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25. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « VIII. M. de Chalambert. Histoire de la Ligue sous le règne de Henri III et de Henri IV, ou Quinze ans de l’histoire de France » pp. 195-211

En notre qualité de catholique, nous nous sommes souvent interrogé sur la légitimité de la chute des Bourbons et sur la légitimité de l’élévation d’une race nouvelle. […] Trop de races royales s’y sont succédées, et toujours en vertu de la loi unique et irréfragable qui fait tomber les unes par leurs fautes et s’élever les autres par leurs vertus ! […] La race entière des Bourbons devait porter jusqu’à son dernier jour le vice de son origine. […] Cherchant aujourd’hui le droit dans le fait à propos de la Ligue qui l’avait trouvé dans le ciel, et en face de la race nouvelle érigée sur les débris des races anciennes parmi nous, il aurait proclamé l’arrêt suprême et vu ce que tout le monde sans exception verrait pour le moment en France, si la pitié pour les victimes n’attendrissait le jugement contre les coupables, et si quelques gouttes du sang de martyr de Louis XVI ne nous étaient entrées dans les yeux pour nous retomber sur le cœur ! […] Et, type merveilleusement approprié de la politique à double sourire de sa maison, le bon et loyal Henri fut un finaud qui finit par se prendre dans sa propre finesse, car il est mort poignardé pour avoir voulu faire ce qui, plus tard, a perdu sa race, de la conciliation entre les partis et des fusions impossibles.

26. (1870) De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés « De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés — Chapitre XIII : Affinités mutuelles des êtres organisés »

Chez les Pigeons culbutants, quelques variétés diffèrent des autres par leur long bec, ce qui, dans la race, est un caractère de haute importance : cependant, toutes sont reliées les unes aux autres par l’habitude commune de faire la culbute : et, quoique la race à courte face ait presque ou même complétement perdu cette habitude, néanmoins, sans raisonnement, sans réflexion à ce sujet, on continue de la placer dans le même groupe, à cause de sa consanguinité connue et de ses ressemblances à d’autres égards avec les autres races. […] C’est encore ainsi que les cornes des Bœufs de race croisée sont affectées par la forme des cornes des deux souches mères. […] Mais, d’après des mesures soigneusement prises sur deux juments appartenant l’une à la race des Chevaux de course, et l’autre à une pesante race de Chevaux de trait, et sur leurs deux poulains, âgés l’un et l’autre de trois jours, j’ai reconnu que ces derniers étaient bien loin de présenter les mêmes différences proportionnelles. Comme il me semblait suffisamment prouvé que les diverses races de Pigeons domestiques descendent d’une seule espèce sauvage, j’ai comparé de jeunes Pigeons de diverses races, douze heures après leur éclosion. […] Nous avons des exemples nombreux d’organes rudimentaires dans nos productions domestiques : ce sont chez des races sans queues et sans oreilles des vestiges de ces organes ; c’est la réapparition de petites cornes pendantes, chez des races sans cornes, et surtout, selon Youatt, chez les jeunes animaux : c’est l’état général de toutes les fleurs dans le Chou-Fleur.

27. (1883) Essais sur la littérature anglaise pp. 1-364

Ce qui réunit les Anglais, ce n’est pas la terre, c’est la race. […] Pas un trait de la race n’y manque, en bien ou en mal. […] Reste la force de la race. […] Chez eux, l’idée de nationalité n’est pas distincte de l’idée de race, ou plutôt l’idée de nationalité s’est identifiée avec l’idée même de la race. […] Que ce soit le dernier des hommes de la race inspirée, c’est possible ; mais certainement c’est un homme appartenant à cette grande race.

28. (1913) Essai sur la littérature merveilleuse des noirs ; suivi de Contes indigènes de l’Ouest-Africain français « Essai sur la littérature merveilleuse des noirs. — Chapitre I. »

Le noir, qui se déroberait à un interrogatoire précis, dont le but, pressenti, éveille en lui une défiance confuse, se révèle au contraire en toute ingénuité dans ses contes où se traduisent les tendances — tout au moins idéales — de la race. […] Ces traditions sont les suprêmes vestiges des croyances primitives de la race noire et, à ce titre, méritent d’être sauvées de l’oubli. […] La fiancée de race yblisse. […] Les races gourmantié, haoussa et bambara surtout, semblent, comme la race bretonne en France, très hantées de l’idée de la mort20. […] Le téné est l’animal « tabou » pour une famille, une race ou une tribu, celui qu’on ne doit pas tuer, ni surtout manger quand on appartient au groupement pour lequel il est sacré.

29. (1906) Les œuvres et les hommes. À côté de la grande histoire. XXI. « Les civilisations »

Il ne croit, lui, qu’à la race. La race, selon lui, décide de tout dans la différence des peuples entre eux. […] Faliés l’a posée nettement au début de son livre, cette question de race, comme le lampadaire de l’Histoire, et cela donne une sensation charmante ! […] Si les races humaines supérieures doivent commander nécessairement aux races inférieures, il n’y a donc dans le monde, selon le mot de Tacite, que des hommes faits pour commander et d’autres pour obéir. […] Il dit quelque part, dans un langage que n’ont pas connu et qui ferait pâmer de rire Molière et Rabelais : « Le type céphalique propre aux Hellènes du Nord était brachycéphale ; c’est le résultat des races blanches avec les races jaunes.

30. (1895) Histoire de la littérature française « Sixième partie. Époque contemporaine — Livre III. Le naturalisme, 1850-1890 — Chapitre II. La critique »

Déterminisme littéraire : la race, le milieu, le moment. […] Il pensait qu’il y a des familles d’esprits, comme en histoire naturelle il y a les races et des variétés. […] La littérature est déterminée par trois causes générales, la race, le milieu (physique ou historique), le moment (poids du développement antérieur, pression de ce qui est sur ce qui veut être). […] La tragédie française est ce que, dans notre race, devait donner la tradition antique à la cour de Louis XIV. […] Elle ne tient pas compte de la nature individuelle : non pas du caractère, qui est résolu en influences composées de la race, du milieu et du moment ; mais du génie, de la précision de la vocation, et de l’intensité de la création.

31. (1903) Le problème de l’avenir latin

Il n’y a pas de « race latine », au sens anthropologique. […] Quel plus sûr moyen de corrompre une race ? […] Comme il dénonce clairement l’initiale dévirilisation de la race !‌ […] Dès lors le sang de la race a charrié un germe morbide. […] Sa « race » est la race élue pour distribuer la vérité et la beauté au monde, pour promulguer les lois suprêmes, les « lois non écrites ».

32. (1874) Premiers lundis. Tome II « Jouffroy. Cours de philosophie moderne — I »

« Voici, en Europe, des races d’hommes dont on ignore encore les commencements, l’histoire ; ils fondent des villes, des empires ; c’est la Grèce, elle n’est plus !… Une race d’hommes différente encore est venue qui a détruit celle qui l’avait précédée, qui a fondé des villes et des empires, apporté une civilisation nouvelle, elle n’est plus !… Voici des races d’hommes sorties des forêts de la Germanie, qui fondent aussi des villes et des empires, apportent une civilisation nouvelle transformée par le christianisme. Voici encore, en Afrique, une race d’hommes qui ont le crâne, la peau, l’intelligence, faits d’une autre manière. Voici, dans les deux Amériques, encore d’autres races d’hommes.

33. (1883) La Réforme intellectuelle et morale de la France

Pendant que les peuples germaniques et slaves conserveraient leurs illusions de jeunes races, nous leur resterions inférieurs ; mais ces races vieilliront à leur tour ; elles entreront dans la voie de toute chair. […] Une nation qui ne colonise pas est irrévocablement vouée au socialisme, à la guerre du riche et du pauvre, la conquête d’un pays de race inférieure par une race supérieure, qui s’y établit pour le gouverner, n’a rien de choquant. […] Autant les conquêtes entre races égales doivent être blâmées, autant la régénération, des races inférieures ou abâtardies par les races supérieures est dans l’ordre providentiel de l’humanité. […] La nature a fait une race d’ouvriers, c’est la race chinoise, d’une dextérité de main merveilleuse sans presque aucun sentiment d’honneur ; gouvernez-la avec justice, en prélevant d’elle pour le bienfait d’un tel gouvernement un ample douaire au profit de la race conquérante, elle sera satisfaite ; — une race de travailleurs de la terre, c’est le nègre ; soyez pour lui bon et humain, et tout sera dans l’ordre ; — une race de maîtres et de soldats, c’est la race européenne. […] La lutte des races se dresse alors.

34. (1913) Essai sur la littérature merveilleuse des noirs ; suivi de Contes indigènes de l’Ouest-Africain français « Essai sur la littérature merveilleuse des noirs. — Chapitre V. Séductions pour la compréhension de la psychologie indigène. — Conclusion »

Ce que l’on peut dire simplement c’est que nous retrouverons dans les contes et fables les tendances idéales et théoriques de la race dont ils émanent. […] Il est même plusieurs contes qui paraissent en contradiction avec la notion des devoirs de dévouement des parents envers leurs enfants chez les peuples de race blanche. […] En général, la mère manifeste une affection plus profonde que le père pour ses enfants, ce que l’on constatera chez les mères de toute race (V. […] Le conteur, pour flatter l’Européen, prendrait comme type de la beauté pure les traits de la race blanche. […] Quant à la fille du massa, dans le conte de ce nom elle se sacrifie pour son père plutôt que pour sa race.

35. (1913) Essai sur la littérature merveilleuse des noirs ; suivi de Contes indigènes de l’Ouest-Africain français « Essai sur la littérature merveilleuse des noirs. — Chapitre II. Le fond et la forme dans la littérature indigène. »

Ces thèmes se retrouvent pour la plupart dans les littératures mythiques des autres races avec des variantes assez légères. […] Le dévouement d’un homme à sa race. — (V. […] MBaye Poullo, La fiancée de race yblisse, etc. […] Voir La femme de l’ogre — La lionne coiffeuse — La fiancée de race yblisse. […] — Un génie substitue un enfant de sa race à un enfant de race humaine.

36. (1895) Histoire de la littérature française « Sixième partie. Époque contemporaine — Livre II. L’époque romantique — Chapitre IV. L’Histoire »

Quand il abordait l’histoire de France, il voyait dans l’affranchissement des communes « une véritable révolution sociale, prélude de toutes celles qui ont élevé graduellement la condition du Tiers État » : remontant plus haut, il crut trouver dans l’invasion franque « la racine de quelques-uns des maux de la société moderne : il lui sembla que, malgré la distance des temps, quelque chose de la conquête des barbares pesait encore sur notre pays, et que des souffrances du présent on pouvait remonter, de degré en degré, jusqu’à l’intrusion d’une race étrangère au sein de la Gaule, et à sa domination violente sur la race indigène ». […] Thierry se contentait de regarder les races : Michelet sentit qu’aux races il fallait donner « une bonne, forte base, la terre » qui les porte et les nourrit834. […] Thierry posait l’antagonisme des races comme donnée primordiale et comme loi supérieure de l’histoire, en Angleterre, en France : les races étaient pour lui des entités irréductibles, indestructibles ; et il lui semblait, au bout de six ou de dix siècles, retrouver les vainqueurs et les vaincus face à face. […] Ce qu’il aperçoit, au lieu de races immuables, « c’est le puissant travail de soi sur soi, où la France par son progrès propre va transformant tous ses éléments bruts ». Au début, il y a des races, et dans les temps barbares, la race est un facteur considérable de l’histoire : plus on va, plus la race est faible et plus elle s’efface.

37. (1880) Les deux masques. Première série. I, Les antiques. Eschyle : tragédie-comédie. « Chapitre XIII, les Atrides. »

La fable grecque n’a pas de race plus sinistre ; celle des Labdacides ne l’égale pas en horreur. […] La première malédiction portée sur la race remonte à Tantale, son ancêtre et son patriarche. […] Avant leur noble transformation, opérée par le génie clément de la race, quelques dieux venus de l’Asie avaient rapporté dans l’Hellade l’appétit des vieilles idoles carnivores. […] Mais, dès qu’elle eut pleine conscience d’elle-même, la noble race abjura ces meurtres sacrés, son âme généreuse en conçut l’horreur. […] Le ciel se faisait sombre autour de cette race ; le trésor des colères divines amassé par elle tomba sur ses fils.

38. (1882) Qu’est-ce qu’une nation ? « I »

Ils changèrent peu le fond des races ; mais ils imposèrent des dynasties et une aristocratie militaire à des parties plus ou moins considérables de l’ancien Empire d’Occident, lesquelles prirent le nom de leurs envahisseurs. […] Ce fait était lui-même la conséquence d’une autre particularité importante : c’est que les Francs, les Burgondes, les Goths, les Lombards, les Normands avaient très peu de femmes de leur race avec eux. […] L’idée d’une différence de races dans la population de la France, si évidente chez Grégoire de Tours, ne se présente à aucun degré chez les écrivains et les poètes français postérieurs à Hugues Capet. […] Comment la Suisse, qui a trois langues, deux religions, trois ou quatre races, est-elle une nation, quand la Toscane, par exemple, qui est si homogène, n’en est pas une ? […] En quoi le principe des nationalités diffère-t-il du principe des races ?

39. (1861) La Fontaine et ses fables « Conclusion »

Une race se rencontre ayant reçu son caractère du climat, du sol, des aliments, et des grands événements qu’elle a subis à son origine. […] Plus il pénètre dans son art, plus il a pénétré dans le génie de son siècle et de sa race. […] Si cet esprit est le fond même de la race et reparaît à chaque siècle, l’écrivain est un La Fontaine. […] Par lui nous voyons les gestes, nous entendons l’accent, nous sentons les mille détails imperceptibles et fuyants que nulle biographie, nulle anatomie, nulle sténographie ne saurait rendre, et nous touchons l’infiniment petit qui est au fond de toute sensation ; mais par lui, en même temps, nous saisissons les caractères, nous concevons les situations, nous devinons les facultés primitives ou maîtresses qui constituent ou transforment les races et les âges, et nous embrassons l’infiniment grand qui enveloppe tout objet.

40. (1870) De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés « De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés — Chapitre VII : Instinct »

Il suffit de songer à ce qu’on observe chez nos diverses races de Chiens. […] Le sauvetage est de même héréditaire chez les races dressées à cet effet, comme chez les Chiens de berger l’habitude de tourner autour du troupeau, au lieu de lui courir sus. […] C’est si bien un instinct héréditaire de la race, que j’ai vu moi-même de jeunes sujets accomplir dans l’air leur saut périlleux, sans qu’ils l’eussent jamais vu faire à d’autres Pigeons. […] Nous avons un remarquable exemple de cette loi dans certaines races de Poules qui ne demandent jamais à couver. […] Cette règle s’applique même aux diverses races humaines, et aux divers représentants de ces races ; car les nations les moins avancées comme civilisation, et les individus les moins développés sous le rapport intellectuel, multiplient plus rapidement que les autres, ou plutôt comptent plus de naissances avec plus de morts, ce qui leur donne une vie moyenne moins élevée, et les soumet ainsi à une sélection naturelle plus rigoureuse.

41. (1887) Discours et conférences « Discours prononcé à Quimper »

Notre race est coutumière de courir ainsi le monde quand le devoir l’appelle. […] Toutes nos vieilles races de l’Occident et du Nord ont été ou sont encore superstitieuses ; c’est l’Orient, le mauvais Orient qui est fanatique. […] Nous croyons à la race, car nous la sentons en nous. […] Une race donne sa fleur, quand elle émerge de l’oubli. […] D’où viendraient les sentiments instinctifs, la bravoure, qui est si essentiellement héréditaire, l’amour noble, qui n’a rien à faire avec la réflexion, toutes ces pensées, qui ne se rendent pas compte d’elles-mêmes, qui sont en nous sans nous, et forment la meilleure partie de l’apanage d’une race et d’une nation ?

42. (1889) Histoire de la littérature française. Tome IV (16e éd.) « Chapitre dixième »

Variétés des races humaines ; unité de l’homme. — § II. […] Variétés des races humaines ; unité de l’homme. […] Le seul titre du chapitre sur les Variétés de la race humaine trancha la question en la posant. Il y a différentes races humaines ; il n’y a qu’une espèce : le nègre est un homme. […] Buffon, traçant un portrait du caractère moral de la race nègre, avait dit : « Je ne puis écrire leur histoire sans m’attendrir sur leur état.

43. (1856) Cours familier de littérature. I « IIIe entretien. Philosophie et littérature de l’Inde primitive » pp. 161-239

Où est la perfectibilité visible dans ces races qui ont pullulé en tribus, en nations, en dominations sur ce globe, depuis les temps historiques ? […] Or, qu’est-ce que le progrès dans le bonheur pour une race dont chaque être marche à son supplice prochain et inévitable ? […] En second lieu, nous croyons que Dieu a donné cet instinct de perfectionnement indéfini à l’homme comme une impulsion au dévouement méritoire que nous devons tous à notre race, à notre famille humaine, à nos frères en bien et en mal, à notre patrie, à l’humanité : s’intéresser au sort commun de sa race, travailler avec désintéressement au sort futur de cette race que l’on ne verra pas, c’est le dévouement, c’est le concours méritoire, c’est le sacrifice de la partie au tout, de l’être à l’espèce, du citoyen à la patrie, de l’homme au genre humain ; c’est le devoir, c’est la vertu, c’est le sacrifice, c’est la beauté morale. […] La pensée d’un seul est le levain d’une multitude, la vertu d’un seul sanctifie une foule, le sang d’un seul rachète une race ; le plus glorieux ou le plus humble dévouement sauve ou grandit tout un siècle. […] Ton juge sera ton consolateur, ton éternité compensera ta minute ; souffre pour justifier ta race coupable, ou souffre pour conquérir ta propre félicité ; et, dans l’une ou l’autre hypothèse, bénis ! 

44. (1888) Les œuvres et les hommes. Les Historiens. X. « M. Fustel de Coulanges » pp. 15-32

Ceci remonte à César et aux Gaulois, ces premiers Barbares dans la longue chaîne de Barbares qui devait suivre ; les premiers dans le temps, mais aussi les premiers par leurs grandes qualités de peuple, par la supériorité de leur race. […] si la Gaule devint promptement romaine, c’est qu’elle avait compris, avec l’instinct d’une race supérieure, que l’unité Romaine valait mieux pour elle que les diversités dont elle souffrait. […] eux-mêmes, les Germains, malgré l’infériorité de leur race comparée à la race gauloise, furent atteints à leur tour par ce prodigieux magnétisme qu’exerçait Rome sur l’univers. […] Fustel de Coulanges fait remarquer qu’il ne parle nulle part des Germains comme des vainqueurs de sa race. […] Dans la partie de son volume occupée par les Mérovingiens, le profond historien s’acharne à prouver qu’il n’y eut jamais dépossession d’une race par une autre race.

45. (1870) De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés « De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés — Chapitre IV : Sélection naturelle »

Il ne faut pas croire non plus que la destruction accidentelle des individus de couleur particulière ne puisse produire que peu d’effet sur une race. […] Tel est, par exemple, le barbillon des Pigeons Messagers mâles ou les protubérances en forme de corne chez les Coqs de certaines races, etc. […] Parmi nos variétés domestiques, nous voyons une cause d’extinction analogue résulter du choix que fait chacune des races les plus utiles. On pourrait citer de fréquents exemples montrant avec quelle rapidité de nouvelles races de Bœufs, de Moutons et autres animaux, ou de nouvelles variétés de fleurs, se substituent à des races inférieures plus anciennes. […] L’on admettra qu’une accumulation faite au hasard pendant quelques générations successives de variations semblables n’aurait jamais pu produire des races aussi différentes que nos Bœufs à petites cornes et nos Bœufs de Hereford, que nos Chevaux de trait et nos Chevaux de courses ou que nos diverses races de Pigeons, etc.

46. (1906) Les œuvres et les hommes. À côté de la grande histoire. XXI. « Les Kœnigsmark »

Ils ne sont que des portraits de race, — d’une race de guerre forte comme le Nord, dont ils sont les fils ; mais il n’y a guères plus de différence entre eux que de lion à lion ou d’aigle à aigle. […] L’individualité de la race prime en eux et étouffe l’autre et véritable individualité. […] il rentrerait peut-être dans l’aspect général de sa race, et, comme les autres de cette race unitaire, de cette moelle de roi comme dit le nom de Kœnigsmark, il ne s’en distinguerait pas ! […] Quelle objection contre les systèmes de température et de race que la figure de cette femme du Nord (madame de Platen) qui, sous une peau blanche, est une brune italienne du temps des Borgia !

47. (1898) Émile Zola devant les jeunes (articles de La Plume) pp. 106-203

Il a rajeuni sa race, dans cette absorption de tout son être parmi les éléments de la nature. […] Or, un tel empire moral, s’il a illustré la race, plus que la gloire des armes, n’a pas manqué de peser lourdement sur la pensée française. […] Il a célébré les saintes mamelles des mères, richement épanouies pour la santé des futures races. […] Nous y assistons au recommencement d’une humanité, à la nouvelle floraison d’une race. […] Il nous aura montré des difformités des individus disparaissant et se fondant, dans la splendeur, la force et la vitalité des races.

48. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Seconde partie. Poétique du Christianisme. — Livre cinquième. La Bible et Homère. — Chapitre II. Qu’il y a trois styles principaux dans l’Écriture. »

Mais lorsque, sous les rapports chrétiens, on vient à penser que l’histoire des Israélites est non seulement l’histoire réelle des anciens jours, mais encore la figure des temps modernes ; que chaque fait est double, et contient en lui-même une vérité historique et un mystère ; que le peuple juif est un abrégé symbolique de la race humaine, représentant, dans ses aventures, tout ce qui est arrivé et tout ce qui doit arriver dans l’univers ; que Jérusalem doit être toujours prise pour une autre cité, Sion pour une autre montagne, la Terre Promise pour une autre terre, et la vocation d’Abraham pour une autre vocation ; lorsqu’on fait réflexion que l’homme moral est aussi caché sous l’homme physique dans cette histoire ; que la chute d’Adam, le sang d’Abel, la nudité violée de Noé, et la malédiction de ce père sur un fils, se manifestent encore aujourd’hui dans l’enfantement douloureux de la femme, dans la misère et l’orgueil de l’homme, dans les flots de sang qui inondent le globe depuis le fratricide de Caïn, dans les races maudites descendues de Cham, qui habitent une des plus belles parties de la terre91 ; enfin, quand on voit le Fils promis à David venir à point nommé rétablir la vraie morale et la vraie religion, réunir les peuples, substituer le sacrifice de l’homme intérieur aux holocaustes sanglants, alors on manque de paroles, ou l’on est prêt à s’écrier avec le prophète : « Dieu est notre roi avant tous les temps. » Deus autem rex noster ante sæcula. […] Job est la figure de l’humanité souffrante, et l’écrivain inspiré a trouvé assez de plaintes pour la multitude des maux partagés entre la race humaine. […] « Au temps d’Hérode, roi de Judée, il y avait un prêtre nommé Zacharie, du sang d’Abia : sa femme était aussi de la race d’Aaron ; elle s’appelait Élisabeth. […] Arrivé aux premières générations, et continuant à nommer les races, il dit : Cainan qui fuit Henos, qui fuit Seth, qui fuit Adam, qui fuit Dei.

49. (1875) Premiers lundis. Tome III « Nicolas Gogol : Nouvelles russes, traduites par M. Louis Viardot. »

Le cadet, Andry, se montre plus brillant peut-être, mais plus inconsidéré aussi et plus faible jusque dans son héroïsme ; il a en lui du Polonais, et il n’est pas fait pour sa race. […] Dès ce moment il est perdu pour sa religion, pour sa race, pour son père. […] Ce moment qui suit la séparation est très-bien peint, et les couleurs qu’y a employées l’écrivain devenu poëte nous font entrer dans le génie de la race : « Tarass voyait bien que, dans les rangs mornes de ses Cosaques, la tristesse, peu convenable aux braves, commençait à incliner doucement toutes les têtes. […] C’est une qualité propre à la race slave, race grande et forte, qui est aux autres races ce que la mer profonde est aux humbles rivières.

50. (1909) Les œuvres et les hommes. Critiques diverses. XXVI. « Le comte du Verger de Saint-Thomas »

Une fois plantée dans les mœurs d’une race militaire, de cette race mêlée de Gaulois et de Francs, guerrière des deux côtés, cette coutume du duel, chrétienne au début, ne s’affaiblit pas quand la France, l’ardente chrétienne du Moyen-Âge, peu à peu se déchristianisa… Devenu mondain, le duel s’exaspéra, au contraire. […] Le point d’honneur devint tout l’honneur ; — et, pour peu qu’un homme mit bravement sa vie au bout d’une épée, il avait assez d’honneur comme cela… Ce n’était pourtant pas assez, en réalité, pour qui pense ; mais c’était l’illusion d’une race si profondément militaire qu’à ses yeux la magie du combat et d’un duel brillant couvre tout encore, fait trembler le châtiment sur la tête du coupable et empêche le mépris, même mérité ! Et il n’y avait pas là que l’instinct militaire de la race dans cette persistance de la coutume du duel, en un pays où la crânerie, en toutes choses, est la poésie de l’action et du caractère. […] on se battra comme eux longtemps encore, malgré les progrès, philosophique, philanthropique et patriotique, et, ce qui est une meilleure raison pour ne plus se battre que le dévouement de tout son être à la République, malgré l’affaiblissement de l’esprit militaire, depuis si longtemps insulté, et la décadence même physique de la race, visible maintenant à tous les yeux. C’est que, si décadente qu’elle soit, cette race a en elle (nous l’avons dit plus haut) ce qui ne périt pas sur les ruines de tout : la vanité, — la vanité aristocratique, et égalitaire par aristocratie, qui veut jouer encore de l’épée parce qu’il n’y avait autrefois que les gentilshommes qui pussent la porter et en jouer… Or, il n’est pas d’idée philosophique, philanthropique, patriotique, il n’y a pas d’amour de la patrie et d’amour de la République auxquels on puisse immoler cette grande ou cette petite vanité.

51. (1898) L’esprit nouveau dans la vie artistique, sociale et religieuse « III — Un symbole »

S’il ne fallait considérer que l’honneur et la vitalité de la race, je ne pourrais le croire. […] La restriction est à peu près celle-ci dans l’esprit de ces subtils prélats : « Nous sommes d’une race qui est la race française, mais nous sommes avant tout les fils respectueux de l’Église. […] Quels yeux et quels cœurs britanniques pourraient considérer sans un sentiment de légitime orgueil et d’espoir insondable cette nécropole des génies de sa race ? […] Un tel sanctuaire est le plus grandiose enseignement national qui se puisse trouver, le laboratoire le plus actif de l’énergie d’une race. […] La race française ondoyante, incertaine — je n’ose dire indifférente — semble trop souvent hésiter devant le but à poursuivre.

52. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre I. Les origines. — Chapitre I. Les Saxons. » pp. 3-71

L’homme, dans cette race, peut accepter un supérieur, être capable de dévouement et de respect. […] — de quelle race d’hommes es-tu ?  […] Voilà le héros tel qu’il est conçu dans cette race à sa première aurore. […] Opposition des races germaniques et des races latines. —  Caractère de la race saxonne. —  Elle persiste sous la conquête normande. […] Après tout, la race demeure saxonne.

53. (1861) La Fontaine et ses fables « Première partie — Chapitre I. L’esprit gaulois »

On aime pourtant le joli soleil qui luit doucement entre les ormes, le thym qui parfume les côtes sèches, les abeilles qui bourdonnent au-dessus du sarrasin en fleur : beautés légères qu’une race sobre et fine peut seule goûter. […] Plus on les regarde, plus on trouve que leurs gestes, les formes de leurs visages annoncent une race à part. […] II En tout cas, il y a un moyen de s’assurer de ce caractère que nous prêtons à la race. […] Toutes les impressions s’atténuent ; le parfum est si faible que souvent on ne le sent plus ; à genoux devant leur dame, ils chuchotent des mièvreries et des gentillesses ; ils aiment avec esprit et politesse ; ils arrangent ingénieusement en bouquets « les paroles peintes », toutes les fleurs « du langage frais et joli » ; ils savent noter au passage les sentiments fugitifs, la mélancolie molle, la rêverie incertaine ; ils sont aussi élégants, aussi beaux diseurs, aussi charmants que les aimables abbés du dix-huitième siècle : tant cette légèreté de main est propre à la race, et prompte à paraître sous les armures et parmi les massacres du moyen âge, aussi bien que parmi les révérences et sous les douillettes musquées de la dernière cour ! […] Dès l’origine et dans les pays où la race s’est gardée pure, on trouve nos Gaulois sensuels, enclins à faire bon marché du mariage.

