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1346. (1899) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (troisième série). XVII « Francis Lacombe »

Qu’on le sache et qu’on le nie, avec l’hypocrisie des partis qui ont leur chemin à faire et qui veulent tourner pacifiquement les résistances, ou qu’on l’avoue, au contraire, avec cette foi exaltée aux idées fausses qui a ses racines dans l’orgueil, de tels systèmes, si on les acceptait comme on les donne, ne seraient pas seulement avec le passé une rupture haineuse et profonde, ils mèneraient droit à l’effacement radical de tout ce qui a produit pendant dix-huit siècles la gloire, la force et les vertus de la société européenne.

1347. (1906) Les œuvres et les hommes. Poésie et poètes. XXIII « Émile Augier, Louis Bouilhet, Reboul »

dont l’amant se fait gladiateur et se trouve en face d’un inceste quand il s’agit d’épouser la femme qu’il aime… Mais cette histoire, qui aurait pu être dramatique et touchante, surtout à l’heure où le christianisme, sortant comme une aurore des Catacombes, commençait de jeter, avec ses premiers rayons, dans les âmes, les troubles d’une vertu et d’une pudeur inconnus à cet effroyable monde romain qui finissait, cette histoire n’est pour Bouilhet qu’un prétexte : son vrai but, c’est de nous décrire le luxe inouï et les derniers excès d’une société dont les vices sont restés l’idéal du crime, et qui tombe, ivre-morte du sang dont elle a nourri ses murènes, sous la table de Lucullus.

1348. (1906) Les œuvres et les hommes. Poésie et poètes. XXIII « Maurice Bouchor »

Vous rappelez-vous cette page inouïe de Jean-Paul, dont le sublime transportait madame de Staël, quand, au Jugement dernier, il peint le désespoir des âmes qui auront vécu en Jésus-Christ sur la terre et compté sur le ciel pour prix des plus cruelles vertus, lorsqu’elles entendront une voix sortant des profondeurs de l’Infini, qui criera par tout Josaphat : Vous vous êtes trompés !

1349. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « M. Auguste de Chatillon. À la Grand’Pinte ! »

Sa résignation n’a pas la beauté sévère d’une vertu, mais la grâce d’une amabilité : Madame la Providence, Hélas !

1350. (1889) Les œuvres et les hommes. Les poètes (deuxième série). XI « Henri Heine »

Je ne sais pas si les fameux vers de Lamartine sont aussi vrais que hardis : Et vous, fléau de Dieu, qui sait si le génie N’est pas une de vos vertus ?

1351. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XXXV. Des éloges des gens de lettres et des savants. De quelques auteurs du seizième siècle qui en ont écrit parmi nous. »

On prononça en son honneur, à Wittemberg et à Tubingue, un grand nombre d’oraisons funèbres, où l’on célébra des vertus qui l’avaient fait aimer, et des talents qui ne l’avaient point rendu heureux.

1352. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre V. »

Laissons donc pour ce qu’elle vaut la citation d’Élien, et contentons-nous de croire, avec Hérodote et Plutarque, que le musicien Arion avait excellé sur le mode Orthien et le mode Pythien, les plus grandes puissances de l’antique mélodie, et que le jour où, charmant par ses accords les matelots âpres à sa dépouille, il eut le temps de sauter du milieu de ces brigands sur un dauphin préservateur, il avait employé au soutien de ses vers et de sa voix suppliante ces deux modes harmoniques, dont Platon a vanté la vertu pour adoucir tes âmes et calmer, sur place, même une sédition politique.

