Les idées et les sentiments, qui sont le fondement de la vie sociale, furent personnifiés dans les Dieux. […] L’obligation fondée sur un choix libre et volontaire, qui unit à l’homme la compagne de sa vie, est d’un ordre plus élevé que le lien nécessaire par lequel un enfant tient à ses parents. […] Loin d’être morts, ils sont pleins de vie, mais d’une vie en quelque sorte idéale. […] Ce pauvre garçon deviendrait imbécile, si la prose de la vie contre laquelle il proteste, ne se chargeait pas de le sauver. […] Il donne de sages conseils à ses concitoyens, rembarre ses adversaires et ses rivaux dans l’art ; quelquefois même il livre publiquement su propre personne et les particularités de sa vie.
Pour ce qui est de sa vie, elle est en harmonie avec sa personne ; car il a beaucoup pâti, beaucoup combattu et beaucoup osé. […] De retour en Angleterre, âgé de dix-neuf ans, il monta sur les planches pour gagner sa vie, et se mit aussi à remanier des drames. […] Vers la fin de sa vie, l’argent lui manqua ; il était libéral, imprévoyant, et ses poches avaient été toujours trouées, comme sa main toujours ouverte ; quoiqu’il eût écrit immensément, il était obligé d’écrire encore afin de vivre. […] Il manie les alambics, les cornues, les récipients, comme s’il avait passé sa vie à chercher le grand œuvre. […] Là-dessus vous voyez tour à tour se dérouler toutes les scènes de la vie romaine, le marchandage du meurtre, la comédie de la justice, l’impudeur de l’adulation, les angoisses et les fluctuations du sénat.
Sa vie est restée très-peu éclaircie, malgré la célébrité dont elle jouit de son vivant, malgré les mille témoignages poétiques qui l’entourèrent et dont on a conservé le recueil comme une guirlande. […] Elle avait environ vingt-neuf ans à la date de cette publication ; elle vécut jusqu’en 1566, et mourut à l’âge où les cœurs passionnés n’ont plus rien à faire en cette vie, ayant vu se coucher à l’horizon les derniers soleils de la jeunesse. […] Le silence que Louise a gardé dans les dix dernières années de sa vie et le soin qu’elle prit, dans sa publication de 1555, de marquer à plusieurs reprises que ces petits écrits ont été composés depuis longtemps et que ce sont œuvres de jeunesse, pourrait faire conjecturer qu’elle entra à un certain moment dans un genre de vie un peu moins ouvert à la publicité. […] partout l’Amour se venge d’être esclave Fièvre des jeunes cœurs, orage des beaux jours, Qui consume la vie et la promet toujours ; Indompté sous les nœuds qui lui servent d’entrave, Oh ! […] On peut chercher une de ces chansons diffamantes et tout à fait fescennines dans un petit écrit intitulé Documents historiques sur la vie et les mœurs de Louise Labé, Lyon, 1844 ; mais de telles malignités, ainsi exprimées, ne prouvent rien.
Cet instinct est surtout développé dans tous ces êtres chantants par les circonstances intérieures ou extérieures de leur vie, par l’âge, par les climats, par les saisons. […] C’est le bruissement de la vie animale ou végétale, vie qui coule, qui écume, qui palpite et qui murmure en coulant avec la sève, avec le sang, avec la sensation, avec la pensée, dans ces torrents animés de la création. […] V Cette ivresse de vie qui monte de la voix de tous les oiseaux et de tous les insectes de l’air, au printemps, réveil de la vie, est communicative. […] Sa voix, ses larmes, qui tombaient sur le front de son amant, le rappelèrent à la vie. […] Ce fut la plus grande douleur de ma vie ; je me croyais à peine la force de survivre.
