et de l’humanité : on s’engage à poursuivre l’abolition de l’esclavage, comme l’accomplissement même de l’Évangile ; et, malgré les résistances de l’intérêt, les raisons spécieuses de la politique, malgré la difficulté du remède accrue par l’excès du mal, on peut prédire que celle souillure sera un jour écartée du monde américain ; on peut dire au zèle de l’humanité marchant à l’ombre de la croix : In hoc signo vinces. […] Telle fut la grandeur, le caractère original de ces hymnes que la foi chrétienne, que la pitié, que l’espérance prodiguaient au milieu des misères du monde romain expirant ; telle était cette source de ferveur pure et sublime, cette Aréthuse chrétienne qui ne cessait point d’épandre quelques filets limpides sous les flots de la barbarie. […] Mais, dans le génie comme dans la foi, il y a toujours des élus de Dieu : et tant que l’enthousiasme du beau moral ne sera pas banni de tous les cœurs, tant qu’il aura pour soutiens toutes les passions honnêtes de l’âme, il suscitera par moments l’éclair de la pensée poétique ; il éveillera ce qu’avaient senti les prophètes hébreux aux jours de l’oppression ou de la délivrance, ce que sentait ce roi de Sparte, lorsqu’à la veille d’une mort cherchée pour la patrie, il offrait, la tête couronnée de fleurs, un sacrifice aux Muses.

69. (1854) Histoire de la littérature française. Tome I « Livre I — Chapitre quatrième »

Il sort de tout cela une certaine science confuse, qu’on appelle la scolastique ; monstrueux amalgame de la philosophie qui veut imposer ses formules aux vérités de la foi, et de la religion qui veut prouver les vérités de la foi par l’unique procédé du raisonnement philosophique à cette époque, le syllogisme. […] La seule autorité morale de cette époque de ténèbres, la foi, malgré les sourdes résistances de la raison, finissait toujours par rester la maîtresse. […] C’est une sorte de synthèse de l’homme, acceptée par la foi et l’humanité n’est qu’une formule de la théologie chrétienne. […] Il n’est pas étonnant que cette foi mystique du théologien, placé entre l’homme et Dieu, ou entre l’homme et le diable, et qui n’est pas toujours insensible à l’orgueil de son rôle d’intermédiaire, n’ait pas eu une influence féconde sur l’esprit français et sur la langue. […] Dans le plus perfectionné des prosateurs, Comines, il veut s’élever et approfondir mais le premier effort le mène à la foi, au sein de laquelle il abdique.

70. (1888) Revue wagnérienne. Tome III « V »

Ceux des wagnéristes qui connaissent à quel tarif sont payées les réclames insérées au Figaro, ne peuvent guère avoir foi, ce me semble, en des jugements qu’ils savent soldés contre quittances ; et ceux qui ignorent ces trafics, ont-ils donc tant de confiance dans l’impeccable wagnérisme des journaux boulevardiers ? […] Oui, celui qui — en vue de tels bas intérêts de succès ou d’argent, — essaie de grimacer, en un prétendu ouvrage d’Art, une foi fictive, se trahit lui-même et ne produit qu’une œuvre morte. […] Une foi brûlante, sacrée, précise, inaltérable, est le signe premier qui marque le réel artiste : — car, en toute production d’Art digne d’un homme, la valeur artistique et la valeur vivante se confondent : c’est la dualité mêlée du corps et de l’âme. L’œuvre d’un individu sans foi ne sera jamais l’œuvre d’un Artiste, puisqu’elle manquera toujours de cette flamme vive qui enthousiasme, élève, grandit, réchauffe et fortifie ; cela sentira toujours le cadavre, que galvanise un métier frivole. […] Lamoureux puisse chicaner, les choses que je raconte étaient connues de personnes « faisant foi ».

71. (1859) Cours familier de littérature. VIII « XLIIIe entretien. Vie et œuvres du comte de Maistre (2e partie) » pp. 5-80

Les premières pages affectent évidemment la forme du commencement de la profession de foi du vicaire savoyard de J. […] Sa vie n’avait été qu’un long acte de foi. […] Sa foi sera raisonnable et sa raison pieuse. Il rapprochera ainsi la foi du siècle et le siècle de la foi. […] M. de Maistre, en la présentant au dix-neuvième siècle, ne pouvait que nuire par son talent à la cause qu’adorait sincèrement sa foi.

72. (1890) L’avenir de la science « III » pp. 129-135

La foi simple a ses charmes ; mais la demi-critique ne sera jamais que pesanteur d’esprit. […] La foi sera toujours en raison inverse de la vigueur de l’esprit et de la culture intellectuelle. […] La foi du philosophe au contraire est toujours à nu, dans sa simple beauté. […] Cela sera pourtant, du moment où elle aura créé dans le monde moral une conviction égale à celle que produisait jadis la foi religieuse. […] Et cet appel n’est pas l’acte d’une foi aveugle, qui se rejette vers l’inconnu.

73. (1863) Cours familier de littérature. XV « XCe entretien. De la littérature de l’âme. Journal intime d’une jeune personne. Mlle de Guérin (3e partie) » pp. 385-448

Vous en avez fait un élu par les souffrances qui rachètent, par l’acceptation et la résignation qui méritent, par la foi qui sanctifie. […] Que ce serait désolant, sans la foi qui nous dit que nous devons renaître, sortir de ces cimetières où nous semblons disparus !  […] la foi ne vous manque pas, sans doute : mais avez-vous une foi consolante, la foi pieuse ? […] Ceci n’est pas une exagération, mais bien pris dans toute la raison et le sentiment de la foi. — Érembert, Marie qui arrivent !  […] Dans cette lutte, l’âme sans foi serait perdue, oh !

74. (1897) Le monde où l’on imprime « Chapitre XVII. Romans d’histoire, d’aventures et de voyages : Gebhart, Lemaître, Radiot, Élémir Bourges, Loti » pp. 201-217

Car Joachim, malgré sa foi aveugle, en arrive au Dieu des bonnes gens, de la complaisance, presque de Béranger. […] Ce n’est pas assez de mettre la foi hors de discussion quand on ne l’applique pas à vivre dévotement. M. de Sacy s’entretenant avec Pascal appliquait à Montaigne un jugement de saint Augustin : « Il met dans tout ce qu’il dit la foi à part ; ainsi nous, qui avons la foi, devons de même mettre part tout ce qu’il dit. » C’est M. de Sacy, c’est la vieille gouvernante revêche qui, catholiquement parlant, avaient raison. […] Il n’a ni la vanité que donne le savoir, ni l’orgueil que donne la foi.

75. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre I. Place de Jésus dans l’histoire du monde. »

Alors vécut une personne supérieure qui, par son initiative hardie et par l’amour qu’elle sut inspirer, créa l’objet et posa le point de départ de la foi future de l’humanité. […] Ce n’est pas de l’Égypte, d’ailleurs, qu’est venue la foi de l’humanité. […] La poésie de l’âme, la foi, la liberté, l’honnêteté, le dévouement, apparaissent dans le monde avec les deux grandes races qui, en un sens, ont fait l’humanité, je veux dire la race indo-européenne et la race sémitique. […] La foi de l’humanité cependant ne pouvait venir de là, parce que ces vieux cultes avaient beaucoup de peine à se détacher du polythéisme et n’aboutissaient pas à un symbole bien clair. […] Bien au-delà des confins de l’histoire, sous sa tente restée pure des désordres d’un monde déjà corrompu, le patriarche bédouin préparait la foi du monde.

76. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « XXX. Saint Anselme de Cantorbéry »

C’est que saint Anselme, par cela même qu’il se détournait de la théologie vers la métaphysique, posait au xie  siècle, dans l’innocence et la sécurité de sa foi, les problèmes que la métaphysique agite, depuis qu’elle existe, sans les résoudre ; et que les posant nécessairement comme les métaphysiciens les posent, il était justiciable des métaphysiciens et qu’ils ont eu parfaitement le droit de dire, comme ils l’ont dit, dans quelle mesure ils admettaient sa pensée et dans quelle mesure ils ne l’admettaient pas. […] S’il n’ébranla pas en lui les robustes certitudes de sa foi, c’est que le Saint préservait l’homme des doutes du métaphysicien ; mais si le danger ne fut pas pour lui, il est pour d’autre, à cette heure, et dans un siècle ou l’obéissance en toutes choses cherche vainement des saint Anselme qui foulent aux pieds leur propre pensée, lorsqu’il s’agit d’obéir. Ainsi, le Saint, l’homme de la foi et de l’obéissance, voilà le grand côté de saint Anselme, qu’un historien, qui n’eût pas été philosophe, aurait fortement éclairé. […] Il n’a pas l’appréciation de cette obéissance qui, à partir de Grégoire VII et des croisades, fit triompher la foi dogmatique et on peut le dire, organisa politiquement la religion. L’action de la foi par l’obéissance est humainement, si on peut risquer l’expression, la physique du catholicisme.

77. (1899) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (troisième série). XVII « L’abbé Christophe »

… Dans la dédicace de son livre au clergé de Lyon, il dit aux prêtres : « Racontons nous-mêmes notre histoire et ne permettons pas que des laïques sans foi la travestissent au gré de leurs systèmes ou de leurs passions. » Il a, certes ! raison, s’ils sont sans foi et s’ils la travestissent ; mais, s’ils sont catholiques comme le prêtre, des laïques, à cette heure du monde, auront, à coup sûr, plus d’autorité en racontant la merveilleuse histoire de l’Église que le prêtre, à qui l’opinion, malheureusement hostile aux prêtres, criera de toutes ses gorges : « Vous parlez pour vos Saints et pour vos chapelles !  […] Et l’intérêt qu’elle inspire, pour toutes ces raisons, est si grand, que partout où l’on prend cette histoire, partout où l’on coupe une tranche dans ce splendide morceau intellectuel qu’on appelle l’histoire de l’Église, il y a des régals inouïs, je ne dis pas seulement pour la foi, mais pour la pensée. […] à ce parlementarisme politique dont les nations sont actuellement excédées, ne fait pas illusion à son bon sens éclairé par la foi ; mais, au moment où il écrit, j’aurais voulu qu’il en eût marqué davantage la radicale erreur, tombée de si haut dans le monde, ne fût-ce que pour ajouter à la force d’opinion qui doit un jour l’emporter ! […] Je sais bien que le temps qu’il décrit est une époque affreuse, perverse et basse, où l’envie des petits contre les grands élève sa tête de vipère jusque dans l’Église, où l’esprit byzantin envahissait les conciles d’Occident, et où les Visconti, les Louis XI et les César Borgia, pratiquaient leurs politiques empoisonnées et empoisonneuses… Déchet immense quand on sortait de ce grand Moyen Âge, qui eut ses passions, sans nul doute, mais qui, du moins, resta chrétien et chevaleresque, si pur de foi, si fier de mœurs !

78. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « M. Raymond Brucker » pp. 27-41

La foi aux partis s’en allait de son âme, cette dernière foi que le dix-huitième siècle et la ruine de l’Empire, suivie de la seconde ruine de la Monarchie, avaient laissée pour toute ressource aux générations ! […] Raymond Brucker vint à la Foi catholique comme l’enfant vient à l’existence, la tête la première. […] Il faudrait l’entendre lui-même raconter par quelle série de propositions renversées, il arriva des prémisses de la jouissance à la conclusion du sacrifice et construisit ainsi le syllogisme de sa foi : mais contentons-nous des faits seuls. […] Dévoré d’une fièvre apostolique (je demande pardon pour la hardiesse du mot), il se servit, dans l’intérêt de sa foi nouvelle, de ce merveilleux don de parole improvisée qui est sa vraie force, sa plus incontestable supériorité.

79. (1889) L’art au point de vue sociologique « Chapitre huitième. L’introduction des idées philosophiques et sociales dans la poésie (suite). Victor Hugo »

Mais j’ai foi. La foi, c’est la lumière haute. […] La foi même provient de l’amour, et c’est pour cela que la vraie et fibre foi est nécessaire à l’homme. « L’homme vit d’affirmation plus encore que de pain. » Mais la foi n’en reste pas moins toujours au second rang, après l’amour, après la volonté aimante. […] De ce monde où l’on souffre le poète relève nos yeux vers le ciel, et il nous y montre la Foi, ceinte d’un cercle d’étoiles. […] Hugo eut une foi profonde dans la réalité du progrès social : Quoi !

80. (1796) De l’influence des passions sur le bonheur des individus et des nations « Section première. Des passions. — Chapitre VII. De l’esprit de parti. »

L’orgueil, l’émulation, la vengeance, la crainte, prennent le masque de l’esprit de parti, mais cette passion à elle seule est plus ardente ; elle est du fanatisme et de la foi, à quelque objet qu’elle s’applique. […] Il n’est point de passion qui doive plus entraîner à tous les crimes par cela même, que celui qui l’éprouve est enivré de meilleure foi ; et que le but de cette passion n’étant pas personnel à l’individu qui s’y livre, il croit se dévouer, en faisant le mal, conserve le sentiment de la vertu, en commettant les plus grands crimes, et n’éprouve ni les craintes, ni les remords inséparables des passions égoïstes, des passions qui sont coupables aux yeux de celui même qui s’y abandonne. […] L’esprit de parti est exempt de craintes, non pas seulement par l’exaltation de courage qu’il peut inspirer, mais par la sécurité qu’il fait naître : les Jacobins et les Aristocrates, depuis le commencement de la révolution, n’ont pas un instant désespéré du triomphe de leur opinion, et au milieu des revers qui ont frappé si constamment les Aristocrates, il y avait quelque chose de béat dans la certitude avec laquelle ils débitaient des nouvelles, que la foi la plus superstitieuse aurait à peine adoptées. […] L’esprit de parti des premiers est de meilleure foi, celui des novateurs est plus habile ; la haine des premiers est plus profonde, celle des autres est plus agissante ; les premiers s’attachent plus aux hommes, les novateurs davantage aux choses ; les premiers sont plus implacables, les seconds plus meurtriers ; les premiers regardent leurs adversaires comme des impies, les seconds les considèrent comme des obstacles, en sorte que les premiers détestent par sentiment, tandis que les autres détruisent par calcul, et qu’il y a moins de paix à espérer des partisans des anciens préjugés, et plus à redouter de la guerre faite par leurs ennemis. […] Cette passion étouffe dans les hommes supérieurs les facultés qu’ils tenaient de la nature, et cette carrière de vérité, indéfinie comme l’espace et le temps, dans laquelle l’homme qui pense jouit d’un avenir sans bornes, atteint un but toujours renaissant ; cette carrière se referme à la voix de l’esprit de parti, et tous les désirs, comme toutes les craintes, vouent à la servitude de la foi les têtes formées pour concevoir, découvrir et juger.

81. (1898) L’esprit nouveau dans la vie artistique, sociale et religieuse « III — Les deux cathédrales »

Le formidable organisme de foi et de prière lui est apparu sous son aspect saisissant de réalité, avec son corps et avec son âme, dont les siècles n’ont pu atténuer la mystérieuse fulguration. […] Ici, la forteresse de la foi médiévale surgit isolée de l’univers, surnaturelle, divine, solitaire ; là, elle apparaît liée à l’univers, naturelle, terrestre, solidaire. […] Mais encore faut-il ajouter que l’un est un artiste catholique, l’autre un artiste, sans autre qualification ; que ce qui anime la pierre est pour le premier, la foi, pour le second, la vie universelle.‌ […] L’Écriture Sainte, base de l’ancienne foi, ne fut plus qu’un document d’exégèse ; l’immense Bible vivante dont quelques caractères commençaient à être traduits, devint le seul Livre sacré dont l’authenticité fut établie. […] Le magnétisme de la prière et de la foi s’est à jamais dissipé : les regrets, les mélancoliques ressouvenirs et les tendres regards jetés en arrière n’y feront rien.

82. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « Les Femmes de l’Évangile » pp. 89-93

Ventura, homme d’immense doctrine, de foi profonde, de vigueur de parole, un vrai lion évangélique enfin, n’aurait-il pas pu se reposer de ses travaux de prédicateur en nous écrivant cette majestueuse histoire ? Nous l’avions cru, et il nous eût été doux de rendre compte d’un tel ouvrage ; il nous eût été doux de démontrer la différence qu’il y a entre les héroïnes de la foi en Dieu et les héroïnes de la foi en soi-même ; car, malgré l’éternelle mêlée des systèmes et le fourré des événements, il n’y a que cela dans le monde : le parti de Dieu ou le parti de l’homme ; et il faut choisir !

83. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Deuxième partie. — Chapitre XXIII. »

Et ce jeune satirique, suicide en délire, mourant à l’hôpital, Gilbert, ne fallait-il pas la consolation de la foi, dans l’agonie de l’extrême malheur, pour lui inspirer la pure et navrante mélodie de ses derniers vers ? […] L’hymne religieux peut naître dans tous les pays, et à ce titre la plupart des chants chrétiens d’Héber, inspirés par ses études, sa vocation simple, ses contemplations de la foi, avaient précédé son séjour dans l’Inde. […] « Prémices de la foi, le couteau du meurtrier a perdu sur vous sa plus mortelle atteinte ! […] On le sent, aux cris de douleur qui lui échappent sur les vices inhumains mêlés à l’idolâtrie des Hindous, et sur tous les maux dont il faudrait les guérir pour les élever jusqu’à la foi. […] Voilà les honneurs rendus à ce noble et gracieux génie, qui, dans la foi romaine, aurait mérité d’être un saint, et qui a laissé, chez les dominateurs de l’Inde, la renommée d’un sage et d’un poëte.

84. (1913) Le bovarysme « Quatrième partie : Le Réel — V »

Que l’on juge de ce point de vue les diverses attitudes adoptées par les hommes et où ils témoignent de leur foi en une vérité objective, celles des anciens Grecs qui crurent à la nécessité de recevoir des aliments dans le tombeau pour vivre heureux après la mort, celle de l’ascète à qui la vérité commande de supprimer la volupté, celle du skoptzy à qui la vérité commande d’en supprimer les moyens. […] la foi abstraite en l’existence même de la vérité. […] L’état quelconque du mouvement qu’il immobilise apparaît sous le regard de la conscience, comme le seul état parfait ; il emporte la foi absolue en lui-même et fait tenir le nombre illimité des possibles dans les limites qui le définissent. « Je suis, dit-il toujours, la vérité et la vie. » Et la force avec laquelle ce pouvoir d’arrêt s’affirme sous forme de vérité dans le monde moral traduit expressément le degré du pouvoir de réalisation dont il est l’interprète. […] En politique, en morale, en sociologie, en religion, en philosophie, le conservateur de la doctrine ancienne et le révolutionnaire le plus acharné à détruire les vérités présentes se confondent dans l’identité d’une même foi.

85. (1890) L’avenir de la science « XXIII »

De là ces mesquines théories de la séparation des deux pouvoirs, des droits respectifs de la raison et de la foi. […] Je puis même me dire chrétien, en ce sens que je reconnais devoir au christianisme la plupart des éléments de ma foi, à peu près comme M.  […] S’il fallait faire en particulier un acte de foi sur chaque verset de l’Écriture ou sur chaque décret du Concile de Trente, ce serait bien autre chose ; on serait surpris de se trouver incrédule. […] Qui ne s’est arrêté, en parcourant nos anciennes villes devenues modernes, au pied de ces gigantesques monuments de la foi des vieux âges ? […] J’aime cette foi simple, comme j’aime la foi du Moyen Âge, comme j’aime l’Indien prosterné devant Kali ou Krichna, ou présentant sa tête aux roues du char de Jagatnata.

86. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre III. »

Un pieux lettré, qui, à la fin du dix-septième siècle, commentait cette inspiration des premiers temps, disait « qu’au prix de ce cantique, Virgile lui paraissait tout de glace » ; malheureusement, il glaçait lui-même de ses analyses ce qu’admirait sa foi. […] La continuité du sublime serait une extase plus forte que la vie terrestre, comme le témoigne parfois l’apparition trop courte d’une de ces âmes élevées, délicates, brûlantes, que la foi divine a saisies et qu’elle consume. […] C’est tout ensemble la marque et la borne de sa grandeur ici-bas, que, dans la foi, dans la passion, dans le génie, elle ne puisse entrevoir et soutenir le sublime que par intervalle. […] Quelle place y doit prendre encore la foi surnaturelle ? […] On y voit en symbole et en action le culte de Dieu, l’amour de la patrie juive, la persuasion des promesses divines, la certitude de la délivrance, l’immutabilité de la foi primordiale et l’extension future de ses rameaux transformés.

87. (1899) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Septième série « Victor Duruy » pp. 67-94

Ernest Lavisse) « le sincère sentiment démocratique, la générosité d’instincts, la foi aux idées, le patriotisme idéaliste qui étaient en lui-même, et le même amour philosophique de l’humanité ». […] Il était lui-même, par sa foi philosophique et sa conception de la cité, un Français de la Révolution, mais muni d’expérience historique, et de prudence et d’obstination romaines : quelque chose comme un idéologue pratique (je vous prie de donner au premier de ces deux mots son plus beau sens). […] Il n’y a pas, dans ses livres, un mot qui puisse alarmer la foi d’un écolier. […] Chaque année, il se faisait un devoir d’accompagner, dans les lycées où ce prélat donnait la confirmation, Mgr Darboy, qui était, d’ailleurs, un homme doux et triste et, dit-on, d’une foi très peu agressive. […] Tels ces citoyens de foi opiniâtre qui après Cannes, refusèrent de désespérer de Rome (car cette vie d’un bon Français éveille aisément des souvenirs romains), ou tel Condorcet, traqué, écrivant son Esquisse d’un tableau historique des progrès de l’esprit humain, — ainsi, une nuit du tragique hiver, dans sa casemate, Victor Duruy crayonna pour lui-même, sur un carnet, cette profession de foi, admirable en cet excès de détresse : « À cette heure funèbre, quelle est ma foi et mon espérance ?

88. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre VII. Mme de Gasparin »

Protestante encore, comme, à plus d’un accord, son livre le révèle, mais catholique d’âme, catholique d’essence, faite pour venir à nous un Jour, et si elle n’y vient pas, digne d’être de nous éternellement regrettée, elle a comme perdu sa personnalité de femme dans la profondeur de sa foi religieuse, et elle y a trouvé plus qu’elle ne pouvait y laisser, car l’ombre de Dieu sur notre pensée, vaut mieux que notre pensée, fût-elle du génie. […] Or l’activité du cœur et l’ardeur de la foi poussent au prosélytisme ; et c’est ce prosélytisme embrasé d’une croyante qui voudrait partager le pain de sa vérité avec l’univers, qu’on respire dans ce petit livre, offert aux imaginations désoccupées dans un but que l’auteur est trop habile pour ne pas cacher ! […] En parlant du livre qu’elle nous tend du fond de son voile, ce que nous aurions désiré, c’eût été de donner une idée, à peu près juste, de cette aimable femme qui quête aux cœurs au nom de sa foi ; de cette sirène religieuse pour le compte de Dieu ! […] Or qui dit promesses divines, entend la foi. […] D’autant plus grande, cette poëte qui s’ignore, abîmée dans l’humilité et le flamboiement de sa foi, qu’elle ne veut pas l’être, — qu’elle ne pense pas une minute à l’être, pas plus qu’elle ne pense à la science, à la sûreté de sa divination, vraie pour elle, mais qu’elle ne donne pas comme l’éclair fixé de la certitude.

89. (1899) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Septième série « Les deux Tartuffe. » pp. 338-363

À ce propos, vous savez qu’on s’est demandé si Tartuffe avait la foi. […] Pour le premier Tartuffe, le bedeau, la brute, méchant, mais stupide, dénué d’esprit critique et incapable de se connaître lui-même, on peut admettre à la rigueur qu’il ait la foi, — la foi d’un abominable charbonnier. […] D’ailleurs, la foi fait des miracles de plus d’un genre, et l’on a vu souvent des dévots beaucoup plus intelligents qu’Orgon traiter avec la déférence la plus sincère et la plus aveugle et prendre pour directeur de conscience tel « petit Frère » aussi grossier et trivial que celui de la Rôtisserie de la reine Pédauque… « Mais comment, disais-je encore, un bourgeois comme Orgon, et qui doit avoir les préjugés de sa classe et de son rang, peut-il bien s’entêter à donner sa fille à un ancien mendigot ? […] (Sur cette question, d’ailleurs accessoire : « Tartuffe a-t-il la foi ?  […] L’hypocrisie dévote peut être de deux degrés : ou l’hypocrite a la foi et singe seulement les vertus qui lui manquent ; ou il simule en même temps les croyances et les vertus qu’il n’a pas.

90. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « VI. M. Roselly de Lorgues. Histoire de Christophe Colomb » pp. 140-156

Cette reprise hardie de la tradition catholique où le génie de Bossuet l’avait laissée, cette reprise sans fausse honte, sans embarras, dans la simplicité d’une foi profonde, voilà ce qui devra faire autour du livre en question plus de bruit que l’intérêt d’une gloire, placée trop haut pour nous toucher ! […] Sans la rédemption, le Saint-Sépulcre, le prosélytisme de la foi et de l’amour qui brûlait dans ce vieux pilote, ayant passé déjà quarante ans de vie à la mer, et qui n’en portait pas moins le cordon de saint François autour des reins et vivait, à bord, de la contemplation séraphique autant que de la contemplation de la nature, sans le catholicisme enfin et sa grâce divine, Christophe Colomb n’aurait été qu’un rêveur de plus, parmi les marins qui rêvaient, car à son époque le vent des découvertes soufflait sur tous les fronts et agitait tous les esprits. « Déjà depuis plus d’un demi-siècle, dit M. de Lorgues, le Portugal cherchait un accroissement par mer et il avait augmenté son domaine de plusieurs îles situées, loin des rivages connus, au sein de l’Océan. » Comme tant d’autres que l’histoire a désignés, mais dont elle a oublié les noms, Colomb aurait eu des velléités, des aperceptions, des pressentiments, des mouvements d’aiguille aimantée au cerveau, des plans même, si l’on veut, mais il n’aurait eu ni le courage, ni la foi, ni l’espérance, ni la patience, ni l’importunité sublime qui firent de sa vie un apostolat. […] Comme catholique, il était dans son droit, et tout catholique doit applaudir à cette manière d’écrire l’histoire ; mais, nous ne serions pas catholique de cœur et de tête, de réflexion et de foi, que nous applaudirions encore à l’inspiration résolue d’un esprit et d’un livre qui du moins sait prendre le taureau par les cornes, ne dût-il pas le renverser ! […] La foi et l’amour ne se dédoublent pas chez les femmes.

91. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « XXIII. P. Enfantin »

Enfantin (page 44 de sa brochure), je peux les comparer aux tentes que saint Paul tissait et vendait pour vivre, pour avoir la force de semer partout sa parole de vie… Alors pour lui, comme aujourd’hui pour nous, la foi ne donnait pas de quoi vivre. Ce fut longtemps après saint Paul que l’on put dire : le prêtre vit de l’autel… … Êtes-vous bien certain que nous n’employons pas le produit de nos tentes, d’une part à protéger notre foi qui n’est pas salariée, comme le sont plusieurs et spécialement la vôtre, de l’autre à guérir, à soutenir, à relever nos pauvres, à qui nous n’infligeons pas la discipline et à qui nous ne conseillons pas de se l’infliger à eux-mêmes ? […] Puisqu’il dit nous avec cette pompe, nous lui demanderons quel est le nombre des adhérents à la foi saint-simonienne qui soient prêts à la confesser ? […] Enfantin représente la foi, la volonté, le consentement de plusieurs, en faisant la déclaration scandaleuse qu’il vient d’opposer tout à coup à l’enseignement d’un prêtre catholique, orthodoxe et respecté, nous dirons qu’il nous importe, à nous chrétiens, de savoir le danger qui nous menace, et si tout cela, comme nous le pensons bien plutôt, n’est que rêverie de visionnaire attardé qui ne peut guérir de son mal de jeunesse, il importe qu’on le sache aussi, afin que justice soit faite encore une fois de cette folie qui repousse, après vingt-trois ans, comme un polype indestructible, dans les têtes dont on le croyait arraché, et qu’enfin on n’y revienne plus !

92. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « M. Le Conte de l’Isle. Poëmes antiques. »

C’est même une chose naturelle, ordinaire et universelle aux temps de syncrétisme comme le nôtre, que cette facilité des esprits à revêtir tous les costumes, déjà connus, de la pensée, et à se les ajuster assez bien, ma foi ! […] « Dis-moi qui tu hantes, a dit le proverbe, et je te dirai qui tu es. » M. le Conte de L’Isle (du moins tout son livre en fait foi) appartient aux sceptiques du xixe  siècle. […] Il a traversé des doctrines, mais il n’a foi en rien, pas même dans l’erreur. […] Et d’amour il n’en a pas plus que de foi !

93. (1909) Les œuvres et les hommes. Philosophes et écrivains religieux et politiques. XXV « Nicole, Bourdaloue, Fénelon »

Le christianisme de Fénelon est bien dépouillé de tout ce qui constitue, — non la vieille foi, — mais les vieilles formes de la foi de nos pères. […] Mais, à part le ton de sa foi, littérairement Fénelon montre dans ses Lettres spirituelles un talent exquis et ravissant, et même religieusement il peut faire du bien à quelques âmes Il a le charme, il a la grâce, — ce rien de la grâce que n’avait pas Nicole, et avec lequel on solde tout !

94. (1895) Histoire de la littérature française « Première partie. Le Moyen âge — Introduction. Origines de la littérature française — 4. Physionomie générale du moyen âge. »

La foi « complète, absolue, sans restriction et sans doute » lui donne son autre caractère. Ainsi les ressorts qui meuvent tout, c’est l’honneur et la foi, deux principes de désintéressement et de dévouement, qui imposent à la volonté l’effort infatigable contre les intérêts et contre les appétits, au nom d’un bien idéal. […] Même tout l’art dont est capable ce moyen âge qui lut les chefs-d’œuvre de la poésie antique sans y remarquer la fine splendeur des formes, cet art sortira de là : il manifestera l’énergie de son individualisme par ses châteaux, et la vivacité de sa foi par ses églises.

95. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre XII. La littérature et la religion » pp. 294-312

A chaque instant éclate la foi ardente des auteurs et des auditeurs. […] Même caractère de foi robuste et naïve dans les autres œuvres du temps. […] Si le théâtre par une revanche imprévue fait à son tour la guerre à la religion, la philosophie, elle aussi, se pose en ennemie de la foi. […] Elles sont si puissantes, ces habitudes imposées à la pensée par le catholicisme et le protestantisme, que la foi peut disparaître sans que le caractère national ou individuel perde le pli ainsi contracté. […] Je crois peu utile de démontrer qu’elle a souvent opéré sur la foi comme un acide dissolvant.

96. (1872) Les problèmes du XIXe siècle. La politique, la littérature, la science, la philosophie, la religion « Introduction »

Il se trouve encore des esprits qui, même dans l’ordre de la foi, voudraient que l’État intervînt pour fixer ce qu’il faut croire et ce qu’il est permis de ne pas croire. […] De même qu’en politique le vrai libéral veut la liberté non-seulement pour lui-même, mais encore pour ses adversaires, de même dans l’ordre de la pensée et de la foi on ne peut être assuré de posséder la vérité qu’à la condition de lui avoir fait subir toutes les épreuves de la critique. […] Il y a, dit-on, certaines vérités naturelles, instinctives, qui sont plus sûrement garanties par la foi que par l’examen, que la discussion au contraire obscurcit et confond bien loin de les affermir, et pour ces vérités au moins il faut écouter la nature plus que la raison. […] Ils prennent pour vérité surnaturelle ce qui n’en est pas ; leur foi n’est que superstition, leurs espérances ne sont qu’illusions, leur culte n’est qu’idolâtrie. […] La liberté de penser, prise en soi, n’a donc rien de contraire à la foi, et les croyants eux-mêmes sont forcés d’y avoir recours quand ils essayent de démontrer la religion.

97. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — T — Turquety, Édouard (1807-1867) »

. — Amour et foi (1861). — Acte de foi, poésies (1868).

98. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Vie de Jésus, par M. Ernest Renan »

Le 8 juin 1762, il y a cent et un ans, Jean-Jacques Rousseau, qui vivait à Montmorency sous la protection du prince de Conti et du maréchal de Luxembourg, fut averti qu’il était menacé d’un décret du Parlement pour la publication de l’Émile et la Profession de foi du Vicaire savoyard qui s’y trouvait ; il dut s’enfuir de son asile au milieu de la nuit, et quitter incontinent la France. […] Qu’est-ce donc si ce saint, aux yeux de la foi et de la conscience, est le saint des saints, si c’est une des personnes de Dieu ? […] Un tel livre qui trahit la faiblesse et l’imprudence de l’attaque va avoir pour premier résultat de fortifier et de redoubler la foi chez les croyants. Si c’est là en effet le dernier mot de l’incrédulité, il faudra désormais autant et plus de foi pour croire à ces conséquences dites philosophiques ou historiques, à ces conjectures écloses et nées d’un seul cerveau, qu’à nous, chrétiens, pour continuer de croire à la tradition, à l’Église, au miracle visible d’un établissement divin toujours subsistant, au majestueux triomphe où l’évidence est écrite, au consentement universel tel qu’il résulte du concert des premiers et seuls témoins… » J’abrège. […] Cette masse flottante d’esprits, qui est trop imbue des résultats généraux ou des notions vaguement répandues de la science et qui a respiré trop librement l’esprit moderne pour retourner jamais à l’antique foi, a besoin pourtant d’être édifiée à sa manière et éclairée.

99. (1868) Les philosophes classiques du XIXe siècle en France « Chapitre IX : M. Jouffroy écrivain »

Leurs opinions sont des sentiments, leurs croyances sont des passions, leur foi est leur vie ; et quand le raisonnement intérieur leur défend de croire, c’est comme s’il leur commandait d’abjurer leur père et leur pays. […] En vain mon enfance et ses poétiques impressions, ma jeunesse et ses religieux souvenirs, la majesté, l’antiquité, l’autorité de cette foi qu’on m’avait enseignée, toute ma mémoire, toute mon imagination, toute mon âme s’étaient soulevées et révoltées contre cette invasion d’une incrédulité qui les blessait profondément ; mon cœur n’avait pu défendre ma raison… Je n’oublierai jamais la soirée de décembre où le voile qui me dérobait à moi-même ma propre incrédulité fut déchiré. […] Bien que mon intelligence ne considérât pas sans quelque orgueil son ouvrage, mon âme ne pouvait s’accommoder à un état si peu fait pour la faiblesse humaine ; par des retours violents elle cherchait à regagner les rivages qu’elle avait perdus ; elle retrouvait dans la cendre de ses croyances passées des étincelles qui semblaient par intervalles rallumer sa foi. […] Cousin avait examiné devant lui l’origine des idées et quelques points de psychologie : c’en fut assez ; sorti de l’école, il se mit au travail, « dévoré de l’ardeur de la science, de la foi en lui-même », jetant les livres, trouvant la psychologie à mesure qu’il l’enseignait. […] J’en vins même à me convaincre que je ne comprenais véritablement que ce que j’avais trouvé moi-même ; je perdis toute foi à l’instruction transmise ; et dès lors je n’ai point changé d’opinion.

100. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre XVII. Forme définitive des idées de Jésus sur le Royaume de Dieu. »

» devint une sorte de mot de passe que les croyants se disaient entre eux pour se fortifier dans leur foi et leurs espérances. […] Quoi qu’il en soit, à sa mort, la foi de plusieurs fut ébranlée, et ses disciples donnèrent à la prédiction du Christ un sens plus adouci 800. […] Elle était de foi pour les pharisiens et pour les adeptes fervents des croyances messianiques 803. […] La foi de la première génération chrétienne s’explique ; mais la foi de la seconde génération ne s’explique plus.

101. (1909) Les œuvres et les hommes. Critiques diverses. XXVI. « César Daly »

Dans cette organisation d’artiste qui transmue tout ce qu’elle reçoit, l’histoire, la connaissance de l’histoire a créé à un philosophe une foi catholique, — ce qu’il fallait de foi catholique pour achever une œuvre de foi catholique, et l’achever de manière à satisfaire également l’exigence des artistes et l’âme des saints ! […] Il en a la générosité, la grandeur, la foi en soi, la douceur pour ses adversaires.

102. (1888) Les œuvres et les hommes. Les Historiens. X. « M. Henri de L’Épinois » pp. 83-97

Un historien plus considérable que M. de L’Épinois, Rohrbacher, a fait, dans ce temps, une monumentale histoire de l’Église, en beaucoup de points admirable et de la plus profonde orthodoxie ; — mais Rohrbacher était un prêtre, et il n’est guères lu que des prêtres comme lui et de quelques esprits qui ont la foi des prêtres. […] Son talent ne sert plus qu’à édifier ceux qui ont sa foi, mais si la Grâce surnaturelle ne s’en mêle pas, il ne change ou ne modifie ni les convictions opposées à la sienne, ni les scepticismes, ni les incrédulités. […] Elle n’avait pas même besoin de la tendre pour qu’elle y tombât, spontanément offerte qu’elle était, cette aumône, par la foi et l’enthousiasme fraternel des premiers Chrétiens ! […] — et le livre de M. de L’Épinois ne permettrait pas, d’ailleurs, de l’oublier, — c’était principalement cette action morale intervenant dans les choses humaines au nom de Dieu, que la Papauté défendait en défendant son gouvernement temporel, comme c’était encore son action morale qu’elle sauvegardait dans son gouvernement spirituel, quand, à force de décrets, de bulles et de conciles, elle sauvegardait la pureté et l’intégrité de la Foi.

103. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — M — Mithouard, Adrien (1864-1929) »

Mithouard est aussi un philosophe, mais de foi catholique ; on connaît son Récital mystique et son Iris. […] L’antinomie humaine que symbolisent les époux larmes et rires, le doute et la foi, la prière et le blasphème, se lèvent face à face, pour les éternelles épousailles, au chœur d’une cathédrale d’un double style contrarié, avec, sur leurs lèvres, le oui jamais prononcé.

104. (1923) L’art du théâtre pp. 5-212

Ses moyens sont directs et, ma foi, traditionnels : ils ne vous prennent pas de biais. […] Bienfait pour la foi, cela va sans dire. […] Sa foi et son plaisir l’amèneront à son insu à une conception de l’art moins triviale et moins sommaire. […] « Pour la foi, par l’art dramatique. Pour l’art dramatique en esprit de foi. » Telle fut leur devise.

105. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « HISTOIRE de SAINTE ÉLISABETH DE HONGRIE par m. de montalembert  » pp. 423-443

Très-jeune, plein de foi, d’abord un des collaborateurs de l’Avenir, et disciple de M. de La Mennais, après s’être dévoué avec noblesse, puis s’être séparé avec simplicité, il alla passer deux ans de réflexion, de douleur et d’étude en Allemagne. […] Mais l’esprit, je le sais, qu’une foi absolue possède, mourrait plutôt que de s’en laisser un instant séparer. Au reste, dans une introduction comme celle-ci, l’inconvénient n’existe qu’assez secondaire : ces tableaux généraux ont besoin d’une perspective ; celle que l’auteur trouvait tout naturellement tracée et éclairée par sa foi était la plus magnifique qu’il pût offrir. […] Clément Brentano, et traduit chez nous par un homme de la même foi et d’un talent bien connu, M. de Cazalès. […] Par bonheur, Phanor est religieux, catholique, il croit : sa foi est un beau voile à sa suffisance.

106. (1886) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Deuxième série « Le père Monsabré »

Ils ont l’enfance du cœur qui permet de s’amuser à des riens  Quelquefois aussi (et alors elle est moins aimable et sonne un peu faux aux oreilles des profanes), cette gaieté laisse entrevoir une arrière-pensée d’édification ; elle paraît commandée et voulue ; elle s’étale comme un argument en faveur de la foi, comme un défi à la tristesse ou aux rires mauvais des pécheurs. […] Ils persistent à rêver la réconciliation de la science et de la foi, de la religion et de la société moderne. […] Le Père est dans le vrai, sauf une phrase qui dépasse certainement sa pensée, car on n’est pas nécessairement une « bête à face humaine » pour être en dehors de la foi catholique. […] Dès lors le prédicateur n’a rien de mieux à faire que de confirmer les croyants dans leur foi et d’incliner les autres à croire, non par des arguments toujours caducs en quelque point, mais par l’émotion et l’onction de sa parole et en leur rendant sensibles la douceur et la bienfaisance intimes de la foi et des vertus chrétiennes. […] Ambition, cupidité, égoïsme, rapine, envie, haine, débauche du cœur et des sens, dépérissement de la foi, oubli coupable du devoir, affaissement de la moralité, lâcheté du respect humain : voilà, messieurs, les raisons qu’on ne dit pas, les seules déterminantes, aussi honteuses que les autres sont niaises.

107. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Les trois siecles de la litterature françoise. — A — article » p. 113

auquel un plaisant du Parterre répondit : Ma foi s’il m’en souvient, il ne m’en souvient guere. […] Ses autres Ouvrages, tous médiocres, & même au dessous du médiocre, sont restés dans l’oubli, & l’on a eu raison de dire dans son épitaphe : Ci-gît un Auteur peu fêté, Qui crut aller tout droit à l’immortalité ; Mais sa gloire & son corps n’ont qu’une même biere ; Et lorsqu’Abeille on nommera, Dame Postérité dira : Ma foi s’il m’en souvient, il ne m’en souvient guere.

108. (1898) L’esprit nouveau dans la vie artistique, sociale et religieuse « Introduction »

L’Europe chrétienne, en effet, eut foi dans un mythe étrange, l’un des plus singuliers parmi ceux qui présidèrent aux destins collectifs. […] Mais le moyen-âge, dans sa foi solide et naïve, ignorait cette loi du monde moral : que toute compression engendre une dilatation, la Nature refoulée pendant des siècles, fit un jour irruption, en dépit des barrières. […] J’ai foi dans cette parole de Quinet : « C’est trop peu de lutter chaque jour, pour préparer le nouvel avenir, il faut encore travailler à découvrir l’esprit qui renouvellera toutes choses, dans ce monde dont nous touchons le seuil. »‌ 1.

109. (1872) Les problèmes du XIXe siècle. La politique, la littérature, la science, la philosophie, la religion « Livre V : La religion — Chapitre III : Le problème religieux »

Les philosophes auront beau mettre tous les ménagements possibles dans leurs rapports avec la religion, ils n’empêcheront pas leurs semblables de se détacher comme ils se sont détachés eux-mêmes : si vous n’avez pas la foi, pourquoi voulez-vous que je l’aie ? […] D’ailleurs on a souvent prédit au protestantisme depuis son origine sa prochaine dissolution, tandis qu’au contraire les faits et l’expérience ont constaté ses progrès et les progrès des sociétés animées de sa foi ; l’on doit se défier d’une prophétie si souvent répétée et si peu vérifiée, au moins jusqu’ici. […] Le catholicisme lui-même, quoi qu’en disent ses adversaires prévenus, a montré dans l’histoire une assez grande flexibilité, car il a pu s’accommoder en même temps au moyen âge et au xviie  siècle, à la foi naïve d’une société ignorante et à la foi savante de la société la plus raffinée.

110. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre XVII. Le Retour du Christ. Appel aux femmes ! »

Les ascètes et les Saintes, les Saintes, comme sainte Brigitte, sainte Catherine de Sienne, sainte Thérèse, dont nous avons tant de prières touchantes de foi ou sublimes, ne les publiaient pas, de leur vivant, avec des approbations enthousiastes des Alexandre Dumas de leur temps ! […] L’Imitation de Jésus-Christ, écrite dans une cellule, était originairement un livre de cloître ; et d’ailleurs, le religieux qui l’écrivit avait dans la pureté de sa doctrine et de sa foi une garantie de la pureté de sa prière. […] À ces esprits de vanité insensée, la Vierge Marie, invoquée sous tant de noms magnifiques dans les Litanies, apparaît surtout comme une femme ; et cette femme prend, à ces orgueilleuses d’être femmes, l’imagination et le cœur plus fort même que le Dieu-Homme ; et c’est ainsi que le bas-bleuisme se retrouve dans leur foi religieuse qu’il infecte, et qu’il fait son impertinente poussée jusque dans le ciel ! […] La licorne est, dit-on, — un animal fabuleux ; et il est fabuleux, en effet, qu’un dominicain, qui devrait être grave et dont la parole a une portée qui ne vient pas de lui, mais de son sacerdoce, donne si légèrement à une femme, pour le moins sans empire sur l’expression déréglée de sa foi, une approbation d’une intimité sans prudence, — dont il s’est vite excusé, aussi vite qu’il l’avait donnée !

111. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « XIII. Pascal »

Ils n’ont rien compris ou du moins ont compris peu de chose à ce Solitaire, plus solitaire que tous les solitaires de Port-Royal dont il faisait partie, car jamais la régie et la communauté de doctrine et de foi n’empêchèrent qu’il ne fût seul, éternellement seul, sur la montagne de son esprit. […] Ce qui distingue Pascal, ce n’est pas la force de sa raison, car souvent il voit faux ; ce n’est pas non plus la pureté de sa foi, car souvent elle est troublée. […] Gui, sous les lignes brisées de ce grand dessin géométrique qu’on aperçoit encore en ces Pensées, comme le plan interrompu d’une Pompéï quelconque après le tremblement de terre qui l’a engloutie, il y a une poésie, une poésie qu’on ne connaissait pas avant Pascal, dans son siècle réglé et tiré à quatre épingles ; la poésie du désespoir, de la foi par désespoir, de l’amour de Dieu par désespoir ! […] La foi religieuse a pâli.

112. (1892) Les idées morales du temps présent (3e éd.)

La piété sans la foi ; le roman de l’infini. […] Aussi lui demanda t-il davantage : la foi ne lui suffit plus, il tomba dans la superstition. […] Lemaître en arrive, lui aussi, à se constituer une espèce de foi sans Dieu, qui ne ressemble en rien à là foi du charbonnier, mais qui est une foi tout de même. […] Quant aux « bons sentiments », je me demande pourquoi la foi positive d’un croyant serait meilleure que la foi négative d’un athée ou que la sincérité d’un sceptique. […] Qui sait s’ils n’arriveront pas jusqu’à la foi ?

113. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Œuvres de Vauvenargues tant anciennes qu’inédites avec notes et commentaires, par M. Gilbert. — I — Vauvenargues et Fauris de Saint-Vincens » pp. 1-16

La vie ne paraît qu’un instant auprès de l’éternité, et la félicité humaine, un songe ; et, s’il faut parler franchement, ce n’est pas seulement contre la mort qu’on peut tirer des forces de la foi ; elle nous est d’un grand secours dans toutes les misères humaines ; il n’y a point de disgrâces qu’elle n’adoucisse, point de larmes qu’elle n’essuie, point de pertes qu’elle ne répare ; elle console du mépris, de la pauvreté, de l’infortune, du défaut de santé, qui est la plus rude affliction que puissent éprouver les hommes, et il n’en est aucun de si humilié, de si abandonné, qui, dans son désespoir et son abattement, ne trouve en elle de l’appui, des espérances, du courage : mais cette même foi, qui est la consolation de misérables, est le supplice des heureux ; c’est elle qui empoisonne leurs plaisirs, qui trouble leur félicité présente, qui leur donne des regrets sur le passé, et des craintes sur l’avenir ; c’est elle, enfin, qui tyrannise leurs passions, et qui veut leur interdire les deux sources d’où la nature fait couler nos biens et nos maux, l’amour-propre et la volupté, c’est-à-dire tous les plaisirs des sens, et toutes les joies du cœur… Vauvenargues avait vingt-quatre ans quand il écrivait ces lignes. […] Il continue et prolonge cette conversation par lettres avec Saint-Vincens, sur les sentiments de différente sorte et les troubles qui agitent une âme à la vue des derniers moments : On ne saurait tracer d’image plus sensible que celle que tu fais d’un homme agonisant, qui a vécu dans les plaisirs, persuadé de leur innocence par la liberté, la durée, ou la douceur de leur usage, et qui est rappelé tout d’un coup aux préjugés de son éducation, et ramené à la foi, par le sentiment de sa fin, par la terreur de l’avenir, par le danger de ne pas croire, par les pleurs qui coulent sur lui. […] C’est un neutre indulgent et parfois sympathique ; et quant à ces traités particuliers sur le libre arbitre et sur d’autres sujets où il a paru imiter le style et suivre les sentiments de Pascal, il nous en donne la clef un peu plus loin dans cette lettre même (10 octobre 1739) ; car, après un assez long développement et qui vise à l’éloquence, sur les combats du remords et de la foi au lit d’un mourant, il ajoute : J’aurais pu dire tout cela dans quatre lignes, et peut-être plus clairement ; mais j’aime quelquefois à joindre de grands mots, et à me perdre dans une période ; cela me paraît plaisant. […] Assurément on aurait mieux aimé voir dans ces élans et ces prières, dans ces méditations sur la foi, les traces directes et les témoignages d’une lutte intérieure et d’un de ces beaux orages mélancoliques et mystiques tels qu’on en a dans la jeunesse, une seconde forme du drame intérieur de Pascal.