54. (1861) Cours familier de littérature. XI « Atlas Dufour, publié par Armand Le Chevalier. » pp. 489-512

Comptez enfin les Arabes de Damas, reste du peuple des kalifes, race active, chevaleresque, fanatique, séditieuse d’habitude, torride de sang, toujours prête à prendre la torche, le poignard ou le fusil, et dont la capitale est en frémissement continuel contre les garnisons turques, qui ne la contiennent qu’en lui sacrifiant tous les dix ans la tête de leur pacha. Voilà la Syrie ; à moins de la dépeupler, d’y détruire une race par l’autre et d’y appliquer le mot de Tacite : solitudinem faciunt , que voulez-vous faire ? […] Qu’est-ce que cette Italie, enfin, que vous avez héroïquement purgée de ses envahisseurs étrangers, par deux victoires, mais que vous laissez conquérir aujourd’hui par des envahisseurs d’un autre sang qui l’incorporent à une monarchie ambitieuse et précaire, au lieu de l’affranchir dans la liberté, et de la fortifier par une confédération, république de puissances, où chaque nationalité garde son nom et prête sa main à la ligue universelle des races diverses et des droits égaux ? […] Tout cela passe successivement sous vos yeux comme un panorama parlant du globe, qui vous dit la biographie complète du globe, des temps, des races, des idées, des religions, des empires, par où l’humanité a passé, passe et passera avant de tarir, en faisant ce petit bruit que les historiens profanes appellent gloire, civilisation, puissance, et que les philosophes appellent néant ! […] Considérée comme existence visible, comme occupant sous le nom d’empire, de république, de race, de tribu, de nation, telle ou telle place dans l’espace et dans le temps, elle ne vaut pas plus que cela : car tout ce qu’elle remue n’est que poussière, tout ce qu’elle crée n’est que néant, tout ce qu’elle laisse après elle n’est qu’éblouissement, puis nuit profonde.

55. (1913) Essai sur la littérature merveilleuse des noirs ; suivi de Contes indigènes de l’Ouest-Africain français « Contes — II. Le fils des bâri »

S’il est de race humaine, il restera où tu l’auras placé. Mais si c’est un bâri — comme j’en suis convaincue, — ceux de sa race viendront le prendre et l’emporteront avec eux. […] Mais si tu veux retourner avec ceux de ta race, va-t’en tout de suite.

56. (1858) Cours familier de littérature. VI « XXXIVe entretien. Littérature, philosophie, et politique de la Chine » pp. 221-315

S’il y a un fait historique consacré par toutes les mémoires ou traditions unanimes des peuples, c’est le fait d’un déluge universel ou partiel du globe, déluge qui submergea les plaines avec leurs cités et leurs empires, et après lequel il y eut sur la terre comme une renaissance de la race humaine dont une partie avait échappé à la submersion de sa race. […] La première de ces vertus, l’âme de ces rites ou devoirs, est l’humanité, sentiment inspiré par Dieu pour la conservation de la race. […] Il avait créé, élevé, nourri, enseigné les enfants ; il était naturellement le roi de sa race. […] … Ô ignorance et préjugé des races les unes contre les autres !) […] Il n’y a pas de barbare au berceau du monde, toutes les races sont nobles, car elles descendent toutes de Dieu !

57. (1883) Souvenirs d’enfance et de jeunesse « Chapitre I. Le broyeur de lin  (1876) »

Cette petite noblesse de race avait disparu en grande partie ; les autres étaient venus se fixer à la ville depuis longtemps. […] Son père était le dernier de sa race, et elle semblait jetée à plaisir sur la terre pour n’y pas trouver un coin où se caser. […] Ce qu’il y a de plus particulier chez les peuples de race bretonne, c’est l’amour. […] Nulle race ne compte plus de morts par amour ; le suicide y est rare ; ce qui domine, c’est la lente consomption. […] Le sentiment dont nous parlons ne tue que celui qui l’éprouve, et voilà pourquoi la race bretonne est une race facilement chaste ; par son imagination vive et fine, elle se crée un monde aérien qui lui suffit.

58. (1880) Les deux masques. Première série. I, Les antiques. Eschyle : tragédie-comédie. « Chapitre IX, les mythes de Prométhée »

Un instrument nouveau est trouvé par les Aryens, pères de notre race. […] » Agni survit à la dispersion de la race aryenne ; chaque tribu, en se séparant, emporte un tison du foyer sacré et le rallume sur la terre où elle asseoit sa nouvelle demeure. […] Il le livre à l’insolente race des Brighus, qui, énorgueillie de ce don splendide, attire sur elle par son impiété la foudre d’Indra. […] tu n’as point oublié tes ruses adroites. » — Et châtiant sur Prométhée la race qu’il protège, content au fond d’avoir un prétexte de retirer aux hommes un élément dont il est jaloux, Zeus leur enlève le feu inextinguible ; il le souffle sur la surface de la terre, tous les foyers sont éteints. […] Mais ceci te sera un grand malheur ainsi qu’aux races futures.

59. (1895) Histoire de la littérature française « Première partie. Le Moyen âge — Introduction. Origines de la littérature française — 1. Éléments et développement de la langue. »

Il a fallu, pour produire cette pauvre forme d’embryon, il a fallu que la population gallo-celtique de la Gaule fût réduite sous la loi de Rome, qu’elle prît les mœurs, la culture, la langue de ses vainqueurs, que l’empire romain et la culture latine, formes vénérables et vermoulues, tombassent en poussière au contact, non hostile, mais brutal, des barbares, et que les Francs, fondus dans la masse gallo-romaine, y déterminassent cet obscur travail, d’où sortirent ces deux choses, une race, une langue française. […] Les trois facteurs de notre race ont mis leur empreinte, bien inégalement, sur la langue. […] Comme dans les diverses régions de l’empire romain le latin se corrompit diversement sous d’insaisissables influences de climat et de race, selon d’occultes différences de structure des organes physiques de la voix, et comme il se ramifia en tout un groupe de langues de plus en plus divergentes, en France aussi ce ne fut pas une langue qui sortit du latin : mais des Pyrénées à l’Escaut et des Alpes à l’Océan s’échelonna une incroyable variété de dialectes, qui s’entretenaient et se dégradaient insensiblement, chacun d’eux ayant, quelques particularités communes avec ses voisins et les reliant. […] Donc la primitive province romaine, et tout ce vaste bassin de la Garonne où le premier élément de la race est fourni par un fond indigène de population non celtique mais ibère, d’autres régions encore, comme l’Auvergne et le Limousin, presque la moitié de la France ne parlait pas français, et ne produisit pas au moyen âge une littérature française.

60. (1870) De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés « De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés — Chapitre VIII : Hybridité »

Si l’on agissait de même à l’égard de quelque espèce pure que ce soit, ayant, pour une cause ou pour une autre, la moindre disposition à la stérilité, la race s’éteindrait inévitablement en quelques générations. […] Dans l’Inde, ces Oies de races croisées doivent être beaucoup plus fécondes ; car je tiens de deux témoins irrécusables en pareille matière, c’est-à-dire de M.  […] Il semble donc que, d’un côté, de légers changements dans les conditions de vie soient avantageux aux êtres organisés, et que, d’autre part, quelques croisements entre les mâles et les femelles de la même espèce, qui ont varié et sont devenus légèrement différents les uns des autres, donnent à la fois vigueur et fécondité à la race. […] Si nous étudions le problème sur des variétés formées à l’état domestique ou du moins qu’on suppose telles, nous sommes perdus dans les mêmes doutes ; lorsqu’il est constaté, par exemple, que le chien Spitz d’Allemagne s’allie plus aisément que d’autres races avec le Renard, ou que certain Chien domestique, indigène de l’Amérique du Sud, ne croise que difficilement avec des Chiens européens, la première explication que chacun donnera de ces faits, et probablement la vraie, c’est que chacune de ces races descend d’une espèce originairement distincte. Néanmoins, la fécondité parfaite de tant de variétés domestiques, si profondément différentes les unes des autres en apparence, telles, par exemple, que les diverses races de Pigeons, ou les variétés du Chou, est un fait réellement remarquable.

61. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « M. Ernest Renan »

Il sortait d’une famille de marins ; par son père, il appartient à la race bretonne pure, à cette race triste, douce, inflexible, dont il a si bien parlé dans son Étude sur Lamennais. Il y plonge par ses racines, il en a gardé le fond ; et parmi ceux qui sont habitués à reconnaître et à démêler ce qui subsiste d’essentiel à travers les transformations morales, je n’étonnerai personne en disant que, sous sa formephilosophique la plus consommée, il a encore de sa race première certains traits que lui-même a notés comme les plus profonds et les plus durables, « la foi, le sérieux, l’antipathie pour ce qui est vulgaire, le mépris de la légèreté » ; — oui, la foi, — une sorte de foi, non au surnaturel, mais au divin ; et l’on peut dire en effet que, dans sa manière d’envisager la nature, l’histoire et l’humanité, M.  […] En général, le procédé de critique qu’il applique en toute branche d’étude, et qu’il a élevé jusqu’à l’art, est celui-ci : Il s’attache à tirer la formule, l’idée, l’image abrégée de chaque pays, de chaque race, de chaque groupe historique, de chaque individu marquant, pour l’admettre à son rang, à son point, dans cette représentation idéale que porte avec elle l’élite successive de l’humanité. […] Telle est l’humanité : chaque nation, chaque forme intellectuelle, religieuse, morale, laisse après elle une courte expression qui en est comme le type abrégé et expressif, et qui demeure pour représenter les millions d’hommes à jamais oubliés qui ont vécu et qui sont morts groupés autour d’elle. » Cette conscience, cette mémoire du genre humain, c’est donc comme une Arche de Noë perpétuelle dans laquelle il ne peut entrer que les chefs de file de chaque race, de chaque série. […] Renan porte un bien grand respect et une bien haute révérence à sa majesté l’esprit humain, Mais dans un pays comme la France, il importe qu’il vienne de temps en temps des intelligences élevées et sérieuses qui fassent contrepoids à l’esprit malin, moqueur, sceptique, incrédule, du fonds de la race ; et M. 

62. (1889) Écrivains francisés. Dickens, Heine, Tourguénef, Poe, Dostoïewski, Tolstoï « Préface »

Préface Les essais qui forment ce livre sont consacrés à six écrivains de nationalités diverses, introduits, accueillis et devenus célèbres en France pendant ces cinquante dernières années et qui marquent ainsi un des traits particuliers de l’histoire de notre littérature : l’influence qu’y ont exercée des auteurs étrangers de race, de langue, de tournure d’esprit à tout ce que l’on considère comme le propre du génie gallo-latin. […] Tandis que ce penseur s’est appliqué à rechercher les causes formatrices des grands hommes dans l’hérédité, l’influence de la race, du milieu, de l’habitat, nous laissons comme insoluble actuellement ce problème d’origine et c’est de l’ascendant des conducteurs spirituels de peuples que nous nous préoccupons, de la carrière de leurs idées et de leurs paroles, du fait et du sort de leur prestige. […] Ces mouvements d’agrégation des masses autour de l’homme qui sait se révéler leur maître ont lieu sans acception de frontière, brisent le moral des nations et suscitent souvent au héros d’une race des sectateurs d’une autre.

63. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Deuxième partie. — Chapitre XXV. Avenir de la poésie lyrique. »

Ces belles contrées entre le Danube et la côte d’Asie seront laissées aux races chrétiennes ; Sainte-Sophie sera redevenue chrétienne ; cette ville de Constantinople, cette entrée orientale de l’Europe lâchement livrée aux Turcs il y a quatre siècles, conquise de leurs mains par droit de massacre, restée désormais sous leur joug par droit de stupidité, d’après ce titre d’être la nation la plus propre à posséder inutilement un grand empire, sera rendue à la fédération chrétienne d’Europe. […] Les ruines désertes et les pierres brisées des inscriptions nous apprennent ce que cette terre admirable pourrait redevenir, non plus seulement sous la domination active d’une race d’Europe, mais sous la puissance électrique des arts nouveaux et de la science moderne. […] On ne peut donc en douter : à cette race sans nom, et ce peuple multiple et mêlé qui s’étend si loin du nord au sud de l’Amérique, appartient déjà le meilleur des enthousiasmes patriotiques, celui qui tient à la liberté comme au sol, et qui a respiré l’amour des lois avec l’air natal. Et puis, à cette race fière de sa force, ne pouvant presque supporter d’autre joug que le péril et le travail, un frein salutaire est apporté par la religion, par l’ardeur de la foi et la discipline du culte. […] Non : les mœurs changent, les formes politiques s’altèrent, les langues se détruisent, et la transplantation des races peut accroître et hâter toutes ces mutations inévitables ; mais l’âme humaine, avec ses points divers et ses touches sonores de sensibilité, de jugement et d’imagination, ne change pas, ne dégénère pas, ne perd aucune des conditions de sa puissance.

64. (1890) L’avenir de la science « XV » pp. 296-320

Les races les plus philosophiques sont aussi les plus mythologiques. […] Quel tableau, enfin, de l’esprit humain vaut celui que fournit l’étude comparée des procédés par lesquels les races diverses ont exprimé les nexes différents de la pensée ? […] Différence plus remarquable encore : toutes les religions sémitiques sont essentiellement monothéistes ; cette race n’a jamais eu de mythologie développée. […] Les lois sont analogues de ces différents côtés, mais non les mêmes, quoique toujours parfaitement rationnelles, à cause de l’élément individuel de chaque race qui modifie le résultat. […] Il est étrange que l’Europe ait adopté pour base de sa vie spirituelle les livres qui sont les moins faits pour elle, la littérature des Hébreux, ouvrage d’une autre race et d’un autre esprit.

65. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Mézeray. — I. » pp. 195-212

j’ai beaucoup examiné et comparé, et je puis vous assurer qu’à partir d’une certaine date de notre histoire (car je ne parle pas des premiers siècles et des premières races), Mézeray est encore notre meilleur historien. » Ce jugement m’était resté dans la pensée, lorsque peu après je rencontrai une réimpression d’une partie de l’Histoire de France de Mézeray, Le Règne de Henri III, que venait de publier en province M. le pasteur Scipion Combet25, en y joignant une notice sur Mézeray qui confirmait de tout point les idées du premier juge. […] Né en 1610 au village et à la ferme d’Houay près d’Argentan en Basse-Normandie, il se nommait Eudes de son nom, et appartenait à une famille et à une race originale. […] Et puis l’obscurité est si grande dans la première et seconde race de nos rois, qu’on peut dire que ces temps-là sont comme les pays voisins du pôle, où il n’est jamais jour que par un petit crépuscule. […] La première race est pour Mézeray comme une lande aride à traverser ; il est à tout moment en disette et le fait sentir : « La fin de cette première race étant si vaste et si déserte comme elle est, dit-il, par la nonchalance des historiens qui l’ont possible (peut-être) fait à dessein pour éteindre la honteuse mémoire de nos princes fainéants, vous ne devez pas m’accuser de stérilité, etc. » Il trace des cadres plutôt qu’il ne les remplit. Au commencement de la seconde race, il lui semble, dit-il, passer d’une nuit obscure à un trop grand jour ; il en est trop ébloui pour en jouir ; il sent en même temps que son sujet s’agrandit, et qu’il lui faut sortir avec les descendants de Charles Martel des limites de la France.

66. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « Anthologie grecque traduite pour la première fois en français, et de la question des anciens et des modernes, (suite et fin.) »

Après avoir parlé de la race née aux confins de la terre des monstres, dans la limoneuse vallée du Nil, et de l’autre race dite sémitique, habitante du désert et de l’antique Arabie, après les avoir définies l’une et l’autre, et les avoir montrées fléchissant de respect et de superstitieuse terreur, ou comme anéanties sous la main souveraine en face d’un ciel d’airain, il ajoute, par un vivant contraste, en leur opposant la race aryenne venue du haut berceau de l’Asie, et de laquelle est sortie à certain jour et s’est détachée la branche hellénique, le rameau d’or : « Une autre race encore s’éveille sur les hauteurs, aux premières lueurs du matin ; les yeux au ciel, elle suit pas à pas la marche de l’aurore, elle s’enivre de ce mobile et merveilleux spectacle du jour naissant ; elle mêle une note humaine à cette immense symphonie, un chant d’admiration, de reconnaissance et d’amour ; c’est la race pure des Aryas ; leur première langue est la poésie ; leurs premiers Dieux, les aspects changeants du jour, les formes multiples de la sainte lumière. […] « La forte race grandit sous les célestes influences ; une voix mystérieuse lui dit que ce vaste monde qui s’étend sous ses pieds lui appartient. […] Ô vous qu’un noble orgueil anime, qui avez pris à votre tour possession de la vie et des splendeurs du soleil, qui vous sentez hautement de la race et de l’étoffe de ceux qui ont droit de se dire : « Et nous aussi, soyons les premiers et excellons ! 

67. (1889) Écrivains francisés. Dickens, Heine, Tourguénef, Poe, Dostoïewski, Tolstoï « Henri Heine »

Ils ont pénétré l’âme de toute une race ; ils ont des airs propres, des auditoires nombreux, et vivent dans la mémoire d’une multitude, demeurés ce que toute poésie était à l’origine, une déclamation mélodique et nationale. […] Elle n’est pas non plus la joie sèche des comiques de race latine, le rire d’un homme sanguin, équilibre, sain, ayant la salutaire étroitesse d’esprit de l’homme normal. […] Trop de temps s’était écoulé depuis le Pœan de Salamine, le sang de sa race était trop pénétré d’une religion de douleur, pour que Heine pût librement revenir aux Anthestéries et aux Penathénées. […] L’hérédité morale se manifeste aussi clairement dans la race juive. […] Une race aussi homogène et aussi nettement caractérisée doit laisser dans l’organisation intellectuelle de ses représentants une série d’émotions et d’idées puissamment intégrées.

68. (1865) Cours familier de littérature. XX « CXVIIe entretien. Littérature américaine. Une page unique d’histoire naturelle, par Audubon (1re partie) » pp. 81-159

Ainsi les noirs, qui seraient tenus hors la loi des marchés à New-York, y subissent et y subiront la loi du mépris, l’ostracisme de la misère, l’extinction de leur race par la faim dans la fédération qui prétend faire la guerre au Sud pour la liberté et l’égalité des noirs ! […] J’ai eu le bonheur de signer enfin cet affranchissement, honneur de la République, en 1848 ; mais je ne l’ai signé qu’avec la condition du rachat par l’État de cette nature honteuse de propriété d’une race humaine par une autre race ! […] Il faut prévoir les événements, il faut protéger la race latine, et, pour protéger, il faut prendre position d’abord sur le point menacé contre les États-Unis. […] Il lui fallait des races ailées à peindre, à observer, à détailler, à aimer ; des concerts à écouter dans les bocages ; des plumes brillantes à reproduire ; des ailes vagabondes à suivre dans leurs courbes et dans leurs spirales. […] Mon pinceau, père et créateur d’une race inouïe et disproportionnée, me faisait pitié à moi-même.

69. (1899) Préfaces. — Les poètes contemporains. — Discours sur Victor Hugo pp. 215-309

Les idées et les faits, la vie intime et la vie extérieure, tout ce qui constitue la raison d’être, de croire, de penser, d’agir, des races anciennes appelle l’attention générale. […] Race d’orateurs éloquents, d’héroïques soldats, de pamphlétaires incisifs, soit ; mais rien de plus. […] L’amour de la patrie, le dévouement à la liberté, ont produit des actes héroïques dans toutes les races et dans tous les siècles ; qui en doute et qui ne s’en émeut ? […] Est-ce le désir de plaire à la race impure des Philistins modernes ? […] Il ne lui était pas donné de dégager nettement l’artiste de l’homme, et de se pénétrer à son gré des sentiments et des passions propres aux époques et aux races disparues.

70. (1895) Nouveaux essais sur la littérature contemporaine

« Nos races, dit M.  […] Gumplowicz sur la Lutte des races. […] C’est la pluralité des races qui est ancienne. […] Des races, encore aujourd’hui, se forment sous nos yeux, prennent conscience d’elles-mêmes comme races, se posent et s’opposent à d’autres comme telles. […] Comment s’est formée la race française ?

71. (1920) Enquête : Pourquoi aucun des grands poètes de langue française n’est-il du Midi ? (Les Marges)

Chaumié se trompe, la race ne l’a perdue. […] Cela, à seule fin de prouver que la race méridionale possède un fonds de poésie aussi riche que les autres. […] Quoi d’étonnant à ce que la race qui la parlait ait été, pour des siècles, poétiquement désemparée, déroutée ? […] De « race » pure, il n’est point question. […] Il n’y en a pas dans les régions de langue d’oc, parce que la race a perdu son idiome, et que les poètes méridionaux n’ont plus disposé de l’instrument qui leur convenait.

72. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « L’Angleterre depuis l’avènement de Jacques II »

Ce que Macaulay ne trouve presque rien n’est pas seulement la mort d’un droit et la mort d’une race, mais c’est, en plus, l’hérédité monarchique bouleversée, — en d’autres termes, l’institution monarchique niée dans ce qui la constitue et frappée à la racine, encore plus par l’élection de Guillaume et de Marie, dans la salle peinte, que par la hache du bourreau masqué de Whitehall. […] On ne sait pas assez combien les peuples chicanent peu avec les races qu’ils aiment, et quelle puissance de fautes de toute espèce ces races prédestinées peuvent porter dans leur tête ou en faire sortir, sans en mourir ! […] Mais la conscience fait aussi une gloire à ceux qui se dévouent pour elle, et elle a revêtu dans son tombeau la race ensevelie des Stuarts d’un suaire incorruptible au temps et lumineux comme une auréole ! […] À lui seul, il avait plus de fierté que toute sa race.

73. (1864) Physiologie des écrivains et des artistes ou Essai de critique naturelle

Par là les influences des climats et des races se croisent et se modifient. […] Notre Montaigne, l’auteur des Essais, est donc de deux races qui se croisent : il est Anglo-Gascon. […] Puisque le sang, la race, le climat, ont leur influence sur les œuvres d’art, comment la religion n’aurait-elle pas la sienne, si la religion n’est ordinairement qu’un effet de la race, du climat, du milieu ? […] Il y a les races latines et catholiques, et il y a les races germaniques et protestantes. […] Voulez-vous voir comment une même idée était rendue diversement par les deux races principales et rivales ?

74. (1904) En lisant Nietzsche pp. 1-362

Une race a été, qui n’aimait que la beauté et la vie. […] C’est croire à la beauté et à la noblesse de la race humaine. […] Ainsi naîtra la race des maîtres, d’où pourra sortir la race des surhommes. […] Le temps de la pleine vigueur imaginative d’une race c’est l’époque de l’épopée. […] Fin d’une race, mentalité d’une race qui n’a plus conscience d’elle-même, qui ne sait plus se faire gouverner par le meilleur d’elle, approximativement choisi, soit par la naissance, qui n’est pas du tout un hasard, soit par l’élection, soit par une combinaison de l’élection et de la naissance ; mentalité d’une race, en un mot, qui n’a plus le sens aristocratique.

75. (1890) Les œuvres et les hommes. Littérature étrangère. XII « Lawrence Sterne »

Sterne est de la race de ces bouffons charmants ou sublimes qui s’appellent Rabelais, Swift, Cervantes, Arioste. […] Mais je l’ai dit, partout ailleurs qu’en Angleterre, il est toute une race d’esprits parmi ceux qui se croient littéraires, et qui le sont même en quelque degré, qui ne se doutent pas de la qualité du génie de Sterne, quand il a du génie et que les yeux du bouffon s’emplissent de ses pleurs… C’est contre cette race d’esprits ou plutôt pour cette race d’esprits, que M.  […] Il donne à Don Quichotte une ampleur et une force d’imagination qu’assurément il exagère ; Cervantes est comme sa race, monotone et pompeux. […] , et d’appartenir à la grande philosophie du xviiie  siècle, à cette race « des vaillants athlètes, nos pères », qui ont combattu… Hélas !

76. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Appendice. — Notice sur M. G. Duplessis. » pp. 516-517

Il était de ce petit nombre qui continuait la tradition et comme la race de l’ancienne Université dans la nouvelle. […] C’est qu’il appartenait à cette race, totalement éteinte aujourd’hui, de savants modestes et laborieux qui cultivent la science pour elle-même et qui trouvent plus de charme à orner et à fortifier leur intelligence dans le silence du cabinet, que de satisfaction à mettre l’univers dans la confidence de leurs moindres travaux ou de leurs plus insignifiantes découvertes. Cette race n’était pas aussi totalement éteinte qu’il le croyait, puisqu’il traçait là, sans y songer, son propre portrait.

77. (1899) Le monde attend son évangile. À propos de « Fécondité » (La Plume) pp. 700-702

* *   * La multiplication des races, voilà ce que prêche Zola. […] La beauté que confère l’amour fécond et fort, tous les hommes peuvent l’atteindre, elle est à leur portée, ils n’ont qu’à vivre, à croître, à grandir, à agir, à développer leur race. […] Par son étude de l’univers, par sa patience obstinée à en reproduire des péripéties, par l’attention qu’il a prêtée pendant trente années de sa vie aux phénomènes extérieurs, ce grand et rigoureux esprit était plus préparé qu’un autre à la création d’une sagesse pratique, assisse sur des réalités, conforme à notre évolution et appropriée aux besoins des races nouvelles. […] J’y ai vu ce que peu de livres laissent transparaître : le souci de l’avenir des races, l’intérêt de leur ordre et de leur force, la passion d’un art plus humain et plus réel, le solennel amour de la vie harmonieuse, la pitié et la charité à toutes les pages.

78. (1856) Cours familier de littérature. II « VIIIe entretien » pp. 87-159

Aucun œil du soleil ne tarit les rayons ; Sous le flot des épis la terre inculte plie, Le linceul, pour couvrir leur race ensevelie,         Manque-t-il donc aux nations ? […] La Gaule a disparu sous la France ; et la France elle-même n’est plus qu’une grande mêlée de races, de sang, de langues, de mœurs, de législations, de cultes, qui fond tout ce qu’elle a de divers dans une lente et laborieuse unité. […] C’est la pauvreté des autres races nationales de l’Europe, de n’avoir qu’un caractère national ; c’est le génie, c’est l’aptitude, c’est la grandeur, c’est la gloire de la France, d’en avoir plusieurs. […] XII Sans doute cette fusion de toutes ces races, de tous ces caractères et de toutes ces facultés opposées qui s’est opérée dans le bassin français entre les Alpes, les Pyrénées, les deux mers, en effaçant ces divers génies, a dû en même temps effacer quelque chose des facultés dominantes de chacune de ces races. […] Nous ne croyons, en sentant ainsi, ni déprécier les autres races européennes, ni flatter la France.

79. (1895) Histoire de la littérature française « Première partie. Le Moyen âge — Livre I. Littérature héroïque et chevaleresque — Chapitre II. Les romans bretons »

Etrangère à la conception juridique et politique du christianisme romain, l’Eglise celtique laissa l’âme de la race façonner une religion nationale à son image. […] Les désastres et les misères qui assaillirent les Bretons, l’invasion étrangère, les guerres séculaires, qui lentement les dépossédaient de leur antique héritage, avaient plutôt excité que brisé l’activité poétique de la race. […] Tous ces poèmes tournent autour d’Arthur, le roi toujours pleuré, et toujours espéré, dont les Bretons, dans l’énergique persistance de leur sentiment national, ont fait le symbolique représentant de la fortune de leur race. […] Le roi Pêcheur, qui le garde, est de la race de Joseph, et, comme à Joseph jadis, le Graal apporte la nourriture au roi et à tous ceux qui sont avec lui. […] Renan, Essai sur la poésie des races celtiques.

80. (1898) L’esprit nouveau dans la vie artistique, sociale et religieuse « II — La solidarité des élites »

J’ai rappelé ce fait vieux de plus de trente années, parce qu’il a consacré d’une manière éclatante la naissance de ce sentiment nouveau et incomparablement fécond de la solidarité ; solidarité par-delà les territoires, ces frontières artificielles, et par-delà les races, ces frontières naturelles.‌ […] J’entends par la Solidarité des Élites, cette communauté de vision chez des êtres profondément différents d’âge, de race et de caractère, vivant sous les plus dissemblables latitudes, ne se connaissant pas entre eux pour la plupart, mais donnant de l’énigme du monde une solution identique, au fond, malgré les innombrables différences dans l’expression de leur désir. […] « Ne voyez-vous pas que la terre a envie de produire et de nous enrichir, de donner des sources et des fruits, de créer des races nouvelles, plus saines et plus durables, de créer sans mesure des peuples et des moissons ? […] Voilà ce que j’appelle la Solidarité des Élites, l’alliance intime des pensants d’avant-garde, à quelque race, à quelque territoire qu’ils appartiennent. […] … Je sens partout des êtres qui sentent comme moi, qui sont véritablement de la même race, une race dont on ne parle pas, dont on ne tient pas compte, la race humaine.

81. (1888) La critique scientifique « La critique scientifique — Évolution de la critique »

Ceux-ci concédés, il faut, pour connaître un auteur, qu’on se renseigne sur sa patrie immédiate, sur sa race, sur ses parents, de façon à dériver ses facultés de celles de ses ascendants. […] Taine résider dans l’ensemble des circonstances physiques et sociales dont l’écrivain est entouré, et qu’il groupe sous ces trois chefs : la race, le milieu physique et social, le moment. […] Taine aboutit à cette conclusion de sa préface qui résume la pratique de son système : « J’entreprends d’écrire l’histoire d’une littérature et d’y chercher la psychologie d’un peuple. » C’est là sa théorie générale ; il en reprend un point particulier dans la première partie de la Philosophie de l’art, où il traite de l’influence qu’exerce sur l’artiste le milieu historique et social dans lequel il se trouve placé, abstraction faite de sa race, de son habitat. […] C’est ainsi qu’il essaie de dériver le génie particulier des écrivains anglais des propriétés originelles de l’esprit de la race anglo-normande, que la sculpture grecque, la peinture hollandaise et flamande lui paraissent refléter exactement les pays et les époques auxquels elles appartiennent. […] Taine continue et perfectionne la sorte de critique biographique que pratiquait Sainte-Beuve et s’efforce d’appliquer aux individus isolés sa théorie de l’influence de la race et des milieux.

82. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre VII. »

Chez une race mobile, enthousiaste, charmée des fêtes et des plaisirs comme de la gloire, ce génie prend part à tout : il commence où cesse le récit épique ; il donne à l’hexamètre majestueux l’accompagnement d’un second vers plus court, et, gravant ainsi la pensée, soutient le son poétique par l’accent musical. […] Celui-là est importun il ceux qu’il vient supplier, cédant au malheur et à l’affreuse pauvreté : il déshonore sa race ; il dément la noblesse de ses traits. […] « Vous êtes, dit le poëte79, la race invincible d’Hercule ; prenez cœur. […] Le génie, comme le courage d’une noble race, est vivant et debout dans ces courtes élégies de Tyrtée. […] Né en Sicile, de race dorienne, il lutta contre la tyrannie qui, d’Agrigente, s’étendit sur la ville d’Himère, sa patrie.

83. (1906) Les œuvres et les hommes. À côté de la grande histoire. XXI. « Le marquis de Grignan »

C’est un inconnu, en effet, absolument ignoré, et, malgré ce que Masson nous en apprend, justement ignoré, que ce Marquis de Grignan 57, le dernier des Grignan, dont le nom, qui timbre un livre aujourd’hui, dit une race et ne dit personne. […] Il était entré dans la vie par la plus large, la plus triomphale, la plus appienne des grandes naissances… La race dont il descendait était presque royale à force d’être féodale, et elle gouvernait la Provence depuis des siècles. […] Mais le ton, — je ne sais pas si je me trompe, séduit par ce bonheur d’expression du livre et par le charme de Frédéric Masson, — je le trouve bien près d’être exquis… Cette histoire, faite de détails familiers et intimes, est une histoire domestique du marquis de Grignan ; mais cette histoire, au fond très touchante, si on veut bien y réfléchir, est, comme je l’ai dit, l’histoire, sous le nom de Grignan, de toute la malheureuse noblesse de France, descendue de sa hauteur féodale, et se pressant, avec un incroyable amour, — un amour de race, — autour de cette Royauté qui l’a frappée un jour avec la hache de Richelieu, mais qui n’avait pas fait couler avec son sang ce vivace royalisme qu’elle avait au fond de ses veines… Il en était resté, et Louis XIV, le vampire de cette noblesse et qui se nourrissait de ses richesses et de son sang, ne l’épuisa pas. […] Ce livre est, selon moi, le livre supérieur de l’ouvrage, et comme j’en suis pour le moment à faire des découvertes dans les facultés de Masson, j’ai été particulièrement frappé par la puissance avec laquelle il a analysé ce fait, cruel et mortel aux races, de la mésalliance, — de ce sac à hontes et à douleurs de la mésalliance qu’il nous pointille toutes et nous trie sous les yeux, sans nous faire grâce d’une seule de ces hontes et de ces douleurs !

84. (1886) Quelques écrivains français. Flaubert, Zola, Hugo, Goncourt, Huysmans, etc. « Panurge » pp. 222-228

Panurge a beau s’être frotté aux nobles et aux écoliers, il est resté bohême de petite race, de probité variable, avec la lâcheté égayée d’impudence des Scapin, et rancunier par surcroît, comme le démontre l’épisode de Dindenaut et de ses moutons, « lesquels tous furent pareillement en mer portez et noyez misérablement. » Mais sous cet air d’aigrefin, Panurge cache l’âme la plus libre et la plus railleuse. […] Les cours qui ont façonné notre race, ne l’ont dotée à l’origine, ni de la roideur de passions des Anglais, ni du mysticisme allemand. […] Nous avons tout pris à toutes les races.

85. (1890) L’avenir de la science « X » pp. 225-238

Les races et les climats produisent simultanément dans l’humanité les mêmes différences que le temps a montrées successives dans la suite de ses développements. […] Non qu’il faille dire absolument que le sauvage est l’homme primitif : l’enfance des diverses races humaines dut être fort différente selon le ciel sous lequel elles naquirent. Sans doute les misérables êtres qui bégayèrent d’abord des sons inarticulés sur le sol malheureux de l’Afrique ou de l’Océanie ressemblèrent peu à ces naïfs et gracieux enfants qui servirent de pères à la race religieuse et théocratique des Sémites, et aux vigoureux ancêtres de la race philosophique et rationaliste des peuples indo-germaniques. […] On dirait que toutes les races et tous les siècles ont compris Dieu, l’âme, le monde, la morale d’une manière identique 94. […] Tel élément, principal dans telle race, n’apparaît dans telle autre que rudimentaire.

86. (1883) Souvenirs d’enfance et de jeunesse « Chapitre II. Prière sur l’Acropole. — Saint-Renan. — Mon oncle Pierre. — Le Bonhomme Système et la Petite Noémi (1876) »

Le trait caractéristique de la race bretonne, à tous ses degrés, est l’idéalisme, la poursuite d’une fin morale ou intellectuelle, souvent erronée, toujours désintéressée. jamais race ne fut plus impropre a l’industrie, au commerce. […] Cette race a au cœur une éternelle source de folie. […] Aucune race n’a le sentiment religieux plus indépendant. […] L’idée me vint que, dans les temps antiques, il put y avoir des mélanges entre des branches perdues de la race celtique et les races analogues aux Lapons qui couvraient le sol à leur arrivée. […] Je sortais de la vieille race idéaliste en ce qu’elle avait de plus authentique.

87. (1887) Discours et conférences « Discours prononcé à Tréguier »

Nous sommes une race naïve, qui a la simplicité de croire au vrai et au bien. […] Le monde est en train de se laisser envahir par des races tristes, qui n’ont jamais su ce que c’est que jouir, races dures, sans sympathie, qui n’ont ni l’amour ni l’estime des hommes.

88. (1891) Journal des Goncourt. Tome V (1872-1877) « Préface » pp. -

Renan se fût réjoui des victoires allemandes ou qu’il les trouvât légitimes, mais j’ai dit qu’il considérait la race allemande, comme une race supérieure à la race française, peut-être par le même sentiment que Nefftzer, — parce qu’elle est protestante.

89. (1888) Les œuvres et les hommes. Les Historiens. X. « Crétineau-Joly » pp. 367-380

S’éteindre stoïquement sous un drapeau qu’on a gardé pur et l’emporter ainsi dans la tombe, voilà, pour Crétineau-Joly, le devoir suprême des grandes races qui n’ont pas su trouver de champs de bataille pour y tomber avec héroïsme. […] L’Histoire, qui répercute en détail la nature humaine et ses mystères, a montré souvent de ces races, fatalement prédestinées, chez lesquelles la transmission du mal s’accomplit, de génération en génération, avec une épouvantable exactitude. […] Avant d’entrer dans l’histoire de Louis-Philippe, — le véritable, l’important sujet de son livre, — l’historien a fait marcher, comme dans les triomphes romains, les portraits des ancêtres devant le triomphateur de la race. […] Quand une race finit par des hommes comme le Régent, Égalité et Louis-Philippe, il est presque naturel qu’on oublie que leurs prédécesseurs furent, comme eux, les Mauvais Génies de la France !

90. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Entretiens sur l’histoire, — Antiquité et Moyen Âge — Par M. J. Zeller. (Suite et fin.) »

Il n’a point d’idée préconçue ; il ne se croit pas obligé de se cantonner dans un coin de la terre de Chanaan et de prendre pour belvédère la terrasse et la plate-forme étroite d’un petit peuple : il regarde droit en face et remonte d’abord au berceau manifeste de notre civilisation, à la source commune des races et des religions, à ce point central de l’Asie d’où elles découlent. […] Du haut plateau de l’Asie sont venues successivement et par essaims des races, des branches de races qui ont fondé dans les plaines et les vallées propices les premiers grands empires, ou qui les ont détruits pour en élever d’autres également passagers et périssables. […] Pays et race, et forme sociale, et histoire, c’est tout un. […] « Tel est le pays que les premiers rameaux de la race de Japhet (indo-européenne), partis d’Asie, ont peuplé, soit en descendant par terre l’escalier du Pinde, soit en arrivant par mer d’île en île ; c’est la patrie qu’ils ont choisie. » C’est ainsi que la science renouvelle, en le fixant et le précisant, ce que l’imagination, la poésie et la peinture avaient si souvent touché. […] De là l’action exercée en sens inverse par les deux grandes races qui ont fait la civilisation de l’ancien monde : celle de la Grèce sur l’Asie et l’Orient, celle de l’Italie sur l’Occident et l’Europe.

91. (1911) La morale de l’ironie « Chapitre premier. La contradiction de l’homme » pp. 1-27

On jugerait plutôt l’individu pleinement adapté à cette vie sociale passagère, et l’on ne constate pas de lutte vive, d’antagonisme durable entre les désirs de l’individu et les exigences de la famille et de la race. […] On a imaginé qu’un être supérieur, sur notre planète, au lieu de sortir de la famille des singes, aurait pu prolonger, par exemple, la race de l’éléphant ou quelque autre espèce analogue et voisine. […] Cela est si vrai que le subjectivisme de la métaphysique, au lieu de ne s’appliquer qu’à un individu abstrait, peut parfaitement s’entendre comme conditionnant l’activité d’un ensemble systématisé d’esprits, d’une société, d’une race, de l’humanité même. […] Et l’individu, cet appareil de synthèse unique, comparable sur certains points à tous les êtres, et sur plus de points aux êtres de son espèce, de sa race, de sa nation, de son temps et de sa famille, reste absolument original dans son existence propre, dans son ensemble concret. […] Il apaise l’instinct puissant où l’égoïsme et l’altruisme se sont amalgamés, il correspond au désir le plus fort, il contente l’individu qui l’accomplit parce qu’il satisfait ce qu’il y a de plus fort en lui, une personne aimée, une race entière, en un mot : les autres.

92. (1887) Discours et conférences « Appendice à la précédente conférence »

Le cheik Gemmal-Eddin est un Afghan entièrement dégagé des préjugés de l’islam ; il appartient à ces races énergiques du haut Iran, voisin de l’Inde, où l’esprit aryen vit encore si énergique sous la couche superficielle de l’islamisme officiel. Il est la meilleure preuve de ce grand axiome que nous avons souvent proclamé, savoir que les religions valent ce que valent les races qui les professent. […] Je n’ai pas dit que tous les musulmans, sans distinction de race, sont et seront toujours des ignorants ; j’ai dit que l’islamisme crée de grandes difficultés à la science, et malheureusement, a réussi, depuis cinq ou six cents ans, à la supprimer presque dans les pays qu’il détient ; ce qui est pour ces pays une cause d’extrême faiblesse.

93. (1898) L’esprit nouveau dans la vie artistique, sociale et religieuse « II — Se connaître »

Gabriele d’Annunzio faisait un jour cet aveu naïf et typique à un rédacteur du New-York Hérald : « Je suis un pur Latin et chez tout individu de race différente j’aperçois un côté barbare. » Le Français dirait volontiers, lui aussi : « Je suis un pur Français, et tout ce qui n’est pas semblable à moi m’apparaît inférieur. » C’est l’inverse, on le voit, de la parole du personnage de Térence : Homo sum… L’individualisme national exclusif paraît être la plus forte vertu du Français qui, de bonne foi, se croit généralement d’une essence plus pure que les vulgaires humains. […] A les entendre nous ne serions presque que de vulgaires humains, non plus des Français dignes de ce nom, c’est-à-dire des fils de la race élue. […] Jules Lemaître, l’ironiste bien connu, qui n’a pas craint de prononcer les paroles suivantes : « Ce qui ressort de cet exposé52 aussi convaincant que lamentable, c’est l’immense supériorité sociale, politique, commerciale, industrielle, financière et morale de la race anglo-saxonne ; et c’est notre faiblesse, notre misère, notre néant. […] Tant que nous pourrons nous croire les enfants d’une race privilégiée, notre inconscience s’épanouira. […] Foncin, l’auteur des Géographies scolaires, d’aussi véridiques paroles : « Si nous voulons, nous, Français, conserver une place dans le monde et résister aux flots anglo-saxon, allemand, américain, russe, qui menacent de nous submerger, nous, notre commerce, notre industrie, notre agriculture, notre richesse, notre race, notre influence politique et intellectuelle, il faut, par un vigoureux effort, sortir de nous-mêmes…. »‌ 52.

94. (1913) Le bovarysme « Première partie : Pathologie du bovarysme — Chapitre V. Le Bovarysme des collectivités : sa forme idéologique »

I Avec la Renaissance, la race française du xvie  siècle, en même temps qu’elle grandit prodigieusement, se conçoit, comme on vient de le voir ; de quelques façons ; autres qu’elle n’est : elle se conçoit destinée à des modes d’activité différents, par certaines nuances, de ceux que ses antécédents lui fixaient. […] Plus qu’aucune autre race, la nation anglaise a emprunté, à la forme religieuse qu’elle s’est choisie, le frein qui lui était utile pour modérer les égoïsmes individuels. […] Nietzsche, dans son Antéchrist, a signalé le christianisme comme la manœuvre suprême de la race juive, vaincue en tant qu’état politique et dispersée désormais, pour garantir sa sécurité parmi les différents pays à la vie desquels son destin l’appelait à se mêler, Il s’agit dans cette hypothèse, est-il besoin de le noter, d’un calcul de l’inconscient, dicté par l’instinct de conservation le plus sûr de la race. […] La force des choses et la logique de l’instinct contraignent donc tous les hommes de race israélite à se rallier en toute circonstance autour d’une idée générale qui est pour eux profitable. […] Ce fut, nous dit Fustel de Coulanges, une conception particulière que les hommes de cette race avaient alors formée sur le destin de l’âme après la mort.

95. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « M. Jules Girard » pp. 327-340

Faire, de système et de réflexion, acte négatif de raison en histoire au lieu de faire acte positif de compréhension historique, chicaner le fait mystérieux qui est à l’origine de tout, en histoire aussi bien qu’en nature humaine et quand la chicane qu’on en fait est impuissante, le supprimer d’autorité et passer outre, — comme Thucydide a passé outre sur les temps barbares de la Grèce, — est-ce là réellement le dernier mot du génie humain dans une race, et du génie d’un homme qui, dans cette race, à un moment donné, écrit l’histoire ? […] Pour lui comme pour nous, Thucydide est un Grec très digne du temps de Périclès, mais, pour nous, c’est justement parce qu’il est un Grec de ce temps-là qu’il n’est pas le plus grand des historiens, — même de la Grèce, car dans la Grèce il faut distinguer les époques et les races. Il est de la Grèce harangueuse, disputeuse et civilisée, qui doutait au lieu d’affirmer, tandis qu’Hérodote, par exemple, le religieux et majestueux Hérodote, étant d’un temps et d’une race qui savaient affirmer, est par cela seul plus grand que lui !

96. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « M. Ch. de Barthélémy » pp. 359-372

Joseph de Maistre et Fréron, c’étaient gens de même race, de même religion, de mêmes principes ; mais Janin, le Janin des Débats, qui fut d’abord le petit Janin et puis après le gros Janin, ce gros petit Janin qui roulait le cerceau de sa fantaisie dans tous les chemins en spirale d’un feuilleton sans direction, — mais qui parfois rencontrait le bon sens, — et que ce fût précisément celui-là qui, comme le rat rongeant le filet du lion, se portât fort, pour Fréron contre cet énorme démon de Voltaire, c’était vraiment là de l’inattendu et du frappant ! […] C’est bien là une figure celtique, avec son front étroit et dur, renflé aux tempes, le profil coupant et recourbé, cette maxillaire en saillie, — l’assise solide d’un visage qui n’exprime que la force, — tout cela porté sur de hautes épaules comme en ont les hommes faits pour la guerre, et vous reconnaissez la race opiniâtre qui ne sait pas reculer, la race héroïque qui va de Beaumanoir, du combat des Trente, jusqu’à ce Georges Cadoudal qui mourut pour avoir voulu le renouveler ! […] Français comme Corneille et Racine, Fréron eut presque exclusivement la Critique française, mais pour être dans la tradition nationale du xviie  siècle et de ses mœurs, il n’en voyait pas moins, par-dessus la frontière, les qualités de l’esprit d’une race différente de la sienne, et il l’a bien prouvé pour les Anglais, à qui il reconnaît « ces cris du cœur qui pour lui sont l’expression la plus certaine du génie ».

97. (1890) Les œuvres et les hommes. Littérature étrangère. XII « Edgar Poe »

Dans l’Aéronaute hollandais, très inférieur au Scarabée, Poe oublie tout à fait son génie fantastique pour le génie propre à sa race : la découverte (toujours la découverte !) […] Le caractère général de cette race, qui ne le sait ? […] Baudelaire a beaucoup marqué la lutte du génie de Poe contre l’esprit américain, mais le génie, chez aucun poète, n’est jamais assez vigoureux pour effacer la trace de la race. […] Fatalité de l’origine et de la race ! […] Quoique d’une race noble et ancienne, mais déchue, Poe était sorti d’un père comédien et d’une mère comédienne, morts tous deux de phtisie et de faim.

98. (1899) La parade littéraire (articles de La Plume, 1898-1899) pp. 300-117

Ce sont ses muscles forts et ses torses puissants qui portent orgueilleusement les races de demain. […] Il nous montre les dangers sociaux qui peuvent advenir de l’extension d’une telle caste : appauvrissement de la race, corruption morale, accroissement de la criminalité. […] Il n’a jamais créé de ces statues vivantes qui bravent les temps futurs et subjuguent les races. […] Georges Rodenbach et Camille Lemonnier prononcent également et avec une égale anxiété ces mots : l’enfant futur, une nouvelle race. […] D’où naîtra-t-il l’enfant divin, l’homme nouveau, d’où sortiront les futures races ?

99. (1895) Histoire de la littérature française « Première partie. Le Moyen âge — Livre I. Littérature héroïque et chevaleresque — Chapitre I. Les chansons de geste »

Il y eut ainsi cinq siècles environ pendant, lesquels notre race, quoi qu’on ait dit, eut bien « la tête épique ». […] Comme tous les Germains, les Francs avaient une poésie narrative, tantôt mythique, et tantôt historique, célébrant les dieux ou les anciens rois de la race : le Siegfrid des Nibelungen n’est autre que Sigofred, héros national des Francs, qui primitivement fut peut-être un dieu. […] Mais elle n’est pas franque pour cela : elle est française, œuvre de cette race complexe qui se constitue du mélange des Gallo-Romains et des Francs ; produit des forêts germaniques, mais acclimaté sur le sol des Gaules, et germant spontanément dans toutes les âmes, sans distinction de race, non échappées encore ou retournées, peu importe, à la barbarie féconde. […] A la fin du xe  siècle, la fécondité épique de notre race est épuisée. […] Ils ont surtout — et en cela ils semblent révéler l’aptitude éminente de la race — ils ont le sens du drame et du roman : sans poésie, sans style, leur art est là, dans le dessin des actions, et l’imitation de la remuante humanité.

100. (1818) Essai sur les institutions sociales « Chapitre IX. Première partie. De la parole et de la société » pp. 194-242

Ne pourrait-on pas dire, en effet, qu’il y a plusieurs races d’hommes, qui, chacune à part, ont été conservatrices de certaines formes de civilisation ? Ne pourrait-on pas même dire que certaines races sont inhabiles à parvenir à certains degrés ou à recevoir certaines formes de civilisation ? […] Ne pourrait-on pas dire aussi que chaque race humaine ayant été affectée de prérogatives différentes, il y a eu, dans le genre humain, un droit d’aînesse, comme tout paraît le prouver, et que ce sont les races aînées qui sont restées dépositaires des titres de famille ? […] Déjà il passe pour démontré qu’il y a plusieurs familles de langues comme il y a plusieurs races d’hommes. Nous parviendrons sans doute à arriver aux généalogies des races humaines par les généalogies des langues.

101. (1902) Les œuvres et les hommes. Le roman contemporain. XVIII « Alphonse Daudet »

Et, non seulement, si on l’en croyait, ce ne serait pas seulement l’Institution qui serait en cause, mais la Race… L’institution ? […] Mais la Race ?… Nous sommes assez physiologistes pour croire à la race, — à la race démontrée, d’ailleurs, par des siècles de grandeur, d’héroïsme, de génie et même de beauté. Mais nous sommes assez matérialistes aussi pour admettre le déclin des races, leur usé ou leur détraqué par le temps, les excès et les maladies, et c’est ainsi que la Race va rejoindre l’Institution dans la même négation et le même mépris. […] Mais elle est inutile… Et, d’ailleurs, c’est un mauvais symptôme pour les races, quand les femmes y sont les héros.

102. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Le Livre des rois, par le poète persan Firdousi, publié et traduit par M. Jules Mohl. (3 vol. in-folio.) » pp. 332-350

Le sultan Mahmoud, de race turque, qui régnait dans le Kaboul, et dont les conquêtes s’étendirent jusqu’à l’Inde, fut un dessus ardents à se signaler en cette voie de renaissance littéraire qui venait en aide à ses projets politiques, ou qui du moins pouvait illustrer son règne. […] Quand il eut atteint l’âge de dix ans, personne dans son pays n’osait lutter contre lui. » Il se distinguait, à première vue, de tous les Turcs d’alentour ; il devenait manifeste qu’il était issu d’une autre race. […] À cette nouvelle d’une armée de Turcs commandée par un jeune homme si vaillant et si héroïque, il a l’idée d’abord que ce pourrait bien être son fils ; mais non : ce rejeton de sa race est trop enfant, se dit-il, « et ses lèvres sentent encore le lait ». […] Il voit son fils assis à un festin : il l’admire, il le compare, pour la force et la beauté, à sa propre race ; on dirait, à un moment, que le sang au-dedans va parler et lui crier : C’est lui ! […] Puisque tu es né d’une noble race, fais-moi connaître ton origine ; ne me cache pas ton nom, puisque tu vas me combattre : ne serais-tu pas Roustem ?

103. (1882) Qu’est-ce qu’une nation ? « [Préface] »

Les grandes agglomérations d’hommes à la façon de la Chine, de l’Égypte, de la plus ancienne Babylonie ; — la tribu à la façon des Hébreux, des Arabes ; — la cité à la façon d’Athènes et de Sparte ; — les réunions de pays divers à la manière de l’Empire carlovingien ; — les communautés sans patrie, maintenues par le lien religieux, comme sont celles des israélites, des parsis ; — les nations comme la France, l’Angleterre et la plupart des modernes autonomies européennes ; — les confédérations à la façon de la Suisse, de l’Amérique ; — des parentés comme celles que la race, ou plutôt la langue, établit entre les différentes branches de Germains, les différentes branches de Slaves ; — voilà des modes de groupements qui tous existent, ou bien ont existé, et qu’on ne saurait confondre les uns avec les autres sans les plus sérieux inconvénients. […] De nos jours, on commet une erreur plus grave : on confond la race avec la nation, et l’on attribue à des groupes ethnographiques ou plutôt linguistiques une souveraineté analogue à celle des peuples réellement existants.

104. (1875) Premiers lundis. Tome III « Le roi Jérôme »

Il n’avait que douze ans lorsque le héros de sa race se révélait en Italie comme le premier général des temps modernes ; il n’en avait que seize lorsque la France saluait du nom de Consul le conquérant de l’Égypte et de l’Italie ; il en avait vingt quand l’empereur prenait son rang en Europe, le front ceint de la double couronne : il fut enveloppé dans sa fortune. […] Être le frère d’un grand homme, d’un de ces génies de civilisation et de ces fondateurs qui créent tout autour d’eux et qui inaugurent leur race, est à la fois un grand honneur et un grand fardeau. […] Il ne savait ni quand ni comment sa race serait rétablie, mais il savait que tôt ou tard elle aurait son jour, et que la France la rappellerait : il en avait comme la tranquille certitude.

105. (1869) Philosophie de l’art en Grèce par H. Taine, leçons professées à l’école des beaux-arts

La race Tâchons d’abord de nous représenter exactement cette race, et pour cela observons le pays. […] Nous n’en gardons qu’une impression totale, et cette impression, conforme au génie de la race, est justement celle d’une fête heureuse et fortifiante. […] « Ces races sont vives, sereines, légères. […] Si, comme on peut le soutenir, la préoccupation de la mort est le trait le plus important du christianisme et du sentiment religieux moderne, la race grecque est la moins religieuse des races. C’est une race superficielle, prenant la vie comme une chose sans surnaturel ni arrière-plan.

106. (1889) Les œuvres et les hommes. Les poètes (deuxième série). XI « La Fontaine »

Rappelez-vous, seulement, dans ce chef-d’œuvre de L’Amour mouillé, comme il a gauloisé adorablement Anacréon, mettant par-dessus le génie grec le génie si différent de sa propre race ! […] La Fontaine est bonhomme comme il respire, — et j’ajoute comme il est gaulois, et c’est même parce qu’il est si fortement gaulois qu’il est si bonhomme ; car la bonhomie est une qualité appartenant particulièrement et suprêmement à la race gauloise. […] Tous les deux, bien évidemment, pour ceux qui ont le sentiment des analogies sont de la même race que La Fontaine. Seulement, lui, c’est le Gaulois par excellence, et comme il est, de tous les écrivains, celui qui a le mieux exprimé poétiquement le génie de cette race que l’Histoire a symbolisée sous le nom de Jacques Bonhomme, on lui a taillé, de reconnaissance, son titre littéraire dans ce nom.

107. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre IV. L’âge moderne. — Conclusion. Le passé et le présent. » pp. 424-475

À l’origine, et au plus profond dans la région des causes, apparaît la race. […] L’âge barbare a établi sur le sol une race de Germains, flegmatique et sérieuse, capable d’émotions spiritualistes et de discipline morale. L’âge féodal a imposé à cette race les habitudes de résistance et d’association, les préoccupations politiques et utilitaires. […] Ce n’est pas en vain que l’invasion a implanté ici une race sérieuse, et capable de retours sur soi. Ce n’est pas en vain que la conquête a tourné cette race vers la vie militante et les préoccupations pratiques.

108. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Les Contes de Perrault »

Rappelons-nous ce qu’étaient en leur temps Perrault et Boileau ; ces deux rivaux, ces deux représentants de deux races d’esprits si différentes, et, l’on peut dire, ces deux ennemis ; car leur réconciliation ne se fit jamais qu’à la surface et par le dehors. […] on n’a pas besoin d’avoir cinquante ans pour jouer en perfection de la flûte et pour s’accompagner de la voix sur la harpe ou la lyre ; à quinze ans, on fait cela bien mieux et plus purement, surtout quand on est de la plus favorisée et de la plus fine des races humaines. […] Dans sa rédaction juste et sobre, encore naïve et ingénue, il a atteint à la perfection du conte pour la race française : Il faut, même en chansons, du bon sens et de l’art. […] Quand les aînés de la race humaine partirent en essaims du Mont-Mérou, cette primitive patrie, en emportaient-ils déjà quelque chose ? […] Renan disait, l’autre jour, de ce brave et digne baron d’Eckstein, lequel semblait se ressouvenir confusément des origines scythiques et alpestres de notre race, qu’on le puisse dire, et plus agréablement, de l’enfance ; que plus tard l’homme, le jeune homme ait toujours en lui, par un coin de son passé, une réminiscence de l’âge d’or et des premiers printemps de l’imagination humaine, dût-il ensuite devenir positif, polytechnique, encyclopédique, dût-il être élevé comme le voulait Arago, ou plutôt et mieux comme le voulait Rabelais.

109. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Chateaubriand, jugé par un ami intime en 1803, (suite et fin) » pp. 16-34

Il est très-utile d’abord de commencer par le commencement, et, quand on en a les moyens, de prendre l’écrivain supérieur ou distingué dans son pays natal, dans sa race. Si l’on connaissait bien la race physiologiquement, les ascendants et ancêtres, on aurait un grand jour sur la qualité secrète et essentielle des esprits ; mais le plus souvent cette racine profonde reste obscure et se dérobe. […] À ceux pourtant qui voudraient douter de la fertilité et du naturel du fonds chez Despréaux, qui voudraient nier sa verve de source et ne voir en lui que la culture, il n’est pas inutile d’avoir à montrer les alentours évidents et le voisinage de la race. […] Quand ce n’est pas de la basse envie, ce sont des haines de race. […] On connaît ses origines bretonnes, sa famille, sa race ; on le suit dans les divers groupes littéraires qu’il a traversés dès sa jeunesse, dans ce monde du xviiie  siècle qu’il n’a fait que côtoyer et reconnaître en 89, et plus tard dans son cercle intime de 1802, où il s’est épanoui avec toute sa fleur.

110. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « De la tradition en littérature et dans quel sens il la faut entendre. Leçon d’ouverture à l’École normale » pp. 356-382

Descendants des Romains, ou du moins enfants d’adoption de la race latine, cette race initiée elle-même au culte du beau par les Grecs, nous avons à embrasser, à comprendre, à ne jamais déserter l’héritage de ces maîtres et de ces pères illustres, héritage qui, depuis Homère jusqu’au dernier des classiques d’hier (s’il y a eu hier un classique71), forme le plus clair et le plus solide de notre fonds intellectuel. […] Un savant auteur anglais, le colonel Mure, dans son Histoire de la littérature grecque, se pose, à son tour, cette question : « Si la nation grecque n’avait jamais existé, ou si ses œuvres de génie avaient été anéanties par la grandeur de la prédominance romaine, les races actuelles principales de l’Europe se seraient-elles élevées plus haut dans l’échelle de la culture littéraire que les autres nations de l’antiquité avant qu’elles eussent été touchées par le souffle hellénique ?  […] Combien de nations et de races (si l’on excepte cette première race hellénique si privilégiée entre toutes et uniquement douée) sont ou ont été plus ou moins semblables en cela aux Romains, c’est-à-dire n’ayant par elles-mêmes, en fait de poésie ou de littérature, qu’un premier développement rudimentaire, agreste et qui ne dépassait pas une première poussée sauvage ! […] Le sentiment d’un certain beau conforme à notre race, à notre éducation, à notre civilisation, voilà ce dont il ne faut jamais se départir. […] Sans doute Isocrate, en son célèbre Panégyrique, avait raison de dire à sa date, à la veille d’Alexandre : « Notre ville a laissé si loin derrière elle, en pensée et en éloquence, les autres hommes, que ses élèves sont devenus les maîtres des autres, et elle a fait si bien que le nom de Grecs ne semble plus être la désignation d’une race, mais celle de l’intelligence même, et qu’on appelle Grecs ceux qui ont part plutôt encore à notre culture qu’à notre nature. » Périclès, avec plus d’autorité, disait la même chose dans cet admirable panégyrique d’Athènes qu’il fit magnifiquement entrer au cœur de son éloge funèbre des guerriers morts pour la patrie.

111. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre IX. Eugénie de Guérin »

II Pour qui croit à la forte influence de la race sur le caractère, le génie et la beauté des hommes (et je suis de ceux qui ont cette faiblesse, il ne sera pas indifférent de savoir quelle fut cette famille de Guérin qui a fini par deux poëtes, le frère et la sœur. «  Les chroniques de notre maison nous disent de race vénitienne », a écrit Mlle Eugénie, avec cette plume de cygne croisé d’aigle que ses doigts délicats tiennent parfois si droite et si ferme, et qui aurait écrit l’histoire aussi bien qu’autre chose. […] Il précédait, à longue distance, ce Maurice et cette Eugénie de Guérin, qui ont jeté si mélodieusement le dernier soupir de leur race. […] Si l’on en croit les conteurs et les poëtes, les fées sont indifféremment vieilles et jeunes, parce qu’elles sont fées, et Mlle de Guérin, qui était de cette race merveilleuse, ne pouvait rien perdre à vieillir. […] Si, comme l’a dit un hardi penseur « tout homme est l’addition de sa race », elle était l’addition de la sienne, et le malheur, l’isolement dans la vie, l’acceptation de toutes les croix qui sont toutes les vertus, le ciel enfin, descendu dans le cœur de la femme, n’avait pu effacer l’aristocratie puisée dans le sein de sa mère et les traditions du berceau. […] Cette fille, de naturel inconscient, de piété et de solitude, qui écrivit comme elle respira, est le plus saisissant contraste qu’il y ait avec cette insupportable race de bas-bleus qui voudraient peut-être, à cette heure, la réclamer comme une des leurs et se faire panache de sa renommée.

112. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre I. Les origines. — Chapitre II. Les Normands. » pp. 72-164

C’est que ce peuple, lorsqu’il vint en Neustrie, n’était ni un corps de nation, ni une race pure. […] La race forte, fougueuse et brutale se jette sur l’ennemi à la façon d’un taureau sauvage ; les habiles chasseurs de Normandie la blessent avec dextérité, l’abattent et lui mettent le joug. […] C’est pourquoi nulle race en Europe n’est moins poétique. […] Déplorable abondance des idées distinctes et faciles ; on l’a retrouvée au dix-septième siècle, dans le cailletage littéraire qui s’échangeait au-dessous des grands hommes ; c’est le défaut et le talent de la race. […] La race française, et en général la race gauloise, est peut-être, entre toutes, la plus prodigue de sa vie.

113. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — J — Jouy, Jules (1855-1897) »

Philippe Gille Je ne parlerai que d’un chansonnier, mais d’un chansonnier de race, de M.  […] il est de leur race, car ces vieux s’appellent Désaugiers, Béranger, Charles Gille, Pierre Dupont, Darcier, et j’ajoute : Auguste Barbier.

114. (1906) La nouvelle littérature, 1895-1905 « Deuxième partie. L’évolution des genres — Chapitre III. Le roman » pp. 135-201

Parmi les plus récentes productions, ils mettent au premier rang, le Sang des Races de Louis Bertrand qui est à leur avis, la plus substantielle composition sur les mœurs algériennes. […] « Celui-ci se défend énergiquement de faire de l’exotisme et prétend rechercher à travers la complexité algérienne le type et la mentalité persistantes de la race latine dont il voudrait l’unification morale. […] Chacune de ces parties présente un caractère qui est la synthèse d’une race : Moutousami, Talata, Compère et Cafrine. […] Comment cette influence ne s’étendrait-elle pas aux races coloniales qui sont, les unes, très profondément françaises, les autres prêtes à le devenir ? […] Ne pensez-vous pas que cet esprit s’imposera à plus forte raison sur des races hésitantes, puisqu’il apportera les germes d’une civilisation ?

115. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — J — Joncières, Léonce de »

À la vieille terre d’Égypte, toujours mystérieuse au seuil des civilisations, nourricière des races spiritualistes invinciblement, gardienne des religions et des traditions augustes, il a emprunté le décor de ces courts poèmes et aussi la mélancolie qui, des grands yeux de pierre des Sphynx, se répand encore sur l’humanité comme l’ombre du plus beau rêve que l’homme ait conçu. Dans chacun de ces vers d’une couleur ardente, dont l’envolée fait saigner, dans l’air, l’aile des ibis, on sent l’amour profond de la vieille race disparue et de ses superstitions admirables.

116. (1898) L’esprit nouveau dans la vie artistique, sociale et religieuse « II — L’inter-nationalisme »

Son formidable individualisme absorbe et concentre tout ce qui l’entoure, toutes les puissances nutritives de son temps et de sa race, dévore comme un gouffre monstrueux toute la vie cérébrale d’une contrée. […] Il doit disparaître pour faire place aux races plus saines. […] A d’autres, l’admission loyale des éléments extérieurs paraît pratiquement impossible. « Vous ne ferez jamais que des éléments hétérogènes se combinent, nous disent-ils ; il ne faut attendre aucune fécondité du contact de races ou d’individus tout à fait divergents. » Mais les races les plus distantes l’une de l’autre par leur histoire, leur passé, leur situation, leurs mœurs n’ont-elles pas un caractère commun, qui les relie malgré tout, celui d’humanité ? […] C’est alors que les caractères communs de l’espèce apparaissent clairement au-dessus de ses différences de races, de groupes, de peuples et d’individus. […] De même qu’il existe une sorte d’idéal commun aux races, il existe dans le monde un idéal d’humanité, commun à l’espèce et englobant sans les confondre, ceux des nationalités.‌

117. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre XXVIII. Caractère essentiel de l’œuvre de Jésus. »

Je sais que nos idées modernes sont plus d’une fois froissées dans cette légende, conçue par une autre race, sous un autre ciel, au milieu d’autres besoins sociaux. […] On dirait de grandes influences morales courant le monde, à la manière des épidémies, sans distinction de frontière et de race. […] On est de son siècle et de sa race, même quand on réagit contre son siècle et sa race.

118. (1906) Les œuvres et les hommes. À côté de la grande histoire. XXI. « La Chine »

Les autres, moins persuadés que le Céleste Empire soit céleste, ont fait du peuple-phénomène qui l’habite une nation de la date de beaucoup d’autres dans la chronologie asiatique, malgré ses prétentions exorbitantes à l’antiquité ; ni plus grand, ni plus fier, ni plus sage que tous les idolâtres de la terre, que toutes les races tombées et dispersées aux quatre vents de la colère de Dieu, abominablement corrompu, — ce qui lui donne ce petit air vieux qui nous fait croire à sa vieillesse, car la corruption vieillit le multiple visage des peuples comme la chétive figure de l’homme, — laid jusqu’à la plus bouffonne laideur, et, si l’on s’en rapporte aux œuvres qui sortent des mains patientes et industrieuses de ce peuple stationnaire, encagé dans son immuable empire du Milieu, ces œuvres de prisonnier qui s’ennuie et qui apparaissent comme des prodiges à notre fougue occidentale, ayant l’intérieur de la tête aussi étrangement dessiné que le dehors, le cerveau conformé comme l’angle facial ! […] Pauthier et Bazin, qui sont d’un temps plus rassis, n’ont point de ces façons de corybante à tympanon et à cymbales ; mais, avec les airs modérés et prudents, le grand uniforme de la philosophie officielle du xixe  siècle, ils glissent en dessous de leurs grosses statistiques bien de petites phrases où perce la préférence marquée d’une tradition qui n’explique aucune des traditions diverses des races aux dépens de la grande Tradition qui les explique toutes, et c’est au point que sans cette tradition anti-chrétienne, chère aux voltairiens de tous les âges, ils n’oseraient peut-être pas, malgré la chinoiserie de leurs manières de voir et de sentir, nous vanter la Chine et ne rien ajouter aux raisons connues que ses plus anciens partisans avaient déjà de l’admirer. […]  » Nous aurions voulu, enfin, que les historiens apologistes de ce pavs ainsi incriminé, ainsi accusé, et dans son histoire, et dans ses mœurs, et dans son esprit, et dans tout son être, eussent pénétré partout où l’accusation a enfoncé son atteinte, et qu’ils nous l’eussent montré non seulement dans son histoire politique, mais qu’ils fussent descendus au fond des mœurs pour les laver et qu’ils eussent tâté de leurs savantes mains ce crâne arrondi de la race jaune, rasé par les conquérants tartares, pour nous dire au juste ce que, dans cette boîte osseuse, si déformée par la corruption et par l’esclavage. […] Enfin, comme intelligence de la race, ils prennent la mesure du plus fort cerveau chinois qui ait jamais existé, ils nous peignent en pied ce Confucius (Koung-fou-Tseu) qu’ils comparent, on ne sait trop pourquoi, à notre glorieux cardinal de Richelieu, lequel n’a pas grand’chose, pourtant, de ce quaker Oriental, dont la haute philosophie ressemble à une Civilité puérile et honnête… Et c’est ainsi qu’ils confirment, au lieu de la détruire, cette grande accusation portée contre la Chine par des esprits sévères auxquels des potiches et des porcelaines, et une originalité grotesque dans les arts et dans la vie, n’ont pas tout fait pardonner !

119. (1889) Les œuvres et les hommes. Les poètes (deuxième série). XI « Hector de Saint-Maur »

C’est un poète d’organisation et de race, — et de race est le mot. […] Il est de race gauloise comme La Fontaine et Boileau, — non pas Boileau, le froid et didactique auteur de l’Art poétique, mais Boileau, le chantre coloré et chaud du Lutrin. […] Le Romantisme, rectifié et purifié en lui par la plus charmante des natures, lui a laissé ce qu’il avait de bon : le sentiment de l’idéal, les tendresses vives ou rêveuses, les touches chrétiennes, ici et là, adorables à plusieurs places dans son livre (voir ses Fleurs de Missel), et la race de son esprit a ajouté à tout cela la verve joyeuse, l’observation inattendue et piquante, la bonhomie et le comique enfin.

120. (1888) Les œuvres et les hommes. Les Historiens. X. « H. Forneron » pp. 149-199

Ils étaient tous plus ou moins, et Henri surtout, les Marie Stuart mâles de leur race. L’éclat de cette race est si fascinant, cet écheveau de soie éclatante tissée d’acier, qui s’appelle les Guise, si difficile à démêler, qu’il tente l’historien par sa difficulté même. […] Il a dit la grandeur de cette race. […] Ils ont emporté avec eux une quatrième race, et les tristes descendants qu’ils ont laissés derrière eux ont montré ce que cette quatrième race aurait été. […] Né en Espagne, d’une mère espagnole, il était l’expression irréductible et sans mélange de la race de sa mère.

121. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Madame la duchesse d’Angoulême. » pp. 85-102

Tout change, tout meurt ou se renouvelle ; les races les plus antiques et les plus révérées ont leur fin ; les nations elles-mêmes, avant de tomber et de finir, ont leurs manières d’être successives et revêtent des formes diverses de gouvernement dans leurs divers âges ; ce qui était religion et fidélité dans un temps n’est plus que monument et commémoration du passé dans un autre ; mais à travers tout, tant que la dépravation n’est pas venue, il y a quelque chose qui reste : l’humanité et les sentiments naturels qui la distinguent, le respect pour la vertu, pour le malheur, surtout immérité et innocent, la pitié qui elle-même n’est que le nom de la piété envers Dieu en tant qu’elle se retourne vers les infortunes humaines. […] Ce tendre rejeton d’une si longue et si illustre race était frappé et desséché peut-être jusque dans ses futurs rameaux. […] Pour que le jeune cœur de Madame Royale ne prît point à cette heure une haine irréconciliable et un mépris sans retour pour la race humaine, pour qu’elle conservât sa sérénité, sa candeur, sa foi, son espérance au bien, il fallut les divins exemples et les secours qu’elle trouva autour d’elle, surtout dans sa tante Élisabeth, cette personne céleste ; il fallut cette religion précise, pratique, dont nul esprit fort n’aura jamais le droit de sourire, puisqu’elle seule est de force à soutenir et à consoler de telles douleurs. […] Incapable d’une mauvaise pensée, mais aussi d’une feinte, si elle ne vous aimait pas, il lui était impossible de vous dire ou de vous laisser croire le contraire. « C’était le plus loyal gentilhomme, me dit-on, et qui n’a jamais menti. » Elle aimait ses amis, elle pardonnait à ses ennemis ; mais, dans la religion de sa race et de son malheur, elle croyait aux fidèles et aux infidèles, aux bons et aux méchants : peut-on s’en étonner ? […] Cette jeune fille royale, qui croit naturellement au droit de sa race, veut exprimer par là que la fidélité à ses rois dans le malheur est un devoir et une vertu ; mais, même quand il n’en serait pas tout à fait comme elle le pense, son expression droite et naïve ne l’a point trompée ; elle dit vrai encore : car ce qui n’était plus un devoir de fidélité peut-être, en était un pour le moins d’humanité, et quiconque a passé le seuil du Temple en ces trois années et y a paru compatissant à de telles infortunes, mérite l’estime, de même que quiconque y a passé sans être touché au cœur ni serviable, a une mauvaise marque.

122. (1818) Essai sur les institutions sociales « Chapitre II. Marche progressive de l’esprit humain » pp. 41-66

Son roi appartient à la plus ancienne race royale qui existe, une race dont l’origine se confond avec le berceau même de la religion de l’Europe, qui est en même temps le berceau de notre monarchie. […] Ne pourrait-on pas faire un arbre généalogique de toutes les races poétiques ou intellectuelles qui ont mené le genre humain ? […] Une telle épithète renferme un vaste sens : elle signifie non seulement chef d’un peuple, mais encore père du siècle futur, fondateur d’une société humaine, souche d’une race destinée à régner. […] La théocratie des Juifs nous montre donc comment se fait l’élection des races royales.

123. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Souvenirs militaires et intimes du général vicomte de Pelleport, publiés par son fils. » pp. 324-345

Qui n’a salué en lui toute une race de vaillants, et la plus aisée à reconnaître, brave, glorieuse, évidemment née pour la guerre, avide des occasions, impatiente de les faire naître, toujours en avant, en dehors, confiante, brillante, la plus prompte au danger, mais ardente aussi à l’honneur et à la récompense ? […] Quel nom de chef trouver pour personnifier ces races pures dont le propre est précisément de se sacrifier, de s’effacer, de se tenir au second rang partout, hormis quand on est au feu, et de n’avoir rien d’éclatant ? […] C’est à cette race, avant tout honnête, intègre, scrupuleuse autant qu’intrépide, qu’appartient le général Pelleport, dont les Souvenirs nous occupent en ce moment. […] J’étais en veine. » Notez que ce grade de capitaine, il l’aura le 20 mars 1799, en Syrie. — Homme modeste, qui est de la race patiente, qui ne crie pas à tout bout de champ à l’injustice, à l’ingratitude, qui est plus occupé de mériter que d’obtenir, et que cette fièvre d’avancement qu’on voit à tant d’autres ne dévore pas ! […] C’est ce sentiment-là, répandu dans ces pages et inspirant toute une vie, qui est fait pour toucher et pour donner à des générations bien différentes l’idée de toute une race d’hommes, laquelle, il faut l’espérer, n’est point perdue.

124. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « La Grande Mademoiselle. » pp. 503-525

Mademoiselle, personne d’imagination, de fantaisie et d’humeur, mais de peu de jugement, réalisa beaucoup de ce type en elle : elle y ajouta tout ce qui était propre aux préjuges de sa race et aux superstitions de sa naissance. […] Dans un temps où Richelieu dominait et « où la tyrannie régnait si hautement, même sur les personnes royales », elle garda en elle le culte intact et la haute idolâtrie de sa propre race. […] Les bonnes qualités de Mademoiselle percent déjà : elle aura de l’humanité malgré ses préjugés de race, de la fidélité à ses amis dans leurs diverses fortunes, de la dignité. […] Les dents pourtant, qui n’étaient pas belles, et le nez grand et aquilin, accusaient les défauts assez ordinaires à la race des Bourbons. […] Elle aime surtout la grandeur, elle aime la gloire ; elle s’y méprit souvent ; elle a toutefois des mouvements de fierté, d’honneur et de bonté, dignes de sa race.

125. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Lettres et opuscules inédits du comte Joseph de Maistre. (1851, 2 vol. in-8º.) » pp. 192-216

Et M. de Maistre énumérait hardiment ces diverses suppositions : « Si la maison de Bourbon est décidément proscrite, il est bon que le gouvernement se consolide en France, il est bon qu’une nouvelle race commence une succession légitime, celle-ci ou celle-là, n’importe à l’univers… J’aime bien mieux Bonaparte roi que simple conquérant. » Si c’est le contraire qui arrive, et si les Bourbons ne sont pas à jamais rejetés, il faut bien qu’on leur prépare les voies du retour, car eux-mêmes ne sont pas gens à rien inventer pour cela : Les Bourbons français, dit M. de Maistre par une appréciation historique d’une parfaite justesse, ne sont certainement inférieurs à aucune race régnante ; ils ont beaucoup d’esprit et de bonté. […] Et il agite, il retourne en tout sens son terrible dilemme, insistant de préférence sur la supposition que les Bourbons ne sont pas encore une race usée et peuvent encore faire fonction de race vraiment royale, auquel cas « la commission de Bonaparte, selon lui, est de rétablir la monarchie et d’ouvrir tous les yeux, en irritant également les royalistes et les Jacobins, après quoi il disparaîtra lui ou sa race. ». […] Il avait tenu entre ses mains, à Milan, le livre des Considérations sur la France, et il avait pu y reconnaître en quelques minutes un esprit de race supérieure, et tel qu’il les aimait.

126. (1906) Les œuvres et les hommes. Poésie et poètes. XXIII « Comte de Gramont »

Chère toujours à la race sans idées et sans cœur des païens de la fantaisie, cette école, qui a trouvé sa colonne d’Hercule dans le dernier livre (Émaux et Camées) de Gautier, — le seul de ses enfants posthumes dont le vieux Ronsard se sentirait de l’orgueil, — cette école pourrait réclamer Gramont comme un des poètes de sa pléiade, mais, tout esclave qu’il en est par le plus large côté de ses œuvres, il lui échappe cependant, et, en résumé, il vaut mieux qu’elle. […] Gramont est un homme de race militaire, et la virilité de sa pensée donne souvent à l’accent de sa poésie quelque chose de stoïquement inconsolable, d’un effet très pénétrant et très nouveau… Sorti d’un père vendéen, ami de Talmont et de Charette, ce fiancé de l’épée, à qui l’épée a manqué, victime fière et pure de la fidélité du souvenir, nous dit dans ses Chants du Passé tous les veuvages de sa jeunesse : Je comptais retrouver cette épouse de fer  Que de ma destinée une erreur a disjointe. […] Ce poète d’une race finie et d’une cause perdue, ce Redgauntlet poétique des Stuarts de la France, qui fait vivre sa muse au poste où il eût été digne de mourir, mais où le combat n’est même plus, à côté de beaucoup de sonnets tels que le suivant, — qui ressemble à ces écussons de marbre noir que soutiennent parfois des anges tumulaires aux coins silencieux des mausolées : Ce fut un vaillant cœur, simple, correct, austère ; Un homme des vieux jours, taillé dans le plein bloc, Sincère comme l’or et droit comme un estoc, Dont rien ne détrempa le mâle caractère.

127. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Agrippa d’Aubigné. — II. (Fin.) » pp. 330-342

D’Aubigné était de cette race cassante qui ne se refuse jamais un coup de langue, et qui pour un bon mot va perdre vingt amis ou compromettre une utile carrière. […] En un mot, il n’est pas seulement de l’ancienne race féodale et frondeuse qui se relève et regimbe sous le niveau, il est déjà de la race qui écrit et qui imprime. […] À la première vue, il a une physionomie grandiose et une ride austère qui étonne, et qui semble accuser en lui et en ses contemporains une race plus forte que celle d’aujourd’hui.

128. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 15, le pouvoir de l’air sur le corps humain prouvé par le caractere des nations » pp. 252-276

Enfin cette ressemblance diminuant toujours à chaque géneration et à proportion que des habitations des hommes, les unes s’avoisinoient de la ligne et les autres s’approchoient du pole arctique, les races des hommes se sont trouvées être aussi differentes qu’elles le sont aujourd’hui. […] On peut bien croire que les premiers qu’ils y transporterent pour faire race, étoient des plus beaux de l’Andalousie où se faisoit l’embarquement. […] Il est des païs en Amerique où la race de ces chevaux a dégeneré. […] Véritablement il est en Amerique d’autres païs où la race des chevaux andalous s’est encore annoblie.

129. (1870) La science et la conscience « Chapitre III : L’histoire »

On peut étudier une époque, une race, un peuple, une classe, uniquement dans les manifestations extérieures de leur activité politique ou littéraire, en ne s’attachant qu’aux faits et gestes des grands acteurs historiques. […] Mais, si intéressant et si instructif que soit ce tableau, Thucydide ne songe point dans la suite de son livre à rapprocher des faits et des institutions politiques ces circonstances de race, de position géographique, de constitution économique, qu’il a résumées dans les premières pages. […] Inspiration d’un génie divin ou œuvre d’un génie tout personnel, voilà à quoi se résume toute leur critique ; nulle idée de rapport avec la nature extérieure, la race ou la société à laquelle appartiennent les artistes. […] La nature y joue aussi son rôle par l’influence extérieure des climats et des situations géographiques, et aussi par le travail interne des causes ethnographiques et économiques, double action qui concourt, avec les causes politiques et morales, à former les instincts, les tempéraments, les mœurs, les aptitudes des races et des nations. […] Guizot a embrassé dans une savante analyse la race conquise et la race conquérante, le droit barbare et le droit romain, l’église, la monarchie, la noblesse, les communes, la littérature et la philosophie, enfin tous les éléments de la réalité historique, montrant le rôle de chacun dans l’économie générale des sociétés modernes, et particulièrement de la nôtre.

130. (1913) Essai sur la littérature merveilleuse des noirs ; suivi de Contes indigènes de l’Ouest-Africain français « Contes — XVI. Le dévouement de yamadou havé »

— « Le marabout, reprit Yamadou, a dit que, par la vertu du talisman, je mourrai demain pour le salut de ma race. […] Je désire qu’ils puissent épouser les femmes de votre race.

131. (1884) Articles. Revue des deux mondes

Selon lui, le caractère dominant de l’enfance, chez l’individu comme chez la race tout entière, c’est un débordement de vie joyeuse et sensitive qui trouve son expression dans l’art. […] Ce qui doit nous édifier, c’est cette teutomanie naïve qui prétend concentrer dans la seule Allemagne ce qui reste de vie au genre humain et raie sans façon la France et les races latines du livre de l’avenir. […] Naudin dit ici des espèces animales et végétales, et des races humaines, de Lasaulx s’est efforcé de l’établir à l’égard des nations. […] Cet idéal, si défiguré qu’il soit par l’ignorance et la superstition, nul individu, nulle race humaine, n’en sont totalement dépourvus. […] Des deux branches de cette race, c’est la branche romaine (gréco-romano-celtique) dont la civilisation a été prédominante pendant l’antiquité classique et le moyen âge.

132. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « M. Ernest Renan »

Renan est de cette race des hautes intelligences ; c’est une intelligence aristocratique, royale au sens de Platon, et même qui est restée un peu sacerdotale et sacrée de tour et d’intention jusque dans son entière émancipation philosophique. […] À la fin de la préface d’un de ses recueils à propos d’un travail sur la Poésie des races celtiques, qu’il y a inséré, il se plaît à revenir en arrière, à repasser sur les souvenirs, les piétés et même les mystiques superstitions de ses pères ; il se met tout à coup à regretter que les humbles marins, ses aïeux, n’aient pas tourné leur gouvernail, n’aient pas laissé dériver leur barque vers d’autres rivages ; il se suppose un moment enfant attardé, fidèle, de la pauvre et poétique Irlande ; écoutez ! […] J’ai voulu une fois dans ma vie dire ce que je pense d’une race que je crois bonne, quoique je la sache capable, quand on exploite sa droiture, de commettre bien des naïvetés. Les vieux souvenirs de cette race sont pour moi plus qu’un curieux sujet d’étude ; c’est la région où mon imagination s’est toujours plu à errer, et où j’aime à me réfugier comme dans une idéale patrie… Ô pères de la tribu obscure au foyer de laquelle je puisai la foi à l’invisible, humble clan de laboureurs et de marins à qui je dois d’avoir conservé la vigueur de mon âme en un pays éteint, en un siècle sans espérance, vous errâtes sans doute sur ces mers enchantées où notre père Brandan chercha la terre de promission ; vous contemplâtes les vertes îles dont les herbes se baignaient dans les flots ; vous parcourûtes avec saint Patrice les cercles de ce monde que nos yeux ne savent plus voir. […] — Autre exemple : si les diverses races humaines se sont produites sur ce globe successivement et par des générations distinctes comme la science peut être amenée à le reconnaître et comme il incline à le penser, comment alors sauver le grand dogme sacré de l’unité humaine, cette croyance :« que tous les hommes sont enfants de Dieu et frères ? 

133. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Histoire de la littérature anglaise par M. Taine. »

L’auteur eût diminué peut-être le nombre des contradicteurs s’il avait donné au livre son vrai titre : Histoire de la race et de la civilisation anglaises par la littérature. […] Il n’est pas douteux pourtant que, quoi que l’homme veuille faire, penser ou écrire (puisqu’il s’agit ici de littérature), il dépend d’une manière plus ou moins prochaine de la race dont il est issu et qui lui a donné son fonds de nature ; qu’il ne dépend pas moins du milieu de société et de civilisation où il s’est nourri et formé, et aussi du moment ou des circonstances et des événements fortuits qui surviennent journellement dans le cours de la vie. […] Taine n’a fait autre chose qu’essayer d’étudier méthodiquement ces différences profondes qu’apportent les races, les milieux, les moments, dans la composition des esprits, dans la forme et la direction des talents. — Mais il n’y réussit pas suffisamment, dira-t-on ; il a beau décrire à merveille la race dans ses traits généraux et ses lignes fondamentales, il a beau caractériser et mettre en relief dans ses peintures puissantes les révolutions des temps et l’atmosphère morale qui règne à de certaines saisons historiques, il a beau démêler avec adresse la complication d’événements et d’aventures particulières dans lesquelles la vie d’un individu est engagée et comme engrenée, il lui échappe encore quelque chose, il lui échappe le plus vif de l’homme, ce qui fait que de vingt hommes ou de cent, ou de mille, soumis en apparence presque aux mêmes conditions intrinsèques ou extérieures, pas un ne se ressemble14, et qu’il en est un seul entre tous qui excelle avec originalité. […] Il en est ainsi d’un bout à l’autre de l’histoire ; chaque siècle, avec des circonstances qui lui sont propres, produit des sentiments et des beautés qui lui sont propres ; et à mesure que la race humaine avance, elle laisse derrière elle des formes de société et des sortes de perfection qu’elle ne rencontre plus.

134. (1887) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Troisième série « Pierre Loti »

Il jouit de sentir qu’il y a entre certaines races de telles différences que jamais elles ne se comprendront, de sentir que les hommes sont impénétrables et inintelligibles les uns aux autres, comme l’univers est inintelligible à tous. […] Au reste, s’ils les voyaient bien, ils y prendraient tant de plaisir qu’ils n’auraient plus de courage pour l’action ; puis ils comprendraient l’abîme qui sépare les races et renonceraient à leur tâche impossible et sublime. […] Et ce qui augmente encore son trouble, c’est le mystère de cette race maorie qui vient on ne sait d’où, qui passe sa vie à rêver et à faire l’amour, qui n’a pour toute religion qu’une vague croyance aux esprits des morts ; de cette race voluptueuse et songeuse qui vit dans une nature trop belle, mais muette, où il n’y a pas d’oiseaux, où l’on n’entend que le bruit des flots et du vent ; de cette race sans histoire qui va décroissant et s’éteignant d’année en année et qui mourra d’avoir été trop heureuse… Et cependant la reine Pomaré donne un bal dans ses salons aux officiers de marine.

135. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « La Fontaine. » pp. 518-536

Elle jouit de ces charmants tableaux encore plus qu’elle ne songe à les mesurer ou à les classer ; elle en aime l’auteur, elle le reconnaît pour celui qui a le plus reproduit en lui et dans sa poésie toute réelle les traits de la race et du génie de nos pères ; et, si un critique plus hardi que Voltaire vient à dire : « Notre véritable Homère, l’Homère des Français, qui le croirait ? […] Qu’on veuille bien se retracer avec netteté la différence des deux races : d’une part, nos vieux Gaulois, nos auteurs de contes et de fabliaux, Villon, Rabelais, Régnier, et tous ceux, plus ou moins connus, dont l’esprit vient se résumer et se personnifier en La Fontaine comme en un héritier qui les couronne et les rajeunit, si bien qu’on le peut définir le dernier et le plus grand des vieux poètes français, l’Homère en qui ils s’assemblent une dernière fois librement, et se confondent. D’une autre part, il y a eu en France, à divers moments, des tentatives pour introduire et naturaliser le genre élevé, romanesque, sentimental ; mais toujours ce genre, après une vogue passagère, a plus ou moins échoué et a été sacrifié en définitive : l’esprit de la race gauloise première a prévalu. […] Il est tout simple que le grand représentant de cette poésie qui avait toujours manqué à la France, s’en prenne à La Fontaine qui est l’Homère de la vieille race gauloise. […] Je ne le crois pas, et l’on peut déjà s’en apercevoir : la poésie des Méditations est noble, volontiers sublime, éthérée et harmonieuse, mais vague ; quand les sentiments généraux et flottants auxquels elle s’adressait dans les générations auront fait place à un autre souffle et à d’autres courants, quand la maladie morale qu’elle exprimait à la fois et qu’elle charmait, qu’elle caressait avec complaisance, aura complètement cessé, cette poésie sera moins sentie et moins comprise, car elle n’a pas pris soin de s’encadrer et de se personnifier sous des images réelles et visibles, telles que les aime la race française, peu idéale et peu mystique de sa nature.

136. (1868) Cours familier de littérature. XXV « CXLVe entretien. Ossian fils de Fingal »

Je suis de la race des braves : jamais mes ancêtres ne connurent la crainte. » « Calmar fut le premier de ma famille, il se jouait au milieu des tempêtes. […] L’Esprit de la tempête abandonna les airs ; la lune et les étoiles reparurent. » « Telle était l’intrépidité de ma race, et Calmar ressemble à ses ancêtres. […] J’attends sur ce rivage le sombre, le puissant Swaran : qu’il vienne avec toute sa race ; car ils sont terribles dans le combat, les amis des morts !  […] Fingal, placé le plus près de l’ennemi, écoutait les chants des bardes qui célébraient sa race illustre. […] Allez, qu’ils n’échappent pas à mon épée en fuyant sur les vagues du Nord : car combien de guerriers de la race d’Erin sont ici couchés sur le lit de mort ! 

137. (1880) Les deux masques. Première série. I, Les antiques. Eschyle : tragédie-comédie. « Chapitre X, Prométhée enchaîné »

Alors le Titan eut pitié de cette race maudite, dont il pressentait les hautes destinées. […] Il surgit en agitant sa tige enflammée, au milieu de cette race obscure, et la lumière se lève sur elle comme l’aurore sur la nuit. […] Ne vois-tu pas l’inerte impuissance enchaîner la race aveugle des mortels ? […] Quel est celui-ci et quelle est cette race ? […] La conception de dieux absolus, éternellement parfaits et immuables, était étrangère à la race hellène.

138. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre XI. Mme Marie-Alexandre Dumas. Les Dauphines littéraires »

Mais ceux-là mêmes qui nient le plus dru l’héroïsme de par la race, sont les premiers et les plus obstinés à admettre que le talent, cet héroïsme de l’esprit, cette gentilhommerie du talent, qui ne s’est donné pourtant, comme l’autre, que la peine de naître, peut se transmettre de père en fils, — et même en fille, — et qu’en littérature, il y a des races, il y a des dynasties, il y a des Rois et des Dauphins, et, ce qui est plus fort, des Dauphines ; et, chose entièrement inconnue à cette vieille bête de monarchie qui ne connaissait que les Dauphines par mariage ! […] comme elle a été mondaine autrefois et même comme elle a été ménagère, quand elle mettait une robe de velours et passait un poignard à sa ceinture pour aller payer une note chez son épicier, tant l’effet dramatique est de race chez ces Dumas !

139. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Troisième partie. Beaux-arts et littérature. — Livre troisième. Histoire. — Chapitre premier. Du Christianisme dans la manière d’écrire l’histoire. »

L’esprit de Dieu s’étant retiré du milieu du peuple, il ne resta de force que dans la tache originelle qui reprit son empire, comme au jour de Caïn et de sa race. […] La patrie n’est plus dans ses foyers, elle est dans un camp sur le Rhin, comme au temps de la race de Mérovée ; on croit voir le peuple Juif chassé de la terre de Gessen, et domptant les nations barbares dans le désert.

140. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — S — Strada, José de (1821-1902) »

. — L’Épopée humaine : La Mort des Dieux (1866) ; la Mêlée des races (1874) ; la Genèse universelle (1890) ; le Premier Pontife (1890) ; les Races (1890) ; Premier cycle des civilisations : Sardanapale (1891) ; Deuxième cycle de la civilisation : Jésus (1899). — Charlemagne (1893). — La Pallas des peuples (1893). — Abeylar (1894). — La Loi de l’histoire (1894). — Jeanne d’Arc (1895). — Borgia (1896). — Jésus et l’Ère de la science (1896). — Philippe le Bel (1896). — Don Juan (1897). — Pascal et Descartes (1897). — Rabelais (1897). — La Religion de la science et l’Esprit pur (1897). — Ultimum Organum (1897).

141. (1908) Dix années de roman français. Revue des deux mondes pp. 159-190

Ce sera, apparemment, le durable prestige dont l’œuvre entière de Pierre Loti demeurera auréolée, que l’âme des races enfantines ait pu trouver dans cette œuvre une aussi saisissante expression, en même temps qu’elle y trahissait toute sa grâce voluptueuse et un peu obscure. […] Ils ont prétendu, de plus, montrer en eux l’action des forces sociales et nous faire surprendre les transformations que le travail des idées et que les vicissitudes des mœurs ont opérées dans la vie d’un peuple ou dans l’histoire d’une race. […] En comprenant l’âme de ces pays étrangers, ils comprennent mieux aussi leur patrie et que tout être vivant naît d’une race, d’un sol, d’une atmosphère… « Si donc l’on veut réaliser la vie dans sa plénitude, il faut commencer par reconnaître les liens qui nous relient à la terre où nous sommes nés, à la race dont nous sommes issus. […] Les élèves, grandis dans une clôture monacale et dans une vision décharnée des faits officiels ou de quelques grands hommes à l’usage du baccalauréat, ne comprennent guère que la race de leur pays existe, que la terre de leur pays est une réalité et que, plus existant, plus réel encore que la terre ou la race, l’esprit de chaque patrie est pour ces fils l’instrument de libération. » L’Appel au soldat pose un cas de psychologie de l’âme populaire. […] Louis Bertrand dont le roman de l’Invasion eut récemment un très franc succès, mais que déjà ses premiers livres la Cina, le Sang des Races, le Rival de Don Juan avaient mis en vedette comme un écrivain d’avenir.

142. (1862) Cours familier de littérature. XIII « LXXVIe entretien. La passion désintéressée du beau dans la littérature et dans l’art. Phidias, par Louis de Ronchaud (1re partie) » pp. 177-240

« Excepté la Bretagne, il n’y a pas de race française qui ait plus de vertus civiles et militaires innées que ce Jura. » XII Le Paysan du Danube était un ancêtre des Francs-Comtois ; l’esprit, sous une apparence de naïveté rurale, y est aussi poétique que la montagne, et il y a de l’Ossian dans ces cimes et dans ces nuées. […] Ce qu’on appelle l’originalité, c’est-à-dire ce sens du terroir qui donne une sève étrangère aux esprits d’une race peu mêlée aux autres races, est le cachet des écrivains, des publicistes, des poètes francs-comtois, beaucoup de bon sens mêlé à beaucoup de rêves. […] La loyauté de sentiment jointe à la modération et au patriotisme de race donna à sa candidature une unanimité de convenances aristocratiques et de confiance populaire qui fut justifiée par ses votes ; il fut royaliste sans cesser d’être national. […] Voilà les dilettanti ou les amateurs ; race dont je suis un peu moi-même, que j’ai beaucoup recherchée et souvent enviée, dans ma vie active. […] On murmure à voix basse que la beauté, le talent, la célébrité d’une femme d’exception, qui cache son nom comme il convient aux femmes de porter un voile dans la foule, ou aux Clorindes de revêtir une armure d’homme en combattant ; on murmure, disons-nous, que l’attrait d’esprit, le nom voilé, les éclats de célébrité de cette personne, ont fasciné d’un éblouissement désintéressé les yeux et l’âme de ce Platon de la solitude ; que, semblable à ces chevaliers dont la race et le sang coulent dans ses veines, il a senti le besoin de porter dans le cloître ou dans les combats une dame de ses pensées, et qu’il lui a voué ce qu’on appelle un culte, un servage, une foi chevaleresque, épurée de tout, hors de la joie de se dévouer !

143. (1886) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Deuxième série «  Leconte de Lisle  »

Il se détachait de lui-même et de son temps, s’éprenait tout naïvement des grâces de la vie primitive chez une belle race, se faisait une âme grecque ou plutôt, mystérieux atavisme, retrouvait cette âme en lui. […] Quand on sait ou qu’on devine beaucoup, qu’on est d’une vieille race fatiguée et sans naïveté, il peut arriver qu’on en souffre, et ce malaise redouble l’ardeur de connaître et de sentir ; il nous fait chercher l’oubli dans la curiosité croissante ou dans une sorte de sensualisme esthétique. […] Il est remarquable que celui-là soit le moins ému, qui s’est fait le poète des religions et qui s’est attaché aux manifestations du sentiment le plus intime, le plus enfoncé au cœur des races. […] Quand « assouvi de son rêve », Dieu voudra détruire la race humaine par le déluge, Kaïn la sauvera. […] les blêmes chairs des races égorgées, De corbeaux, de vautours et d’aigles assiégées, Exhalaient leurs parfums dans le ciel radieux Comme un grand holocauste offert aux nouveaux dieux.

144. (1917) Les diverses familles spirituelles de la France « Chapitre vi »

Si tu penses cela comme moi, va donc le dire à tes camarades. »‌ Ici, nous touchons sans doute au fond de notre race, plus guerrière que militaire. […] Ce trait immédiatement nous emporte dans ces profondes parties de notre race (plus estimables qu’agréables) qui produisirent les Arnauld et tout le monde janséniste, Pascal mis à part, les Lamennais, les Proudhon. […] Nous nous défendons premièrement contre des monstres, des monstres sensés qui vont au fond de tout, même du crime. » — « Cette race est basse, elle sera vaincue et déshonorée. »‌ Au 19 novembre 1914, il fait cette réflexion : « La plus grande grandeur de cette guerre, il me semble, je la vois dans ceci qu’elle rend immédiat, universel l’ordre de la mort, et possible l’ordre de la justice. […] Peu avant sa mort, relisant son ouvrage la Paix intérieure, il écrit en marge : « Ô alouettes de ces matins, chères alouettes françaises, inspirez-moi mieux. » A ce cri, je le comprends : il s’arrache aux partis, ce plébéien que la campagne vivifie, ce fils d’une race de paysans et de soldats, cet ouvrier qui s’acharne sur ses carnets pour faire du bel ouvrage, pour créer, pour saisir une vérité. […] » La guerre a réveillé chez nous les vertus de la race : son héroïsme, sa générosité, son désintéressement, ses qualités guerrières et son génie inventif.

145. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre XI. »

poussez sur cette race d’inépuisables gémissements, pour un si coupable sacrifice. » Gagné par la contagion de cette prophétique fureur, le chœur à son tour s’écrie : « Quelle furie m’ordonnes-tu d’évoquer dans cette maison ! […] « Sainte déesse, auguste race de Jupiter, salut, salut encore, ô fille de, Latone et de Jupiter ! […] Nous a qui portons par derrière cette trompe aiguë, nous et sommes les seuls Attiques, les vrais nobles et les indigènes du pays, race belliqueuse et qui servit puissamment Athènes dans la guerre, quand vint le barbare, étouffant de fumée la ville et brûlant les campagnes, dans sa rage de nous enlever de force les rayons de la ruche. […] Mais toi qui fais si bien résonner sur la lyre les doux sons du printemps, commence pour nous des anapestes : « Ô vous, hommes, plongés dans les ténèbres de la vie, semblables à une génération de feuilles, êtres imbéciles, fange animée, foule insaisissable et pareille à une ombre, êtres éphémères sans plumes, misérables mortels, hommes qui ressemblez à des rêves, songez à nous, race immortelle, à nous, vivant toujours dans notre vie aérienne, exempte de vieillesse, contemplateurs des choses éternelles : et, de la sorte, ayant une fois appris de nous la vérité sur le monde céleste, connaissant à fond par moi l’essence des oiseaux, la filiation des dieux et des fleuves, de l’Érèbe et du Chaos, vous direz de ma part à Prodicus de désespérer du reste. […] « Il n’y avait pas, en effet, une race d’immortels, avant que l’Amour eût tout rapproché, et que des uns mêlés avec les autres fussent nés le Ciel, l’Océan, la Terre et la race incorruptible des dieux immortels ainsi nous sommes les plus anciens de tous les êtres divins. » Ce qui suit cette étrange cosmogonie, ce qui s’y mêle d’allégories fantasques et de parodies bouffonnes, ne pourrait parfois se traduire ; mais il suffisait de retrouver ici, au début solennel de ce cantique, la majesté des hymnes grecs, dans ce hardi langage où le moqueur public d’Athènes, maître de tous les tons de la lyre, se joue des caprices de son génie et des perfections de sa langue, tour à tour sublime et bouffon, grave et licencieux, mais toujours poëte et s’égalant aux plus grands poëtes, soit qu’il les raille, soit qu’il les imite.

146. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Exploration du Sahara. Les Touareg du Nord, par M. Henri Duveyrier. »

L’instinct de la patrie qui enchaîne l’homme au sol natal et l’instinct du départ ou de la migration alternaient et se balançaient inégalement selon les peuples et les races. […] Les habitants, au nombre de sept mille environ, sans compter la population flottante, sont de race berbère, c’est-à-dire autochtone, et non arabe ; ils sont ainsi parents des Touareg, mais civilisés, assis et d’humeur citadine, tandis que les autres sont restés obstinément nomades : « Comme les nomades Touâreg, les Ghadamésiens sont souvent sur les routes pour leurs affaires ; mais rencontre-t-on une ville, ces derniers saisissent, en vrais citadins, l’occasion qui leur est offerte d’aller chercher un abri sous un toit protecteur, tandis que les Touâreg semblent tenir à honneur de ne jamais accepter l’hospitalité dans l’enceinte d’une ville, dans l’intérieur d’une maison. […] Ce cheik Othman, ami et promoteur de la civilisation, l’un de ces hommes qui, à travers toutes les distances de races et de croyances, permettent de penser que les hommes sont frères ou qu’ils le deviendront, disait à ses disciples à sa sortie des Tuileries : « Chacune des religions révélées peut élever la prétention d’être la meilleure : ainsi nous, musulmans, nous pouvons soutenir que le Coran est le complément de l’Évangile et de la Bible ; mais nous ne pouvons contester que Dieu ait réservé pour les chrétiens toutes les qualités physiques et morales avec lesquelles on fait les grands peuples et les grands gouvernements. » M.  […] On est plus sûr ainsi de transmettre une parcelle du vrai sang de la race ; on est plus à l’abri de toute infidélité, du côté des moins chastes Lucrèces.    . […] C’est chez eux préjugé de race encore plus que de religion.

147. (1887) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Troisième série « (Chroniqueurs parisiens II) Henry Fouquier »

Il est bien fils de cette race qui a vécu si noblement, de la vie la plus naturelle et la plus cultivée à la fois, de cette race qui n’a point maudit la chair et qui n’a répudié aucun des présents du ciel. […] Par là il est bien de race latine ou de vieille race française.

148. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Chefs-d’œuvre de la littérature française (Collection Didot). Hamilton. » pp. 92-107

Antoine Hamilton, un des écrivains les plus attiques de notre littérature, n’est ni plus ni moins qu’un Anglais, de race écossaise. […] Nourri de bonne heure en France, ayant vécu ensuite à la cour à demi française de Charles II, de tout temps élève de Saint-Évremond et du chevalier de Grammont, avec une veine en lui des Cowley, des Waller et des Rochester, il ne fit que croiser ce qu’il y avait de plus fin dans les deux races. […] Le propre de cette race légère était de ne se démentir jamais. […] Ce sont de ces traits qui peignent au naturel une race fine, mais fortement trempée.

149. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « Relation inédite de la dernière maladie de Louis XV. »

C’est de la sorte seulement qu’on s’explique bien la chute des vieilles races, et la facilité avec laquelle, au jour soudain des colères divines et populaires, l’orage les déracine, sans que la voix tardive des sages, sans que les intentions les plus pures des innocentes victimes, puissent rien conjurer. […] Durant son long règne énervé, il a accumulé comme à plaisir, pour les léguer à sa race, tous les malheurs. […] Il reste clair pour tous qu’avec Louis XV mourant, la monarchie était condamnée déjà, et la race retranchée.

150. (1888) Les œuvres et les hommes. Les Historiens. X. « M. Louis Nicolardot » pp. 217-228

Ce n’est pas du tout un roi fainéant de la première race. […] ce Journal présent de Louis XVI montre parfaitement, malgré sa sécheresse, que ce vertueux inerte fut un passionné, — un passionné comme tous ceux de sa race. […] On a reproché justement à Louis XVI d’avoir été le roi sans épée de sa race.

151. (1893) Les œuvres et les hommes. Littérature épistolaire. XIII « Madame Sand »

II Il s’est étrangement avachi là-dedans… Ce n’est plus là le pied qui, chaussé et maintenu comme dans un brodequin dans un style travaillé, faisait croire à la race de l’écrivain. La race, que Madame Sand a niée à dix reprises différentes et qu’elle avait ses raisons pour nier, la race est ce qui manque le plus à la nature de son esprit, et cette Correspondance l’atteste !

152. (1890) Les œuvres et les hommes. Littérature étrangère. XII « Swift »

Jonathan Swift est né à Dublin, mais ses parents étaient du comté d’York ; il était donc Anglais de race, et on est bien aise de le savoir, quand on croit que la race est encore pour les hommes quelque chose… Mal élevé et malheureux dans les premiers temps de sa vie, Swift, né avec un esprit violent, fut de bonne heure misanthrope dans une société qui blessait son orgueil par toutes ses institutions, et quand le bonheur, la célébrité et l’influence sur les hommes lui vinrent, l’étoffe avait son pli et le vase était imbibé de liqueur amère. […] On a dit que le cant anglais souleva de mépris cette âme forte, qui n’avait rien d’aimable, mais on n’a pas dit encore et surtout on a oublié de voir que le cant de sa société ou de sa race était en lui tellement ancré qu’il influa, durant toute sa vie intellectuelle, sur les procédés les plus intimes de son esprit.

153. (1890) Les œuvres et les hommes. Littérature étrangère. XII « Lessing »

Elle avait les étrangers chez elle, et les étrangers les plus opposés et les plus antipathiques à l’esprit de sa race. […] C’était Shakespeare qu’il fallait pressentir et offrir en exemple au génie des races germaniques comme le générateur suprême, qui donnerait à l’Allemagne un théâtre à elle, et même à l’univers civilisé ! […] Mézières passe sa vie à maçonner des livres sur des livres… Race de parasites qui se choisissent un grand homme pour se nicher dedans et en vivre ; pucerons tapis dans le pli de pourpre de quelque célébrité !

154. (1904) Les œuvres et les hommes. Romanciers d’hier et d’avant-hier. XIX « Ranc » pp. 243-254

», parmi toute cette plèbe d’esprits qui se ressemblent comme les nègres se ressemblent entre eux, comme se ressemblent toutes les races physiologiquement inférieures, qui n’ont guères que la physionomie commune à la race. […] L’auteur du Roman d’une conspiration n’a pas tiré de la foule de tous les conspirateurs qui mettent leur vie au jeu, et bravement l’y laissent, ce Goujet, et surtout ce Rochereuil, qu’il fallait marquer d’un signe à part, — comme ce Redgauntlet, par exemple, qui est aussi un conspirateur, et que le génie de Walter Scott a marqué, pour que l’imagination le revoie toujours dans ses rêves, de ce fer à cheval sur le front, signe du malheur de toute une race, qui perd toutes les causes pour lesquelles elle combat, sans que jamais son courage faiblisse sous le poids de cette sombre et désespérante fatalité !

155. (1904) Zangwill pp. 7-90

« Plus on les regarde, plus on trouve que leurs gestes, les formes de leurs visages annoncent une race à part. […] L’inégalité des races est constatée. […] Chez les Grecs, race plus noble, cela se faisait mieux par la flûte et les jeux des bergers. […] Plus il pénètre dans son art, plus il a pénétré dans le génie de son siècle et de sa race. […] Si cet esprit est le fond même de la race et reparaît à chaque siècle, l’écrivain est un La Fontaine.

156. (1910) Victor-Marie, comte Hugo pp. 4-265

Il remonte la race temporelle. […] Chaque héritier de la race temporelle. […] Naturellement, de race païen. […] Tout cet héroïsme de race (temporelle) promu en héroïsme de grâce, de race éternelle. […] D’où cette race dans la grâce même, comme cette jeune race charnelle et temporelle dans l’éternel même, cette race à part de saints, si différente, si plus près de nous que tant d’autres races de saints ; cette race de grâce, cette race de sainteté si particulière, si chevalière, si généreuse, si libérale, si française.

157. (1882) Qu’est-ce qu’une nation ? « III »

Dans le passé, un héritage de gloire et de regrets à partager, dans l’avenir un même programme à réaliser ; avoir souffert joui, espéré ensemble, voilà ce qui vaut mieux que des douanes communes et des frontières conformes aux idées stratégiques ; voilà ce que l’on comprend malgré les diversités de race et de langue. […] L’homme n’est esclave ni de sa race, ni de sa langue, ni de sa religion, ni du cours des fleuves, ni de la direction des chaînes de montagnes.

158. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre quatrième. Du cours que suit l’histoire des nations — Chapitre I. Introduction. Trois sortes de natures, de mœurs, de droits naturels, de gouvernements » pp. 291-295

Le mot aristocrates répond en latin à optimates, pris pour les plus forts (ops, puissance) ; il répond en grec à Héraclides, c’est-à-dire, issus d’une race d’Hercule pour dire une race noble.

159. (1890) L’avenir de la science « IX »

— Si et jusqu’à quel point les races actuelles sont réductibles l’une à l’autre. […] — À quelle époque l’humanité ou chaque race est-elle apparue sur la terre   Cette question devrait se résoudre par le balancement de deux moyens : d’une part, les données géologiques ; de l’autre, les données fournies par les chronologies antiques et surtout par les monuments. […] — À quels points du globe l’humanité ou les diverses races ont-elles pris leur point de départ   Ici serait nécessaire la connaissance de la géographie dans sa partie la plus philosophique, et surtout la science la plus approfondie des antiques littératures et des traditions des peuples.

160. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre XII. Mme la Princesse de Belgiojoso »

Or, précisément, au milieu de ces événements qui ébranlaient le monde jusque dans sa raison, et qui semblaient pourtant moins une réalité qu’une fantasmagorie, on vit une singulière amazone qui n’était pas une bohème, celle-là, car elle était princesse ; elle était de la race de celles à qui les révolutions coupent très bien la tête, et qui venait par curiosité exposer la sienne. […] Tant que dura le siège de Rome, elle soigna les blessés de ses mains d’Yseult ; et, sœur de charité volontaire, montra cette coquetterie du dévouement et du danger dans laquelle se retrouve la femme de race, mais que les anges de saint Vincent de Paul ne connaissent pas. […] La femme de race qui fait souvent de ces miracles, la femme dont les pères ont héroïquement agi, ne pouvait pas se prendre longtemps dans une écrivaillerie drapée et orgueilleuse.

161. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « Francis Wey » pp. 229-241

Quand un homme est original en Angleterre, il l’est toujours deux fois, parce qu’il a l’originalité de sa race par-dessus ou par-dessous la sienne, tandis qu’en France, quand on l’est, on ne l’est qu’une fois, et même c’est beaucoup ! la race, ici, adorant l’uniforme et l’égalité, et chacun de cette aimable race voulant être son voisin bien avant d’être soi… Eh bien, Wey, — rendons-lui cette justice !

162. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « M. Mistral. Mirèio »

Tant que l’homme ne se sera pas dépravé, lui et sa race, au point de se déformer le cerveau, il y aura toujours la chance de rencontrer un poète épique, dût-il se lever d’entre les nations, accroupies dans leur dernière fange ! […] De race phocéenne et de pays profondément catholique, il bénéficie, dans son talent, de son pays et de sa race, et peut-être, pour cette raison, serait-il difficile à qui ne serait pas de la même terre que lui, — à moi, par exemple, chouette grise de l’Ouest et goéland rauque d’une mer verte, — de préciser avec exactitude à quels endroits du poème en question expire la poésie que M. 

163. (1881) La psychologie anglaise contemporaine « M. Herbert Spencer — Chapitre I : La loi d’évolution »

Mais laissons, si l’on veut, la question ouverte sur ce point, au moins est-il clair que pour l’homme, le plus hétérogène des animaux, c’est dans les subdivisions civilisées de l’espèce que l’hétérogénéité s’est le plus produite ; que l’espèce est devenue plus hétérogène en vertu de la multiplication des races et de la différenciation des races entre elles. […] L’ethnologie, par ses divisions et subdivisions de races, met hors de doute ce progrès en hétérogénéité. En peu de générations, la race saxonne n’a-t-elle pas donné naissance à la variété anglo-américaine, et il s’en forme même une autre en Australie. […] N’y a-t-il point des analogies entre des protozoaires presque sans structure, comme les rhizopodes, les amibes, les foraminifères, les vorticelles, qui forment des agrégats de cellules, sans subordination de parties, sans organisation ; et des races inférieures comme les Bushmen, où la société est quelquefois réduite à deux ou trois familles, où la division de travail n’existe qu’entre les sexes ?

164. (1889) Écrivains francisés. Dickens, Heine, Tourguénef, Poe, Dostoïewski, Tolstoï « Ivan Tourguénef »

Dans ses huit volumes de romans, où figurent tous les exemplaires de la race humaine, du paysan au prince, de la petite fille aux vieilles moribondes, chaque acteur agit, existe et souffre, avec toute l’intensité d’un être en chair, avec des gestes particuliers, une physionomie minutieusement évoquée, des façons individuelles de se tenir, de s’exprimer, de se comporter, d’aimer ou de mourir, qui suscitent peu à peu chez le lecteur des images nettes et comme familières. […] Mais on sa science des nuances morales, son habileté à minutieusement analyser la dépendance et le jeu des départements spirituels, atteint encore au plus liant, c’est dans le débat d’un des problèmes psychologiques les plus considérables de notre époque, celui dont la solution importe le plus à nos races débilitées par une culture intellectuelle trop rapide : l’atrophie graduelle de la volonté par le développement excessif de l’intelligence. […] De plus, les conceptions intellectuelles qui ont envahi ce cerveau, sont étrangères, assimilées, factices : elles ont fait de Roudine un homme expulsé de toutes les traditions nationales, mis à part de sa race. […] Tourguénef semble bien connaître autrement notre race que par les vagues abstractions qu’en conçoivent la plupart des cerveaux, ces catégories grossières où les bonnes gens sont à droite et les vicieux à gauche. […] Les généralisateurs, se haussant à la notion de race et de substance, dépassant l’individuel et l’actuel, aperçoivent dans l’écoulement infini des phénomènes, dans l’incessante suite des avortements et des échecs, la parcelle de succès, qui, positif et acquis, grossit la somme des biens.

165. (1906) Les œuvres et les hommes. À côté de la grande histoire. XXI. « Saint-Simon »

Mais à l’heure qu’il est, où l’atavisme est une idée admise par les savants et où la jeune physiologie moderne conclut, en matière d’hérédité, comme la vieille théologie, on reconnaîtra bien peut-être qu’il y a dans l’âme comme dans le corps des races d’épouvantables transmissions, et c’est la preuve expérimentale de cette vérité que Saint-Simon a faite avec une largeur de génie qui a dépassé de ses ailes l’étroite envergure d’un Mémoire… Il a recherché toutes les bâtardises des races royales qui ont régné dans notre histoire, et, à toutes les hauteurs, il a trouvé ce résultat formidable : c’est que partout où il y a eu bâtardise, il y a eu pour l’État trouble, péril et trahison… Saint-Simon n’est pas, lui, un nigaud à métaphysique. […] Dans ce Mémoire contre eux, il a relevé et compté avec beaucoup de soin et de détail tous les bâtards des races royales qui ont successivement régné sur la France, et que la faiblesse de leurs générateurs a fait sortir de l’obscurité à laquelle les mœurs et les lois de ce pays, qui fut la monarchie française, condamnaient toutes les bâtardises, et on peut s’étonner du petit nombre de ces bâtards. […] Par ce côté, l’homme de race restait pur dans les souillures de l’homme individuel… Tandis que les autres rois qui suivirent, Henri II, Charles IX, Henri IV, plus coupable encore, et Louis XIV, le plus coupable de tous, mirent jusque dans le sanctuaire de l’État toutes les couvées de leurs bâtards, et c’est de toutes ces honteuses couvées que Saint-Simon a raconté l’histoire jusque dans leurs dernières générations… Histoire effroyable, dont il a fait un argument et un exemple contre la légitimation des bâtards, doublement adultérins, de Louis XIV, la plus odieuse, la plus scandaleuse, la plus exécrable de toutes ces légitimations, et qu’il a écrite pour épouvanter de celle-là ! […] Transgression de la loi des races royales qui menaient le monde et de l’hérédité qui les rendait inamovibles et éternelles, encore une fois, c’était la fin !

166. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « X. Ernest Renan »

Renan, l’humanité a le sentiment religieux ou le sentiment du surnaturel, plus fort ici que là, dans certaines races que dans certaines autres, mais elle l’a incontestablement. […] Renan, « que le langage de l’homme s’est comme formé d’un seul coup, et est comme sorti instantanément du génie de chaque race », pose donc la diversité de la race à la première ligne de son affirmation. […] homme ou enfant, esprit humain, race, et quelle race ou autre chose ?

167. (1856) Cours familier de littérature. I « VIe entretien. Suite du poème et du drame de Sacountala » pp. 401-474

» dit-il, « fallait-il donc que cette race antique qui, depuis son origine, s’était conservée si pure, trouvât sa fin en moi, qui ne dois pas connaître le nom si doux de père ; semblable à un fleuve majestueux dont les eaux limpides et abondantes finissent par se perdre dans des sables stériles et ignorés !  […] je vois dans cette insigne faveur un gage assuré de l’illustration de ma race. […] Bavahbouti, au contraire, est le plus énergique et le plus majestueux des poètes dramatiques de sa race ; on peut le nommer l’Eschyle du même théâtre. […] Le père de Bavahbouti était un brahmane appartenant à cette illustre race, dont l’origine se perdait dans les temps héroïques. […] Ô Terre, déesse toute-puissante, et toi, brillant Soleil, dieu de ma race, sages et saints, qui deviez la protéger, cruels, pourquoi avez-vous abandonné Sita à son destin ?

168. (1887) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Troisième série « Gaston Paris et la poésie française au moyen âge »

La race n’est pas éteinte des gens qui, du temps de la Bruyère, recherchaient avec passion si c’était la main gauche ou la main droite qu’Artaxercès avait plus longue que l’autre. […] Je serais charmé de m’appeler Montmorency : ce serait une joie pour moi d’avoir été déjà glorieux bien loin dans le passé ; mais, si nous ne sommes pas de haute lignée par le sang et le nom, nous sommes du moins, nous les lettrés, d’une grande et vieille race intellectuelle : nous remontons à Téroulde et par-delà, plus haut que les Montmorency ; et cela nous console amplement, et nous remercions M.  […] Il ne faut pas oublier que ces cinq siècles ont été fort troublés, que la guerre de Cent ans a été une terrible interruption dans le progrès intellectuel de notre race ; et, malgré cela, nous étions déjà en bon chemin quand la beauté antique nous a été révélée. […] Nous connaissons plus de choses que les hommes des trois derniers siècles ; nous savons mieux qu’eux nous représenter des états d’esprit et de conscience différents du nôtre ; l’étude de l’histoire, la multiplicité des expériences faites avant nous, le cours du temps, même la vieillesse de la race, un certain affaiblissement des caractères et de la faculté de croire et d’agir, tout cela a développé chez nous la curiosité et l’imagination sympathique.

169. (1872) Nouveaux lundis. Tome XIII « Appendice — Début d’un article sur l’histoire de César »

Début d’un article sur l’histoire de César Il y a deux sortes et comme deux races de Césars ; les Césars par nature et par génie, et les Césars par volonté. […] On en a vu ainsi, sans une goutte du sang héréditaire dans leurs veines, sans un seul trait primitif du génie fondateur de la race, en devenir, à force d’application, de méditation et de culte, les dignes et légitimes héritiers.

170. (1880) Les deux masques. Première série. I, Les antiques. Eschyle : tragédie-comédie. « Préface »

Les Védas récemment ouverts ont révélé la parenté directe des religions de la Grèce avec les premières croyances de la race aryenne, mère de l’Inde et de la Perse, aïeule immémoriale de l’Europe. […] Il est temps de séparer, par le changement radical des noms, la mythologie plagiaire des peuples latins de la mythologie créatrice et originale des races helléniques.

171. (1886) Quelques écrivains français. Flaubert, Zola, Hugo, Goncourt, Huysmans, etc. « De la peinture. A propos d’une lettre de M. J.-F. Raffaëlli » pp. 230-235

« Que ceux qui ont une idée médiocre ou pauvre et qui ont besoin d’être en face de grands hommes pour s’apercevoir de la grandeur de l’homme, s’adressent à nos de Lesseps, à nos Edison, à nos Pasteur ou bien à nos politiques, aux généraux, aux écrivains, aux artistes, aux grands commerçants, aux industriels fameux, aux philosophes ; mais que ceux qui se sentent l’âme élevée et le cœur vibrant pour la suprême beauté de leur race prennent les plus humbles, les va-nu-pieds et les derniers pauvres gens. […] Raffaëlli, dominé d’une sympathie humaine qui est belle en soi et qui vivifie son grand talent, voudrait borner cet art à nous donner de notre race et de nos contemporains, une série d’effigies caractéristiques, propre à nous les faire connaître intimement et par conséquent aimer, admirer, ou haïr et ridiculiser.

172. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [1] Rapport pp. -218

Je n’ai pas à conférer cet âge de notre race à des âges d’autres races ; mais on peut affirmer que, poétiquement, il surpasse les plus fécondes, les plus magnifiques époques françaises ; il est même le seul siècle poétique de notre pays. […] Il faut chercher encore la totale manifestation de l’âme lyrique, de l’esprit épique de notre race. […] Ô perfections divines, dignes de l’éternel agenouillement des races ! […] Parmi les races héritières de l’antiquité, la France hélas ! […] Ô, poétiquement, toute notre race, enfin !

173. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « DES MÉMOIRES DE MIRABEAU ET DE L’ÉTUDE DE M. VICTOR HUGO a ce sujet. » pp. 273-306

La noblesse, celle du sang royal surtout, marquait au front ses élus d’un signe qui ne semblait pas appartenir à la race d’Adam. […] à mesure que diminue et s’efface le vieux fatalisme de climats et de races qui pesait sur l’homme antique, succède et grandit comme un fatalisme d’idées. […] Le symbolisme de Vico et de Herder, le panthéisme naturel de Schelling, le panthéisme historique de Hégel, l’histoire de races et l’histoire d’idées qui ont tant honoré la France, ils ont beau différer en tout ; contre la liberté ils sont d’accord. […] L’admiration, pour s’épanouir avec bonheur, doit se sentir aller vers des mortels de même nature, de même race que nous, quoique plus grands. […] On ne saurait, avant d’avoir lu cette notice, se faire une idée d’une race telle et si bien conservée que la postérité de ces proscrits de Florence, devenus Provençaux et Français.

174. (1893) Les œuvres et les hommes. Littérature épistolaire. XIII « Mademoiselle de Condé »

Lui seul, qui a dit si grandement celle d’Henriette d’Angleterre cherchant par toute l’Europe des poitrines et des canons qu’elle pût envoyer à son mari, Charles Ier, combattant pour sa couronne et pour sa race, serait digne de raconter cette autre Odyssée de Mademoiselle de Condé, errante aussi par toute l’Europe pour trouver un monastère dans lequel elle pût rester agenouillée devant Dieu et attendre ainsi son éternité… S’être immolée dans son amour lui avait donné la soif de toutes les immolations. […] Mademoiselle de Condé fut une de ces raretés qui aiment, une de ces exceptions parmi les femmes, cette race frivole des femmes, qui singent l’amour sans l’éprouver avec des grâces que Dieu permet et qu’elles pervertissent ! […] Le cri d’une femme qui aimait, comme elle, dans la splendeur d’une pureté et d’une sécurité terribles, et qui subitement cria à elle, se sentant entraînée, perdue, fut le coup de tonnerre qui tira Mademoiselle de Condé de l’abîme de son bonheur et qui fit cabrer cette âme de race.

175. (1899) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (troisième série). XVII « Mgr Rudesindo Salvado »

Quoiqu’il n’y soit pas question de race noire, il s’agit aussi d’y régler les rapports du civilisé et du sauvage et de transfigurer l’homme de la nature en homme social. […] Mgr Salvado n’a pas été seulement le charmant et naïf Hérodote chrétien de sa mission apostolique ; il n’a pas seulement tracé l’histoire de la colonie anglaise à travers laquelle il a passé ; mais il nous a donné l’histoire, plus difficile à connaître, de cette curieuse race indigène avec laquelle il a vécu. Caractère physiologique de la race, croyances religieuses, lois, coutumes, mœurs domestiques, ornements et parures, ustensiles et armes, chasses, constructions, maladies, boglias (médecins), funérailles, tout, jusqu’à un lexique très bien fait de la langue de ces tribus sauvages, Mgr Salvado n’a rien oublié de ce qu’il a été à portée de bien voir et de recueillir.

176. (1880) Les deux masques. Première série. I, Les antiques. Eschyle : tragédie-comédie. « Chapitre IV, Eschyle. »

Race héroïque entre toutes : son frère Cynégire est l’homme qui, se cramponnant à l’abordage d’une galère persane, et les deux bras coupés par la hache, s’y rattacha avec les dents ; pour l’en faire démordre, il fallut lui trancher la tête. […] Histoire croyable, si l’on tient compte des premiers effets du drame sur la race la plus sensible qui ait jamais existé. « Les Rhapsodes, disait Platon, avaient bien de la peine à réciter Homère sans tomber dans des convulsions », — Une autre fois, Eschyle eut un théâtre tué sous lui. […] Son génie n’est pas seulement extraordinaire, mais unique dans sa race et dans son milieu. […] Ses sujets sont vastes comme des épopées : ce sont des sièges de villes et des migrations de races, des cataclysmes de peuples et des supplices de géants vaincus. […] Il tient pour eux, se sentant un peu de leur race, contre les « dieux de fraîche date » ; il relève comme un gant de guerre leur rocher tombé.

177. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Monsieur de Broglie. » pp. 376-398

Victor, duc de Broglie, celui dont nous parlons, né en novembre 1785, petit-fils du maréchal de Broglie, descend d’une race toute guerrière, dans laquelle on distinguait des gens d’esprit, dont quelques-uns ont eu un nom dans la diplomatie ou dans l’Église ; mais il ne s’y trouverait aucun philosophe ni écrivain proprement dit. Il est le premier de sa race qui ait marqué dans l’ordre de la pensée. […] Le prince de Broglie était bien de cette race d’aimables Français qui s’en allaient à travers les deux mondes semant les saillies, les fleurettes et les idées, — les idées, notez-le, tout autant que le reste. […] Les plus beaux souvenirs de la race humaine se rattachent à ces époques glorieuses où les peuples qui ont civilisé le monde, et qui n’ont point consenti de passer sur cette terre en s’ignorant eux-mêmes, et comme des instruments inertes entre les mains de la Providence, ont brisé leurs fers, attesté leur grandeur morale, et laissé à la postérité de magnifiques exemples de liberté et de vertu. […] Ce double dédain est rare et lui semble facile ; c’est ici qu’on pourrait trouver que la hauteur de cœur et un reste de hauteur de race se confondent en lui.

178. (1888) La critique scientifique « La critique et l’histoire »

Que cette analogie soit simplement celle qui existe entre tous les êtres animés comme pour certaines notions expérimentales rudimentaires, qu’elle soit celle de tous les êtres humains, comme pour certaines lois très simples de morale, qu’elle unisse la race, la cité, la nation, ou qu’infiniment plus marquée, elle associe un groupe d’individus pris au hasard, dans une admiration ou dans une tâche commune, c’est elle qui établit entre fauteur et les exécuteurs d’un dessein, entre fauteur et les partisans d’une œuvre, le lien qui fait participer à la réussite de l’un comme de l’autre, celui qui le conçut, mais fut impuissant à l’exécuter, et ceux qui exécutèrent, mais ne l’auraient imaginé, — celui qui la forma mais n’aurait pu faire revivre cette forme muette dans de chaudes âmes humaines, et ceux qui la prirent, l’adoptèrent, la couvèrent, la reproduisirent dans leur esprit, mais n’eussent pu la concevoir et l’exprimer. […] Car s’il est vrai que les images, les sentiments, les sensations que ces œuvres suggèrent, sont faits pour surgir dans l’esprit d’hommes dont la vertu ou le crime importent à leurs semblables, s’il est vrai que ces images et ces sentiments influent sur la nature et la force de leur âme, il ne saurait être admis que, socialement, toute œuvre d’art paraisse innocente, soit pour la cité, soit plus profondément, pour le bien mémo de la race. […] Ceux-ci distingueront entre les ouvrages qui tendent à suggérer des sentiments qui doivent décroître, s’il faut que la race ou l’Etat vive, et ceux qui contribuent au contraire à rendre l’homme plus sain, plus joyeux, plus moral, plus noble. […] Enfin, dans une troisième partie, l’analyste écartant la théorie insuffisante de l’influence de la race et du milieu qui n’est exacte que pour les périodes littéraires et sociales primitives, considérant l’œuvre même comme le signe de ceux à qui elle plaît, et tenant en mémoire qu’elle est d’autre part le signe de son auteur, conclut de celui-ci à ses admirateurs. […] Sa lecture de l’histoire est fondée sur l’idée de conflit séculaire entre les « races ».

179. (1906) La nouvelle littérature, 1895-1905 « Première partie. Écoles et manifestes » pp. 13-41

La situation géographique de notre patrie, ses ressources intellectuelles, la force de nos atavismes, le bon sens indéfectible de la race permettent, néanmoins, les espérances les plus vastes. […] Avec plus de fougue que de mesure, avec plus d’enthousiasme que de sens critique, l’auteur du Sang des races, glorifiait le culte de la Tradition, de la terre et des morts, l’Âme, la Race, l’Épée. […] Ce qu’ils vantaient n’était pas à proprement parler une renaissance classique, mais une renaissance latine, le retour à la discipline, à l’harmonie, mais aussi le culte de l’inspiration personnelle, du lyrisme conforme aux aspirations de la race, le dédain des abstractions factices, du subjectisme vulgaire, du document spécial — en un mot les soucis classiques de l’âme, de l’idée, de la race, de l’essentiel humain et de la vérité générale, augmentés d’une préoccupation de lyrisme facilement romantique13 — et aussi des conceptions politiques divergentes.

180. (1906) La nouvelle littérature, 1895-1905 « Deuxième partie. L’évolution des genres — Chapitre I. La critique » pp. 45-80

Celle que nous avons citée nous paraît la plus française, la plus conforme à l’initiative, à la clarté, à l’intelligence qui sont caractéristiques de la race. […] Maurras s’écrie : « Le patriciat dans l’ordre des faits, mais une barbarie vraiment démocratique dans la pensée, voilà le partage des temps prochains : le rêveur, le spéculatif pourront s’y maintenir au prix de leur dignité ou de leur bien-être ; les places, le succès ou la gloire récompenseront la souplesse de l’histrion : plus que jamais, dans une mesure inconnue aux âges de fer, la pauvreté, la solitude, expieront la fierté du héros et du saint, jeûner, les bras croisés au-dessus du banquet, ou, pour ronger les os, se rouler au niveau des chiens. » Et pour sauver l’intelligence, il faut d’abord que l’intelligence veuille briser ses chaînes, qu’elle revienne à appuyer le triomphe de l’Épée, l’âme du sang et la race. […] Maurice Le Blond. — « Le romantisme avec tout ce qu’il contient de faux et d’outré sévit encore dans nos intelligences… il corrompt et brûle le sang de notre race… L’art de demain se distinguera sur tout par l’absence presque totale de ces techniques prétentieuses et subtiles… Les prochaines réformes littéraires aboutirent à un effort simpliste 24. » Et comme les autres, M.  […] Polti, — avec une éducation très complète de l’intelligence scénique, — le sens de la continuité, de l’influence et des ressorts d’une idée dramatique, idée que le ciel, la race, la terre ont créée. […] L’art d’un Richepin est plus contraire que celui de Paul Claudel à l’âme de la race. — « Celui qui n’a égard en écrivant qu’au goût de son siècle, songe à sa personne plus qu’à ses écrits, dit La Bruyère.

181. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Deuxième partie. — Chapitre XXIV. »

Le monde sait quel fut le sort de cette grande monarchie et de cette grande race espagnole, après le seizième siècle qu’elle avait rempli de sa splendeur. Ce qui restait de cet éclat réfléchi sur la première moitié de l’âge suivant ne jeta plus, après Rocroi, qu’une pâle et funèbre lueur, sous ces voûtes de l’Escurial où s’endormit plus tard une race française, également déchue de son origine et de sa conquête. […] Si, depuis cet éclat du génie de l’Espagne égal à la grandeur même de sa politique, il y eut de longues stérilités, ce n’est pas à dire que le fond de la race ait changé et qu’elle n’ait pas pour les arts une puissance originale, dont les traits se retrouvent jusque dans le génie maniéré de Gongora. […] Sa mère était une fille du pays, mais de race espagnole. […] Fleuris ; étends tes rameaux ; que la race fatiguée d’Adam repose à ton ombre sainte, d’un bout du monde à l’autre !

182. (1899) Esthétique de la langue française « Esthétique de la langue française — Chapitre X »

. — La race fait la beauté d’un mot. — Le patois européen et la langue de l’avenir. […] La beauté d’un mot est tout entière dans sa pureté, dans son originalité, dans sa race ; je veux le dire encore en achevant ce tableau des mauvaises mœurs de la langue française et des dangers où la jettent le servilisme, la crédulité et la défiance de soi-même.

183. (1896) Essai sur le naturisme pp. 13-150

Ce spectacle le hanta comme le présage d’un désastre formidable et comme un sensationnel symptôme de l’agonie des races occidentales. […] Ce sont d’antiques races, et tout y apparaît décrépit, délabré ; une sombre patine obscurcit le ciel lui-même. […] Nous l’admirons comme l’authentique effigie d’une race étrangère. […] On sent, à la vibration éteinte de sa parole, la vieillesse de sa race. […] Un homme est le produit du passé et de sa race.

184. (1898) Manuel de l’histoire de la littérature française « Livre premier. Le Moyen Âge (842-1498) » pp. 1-39

Il semble ainsi qu’au Moyen Âge une façon de penser et de sentir commune, imposée à l’Europe entière par la triple autorité de la religion, du système féodal, et de la scolastique, ait opprimé en littérature, pendant plus de quatre ou cinq cents ans, et comme anéanti toutes les distinctions d’origine, de race et de personne. […] Et en effet, les « races » de l’Europe moderne ne représentent que des formations historiques, dont les littératures ne sont pas tant l’expression que l’un des multiples « facteurs ». Allemands ou Français, Italiens, Espagnols, Anglais, nous avons tous été, dans la littérature et dans l’art, comme dans l’histoire et dans la politique, des nations avant de devenir des « races ». […] Dans les formes conventionnelles qu’ils empruntent à ces premiers maîtres, et dont ils subissent docilement les exigences, quand encore ils ne les modifient pas pour en rendre la contrainte plus étroite et plus monotone, nos trouvères, — un Quesne de Béthune, le sire de Couci, Thibaut de Champagne, Huon d’Oisi, Charles d’Anjou, — tous de race noble, essaient de faire entrer l’expression de leurs sentiments personnels. […] C’est ainsi que dans cette Europe naguère encore étroitement unie, les nationalités se forment, par agglomération du semblable au semblable, par une espèce de groupement autour de quelques idées ou de quelques sentiments que l’hérédité transformera plus tard en caractères de race.

185. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Eugénie de Guérin, Reliquiae, publié par Jules Barbey d’Aurevilly et G.-S. Trébutien, Caen, imprimerie de Hardel, 1855, 1 vol. in-18, imprimé à petit nombre ; ne se vend pas. » pp. 331-247

C’est d’une dernière branche de cette noble race, déchue en fortune, mais restée intègre par les sentiments, que naquit Maurice de Guérin au château du Cayla près d’Alby, le 4 août 1810, le dernier de quatre enfants. […] Il était de la race directe des René. […] L’auteur suppose qu’un des êtres de cette race intermédiaire à l’homme et aux puissantes espèces animalesx, un centaure vieilli raconte à un mortel curieux, à Mélampe, qui cherche la sagesse et qui est venu l’interroger sur la vie des centaures, les secrets de sa jeunesse et ses impressions de vague bonheur et d’enivrement dans ses courses effrénées et vagabondes. […] L’auteur suppose qu’un être de cette race intermédiaire à l’homme et aux puissantes espèces animales y.

186. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « La Grèce en 1863 par M. A. Grenier. »

About applique la remarque d’Hippocrate en courant : « La race grecque, dit-il, est sèche, nerveuse et fine comme le pays qui la nourrit. » Il a de ces mots exquis, définitifs. […] La race grecque est encore, malgré tous ses mélanges et ses altérations, une race d’élite, aisément reconnaissable : « On a beau considérer à Athènes, ou dans une autre ville grecque, toutes les physionomies qui passent et repassent devant les yeux, il n’y en a pas une qui soit vulgaire, niaise, assottie, plate, éteinte, bonasse, moutonnière, badaude, végétative. […] C’est même un inconvénient dans l’état actuel que cet enseignement « qui tend à surexciter les aspirations, déjà excessives, des Grecs vers les carrières libérales : avocat, médecin, homme de lettres, la race grecque tend à s’absorber dans ces trois professions. » Le Grec est babillard, discuteur et aime à politiquer.

187. (1872) Nouveaux lundis. Tome XIII « Le général Jomini. [I] »

De race à race et dans les grands mouvements de migration et de conquête, la guerre fut la loi suprême. […] On partait chaque printemps ; chaque fleur de génération, chaque élite nouvelle s’envolait à son tour à travers le monde et par les vastes espaces de la terre habitable, comme disait Homère : on allait tout droit devant soi, au hasard, à la découverte, selon les versants et les pentes, à la rencontre d’un meilleur climat, d’un plus beau soleil, en quête des terres fécondes, des moissons et des vignes là où il y en avait ; on avait pour droit sa passion, sa jeunesse, l’impossibilité de vivre où l’on était, — le droit du plus jeune, du plus fort, du plus sobre, sur les races voluptueuses et amollies. La race d’élite et privilégiée entre toutes qui, dès l’origine de son installation dans la péninsule hellénique, se personnifie dans Hercule, dompteur des monstres, dans Apollon, vainqueur de Python, et qui sut de bonne heure réaliser l’idée de royauté et de justice, puis l’idée de cité et de liberté, est celle qui imprima à la guerre sa plus noble forme, la plus héroïque, la plus généreuse, depuis Achille, — ou, pour partir de l’histoire, depuis Miltiade et Léonidas jusqu’à Philopœmen.

188. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Deuxième partie. — Chapitre XXII. »

Sur ces collines, là-bas, je les vois siéger, terrible bande, bien que languissants encore : vengeurs de leur terre natale, ils se joignent à moi dans un redoutable concert ; et ils tressent de leurs mains sanglantes la trame de ta lignée : filez le rouet et tissez la toile enroulée de la race d’Édouard ; donnez-lui grande étendue et assez de marge pour y tracer les caractères infernaux. […] Un critique célèbre avait jugé plus heureux le premier plan que l’auteur s’était proposé, et qu’il résumait ainsi dans une courte note : « L’armée d’Édouard Ier, comme elle cheminait dans le creux d’une profonde vallée, est tout à coup arrêtée à la vue d’une majestueuse figure apparaissant au haut d’une montagne inaccessible, reprochant au roi, d’une voix plus qu’humaine, les misères et la désolation qu’il a apportées sur cette terre, lui prédisant les malheurs de la race normande, et, par inspiration prophétique, annonçant que toute sa cruauté n’éteindra jamais l’ardeur du génie poétique dans cette île, et qu’il ne manquera pas d’hommes pour célébrer la vraie vertu et la valeur par des accents immortels, flétrir le vice et l’infâme volupté, et censurer hardiment l’oppression. […] La race des dominateurs normands a pu s’éteindre et faire place au retour du sang anglais sur le trône ; mais la race des bardes patriotes, anéantie par la cruelle précaution d’Édouard, ne s’est pas ranimée.

189. (1880) Goethe et Diderot « Introduction »

Gœthe, sans Diderot, pourrait exister peut-être, comme Diderot lui-même ; mais ils n’en sont pas moins tous deux des esprits de même substance et de même race, — et tellement qu’en écrivant de Gœthe, ce Voltaire de l’Allemagne, qui n’eut personne pour contrebalancer sa gloire, il est impossible de ne pas penser à Diderot, qui eut Voltaire à côté de lui pour tuer, par la comparaison, la sienne ! […] … Je sais bien que l’esprit français, l’esprit de la race, s’était laissé entamer bien avant l’avènement de Gœthe par l’idée protestante et philosophique dont l’Allemagne moderne et Gœthe sont sortis. […] le croirez-vous, races futures ?

190. (1890) Les œuvres et les hommes. Littérature étrangère. XII « G.-A. Lawrence »

De grands défauts s’y mêlent et les ternissent, des défauts que n’avait pas Byron et qui étonnent d’autant plus dans Lawrence, qu’ils l’abaissent également dans son talent et dans son dandysme, lui qui est de la même race que ses types et que ses héros ! […] Ce Richard cœur de lion et articulation de lion, qui n’a pas, lui, les immensités d’une Croisade, comme les lions ont pour leurs bonds terribles les immensités du désert ; ce Plantagenêt civilisé, idéal de cette société mélangée de Saxon et de Normand qu’on appelle la société anglaise, mais bien plus Anglais de race et de physique que les héros de Lord Byron, dont le défaut peut-être est de n’avoir pas assez de physionomie historique ; Guy Livingstone a cependant, comme les héros de Byron, ce charme de la goutte de lumière dans l’ombre et d’une seule vertu parmi plusieurs vices qui a toujours ensorcelé l’âme des hommes et qui l’a transportée d’enthousiasme, bien plus, hélas ! […] À côté de Livingstone, le Titan des Titans, il y a des géants de sa race qui ont comme lui des douleurs grandioses, des indolences superbes, des mépris pour ce qui les dévore, et qui mettent en action, et quelle action !

191. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « G.-A. Lawrence » pp. 353-366

Lawrence, qu’ils l’abaissent également dans son talent et dans son dandysme, lui qui est de la même race que ses types et que ses héros ! […] Ce Richard cœur de lion et articulation de lion, qui n’a pas, lui, les immensités d’une Croisade, comme les lions ont pour leurs bonds terribles les immensités du désert ; ce Plantagenêt civilisé, idéal de cette société mélangée de Saxon et de Normand, qu’on appelle la société anglaise, mais bien plus Anglais de race et de physique que les héros de lord Byron, dont le défaut peut-être est de n’avoir pas assez de physionomie historique, Guy Livingstone a cependant, comme les héros de Byron, ce charme de la goutte de lumière dans l’ombre et d’une seule vertu parmi plusieurs vices qui a toujours ensorcelé l’âme des hommes et qui l’a transportée d’enthousiasme, bien plus, hélas ! […] A côté de Livingstone, le Titan des Titans, il y a des géants de sa race, qui ont comme lui des douleurs grandioses, des indolences superbes, des mépris pour ce qui les dévore, et qui mettent en action, et quelle action !

192. (1892) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Cinquième série « Le théâtre annamite »

J’ai beau faire, cette race jaune ne m’inspire aucune pensée bienveillante ; la race noire, qu’on dit moins intelligente, me paraît beaucoup plus proche de moi.

193. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — P — Ponsard, François (1814-1867) »

L’originalité et la gloire de son œuvre est justement d’avoir ramené vers les vérités fortes et salubres nos esprits égarés dans l’invraisemblable, le paradoxal et l’impossible, d’avoir exprimé ces vérités immortelles dans un style ferme, net, franc, de bonne école et de bonne race, d’avoir fait circuler dans les veines de la comédie moderne, après tant de fièvres et de langueurs, un reste de ce sang vigoureux et pur qui semblait tari depuis les maîtres, et de n’avoir pas craint de nous paraître banal pour être plus sûr d’être vrai. […] Il est de la race des Viennet.

194. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 19, qu’il faut attribuer aux variations de l’air dans le même païs la difference qui s’y remarque entre le génie de ses habitans en des siecles differens » pp. 305-312

La race des hommes deviendroit une race de pigmées s’il ne succedoit point à ces temps de décadence, des temps où la stature des corps se releve.