J’aime Hugo, parce que je l’ai connu et aimé dans l’âge où le cœur se forme et grandit encore dans la poitrine ; dans l’âge où les racines de notre vie, pleines encore de sève et de souplesse, s’attachent par leurs filaments les plus tendres à ce qui pousse, végète ou se rencontre seulement dans le même sol, et où, si ces racines viennent à se tordre, à se replier et à se nouer autour d’un caillou ou d’un bloc de granit, elles l’enserrent dans leurs nœuds, l’emportent en grandissant et le font pour ainsi dire végéter et vivre avec elles de leur propre substance, comme si l’arbre et la pierre n’étaient qu’une seule vie ! […] Et puis une autre raison encore me fait aimer et respecter Victor Hugo : nous avons presque commencé ensemble cette longue traversée de la vie, où le hasard, qui est Dieu aussi, fait embarquer à la même date, sur la même nef, dans les mêmes circonstances et sur la même mer, ces passagers plus ou moins mémorables qu’on appelle des contemporains. […] Être contemporains, c’est presque être amis, si l’on est bons ; la terre est un foyer de famille, la vie en commun est une parenté. […] Les mêmes étudiants, ivrognes précoces ou libertins blasés, devenus émeutiers par désœuvrement, puis républicains par fantaisie, volent la vie et le sang de leurs concitoyens dans une barricade servie par des gamins de Paris et par des filles des rues, et se font tuer eux-mêmes avec autant d’héroïsme que d’indifférence. […] Voilà l’injustice de la société ; voilà une de ces mille et mille péripéties inhérentes à la vie humaine, où les membres vertueux, laborieux, pieux de la famille, sont en même temps les plus vertueux et les plus torturés de la société innocente.
L’esprit ordonnateur qui, selon Anaxagore, gouverne l’univers, était-il la Divinité elle-même, ou n’était-ce qu’une conception panthéistique, un principe spirituel qui soufflait la vie à toute la nature ? […] Évidemment une vie supérieure, un ancêtre au-dessus de tous les ancêtres, un créateur au lieu d’un père. […] Seulement je puis penser, et je dois penser, puisque la pensée est la vie morale produite en moi par la vie matérielle. […] Mais ma vie ne se compose pas seulement de pensées comme celle d’un pur esprit qui n’a d’autre objet que la contemplation. […] Un soldat qui avait passé sa vie entière dans les missions de l’Orénoque supérieur, campait avec nous sur les bords du fleuve.
Quant à moi, mon cheval et mon chien, compagnons de ma vie, me suffisaient pour remplir mes journées de courses vagues dans les sentiers des bois ou dans les blés noirs de la montagne. Mes premières rêveries, ombres avancées de la vie future, m’emportaient de site en site plus haut et plus vite que les sabots de mon coursier. […] Il y perdit la vie sept ans après son mariage. […] Quant te voyra cestuy dont az receu la vie, Mon jeune espoulx, le plus beau des humains ? […] Mieulx qu’ores ne convient, te diray mainte chose Qu’oultre ne sçait contenir mon ardeur : Amy, se tout d’un coup s’espanoyoit la roze Plustost cherroit sans vie et sans odeur.
Au fond je sens que ma vie est toujours gouvernée par une foi que je n’ai plus. […] Tout était peuple en elle, et son esprit naturel donnait une vie surprenante aux longues histoires qu’elle racontait et qu’elle était presque seule à savoir. […] Ce qu’elle rêvait, c’était la vie en commun avec celui qu’elle aimait, et la vie qu’elle partageait en esprit, ce n’était pas naturellement la vie du prêtre, c’était la vie du ménage. […] Or, dans sa pensée, ce linge était destiné à la maison qu’elle imaginait, à ce nid en commun où elle eût passé sa vie aux pieds de celui qu’elle adorait. […] Le manoir était devenu une sorte de tombeau, d’où l’on n’entendait sortir aucun signe de vie.