1353. (1889) La littérature de Tout à l’heure pp. -383

Elle n’était certes pas ignorante à demi, la Foule, mais elle se l’avouait et cet aveu la constituait en état de perpétuelle réceptivité spirituelle : elle savait tout, de par la vertu sincère de son ignorance. […] Il s’agissait de conquérir à la gloire du génie catholique l’universel empire des esprits, — et ce génie pour cette œuvre produisit des vertus admirables. […] Qu’ont-ils trouvé, ces Poëtes qui ont choisi les passions pour champ de leur rêve, ces Moralistes qui ont étudié les ressorts du Vice et de la Vertu ? […] Huysmans a l’intelligence, le goût, l’amour — compliqué, mêlé, corrigé, rectifié de haine — le sens, enfin, des vertus et des vices, de l’atmosphère et de la physionomie modernes. […] Le Dilettantisme a, de certaines vertus, comme un reflet diminué : il n’a pas d’orgueil.

1354. (1859) Cours familier de littérature. VII « XXXVIIe entretien. La littérature des sens. La peinture. Léopold Robert (2e partie) » pp. 5-80

L’impatience est le défaut, mais aussi la vertu de la jeunesse. […] Cette liaison, je vous le répète, ne peut que m’élever l’âme et me donner le désir de me maintenir dans le sentier de la vertu. […] Vertu, candeur, simplicité, tout est en elle !

1355. (1859) Cours familier de littérature. VII « XXXVIIIe entretien. Littérature dramatique de l’Allemagne. Le drame de Faust par Goethe » pp. 81-160

C’est dans une de ces tavernes, fréquentées par ces jeunes corrupteurs de son adolescence, qu’une jeune fille angélique, pureté morale dépaysée dans la boue, lui apparut pour la première fois et lui fit sentir la beauté de la vertu en contraste avec les vices. […] Mais d’abord hâtons-nous de vous dire que l’invention n’en appartient pas à Goethe, pas plus que l’invention d’Ahasvérus, l’homme immortel, n’appartient aux innombrables poètes qui ont chanté ce songe universel de l’expiation par la vie ; pas plus que l’invention de don Juan, cette moquerie incarnée de la vertu, de l’amour dans la fidélité de don Juan, ce vampire de la femme, n’appartient à l’Espagne ou à la France. […] Méphistophélès, c’est le diable de nos jours, c’est le Satan civilisé, c’est le démon de bonne compagnie qu’on appelle ricanement quand il dénigre l’enthousiasme, envie quand il salit la gloire, libertinage quand il profane l’amour, scepticisme quand il ridiculise la vertu, force d’âme quand il nie Dieu en le respirant par tous les pores.

1356. (1859) Cours familier de littérature. VII « XLe entretien. Littérature villageoise. Apparition d’un poème épique en Provence » pp. 233-312

La nature occidentale n’en fait plus, mais la nature méridionale en fait toujours : il y a une vertu dans le soleil. […] Oui, il faut finir cet Entretien par le mot qui l’a commencé : Il y a une vertu dans le soleil ! […] Quant à nous, si nous étions riche, si nous étions ministre de l’instruction publique, ou si nous étions seulement membre influent d’une de ces associations qui se donnent charitablement la mission de répandre ce qu’on appelle les bons livres dans les mansardes et dans les chaumières, nous ferions imprimer à six millions d’exemplaires le petit poème épique dont nous venons de donner dans cet Entretien une si brève et si imparfaite analyse, et nous l’enverrions gratuitement, par une nuée de facteurs ruraux, à toutes les portes où il y a une mère de famille, un fils, un vieillard, un enfant capable d’épeler ce catéchisme de sentiment, de poésie et de vertu, que le paysan de Maillane vient de donner à la Provence, à la France et bientôt à l’Europe.

1357. (1860) Cours familier de littérature. X « LVe entretien. L’Arioste (1re partie) » pp. 5-80

Nul ne se présente par doute de la vertu de Ginevra et par crainte du glaive de Lurcins : c’est le nom du frère d’Ariodant, accusateur de la princesse. […] Il adore sa sœur, et il combattrait triomphalement pour elle, à qui sa vertu n’est pas suspecte. […] « Car l’un, ajouta-t-il, croit combattre pour la vertu, et combat pour la calomnie ; l’autre ignore s’il est dans le vrai ou dans le faux, et combat, par une magnanime générosité, pour arracher à la flétrissure et à la mort une si parfaite beauté.