114. (1887) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Troisième série « Gaston Paris et la poésie française au moyen âge »

Ainsi comprises, les études communes, poursuivies avec le même esprit dans tous les pays civilisés, forment au-dessus des nationalités restreintes, diverses et trop souvent hostiles, une grande patrie qu’aucune guerre ne souille, qu’aucun conquérant ne menace, et où les âmes trouvent le refuge et l’unité que la cité de Dieu leur a donnés en d’autres temps. » Et voici une autre page où cet amour de la vérité s’exprime comme ferait la foi jalouse d’un croyant, en laisse voir les scrupules, les délicatesses, les pieuses intransigeances : … Il y a au cœur de tout homme qui aime véritablement l’étude une secrète répugnance à donner à ses travaux une application immédiate : l’utilité de la science lui paraît surtout résider dans l’élévation et dans le détachement qu’elle impose à l’esprit qui s’y livre ; il a toujours comme une terreur secrète, en indiquant, au public les résultats pratiques qu’on peut tirer de ses recherches, de leur enlever quelque chose de ce que j’appellerai leur pureté. […] Cette recherche désintéressée, pour être soutenue avec l’espèce d’héroïsme qu’y apportent certains esprits, suppose, ou la foi en cette idée que la vérité est bonne, quelle qu’elle puisse être, où la résignation à la vérité même triste, même décevante, même inintelligible. […] Tout érudit a nécessairement au fond du cœur, qu’il le sache ou non, la profession de foi de Sully-Prudhomme : La Nature nous dit : Je suis la Raison même, Et je ferme l’oreille aux souhaits insensés60, etc. […] Et c’est pour cela que la passion scientifique a chez quelques savants la sérénité et l’énergie d’une foi religieuse et qu’ils apparaissent à la foule avec quelque chose de l’antique prestige des prêtres. […] Mais, de ce que cette irruption de l’antiquité a été, voilà trois siècles et demi, soudaine (autant que peuvent l’être ces choses), irrésistible et telle qu’elle a fait perdre à nos aïeux l’amour et presque le souvenir de leur passé, il s’ensuit qu’aujourd’hui, bien que plus éloignés de la foi religieuse du moyen âge que les hommes d’il y a trois cents ans, nous sommes cependant beaucoup plus capables de goûter et de comprendre son art et sa littérature et nous nous en sentons même beaucoup plus près.

115. (1887) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Troisième série « (Chroniqueurs parisiens III) Henri Rochefort »

Quand un homme passe son temps à attiser les haines des souffrants, à provoquer la révolution sociale, à faire tout, sous prétexte que le monde va mal, pour qu’il aille plus mal encore, il faut qu’il soit bien persuadé de la justice de son œuvre, et cette foi ne suppose pas un très grand fond de gaieté ni surtout une humeur de plaisantin. […] Il faut donc bien qu’il ait la foi : s’il ne l’avait pas, il serait trop à plaindre. […] Il n’est pas l’homme d’une foi, mais l’homme d’un tempérament et d’une situation toujours relative et mobile. […] Il a souffert pour sa cause ; et si peut-être il n’avait pas la foi avant son exil, il a bien pu l’avoir après : on ne veut point avoir souffert pour un simple jeu d’esprit. […] Rochefort il est beaucoup plus simple d’avoir la foi  sauf à l’exagérer quand on la proclame, et à l’oublier le reste du temps.

116. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Saint Anselme, par M. de Rémusat. » pp. 362-377

Enfin, un jour, il fut plus heureux, et il écrivit aussitôt l’espèce d’allocution et de prière où il s’empressa de l’encadrer ; car, chez Anselme, c’est toujours la prière qui précède et qui suit les opérations de la science ; chez lui, ce n’est pas la raison qui cherche la foi, c’est la foi fervente et sincère qui cherche simplement les moyens de se comprendre et, pour ainsi dire, de se posséder par le plus de côtés possible ; c’est la foi, comme il le définit excellemment, qui cherche l’intelligence d’elle-même. […] Sans nulle expérience de la politique, animé d’une foi profonde, jamais il n’avait eu à manœuvrer dans le siècle. […] Homme d’Église avant tout, et peu fait au spectacle de violence et de désordre que donnait la vie des princes et des guerriers, attendons-nous à le voir soutenir avec fidélité, même avec obstination, mais sans ambition et sans calcul, la cause de la puissance spirituelle, ne sachant transiger ni sur le péché dont il deviendrait complice en le tolérant, ni sur la foi qu’il croit engagée dans les questions d’intérêt ecclésiastique.

117. (1917) Les diverses familles spirituelles de la France « Chapitre vi »

Les Français sans foi de l’an xiv et de l’an xv ont démontré qu’ils aimaient du même amour la France, la justice et la liberté de l’esprit ; ils deviennent chers à tous les Français fiers de leur foi, comme eux sont fiers de leur pensée. […] A ce degré, une opinion politique est une foi. « Il a joué son salut, nous dit Paul Desjardins, sur une promesse unique : savoir, que la vraie vie spirituelle qui seule explique le monde et contente l’homme, est fille, non des loisirs élégants comme les sociétés aristocratiques l’ont cru, mais du normal labeur ». […] Le Français digne de ce nom, fier de son histoire, fier de sa pensée ou de sa foi, le Français veut être juste ou ne pas être.‌ […] Ce qui manquait à ces esprits intuitifs et bien intentionnés, c’est cette discipline intellectuelle que donne une culture plus forte et mieux équilibrée que leur éducation incomplète de primaires ; c’est encore cette discipline morale de la foi religieuse qu’ils n’avaient pas et que même ils combattaient comme attentatoire à l’idée fausse qu’ils se faisaient de la liberté humaine. […] Elles ont été suffisantes, avec ce qui nous restait de haute culture et de foi religieuse, pour suppléer, dans ces heures de grande crise, à la discipline qui nous faisait défaut.‌

118. (1857) Cours familier de littérature. III « XVIIe entretien. Littérature italienne. Dante. » pp. 329-408

VIII Dante ne trouvait donc rien d’épique autour de lui dans l’histoire d’Italie qui pût servir de texte à son imagination ; mais le monde théologique était plein de dogmes nouveaux, de foi savante ou de foi populaire, de croyances surnaturelles, de vérités morales ou de fantômes imaginaires, flottant pêle-mêle dans le vide de l’esprit humain, comme les figures tronquées des rêves au moment d’un réveil. […] Il regarda donc pendant longtemps et jusqu’au vertige dans la profondeur de son âme, de sa foi, de ses amours, de ses haines, de ses vengeances, et il se dit : « Je ferai voir l’invisible, et je le rendrai si visible, par la puissance de ma foi et par la vigueur de mes pinceaux, que la terre et le ciel sembleront s’ouvrir aux yeux des hommes, et que je jouirai d’abord en ce temps, puis, par anticipation, dans l’éternité, de cette justice éternelle qui sera à la fois ma félicité et ma vengeance. […] Ozanam, dans un long et savant volume, suit pas à pas le Dante dans sa théologie, dans son astronomie, dans sa science scolastique, et montre partout la concordance allégorique de la foi du Dante, de la science du temps et de l’invention surnaturelle du poète. […] Ce fragment, que nous avons reproduit nous-même dans la vie de Cicéron, est, selon nous, la plus belle profession de foi rationnelle qui ait été écrite par une main d’homme au-dessus des fictions et des crédulités d’imagination de l’antiquité. […] Virgile conduisait ses pas, et, sur la foi de ce guide, il s’enfonça courageusement dans ce chemin ténébreux.

119. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — V. — article » pp. 513-514

On doit encore à cet Auteur un petit Ouvrage en faveur de la Religion, qui se fait lire avec intérêt : il a pour titre, Motifs de ma Foi. […] Nous ne connoissons pas d'Ecrit moderne plus capable que celui-ci d'affermir dans leur foi les ames chancelantes, & de ramener au Christianisme celles qui en ont secoué le joug.

120. (1887) Revue wagnérienne. Tome II « Paris, le 8 avril 1886. »

Mais la connaissance de Dieu n’est pas une branche de la science, qui ne conçoit que ce qui est terrestre : la connaissance de Dieu est affaire de foi, et la vraie foi est l’expression nécessaire du degré que l’on a atteint sur le chemin de l’humanité idéale ; la foi ne vit pas non plus dans la tête, mais dans un cœur ; elle appartient absolument à l’essence de l’homme ; c’est son âme conçue dans ce mot, le Christ. Ce Christ senti par l’âme humaine, c’est la foi. […] La vraie foi se manifeste par l’amour : les hommes croyants s’unissent dans une harmonie morale. […] Jamais peut-être plus qu’en notre temps, depuis la naissance du Christianisme, n’a été aussi nécessaire une telle religion de la foi, de l’amour et de l’espérance. […] Lorsque nous comparons les deux introductions de ces drames, nous trouvons que est tout dit par et dans la musique ; Wagner lui-même nous les a expliquées : « l’inapaisable désir », dans l’introduction de Tristan, dans celle de Parsifal : « l’Amour, la Foi, et l’Espérance ».

121. (1854) Histoire de la littérature française. Tome I « Préface de la seconde édition »

La pensée première de ce livre n’est pas une vue particulière : c’est ma foi aux grandes traditions classiques alors que sa ferveur était pure de toute arrière-pensée offensive, et que je songeais plus à en jouir qu’à la défendre. […] L’autorité de critiques éminents a pu me faire douter que j’eusse le talent de la rendre communicative ; ils ne m’ont pas fait douter de ma foi elle-même.

122. (1895) Histoire de la littérature française « Troisième partie. Le seizième siècle — Livre V. Transition vers la littérature classique — Chapitre I. La littérature sous Henri IV »

Il faisait de Montaigne ce que Du Vair a fait d’Épictète, ce que Pascal fera de Montaigne même : ayant pris au sérieux l’intention dont se couvre l’Apologie de Raymond Sebond, il organise la philosophie au-dessous de la foi, et fait de son Je ne sais la base rationnelle de la morale évangélique. […] Dans d’autres traités, il s’appliquera à mettre en honneur la raison et son double rôle dans la vie morale, pour détourner des passions, et pour préparer sa foi. […] Malherbe, Du Vair, Montchrétien, Olivier de Serres, Régnier, chacun à sa façon, avec les nuances de son caractère, traduisent ce réveil de la foi monarchique dans laquelle s’unissent le patriotisme et l’amour du travail pacifique. […] Montaigne a bien délimité l’inconnaissable : mais s’il vit à l’aise dans son positivisme, tous les esprits qui ne peuvent se passer de certitude demandent à la foi de parler où la raison se tait. […] Le domaine de la foi est réservé : hors de là, tout se décide par raison.

123. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « Innocent III et ses contemporains »

C’est presque aujourd’hui de l’amour ; demain, ce sera de la foi. […] Rien n’y montre cette forte adhésion de toutes les puissances de l’âme qui est le caractère de la foi. […] On était aux beaux jours de la foi, cette fleur ardente de la jeunesse intellectuelle des nations. […] Voulant l’unité de la foi dans les conditions de son temps, il eut bien l’idée d’une prédication appuyée par la guerre. […] Devant la coupe de sang qu’on lui tendit, la foi eut horreur, se détourna et vit le doute, le doute qui ne la lâcha plus !

124. (1818) Essai sur les institutions sociales « Chapitre VI. Du trouble des esprits au sujet du sentiment religieux » pp. 143-159

Une religion aride, dépouillée de cérémonies, enfin une foi métaphysique ne peut nous convenir. […] La reformation a été le résultat de discussions théologiques antérieures à Luther, et qui avaient plus ou moins pour objet de secouer le joug de l’autorité, de se rendre indépendant des traditions, de livrer l’Écriture sainte, fondement de la foi, aux interprétations diverses de la multitude ; de là il n’y avait qu’un pas à l’examen de l’origine du pouvoir. […] Si les Juifs eussent voulu adopter la loi chrétienne, ils fussent restés en corps de nation à cette époque ; mais le jugement de Dieu reposait sur ce peuple, dont la mission devait se borner désormais à être le gardien des promesses anciennes, et à entretenir des témoins désintéressés et impartiaux parmi les Gentils appelés à la foi. […] qui rendra à la génération actuelle la jeunesse de la foi, la fraîcheur de la croyance !

125. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « M. Ernest Hello » pp. 389-403

Ernest Hello, c’est de ne rien faire comme personne, non par originalité littéraire ou calcul d’art, mais par une originalité bien autrement grandiose et profonde, l’embrasement d’une foi religieuse qui, dans un temps où l’enthousiasme est tué dans tous les esprits et dans tous les cœurs, est la plus étonnante, — la plus stupéfiante originalité ! […] C’est, encore plus que son talent, l’originalité de son christianisme absolu, trop sublime pour intéresser la masse impie d’une époque qui ne comprend plus rien à l’enthousiasme d’une foi comme la sienne. […] Ni Saint Augustin, ni Saint Denys l’Aréopagite, ni Saint Chrysostôme, ni aucun des Pères de l’Église — qui furent les plus grands esprits de l’humanité — dont nous savons les noms, mais dont nous ne lisons plus les ouvrages, ne trouveraient maintenant une miette de gloire à ramasser pour leur génie, — ce génie qui fut consubstantiel à leur foi. […] Mais, malheureusement pour la sagesse et l’orgueil des hommes, l’auteur à l’enthousiasme sacré du livre Les Paroles de Dieu, cette perle jetée sur le fumier du siècle aux porcs qui ne la ramassent pas, restera le mystique Hello, dans sa nuit invisible de flamme, avec son amour, son enthousiasme et sa foi !

126. (1888) Les œuvres et les hommes. Les Historiens. X. « M. H. Wallon » pp. 51-66

Ce n’est pas seulement la foi qui a manqué à M.  […] L’artiste n’est pas plus ici que l’homme de foi. […] L’homme n’a foi qu’aux Incarnations ! […] « Les dogmes de la foi — dit-il encore — étaient pour Saint Louis des vérités absolues… » Et c’est ainsi qu’avec des nuances et des adoucissements, il efface de la gloire de Saint Louis, pour le faire mieux accepter à l’esprit moderne, les taches de sainteté qui sont pour nous des gouttes de lumière.

127. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « XVII. Saint-Bonnet »

Saint-Bonnet au commencement de son livre, dans des lignes qui, pour être un tocsin, n’en sonnent pas moins aussi tristement qu’une agonie ; — c’est croire éteinte l’antique Envie que la Foi comprimait autrefois dans les âmes… envie amoncelée, en ce moment, comme la Mer, par un vent qui, depuis un siècle, souffle sur elle. » Laissons les Pangloss du progrès se vautrer dans la niaiserie de leur optimisme. […] En philosophie, une bonne distinction a quelquefois l’importance d’une découverte ; mais ici il y a plus qu’une distinction, il y a une systématisation tout entière, avec laquelle on répondra désormais au Rationalisme sur cette question de la Raison, qu’il a si cruellement et si machiavéliquement troublée en la séparant de la Foi. […] elles ne le sont plus, aux esprits sévères qui croient aujourd’hui la foi et la civilisation perdues, si on ne refait pas l’homme dans son germe, c’est-à-dire dans son existence intellectuelle. […] Certes, s’il fut jamais des hommes dignes de porter dans leurs saintes mains le cœur et le cerveau de l’enfant, ces délicats et purs calices que la vérité doit remplir et qui restent fêlés ou ternis pour toujours, dès qu’un peu de poison de l’erreur y coule, ne sont-ce pas les Jésuites, les pères de la foi, les pères aussi de la pensée, ces premiers éducateurs du monde ?

128. (1887) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (deuxième série). IX « Lacordaire. Conférences de Notre-Dame de Paris » pp. 313-328

La prédication catholique, ce vaste enseignement qui a changé la face du monde, qui l’a conquis et qui l’a gardé, n’est-ce pas une gesticulation plus ou moins entraînante, un cri de la foi poussé jusqu’aux nuées, un raisonnement dans le dogme qui emporte les opiniâtres les plus rebelles, et refait, avec une parole, ce coup de foudre du chemin de Damas qu’on appelle une conversion ? […] indépendamment de ce que l’âme et la foi du prédicateur versent dans sa parole de chaleur, de mouvement et de vie, il y a toujours au fond de toute prédication chrétienne deux sciences immenses et formidables : la science de Dieu et la science de l’homme, la théologie et la morale. […] Elles resteront comme une des illustrations de la littérature catholique au xixe  siècle, et, si j’osais employer un mot qui rendit juste ma pensée, comme une occasion perpétuelle de conversion pour les âmes qui n’ont pas la foi. […] Lacordaire, dont l’intelligence et la foi touchent parfois à la mysticité, est un de ces moralistes grandis par le prêtre.

129. (1899) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (troisième série). XVII « Dargaud »

En effet, depuis que le symbole de nos pères a cessé d’être pour la majorité d’entre nous le vrai et l’unique symbole, et que la Foi, comme un flambeau renversé, s’est éteinte dans la poussière des traditions abandonnées, il s’est élevé une nombreuse race d’hommes qui se disent religieux pourtant, et qui ont remplacé les formes nettes et les dogmes arrêtés du catholicisme par les aspirations maladives d’une vague religiosité. […] Je pourrais bien citer encore tous les dialogues, sans exception, rapportés par lui, entre son père et son vieil oncle le curé, toutes ces conversations dans lesquelles la science et la foi du prêtre finissent toujours par un peu trop se taire devant les raisons du libre penseur. […] Or, supposez pour un moment qu’à ces facultés et ces qualités de talent qui tiennent à une âme où le sentiment surabonde et pourrait devenir si aisément de la foi, l’auteur de la Famille eût réuni le catholicisme d’idées, de préoccupation, d’admiration, le catholicisme doctrinal qui maîtrise si bien la vie et l’esprit de ceux qui y croient et qui l’aiment, ce livre éloquent serait devenu un chef-d’œuvre. […] Que n’aurait pas été Leopardi s’il avait eu la foi du Dante, ce Leopardi dont la gloire se raconte à l’oreille de quelques artistes curieux ?

130. (1898) Inutilité de la calomnie (La Plume) pp. 625-627

Gide n’a point la foi. […] Gide n’a point la foi. […] Gide, une ferveur sans foi.

131. (1909) Les œuvres et les hommes. Philosophes et écrivains religieux et politiques. XXV « Léon Bloy »

Car c’est un esprit de feu, composé de foi et d’enthousiasme, que ce Léon Bloy inconnu, qui ne peut plus l’être longtemps après le livre qu’il vient de publier… Pour ma part, parmi les écrivains catholiques de l’heure présente, je ne connais personne de cette ardeur, de cette violence d’amour, de ce fanatisme pour la vérité. […] Cette toute-puissance extraordinaire a jailli chez Léon Bloy du fond de sa foi. Sans sa foi absolue à la surnaturalité de l’Église, il n’aurait pas écrit sur celui qu’il appelle « le Révélateur du Globe » une histoire aussi surnaturelle que l’Église elle-même, et il ne les aurait pas fondues, l’une et l’autre, dans une identification si sublime.

132. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « LIII » pp. 206-208

Voici la suite : « Enfant par la foi, vieillard par l’expérience, homme par le cerveau, femme par le cœur, géant par l’espérance, mère par la douleur et poëte par les rêves ; à toi qui es encore la Beauté, cet ouvrage où ton amour et ta fantaisie, ta foi, ton expérience, ta douleur, ton espoir et tes rêves sont comme les chaînes qui soutiennent une trame moins brillante que la poésie de la pensée, que le poëme gardé dans ton âme, semblable à l’hymne d’un langage perdu dont les caractères irritent la curiosité des savants. »

133. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — G — article » pp. 380-382

Son penchant pour les rêveries de ce Philosophe, donna lieu à ses ennemis de faire naître des doutes sur sa foi. […] D’ailleurs, aucun de ses Ecrits ne tendoit à le mettre aux prises avec les vérités de la Foi.

134. (1862) Cours familier de littérature. XIV « LXXXIe entretien. Socrate et Platon. Philosophie grecque (1re partie) » pp. 145-224

C’est la philosophie de la raison pure, illuminée par l’imagination, et quelquefois égarée par elle ; c’est la plus difficile des philosophies que celle qui ne relève que du raisonnement, au lieu de relever de la foi ; car tous les hommes ont assez d’imagination pour croire ; un très petit nombre ont assez de lumières pour raisonner. […] S’ils ont donné leur vie comme Socrate, en témoignage de leur sincérité, de leur foi, de leur amour de Dieu et des hommes, proclamons-les maîtres et martyrs de la raison humaine, et lisons, avec une respectueuse piété d’esprit, les arguments raisonnes de leur philosophie. […] Mais lui-même reste dans l’équivoque sur sa profession de foi, affectant de tourner les questions les plus précises en plaisanteries, jusqu’au moment où il voit que la plaisanterie serait déplacée devant la conscience et devant la mort, et où il s’avoue franchement coupable de sagesse, et impénitent de vérité. […] Sa foi, comme il l’avoue lui-même, n’est que probabilité, conjectures, vraisemblance, révélation de la pensée à la pensée, cet éternel révélateur avec lequel tout homme s’entretient dans ses espérances et dans ses doutes. Aucun prestige ou aucun prodige n’impose cette foi à lui-même ou aux autres ; il n’appelle en témoignage que la raison sincèrement interrogée et logiquement répondue dans ses entretiens sur les choses divines ; c’est en cherchant à se persuader lui-même qu’il acquiert la conviction dans son âme, et qu’il la répand dans l’âme de ses disciples : mais cette conviction raisonnée, ou cette foi acquise, est si absolue et si confiante en lui qu’il n’hésite pas à mourir volontairement pour elle.

135. (1856) Cours familier de littérature. I « IIIe entretien. Philosophie et littérature de l’Inde primitive » pp. 161-239

Sa troisième pensée est de lui construire un acte de foi et un culte ; sa quatrième pensée est de déduire de cette foi, de ce culte et de sa propre conscience, une morale ou un code du bien et du mal conforme, le plus possible, à l’idée que l’homme se fait de ce qui plaît ou de ce qui déplaît à l’Être des êtres. […] Dans ces matières sans autre solution que la foi, et où tout est livré aux conjectures, le vraisemblable est la seule approximation du vrai ; quand on ne peut pas prouver, on imagine. […] Celui qui est ferme dans cette foi ne se trouble plus en rien. […] Je serai ferme maintenant dans la foi, et je vais agir conformément à ce que je crois. » « Et c’est ainsi », chante alors le poète, « que je fus témoin et auditeur du miraculeux entretien entre le fils de Vaaseda et le magnanime fils de Pandoa, et que j’ai obtenu la faveur d’entendre cette suprême et divine doctrine, telle qu’elle a été révélée par Krisna lui-même, le dieu de la foi. […] N’y sent-on pas, au contraire, ou la sagesse d’un âge déjà très-avancé en foi et en vertu, ou le reflet encore tiède et lumineux d’une révélation primitive mal effacée de la mémoire des hommes ?

136. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Eugénie de Guérin, Reliquiae, publié par Jules Barbey d’Aurevilly et G.-S. Trébutien, Caen, imprimerie de Hardel, 1855, 1 vol. in-18, imprimé à petit nombre ; ne se vend pas. » pp. 331-247

C’est peu de dire que Mlle de Guérin est chrétienne, elle l’est comme aux temps de la foi la plus fervente et la plus austère ; elle désire que son frère l’ait été aussi ; elle sent bien que c’est une grande et profonde infidélité à l’humble foi primitive que de poursuivre comme il l’a fait et d’embrasser aveuglément la vague nature en elle-même, et d’adorer le dieu Pan, ce plus redoutable des adversaires, le seul peut-être tout à fait dangereux ; mais elle espère, elle a confiance dans les paroles et les sentiments suprêmes qu’elle lui a vus à l’heure qui pour elle est tout, à cette heure qui sonne l’éternité : « Ma plus grande consolation, dit-elle en écrivant à un ami de son frère, je la trouve dans sa mort pieuse, dans ces sentiments primitifs de foi exprimés en prières, et dans la réception des derniers sacrements, dans cet ardent et dernier baiser au crucifix. […] J’aime le mois de Marie et autres petites dévotions aimables que l’Église permet, qu’elle bénit, qui naissent aux pieds de la foi comme les fleurs aux pieds du chêne. […] Je veux que mon frère guérisse ; c’est là mon fonds, mais un fonds de confiance et de foi, et de résignation, ce me semble.

137. (1863) Molière et la comédie italienne « Chapitre XVI. Les derniers temps de la comédie italienne en France » pp. 311-338

Ma foi ! […] … — Ma foi. […] Du commencement, je croyais cet homme-là un fripon ; mais, ma foi, il faut lui remettre l’honneur sur la tête, et demeurer d’accord qu’il a de grandes lumières… Ah ! […] Ma foi, monsieur, ils vous prient de trop bonne grâce pour les refuser. […] Ma foi, tout bien considéré, je serais d’avis de perdre les deux tiers pour sauver l’autre.

138. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « XXV » pp. 97-99

Il finit par : un cœur, une foi, une voix. […] » Adieu, mon cher collègue, je jette à vous et à votre œuvre tout ce que j’ai : un cœur, une foi, une voix. — Alphonse de Lamartine. »

139. (1862) Cours familier de littérature. XIII « LXXVe entretien. Critique de l’Histoire des Girondins (6e partie) » pp. 129-176

Il n’y a pas de grandeur dans un rôle ; il n’y a de grandeur que dans la foi. Danton eut le sentiment, souvent la passion de la liberté, il n’en eut pas la foi, car il ne professait intérieurement d’autre culte que celui de la renommée. […] Elle demanda pour toute grâce un prêtre fidèle à sa foi pour sceller sa mort du pardon divin. […] Mais, si cette histoire est pleine de deuil, elle est pleine surtout de foi. […] Il ne doit point y avoir de jugement d’ensemble sur un champ de bataille couvert de morts, combattants, victimes ou assassins, dont chacun a sa cause, son drapeau, sa foi, sa vertu, son excuse, son crime à part et différents.

140. (1869) Cours familier de littérature. XXVIII « CLXVIIIe entretien. Fénelon, (suite) »

La paix semblait tellement cimentée entre ces deux oracles de la foi, en France, que Bossuet voulut présider lui-même, comme pontife consécrateur, à l’élévation ecclésiastique de son disciple et ami. […] Il s’agit de la sûreté de la foi ; Bossuet en sait plus dans cette matière que vous et moi. » Madame de Maintenon affligée, mais d’autant plus inexorable qu’elle avait été plus complice, refusa de recevoir Fénelon. […] Le cardinal de Noailles, Bossuet, madame de Maintenon elle-même, sur la foi de ces rêves d’un insensé, ne doutèrent plus du crime du religieux et de madame Guyon. […] L’ardeur du zèle pour l’unité de foi dans le pontife n’excuse pas la cruauté du polémiste dans la dispute. […] Ses écrits et ses correspondances de cette époque portent tous l’empreinte de cette mélancolie qui, dans les hommes de foi, n’est que le déplacement de leurs espérances d’ici-bas, là-haut.

141. (1906) La nouvelle littérature, 1895-1905 « Première partie. Écoles et manifestes » pp. 13-41

Pour sa part, il continuait de rester fermement attaché aux principes de la critique rationaliste et d’avoir la même foi inébranlable dans l’avenir de la science ; aux autres, il recommandait une philosophie de doute universel, d’indifférence sceptique, d’insouciance. […] Et s’il nous arrive dans l’exubérance de notre jeune foi de prendre à notre insu des postures d’apôtres, l’on voudra bien nous pardonner, considérant que nos exagérations ne servant pas notre propre gloire ne peuvent provenir d’un hypocrite calcul mais plutôt d’un débordement de nos bonnes volontés. […] Nous manquons d’une foi neuve et profonde, d’une tendance qui entraîne et divise les écrivains. […] Une foi confessionnelle, morale, politique ou esthétique est nécessaire. […] Certes, un grand nombre de nos meilleurs écrivains se rallie à la foi française, mais un nombre important de jeunes gens s’en éloigne.

142. (1865) La crise philosophique. MM. Taine, Renan, Littré, Vacherot

Il s’y met de très-bonne foi, et il donne même à M.  […] Je le veux bien ; mais le mysticisme n’est-il pas précisément la foi des spéculatifs ? […] A d’autres points de vue, n’est-elle pas aussi une doctrine, une croyance, une foi ? […] Ne dirait-on pas aussi justement la foi stoïcienne que la foi chrétienne ? Le platonisme n’est-il pas devenu une foi chez les alexandrins ?

143. (1874) Premiers lundis. Tome I « A. de Lamartine : Harmonies poétiques et religieuses — I »

Beaucoup de ces hymnes ne sont que de tendres et mélodieuses prières, où les couleurs de la nature, les enchantements de la poésie, viennent prêter leur charme à l’expression d’une foi paisible et soumise. […] Il prête d’admirables cantiques à ce petit nombre d’âmes secrètes et incorruptibles qui ont gardé dans toute sa pureté la foi des anciens jours ; mais il n’exprime pas tout ce qu’il y a d’inquiet et de remuant dans les esprits et dans les cœurs de ce siècle, même les plus sincères, même les plus affamés de croyances. […] qui sait si cette ombre où pâlit ta doctrine Est une décadence ou quelque nuit divine, Quelque nuage faux prêt à se déchirer, Où ta foi va monter et se transfigurer ?

144. (1854) Histoire de la littérature française. Tome I « Livre II — Chapitre septième. »

Nous avons plus de curiosité que de foi. […] Chez les uns, c’est l’affirmation violente, inflexible, avec l’idée du recours à la force, pour contraindre les résistances ; c’est l’affirmation s’imposant à la foi. […] Le livre de la Sagesse, malgré les réserves les plus explicites et les plus sincères en ce qui touche la foi, s’y substituait à l’insu de l’auteur, en réglant par la morale générale certains points que la religion seule avait réglés jusque-là. […] Entre deux sortes de réfutation des athées des païens et des schismatiques, la réfutation philosophique et humaine, et la réfutation selon la foi et la théologie, il s’attachait à la première, et il composait pour des chrétiens une sagesse de tous les aphorismes des païens. […] Les ressources que Charron veut tirer de notre nature pour résister à ses imperfections, saint François de Sales les tire de la foi.

145. (1886) Revue wagnérienne. Tome I « Paris, 8 janvier 1886. »

Sa foi en son succès avait été si glorieusement certaine (IV, 339), qu’il s’était lancé dans de folles dépenses, qu’il avait, par exemple, fait graver ses partitions à ses propres frais. […] Le vrai drame, l’évolution qui mène de la foi au doute, se passe en dehors de lui. […] Tous les drames de Wagner, et ses autres opéras, sans exception, sont des œuvres de foi ; il écrivit sans réserves, sans concessions ce qu’il voulait ; ce qu’il voulait était l’entière réalisation d’une idée ; la formule de cette idée est toujours une affirmation. […] La majorité des hommes comprendra donc toujours plus facilement le doute que la foi ; il est à la portée de presque toutes les intelligences. […] Qu’on se souvienne de l’affirmation virile de la foi dans Parsifal, et du triomphe de l’amour dans la Gœtterdaemmerung !

146. (1892) Sur Goethe : études critiques de littérature allemande

Pouvait-il, quand il voyait s’enfuir ainsi tous les biens de la terre, ne pas essayer, au moins, quelques tentatives de foi ? […] désespéré que sa femme ne croie plus et faisant bientôt de vains efforts pour la rejeter dans la foi ! […] Élisabeth devient folle, et elle ne recouvre la raison que pour mourir en ressaisissant la foi qu’elle avait perdue. […] Qui sait le peu qu’il eût fallu d’efforts pour le retenir dans la foi ? […] Personne ne t’a appris rien de plus, ta foi t’a banni loin de ceux qui comprennent mieux en quoi consiste la dignité de la vie.

147. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « M. de Montalembert orateur. » pp. 79-91

Ce thème est pour lui un point de foi, un sujet de conviction : aussi son éloquence n’est-elle point celle d’un avocat, mais d’un croyant, d’un lévite armé, ou mieux d’un croisé qui aurait reçu le don du bien dire. […] Très frappé des pertes graduelles, croissantes, que faisait la foi catholique au sein des jeunes générations, et qui proviennent de tant de causes combinées, M. de Montalembert, pour couper court au mal, crut qu’il fallait en dénoncer toute l’étendue, et marquer au vif la séparation entre la partie saine et celle qui, selon lui, ne l’était pas. […] J’honore cette franchise, je respecte cette foi de Polyeucte, qui repousse les tièdes, et qui, forte d’un espoir supérieur, réclame le combat, même inégal, sans douter de la victoire ; mais, politiquement et moralement, j’aurais mieux aimé laisser un peu plus de confusion sur ces objets. […] M. de Montalembert, depuis le 24 février, semble l’avoir compris, et c’est avec bonheur qu’on l’a entendu, dans ses discours sur la liberté d’enseignement, des 18 et 20 septembre 1848, consentir à prendre la religion chrétienne indépendamment du degré de foi individuelle, la considérer plus généralement au point de vue social, au point de vue politique, et accepter pour coopérateurs tous ceux qui, à l’exemple de Montesquieu, l’envisagent au même titre.

148. (1901) La poésie et l’empirisme (L’Ermitage) pp. 245-260

Paul Bourget ajoute : « Je ne saurais les relire, ces lignes si simples, sans une émotion presque pieuse, et je crois que beaucoup des écrivains qui ont eu leurs vingt ans entre 1855 et 1880 y retrouveraient de même, en un raccourci puissant, ce qui fut la foi profonde de leur jeunesse. » Nous retiendrons ce mot : l’empirisme était devenu une foi. […] À priori, qui se pouvait douter, qu’un jour il accepterait l’empirisme comme une foi, pire : comme une méthode ? […] On en trouverait cent, et de plus significatives, dans l’acte de foi inlassable qu’est la Correspondance de Gustave Flaubert.

149. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 34, que la réputation d’un systême de philosophie peut être détruite, que celle d’un poëme ne sçauroit l’être » pp. 489-511

Les opinions dont l’étenduë et la durée sont fondées sur le sentiment propre, et pour ainsi dire, sur l’expérience intérieure de ceux qui les ont adoptées dans tous les temps, ne sont pas sujettes à être détruites comme ces opinions de philosophie dont l’étenduë et la durée viennent de la facilité que les hommes ont euë à les recevoir sur la foi d’autres hommes, et qu’ils n’ont épousées que par confiance aux lumieres d’autrui. […] D’ailleurs, comme nous l’avons déja dit, c’est souvent sur la foi d’autrui que les hommes adoptent le systême qu’ils enseignent ensuite, et la voix publique qui s’explique en sa faveur, n’est ainsi composée que d’échos répetans ce qu’ils ont entendu. […] Si nous ne sommes point assez instruits pour répondre à ses raisonnemens, du moins une répugnance interieure nous empêche d’y ajouter aucune foi. […] Or c’est sur la foi de cette démonstration que les peuples se sont entêtez de Virgile et de quelques autres poëtes.

150. (1831) Discours aux artistes. De la poésie de notre époque pp. 60-88

À quoi tient ce reflet de Christianisme, cette auréole de foi religieuse qui brille sur les œuvres des deux grands poètes de la France ? […] Et d’un autre côté nous pensons que cette foi chrétienne n’a pas un caractère aussi profond chez eux qu’on le croit généralement. […] En l’absence des éléments, décomposés à jamais, de l’organisation théologique-féodale, ils ont rêvé possible la restauration de la monarchie et du papisme ; en présence de la science moderne, ils ont rêvé la restauration d’une foi fondée sur la science du passé. […] On a l’air de reporter continuellement sa pensée sur le Sinaï, les rives du Jourdain et Jérusalem ; mais le Sinaï, le Jourdain et Sion ne sont que des échos sonores pour donner à la parole du poète un accent de foi religieuse. […] Elle n’a pas de ciel et elle ne se lie pas à la terre ; la foi, l’espérance et la charité lui manquent, comme à celle de Lamartine.

151. (1889) Histoire de la littérature française. Tome II (16e éd.) « Chapitre cinquième. De l’influence de certaines institutions sur le perfectionnement de l’esprit français et sur la langue. »

Aussi ne suis-je point étonné que cet homme si modeste eût foi en des remarques qui, pour tous les mots, étaient comme autant d’arrêts prononcés après l’instruction la plus complète et la plus patiente. […] La force de la discipline et de la foi réglait de telle sorte ces diversités, qu’au lieu de dégénérer en traits d’humeur particulière, elles restaient comme les qualités distinctes d’un être collectif. […] Il s’agit en effet non de faire briller son esprit dans quelque matière spéculative, simplement curieuse ou d’une application éloignée, mais de faire prévaloir des vérités de foi quotidienne qu’il y a danger de mort éternelle à méconnaître. […] C’est qu’à l’Académie comme à Port-Royal il y avait une foi : à Port-Royal, la foi en certaines traditions particulières du christianisme ; à l’Académie française, la foi dans l’excellence de la langue dont ils s’appelaient les ouvriers, « travaillant, disaient-ils, à l’exaltation de la France. » Or la foi en une chose que nous estimons meilleure que nous, c’est la destruction de la personne. Par cette foi notre raison devient la raison de tous ; par elle, dans la naissante Académie, des poètes médiocres pensaient et écrivaient sainement en prose ; par elle toutes les plumes de Port-Royal ont été excellentes.

152. (1874) Premiers lundis. Tome II « Achille du Clésieux. L’âme et la solitude. »

Turquety20, poète breton et catholique ; voici un autre poète de la même contrée et de la même foi qui prend son rang aujourd’hui. […] Quelles que soient les formes sous lesquelles doive se reconstituer (nous l’espérons) l’esprit religieux et chrétien dans la société, cette vertu avancée de quelques jeunes cœurs, cette foi et cette modestie, tenues en réserve, aideront puissamment au jour de l’effusion.

153. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Les trois siecles de la litterature françoise. — B — article » pp. 311-314

…………… Grands Dieux, pourrez-vous voir de la voûte étoilée, La foi si lâchement à vos yeux violée ? […] qu’on se fie à tort à la foi des bienfaits !

154. (1857) Cours familier de littérature. IV « XXe entretien. Dante. Deuxième partie » pp. 81-160

La plus douce vertu de la terre, la pitié, exclue ainsi du ciel, a révolté les cœurs tendres ; les supplices indescriptibles de ses créatures faisant partie de la félicité du Créateur ont rendu le dogme des enfers à perpétuité un des textes de la foi moderne les plus difficiles à inculquer dans le cœur des chrétiens les plus orthodoxes. […] déjà fatigués de vos misères, vous qui, à demi privés de la vue de l’intelligence, n’avez foi que dans les pas en arrière, — ne savez-vous donc pas que nous ne sommes que des vers de terre nés pour devenir l’angélique papillon qui vole invincible au-devant de l’éternelle justice ? […] » continue l’amante, moitié femme, moitié allégorie de la foi. […] Les feux conversent, les flammes chantent ; le poète lui-même, interrogé sur la foi, répond des choses plus dignes du pédantisme de l’école que des évidences célestes dans lesquelles il nage. « La foi », dit-il, « est la substance des choses espérées et l’argument des choses invisibles, et cela en vérité me paraît la quiddité, l’essence de la foi ; et de cette foi il convient de syllogiser, sans en avoir d’autre vue, puisque l’intention y tient lieu de preuve.

155. (1890) L’avenir de la science « V »

Si je croyais à une religion, ma foi aurait plus d’aliment, je l’avoue ; mais mieux vaut peu de bonne science que beaucoup de science hasardée. […] L’histoire ancienne de l’Orient, dans ce qu’elle a de certain, pourrait se réduire à quelques pages ; si l’on ajoutait foi aux histoires hébraïques, arabes, persanes, grecques, etc., on aurait une bibliothèque. […] En supposant qu’un jour vienne où l’humanité n’aura plus besoin de croire à l’immortalité, quelles angoisses la destruction prématurée de cette foi consolante n’aura pas causées aux infortunés sacrifiés au destin durant notre âge de douleur. […] Si au contraire on entend par ce mot une croyance accompagnée d’enthousiasme, couronnant la conviction par le dévouement et la foi par le sacrifice, il est indubitable que l’humanité sera éternellement religieuse. […] L’universel, c’est-à-dire l’humain, tel doit être désormais le critérium extérieur d’une doctrine qui s’offre à la foi du genre humain.

156. (1872) Les problèmes du XIXe siècle. La politique, la littérature, la science, la philosophie, la religion « Livre II : La littérature — Chapitre III : La littérature du xviiie et du xixe  siècle »

Sans doute Rousseau était en dehors de la foi orthodoxe. […] Non, car ceux qui ne seraient pas avec Rousseau seraient avec Voltaire, et la foi n’y gagnerait rien. […] Notre siècle n’a qu’une foi, la foi à la Révolution, c’est-à-dire au xviiie  siècle ; ne la lui enlevez pas, vous lui ôteriez sa force et sa grandeur. Cette foi est aveugle, dites-vous, elle est grossière, elle est dangereuse ; soit, il lui faut des correctifs et des contre-poids.

157. (1813) Réflexions sur le suicide

La première : la charité, nous apprend nos devoirs envers eux ; la seconde, la patience, leur enseigne à quelles consolations ils doivent recourir, et la troisième, la foi, leur annonce leur récompense. […] Le Suicide réfléchi est inconciliable avec la foi chrétienne, puisque cette foi repose principalement sur les différents devoirs de la résignation. […] Peut-être dans cet instant le regard de la foi les lui fit-il apercevoir. […] Depuis l’idéal des arts jusqu’aux règles de la conduite, tout doit se rapporter à la foi religieuse, et la vie n’a pour but que d’enseigner l’immortalité. […] Mais en supportant ce terrible sort par la fermeté que la religion me prête, j’inspire aux vaisseaux battus comme moi par l’orage plus de confiance dans l’ancre de la foi qui m’a soutenue. 

158. (1889) Histoire de la littérature française. Tome III (16e éd.) « Chapitre huitième »

Rodrigue a la foi qui soulève les montagnes ; il suffit à Pyrrhus de ne pas désespérer, pour oser tout ce qu’entreprendrait Rodrigue. […] Son manque de foi est d’ailleurs si cruellement expié, qu’il nous est permis de nous intéresser à lui honorablement : en nous faisant solidaires de sa faute, nous souscrivons à son châtiment. […] Ce ne sont pas des particularités du cœur humain, qu’on nous donne à croire sur la foi d’anecdotes. […] Joad, c’est la foi et la politique, l’enthousiasme et le calcul, peut-être aussi l’ambition de la tutelle unie à la fidélité passionnée pour le pupille. […] L’ambitieux que la faveur étourdit et précipite, c’est Mathan ; le soldat qui a servi sous deux maîtres, et qui obéit au second en gardant sa foi au premier, c’est Abner.

159. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Troisième partie. Beaux-arts et littérature. — Livre V. Harmonies de la religion chrétienne avec les scènes de la nature et les passions du cœur humain. — Chapitre III. Des Ruines en général. — Qu’il y en a de deux espèces. »

Nous ne saurions peindre l’émotion que nous causèrent ces chants religieux ; nous crûmes ouïr une voix du ciel qui disait : « Chrétien sans foi, pourquoi perds-tu l’espérance ? […] L’homme n’est lui-même qu’un édifice tombé, qu’un débris du péché et de la mort ; son amour tiède, sa foi chancelante, sa charité bornée, ses sentiments incomplets, ses pensées insuffisantes, son cœur brisé, tout chez lui n’est que ruines209.

160. (1874) Premiers lundis. Tome II « Doctrine de Saint-Simon »

Tous ces exemples historiques au reste, ces interprétations diverses d’un passé que la doctrine nouvelle embrasse et domine, ne sont, sous la plume du jeune apôtre, que des lumières qui sillonnent pour lui le chemin de la foi, des rayons qui ramènent au foyer dont ils émanent, des excitations fécondes pour passer outre et entraîner ceux que le grand développement providentiel saisit au cœur, et qui, à l’aspect des antiques traditions enfin comprises, se sentent le désir de travailler, pour leur part, à en continuer l’enchaînement éternel. […] Tel fut Eugène ; il mérita d’être compté au nombre des premiers disciples du maître dont il embrassa la foi, et maintenant il reçoit au milieu de nous la récompense de ses mérites. » Eugène fut un théologien du premier ordre ; né dans la religion juive, il ne passa point ses premières années au milieu de cette indifférence convenue et de cette tiédeur morale qui est la plaie de tant de familles chrétiennes. […] On y verra clairement jusqu’où peut aller, en aperçus ingénieux de l’avenir, la philosophie sans la foi, la sagesse sans la religion ; on se demandera quel bonheur il revient au genre humain d’une idée isolée, trouvée une fois lancée dans le monde pour le plus grand plaisir de quelques penseurs, et à laquelle toute une vie d’amour et de dévouement n’a pas été consacrée ; on admirera Lessing ; on saluera en passant, avec bienveillance et respect, la statue de marbre du sage, mais on se jettera en larmes dans les bras de Saint-Simon ; on se hâtera vers l’enceinte infinie où l’humanité nous convie par sa bouche, et où l’on conviera en lui l’humanité ; on courra aux pieds de l’autel aimant et vivant, dont il a posé, et dont il est lui-même la première pierre4.

161. (1906) Les œuvres et les hommes. Poésie et poètes. XXIII « Louis Wihl »

L’homme qui la lui donna était Louis Wihl, l’auteur des Hirondelles 34 et du Pays bleu 35, le poète dont nous allons parler ; Louis Wihl, l’homme le mieux fait pour assister Heine à son heure dernière, car il était son parent par l’esprit, le talent, la faculté poétique, et il était son supérieur par la foi en Dieu, les grandes croyances gardées, la droiture morale de la vie, et, tronc solide, il était bien en droit d’offrir à la liane qui allait s’abattre un dernier appui. […] Or, si cela est pour les Juifs négateurs qui se sont dépouillés de leur foi pour se faire des croyances nouvelles, que sera-ce pour ceux qui sont restés fidèles à l’esprit de leur race ? […] Le livre de Louis Wihl n’était pas des vers pour des vers, des arabesques faites habilement autour d’un sujet délibérément choisi, des colorations objectives : c’était un livre vrai, d’une évocation formidable, où l’Hébreu est un véritable Hébreu, et qui devait surtout remuer profondément les âmes de la même foi que l’auteur.

162. (1904) En lisant Nietzsche pp. 1-362

Mais, s’il vous plaît, c’est une foi ! […] C’est une conviction a priori, c’est une foi. […] Je croyais avoir affaire à une foi métaphysique ; j’ai affaire à une foi morale. […] Voilà la foi de Nietzsche. […] Eh bien, cette foi, il veut la répandre, et l’objet de cette foi, il veut le réaliser.

163. (1890) L’avenir de la science « A. M. Eugène Burnouf. Membre de l’Institut, professeur au Collège de France. »

Ce jour-là, je me demandai plus sérieusement que jamais s’il n’y avait rien de mieux à faire que de consacrer à l’étude et à la pensée tous les moments de sa vie, et, après avoir consulté ma conscience et m’être raffermi dans ma foi à l’esprit humain, je me répondis très résolument : « Non. » Si la science n’était qu’un agréable passe-temps, un jeu pour les oisifs, un ornement de luxe, une fantaisie d’amateur, la moins vaine des vanités en un mot, il aurait des jours où le savant devrait dire avec le poète : Honte à qui peut chanter, pendant que Rome brûle. […] J’ai voulu aussi professer, à mon début dans la science, ma foi profonde à la raison et à l’esprit moderne, dans un moment où tant d’âmes affaissées se laissent défaillir entre les bras de ceux qui regrettent l’ignorance et maudissent la critique.

164. (1889) L’art au point de vue sociologique « Chapitre neuvième. Les idées philosophiques et sociales dans la poésie (suite). Les successeurs d’Hugo »

Anselme, ta foi tremble et la raison l’assiste : Toute perfection dans ton Dieu se conçoit : L’existence en est une, il faut donc qu’il existe ; Le concevoir parfait, c’est exiger qu’il soit . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . […] » Les apologistes de la foi sous toutes ses formes, — foi morale à la façon de Kant ou foi proprement religieuse, — les criticistes comme les adeptes des religions protestante ou catholique, ont été heureux du renfort que semblait leur apporter cette « bible », si propre à produire le dégoût pour le nouveau Credo de la science. L’affectation, souvent assez inutile, d’une certaine dose d’incrédulité constitue universellement aujourd’hui une marque de distinction qu’on recherche, de même qu’on recherchait autrefois pour la même raison une affectation de foi religieuse. […] Où donc la foi certaine ? […] Je poursuivais le monstre sans me laisser effrayer ni attendrir, et c’est ainsi que je l’ai frappé jusque dans ses avatars les plus subtils ou les plus séduisants, j’entends le concept de cause, la foi dans une loi, l’apothéose de la science, la religion du progrès. » Honte aussi à ces « faux matérialistes qui honorent la vertu ! 

165. (1868) Cours familier de littérature. XXVI « CLIVe entretien. Madame de Staël. Suite »

» LII L’enthousiasme lui révèle la beauté suprême du sacrifice, cette foi en action dans l’immortalité. […] Les citoyens égaux, les prêtres libres, les religions volontaires, les cultes salariés par eux-mêmes et dans la mesure de la foi qu’ils admettront, les concordats abolis, Dieu hors la loi parce qu’il est au-dessus de toute loi, tels étaient et tels sont les dogmes que la révolution française s’est donné mission d’établir en faits. […] Elle n’est pour cela ni antisociale, ni antireligieuse, puisqu’elle a pour objet de faire triompher la justice des priviléges, cette tyrannie des castes, et de faire triompher la foi des superstitions, cette tyrannie de l’esprit. C’est un second accès, mais plus radical, de la réforme du seizième siècle, mais au lieu de la réforme ou le protestantisme qui ne fut qu’un schisme dans la politique et dans la foi, c’est une réforme par la raison, c’est-à-dire une rénovation progressive du corps et de l’âme de la société européenne. […] Dieu n’aurait pas pu lui envoyer la foi et la piété sous la forme d’un ange consolateur, plus fait pour sanctifier le dernier adieu.