Faut-il dès lors s’étonner que la santé et la vertu, ces dons qui peuvent seuls adoucir l’amer breuvage que présente la vie à chacun de nous, se trouvent plus en abondance et soient moins menacées dans les champs et dans les bois ? […] Quelques-uns de ceux même qui ont eu l’idée d’introduire chez nous des images de la poésie familière et domestique, et qui y ont réussi à certain degré, n’en ont pas eu assez la vertu pratique et l’habitude dans la teneur de la vie ; ils en ont bientôt altéré le doux parfum en y mêlant des ingrédients étrangers et adultères, et l’on a trop mérité ce qu’un grand évêque (Bossuet) a dit : « On en voit qui passent leur vie à tourner un vers, à arrondir une période ; en un mot, à rendre agréables des choses non seulement inutiles, mais encore dangereuses, comme à chanter un amour feint ou véritable, et à remplir l’univers des folies de leur jeunesse égarée. […] Cette fin de vie de Cowper est triste, humiliante pour l’esprit humain, et bien propre à faire rentrer en soi quiconque est tenté de s’enorgueillir. […] Newton, et aux exemples qu’on lui alléguait de cas plus ou moins semblables au sien, et qui avaient été restaurés et guéris, il répliquait : « Ce n’est point là exactement mon mal, et je suis une exception. » Dans cette désespérance entière de lui-même, voyant son nom définitivement rayé du livre de vie, religieux et chrétien comme il était, on peut juger de son angoisse et de sa dépression mortelle. […] » Bernardin de Saint-Pierre, chez nous, a fréquemment mêlé aux peintures naturelles de vives images de la vie et de la félicité domestique : mais la poésie en vers était restée en arrière, on ne sait pourquoi.
Aussitôt qu’il est quitte d’une guerre si rude, il se réinstalle à Rheinsberg et s’y met à vivre de cette vie qui, sauf de courts intervalles, sera désormais la sienne, vie de luxe, de beaux-arts, de plaisirs raffinés, de conversation libre où les artistes étaient admis sur un pied de familiarité décente. […] Pour moi, qui ai dévoué ma vie à l’État, je ferais une faute impardonnable, mon cher frère, si je ne tâchais pas autant qu’il est dans mon pouvoir, non pas de régner après ma mort, mais de faire participer au gouvernement une personne de votre sagesse… Je n’ai en cela, mon cher frère, que l’État en vue, car je sais très bien que, quand même le ciel tomberait, tout me pourrait être fort égal le moment après ma mort. […] Il disait d’abord qu’il n’y aurait point de guerre de la part de l’Autriche, il ne la désirait pas ; il s’était un peu amolli dans cette vie de Rheinsberg, et il ne se souciait pas de remettre en question sa renommée de victorieux : il n’était pas de ceux qui volontiers recommencent. […] Ainsi, sur l’opinion d’une autre vie : Tout homme qui y croit, écrit-il à Frédéric (30 novembre 1781), qu’il soit dans l’erreur ou non, a certainement un motif de plus pour être un citoyen honnête. […] [NdA] Voir à la page 167 de l’Essai sur la vie du marquis de Bouillé, par M.
Attendait-il votre arrivée pour lever le masque, pour ternir une vie glorieuse plus qu’à moitié passée ? […] Il eût fait l’acte le plus philosophique de sa vie. […] C’est la confiance, c’est l’amitié qui diminuent les peines de la vie, qui les entremêlent de plaisir et d’agrément. […] Vie et Correspondance de David Hume, en anglais, par M. […] Mme Riccobini, quoiqu’elle restât en dehors de tout parti, était une amie de Hume, et on la trouve nommée dans la Vie et Correspondance de ce dernier.
Un billet rapide, une lettre aimable, un généreux sentiment exprimé peuvent donner idée d’une nature, mais ne sauraient établir toute une ligne de conduite ni certifier toute une vie. […] On veut donc qu’elle n’ait, de sa vie, aimé personne, et l’on met un prix extrême à le prouver. […] Plus on regardera dans la vie de Marie-Antoinette (et on pourra y voir des imprudences), moins on y verra de replis et encore moins de noirceurs. […] que ce monde maussade, que cette vie guindée ressemblait peu à l’intimité de la famille impériale à Vienne et contrastait avec l’enjouement qui animait cette couvée de frères et de sœurs ! […] Mais dans l’habitude de la vie et de la conversation, on saisit avec plaisir chez elle ce jet facile et courant, une parole vive, aisée, des plus naturelles, et même spirituelle.