1358. (1863) Cours familier de littérature. XV « LXXXVIIIe entretien. De la littérature de l’âme. Journal intime d’une jeune personne. Mlle de Guérin » pp. 225-319

La nature des ouvrages rappelait les occupations sérieuses du père, du fils, et surtout de la fille aînée, mademoiselle Eugénie de Guérin, qui remplaçait la mère par nécessité, par vertu et par goût, auprès de son frère Maurice et de sa plus jeune sœur. […] Voilà qui donne à espérer pour son âme : des vertus qui nous font pleurer des hommes doivent nous faire aimer de Dieu !  […] Cette fleur est bonne et douce pour les rhumes, et, comme la vertu cachée, son parfum la décèle.

1359. (1885) La légende de Victor Hugo pp. 1-58

Alors il couvrait de décorations sa poitrine rayonnante d’aigles d’or et d’argent10. » En ces temps il songeait fort peu à la Vendée et à ses vierges martyres, à Henri IV et aux vertus des rois légitimes : Napoléon le possédait tout entier ; et oubliant les jeux de l’adolescence, il étudiait ses campagnes, et suivait sur la carte, la marche de ses armées. […] Mais là où Victor Hugo étale grossièrement son esprit bourgeois, c’est lorsqu’il personnifie ces deux institutions de toute société bourgeoise, la police et l’exploitation, dans deux types ridicules : Javert, la vertu faite mouchard, et Jean Valjean, le galérien qui se réhabilite en amassant en quelques années une fortune sur le dos de ses ouvriers. La fortune lave toutes les taches et tient lieu de toutes les vertus.

1360. (1901) L’imagination de l’artiste pp. 1-286

Mais comment rendre à ce symbole connu sa vertu suggestive ? […] Cette figure a donc deux significations superposées ; elle représente une chose qui en représente une autre ; sa vertu suggestive est ainsi élevée à la deuxième puissance. […] Il s’est ainsi servi de la vertu suggestive du mot pour donner une plus forte résonance aux sentiments qu’il voulait leur faire exprimer. […] « Il s’agissait de faire rayonner une vertu différente sur la face de chaque saint… La vie des saints proposait toutes ces nuances exquises à l’art. […] Ces étranges images l’attireront encore par leur vertu symbolique.

1361. (1886) Le roman russe pp. -351

Tout ce que l’on renversait avait été sourdement miné par la vertu secrète de ce ferment. […] On a produit des arguments dont je reconnais l’efficacité indirecte ; ils sont de nature si joyeuse qu’ils devraient guérir nos humeurs noires par la vertu souveraine du rire. […] À la fin de ce siècle, des prophètes et des apôtres étaient venus, qui annonçaient aux hommes le bonheur fondé sur la raison, le règne de la vertu et de la liberté, organisé par un miracle métaphysique. […] Qu’il ne fut pas un héros, rempli de perfections et de vertus, c’est évident. […] Ce tableau, qui eût dû être laid, repoussant, l’écrivain l’avait revêtu de grâce et de charme, en quelque sorte contre sa volonté, par la vertu intime de sa poésie.

1362. (1932) Le clavecin de Diderot

Ou encore, et, ici, l’exception confirme la règle, cette faculté de se décomposer, les professeurs dans leurs jours lyriques, en font la vertu intrinsèque d’un temps, d’un lieu, de certains êtres. […] La communion que les êtres, entre eux, se défendent, apparaît, à la lumière de leur désespoir délirant, une interdiction que seule, peut lever, et pour des fins surnaturelles, la vertu d’un sacrement. […] N’a-t-on point voulu, par ailleurs, lui persuader qu’il n’y a de vertu que dans le négatif (renoncement — résignation — chasteté — pardon des offenses…). […] Or il me paraît légitime d’accuser de niaise suffisance, en même temps que de boulimie, celui qui confond l’objet avec ce dont l’objet, du fait même de ses nourrissantes vertus, a été, en lui, l’occasion. […] Or, s’il a su ressusciter de toutes les asphyxies plus ou moins parfumées au parfum des vertus chrétiennes, il doit aujourd’hui encore triompher de plus d’un attentat dogmatique.