166. (1869) Cours familier de littérature. XXVII « CLVIIe Entretien. Marie Stuart, (Reine d’Écosse). (Suite et fin.) »

À leur tribunal, mon crime, c’est ma foi ; ce sera ma justification devant mon souverain juge. » « Ses filles, ses officiers, tous ses gens étaient navrés et la considéraient en silence. […] Je meurs pour la foi et dans la foi catholique ; je meurs amie de l’Écosse et de la France. […] Il me sera doux de savoir que les miens sont là, et que j’ai des témoins de ma persévérance dans la foi. » Les commissaires n’insistèrent plus, et accordèrent à la reine quatre serviteurs et deux de ses filles. […] « On lui relut sa sentence ; elle répondit en protestant au nom de la royauté et de l’innocence, mais en acceptant au nom de la foi. […] Cette relique de leur tendresse et de leur foi leur fut impitoyablement refusée.

167. (1872) Les problèmes du XIXe siècle. La politique, la littérature, la science, la philosophie, la religion « Livre I : La politique — Chapitre III : Examen de la doctrine de Tocqueville »

Guizot au Père Lacordaire, les preuves vivantes et les heureux témoins du sublime progrès qui s’est accompli parmi nous dans l’intelligence et le respect de la justice, de la conscience, des droits, des lois divines, si longtemps méconnues, qui règlent les devoirs mutuels des hommes, quand il s’agit de Dieu et de la foi en Dieu. […] Si nous en croyons un juge éclairé en matière si délicate, « sa foi tenait peut-être de la raison plus que du cœur. […] Il nous semble que M. de Tocqueville pose la question en termes bien absolus, lorsqu’il n’admet aucun milieu entre la foi avec la liberté et l’incrédulité avec la servitude. […] Il peut se faire entre la raison et la foi une lutte généreuse à l’avantage de l’une et de l’autre. […] Lorsque cela arrive, on crie de part et d’autre à l’apostasie, à la défection ; mais la plupart du temps, ces sortes de conversions naissent des vrais besoins de l’âme, partagée entre le doute et la foi.

168. (1909) Les œuvres et les hommes. Philosophes et écrivains religieux et politiques. XXV « Ernest Renan »

Il haïssait à la fureur, il outrageait jusqu’à la démence ; mais il avait une foi enflammée en ce qu’il faisait, — une foi du diable, car les seuls actes de foi du diable doivent être ses colères contre Dieu ! […] Dans cette Vie de Jésus où devaient s’allonger des textes retrouvés par une critique qui se vante de déterrer des truffes à chaque pas, et dont je nie la supériorité de groin jusqu’à nouvel ordre, je n’ai rien trouvé de découvert, de concluant, de médusant, et qui, scientifiquement, impose silence à ma foi. […] Le Jésus de Renan, ce Jésus romantique, rêveur, paysagiste, exquise personne, âme suave, ennemi de toute religion, qui ne veut que la pureté du cœur, ce Jésus qui est un blasphème vivant contre Notre-Seigneur Jésus-Christ, une insulte hypocrite et profonde à la foi du plus grand nombre des Français encore par ce temps respecté de suffrage universel, a été trouvé généralement charmant, comme dit Renan lui-même.

169. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre II. La Renaissance. — Chapitre V. La Renaissance chrétienne. » pp. 282-410

Tous ces maux, il faut les supporter pour confesser sa foi et établir la justice. […] Seigneur, que je me sente racheté, pardonné, votre élu, votre fidèle ; donnez-moi la grâce, et donnez-moi la foi ! […] Il s’en est accommodé pourtant ; bien mieux, elles l’ont fait naître : chez Taylor, comme chez les autres, la poésie libre conduit à la foi profonde. […] Mais sous le protestantisme établi s’étendait le protestantisme interdit ; les yeomen se faisaient leur foi comme les gentilshommes, et déjà les puritains perçaient sous les anglicans. […] Les ranters reconnaissaient comme signe principal de la foi les vociférations furieuses et les contorsions.

170. (1909) Les œuvres et les hommes. Philosophes et écrivains religieux et politiques. XXV « Armand Hayem »

Il a foi en eux. […] On ne tempère pas à doses plus égales et plus insignifiantes le scepticisme par la foi et la foi par le scepticisme.

171. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « M. Pécontal. Volberg, poème. — Légendes et Ballades. »

Ce poème, qui mériterait d’être réédité, si nous avions une littérature qui sût regarder derrière elle et qui n’abattît pas tous les jalons que les divers esprits contemporains ont plantés, attestait en son auteur une profondeur de foi et une santé de doctrine étonnantes dans un temps où tout était malade, même la vérité. […] Mais une simplicité si ingénue, un christianisme d’une foi si naïve, des vers qui coulaient comme d’une source, pouvaient-ils être remarqués au moment de l’histoire contemporaine où une École célèbre, l’École de la Forme, allait triompher et où commençaient les gymnastiques enragées dans le rythme qui font de la poésie moderne la danseuse de corde aimée de M. de Banville : Saqui, l’immortelle ! […] Fille du Moyen Age, la Ballade, comme la Légende dont elle est la seconde épreuve, ne peut être abordée que par un poète qui a encore de l’esprit du Moyen Age dans la pensée et de sa vieille foi dans la poitrine.

172. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Joinville. — II. (Fin.) » pp. 513-532

Saint Louis, à peine à terre, dans sa foi en Dieu, dans sa ferveur à l’aveugle, voulait courir sus à un gros de Sarrasins qu’il voyait devant luit ; ses chevaliers et prud’hommes eurent à l’en empêcher. […] C’est ainsi que sont les hommes quand ils sont tout à fait naturels, s’abandonnant à leurs mouvements avec une mobilité qui s’accorde bien, du reste, avec cette foi absolue en Dieu et avec cette idée qu’on est entre les mains de celui qui peut toute chose de nous à chaque instant du jour. […] Il tient à former Joinville, à le fortifier dans la foi en même temps qu’à lui donner tous les bons conseils de civilité, de régime et de mœurs, qui pouvaient convenir à un jeune homme comme il faut d’alors. […] Joinville puisa cette fois dans son bon sens encore plus que dans aucune interprétation superstitieuse la force de résister à son saint maître : il lui opposa, pour ne pas le suivre, les plus légitimes raisons, les raisons tirées de l’intérêt de ses vassaux et de son peuple, les seules qui, auprès de saint Louis, pussent faire balance à l’intérêt de la foi. […] Le mot de prud’homie comprenait toutes les vertus, la sagesse, la prudence et le courage, l’habileté au sein de la foi, l’honnêteté civile et le comme il faut, tel que l’entendait cette race des vieux chrétiens dont Joinville est pour nous le rejeton le plus fleuri, et l’on définirait bien cet ami de saint Louis, qui resta un vieillard si jeune de cœur et si frais de souvenirs, en disant qu’il fut le plus gracieux et le plus souriant des prud’hommes d’alors.

173. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Le duc de Rohan — II » pp. 316-336

La question, si sacrée pour nous, de tolérance et de respect de toutes les convictions et professions de foi sincères compatibles avec l’ordre social n’était pas dégagée alors. […] Il n’osa toutefois assumer la responsabilité d’un refus, et il se mit de la partie avec ce même sentiment de la difficulté et de la non-réussite qui constitue son étoile : « Je considérais quel fardeau je prenais sur mes épaules pour la troisième fois ; je me ramentevais l’inconstance de nos peuples, l’infidélité des principaux d’iceux, les partis formés que le roi avait dans toutes nos communautés, l’indigence de la campagne, l’avarice des villes, et surtout l’irréligion de tous. » Par irréligion il faut simplement entendre l’affaiblissement de ce principe religieux exalté qui ne s’était vu qu’au xvie  siècle et qui poussait à tous les sacrifices de vie et de fortune pour la foi, affaiblissement qui tenait déjà de l’esprit moderne, et un vertu duquel beaucoup d’estimables réformés préféraient le commerce à la guerre ; Ce n’était pas le compte de Rohan ni des chefs féodaux. […] La constance, l’opiniâtreté, la foi intrépide de Richelieu dans son bon conseil et dans la fortune de la France, triomphèrent de tout, même des éléments. […] Quelque chose de ce sentiment austère et contristé se réfléchit dans la page suivante, où M. de Rohan, après avoir raconté la reddition de La Rochelle le 28 octobre (1628), ajoute du ton de fermeté et de fierté qui lui est propre : La mère du duc de Rohan et sa sœur4 ne voulurent point être nommées particulièrement dans la capitulation, afin que l’on n’attribuât cette reddition à leur persuasion et pour leur respect, croyant néanmoins qu’elles en jouiraient comme tous les autres ; mais comme l’interprétation des capitulations se fait par le victorieux, aussi le conseil du roi jugea qu’elles n’y étaient point comprises, puisqu’elles n’y étaient point nommées : rigueur hors d’exemple, qu’une personne de cette qualité, en l’âge de soixante-dix ans (et plus), sortant d’un siège où elle et sa fille avaient vécu trois mois durant de chair de cheval et de quatre ou cinq onces de pain par jour, soient retenues captives sans exercice de leur religion, et si étroitement qu’elles n’avaient qu’un domestique pour les servir, ce qui, néanmoins, ne leur ôta ni le courage ni le zèle accoutumé au bien de leur parti ; et la mère manda au duc de Rohan, son fils, qu’il n’ajoutât aucune foi à ses lettres, pource que l’on pourrait les lui faire écrire par force, et que la considération de sa misérable condition ne le fît relâcher au préjudice de son parti, quelque mal qu’on lui fît souffrir. […]  » Envoyée prisonnière à Niort, on essaya d’agir sur elle dans le cours de l’année suivante pour lui faire écrire à M. de Rohan de rentrer dans le devoir ; on mit en avant des tiers, qui, sans employer le nom du roi, l’exhortaient comme d’eux-mêmes et comme s’ils étaient mus par la seule considération de son intérêt et de celui de ses enfants : « Mais cette femme maligne jusques au dernier point, dit Richelieu, ne voulut jamais condescendre à s’y entremettre par lettres, disant pour prétexte que ce n’était pas un moyen assez puissant et qu’il fallait qu'elle y allât elle-même, ce que Sa Majesté refusa, sachant qu’elle ne le désirait que pour rendre le mal plus irrémédiable, et affermir son fils et ceux de son parti dans la rébellion jusqu’à l’extrémité. » Telle était cette mère invincible, qui portait dans la défense de sa foi l’âme des Porcia, des Cornélie, et des anciens Romains.

174. (1857) Causeries du samedi. Deuxième série des Causeries littéraires pp. 1-402

Étrange dissolvant que portent avec eux l’abus des facultés de l’esprit, le goût de la révolte et du désordre, le mépris de toute foi et de toute loi ! […] On dédaigne, en religion, en politique, en littérature, toute autorité, toute foi, toute loi ; le dogme, la tradition, le culte, superstitions puériles ! […] Le travail, oui : Dieu nous garde de le calomnier, ce consolateur souverain, ce frère terrestre de la foi et de la prière ! […] Certes, les ministres génevois, pourvu qu’ils fussent sincèrement pénétrés de l’esprit chrétien, devaient préférer mille fois des persécutions officielles contre des milliers de Sirven et de Calas à ces persécutions clandestines, corruptrices, qui s’attaquaient à de jeunes âmes, et y étouffaient, dans leur germe, ce sentiment moral, sauvegarde de toute foi, cette foi, gardienne de toute vraie morale. […] Quel mépris de la foi jurée chez ces spectateurs du Cid et de Polyeucte !

175. (1859) Cours familier de littérature. VII « XXXVIIIe entretien. Littérature dramatique de l’Allemagne. Le drame de Faust par Goethe » pp. 81-160

J’entends bien le message que vous m’apportez, mais la foi me manque pour y croire ! Le miracle n’existe que pour la foi. […] Méphistophélès l’y a suivi, comme le doute suit la foi, pour l’empêcher de s’enraciner dans l’âme pieuse. […] Tu sens ma tendresse envers toi ; pour ceux que j’aime je donnerais mon sang et ma vie ; je ne veux troubler personne dans ses sentiments et sa foi. […] foi !

176. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre IV. Les tempéraments et les idées (suite) — Chapitre V. Jean-Jacques Rousseau »

Sans Dieu, tout s’écroule : et de là l’admirable lettre de Julie sur la célébration religieuse de son mariage ; de là l’ample Profession de foi du vicaire savoyard. […] Sa philosophie n’est pas renoncement à la foi, mais élargissement de la foi. […] Il a la foi ; avec la foi, l’amour, l’espérance. […] La Profession de foi du vicaire savoyard est une partie intégrante de l’Emile. […] Et puis, ils sont objets de foi et d’amour.

177. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Mémoires et journal de l’abbé Le Dieu sur la vie et les ouvrages de Bossuet, publiés pour la première fois par M. l’abbé Guettée. — II » pp. 263-279

Bossuet eut pour ami particulier durant toute sa vie, pour auxiliaire affectionné et constant dans toutes les questions de doctrine, de foi, de morale et de discipline de l’Église, un homme bien digne en tout de cette relation étroite et de cette intimité : l’abbé Fleury fut ce premier lieutenant modeste, ce véritable second de Bossuet et comme son abbé de Langeron. […] On est d’avis à l’assemblée d’exclure le second ordre, c’est-à-dire les abbés, dans les délibérations concernant la foi et la morale, de ne leur laisser que la voix consultative et non la voix délibérative et le vote : de là grande rumeur. […] Toute sa fin est du plus humble et du plus fervent chrétien, et s’il y mêle jusqu’au bout des retours et des prises d’armes du docteur et du gardien viligant des dogmes, il a aussi, quand il est réduit à lui seul et en présence de son mal, la foi simple et comme naïve du centenier de l’Évangile, et on peut le dire à l’honneur du grand évêque, il a la foi du charbonnier.

178. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Entretiens sur l’histoire, par M. J. Zeller. Et, à ce propos, du discours sur l’histoire universelle. (suite.) »

Cette intolérance de Bossuet, inévitable peut-être dans sa situation et commandée par sa foi, par son caractère, éclate aujourd’hui à tous les yeux ; et quand on lit l’ouvrage éloquent où il s’est si bien passé de Richard Simon, il est impossible d’en séparer désormais le souvenir de ce savant qui le gênait, qui lui était une épine au pied, et qu’il supprimait autant qu’il lui était possible. […] Il entre dans l’esprit de ce ministère des prophètes, et l’on sent qu’il était digne d’en être un lui-même par le souffle de l’inspiration et par l’ardeur ; il définit en larges traits cette espèce d’école et de communauté de voyants, véritable institution monastique et cénobitique, qui maintenait à grand-peine et à grand renfort de menaces la pureté de la foi parmi les tribus fidèles. […] Pour n’être plus prédite chaque jour, l’attente d’un Messie n’en est pas moins constante et évidente ; les Juifs vivent sur cette foi : on attend l’accomplissement des dernières prophéties, des derniers oracles que le Saint-Esprit avait laissés. […] Un Roi si grand en tout se distingue plus par sa foi que par ses autres admirables qualités.

179. (1913) Les antinomies entre l’individu et la société « Chapitre VII. L’antinomie pédagogique » pp. 135-157

Vous aurez chance de lui inculquer une foi robuste dans la chose enseignée (foi du séminariste, foi du normalien dans les idéaux scolaires). Mais que le jeune homme vienne à changer de milieu ; qu’il soit soumis à d’autres influences, la réflexion s’éveillera ; le vernis de l’éducation s’écaillera, la foi s’effritera.

180. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Pensées de Pascal. Édition nouvelle avec notes et commentaires, par M. E. Havet. » pp. 523-539

Quant aux autres, aux indifférents, à ceux qui sont destitués de foi vive et de grâce, « dire à ceux-là qu’ils n’ont qu’à voir la moindre des choses qui les environnent, et qu’ils verront Dieu à découvert, et leur donner, pour toute preuve de ce grand et important sujet, le cours de la lune ou des planètes, et prétendre avoir achevé sa preuve avec un tel discours, c’est leur donner sujet de croire que les preuves de notre religion sont bien faibles ; et je vois, par raison et par expérience, que rien n’est plus propre à leur en faire naître le mépris ». […] Il va se heurter par moments, s’aheurter (c’est son mot) aux écueils qu’il est plus sage à la raison, et même à la foi, de tourner que de découvrir et de dénoncer à nu ; il dira, par exemple, des prophéties citées dans l’Évangile : « Vous croyez qu’elles sont rapportées pour vous faire croire. […] « Il est bon, s’écrie-t-il, d’être lassé et fatigué par l’inutile recherche du vrai bien, afin de tendre les bras au Libérateur. » On n’a jamais mieux fait sentir que lui ce que c’est que la foi ; la foi parfaite, c’est « Dieu sensible au cœur, non à la raison. — Qu’il y a loin, dit-il, de la connaissance de Dieu à l’aimer ! 

181. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Appendice. — [Jouffroy.] » pp. 532-533

Je ne pense pas que Jouffroy ait échappé à la contagion commune ; sa foi devait être bien ébranlée avant la fameuse nuit qui décida de sa conversion. Ce qui le distingua de ses camarades sceptiques, c’est qu’elle fit place à une foi non moins sincère dans la philosophie : ce fut pour lui une nouvelle religion dans laquelle il se flatta de trouver la solution de l’insoluble problème de la destinée humaine.

182. (1874) Premiers lundis. Tome II « Théophile Gautier. Fortunio — La Comédie de la Mort. »

Si elle reproduit tout à fait la mythologie et le fantastique des moralités et des peintures du moyen âge, elle n’en est pas un simple pastiche ; le manque absolu de foi et l’idée de néant qu’y jette l’auteur, en deviennent l’inspiration originale ; après tout, cette image physique de la mort, horrible, détaillée, continuelle, obsédante, ce n’est que celle qu’avaient les chrétiens de ces âges pieusement effrayés ; mais le poète, en prenant les images sans la foi, les éclaire d’une lueur plus livide, et qui les renouvelle suffisamment.

183. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — B — Béranger, Pierre-Jean de (1780-1857) »

Ils sont venus à lui ; oui, tous, un peu plus tôt, un peu plus tard, ils sont venus reconnaître en sa personne l’esprit du temps, lui rendre foi et hommage, lui donner des gages éclatants… [Causeries du lundi (1852).] […] Louis Veuillot Il a, pour servir ses passions, dégradé la langue comme l’âme du peuple… Il a parodié les paroles de la prière pour outrager les sentiments chrétiens ; il a tourné en ridicule la foi, les sacrements, la pudeur et la mort… [Mélanges, tome III, 2e série.]

184. (1895) Les règles de la méthode sociologique « Préface »

Si chercher le paradoxe est d’un sophiste, le fuir, quand il est imposé par les faits, est d’un esprit sans courage ou sans foi dans la science. […] Il nous semble donc que, surtout par ce temps de mysticisme renaissant, une pareille entreprise peut et doit être accueillie sans inquiétude et même avec sympathie par tous ceux qui, tout en se séparant de nous sur certains points, partagent notre foi dans l’avenir de la raison.

185. (1886) Revue wagnérienne. Tome I « Paris, le 8 décembre 1885. »

Programme au prélude de Parsifal « Amour — Foi : — Espérance ?  […]   Deuxième thème : Foi. — Promesse de la Rédemption par la Foi. Ferme et pleine de sève se manifeste la Foi, grandie, voulante même dans la souffrance. — À la promesse renouvelée, la Foi répond, des plus douces hauteurs, — comme sur les ailes de la blanche colombe, — descendant dans l’air, — toujours plus largement et plus totalement saisissant les cœurs humains, emplissant le monde et l’entière nature, ensuite regardant de nouveau vers l’éther céleste, comme doucement apaisée. […] au fils de la Femme : « pour les mondes pécheurs Christ a donné son corps… » et, par instants, des voix descendent d’invisibles sommets, enfantines et angéliques, virginales : « la Foi vit, l’Esprit plane… » donc s’emmêlent les chants pieux des glorifications et des lamentements et des célestes virginités. […] … la Foi vit, l’Esprit plane !

186. (1905) Études et portraits. Sociologie et littérature. Tome 3.

Est-ce M. de Bonald ou M. de Maistre qui font leur profession de foi ? […] Le Passé, c’était la Monarchie, et c’était la Foi, toutes deux condamnées au nom de l’Avenir et de la Raison. […] Il a énoncé cette foi sous une autre forme, plus tard, quand il a dit « qu’un préjugé est une raison qui s’ignore ». […] Taine, issu d’une famille pieuse, perdit la foi. […] Ce qui tomba d’abord devant cet esprit d’examen, ce fut ma foi religieuse.

187. (1861) Cours familier de littérature. XII « LXVIIe entretien. J.-J. Rousseau. Son faux Contrat social et le vrai contrat social (3e partie) » pp. 5-56

Voilà ma foi politique. […] Quant à sa philosophie religieuse, dont la profession de foi du Vicaire savoyard est le sublime portique, c’est une des plus éloquentes protestations contre l’athéisme ou l’irréligion qui ait jamais été écrite par une main d’homme. […] La profession de foi du Vicaire savoyard. […] Sayous, il tira la doctrine supérieure et conciliatrice de sa profession de foi du Vicaire savoyard. […] Nous n’affirmons pas cette filiation de la profession de foi de J.

188. (1869) Cours familier de littérature. XXVIII « CLXVe entretien. Chateaubriand, (suite) »

Le style seul fut unanimement admiré, mais l’admiration n’est pas de la foi. La foi y manquait, elle n’était pas remplacée par le luxe des expressions ; c’était de l’admirable dorure, ce n’était pas de l’or. […] LXIV Chateaubriand crut, comme un enfant, que le poëme épique pouvait renaître et conquérir un renom impérissable à son auteur, pourvu qu’il eût un grand talent ; il oublia du même coup le fond qui était la foi, et la forme qui était le vers, forme idéale et parfaite du langage humain. […] Mais, pour en faire un poëme épique transcendant, il y fallait la foi préexistante du monde ; et dans l’exécution, il fallait le vers, qui donne au langage plus de prestige et au sens plus d’autorité. […] Tel fut le sort de ce roman d’Eudore et de Cymodocée, épitaphe des prétentions du génie humain à ressusciter le poëme épique dans un siècle où il n’y avait plus de foi que dans le raisonnement des âmes pieuses et dans l’avenir des idées fortes.

189. (1883) Souvenirs d’enfance et de jeunesse « Chapitre VI. Premiers pas hors de Saint-Sulpice  (1882) »

Quelques mois suffirent pour reléguer ces vestiges de foi dans la partie de nos âmes consacrée aux souvenirs. […] Saint-Sulpice, en effet, avait laissé en moi une si forte trace, que, pendant des années, je restai sulpicien, non par la foi, mais par les mœurs. […] Mais, la foi disparue, la morale reste ; pendant longtemps, mon programme fut d’abandonner le moins possible du christianisme et d’en garder tout ce qui peut se pratiquer sans la foi au surnaturel. […] Puis je sentis que les rapports de l’homme de foi avec l’incrédule deviennent vite assez pénibles, et je m’interdis des relations qui ne pouvaient plus avoir d’agrément ni de fruit que pour moi seul. […] Il me plairait d’expliquer par le détail et de montrer comment la gageure paradoxale de garder les vertus cléricales, sans la foi qui leur sert de base et dans un monde pour lequel elles ne sont pas faites, produisit, en ce qui me concerne, les rencontres les plus divertissantes.

190. (1889) L’art au point de vue sociologique « Chapitre septième. L’introduction des idées philosophiques et sociales dans la poésie. »

Le penseur, en ce siècle, peut avoir aussi sa foi sainte, sa foi utile, et croire à la patrie, à l’intelligence, à la poésie, à la liberté ! […] On reconnaît la Profession de foi du vicaire savoyard mise en beaux vers, avec un accent qui rappelle les idées de Swedenborg sur le ciel intérieur à la conscience même, sur l’enfer également intérieur. […] Selon lui, il faut acquiescer à la souffrance comme à une distinction ; Vigny insiste sur un sentiment raffiné que les grands cœurs seuls connaissent, « sentiment fier, inflexible, instinct d’une incomparable beauté, qui n’a trouvé que dans les temps modernes un nom digne de lui ; cette foi, qui me semble rester à tous encore et régner en souveraine dans les armées, est celle de l’Honneur. » Une autre idée chère à Vigny, et d’inspiration pessimiste, c’est que le génie, qui semble un don de Dieu, est une condamnation au malheur et à la solitude ; lisez Moïse et les épisodes de Stello. […] Mais quand cela ne lui suffit plus, qu’il est poussé à bout, ce ne sont plus des raisons d’espérance qu’il se forge, c’est un acte de foi qu’il prononce ; il espère, non parce qu’il se croit en droit de le faire, mais parce qu’il n’est pas en son de ne pouvoir point espérer. […] Vous aviez le désir, la foi vous a manqué.

191. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Deuxième partie. — Chapitre XXI. »

Il a fortifié son cœur d’une ardente colère contre les deux Hespéries que baigne la mer, parce que, assurées en toi, elles lui résistent et qu’elles se revêtent des armes de ta foi et de ton amour. […] Le Seigneur, qui a montré sa forte main pour la foi de son prince chrétien, et qui, pour la gloire de son saint nom, accorde à son Espagne ce triomphe. […] Je ne sais si cette poésie des premiers temps chrétiens, à laquelle nous nous sommes arrêtés, offrit émotion plus naïve, le lendemain des miracles et du martyre, que ne la ressent, après tant de siècles, le poëte inspiré par sa foi. […] Ce n’est plus l’Espagne de Pélage et des Maures, du Cid et des Abencerrages : c’est l’Espagne romaine retrouvée dans les débris de ses monuments ; c’est l’ombre de Rome évoquée sur une de ses plus nobles conquêtes par la foi chrétienne, qui lui a succédé. […] Si la pureté même de la foi peut avoir son délire, la sublimité de la source devrait du moins se reconnaître encore au cours limpide de la pensée.

192. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre I. Les origines du dix-huitième siècle — Chapitre II. Précurseurs et initiateurs du xviiie  siècle »

Dans la critique générale des opinions traditionnelles et des institutions établies qui fut l’œuvre du xviiie  siècle, le point capital est la destruction du principe de la foi. […] Il enfonce dans les esprits la foi au progrès, par le spectacle de toutes les découvertes que la raison a faites dans les sciences au siècle précédent. […] Au fond, cette innocente critique de la foi des anciens à leurs oracles est la première attaque que dirige l’esprit scientifique contre le fondement du christianisme466.

193. (1892) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Cinquième série « Édouard Rod »

Il souffre enfin de n’avoir point de foi positive. […] Je crois aussi qu’on est bon et juste (quand on l’est) naturellement, par un sentiment qui commande et rend le plus souvent facile le sacrifice à autre chose que soi et, comme on l’a dit, par une « duperie » profitable à l’ordre universel et qui dès lors n’est plus duperie : mais pour croire que ce n’en est pas une, il faut faire effort, et sans doute la morale doit commencer par un acte de foi, formulé ou non. Le don ou le pouvoir de vivre sur cet acte de foi implicite, je crois qu’il peut être développé ou diminué par l’éducation ou par l’expérience, mais que rien ne peut le communiquer aux créatures manquées qui ne l’apportent pas en naissant ou qui n’en ont pas, du moins, un petit germe, et qu’ainsi il y aura longtemps encore, dans le grand œuvre, un énorme déchet de forces inemployées ou nuisibles, mais que tout de même le grand œuvre se fera … Amen.

194. (1887) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (deuxième série). IX « M. Léon Aubineau. La Vie du bienheureux mendiant et pèlerin Benoît-Joseph Labre » pp. 361-375

La catholique France du roi très chrétien était devenue, ma foi ! […] Vous ne vous répondrez peut-être pas, mais vous aurez constaté le phénomène dans cette humanité qui doit mourir, mais qui, en attendant qu’elle meure, goûte un charme amer dans le spectacle de sa misère, et trouve dans la contemplation d’un vieux pauvre ou d’une vieille pauvresse la plus longue de ses rêveries… Cette fascination de la pauvreté qui agit sur nous tous, pas de doute que Benoît Labre ne l’ait ressentie ; mais si vous ajoutez à cette poésie naturelle la poésie de l’amour de Dieu, du Dieu né dans l’étable de Bethléem et qui a enseigné le renoncement aux joies matérielles de la vie, vous aurez une vie très particulière et très belle, et qui, même sans la foi chrétienne qui seule peut l’expliquer, doit couper le rire sur les lèvres superficielles et sottes des moqueurs. […] Tout en marchant, il secouait ce tison enflammé de la prière, dont les étincelles allumaient, du feu de la Charité et de la Foi, les âmes près desquelles il passait.

195. (1899) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (troisième série). XVII « Mgr Rudesindo Salvado »

Pour nous, c’est une belle pierre de plus apportée à l’incomparable monument qui se bâtit depuis des siècles, et qui porte le nom révéré et si simplement grandiose d’Annales de la Propagation de la foi. […] N’est-ce pas la note immortelle de la Foi, de l’Espérance et de l’Amour ? […] Elle est commune à tous les esprits sans exception qui n’ont pas scruté, à la lumière de la Foi, le mystère intime de la puissance de l’Église romaine, de ce phénomène historique sans analogue dans les annales du genre humain, et que l’on n’entend pas ou que l’on entend mal en l’expliquant par le génie des hommes ou la virtualité des constitutions.

196. (1898) Politiques et moralistes du dix-neuvième siècle. Deuxième série

Il faut bien chercher pour trouver quelque chose d’un peu précis, écrit par lui, sur l’union de la science et de la foi. […] Ainsi partout où s’est établie la liberté de penser et d’écrire, il se manifeste une tendance visible de la foi vers la science et de la science vers la foi, tandis qu’ailleurs elles vont se divisant de plus en plus. » — L’union de la foi et de la science dans la liberté, c’est une belle formule ; mais ce n’est qu’une formule, et Lamennais s’est toujours gardé d’entrer dans le détail, c’est-à-dire dans le vif du débat. […] Pour que ma foi ait un caractère religieux, il faut qu’elle me soit donnée. […] Elle ne serait pas une foi, elle serait une opinion, comme celle que j’ai sur la dernière comédie. […] Si ma foi vient d’autrui, c’est quelque chose en moi qui n’est senti que par un autre.

197. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Benjamin Constant. Son cours de politique constitutionnelle, ou collection de ses divers écrits et brochures avec une introduction et des notes, par M. Laboulaye »

Il regrette que nous n’ayons pas sa jeunesse et sa foi : — la jeunesse et la foi de Benjamin Constant ! […] Benjamin Constant s’en empara, pour y répondre en orateur, habile et faire une profession de foi libérale, et d’un libéralisme qui ne s’enchaînait pas à telle ou telle forme de gouvernement. […] En effet, cet article du 19 mars 1815, si l’on s’en souvient, où il se déchaînait en style d’émigré contre Bonaparte, Attila et le Gengiskhan moderne, se terminait par une profession de foi, et cette profession de foi elle-même se couronnait par un serment que personne ne lui demandait et qu’il proférait devant tous, la main étendue et comme à la face du Ciel : « … Je n’irai pas, misérable transfuge, me traîner d’un pouvoir à l’autre, couvrir l’infamie par le sophisme, et balbutier des mots profanes pour racheter une vie honteuse. » Quand Lamennais s’écria dans un moment solennel : « Je vous ferai voir ce que c’est qu’un prêtre », et qu’ensuite il donna à cet engagement si éclatant le démenti qu’on sait, il eut beau faire désormais, être un grand écrivain, et plus grand même que par le passé, un homme sincère, désintéressé, un cœur dévoré de l’amour des hommes : il se déconsidéra.

198. (1887) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Troisième série « Octave Feuillet »

Il se présente à nous non comme une foi personnelle et profondément élaborée, mais plutôt comme la doctrine officielle de la caste sur laquelle et pour laquelle M.  […] Et, d’un autre côté, il est très vrai que la foi religieuse peut être un frein, que plus d’une femme qui allait à confesse avant d’avoir un amant n’y va plus après ; mais quelques-unes aussi continuent d’y aller. […] Il est certain que la foi religieuse apporte à certaines âmes un surcroît de force et de sécurité ; mais à quelles âmes et dans quelle mesure ? […] Feuillet, par une singulière inconséquence, fait de M. de Camors la proie d’une de ces passions furieuses auxquelles un homme ne résiste guère, à moins d’une force morale que la foi ne donne pas, qu’elle peut seulement augmenter. […] Est-ce la foi des premiers chrétiens ou des jansénistes qui respire dans ce livre parfumé ?

199. (1889) Histoire de la littérature française. Tome III (16e éd.) « Chapitre douzième. »

Il nous avait fait rougir de notre sagesse et douter de notre vérité ; il avait voulu nous mener, l’épée dans les reins, à la foi par le désespoir. […] La foi laisse peu de chose à faire à la raison, ou, pour parler plus juste, la raison n’est qu’un doux acquiescement à la foi. […] Ses deux devanciers n’avaient pensé qu’à se rendre compte à eux-mêmes, celui-ci de ses souvenirs et de la morale qu’il en voulait tirer, celui-là de ses motifs d’abdiquer et de se réfugier dans la foi. […] Philosophe plus libre que La Rochefoucauld et Pascal, il n’est pas enchaîné à son passé comme le premier, ni, comme le second, tiraillé entre le doute et la foi.

200. (1911) La valeur de la science « Troisième partie : La valeur objective de la science — Chapitre X. La Science est-elle artificielle ? »

Le Roy n’est pas un sceptique ; s’il regarde l’intelligence comme irrémédiablement impuissante, ce n’est que pour faire la part plus large à d’autres sources de connaissance, au cœur par exemple, au sentiment, à l’instinct ou à la foi. […] Nominaliste de doctrine, mais réaliste de cœur, il semble n’échapper au nominalisme absolu que par un acte de foi désespéré. […] Les alchimistes avaient des recettes pour faire de l’or, ils les aimaient et avaient foi en elles, et pourtant ce sont nos recettes qui sont les bonnes, bien que notre foi soit moins vive, parce qu’elles réussissent. […] Si je me félicite du développement industriel, ce n’est pas seulement parce qu’il fournit un argument facile aux avocats de la science ; c’est surtout parce qu’il donne au savant la foi en lui-même et aussi parce qu’il lui offre un champ d’expérience immense, où il se heurte à des forces trop colossales pour qu’il y ait moyen de donner un coup de pouce.

201. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Deuxième partie. — Chapitre XXIV. »

C’est le même homme qui, silencieux depuis vingt-cinq ans, vit paisible et triste sous la domination étrangère, dans sa ville natale, l’illustre Manzoni ; homme d’imagination et de foi, généreux patriote et chrétien résigné, poëte artificiel peut-être dans l’irrégularité de son théâtre, mais vraiment lyrique dans ses odes religieuses et dans celle que lui inspira le plus grand nom et la plus tragique destinée de ce siècle ! […] « Parmi les triomphes qu’a remportés la belle, l’immortelle, la bienfaisante foi, j’inscris encore celui-ci. […] C’était une chaste harmonie, mélodieuse sans art, émue sans passion terrestre, presque monotone et toute charmante ; c’étaient les premiers et les délicieux vers de M. de Lamartine : l’Isolement, le Soir, le Vallon, le Lac, la Foi, le Temple, les Étoiles ; tous ces échos de douce rêverie, dont nuls sons ne pouvaient être détachés et retentir dans les vastes auditoires des cours publics, sans faire éclater les mille applaudissements d’une jeunesse idolâtre. […] La sainte majesté du sujet, la gravité de l’affliction chrétienne, élèvent ici le talent du poëte et lui donnent, dans l’expression et dans la mélodie, un calme de douleur et de foi dont la simplicité presque intraduisible semble une voix mystique entendue dans un songe, mais qu’on ne peut retrouver. […] « Élevez, élevez votre drapeau de gloire, ô vous, sublimes champions de la foi !

202. (1874) Premiers lundis. Tome II « Revue littéraire »

Aussi bientôt notre beau page Que suit, triste, son lévrier, Quitte ces lieux où l’on outrage Amour et foi de chevalier. […] Oublieux de leur foi trompée, tous y viennent ; le pas d’armes brille au complet ; mais, jeu du sort !

203. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — L — Laprade, Victor de (1812-1883) »

Ils ont vu l’auteur de Psyché et d’Hermia devenir délicieusement chrétien dans les Poèmes évangéliques, s’enflammer jusqu’à la satire pour la défense de sa foi et de ses convictions, unir dans Pernette le drame à l’idylle, trouver, pendant les désastres de l’invasion allemande, des accents inoubliables de douleur et de patriotisme, répandre enfin, dans le Livre d’un père, les mâles et charmantes tendresses de son cœur. […] Partout nous trouverons le même sentiment, parlant en rythmes graves et amples, d’un ton pénétré, qui sait être solennel sans emphase, parce qu’il s’inspire du plus profond de la conviction humaine, à ce point où le cœur touche à la raison, où la foi du chrétien se confond avec la dialectique du philosophe.

204. (1860) Ceci n’est pas un livre « Une conspiration sous Abdul-Théo. Vaudeville turc en trois journées, mêlé d’orientales — Deuxième journée. Les conspirateurs » pp. 225-233

. — En face de la porte est suspendue une charge signée Carjat-Bey, qui représente Omer-Dinochau abjurant la foi chrétienne entre les mains de l’iman. — Autour de la salle, des nattes où sont étalés six concombres crus, un morceau de mouton, des boulettes de riz et des crêpes au miel. […] ma foi non, c’est trop bête, à la fin, ce que je dis… J’aime encore mieux la manière de Champfleury : en un mot, ça y est-il ?

205. (1889) La littérature de Tout à l’heure pp. -383

L’Iliade et l’Odyssée sont des actes de foi, — peut-être d’une foi déjà s’assoupissant. […] La volonté précède la foi, peut-être en tient lieu. […] Leur foi a le luisant fruste d’un objet ancien dont l’éclat se conservait sous la poussière : leur foi est retrouvée. […] Ils n’essaient même pas de reconstruire l’appareil d’une vie sociale dominée, inspirée par une grande foi ou de nous montrer le beau duel de la foi chrétienne et de l’amour. […] Sarrazin a la force parce qu’il a la foi.

206. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « M. Ampère »

Ampère, par sa foi et son espoir constant en la pensée humaine, en la science et en ses conquêtes, est resté vraiment de 89. […] Il eut foi, toujours et de plus en plus, et avec cœur, à la civilisation, à ses bienfaits, à la science infatigable en marche vers les dernières limites, s’il en est, des progrès de l’esprit humain 118. […] On croit, en général, que ces savants restèrent constamment fermes et calmes dans la naïveté et la profondeur de leur foi, et je le crois pour plusieurs, pour les Jussieu, pour Euler, par exemple. […] Ampère était de ceux-ci, de ceux que l’épreuve tourmente, et, quoique sa foi fût réelle et qu’en définitive elle triomphât, elle ne resta ni sans éclipses ni sans vicissitudes. […] Jusqu’à la fin, et pendant les années qui suivirent, nous l’avons toujours vu allier et concilier sans plus d’effort, et de manière à frapper d’étonnement et de respect, la foi et la science, la croyance et l’espoir en la pensée humaine et l’adoration envers la parole révélée.

207. (1895) Histoire de la littérature française « Sixième partie. Époque contemporaine — Livre I. La littérature pendant la Révolution et l’Empire — Chapitre III. Madame de Staël »

Par un hasard singulier, sa foi fut récompensée : elle finit par se reposer dans un amour absurde et un mariage ridicule, qui fut heureux. […] Son acte de foi est un acte hardi d’idéalisme romanesque : elle objective son enthousiasme. […] Et la foi, chez elle, donne satisfaction à la raison : Dieu est pour elle la lumière qui éclaire l’univers et la rend intelligible. […] Elle accueille d’abord la Révolution avec joie et avec foi ; son salon est le lieu de réunion des amis de la constitution anglaise, Mounier, Malouet, Clermont-Tonnerre, Montmorency ; mais, en sept. 1792, elle est forcée de se réfugier à Coppet, au bord du lac de Genève.

208. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Madame la duchesse d’Angoulême. » pp. 85-102

Pour que le jeune cœur de Madame Royale ne prît point à cette heure une haine irréconciliable et un mépris sans retour pour la race humaine, pour qu’elle conservât sa sérénité, sa candeur, sa foi, son espérance au bien, il fallut les divins exemples et les secours qu’elle trouva autour d’elle, surtout dans sa tante Élisabeth, cette personne céleste ; il fallut cette religion précise, pratique, dont nul esprit fort n’aura jamais le droit de sourire, puisqu’elle seule est de force à soutenir et à consoler de telles douleurs. […] Ce Sacré-Cœur de Jésus et cette prière pour la France se tiennent plus étroitement qu’il ne semble, et il fallait peut-être avoir toute la foi à l’un pour pouvoir à ce moment prier pour l’autre. […] Mais les personnes qui l’ont le mieux connue, et qui sont le plus dignes de foi, assurent qu’une telle disposition était bien loin d’être la sienne. […] et n’y gagnait-elle pas bien plus qu’elle n’y perdait, par la foi constante et la stabilité de la confiance du côté du ciel ?

209. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 24, des actions allegoriques et des personnages allegoriques par rapport à la peinture » pp. 183-212

Le poëte ne doit pas exiger du spectateur une foi aveugle et qui se soumette à tout. […] La galerie du Luxembourg et celle de Versailles en font foi. […] Je consens donc que la foi et l’esperance soutiennent un mourant, et que la religion paroisse affligée aux pieds d’un évêque mort. […] Ils peuvent tout au plus introduire dans leur action, qui doit toujours imiter la verité historique, quelques figures allegoriques de celles qui sont convenables au sujet, comme seroit, par exemple, la foi répresentée à côté d’un saint qui feroit un miracle.

210. (1887) Essais sur l’école romantique

Le privilège de son âge est d’avoir des illusions dorées, une foi naïve au bien, un besoin d’estimer les hommes. […] La foi en Dieu, l’amour de l’art, et, sur la terre, l’amitié d’un poète, voilà tout le fonds des Consolations. […] Et cela se touche, en effet, de très près ; car la foi appelle la foi, et il n’y a rien de plus religieux que l’amour des choses de religion. […] Michel-Ange s’inspirait à la foi religieuse de vingt nations ; car celle foi vigoureuse planait encore sur la confusion universelle ; elle florissait par le schisme ; l’esprit grandissait par les innombrables déchirements de la lettre ; Luther enlevait des sujets au Pape, mais non des croyants au Christ. […] Dès lors, ce qui n’eût été qu’une bonne et honnête habitude d’esprit est devenu une foi vive, inquiète, agressive, comme toute foi disputée.

211. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Première partie. De la littérature chez les anciens et chez les modernes — Chapitre II. Des tragédies grecques » pp. 95-112

Le poète disposait en même temps de la foi religieuse, et des passions humaines. […] Les tragiques grecs, fondant la plupart de leurs pièces sur l’action continuelle de la volonté des dieux, étaient dispensés d’un certain genre de vraisemblance, qui est la gradation des événements naturels ; ils produisaient de grands effets, sans les avoir amenés par des nuances progressives ; l’esprit étant toujours préparé à la crainte par la religion, à l’extraordinaire par la foi, les Grecs n’étaient point astreints aux plus grandes difficultés, de l’art dramatique ; ils ne dessinaient point les caractères avec cette vérité philosophique exigée dans les temps modernes. […] La foi que les Grecs avaient à de telles causes, donnait nécessairement moins d’indépendance et de variété aux affections de l’âme.

212. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre X. Mme A. Craven »

Il faut la foi, ici comme pour les miracles ; mais pour ceux-là qui ont la foi, c’est vraiment une œuvre d’émotion et d’édification incomparable. […] Le récit de la sœur, est ce qu’il y a de moins long, en ce livre ; de moins ému, de moins inspiré et, disons-le, de moins beau et de moins céleste dans l’ordre de l’émotion sacrée et de la foi.

213. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « XX. M. de Montalembert »

devant Dieu par la foi, par l’abnégation, par l’œuvre collective, ils ont comme l’identité de la même vertu, de la même sagesse, de la même sainteté, et on pourrait tous les prendre les uns pour les autres, si Dieu n’avait pas donné à quelques-uns d’entre eux la différence qui compte devant l’Histoire, la différence ou d’un de ces caractères ou d’un de ces génies qui, en attendant l’égalité du Ciel, font la gloire et l’originalité parmi nous ! […] Et voilà pourquoi Les Moines d’Occident ne sont pas une histoire, mais une oraison, — oratio… pro monachis, et une oraison… jaculatoire, très souvent, car la foi, — une foi dont je ne souris pas, mais que je respecte au contraire, — y avive les élancements de l’orateur.

214. (1874) Premiers lundis. Tome I « M. de Ségur. Mémoires, souvenirs et anecdotes. Tome II. »

Court de Gébelin, Olavidès, d’Eprémesnil, de Jaucourt, de Chastellux, de Choiseul-Gouffier, de La Fayette, et de bien d’autres encore, on croirait vraiment, ceci soit dit sans reproche, qu’en dépit des railleries des incrédules et même des siennes propres, M. de Ségur n’est pas complètement revenu de ce péché de jeunesse, et que son ancienne foi magnétique, non moins que sa foi politique, a résisté à la mode des conversions.

215. (1917) Les diverses familles spirituelles de la France « Chapitre ix »

Puis, le culte terminé, le prisonnier dûment raccompagné, les indifférents partis, nous avons rompu le pain dans une assiette, versé le vin dans un gros verre, et sans liturgie, avec le seul récit de saint Matthieu, nous, avons commémoré le plus grand don de l’histoire, nous unissant à nos parents dans l’espérance, à nos amis dans l’amitié profonde, à nos ancêtres dans la foi. »‌ Mais, le plus souvent, les soldats calvinistes, trop isolés pour rien organiser, entrèrent dans la chapelle catholique. […] Un secteur avec ses tranchées et ses cagnas ressemble beaucoup à ces petits réduits qu’étaient les premières communautés, groupées dans les catacombes, dans un pauvre faubourg, et dont les fidèles, plus unis que des frères, vivaient de la même foi et des mêmes espérances.

216. (1899) Préfaces. — Les poètes contemporains. — Discours sur Victor Hugo pp. 215-309

Que les esprits amoureux du présent et convaincus des magnificences de l’avenir se réjouissent dans leur foi, je ne les envie ni ne les félicite, car nous n’avons ni les mêmes sympathies ni les mêmes espérances. […] La foi, l’amour, la poésie n’ont été pour lui que des matières d’amplifications brillantes. […] Ceci est une vérité de foi, une conviction profondément enracinée, aussi inébranlable de nos jours qu’elle était intacte il y a soixante ans. […] Telle est la foi de Victor Hugo. […] Cette foi, faite d’éblouissements, a ouvert au grand Poète l’horizon illimité où son imagination plonge sans fin.

217. (1869) Cours familier de littérature. XXVIII « CLXVIe entretien. Biographie de Voltaire »

Celui qui concevra la tragédie de Mahomet comme l’histoire, reproduira un des plus beaux phénomènes de l’esprit humain, une foi sincère dans une âme héroïque, bravant le martyre et s’élevant par le martyre à l’empire d’un continent entier. […] Le blasphème ne fut jamais en lui qu’un accident ou une manœuvre, la foi en Dieu était sa nature. […] Cette résolution de Voltaire, d’éviter à tout prix la persécution et le martyre par des professions de foi prononcées avec le rire de la dérision sur les lèvres, donne à sa physionomie historique une expression de sarcasme, moitié défi, moitié feinte, qui ajoute le ridicule à l’incrédulité, mais qui diminue la dignité et la grandeur du philosophe. […] Le clergé, jaloux d’obtenir de Voltaire mourant un désaveu de sa mémorable impiété, observa ses dernières heures pour lui arracher l’apparence au moins d’un acte de foi. […] Le monde tend rationnellement à une indépendance mutuelle absolue de la conscience et du gouvernement, de la foi et de la loi, de Dieu et du prince.

218. (1889) Histoire de la littérature française. Tome II (16e éd.) « Chapitre deuxième »

Il n’y a pas, dans l’histoire de l’esprit humain, un second exemple d’un homme s’élevant à ce haut état de spiritualité, dans l’ordre de la science ; et peut-être, dans l’ordre de la foi, le plus haut état de spiritualité n’est-il pas plus absolument pur de tout mélange de l’imagination et des sens. […] Supposez cet homme rebelle par impuissance à la foi de son pays, ou entraîné vers l’incrédulité absolue ; Descartes veut le retenir sur le bord de l’abîme, l’aider à trouver en lui-même les principes qui le ramèneront à la croyance philosophique, et par elle peut-être à la croyance religieuse. […] Même les hommes de génie qui devaient immoler la raison à la foi n’usèrent pas d’une autre logique que Descartes, qui avait institué la raison juge suprême du vrai et du faux. La même conduite de l’esprit, dans les écrits de ces grands confesseurs de la foi, amena invinciblement la même raison à connaître ce qui la surpasse. […] Dans Pascal, le mépris de l’antiquité comme autorité scientifique, la souveraineté de la raison dans tout ce qui n’est pas du domaine de la foi, sont du plus pur cartésianisme ; mais celui qui l’applique une seconde fois était capable de l’inventer.

219. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — M. — article » pp. 348-356

Un peu de Philosophie, disoit Bacon, suffit pour faire un Incrédule ; mais beaucoup de Philosophie ramene sûrement a la Foi & à la vérité. […] de Montesquieu, qu’ils croyoient appartenir à leur Secte, ils auroient désiré pouvoir grossir leur Nécrologe du nom d’un Grand Homme, mort dans les sentimens qu’ils affichent ; mais il sera toujours vrai de dire que l’Auteur de l’Esprit des Loix, après avoir été abusé par une fausse sagesse, en est revenu à la véritable ; celle qui nous soumet à Dieu, fait respecter la Foi, & épargne aux hommes le scandale & l’indignation.

220. (1891) Journal des Goncourt. Tome V (1872-1877) « Préface » pp. -

— « J’affirme que les conversations données par moi, dans les quatre volumes parus, sont pour ainsi des sténographies, reproduisant non seulement les idées des causeurs, mais le plus souvent leurs expressions, et j’ai la foi que tout lecteur désintéressé et clairvoyant, reconnaîtra que mon désir, mon ambition a été de faire vrais, les hommes que je portraiturais, et que pour rien au monde, je n’aurais voulu leur prêter des paroles qu’ils n’auraient pas dites. […] Et ma foi, la main sur la conscience, j’ai la conviction, que si le penseur philosophe n’était pas travaillé par des ambitions terrestres, il ne désavouerait pas devant le public « ses idées générales » de cabinet particulier.

221. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Seconde partie. Poétique du Christianisme. — Livre quatrième. Du Merveilleux, ou de la Poésie dans ses rapports avec les êtres surnaturels. — Chapitre XIV. Parallèle de l’Enfer et du Tartare. — Entrée de l’Averne. Porte de l’Enfer du Dante. Didon. Françoise de Rimini. Tourments des coupables. »

C’est encore au christianisme que ce morceau doit une partie de son pathétique ; Françoise est punie pour n’avoir pas su résister à son amour, et pour avoir trompé la foi conjugale : la justice inflexible de la religion contraste avec la pitié que l’on ressent pour une faible femme. […] Si l’on dit qu’un auteur grec ou romain eût pu faire un Tartare aussi formidable que l’Enfer du Dante, cela d’abord ne conclurait rien contre les moyens poétiques de la religion chrétienne, mais il suffit d’ailleurs d’avoir quelque connaissance du génie de l’antiquité, pour convenir que le ton sombre de l’Enfer du Dante ne se trouve point dans la théologie païenne, et qu’il appartient aux dogmes menaçants de notre Foi.

222. (1761) Salon de 1761 « Peinture —  Deshays  » pp. 134-138

La constance, la foi, l’espérance, et la douleur sont fondues sur son visage qui est d’un caractère simple, fort, rustique et pathétique. […] Ma foi, ou il faut brûler tout ce que les plus grands peintres de temples ont fait de mieux, ou compter Deshays parmi eux.

223. (1863) Cours familier de littérature. XVI « XCVe entretien. Alfred de Vigny (2e partie) » pp. 321-411

Comme l’ex-marine royale, vieille bonne marine, ma foi ! […] Il me suivait de l’œil ; je lui pris le bras ; j’étouffais, ma foi ! […] « Il me parut qu’il gardait, ma foi ! […] Et, ma foi ! […] Cette foi, qui me semble rester à tous encore et régner en souveraine dans les armées, est celle de l’honneur.

224. (1904) Les œuvres et les hommes. Romanciers d’hier et d’avant-hier. XIX « Paul Féval » pp. 107-174

Les Rois, quand on avait des Rois, faisaient mettre le leur dans des boîtes d’or et les envoyaient aux Églises auxquelles ils avaient le plus de foi et qu’ils avaient le plus aimées. […] Un jour, le mur d’airain fondit et laissa passer l’homme de foi jusqu’à l’homme d’action. […] L’artiste, doublé nouvellement du chrétien dans Paul Féval, a élevé le tout à un idéal de beauté qui prouve que le talent est déjà chez lui transfiguré par la Foi. […] Ici, ce n’est ni le romancier ni le poète qui ont éveillé l’historien qui dormait dans le romancier : c’est le chrétien : « J’appartiens à saint Michel, — dit-il dans cette langue que sa foi lui a donnée. — Je suis né le jour de sa fête. […] … Ils chercheront peut-être encore le romanesque dans cette histoire trop sublime pour ne pas en avoir, mais ils se plaindront que le romancier qui l’exprime l’ait mêlé à trop de faste de foi : car la foi de Paul Féval va jusqu’au faste… et pour moi ce faste devient une splendeur !

225. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Lamartine — Lamartine, Jocelyn (1836) »

« Je ne voudrais pas ce Faust, » me disait une belle âme bien éclairée dans la pratique chrétienne : « quand on travaille et qu’on fait son devoir de curé le jour, on dort la nuit. » — Oui ; mais ce Jocelyn du commencement n’est pas arrivé et fixé encore ; il n’a pas encore trouvé son calme, ni peut-être toute sa foi ; il n’a pas enseveli Laurence. Plus tard, quand Jocelyn a triomphé de cette maladie à laquelle se termine le manuscrit de ses confidences, quand il est tel que le Botaniste l’a connu, ses nuits sont calmes ; toute fièvre de passion ou d’incertitude a cessé : il ne reste plus de lui que le ministre de charité, l’homme des admirables paraboles qu’il débite à son troupeau ; et, s’il ne maudit pas le Juif, si l’on sent qu’il n’aurait d’anathème, ni contre le vicaire savoyard, ni contre un confrère vaudois de l’autre côté des Alpes, ce n’est pas doute ni tiédeur de foi, c’est qu’il est de ce christianisme assurément fort justifiable, de ce christianisme clément, comme Jésus, au bon Samaritain. […] Si vous avez perdu une mère, si, nourri aux affections de famille, vous avez éprouvé quelqu’une de ces grandes et saintes douleurs qui devraient rendre bon pour toute la vie, lisez, relisez, pour retrouver vos émotions les meilleures, la visite à la maison natale, l’évanouissement de la mère de Jocelyn, la rentrée folâtre des enfants du nouveau possesseur, courant de haie en haie, tandis qu’elle, on l’emporte par l’autre porte sans connaissance ; et, après cette mort, les larmes du fils pieux, sa foi soulageante, ses retours vers les jours passés de tendres leçons et d’enfance heureuse,  Quand le bord de sa robe était mon horizon ! […] Il y a en lui une irrésistible sympathie par tous les points avec la Vie universelle, et il cherche ensuite à réprimer cette expansion, à la ramener dans un ordre régulier de foi ; il y a en lui, si je l’ose dire, du bouddhiste qui tâche d’être méthodiste. […] Mais, le corps étendu, n’oublions pas que l’âme, De même que l’oiseau monte sans agiter  Son aile, ou qu’au torrent, sans fatiguer sa rame, Le poisson sait tout droit en flèche remonter, — L’âme (la foi l’aidant et les grâces propices)  Peut monter son air pur, ces torrents, ses délices !

226. (1863) Cours familier de littérature. XV « LXXXIXe entretien. De la littérature de l’âme. Journal intime d’une jeune personne. Mlle de Guérin (2e partie) » pp. 321-384

Cela prouve que les enfants ont le sentiment du beau, et que par les œuvres de Dieu il est facile de leur inspirer la foi et l’amour. […] moi, que deviendrais-je sans la prière, sans la foi, la pensée du ciel, sans cette pitié de la femme qui se tourne en amour, en amour divin ? […] « Il fut un temps où cela m’aurait effrayée ; à présent, je ne sais pas comment je trouve tout naturel de mourir ; cercueils, morts, tombes, cimetières, ne me donnent que des sentiments de foi, ne font que reporter mon âme là-haut. […] De cette condescendance infinie nous est venue notre foi confiante. […] Descendant comme nous de l’exilé d’Éden, connaissent-ils sa naissance, sa vie, sa chute, sa lamentable et merveilleuse histoire ; cette Ève pour laquelle il a perdu le ciel, tant de malheur et de bonheur ensemble, tant d’espérances dans la foi, tant de larmes sur leurs enfants, tant et tant de choses que nous savons, que savait peut-être avant nous ce peuple dont il ne reste qu’une planche ?

227. (1839) Considérations sur Werther et en général sur la poésie de notre époque pp. 430-451

Seulement, comme il n’avait pas montré les mêmes transports douloureux que les poètes ses contemporains, il a pu élever vers le ciel et l’avenir un regard plus assuré, et sa foi s’est montrée plus grande. […] L’esprit de la Réforme du Seizième Siècle contenait deux tendance différentes, un esprit de liberté et d’examen, un esprit d’enthousiasme et de foi religieuse. […] Au fond, l’esprit de la Réforme, soit qu’il conduisît à l’incrédulité, soit qu’il s’arrêtât dans certaines limites, était un esprit sublime, un esprit d’enthousiasme et de foi. Il y a de l’enthousiasme, il y a de la foi jusque dans le sentiment qui a donné naissance aux plus désolantes doctrines du Dix-Huitième Siècle. […] À ceux qui le déclarent impie, nous demanderons : En quoi Goethe, dans Werther, a-t-il réellement outragé la foi, l’espérance, la charité ?

228. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Lamennais — Lamennais, Paroles d'un croyant »

» C’est ce que répondrait aussi à un semblable conseil l’ardent et vertueux prêtre qui lance en ce moment un nouveau manifeste de ralliement et de foi, qui pousse, après un silence pénible, un nouveau cri de guerre et d’espérance. […] Sans rien espérer actuellement de Rome et de ce qui y règne, nous sommes trop chrétien et catholique, sinon de foi, du moins d’affinité et de désir, pour ne pas déplorer tout ce qui augmenterait l’anarchie apparente dans ce grand corps, déjà si compromis humainement. […] Vis-à-vis du Saint-Siège, M. de La Mennais peut rester soumis, docile et pleinement adhérent en matière de foi ; mais il a cessé de l’invoquer directement pour l’œuvre temporelle ; on sent qu’il n’en espère plus une effusion prochaine de doctrine qui descende sur le siècle.

229. (1888) Demain : questions d’esthétique pp. 5-30

Je n’ai foi qu’aux œuvres. […] Cela est surtout évident à l’origine de toutes les littératures ; sans remonter jusqu’à l’Iliade et l’Odyssée qui sont des actes de foi, chez nous, durant ce XVIIe siècle dont je vous parlais, tandis que les orateurs sacrés conduisaient à leurs suprêmes conséquences les principes enfermés dans les dogmes, exprimaient des plus abstraites spéculations religieuses une psychologie, une morale et une politique chrétiennes, les poètes, par une rétroaction de rêve, faisaient rayonner la Croix sur les Idoles et christianisaient les fables do l’Antiquité. […] Mais cette contre-facon elle-même de la foi est usée et si les Naturalistes ont pu se passer de toute religion comme ils se sont privés de toute beauté, que vont faire ceux qui viennent ?

230. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre XXVIII. Caractère essentiel de l’œuvre de Jésus. »

On chercherait vainement une proposition théologique dans l’Évangile Toutes les professions de foi sont des travestissements de l’idée de Jésus, à peu près comme la scolastique du moyen âge, en proclamant Aristote le maître unique d’une science achevée, faussait la pensée d’Aristote. […] La foi, l’enthousiasme, la constance de la première génération chrétienne ne s’expliquent qu’en supposant à l’origine de tout le mouvement un homme de proportions colossales. A la vue des merveilleuses créations des âges de foi, deux impressions également funestes à la bonne critique historique s’élèvent dans l’esprit.

231. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « XVIII. Lacordaire »

Jésus-Christ, il est trop un homme, un particulier, un ami de la famille Lazare, un convive avec qui, ma foi, il est très agréable de souper ! […] Même après l’avoir lu, je n’ai assurément aucun doute sur la foi et la piété de celui qui vient de l’écrire, mais je me dis que les milieux pèsent beaucoup sur les natures oratoires qui s’inspirent ou se déconcertent sous l’influence du visage des hommes, et le R.  […] Renan, si vous vous en souvenez, s’est amusé, dans un de ses derniers écrits, à éteindre autour de la tête de nos Saints le nimbe d’or que la Foi y allume, malice philosophique assez semblable au mauvais sentiment du gamin qui renverserait la lampe d’un sanctuaire !

232. (1848) Études sur la littérature française au XIXe siècle. Tome III. Sainte-Beuve, Edgar Quinet, Michelet, etc.

Le malheur des natures qui n’ont que des inspirations et des inclinations sans la foi est d’être à la merci d’un souffle et d’une vicissitude. […] Sainte-Beuve, un parti pris, une profession de foi déterminée et conséquemment exclusive. […] La foi, en s’envolant, a emporté la vie. […] La foi, l’amour divin peuvent seuls, selon le poète, accomplir notre destinée. […] Dépouillé de foi et d’amour, le monde doit mourir.

233. (1912) Pages de critique et de doctrine. Vol I, « I. Notes de rhétorique contemporaine », « II. Notes de critique psychologique »

Il y a dans le chouan deux choses : sa révolte et la foi pour laquelle il se révolte. […] » Vous feuilletez les pages qui précèdent et qui suivent cette profession de foi. […] Cette facture d’une impeccable rigueur est ennoblie par ce qui était la foi de d’Albert et qui est demeuré la foi de Gautier, à travers ses accablantes épreuves de tâcheron : le culte passionné de la Beauté. […] Ce soi-disant sceptique fut un dévot de sa foi littéraire. […] « Mon fils », avouait-elle, « a bien besoin de bons exemples de foi positive, car sa religion, trop libre et trop vague, me paraît moins une foi qu’un sentiment… » et lui-même : « Ce n’est pas le désir de la foi qui me manque, c’est le principe de la foi… » Que dirait d’autre l’auteur du Sens de la vie ou celui de Sagesse ?

234. (1859) Cours familier de littérature. VII « XLIe entretien. Littérature dramatique de l’Allemagne. Troisième partie de Goethe. — Schiller » pp. 313-392

On m’a enlevé la foi qui me donnait le calme ; on m’a enseigné à dédaigner ce que j’adorais. […] La nature est Dieu divisé à l’infini (profession de foi de son maître Goethe). […] Un sonnet de lui fait foi de cette émotion contenue, mais forte. […] L’homme souffre encore en lui, mais l’artiste ne souffre plus, semblable au martyr qui jouit dans sa foi pendant qu’il gémit dans son corps. […] Ils n’avaient foi l’un qu’à la nature, l’autre qu’aux faits.

235. (1860) Cours familier de littérature. IX « LIe entretien. Les salons littéraires. Souvenirs de madame Récamier. — Correspondance de Chateaubriand (3e partie) » pp. 161-240

Tous les pamphlets de peu de foi écrits par M. de Chateaubriand pendant ces quinze années de la monarchie de Juillet sont de la même encre : des larmes, du fiel, de la fidélité ostentatoire et chevaleresque, délayés dans des phrases républicaines pour sourire amèrement à tous les partis. […] La rhétorique était le vice de M. de Chateaubriand, dans la foi, dans le royalisme, dans les actes comme dans le style. […] » XXVI Cette fausse foi du vieillard qui voulait être à la mode en prenant le ton du jour, cette foi poétique du jeune homme qui s’éblouissait de la Colonne, et qui ne pensait pas assez que le peuple prend au sérieux ces métaphores d’opposition, créaient en France un paradoxe national de discipline militaire présenté comme un élément de liberté. […] Legouvé, le plus éclectique des hommes, le plus généreux des cœurs, applaudit à cette profession de foi d’une femme, et il en garda la mémoire, pour me prouver qu’il n’y avait rien de double dans madame Récamier que son cœur et son esprit : deux forces qu’elle mettait au service de ses amis présents ou absents, quand l’occasion demandait du courage. […] J’ai foi dans ce repos intelligent et chrétien qui nous attend au bout de la journée.

236. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Massillon. — II. (Fin.) » pp. 20-37

C’est par les mœurs habituellement, c’est par le côté du cœur et des passions que Massillon entame l’auditeur et qu’il s’applique à le rattacher à la foi et à la doctrine. […] La duchesse d’Orléans, mère du Régent, écrivait en juillet 1699 : Rien n’est plus rare en France (il fallait dire : à la Cour) que la foi chrétienne ; il n’y a plus de vice ici dont on eût honte ; et, si le roi voulait punir tous ceux qui se rendent coupables des plus grands vices, il ne verrait plus autour de lui ni nobles, ni princes, ni serviteurs ; il n’y aurait même aucune maison de France qui ne fût en deuil. […] En tous ces points, Massillon est à la fois un moraliste consommé et un indicateur prévoyant : il sent très bien, à son moment, où est le péril pour la foi, et par quelle brèche morale elle est en voie de s’écouler des cœurs. […] Pour le chrétien, il y manque peut-être vers la fin, dans l’ordre de la foi, je ne sais quelle flamme et quelle pointe de glaive, non contraire pourtant à la charité, et à laquelle on ne se méprend pas.

237. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Correspondance de Lammenais » pp. 22-43

Sa forme profonde d’esprit était la foi : croire à une choseou à son contraire, n’importe ! pourvu qu’il eût la foi. […] La science, pour lui, ne venait qu’après, à l’appui de sa foi, de celle qu’il avait pour le moment, et comme pièce de démonstration. Il a retourné sa foi à un moment, mais il en a toujours eu une (sauf à de bien rares instants).

238. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Études de politique et de philosophie religieuse, par M. Adolphe Guéroult. »

Il vient de parler des diverses hymnes et proses célèbres de la liturgie, le Dies iræ, le Vexilla, le Stabal, et il en a défini l’impression profonde avec largeur et vérité : « Je sais que beaucoup, dit-il, qui n’ont peut-être jamais mis le pied dans une église pour prier, qui n’ont jamais ressenti dans leur cœur la pieuse ferveur de la foi, riront de mon enthousiasme et de mon admiration ; mais je dois leur dire que depuis sept ans j’ai manqué peu de représentations au Théâtre-Italien, que j’ai suivi assidûment les concerts du Conservatoire, que Beethoven m’a donné la fièvre de plaisir, que Rossini m’a remué jusqu’au fond de l’âme, que Mme Malibran et Mlle Sontag ont été pour moi de bienfaisantes divinités ; que pendant près de deux ans je n’ai eu d’autre religion, d’autre espérance, d’autre bonheur, d’autre joie que la musique ; que, par conséquent, ils ne peuvent me regarder comme un trappiste qui ne connaît que ténèbres et matines ; mais il faut qu’ils sachent aussi que celui qui leur parle, et qui aujourd’hui est bien loin de la foi chrétienne, a été pendant cinq ans catholique fervent, qu’il s’est nourri de l’Évangile, de l’Imitation ; qu’élevé dans un séminaire, il y a entendu des chœurs de deux cents jeunes gens faire résonner sous une voûte retentissantel’In exitu. […] Le Saint-Simonisme, en tous ceux qu’il a touchés, a tué la foi au libéralisme pur, et tout en ne repoussant rien de ce que la liberté a de bon, d’utile et de pratique, le nom de liberté désormais, pour tous ceux qui ont compris le sens et le bienfait aussi de ce qui n’est pas elle, qui ont conçu, ne fût-ce qu’une fois, le regret ou l’espoir d’une haute direction sociale, a perdu de sa vertu merveilleuse et de sa magie. […] avons-nous affaire ici à un article de foi, à je ne sais quel souffle divin, un et indivisible ?

239. (1904) Prostitués. Études critiques sur les gens de lettres d’aujourd’hui « Chapitre VI. Pour clientèle catholique »

ô nuit effroyable, où tout à coup retentit en moi comme un éclat de tonnerre cette étonnante nouvelle : Ma foi se meurt ! ma foi est morte !  […] Le banal et superficiel déchirement de l’époque : la lutte pour rire entre un faible rationalisme appris et une faible foi apprise, enfant scrofuleux et vieillarde mourante ; entre un pessimisme qui est peut-être la vérité et une religion qui est peut-être le bonheur, qui, dans tous les cas (Bourget en est certain comme Brunetière) est aujourd’hui la meilleure savonnette à vilains. […] Le monsieur peut se reposer dans une foi officielle, dans un fauteuil officiel, dans une fortune bourgeoise : qu’il y pourrisse à son aise.

240. (1911) Lyrisme, épopée, drame. Une loi de l’histoire littéraire expliquée par l’évolution générale « Chapitre premier. Le problème des genres littéraires et la loi de leur évolution » pp. 1-33

Le lyrisme est avant tout la jeunesse exubérante du sentiment, un débordement de forces sans but précis, un élan de foi ; ses objets principaux : Dieu, l’amour, la nature. […] Je me résume plus brièvement, en remarquant que les extrêmes se touchent : le lyrisme, c’est la foi et aussi le désespoir ; l’épopée, c’est l’action et aussi la passion, quand elle crée ; le drame, c’est la crise, tendant à la sérénité (Katharsis). […] Les principes directeurs créent un état de choses, et se modifient, par le fait même de cette « réalisation », jusqu’à l’épuisement ; chaque nouveau principe est salué comme une foi nouvelle et définitive (lyrisme), il se réalise plus ou moins imparfaitement (épopée), puis il s’effondre devant un nouveau principe (drame). […] Quelques exemples : la vie durable de certains fabliaux, de certaines farces, n’est pas dans les turpitudes, dans les invectives, elle est dans les « situations » comiques, dans tels caractères nettement dessinés ; ce qui nous charme dans les Satires d’Arioste, c’est Arioste lui-même ; et ce qui domine dans Les Tragiques, dans Les Châtiments, ce n’est pas la haine, c’est la foi. — La satire n’est pas un genre au sens vrai du mot, elle n’est qu’un élément ; pour lui donner la forme et la durée, il faut l’art d’un individu, le souffle lyrique, ou épique, ou dramatique.

241. (1868) Les philosophes classiques du XIXe siècle en France « Chapitre XII : Pourquoi l’éclectisme a-t-il réussi ? »

Par crainte du scepticisme, il a détruit la théorie de la perception extérieure, et n’y a substitué qu’un acte de foi écrit en style de dictateur. […] Élevés dans la foi, les pères avaient douté ; élevés dans le doute, les fils voulurent croire. […] On finit par faire des avances au clergé, présenter la philosophie comme l’alliée affectueuse et indispensable de la religion, offrir le dieu de l’éclectisme comme une base « qui peut porter la trinité chrétienne », et l’éclectisme tout entier comme une foi préparatoire « qui laisse au christianisme la place de ses dogmes, et toutes ses prises sur l’humanité99. » Il eût été bien difficile de ne pas réussir avec tant d’adresse, avec tant de soin pour séduire, amuser, entraîner et ménager les esprits, avec tant de précautions pour suivre ou devancer leur marche. […] Ces idées populaires sont une foi et non une conviction, un legs de la tradition, et non une conquête de la science.

242. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — V — Villiers de L'Isle-Adam, Auguste de (1838-1889) »

Cette nouvelle mettait aussi en jeu les opérations de la volonté, mais elle ne traitait plus de ses affaiblissements et de ses défaites sous l’aspect de la peur ; elle étudiait, au contraire, ses exaltations sous l’impulsion d’une conviction tournée à l’idée fixe ; elle démontrait sa puissance qui parvenait même à saturer l’atmosphère, à imposer sa foi aux choses ambiantes… Mais, dans le tempérament de Villiers, un autre coin, bien autrement perçant, bien autrement net, existait, un coin de plaisanterie noire et de raillerie féroce ; ce n’étaient plus alors les paradoxales mystifications d’Edgard Poe, c’était un bafouage d’un comique lugubre, tel qu’en ragea Swift. […] Mais quand on songe à sa grande jeunesse et quand on lit certaines strophes toutes frissonnantes d’inquiétude et de tristesse, on ne peut s’empêcher de penser au grand génie futur de ce jeune homme qui débute par des souffrances de doute et d’immenses désirs de foi, et dont la dernière parole écrite fut vraisemblablement celle-ci ajoutée au bas du manuscrit retouché à Axël : Ce qui est, c’est croire.

243. (1913) Le bovarysme « Première partie : Pathologie du bovarysme — Chapitre VI. Le Bovarysme essentiel de l’humanité »

À défaut de preuves plus intimes et que tout homme, accoutumé à s’apprécier sous le jour de la morale traditionnelle, trouvera dans sa conscience, les pénalités de toutes sortes en font foi. Elles font foi également, et avec la même force, soit qu’elles s’appliquent à des coupables, soit qu’elles frappent des innocents. […] C’est ainsi qu’en mourant ils rendent hommage à la justice des hommes, et témoignent de leur foi en leur libre arbitre. […] Ce n’est pas non plus pour jeter sur cette tentative quelque discrédit ; l’homme, à vrai dire, ne possède réellement que ce qui est réduit en images en son cerveau, ce qui ne dépend pas de l’extérieur, ce dont il est maître de jouir à tout moment, qu’il peut évoquer à son gré, et dont il se fortifie et se défend : des images auxquelles il ajoute foi. […] Le même état de sensibilité qui explique les premières hypothèses où le désir se satisfait dans la foi, sans regarder à l’invraisemblance de ses inventions, le même état de sensibilité explique encore ces échafaudages plus complexes au moyen desquels l’esprit s’ingénie à construire, à côté du monde visible, ces apparences logiques dont l’harmonie dissimule la fragilité et qui composent les métaphysiques.