C’est dans la vie réelle, à travers les passions et les épreuves, que ce cœur de femme, sans autre maître que la voix secrète et la douleur, a dès l’abord modulé ses sanglots. […] Jugez quand ce fut lui, quand l’idéal un moment fut trouvé ; alors les orageuses amours commencèrent, la vie devint errante. […] En lisant Mme Valmore, on se fait à cette idée que la vie, l’amour, la poésie et la gloire ne s’échappent qu’en débris. […] Je suis, comme tout le monde, à la vie pour souffrir ; — c’est plutôt apprendre à penser qu’à parler. […] — Enfin j’ajouterai quelques détails précis concernant sa vie de théâtre, sur laquelle elle a glissé.
Leur œuvre est un symbole, car ils ne se bornent pas à signifier mieux l’individu, mais déduisent de son attitude physique quelque large attitude morale et, sans y avoir pensé peut-être, le rattachent ainsi au cercle moral de la Vie. […] En outre, comme presque toujours l’importance du concept moral est exagéré à l’entier détriment du concept plastique, l’œuvre perd toute vie en même temps qu’est rompu l’équilibre d’où elle devait surgir. […] Quelques Flamands s’y adonnent aussi et, je crois, avec plus de bonheur ; je connais des strophes où ne manquent ni la grâce ni l’énergie, bien qu’elles allégorisent ; mais quelle vie intérieure plus profonde elles auraient eue sans ce défaut ! […] Il se réjouit des images, non pas en général de celles qui portent un sens convenu, mais de celles que le Poète interprète et modèle en voyant de la vie. […] Au contraire, il paraît si proche de notre vie qu’on pourrait hésiter à saisir l’élan de sa pensée, et qu’assurément l’on s’en étonne d’abord.
Si maintenant nous en venons de la terre aux plantes et aux animaux qui vivent ou ont vécu, les faits nous manquent pour vérifier la loi ; non qu’il soit douteux pour l’organisme individuel que le progrès se fait du simple au composé ; mais si nous passons des formes individuelles de la vie à la vie en général, nous ne pouvons dire si les Flores et Faunes modernes sont plus hétérogènes que celles du passé. […] Tous deux sont soumis à la même loi d’évolution, aux mêmes variétés de forme ; il y a des sociétés rudimentaires tout comme des organismes grossiers ; il y a des organisations sociales, savantes et compliquées, tout comme des organismes dont le mode de vie est riche et complexe. […] 3° A l’origine, la dépendance mutuelle des parties existe à peine ; mais elle devient finalement si grande que l’activité et la vie de chaque partie ne sont possibles que par l’activité et la vie des autres. 4° La vie du corps est beaucoup plus longue que celle des éléments qui constituent le corps ; et l’organisme total survit à la disparition des individus qui le composent ; il peut même croître en masse, en structure, en activité, malgré ces pertes successives. […] L’analogie est bien plus frappante encore, si on les considère surtout dans leur développement, si l’on remarque combien les formes inférieures de la vie ressemblent aux formes inférieures de l’organisation sociale.
Jusque-là, ce qu’aimait par goût cette gracieuse, élégante et aimable reine, c’était une vie douce, agréable, une vie égayée et ornée, au sein d’une société aussi particulière et aussi familière qu’il était possible à la Cour. […] Le héros de roman s’était heurté contre la réalité et s’y était brisé : il va essayer, dans la seconde partie de sa vie, d’être un héros d’histoire, mais la fortune lui en refusera l’occasion, et, en la lui refusant, elle ne sera que juste. […] C’est qu’à moins d’être un homme du premier ordre, un homme qui en réunit et en assemble plusieurs en lui, on ne saurait, eût-on trente ans et même cinquante, s’affranchir jamais du cachet qu’une pareille vie première imprime à l’âme, à la volonté, à toute l’existence. […] La vie de Lauzun est remplie de cette chevalerie appliquée à faux. […] Quelle qu’ait été la part de volonté et de caractère que Lauzun avait primitivement reçue de la nature, l’usage qu’il en avait fait dans sa première vie avait certes contribué à la diminuer en lui et à l’énerver.