195. (1861) Cours familier de littérature. XI « LXVIe entretien. J.-J. Rousseau. Son faux Contrat social et le vrai contrat social (2e partie) » pp. 417-487

Nullement, selon moi ; cette société politique, qui multiplie en effet les forces de l’individu par la force collective de l’association de tous, a certainement pour effet la perpétuation et l’amélioration physique de la race humaine ; mais elle a un objet de plus, une dignité de plus, une moralité de plus, un spiritualisme de plus. […] Serait-ce une œuvre bien digne d’un Dieu que la création d’un instinct social qui n’aurait pour fin que de faire brouter en commun une race de bipèdes sur un sillon fauché en commun, afin que la mort, fauchant à son tour cette race ruminante à gerbes plus épaisses, engraissât de générations plus fécondes ces mêmes sillons ? […] Spiritualisme, moralité dans les lois, pour que la civilisation ne soit pas seulement matérielle, mais vertueuse, et pour que l’âme de l’homme ne progresse pas moins que sa race périssable dans une civilisation vraiment divine et indéfinie sur cette terre, et au-delà de cette terre. […] Les communistes sont donc tout innocemment les meurtriers en masse de la race humaine. […] L’homme mort, sa volonté ne meurt pas : elle revit dans l’aîné, ou dans le plus chéri, ou dans le plus capable de sa race.

196. (1889) Derniers essais de critique et d’histoire

Le bien-être leur est indifférent ; point de race plus sobre ; à travers toute l’histoire, ils sont demeurés tels. […] Quelle rieuse vendange au milieu de cet automne de la race humaine ! […] Les fruits étalent la richesse de suc et la noblesse de race qui conviennent à un festin de la Renaissance. […] En ce genre, il n’y a pas de mesure absolue ; chaque époque, chaque race a la sienne. […] Notre race a eu son temps ; elle finit, et qu’importe ?

197. (1910) Muses d’aujourd’hui. Essai de physiologie poétique

Je songe aux races du Nord qui immigrèrent en Orient et en Italie, et qui apportèrent en ces pays un ferment de civilisation nouvelle. […] Ce désir, cette volonté d’immigration n’est sans doute pas éteint dans les races du Nord, qui ont peut-être besoin pour se développer totalement d’un chaud contact. […] L’art est l’expression de l’évolution de la race ; évolution (c’est-à-dire adaptation de l’organisme aux sensations extérieures, pour percevoir toujours le même degré d’émotion). […] On l’a dite d’origine étrangère, « pétrie de races différentes, née de climats aussi divers que le Sud et le Nord ». […] Elle a écrit elle-même à propos de Sapho : « Les Lesbiens avaient l’attrait bizarre et un peu pervers des races mêlées.

198. (1860) Cours familier de littérature. IX « LIVe entretien. Littérature politique. Machiavel (3e partie) » pp. 415-477

» dirait-il d’abord à ces Italiens de races, d’origines, de régions, de mœurs, de dominations diverses réunis autour de leur grand oracle politique. Vous êtes Italiens, sans doute, mais vous êtes Italiens comme les Hellènes étaient Grecs, Grecs dans la communauté de famille générique et dans la vaste autonomie du Péloponnèse, des îles et de l’Ionie, mais, en réalité, Lacédémoniens, Athéniens, Thébains, Corinthiens, Samiens, branches distinctes, toujours séparées, quelquefois hostiles de cette grande et héroïque famille grecque contenue à peine entre les montagnes du Péloponnèse, les archipels et les rivages de l’Asie Mineure ; branches ayant chacune son territoire, ses flottes, ses formes de gouvernement diverses, aristocratique ici, populaire là, militaire dans les montagnes, navale dans les ports, monarchique en Asie, théocratique à Éphèse, républicaine en Europe, rivale en temps de paix, confédérée en temps de guerre, indépendante pour le gouvernement intérieur, amphictyonique pour la défense commune, forme élastique qui s’étend ou se resserre selon les besoins de la race hellénique, et qui, en faisant l’émulation au dedans, la sûreté au dehors, le mouvement et le bruit partout, fit de la Grèce en son temps l’âme, la force, la lumière et la gloire de l’humanité ! […] Or ces Italiens ont été et sont restés toujours par leur nature la première race de la famille moderne sur le sol le plus vivace et le plus fécond de l’Europe. […] Une fois l’Italie libre, une constitution fédérale de tous les États divers existants en Italie, théocraties, royautés, républiques, duchés, municipalités politiques, une constitution nationale est donc infiniment plus conforme à la nature et aux habitudes historiques de cette grande race des fils de Brutus, comme dit Dante. […] La lumière qu’ils ont autrefois répandue dans le Nord leur revient du Nord comme un reflet répercuté de leur propre et primitive splendeur ; de longues servitudes n’ont fait que les affamer de plus d’indépendance de sol et de liberté d’esprit : c’est une grande race dans de petits peuples, mais ces petits peuples forment de nouveau une grande race.

199. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « La princesse Mathilde » pp. 389-400

La taille moyenne paraît grande, parce quelle est souple et proportionnée ; la démarche révèle la race : on y sent je ne sais quoi de souverain et la femme en pleine possession de la vie. […] Née au seuil de l’Italie, à Trieste, dans l’exil, à l’époque de la plus grande proscription de sa race, la princesse fut emmenée dès l’âge de trois ans à Rome, où allaient se fixer pour plusieurs années ses augustes parents le roi Jérôme et la reine Catherine. […] En un mot, les Tuileries ne purent se parer d’elle, tandis que sa race, malgré tout, dans la personne de son chef, restait proscrite et déshéritée.

200. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Béranger — Béranger, 1833. Chansons nouvelles et dernières »

La poésie alors, orale, vivante, forme naturelle et souveraine, support et enveloppe de tout, de la science, de l’histoire, de la morale, du culte, tenait au fond même de l’existence d’une race, et enserrait, comme en un tissu merveilleux, mœurs, exploits, souvenirs, les dieux et les héros d’une nation. […] Quant au dieu de Béranger, c’est un dieu indulgent, facile, laissant beaucoup dire, souriant aux treilles de l’abbaye de Thélème , n’excommuniant pas l’abbé Mathurin Regnier, pardonnant à l’auteur de Joconde, même avant son cilice ; c’est un dieu comme Franklin est venu s’en faire un en France, comme Voltaire le rêvait en ses meilleurs moments, lorsque, d’une âme émue, il écrivait : Si vous voulez que j’aime encore… Théologie, sensibilité, peinture extérieure, on voit donc que chez Béranger tout est vraiment marqué au coin gaulois : qu’on ajoute à cela un bon sens aussi net, aussi sûr, mais plus délié que dans Boileau, et l’on sentira quel poëte de pure race nous possédons, dans un temps où nos plus beaux génies ont inévitablement, ce semble, quelque teinte germanique ou espagnole, quelque réminiscence byronienne ou dantesque. […] Les Contrebandiers ne sont pas seulement, comme les Bohémiens, un délirant caprice de vie aventurière, de liberté sans frein et de migration sans but ; les Contrebandiers ne sont pas les enfants perdus et incorrigibles des races dispersées ; ce sont, comme Béranger le conçoit, les sentinelles avancées, les éclaireurs hasardeux d’une civilisation qui s’approche : Nos gouvernants, pris de vertige, Des biens du ciel triplant le taux, Font mourir le fruit sur sa tige, Du travail brisent les marteaux, Pour qu’au loin il abreuve Le sol et l’habitant, Le bon Dieu crée un fleuve ; Ils en font un étang.

201. (1861) La Fontaine et ses fables « Deuxième partie — Chapitre III. Les dieux »

En général, dans un siècle ou dans une race, on conçoit le souverain céleste à l’image du souverain terrestre, ou plutôt on conçoit la puissance d’une certaine manière, et on les modèle l’un et l’autre d’après cette conception. […] Les poètes ont pleuré à la vue d’un fleuve, ou d’une forêt immobile ; ils ont senti, comme les anciens prêtres de leur race, la vie sourde qui remplit ces êtres tranquilles. […]          Elles avaient la gloire De compter dans leur race, ainsi que dit l’histoire, L’une certaine chèvre, au mérite sans pair, Dont Polyphème fit présent à Galathée ;     Et l’autre la chèvre Amalthée     Par qui fut nourri Jupiter.

202. (1888) Demain : questions d’esthétique pp. 5-30

...................Je crains que la race des symbolistes ne soit aux trois quarts éteinte. […] Les poètes, au contraire, légataires uniques des races, tôt avertis des temples déjà consacrés, s’en vont plus loin, toujours plus loin, cherchant la terre vierge où fonder un nouvel édifice. […] D’abord l’art, en toutes ses manifestations, est essentiellement « l’aspect en beauté » des idées religieuses d’une race et d’une époque vivantes.

203. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « Jacques Cœur et Charles VII »

Il est de la race de ces esprits qui ne craignent pas de serrer l’histoire d’une époque autour d’un ou deux personnages qui la centralisent. […] Fils de ses œuvres, cet imposant plébéien donnait aux hommes de race et de destruction qui l’entouraient le spectacle de la prospérité la plus merveilleuse, obtenue, à une époque de guerre, par le Commerce, la plus grande force des temps de paix. […] Après lui, ses enfants, et, entre tous, Jacques Cœur, l’archevêque de Bourges, dévoués à cette mémoire qui avait illustré leur race et qui allait fonder une maison de plus parmi les grandes maisons de France, demandèrent à plusieurs reprises la révision de son procès.

204. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « Histoire des Pyrénées »

Nature particulière de climat, de production et de situation ; influence de ces agents physiques sur les habitants qui viennent successivement s’y fixer ; importance des révolutions intérieures qui agitèrent ces populations ; part immense qu’elles prirent aux événements qui se déroulèrent dans l’Espagne et dans les Gaules… » Et, plus loin, il ajoute encore : « Si les champs catalauniques furent, au temps d’Attila, selon la belle expression de Jornandès : l’aire où venaient se broyer les nations, les Pyrénées, au contraire, furent la retraite bienfaisante où les débris de ces mêmes nations abritèrent leurs pénates et leurs croyances… Lorsque le mouvement torrentiel des diverses races a fini de s’agiter à leur base, l’historien retrouve dans leurs vallées l’Ibère, le Gaulois et le Cantabre, avec leurs forces primitives, leurs fueros, leur farouche liberté. […] Pourquoi y a-t-il des nations, très méritantes du reste, des races nobles et fortes, qui doivent rester obscures, comme parfois des hommes de génie ? […] Il aurait vu qu’en dehors de l’Europe il n’y a sur le globe que des races mortes, déclassées, incommunicables, un système pénitentiaire enragé, des cellules, des murailles de la Chine, des déserts, des hiéroglyphes, du fétichisme, de la sauvagerie, — de l’immobilité, par conséquent.

205. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « XI. MM. Mignet et Pichot. Charles Quint, son abdication, son séjour et sa mort au monastère de Yuste. — Charles V, chronique de sa vie intérieure dans le cloître de Yuste » pp. 267-281

Si le politique Charles-Quint, mi-parti d’Autrichien, de Flamand, de Bourguignon, et dont le génie, mêlé au génie de plusieurs races, était écartelé comme son blason impérial, si ce Charles-Quint ne fut pas un moine et ne songea jamais à l’être, malgré la piété très profonde de toute sa vie, l’Espagne était, elle, qu’on nous passe le mot, une nation moine (una monja), et tellement moine d’éducation, d’habitude et de préjugés, que c’est à l’influence de cette nation cloîtrée dans des mœurs religieuses comme il n’en avait peut-être existé nulle part, que Charles-Quint dut ces impulsions monastiques dont la philosophie a été la dupe, et qui étaient parfaitement contraires à la nature positive et tout humaine de son génie. […] Si Charles-Quint put se tromper à la clarté de sa raison, l’Espagne ne pouvait, elle, se tromper à la clarté de sa foi, et s’il ne se repentit pas sous les désillusions de l’expérience, il dut sentir, en sa qualité de grand politique, qu’il avait profondément blessé son peuple, et cela reconnu comme un mal pour son pouvoir et pour sa race, il dut chercher à l’amoindrir et à l’effacer. […] Avec l’explication, qu’une Critique historique digne de ce nom aurait hasardée, d’un sacrifice à l’opinion blessée de l’Espagne et dans l’intérêt de sa race, non seulement l’abdication de Charles-Quint devient intelligible, mais encore l’homme qu’il fut à Yuste et qui resterait incompréhensible, si on n’avait pas cette explication !

206. (1888) Les œuvres et les hommes. Les Historiens. X. « M. le vicomte de Meaux » pp. 117-133

Il ne chasse pas de race, mais il chasse de beau-père. […] Entre les Maures et les Espagnols, ce ne fut point une guerre religieuse, mais de race ; une guerre de sang, dans toutes les acceptions du mot. […] En France, c’était alors plus difficile, cela, que de passer le Rubicon… Quant à son fils, Henri de Guise, tout ambitieux qu’il fût, tout enivré qu’il fût de la faveur populaire, et tout méprisant qu’il fût aussi de cette race hermaphrodite des Valois, rivale de la sienne, il n’osa pas.

207. (1893) Les œuvres et les hommes. Littérature épistolaire. XIII « Le roi Stanislas Poniatowski et Madame Geoffrin »

Elle n’en avait pas la race, mais elle en avait la raison, qui n’est d’aucune race. […] Que me fait, à moi, si ce n’est une affreuse pitié parce qu’elle est mêlée de mépris, la nation qui avait trop tout pour être capable de rien, et qui s’est fait couper en deux par des races inférieures à elle, mais qui, du moins, avaient la cohésion de l’obéissance sous des chefs.

208. (1889) Les œuvres et les hommes. Les poètes (deuxième série). XI « Agrippa d’Aubigné »

Il a le tempérament qu’ont les hommes primitifs, les hommes qui commencent les races ; car il en a commencé une et il est un des primitifs de la Poésie française. […] Corneille et d’Aubigné font des choses différentes, mais ce sont des esprits de même race, qui diffèrent bien plus par la forme, par la langue, par l’heure de la langue qu’ils parlent, que par le fond de la pensée. […] Hausse-moy dessus le rang De la pauvre humaine race, Ma chair de ta chair se fasse, Et mon sang de ton pur sang.

209. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre II. La Renaissance. — Chapitre II. Le théâtre. » pp. 2-96

Ils sont autres que les races latines, et, dans la Renaissance commune, ils renaissent autrement que les races latines. […] Ils ont l’âpreté, l’acharnement, l’orgueil de grands dogues bien nourris et de forte race. […] L’âme, dans cette race, est à la fois primitive et sérieuse. […] Considérez donc l’espèce ici, c’est-à-dire la race ; car les sœurs de l’Ophélia et de la Virginia de Shakspeare, de la Claire et de la Marguerite de Gœthe, de la Belvidera d’Otway, de la Paméla de Richardson, font une race à part, molles et blondes, avec des yeux bleus, d’une blancheur de lis, rougissantes, d’une délicatesse craintive, d’une douceur sérieuse, faites pour se subordonner, se plier et s’attacher. […] Comparez, pour voir le contraste des races, les pastorales italiennes, l’Aminta du Tasse, il Pastor fido, de Guarini, etc.

210. (1880) Les deux masques. Première série. I, Les antiques. Eschyle : tragédie-comédie. « Chapitre VII, seconde guerre médique. »

En même temps que ses races, l’Asie amenait ses dieux sur l’Europe : des dieux féroces, affamés de mort, et dont les rites étaient des supplices. […] Race équivoque, peuple à double face, Sparte est un corps mortellement étranger introduit dans l’organisme souple et généreux de la Grèce. […] Il personnifiait la dernière lutte d’une race adolescente contre un monde usé, de la jeune Europe contre l’Orient décrépit. […] Les races élues purent semer et cultiver la bonne terre qui, sans lui, aurait été irrémissiblement submergée. […] Hérodote l’aurait-il ouverte pour y inscrire des défaites et des catastrophes humiliantes, l’obituaire et la servitude de sa race ?

211. (1857) Cours familier de littérature. III « XVIe entretien. Boileau » pp. 241-326

Nous aimons à rendre à toutes les races pensantes ce qui est à ces races, et à Dieu ce qui est à Dieu. […] Les grandes inventions appartiennent à cette race expérimentale. […] Le caractère de sa race y palpite à chaque mot comme dans le spasme du gladiateur mourant. […] Les races antiques n’ont rien qui lui ressemble. […] La privation relative de ces grandes facultés de l’imagination préserve aussi la France des excès et des vices inséparables de ces facultés trop dominantes dans certaines races.

212. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Méditations sur l’essence de la religion chrétienne, par M. Guizot. »

Jésus-Christ est annoncé, il est attendu : il paraît que Le Dieu selon la Bible se complète, se corrige, s’attendrit, s’abaisse, s’humanise, se civilise, si j’ose dire, se met à la portée de tous les hommes et de toutes les races par le Dieu selon l’Évangile. […] Il se souvient, après tout, qu’il est de li race des justes. […] Pourquoi l’homme, ou une première succession de races diverses, variées, graduées, déjà humaines ? […] Des races choisies s’entretiennent, se cultivent, se dessinent hardiment, héroïquement, sous le soleil.

213. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre V. La littérature et le milieu terrestre et cosmique » pp. 139-154

La littérature et le milieu terrestre et cosmique La théorie des climats, comme celle des races, a inspiré de brillants essais à plus d’un écrivain de nos jours. — Il suffit de rappeler l’espèce de géographie à la fois physique et morale dont Michelet a rempli le livre III de son Histoire de France ; c’est un effort hardi pour retrouver les liens qui rattachent à leur sol natal les grands hommes de chaque région. […] Le climat, qui modifie les corps, qui, les endurcit ou les amollit, qui peut calmer les nerfs surexcités ou ranimer la sève vitale dans des veines épuisées, est lui-même un des grands facteurs de la race. […] Presqu’île incessamment battue par la vague qui ronge et sape ses rocs de granit, pointe de terre qui supporte et brave, comme l’éperon d’un navire, le choc fougueux de l’océan, contrée encore hérissée d’ajoncs et de broussailles, elle a doué la race qui l’habite d’une ténacité sans égale en même temps que d’une mélancolie mystique. […] De nos jours les chemins de fer, les bateaux à vapeur, les routes qui escaladent ou éventrent les montagnes, les ponts qui franchissent les bras de mer, le télégraphe qui vous permet de rester à portée des vôtres, fût-ce à mille lieues de distance, les journaux qui sont aux aguets pour satisfaire la curiosité universelle par des récits d’aventures piquantes ou dramatiques, tout cela a créé, multiplié la race des touristes, fait pulluler les écrivains-voyageurs.

214. (1881) La psychologie anglaise contemporaine « M. Bain — Chapitre III : Les Émotions »

Noter les différences qui existent sous le rapport des émotions, entre les races humaines inférieures et supérieures ; celles qui seront communes à toutes pourront être considérées comme primitives et simples ; et celles qui sont propres aux races civilisées, comme ultérieures et composées. […] On verrait, par exemple, que les races sauvages les plus basses ignorent la justice et la pitié ; qu’elles connaissent à peine certaines émotions esthétiques, comme celles de la musique ; que l’amour de la propriété se produit tard, et est, par conséquent, un sentiment ultérieur et dérivé. […] Bain n’a tenu aucun compte de la transmission héréditaire qui crée cependant de si grandes différences entre les races sauvages et civilisées178.

215. (1886) De la littérature comparée

On la reconnut dépendante de toutes les circonstances qui gouvernent son auteur, du milieu, du pays, du climat, du moment, de la race. Des écrivains, comme Villemain d’abord, puis comme Sainte-Beuve, ne se contentèrent plus de proclamer leur jugement sur les œuvres et sur les hommes, mais cherchèrent à les expliquer et s’appliquèrent à déterminer, non plus leur valeur absolue, mais leur « sens historique ». — À mesure qu’il avance dans sa carrière d’écrivain, Sainte-Beuve tend à rapprocher davantage la critique de l’histoire : ses études, dont le recueil constitue un document si précieux pour l’histoire des lettres modernes, s’écartent de plus en plus du point de vue essentiellement esthétique de ses devanciers et de ses contemporains ; ses appréciations s’entourent de notes sur les ascendants de l’auteur, qu’il examine, sur sa famille, sa ville, sa province, sa race ; puis sur son enfance, sur l’éducation qu’il a reçue, sur les influences qu’il a subies ; puis il recherche quelles ont pu être ses opinions sur les matières les plus importantes : quelles étaient ses croyances religieuses ? […] et quelles sont les conditions de race, de moment et de milieu les plus propres à produire cet état moral ? […] L’autre, qu’on a appelé romantique, qu’on pourrait presque appeler barbare, est l’apport des races nouvelles qui sont venues, si je puis m’exprimer ainsi, greffer leur civilisation naissante sur le vieil arbre des civilisations antiques, uni à celui de la religion chrétienne qui a remplacé le paganisme corrompu de la décadence romaine.

216. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Les Faux Démétrius. Épisode de l’histoire de Russie, par M. Mérimée » pp. 371-388

On était à la fin du xvie  siècle ; le tsar et grand-duc de Russie Ivan IV, surnommé le Terrible, était mort en 1584, après un long règne ; malgré son surnom effrayant, il ne paraît pas que les peuples aient gardé de lui un souvenir trop odieux, et ce qui était de sa race leur était cher. […] Fédor lui-même mourut en 1598 ; avec lui s’éteignait la race de Rurik et des anciens souverains qui occupaient le trône depuis près de huit siècles. […] » Plus d’un vieux Moscovite, en songeant à la vieille race de ses tsars, à ce lugubre massacre d’Ouglitch, à ce dernier prince enfant enlevé par une mort soudaine et restée mystérieuse, devait se redire en idée, comme Abner dans Athalie, mais un peu moins harmonieusement, on peut le croire : Ce roi fils de David, où le chercherons-nous ? […] Arrivé aujourd’hui à la pleine maturité de la vie, maître en bien des points, sachant à fond et de près les langues, les monuments, l’esprit des races, la société à tous ses degrés et l’homme, il n’a plus, ce me semble, qu’un progrès à faire pour être tout entier lui-même et pour faire jouir le public des derniers fruits consommés de son talent.

217. (1870) De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés « De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés — Chapitre II : Variations des espèces à l’état de nature »

Il est douteux que des monstruosités ou autres déviations de structure profondes et soudaines, telles que celles qu’on observe assez souvent chez nos races domestiques, et plus particulièrement parmi les plantes, se soient jamais propagées avec un caractère de perpétuité à l’état de nature. […] Elles fournissent ainsi des matériaux à l’accumulation par sélection naturelle, de la même manière que l’homme accumule dans une direction donnée les différences individuelles qui apparaissent dans ses races domestiques. […] Combien d’oiseaux et d’insectes du nord de l’Amérique et de l’Europe, qui diffèrent très légèrement les uns des autres, ont été rangés par quelque naturaliste éminent comme autant d’espèces bien définies, et par un autre comme des variétés, ou même comme des races géographiques, ainsi qu’on les appelle souvent ! […] Plusieurs des ornithologistes les plus expérimentés considèrent notre Coq de Bruyère écossais (Tetrao Scoticus) seulement comme une race bien marquée de l’espèce norvégienne, tandis que le plus grand nombre en fait une espèce bien distincte et particulière à la Grande-Bretagne.

218. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — Joseph Scaliger, et Scioppius. » pp. 139-147

Joseph Scaliger donna, l’an 1594, un ouvrage sous ce titre : Lettre de Joseph Scaliger, sur l’ancienneté & la splendeur de la race Scaligérienne. […] Il voulut élever sa race au-dessus de celle de Joseph Scaliger, dont la réputation ne lui faisoit déjà que trop d’ombrage.

219. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Mirabeau et Sophie. — I. (Dialogues inédits.) » pp. 1-28

Les Correspondances du père et de l’oncle du grand tribun, la Notice sur son grand-père, et en général toutes les pièces qui font le tissu de ces huit volumes, ont révélé une race à part, des caractères d’une originalité grandiose et haute, d’où notre Mirabeau n’a eu qu’à descendre pour se répandre ensuite, pour se précipiter comme il l’a fait et se distribuer à tous, tellement qu’on peut dire qu’il n’a été que l’enfant perdu, l’enfant prodigue et sublime de sa race. […] Né le 9 mars 1749 d’une race florentine établie depuis cinq siècles en Provence, le cinquième de onze enfants et l’aîné des garçons, Gabriel-Honoré de Mirabeau avait, en naissant, apporté plusieurs des traits essentiels de la famille paternelle, mais en les combinant avec d’autres qui tenaient de sa mère. […] Il avait les gros yeux de la race, et qui, charmants dans les portraits de ses père, oncle et aïeul, le devenaient aussi chez lui toutes les fois qu’une femme s’oubliait à le regarder : « Ce sont ces certains yeux couchés, disait-il, que, sur mon honneur, je ne saurais appeler beaux, dusses-tu me battre (c’est à Sophie qu’il écrivait cela), mais qui enfin disent assez bien, et quelquefois trop bien, tout ce que sent l’âme qu’ils peignent. » Il tenait pourtant de sa mère (Mlle de Vassan) des caractères qui gâtaient fort et qui ravalaient même, disait son père, la hauteur originelle du type, qui en altéraient certainement la noblesse, mais qui en corrigèrent aussi la dureté. […] Le marquis, homme supérieur, mais orgueilleux, féodal, antique à la fois et au coup d’œil prophétique, d’une de ces races sans mélange dont l’heure finale avait sonné, éprouvait pour ce fils, qui penchait vers les courants du siècle, vers ce qu’il appelait la canaille philosophique, encyclopédique, plumière, écrivassière et littéraire, une sorte d’étonnement, d’admiration même, antipathique et répulsive, et qui, par moments, ressemblait fort à de l’effroi et à du dégoût.

220. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre V. Les contemporains. — Chapitre III. La critique et l’histoire. Macaulay. »

Pendant plusieurs siècles, il a été foulé aux pieds par des hommes de race plus hardie et plus entreprenante. […] Tous les artifices qui sont la défense naturelle du faible sont plus familiers à cette race subtile qu’à l’Ionien du temps de Juvénal, ou au juif du moyen âge. […] All those arts which are the natural defence of the weak are more familiar to this subtle race than to the Ionian of the time of Juvenal or to the Jew of the dark ages. […] The more we read of the history of past ages, the more we observe the signs of our own times, the more do we feel our hearts filled and swelled up by a good hope for the future destinies of the human race. […] There too was she, the beautiful mother of a beautiful race, the St Cecilia whose delicate features, lighted up by love and music, art has rescued from the common decay.

221. (1881) La psychologie anglaise contemporaine « Introduction »

La science ne reflète pas le génie d’une race, elle est l’œuvre d’un esprit impersonnel. […] En métaphysique c’est le contraire : l’œuvre est personnelle ; elle porte le caractère d’un individu ou au moins d’une race. […] La même méthode rendait impossible toute tentative de psychologie comparée : car s’il n’y a point d’autres procédés à suivre que la réflexion, on ne peut étudier les phénomènes psychiques des diverses races animales. […] Il semble qu’on pourrait distinguer une Éthologie des individus, une Ethologie des peuples et une Ethologie des races. […] L’Ethologie des peuples et des races puiserait ses matériaux dans la linguistique et l’histoire.

222. (1880) Les deux masques. Première série. I, Les antiques. Eschyle : tragédie-comédie. « Chapitre XVI, les Érynnies. »

De ses amours sauvages avec les Démons du désert, naquit la race des Lamies et des Empuses, divinités cannibales qui cherchaient leurs proies parmi les vivants. […] La balayeuse infernale avait prédit, par son nettoyage fatidique, l’extermination de sa race et de sa maison.

223. (1870) De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés « De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés — Chapitre VI : Difficultés de la théorie »

Conséquemment les deux races améliorées de la montagne ou de la plaine prendront bientôt la place de la race inférieure des collines, et les deux races qui existaient d’abord en plus grand nombre arriveront à être en contact immédiat l’une avec l’autre, sans interposition de la variété intermédiaire qui sera totalement supplantée. […] Pour acquérir la conscience parfaite de notre profonde ignorance à ce sujet, il suffit de songer aux différences qui distinguent nos races domestiques de différentes contrées, et surtout des contrées les moins civilisées, où la sélection systématique de l’homme a eu peu d’action. […] Les races de montagne diffèrent toujours des races de plaines, et une contrée montagneuse doit affecter la forme des membres postérieurs en les exerçant davantage, et peut-être même la forme du bassin ; enfin, en vertu de la loi d’homologie des variations, les membres antérieurs et la tète se trouveraient par suite modifiés. […] Von Nathusius, telle serait la principale cause des grandes modifications subies par les races de Porcs. […] Je pourrai en appeler encore, à ce même propos, à la différence qui existe entre les races humaines, si fortement tranchées.

224. (1880) Les deux masques. Première série. I, Les antiques. Eschyle : tragédie-comédie. « Chapitre XVII, l’Orestie. — les Euménides. »

On y sent l’aristocratie d’un dieu de haute race aux prises avec les démons d’une mythologie inférieure. — « Hors d’ici ! […] Une race odieuse, souillée de sang, n’est plus digne des arrêts de Zeus. […] La Grèce saluait en elle l’idéal de sa race et de son génie ; la vertu vaillante, le courage réfléchi, l’activité de l’esprit, la fertilité des idées, le génie multiple des arts. […] Sans doute aussi, elle avait reconnu, dans l’auguste Vierge, le type transfiguré de sa race, la providence de sa destinée. […] Dante, qui est de sa race, l’ignorait sans doute ; sans quoi il se serait ménagé quelque illustre rencontre avec sa grande Ombre, au tournant d’un cercle de la Divine Comédie.