244. (1917) Les diverses familles spirituelles de la France « Chapitre x »

Je ne pourrais pas me battre si je n’espérais pas dans la naissance de cette France-là, qui, elle, aura valu qu’on tue et qu’on meure pour elle… (Lettres publiées aux éditions de Foi et Vie.)‌ […] dit-il… J’ai trop foi dans la vie et dans sa valeur pour m’arrêter à cette hypothèse. […] Ce matin, j’ai entendu la messe et communié avec foi, à quelques mètres des tranchées. […] Il me faut sans relâche contempler les grandes idées pour lesquelles je dois combattre, comparer le prix d’une personnalité mesquine et impure à celui des principes moraux qui sont la gloire de notre race humaine. » (Le Semeur d’août 1915.) — Le jeune volontaire Paul Guieysse (tombé depuis au champ d’honneur) confie à l’ami qui l’accompagne au bureau de recrutement : « J’aime tellement la vie que si je n’avais pas une foi entière dans l’immortalité de l’âme, j’hésiterais peut-être à m’engager » (lettre communiquée). — Michel Penet, âgé de dix-neuf ans, chasseur au 8e bataillon de chasseurs à pied, raconte :‌ J’aurais voulu que vous assistiez, comme moi, aux demandes de départ. […] Et voici qu’aujourd’hui, des compatriotes, des voisins, des enfants de notre formation placés dans des circonstances qui émeuvent tout l’être, sentent et raisonnent comme cet Anglais, et mon ami Hassler, plus âgé qu’eux et qui ne partage pas leur foi, regardant autour de lui, écrit : « Il ne faut pas se dissimuler que beaucoup d’hommes… sont soutenus par l’idée d’un être supérieur auquel ils se confient. » (Ma campagne au jour le jour, par le capitaine Hassler.

245. (1898) L’esprit nouveau dans la vie artistique, sociale et religieuse « II — La solidarité des élites »

Liaison étroite au sein des mondes de vie où nous sommes plongés, liaison intime des cœurs humains, joie et justice, telle est sa profession de foi panthéiste. […] Figurez-vous un homme aux formes athlétiques, au visage splendide, rempli de séduction et de bonté, se promenant dans les rues, vêtu comme un ouvrier, causant familièrement avec tous, riant, interrogeant ou consolant, aimé de tous pour sa douce majesté, sa cordialité et son humeur joyeuse ; qui se baigne et ensuite se promène nu dans l’herbe humide au soleil, déclarant que « peut-être celui ou celle à qui la libre et exaltante extase de la nudité en pleine nature n’a pas été révélée, n’a-t-il jamais connu le sentiment de la pureté, ni ce que la foi, l’art ou la santé sont dans leur essence » ; parcourant la campagne ou soignant les blessés de la guerre civile ; prêchant l’exaltation de toutes les forces vives de l’individu, et allant vers tous, homme ou femme, les mains tendues, un cordial sourire aux lèvres ; en un mot, réalisant dans sa complète acception, encore insoupçonnée, l’homme de la Démocratie américaine, ou plutôt de la Démocratie universelle. […] J’emprunte à Camille Lemonnier quelques-unes des magnifiques paroles qu’il prononça lors de l’inauguration de l’Université Nouvelle ; je n’en connais pas de plus énergiques, de plus nouvelles, de plus généreuses : « … Partant de là, on peut prévoir ce que sera l’art de demain à travers la foi nouvelle qui, refermant le ciel sur un absolu décevant, le rouvre dans la conscience humaine. […] J’ai une foi profonde dans cette parole de Michelet : « La Sociabilité est un sens éternel qui se réveillera. […] Qu’ils s’unissent et qu’ils aient foi !

246. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre premier. »

Plus tard, quand Boileau, par esprit général de dévouement à l’antiquité, mais avec plus de foi que d’amour, voulut venger Pindare des plaisanteries et des contre-sens de Perrault, il fit cette bonne œuvre d’une manière un peu timide, un peu faible. […] Rousseau s’inspirait de Pindare, comme de David, sans beaucoup plus de foi à l’un qu’à l’autre. […] On sent la foi candide d’une imagination pieuse éclairée par une sublime morale ; c’est Pythagore épurant Homère. […] « Ce que je dois faire pour te plaire, ô dieu de la foudre, fils de Cronos, pour être aimé des Muses et pour rester sous la garde du calme heureux de l’âme, voilà ce que je demande de toi12. » Une telle foi, un tel amour devaient inspirer d’autres images que les souvenirs de la fable, un autre sublime que celui d’Homère. […] Sa pensée poétique est empreinte d’une gravité sainte, qui annonce presque cette foi pieuse que l’apôtre a définie « la réalité des choses qu’on espère et l’évidence des choses qu’on ne voit pas ».

247. (1841) Discours aux philosophes. De la situation actuelle de l’esprit humain pp. 6-57

Et il en sera ainsi tant qu’une foi commune n’éclairera pas les intelligences et ne remplira pas les cœurs. […] Et cet homme a vécu conformément à cette foi ; et la société a été la conséquence de cet homme ainsi limité ; et quand cette foi a dépéri, la société a dépéri ; et quand cette foi s’est éteinte, la société s’est éteinte. […] En un mot, toutes les âmes avaient foi dans l’ordre politique et dans l’ordre religieux ; et cette foi se manifestait dans tout ce que la poésie, c’est-à-dire le symbole, pouvait enfanter pour la vue ou pour les oreilles : les cathédrales, les tableaux, les poèmesb. […] Plus la condition des hommes était mauvaise, plus leur foi dans le ciel équitable devait être grande. […] Garde-lui seulement ta foi, et tu le verras un jour.

248. (1865) Cours familier de littérature. XX « CXVIe entretien. Le Lépreux de la cité d’Aoste, par M. Xavier de Maistre » pp. 5-79

Xavier de Maistre I J’entrai au collège des Pères de la foi en 1806 ; les Pères de la foi, pseudonyme des Jésuites, étaient la renaissance d’un ordre religieux, célèbre, qui n’avouait ni ses souvenirs, ni ses prétentions au monopole de l’enseignement de la jeunesse. […] Aussi les Pères de la foi flattaient-ils l’empereur, et l’empereur favorisait-il les Pères de la foi ; le cardinal Fesch, oncle de Bonaparte et archevêque de Lyon, était l’intermédiaire de cette faveur mutuelle ; mais ce cardinal, homme de peu d’esprit et de beaucoup d’obstination, voyait dans les Pères de la foi des missionnaires du pape prêts à reconstituer la catholicité romaine avec son indépendance et sa suprématie. […] De là des dissentiments entre l’empereur et son oncle, qui se terminèrent peu de temps après par l’expulsion des Pères de la foi. […] VIII Ceux des Pères de la foi qui nous accompagnaient avaient divisé la course en deux journées de marche pour qu’elle ne dépassât pas nos forces.

249. (1911) Lyrisme, épopée, drame. Une loi de l’histoire littéraire expliquée par l’évolution générale « Chapitre II. Vérification de la loi par l’examen de la littérature française » pp. 34-154

Ce n’est pas un crépuscule, c’est une aube ; ce n’est pas une erreur superstitieuse, c’est une foi. […] Cette première période est une fermentation ; mais un fait domine : une foi immense en l’avenir. […] Son livre est un acte de foi, un hymne à l’avenir. […] Les beautés de cette tragédie sont dans les prières, actions de grâce, appels de secours, chants de triomphe ; c’est exactement l’esprit du temps, au point de vue huguenot, et cette foi est si grandiose qu’elle émeut aujourd’hui encore quiconque a une foi, quelle qu’elle soit ; c’est un phénomène de pur lyrisme. […] De cette angoisse même naîtra quelque part la foi nouvelle, dont elle refera un monde.

250. (1895) Histoire de la littérature française « Première partie. Le Moyen âge — Introduction. Origines de la littérature française — 3. Causes générales de diversité littéraire. »

Le grand lien qui unit, le fort principe qui soutient malgré tout la société, jusqu’à l’âge moderne, la foi religieuse, provoque du xiie au xvie  siècle le riche épanouissement des compositions dramatiques. […] Le rationalisme triomphe pendant le xviiie  siècle aux dépens de la foi et de l’art, et, de la substance ou de la forme des œuvres littéraires, élimine tout ce qui n’est pas nécessairement facteur ou signe de la vérité dont il analyse les éléments ou poursuit la démonstration.

251. (1880) Les deux masques. Première série. I, Les antiques. Eschyle : tragédie-comédie. « Chapitre XVI, les Érynnies. »

Comme les Dragons dont elles avaient la laideur, les Érynnies couvaient des trésors : les liens de la famille, le respect de la vie humaine, l’observation de la foi jurée. […] Gardiennes de la vie humaine, protectrices des droits de la famille, de la foi jurée, du foyer des hôtes, les Érynnies semblaient mériter la reconnaissance due aux services ingrats strictement rendus.

252. (1917) Les diverses familles spirituelles de la France « Chapitre viii »

Chapitre viii Catholiques, protestants, socialistes, tous en défendant la France, défendent leur foi particulière Un trait commun à ces diverses familles d’esprit durant cette guerre, c’est qu’elles sentent toutes que le meilleur, le plus haut d’elles-mêmes, leur part divine est engagée dans le drame, et périrait avec la France.‌ […] C’est le livre où repose la tradition du Devoir et de l’Honneur sanctifiés par la foi, c’est-à-dire tout le christianisme des familles françaises.‌

253. (1894) Les maîtres de l’histoire : Renan, Taine, Michelet pp. -312

Avec lui, on prenait foi dans l’avenir de la patrie, en dépit des tristesses du présent. […] Il sentit ce qu’il valait, prit foi en lui-même. […] Michelet trouve dans les sciences mêmes la démonstration d’une foi nouvelle. […] Michelet avait la foi du Vicaire savoyard : Dieu et l’immortalité. […] Sa foi même n’a jamais été précise.

254. (1896) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Sixième série « De l’influence récente des littératures du nord »

Rosmer reste désemparé entre la foi qu’il n’a plus et celle que Rébecca a voulu lui communiquer. […] Étant donné sa foi en Dieu et l’idée qu’elle se fait de cette vie transitoire, elle ne devait, elle ne pouvait que se laisser mourir avec ses parents. […] Les « humbles » et les « misérables » sympathiques des romans septentrionaux gardent tous des restes au moins et des habitudes de foi confessionnelle ; et l’on sent que l’auteur leur sait gré d’être, au fond, « bien pensants ». […] Déjà, dans ses romans, je ne sais par quel paradoxe, tandis que sa vision des choses impliquait le plus radical pessimisme (et d’autres fois un fatalisme asiatique), ses appréciations des actes impliquaient la foi chrétienne. […] Qui affirmerait que notre ardeur de foi scientifique et de charité révolutionnaire, médiocrement intérieure et plutôt tournée aux réformes sociales, ne compense pas, même aux yeux de Dieu, l’aptitude plus grande des peuples du Nord à la méditation et au perfectionnement intérieur ?

255. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Correspondance inédite de Mme du Deffand, précédée d’une notice, par M. le marquis de Sainte-Aulaire. » pp. 218-237

On l’invite à venir à Chanteloup ; on l’assure du plaisir qu’elle y fera, du bonheur qu’on aura à la posséder : elle n’ose y croire, elle manque de foi dans l’amitié comme dans le reste. L’abbé alors la prêche ; il y a une très jolie lettre de lui, écrite de Chanteloup, à la date du 2 février 1771 ; elle commence brusquement en ces termes : L’autre jour, un de nos frères cordeliers d’Amboise prêchait sur les vertus théologales, et voici l’extrait de son sermon : « Sans la foi, l’espérance et la charité, point de salut dans ce monde ni dans l’autre. […] Tout le monde connaît la force de l’espérance et de l’amour ; mais que peuvent ces vertus sans la foi, sans la confiance qui en doit être la base ? […] Fiez-vous à lui, mes très chers frères ; il vous guidera mieux, quand il s’agira de sentiment, que les grands raisonnements des philosophes, que la trompeuse expérience du monde, et que les sophismes dangereux de votre raison. » Ce bon frère continua, et je m’en allai parce qu’il commençait à m’ennuyer, et que mon instinct ne peut supporter l’ennui ; cependant j’ai entrevu dans son discours quelques vérités applicables à la petite fille… Ainsi traitait-on cette vieille enfant malade et qui avait tant abusé et mésusé dans sa jeunesse de la faculté d’aimer, qu’elle n’en avait plus la force ni la foi dans ses derniers jours : c’était du moins quelque chose, et mieux que rien, d’en avoir gardé, à ce point, l’inquiétude et le tourment.

256. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Le journal de Casaubon » pp. 385-404

Depuis qu’il a assisté à cette conférence de Fontainebleau, les zélés protestants l’accusent, le soupçonnent, et la solidité de sa foi est à tout instant mise en question ; il se voit obligé de se justifier, il est sur l’apologie et la défensive. […] Il subsistait, lui et sa nombreuse famille, des bienfaits et des gages du Roi ; il était son bibliothécaire ; dans ses peines et ses surcroîts d’embarras domestiques (et il avait une sœur qui lui en donna), il était obligé de solliciter par du Perron la faveur et l’appui du roi : « Tu sais, ô mon Dieu, s’écriait-il, que c’est bien à contrecœur que je m’y résous, de peur que le monde ne répande des bruits sur mon compte. » En effet, recevoir et demander toujours, et ne rien accorder jamais, est chose difficile : il y avait des moments où Casaubon avait peur de fléchir, et il se retrempait alors par la prière : « Ô mon Dieu, affermis-moi contre ceux qui, profitant de mes embarras et de mes ennuis de famille, cherchent à tenter mon âme et à me subtiliser ma foi. » Notez qu’il n’était qu’un demi-protestant, ou du moins un demi-réformé : ses conversations continuelles avec du Perron et ses lectures assidues des Pères grecs l’avaient conduit à ce résultat, où plus d’un de ses coreligionnaires de bonne foi est arrivé depuis. […] Il nous paraît dur de condamner ton ancienne Église comme coupable d’une telle ignorance, qu’il nous faille aujourd’hui croire le contraire de sa foi pour entrer dans le chemin de la vie. […] La vue de cette Église bien ordonnée rendit un peu de repos à son esprit inquiet : surtout personne ne le tourmentait plus sur sa foi : il cessa d’être, comme il disait, sur le tranchant du rasoir.

257. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « Essai sur Talleyrand (suite.) »

Cependant je n’y ajoute aucune foi, et je crois qu’à part ses amours et une certaine manière de voir un peu trop large pour un ecclésiastique, l’accusation est injuste ou au moins exagérée24. » Exagérée, soit ; mais la suite n’a que trop prouvé que dès lors le pli était pris. […] Considérée sous ce point de vue, sa retraite du ministère après la paix de Tilsitt fut très honorable. » Ce n’est donc point un ennemi qui écrit, et c’est ce même témoin, si digne de foi, qui nous apprend que précédemment, en 1806, dans les négociations qui amenèrent la paix de Posen, et d’où résulta l’abaissement de la Saxe, un million de francs (une bagatelle) avait été mis à la disposition du plénipotentiaire saxon, le comte de Bose, pour M. de Talleyrand, et un demi-million pour un autre agent diplomatique français, M.  […] Ma foi ! […] Rentré chez moi, je décidai que le seul moyen de prendre pied dans cette affaire était d’y faire entrer un personnage politique important ; après avoir bien cherché : « Ma foi !

258. (1895) Histoire de la littérature française « Seconde partie. Du moyen âge à la Renaissance — Livre II. Littérature dramatique — Chapitre I. Le théâtre avant le quinzième siècle »

L’élan non encore lassé des croisades, la touchante confiance en la sollicitude divine, la vulgarité passablement matérialiste, qui, pour n’être pas dupe, réclame de Dieu, de son saint, un service temporel et des miracles lucratifs, voilà les hauts et les bas de la foi du moyen âge : mais dans la vie facile et bruyante de la province artésienne, que de place prennent les tavernes, les « beuveries », les drôles insolents et amusants que la police bourgeoise pourchasse, mais qui font les délices de la gaieté bourgeoise ! […] Cependant nous connaissons la simplicité de la foi du poète, et sa fervente confiance en Notre-Dame : il en a tiré quelques assez belles inspirations, et un monologue demi-lyrique du clerc repentant, dont le mouvement est en vérité pathétique. […] On ne saurait imaginer quels péchés ni quels pécheurs la Vierge arrache à l’enfer, au supplice, au déshonneur, sur un mot de repentir, même sur un simple acte d’hommage et de foi. […] Malheureusement le sentiment profond qui ferait la grandeur poétique d’une telle scène ne sort pas : Dieu a toutes les allures d’un bon curé de campagne, la paroissienne clabaude à propos de l’offrande et du cierge ; et dans la plus saisissante fantaisie que la foi chrétienne put créer, on croit assister simplement à une messe de village.

259. (1895) Histoire de la littérature française « Sixième partie. Époque contemporaine — Livre II. L’époque romantique — Chapitre IV. L’Histoire »

Guizot : il soumet son érudition à sa foi politique. […] Son père qui, dans sa pauvreté, avait foi à l’instruction, le mit au collège Charlemagne : et l’enfant comprit ; obstinément, virilement, il s’efforça jusqu’à ce qu’il fût des premiers de sa classe. […] Son imagination dominée par sa foi et ses haines devient une machine à déformer toute réalité. […] La nature, si dure et si immorale au sentiment de beaucoup de nos contemporains, est pour Michelet une inépuisable source de joie, de force et de foi : il y renouvelle sa vie morale.

260. (1913) Les antinomies entre l’individu et la société « Chapitre XI. L’antinomie sociologique » pp. 223-252

Être un excellent Audomarois consisterait à admettre l’existence de Putois, parce que les autres l’admettent, sans la commenter ni la critiquer, et à en arriver enfin à se persuader soi-même de cet article de foi. […] C’est pourquoi il est probable que les premiers promoteurs des croyances collectives n’ont pas été des imposteurs, et qu’ils ont ajouté foi les premiers aux croyances qu’ils mettaient en circulation. […] Tous n’ont au fond qu’une foi : la foi en l’utilité des simulacres et des faux-semblants.

261. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre IV. Ordre d’idées au sein duquel se développa Jésus. »

Pour être disciple de Jésus, il ne fallait signer aucun formulaire, ni prononcer aucune profession de foi ; il ne fallait qu’une seule chose, s’attacher à lui, l’aimer. […] ces victimes qui meurent pour leur foi, ces héroïques Macchabées, cette mère avec ses sept fils, Jéhovah les oubliera éternellement, les abandonnera à la pourriture de la fosse 157 ? […] En tout cas, se combinant avec la croyance au Messie et avec la doctrine d’un prochain renouvellement de toute chose, elle forma ces théories apocalyptiques qui, sans être des articles de foi (le sanhédrin orthodoxe de Jérusalem ne semble pas les avoir adoptées), couraient dans toutes les imaginations et produisaient d’un bout à l’autre du monde juif une fermentation extrême. […] L’Algérie, aux premiers temps de l’occupation française, voyait se lever, chaque printemps, des inspirés, qui se déclaraient invulnérables et envoyés de Dieu pour chasser les infidèles ; l’année suivante, leur mort était oubliée, et leur successeur ne trouvait pas une moindre foi.

262. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Le père Lacordaire orateur. » pp. 221-240

« Il ne s’agit pas de suivre les règles de la rhétorique, mais de faire connaître et aimer Dieu ; ayons la foi de saint Paul, ajoute-t-il, et parlons le grec aussi mal que lui. » Ici, pourtant, ne le prenez pas au mot. […] Il faisait donc un acte très périlleux, au point de vue de la prudence humaine ; et, à son propre point de vue, il ne fit jamais, dit-il, un plus grand acte de foi. […] Drouot était fils d’un boulanger de Nancy, le troisième de douze enfants : Issu du peuple par des parents chrétiens, il vit de bonne heure, dans la maison paternelle, un spectacle qui ne lui permit de connaître ni l’envie d’un autre sort, ni le regret d’une plus haute naissance ; il y vit l’ordre, la paix, le contentement, une bonté qui savait partager avec de plus pauvres, une foi qui, en rapportant tout à Dieu, élevait tout jusqu’à lui, la simplicité, la générosité, la noblesse de l’âme, et il apprit, de la joie qu’il goûta lui-même au sein d’une position estimée si vulgaire, que tout devient bon pour l’homme quand il demande sa vie au travail et sa grandeur à la religion. […] Je laisse à cette grande renommée d’Érasme la gloire de la science et de l’esprit, mais je ne cesserai jamais de revendiquer sous ce nom le droit du bon sens fin et mitigé, de la raison qui regarde, qui observe, qui choisit, qui ne veut point paraître croire plus qu’elle ne croit ; en un mot, je ne cesserai jamais, en face des philosophies altières et devant la foi même armée du talent, de stipuler le droit, je ne dis pas des tièdes, mais des neutres.

263. (1887) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (deuxième série). IX « J. de Maistre » pp. 81-108

Et c’est là le premier caractère que je trouve dans Joseph de Maistre, et c’est le premier intérêt que je trouve aussi en ces fragments, qui en font foi. […] C’est la notion de l’unité, je n’en doute pas, qui le fit rationnellement et scientifiquement catholique, quand l’heure eut sonné dans sa vie de le devenir ainsi, après l’avoir été d’abord d’éducation, de sentiment et de foi. […] et qui déchira les entrailles de l’Europe après se les être déchirées à elle-même de ses propres mains, ni les conséquences de ce Protestantisme pulvérisateur qu’il détestait, et qui fait lever maintenant des atomes de poussière là où il y avait autrefois du ciment, n’arrachèrent à Joseph de Maistre, tout le temps qu’il vécut, sa foi profonde en une unité supérieure, qui, tôt ou tard, devait se reconstituer. […] Restent donc, au compte de ce tortionnaire innocent, quelques épigrammes bien appliquées, pour sa défense personnelle, à des hommes qui l’avaient, comme Condillac et Locke, férocement ennuyé, et ce rictus épouvantable établi sur la bouche de Voltaire, mais qui, ma foi, n’en a pas beaucoup changé le sourire, et qui ne l’a pas, pour que l’on s’en plaigne, si prodigieusement défiguré !

264. (1917) Les diverses familles spirituelles de la France « Chapitre iii »

Ces interventions, très puissantes sur les troupes recrutées dans les régions de foi vive, ne produisent pourtant leur effet qu’autant que l’orateur, son sermon terminé, s’associe aux risques qu’il a prêché de mépriser. […] Si je dois tomber à mon tour, je remercierai Dieu de m’avoir laissé de la terre une aussi réconfortante vision. » ‌ La conduite héroïque des soldats contribue à exalter la foi des prêtres qui les voient agir. […] Le Père Frédéric Bouvier, érudit spécialisé dans l’histoire comparée des religions, tué à Vermandovillers, le 17 décembre 1916, en assistant des blessés, offre sa vie « pour ses compagnons d’armes du 86e, pour que tant d’hommes droits et bons à qui il ne manque plus que de vivre en Dieu et de vivre conformément à leur foi, se tournent définitivement vers lui ». […] Prie donc bien pour que je sois à la hauteur et que je donne l’exemple ; et, ensuite, tu prieras pour que, si c’est la volonté de Dieu, nous puissions nous revoir et nous aimer longtemps encore… »‌ Toutes ses lettres ont cet accent de foi ardente et raisonnée.

265. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre V. Indices et germes d’un art nouveau — Chapitre II. Signes de la prochaine transformation »

Un amour profond de la vérité, une noble foi dans la raison et dans la science soutiennent les savants adonnés aux plus âpres études. […] Mais le monde dont l’inquiète analyse est excitée par la vaine peur de paraître dupe, qui dissout par jeu la foi, l’autorité, la tradition, et ne tend qu’à mouvoir son intelligence, sans poursuivre de solides ou bienfaisants résultats, le monde s’épuise dans la continuité de l’action intellectuelle, sans but et sans passion. […] Le comte de Volney (1757-1820), donne en 1791 les Ruines : mélange singulier de philosophisme (haine des tyrans et des prêtres ; foi au progrès et à la raison) et de notation exacte des choses extérieures (costumes, moeurs, traits locaux, etc.).

/ 1842