Ici commence sa vie de journaliste, mêlée, dans les intervalles, d’hommages et de retours à la poésie. […] Quatorze années de gloire, de grandeur et de reconstruction sociale, avec même tous les désastres de la fin, ne se suppriment pas dans la mémoire et dans la vie d’une nation, comme une parenthèse dans une phrase trop longue. […] Fontenelle, à la fin de sa vie, disait : « Je suis effrayé de l’horrible certitude que je trouve à présent partout. » En citant ce mot que Fontenelle disait à quatre-vingts ans, M. […] Fiévée et d’autres amis à la rédaction de La Quotidienne, et dès lors sa vie se partage entre cette guerre de journaux et la composition de sa grave Histoire. […] Michaud, ni un apôtre, ni un docteur, je ne suis pas même un disciple bien fervent ; je suis venu à Jérusalem, je dois l’avouer, non pour réformer les erreurs de ma vie, mais pour corriger les fautes d’un livre d’histoire.
Conséquent dans sa vie aux opinions et aux sentiments de ses ouvrages, le président du consistoire de Schaffouse s’est fait depuis catholique. […] Chez elle, tout tend vers un but et une action politiques, même son amour-propre, car elle est blessée de la réputation qu’on lui a trop faite d’être plus apte à la vie de la spéculation qu’à la vie active, et ce n’est pas chose à mépriser ni sans puissance que l’amour-propre des nations. […] La vie lui avait été bonne. […] Cela seul produisit un mal immense que toute sa vie ne put racheter. […] Tel est en raccourci le célèbre pontife auquel Hurter a consacré bien des années d’une vie laborieuse.
Sa vie est autre chose. […] Il n’y a songé de sa vie, et ne veut point le savoir. […] Je crois que de sa vie il ne les a bien dits à personne. […] Cette vertu suppose un esprit de réflexion pratique, d’attention à autrui, d’occupation du sort des autres et de détachement de soi, qu’il n’a pas reçu, ce me semble, infus avec la vie, et qu’il a encore moins songé à se donner. […] Il vient un moment dans la vie où il faut éviter autant que possible aux autres l’embarras de tâtonner à notre sujet ; et où c’est l’heure ou jamais de se développer tout entier.
Hase, mourait surchargé de titres, de places et d’honneurs bien mérités, Dubner, à l’âge de plus de soixante ans comme au premier jour, n’était rien qu’un travailleur isolé, tout entier voué à l’exécution des grandes entreprises philologiques qui roulaient sur lui, dont il était la cheville ouvrière et l’âme, se dérobant, ne s’affichant pas, étranger au monde, n’ayant au dehors que les relations strictement nécessaires, enseveli, comme il le disait, dans sa vie souterraine au fond de sa mine philologique, et tout semblable à l’un de ces mineurs du Erzgebirge auquel lui-même il se comparait ingénieusement. […] « Que vous dirai-je de sa vie, messieurs ? […] Sous ce rapport, au dire des plus compétents, Dübner était arrivé, vers la fin de sa vie, à une quasi-divination : c’était le résultat des immenses lectures auxquelles l’avaient forcé ses publications incessantes. […] « Mort il y a juste un an, le 13 octobre 1867, Dübner n’avait pas accompli sa soixante-cinquième année : à ne voir que sa vie saine et son apparence robuste, de longs jours lui semblaient encore promis. […] Tous ceux qui ont causé avec Dübner dans les derniers temps de sa vie savent, par exemple, qu’il s’en est fallu de peu que le titre de l’édition de Cesar ne portât point son nom, mais seulement le nom du directeur de l’Imprimerie impériale.