225. (1895) Les règles de la méthode sociologique « Chapitre V : Règles relatives à l’explication des faits sociaux »

Il y a d’ailleurs un moyen d’isoler à peu près complètement le facteur psychologique de manière à pouvoir préciser l’étendue de son action, c’est de chercher de quelle façon la race affecte l’évolution sociale. […] Or nous ne connaissons aucun phénomène social qui soit placé sous la dépendance incontestée de la race. […] Les formes d’organisation les plus diverses se rencontrent dans des sociétés de même race, tandis que des similitudes frappantes s’observent entre des sociétés de races différentes. […] La famille patriarcale était presque aussi développée chez les Juifs que chez les Indous, mais elle ne se retrouve pas chez les Slaves qui sont pourtant de race aryenne. […] Il y a, il est vrai, un certain nombre de faits qu’il est d’usage d’attribuer à l’influence de la race.

226. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Divers écrits de M. H. Taine — I » pp. 249-267

Il a sa théorie du climat, du sol, de la race. […] Ainsi les impressions incessantes du corps et de l’âme finissent par modeler le corps et l’âme ; la race façonne l’individu, le pays façonne la race. […] Je n’ai donné que la partie purement pittoresque : les pages qui suivent et où l’auteur s’emparant des notions géologiques, expose et ressuscite les révolutions de ces contrées durant les âges antérieurs à l’homme, sont d’une extrême élévation et d’une vraie beauté ; la conclusion est d’une humilité mélancolique, mêlée d’un sourire, pour la race humaine éphémère.

227. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Histoire de la littérature anglaise, par M. Taine, (suite) »

Taine fait bien sentir la différence des deux esprits, des deux races que la conquête normande n’a nullement confondues : « Qu’est-ce qui amuse le peuple en France ? […] Taine, parce que je ne l’étudie pas simplement au point de vue de la race, distinguait les diverses époques de la poésie anglaise par quatre noms, quatre fanaux lumineux : Chaucer, Spenser, Milton et Dryden. […] À vrai dire, ce sont moins encore des explications que des épreuves : c’est du moins la plus noble et la plus généreuse des disputes pour la race future, un tournoi perpétuel autour des grands esprits. […] Son caractère sombre, triste ou grossièrement gai, la teinte de fanatique et de visionnaire dont il s’est revêtu et qui recouvre le noyau solide, qui dissimule à des yeux superficiels le bon sens le plus sain et le mieux équilibré, tout le sépare des figures héroïques qui sont de nature à séduire le génie français : il n’en est que plus foncièrement d’accord avec le génie de sa race ; il en est comme l’incarnation énergique.

228. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Boileau. » pp. 494-513

Gilles Boileau, avocat et rimeur, qui fut de l’Académie française vingt-cinq ans avant Despréaux, était de ces beaux esprits bourgeois et malins, visant au beau monde à la suite de Boisrobert, race frelone éclose de la Fronde et qui s’égayait librement pendant le ministère de Mazarin. […] Mais, même les choses étant telles, que ceux du moins qui se sentent en eux quelque part du bon sens et du courage de Boileau et des hommes de sa race, ne faiblissent pas. Car il y a la race des hommes qui, lorsqu’ils découvrent autour d’eux un vice, une sottise, ou littéraire ou morale, gardent le secret et ne songent qu’à s’en servir et à en profiter doucement dans la vie par des flatteries intéressées ou des alliances ; c’est le grand nombre. Et pourtant il y a la race encore de ceux qui, voyant ce faux et ce convenu hypocrite, n’ont pas de cesse que, sous une forme ou sous une autre, la vérité, comme ils la sentent, ne soit sortie et proférée.

229. (1900) La province dans le roman pp. 113-140

Il a acheté un piano, il a fait élever sa fille comme une dame, il a envoyé son fils dans les grandes écoles, il a fini par quitter lui-même son village, où il faisait figure, pour s’engloutir dans les villes où sa trace s’est perdue et où sa race s’est tarie. […] Je regrette ces coiffures si bien appropriées aux visages différents des races différentes, d’un art si raffiné, d’une grâce si honnête, et qui avaient pour elles la beauté de l’étoffe, la ligne et la durée. […] Les romanciers, dégagés du préjugé traditionnel, découvriraient la France du silence, celle qui sème et récolte pour Paris qui fait tant de bruit ; ils apercevraient la grandeur de sa mission qui est de perpétuer la race, de la nourrir et d’en maintenir l’énergie morale et les qualités essentielles par le constant apport d’éléments sains qu’elle envoie non seulement à Paris, mais dans toutes nos grandes villes. Ils reconnaîtraient que ce qui fait le génie de la France s’agite, plus ou moins obscurément, dans toute la France ; que les paysans, les ouvriers, les bourgeois des moindres bourgs n’ont pas seulement un esprit qui leur est propre, mais un fond de qualités solides sans lesquelles un peuple ne survivrait pas à tant de causes de désagrégation, bon sens, courage, initiative, générosité, et le reste ; ils diraient ce monde merveilleux de travail qu’est notre patrie, et comment nulle race n’est peut-être mieux douée pour la diversité des métiers et des arts ; et quelles preuves d’endurance et de probité peuvent offrir les plus humbles existences.

230. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre XV. »

qui, du milieu des astres circulant au ciel, peuples la mer chargée de vaisseaux et la terre couverte de moissons ; car c’est par toi que toute race vivante est conçue, et visite en naissant la lumière du jour : ô déesse ! […] et, par les mers, les monts, les fleuves impétueux, les retraites ombragées des oiseaux et les vertes campagnes, jetant l’attrait de l’amour dans tous les cœurs, tu donnes à tous les êtres l’ardeur de perpétuer leur race. […] « Sois consacrée, sous quelque nom que tu préfères ; et cette race antique de Romulus, préserve-la, selon ta coutume, par ton salutaire appui !  […] Quelques siècles auparavant, Pindare avait dit de Pélée : « Il a vu le cercle magnifique180 où s’étaient assis les rois du ciel et de la mer, faisant apparaître les dons et la puissance qu’ils destinaient à sa race. » Depuis lors, cette image des noces de Thétis et de Pélée avait souvent occupé la peinture comme la poésie : c’était un des thèmes favoris de l’art grec, aussi familier que le voyage des Argonautes, la vengeance de Médée, ou l’abandon d’Ariane.

231. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Histoire de la Restauration, par M. Louis de Viel-Castel » pp. 355-368

Dès les premiers jours d’avril 1814, un parti exagéré et qui n’était que l’organe le plus fidèle, le plus selon le cœur de l’ancienne race royale, prétendait forcer la main aux pouvoirs intermédiaires et encore arbitres de la situation, et obtenir la rentrée de plein droit et sans condition aucune. […] Louis XVIII passe par Londres, mais ce n’est pas sans y être félicité par le prince-régent d’Angleterre, et sans lui avoir répondu publiquement : « C’est aux conseils de Votre Altesse Royale, à ce glorieux pays et à la confiance de ses habitants que j’attribuerai toujours, après la divine Providence, le rétablissement de notre maison sur le trône de ses ancêtres. » Ainsi c’est l’Angleterre, après Dieu, qui le rétablit roi de France ; le plus sage, le plus politique de la race s’exprime hautement ainsi, le premier jour où la parole lui est rendue et où chaque mot sorti de sa bouche va retentir par le monde. […] — Les chefs des anciennes maisons royales qui, dans les jours décisifs, sont devenus capables de ces quiproquos et de ces absences, ont à jamais perdu le fil du courant sympathique qui jadis identifia les héros de leur race avec la nation.

232. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre IV. La littérature et le milieu psycho-physiologique » pp. 126-137

On a raisonné à perte de vue sur l’influence de la race, pour prendre le mot consacré. […] » Mais, dans le domaine intellectuel, combien il est difficile de préciser, alors que le génie national se manifeste sous des apparences s. diverses, ce qui appartient à la race, et surtout ce qui lui appartient exclusivement ! […] On peut se proposer une théorie des races comme point d’arrivée de longues études qui sont encore à faire ; on ne saurait l’assigner pour point de départ aux recherches qui nous occupent, si l’on veut aboutir à des résultats sérieux et solides.

233. (1892) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Cinquième série « Choses d’autrefois »

On sent qu’elles ont dans les veines, même à cette époque de décadence de la noblesse, un sang orgueilleux et fort, le sang d’une vieille race de soldats, seigneurs de par l’épée. […] J’ai aimé à voir s’épanouir, dans ce royal couvent, ces orgueilleuses et charmantes fleurs de notre race.

234. (1892) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Cinquième série « Rêveries sur un empereur »

que je voudrais que cet Empereur eût le cœur pur, sincère, héroïque, qu’il l’eût jusqu’à l’oubli des préjugés de sa situation et de sa race et jusqu’au sacrifice complet de sa personne, s’il le fallait ! […] Mais, s’il la faisait, il pourrait se glorifier d’avoir été, moralement, le plus grand des pasteurs d’hommes, d’avoir accompli un acte prodigieusement méritoire et original, et d’avoir, le premier de tous, rompu avec la vieille politique égoïste et inauguré les temps nouveaux… Notez que si une âme droite, simple et bonne, qui ne serait point de race royale, qui ne serait retenue ni par l’éducation ni par la tradition, si un véritable enfant de Dieu se trouvait subitement, comme dans les contes, élevé sur le premier trône de l’Europe, toutes ces choses extraordinaires et folles, il les ferait, du premier coup, avec sérénité.

235. (1920) Essais de psychologie contemporaine. Tome I

On pensait en avoir fini avec la race d’Obermann et de René. […] Il était d’une race condamnée au malheur. […] Il en est qui ont de la race et d’autres qui sont roturiers. […] Dans l’individu, il s’agit donc de déterminer la race. Le développement de la race tient lui-même à des conditions spéciales de milieu.

236. (1899) Arabesques pp. 1-223

Le maniement exclusif de l’or, toute autre industrie leur ayant été longtemps interdite, a desséché l’âme des riches de leur race. […] Est-ce en cent ans qu’une race peut se modifier quand tout l’invite à persister dans ses coutumes de rapine ? […] Maurice Le Blond, se plaignent qu’on démolisse et que, par là, « on hâte la ruine de la race » ou, comme M.  […] Par sélection, chaque race s’assimile la part de l’apport étranger qu’il est en elle de s’assimiler, selon ses instincts et ses aspirations. […] Il en va de même pour les races humaines.

237. (1908) Promenades philosophiques. Deuxième série

Il était d’ailleurs, dans nos régions, d’une race voisine de la nôtre. […] Les races humaines établies dans nos régions auraient pu subir pareil sort. […] S’ils forment une race homogène, c’est une face pratique. […] La race s’y est accoutumée. […] Les Ibères, ce seraient les Basques, sinon par la race, du moins par la langue.

238. (1896) Les idées en marche pp. 1-385

Les races, comme les êtres, s’énervent dans le mutisme. […] Voilà sans doute un des traits de la race slave : la réceptivité sans bornes. […] Les Russes ayant l’amour de leur race ont le sentiment vif de l’histoire. […] Tenaient-elles à la tradition de leur race ? […] Il est le miroir de la race juive.

239. (1861) Cours familier de littérature. XII « LXVIIe entretien. J.-J. Rousseau. Son faux Contrat social et le vrai contrat social (3e partie) » pp. 5-56

Anoblissement des pères par les actes héroïques ou vertueux des enfants, dans les générations les plus reculées : spiritualisme profond dans ce législateur qui personnifie la solidarité de race, la responsabilité paternelle, le rémunérateur filial dans l’unité morale de la famille, continuité de l’être moral descendant et remontant du père à Dieu, du père aux fils, des fils aux pères, et qui rend la vertu aussi héréditaire de bas en haut que de haut en bas ! […] Ce serait un pauvre spectacle, aux yeux de cette adorable Divinité, de qui tout émane et à qui tout aboutit, de cette âme universelle qui n’est qu’âme, c’est-à-dire intelligence, volonté, force et perfection, que le spectacle de populations plus ou moins nombreuses broutant la terre dans un ordre plus ou moins régulier, comme celui du troupeau devant le chien, sans autre fin que de se partager plus ou moins équitablement l’herbe qui nourrit leur race, jusqu’au jour où leurs cadavres iront engraisser à leur tour le fumier vivant tiré du fumier mort, et destiné à devenir à son tour un autre fumier ! […] Devoir de ce premier groupe de la famille de reconnaître et de respecter, dans les autres groupes semblables à elle, le même droit divin de vivre et de multiplier sur la terre, domaine commun de la race humaine ; de ne point la tuer, de ne point lui dérober sa place au soleil et au festin nourricier du sillon ; mais de reconnaître, d’assister, d’aimer les autres hommes ses semblables, et de leur appliquer cet instinct tout spiritualiste et tout moral de la justice législative incréée, qui invente et qui sanctionne toute société par une force morale mille fois plus forte que la force législative, la conscience, et dont toute violation est crime, dont toute observation est vertu ! […] Le droit de l’homme est bien plus haut placé ; ce n’est pas seulement le droit à l’égalité et à sa part de vie ici-bas, c’est le droit à la vertu et à sa part d’immortalité dans l’immortalité de la race, qui n’est mortelle qu’ici-bas. […] Rousseau, ni chimères, ni violences, ni tyrannies, ni multitudes, ni satellites, ni armées, ni bourreaux qui puissent faire prévaloir la société purement matérialiste sur la société spiritualiste, où le commandement est divin, où l’abstention est vertu ; ce contrat social est, disons-nous, indépendamment de ce qu’il est plus vrai, mille fois plus digne du légitime orgueil, du saint orgueil de la race humaine : car il croit fermement (et il a raison de croire) que le contrat social qui commence sur la terre par des individus isolés, sans défense contre les éléments, par des hordes, par des tribus, par des républiques, par des empires, par des révolutions qui brisent ou qui restaurent des nations, n’est ni toute la fin, ni toute la destinée probable de la civilisation divine, ni toute la pensée du Créateur, ni tout le plan infini de Dieu dans sa création de l’homme en société.

240. (1889) L’art au point de vue sociologique « Chapitre deuxième. Le génie, comme puissance de sociabilité et création d’un nouveau milieu social »

D’abord, en ce qui concerne l’influence de la race, qui est d’ailleurs certaine, on sait que nulle race n’est pure. […] De plus, nous ne connaissons pas scientifiquement les caractères intellectuels et physiques des races mélangées. […] Nous ne pouvons déterminer jusqu’à quel point et en quelle mesure le caractère de la race persiste chez les individus, en particulier chez les artistes. […] Spencer, dans sa Sociologie descriptive, retrouve, par exemple, dans la race anglaise les Bretons, comprenant deux types ethnologiques différenciés par de la chevelure et la forme du crâne ; des colons romains en nombre inconnu, des peuplades d’Angles, de Jutes, de Saxons, de Kymris, de Danois, de Morses, de Scotes et des Pictes ; enfin des Normands, qui, eux-mêmes, d’après Augustin Thierry, comprenaient des éléments ethniques pris dans tout l’est de la France.

241. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « Collé. »

Bonhomme est un érudit de la race des Nodier, Brunet, Peignot ; un artiste et un écrivain, on ne dit pas de quelle lignée, mais de la plus fine. […] Né à Paris en 1709, d’un père procureur au Châtelet, au sein d’une famille nombreuse où il comptait quantité de frères et de sœurs, il était de pure race bourgeoise, et il fut très à même de très bonne heure de connaître la ville, tout ce monde de robins, de présidents et de présidentes singeant la Cour, une espèce dont il s’est tant moqué. […] Collé, de sa personne, était et reste, à nos yeux, le plus parfait exemple, et peut-être le dernier, de la pure race gauloise non mélangée ; c’est le dernier des Gaulois : ennemi de l’anglomanie, de la musique italienne, des innovations en tout genre, ennemi des dévots et des Jésuites, il ne pouvait non plus souffrir Voltaire, trop brillanté selon lui, trop philosophique, trop remuant, un Français du dernier ton et trop moderne, il l’appelait « ce vilain homme », et il abhorrait aussi Jean-Jacques à titre de charlatan. […] Il faut croiser les races pour l’esprit comme pour le reste, sans quoi l’on croupit sur place et, par trop de peur de s’abâtardir, on n’engendre plus.

242. (1880) Les deux masques. Première série. I, Les antiques. Eschyle : tragédie-comédie. « Chapitre XI, les Suppliantes. »

Elle enfantera la race des rois d’Argos. » Ces paroles de Prométhée à Io relient les Suppliantes au Prométhée Enchaîné. […] L’hospitalité apparaît ainsi comme la vertu native de ses races, le foyer secourable comme la pierre angulaire de la Cité grecque. […] Les Danaïdes répondent et se font connaître ; elles se déclarent de race argienne, filles d’Io, comme il est son fils. […] Pour que tu aies cette audace, certes il faut que ton esprit soit troublé. » — Durant toute l’entrevue, Pélasgos garde ce ton de l’homme de race noble parlant à un être de souche inférieure, d’un aristocrate de naissance remettant à sa place un sujet servile.

243. (1868) Les philosophes classiques du XIXe siècle en France « Chapitre XI : M. Jouffroy moraliste »

Les races ont remplacé les races ; les empires ont détruit les empires ; les civilisations se sont levées et sont tombées comme les moissons d’une plaine. […] La nature brisa encore cette création, comme elle avait fait des autres, et d’essai en essai, allant du plus imparfait au plus parfait, elle arriva à cette dernière création qui mit pour la première fois l’homme sur la terre… Pourquoi le jour ne viendrait-il pas aussi où notre race sera effacée et où nos ossements déterrés ne sembleront aux espèces vivantes que des ébauches grossières d’une nature qui s’efface ? […] Le génie de cette race est passionné et réfléchi ; les hommes concentrés y abondent ; mélancoliques, ardents, sérieux, religieux, solitaires, ils pensent naturellement à Dieu, au devoir, au bonheur, à la vie future, et leurs orages sont intérieurs.

244. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre X. »

C’étaient peut-être les vers mêmes, que nous retrouvons, au début de la Théogonie108 : « Ayons les Muses en tête de nos chants, les Muses qui habitent le grand et fertile sommet d’Hélicon, et dansent de leurs pieds légers autour de la fontaine bleuâtre et de l’autel du puissant fils de Saturne ; les Muses qui, lavant aux sources du Permesse leur beauté délicate, auprès de l’Hippocrène, ou sur le divin sommet d’Holmios au plus haut de l’Hélicon, forment des chœurs gracieux, sous leurs pas tressaillants ; puis, élancées de là, sous le voile d’un épais nuage, ont marché dans la nuit, jetant d’harmonieuses clameurs, en hymnes à Jupiter porte-égide, à la sainte Junon, reine d’Argos aux brodequins dorés, à la fille du dieu porte-égide, Minerve aux yeux pers, à Phébus Apollon, à Diane chasseresse, à Neptune qui enceint la terre et l’ébranlé, à la vénérable Thémis, à Vénus aux roulantes prunelles, à Hébé parée d’une couronne d’or, à la belle Dioné, à l’Aurore, au Soleil immense, à la Lune brillante, à Latone, à Japet, au ténébreux Saturne, à la Terre, au vaste Océan, à la Nuit sombre et à la race sacrée des autres dieux : célébrons ces Muses, qui enseignaient une si belle chanson à Hésiode, occupé de paître ses agneaux, aux bords de l’Hélicon divin. » Cette poésie brillante et gracieuse, non moins ancienne que les chants homériques, mais indigène en Béotie, offerte aux yeux et gravée dans les temples de cette religieuse contrée, suffisait à dénouer la langue du jeune homme, né pour les vers, qui vivait dans ces lieux. […] Cratinus, avant Aristophane, n’avait pas craint de traduire en plein théâtre, sous un terme de composition grotesque, ce qu’il nommait la race porco-béotienne, portant des robes ornées de franges. […] N’oublions pas ce qu’atteste l’histoire : ces jeux de force, de vaillance et d’agilité, ces quatre grandes écoles d’Olympie, de Delphes, de l’Isthme et de Némée préparaient et inspiraient la race des vainqueurs de l’Asie. […] Quel oubli de tout, hormis l’orgueil de la patrie commune et la joie de sa gloire, dans cette distraction du poëte qui met le mot de barbares à la bouche même des Perses, comme se reconnaissant une race inférieure et vaincue !

245. (1861) Questions d’art et de morale pp. 1-449

La nature est différemment sentie dans les climats et les âges différents, par les différentes races et les différentes personnes. […] Le don de la parole est identique à la première initiation de la race humaine. […] La distinction profonde à faire entre les deux races y devient plus manifeste encore que sur d’autres terrains où elles semblent offrir d’abord plus de dissemblances. […] L’homme n’a pas été créé dans cette ignorance où les traditions nous peignent la plupart des races avant les temps héroïques. […] La classe sacerdotale, la classe guerrière ou patricienne, et la classe laborieuse, qui dans les époques primitives est composée de races esclaves.

246. (1866) Nouveaux essais de critique et d’histoire (2e éd.)

Il a fallu deux races différentes pour développer des principes de croyance si opposés. […] Les maîtres ont sur les esclaves non-seulement les droits d’une race d’êtres intelligents sur une race d’êtres stupides, mais encore les droits d’une race de justes sur une race de pécheurs. […] Toute l’histoire de la condition et de la pensée de la race indienne y tient en raccourci. […] La race conquérante elle-même se divisa par la seule force de la situation acquise. […] Figurez-vous, sous un ciel étouffant, une race étrangère sortie d’un pays tempéré, même froid.

247. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « LA REVUE EN 1845. » pp. 257-274

Quelles qu’en puissent être les causes très-complexes, le fait subsiste ; il s’est élevé depuis lors toute une race sans principes, sans scrupules, qui n’est d’aucun parti ni d’aucune opinion, habile et rompue à la phrase, âpre au gain, au front sans rougeur dès la jeunesse, une race résolue à tout pour percer et pour vivre, pour vivre non pas modestement, mais splendidement ; une race d’airain qui veut de l’or.

248. (1902) L’observation médicale chez les écrivains naturalistes « Chapitre III »

Antécédents héréditaires : Issu d’une famille primitivement robuste composée « d’athlétiques soudards, de rébarbatifs reîtres »… « Par un singulier phénomène d’atavisme », il ressemble à l’antique aïeul qui, au xvie  siècle, introduit dans la race des éléments de dégénérescence et chez lequel se marque « la prédominance de la lymphe dans le sang ». […] Pendant cette singulière maladie qui ravage les races à bout de sang, de soudaines accalmies succèdent aux crises. » La liste est longue, des traitements suivis : hydrothérapie, suppression des alcools, du café et du thé, régime lacté, promenades et exercice, assa fœtida, valériane et quinine, sans compter l’emploi d’une thérapeutique morale où « il essaya des lectures émollientes, tenta, en vue de se réfrigérer le cerveau, des solanées de l’art, lut ces livres si charmants pour les convalescents et les mal à l’aise… les romans de Dickens ». […] « Le Horla, l’être fantastique, l’invisible puissance dont on subit d’abord le voisinage mystérieux, le Horla intangible mais réel, qui possède les âmes et abolit les volontés, tue le courage ; “ce rôdeur d’une race surnaturelle”, n’est-ce pas la folie qui rôde sans cesse autour du lettré, le guette, prête à fondre sur lui pour en faire sa chose, un dément qu’on enfermera vivant dans une cellule qui s’ouvre sur une tombe ? 

249. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre XV. Commencement de la légende de Jésus  Idée qu’il a lui-même de son rôle surnaturel. »

Pour le galiléen idéaliste, d’ailleurs, le titre de « fils de David » était suffisamment justifié, si celui à qui on le décernait relevait la gloire de sa race et ramenait les beaux jours d’Israël. […] Pour nous, races profondément sérieuses, la conviction signifie la sincérité avec soi-même. […] Il est vrai que certains docteurs, tels que Hillel, Gamaliel, sont donnés comme étant de la race de David.

250. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre VIII. »

« Ce fut la terre94 qui d’abord produisit l’homme, portant ainsi sa plus noble parure et voulant être la mère d’une race paisible et amie des dieux. Il est malaisé d’ailleurs de découvrir si le premier homme levé du sol fut Alcomène, chez les Béotiens, au-dessus des eaux du Céphise, ou si ce furent les Curètes d’Ida, race divine, ou les Corybantes de Phrygie, que le soleil vit alors éclore les premiers, enfantés par la tige des arbres, ou si l’Arcadie donna naissance à Pélasge, plus ancien que la Lune, ou Éleusis à son premier habitant Diaulos, ou si Lemnos, féconde en beaux enfants, mit au monde le Cabire des mystères ineffables, ou si Pallène fit naître Alcione de Phlégra, l’aîné des superbes géants. […] Après avoir montré les mortels emportés et roulant çà et là sous les coups du malheur, le poëte dit : « Homme, prends courage96 cependant : les mortels sont une race divine à qui la nature sacrée révèle toute chose. — Abstiens-toi des aliments défendus ; et, pour les expiations et la délivrance de l’âme, sois juge toi-même, et considère toutes choses avec la raison pour guide au-dessus de toi.

251. (1859) Cours familier de littérature. VII « XXXVIIIe entretien. Littérature dramatique de l’Allemagne. Le drame de Faust par Goethe » pp. 81-160

La race allemande est une branche de la famille orientale. […] L’histoire, qui perd tant de choses sur la route des siècles, a complétement perdu les traces de cette filiation de la race allemande avec les Indes ; mais la langue est un témoin qu’on ne peut récuser. […] L’auteur de ce drame de Faust, Goethe, presque notre contemporain, est incontestablement à nos yeux le plus grand génie de la race allemande. […] Méphistophélès inspire bien toujours la perversité ; mais il n’inspire le génie qu’à Goethe et à Byron, et aux hommes de leur grande race. […] Il est bien beau et il doit être de noble race ; cela se lit sur son visage ; autrement il n’aurait pas été si familier. » (Elle sort de nouveau.)

252. (1868) Cours familier de littérature. XXV « CXLVIe entretien. Ossian fils de Fingal, (suite) »

Fingal restera le dernier de sa race ; la gloire que j’ai acquise passera. […] Une race dégénérée nous remplace dans nos palais, et de tous ces héros il ne reste plus qu’Ossian. […] Nous crûmes qu’on venait redemander Crimoïna. « Je ne combattrai point, dit Connan à l’âme faible, que je ne sache si cette étrangère aime notre race. […] Qui peut remonter à l’origine de ta race, ô Connal ? […] Tu vois fleurir les rejetons de ta famille ; mais Armin reste le dernier de sa race.

253. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome premier — Livre deuxième. L’émotion, dans son rapport à l’appétit et au mouvement — Chapitre premier. Causes physiologiques et psychologiques du plaisir et de la douleur »

Selon Spencer, on le sait, la vue d’un paysage réveille en nous simultanément des milliers d’émotions profondes, maintenant vagues, qui existaient dans la race humaine aux temps barbares, quand toute son activité se déployait surtout au milieu des eaux et des bois26. […] L’antagonisme est donc ici évident ; mais, même chez beaucoup de races déjà plus élevées, l’animal est condamné à périr lui-même aussitôt qu’il a engendré : tels sont la plupart des insectes. Plus tard, quand l’espèce s’élève encore, la race et l’individu se réconcilient en une certaine mesure. […] Pourtant, dans ce passage graduel des races inférieures aux races supérieures, il se produit encore une foule d’anomalies ; aussi chez les hommes, mêmes sains, le plaisir est-il souvent contraire à l’intérêt. […] La sélection naturelle se fait en faveur des races qui savent accumuler leurs forces par la modération même.

254. (1856) Cours familier de littérature. II « XIIe entretien » pp. 429-507

Nous sommes convaincu qu’il y a eu avant nous une humanité primitive tout aussi bien douée, et, disons franchement notre pensée, qui est en cela la pensée des livres sacrés, de toutes les grandes races religieuses ou historiques du globe, qu’il y a eu une humanité mieux douée de lumière, de vérités divines, de facultés et de bonheur que nous. […] Job, selon moi, était évidemment un de ces fils de la famille patriarcale et pastorale de l’Idumée, plus imbu que ses contemporains des traditions et des vérités de souvenir de la race primitive, et parlant aux hommes, on ne sait combien d’années après le déluge, la langue philosophique, théologique et poétique que nos premiers ancêtres avaient comprise et parlée avant le cataclysme physique et moral de l’humanité. […] Une race qui peut sentir, penser et s’exprimer avec cet accent, est vraiment digne d’échanger sa parole avec la parole surnaturelle et de converser avec son Créateur. […] Puis, en quelques strophes rapides comme l’écroulement d’une maison ou d’une tente qui s’abîme coup sur coup sur Job, ses bergers et ses troupeaux sont enlevés par les ennemis de sa race ; la foudre tombe et brûle ses récoltes ; les Chaldéens tuent ses chamelles ; le Simoun, le vent du désert, renverse sa tente sur ses fils et ses filles et les étouffe sous ses débris pendant un festin. […] « Appelleras-tu en leur temps des signes dans les cieux, l’Ourse et sa brillante race ?

255. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre V. Les contemporains. — Chapitre IV. La philosophie et l’histoire. Carlyle. »

Pour les gens d’une autre race, il est désagréable ; nos nerfs le trouvent trop âpre et trop amer. […] Il y a un mot anglais intraduisible qui peint cet état et montre toute la constitution physique de la race : His blood is up. […] Dans la première sont les simples savants, les vulgarisateurs, les orateurs, les écrivains, en général les siècles classiques et les races latines ; dans la seconde sont les poëtes, les prophètes, ordinairement les inventeurs, en général les siècles romantiques et les races germaniques. […] Il se rencontre dans la même civilisation et dans les mêmes races. […] Le sentiment des choses intérieures (insight) est dans la race, et ce sentiment est une sorte de divination philosophique.

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