Il eût été plus complet et plus large en le refaisant à l’âge avancé de la vie : M. […] Guizot183 eût trouvé de nouveau ici sa place avec une chaleur qu’entretenaient, au terme de sa vie, les convictions de sa vie entière. […] Si vous l’ignorez, lecteur, le voici : « On avait cru jusqu’à ce jour en France, et depuis Gassendi jusqu’à MM. de Fontanes et Villemain, que Lucrèce, esprit rêveur et mélancolique, jeté dans le monde à une époque d’anarchie et de discordes civiles, troublé de doutes et de terreurs philosophiques à la manière de Pascal et de Boulanger, voyant l’État s’abîmer dans les crimes, et ne sachant où la destinée humaine poussait l’homme ; on avait cru que pour échapper au vertige et ne pas glisser misérablement de ces hauteurs où l’avait emporté sa pensée, il s’était jeté en désespoir sur la solution d’Épicure, s’y attachant avec une sorte de frénésie triomphante, et que de là, dans quelques intervalles de fixité et de repos, il avait voulu enseigner à ses contemporains la loi du monde, la raison de la vie, et leur montrer du doigt le sentier de la sagesse. […] « Lucrèce dit qu’en un cœur coupable sont tous les fouets, tous les aiguillons de l’enfer ; et que le méchant, ne voyant aucun terme à ses tortures, les prolonge et les aggrave en idée après cette vie : d’où naît la crainte chimérique du Tartare : ……………………… At mens sibi conscia facti, Præmetuens », adhibet stimulos torretque flagellis Mec videt interea, qui terminus esse malorum Possit, nec quæ sit pœnarum denique finis ; Atque eadem metuit magis hæc ne in morte gravescant Hinc Acherusia fit stultorum denique vita. […] J’ai habituellement de l’homme de moins grandes idées, et je ne le vois que comme un des innombrables accidents dans les variétés de la vie, un résultat bien fugitif et transitoire, une apparition d’un instant (cet instant fût-il composé de quelques millions d’années), et ce que Pindare a appelé le songe d’une ombre. » (Lettre à M. de Chantelauze, du 18 septembre 1868.)
En Grèce, en Arabie, dans l’Inde, ainsi se perpétuèrent et grossirent, durant des siècles, des trésors de récits et de chants qui sont le plus complet réservoir comme la plus pure essence de la vie de ces peuples aux époques primitives. […] La religion, désertant peu à peu son immense et vague domaine, se replia dans les cérémonies du culte ; la science fit effort, se détacha et subsista d’une vie propre ; la philosophie fonda ses écoles ; l’histoire établit des registres plus ou moins scrupuleux. […] Toutes les fois que cette littérature noble n’avait pas dédaigné l’autre source réelle et naturelle du fonds national, et qu’elle s’y était franchement trempée, elle y avait acquis une vie et comme une allégresse singulière, et s’était sauvée de l’affadissement. […] Il n’a guère fait dans sa vie, je crois, de plus long voyage que celui de la rue Montorgueil à Péronne ou peut-être à Dieppe, et en vérité il n’a pas eu besoin d’en voir davantage. […] Il y a là une noble recherche d’égards, et aussi une douce science de composer, d’assortir son œuvre et sa vie comme un bouquet odorant, non moins suave qu’impérissable.
La vie paresseuse ou la vie active sont plus dans la nature de l’homme que la méditation ; et pour consacrer toutes les forces de sa pensée à la recherche des vérités philosophiques, il faut que l’émulation soit encouragée par l’espoir de servir son pays et d’influer sur la destinée de ses concitoyens. […] Ce sont leurs lumières et leurs talents dans la carrière civile qui les ont rendus chers à la postérité, et leur ont fait obtenir, pendant leur vie, l’obéissance de l’admiration, cette obéissance qui donne au pouvoir absolu le plus bel attribut des gouvernements libres, l’assentiment volontaire de l’opinion publique. Certainement il est peu de carrières plus resserrées, plus étroites, que celle de la littérature, si on la considère, comme on le fait quelquefois, à part de toute philosophie, n’ayant pour but que d’amuser les loisirs de la vie, et de remplir le vide de l’esprit. […] On se livre à l’étude de la philosophie, non pour se consoler des préjugés de la naissance qui, dans l’ancien régime, déshéritaient la vie de tout avenir, mais pour se rendre propre aux magistratures d’un pays qui n’accorde la puissance qu’à la raison. […] Il ne craint plus de consumer en lui-même le flambeau de la raison, sans pouvoir jamais porter sa lumière sur la route de la vie active ; il n’éprouve plus cette espèce de honte que ressentait le génie condamné à des occupations spéculatives devant l’homme le plus médiocre, si cet homme, revêtu d’un pouvoir quelconque, pouvait sécher des larmes, rendre un service utile, faire du bien au moins à quelqu’un sur la terre.