1363. (1898) La poésie lyrique en France au XIXe siècle

Lui, au contraire, il croit à la bonté de la nature, au progrès de l’humanité, à la vertu de l’action. […] Et, en effet, de même que Valentin tout à l’heure avait juré de séduire Cécile dans les quarante-huit heures, voici un jeune homme, le jeune chevalier de Rosemberg, qui prétend avoir aussi vite raison de la vertu de Barberine. […] Elle n’éprouve pas le besoin de faire du tapage et d’ameuter les gens, elle ne se drape pas dans sa vertu, elle ne se pose pas en héroïne, parce qu’elle a fait son devoir : une honnête femme, jusque dans sa vertu, met de la simplicité, de la bonne grâce et de l’esprit. […] Car cet amour, auquel on demande tant de bonheur, pour qu’il remplisse la plénitude de bonheur que nous en attendons, il faut qu’il soit à base d’honnêteté, de confiance et de vertu ; mais l’amour tel que le conçoit Alfred de Musset est à base de plaisir. […] L’idée philosophique est la suivante, à savoir que la pitié est vertu souveraine, mais que la pitié doit s’appliquer à la forme de la souffrance qui est vraiment la plus douloureuse.

1364. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Sismondi. Fragments de son journal et correspondance. »

Je ne suis pas bien sûr que Mme de Staël partage ce sentiment… Les femmes, plus passionnées que nous dans tous les partis qu’elles embrassent, sont, d’autre part, beaucoup moins susceptibles de cet esprit national ; l’obéissance les révolte moins, et comme ce n’est pas leur vertu, mais la nôtre, qui paraît compromise par des défaites suivies d’une absolue dépendance, elles s’en sentent moins que nous humiliées. » Mme de Staël (et c’est une réparation qu’on lui doit) était beaucoup plus du sentiment de Sismondi, à cette date, que lui-même n’avait d’abord osé le penser ; mais Mme d’Albany n’en était pas du tout, et, dans les lettres qu’il lui adresse, Sismondi s’efforçait en vain de la ramener, de la convertir à sa manière d’envisager les choses du point de vue tout nouveau où il se plaçait : « Je suis étonné, lui écrivait-il (11 décembre 1814), de vous voir vous arrêter toujours sur le passé, tandis que c’est le présent seul qui importe. […] Sismondi appartient à la classe des historiens moraux ; il est trop porté à expliquer toutes choses, même celles d’un âge très-éloigné et d’une forme sociale toute différente, par les contrastes et les vicissitudes de liberté et de despotisme, de vertu et de corruption, qu’il entend au sens moderne.

1365. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « L’Académie française »

La première fondation est affectée aux prix de vertu : il s’agit, aux termes du testament, de récompenser annuellement le Français pauvre ayant fait dans l’année l’action la plus vertueuse. […] Souriau en 1863 et qui n’est qu’un supplément, une sorte de codicille, aux prix de vertu de M. de Montyon.

1366. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « La Bruyère »

Vieille en 1720, date de la note manuscrite, était-elle une de ces personnes dont La Bruyère, au chapitre du Cœur, devait avoir l’idée présente quand il disait : « Il y a quelquefois dans le cours de la vie de si chers plaisirs et de si tendres engagements que l’on nous défend, qu’il est naturel de désirer du moins qu’ils fussent permis : de si grands charmes ne peuvent être surpassés que par celui de savoir y renoncer par vertu. » Était-elle celle-là même qui lui faisait penser ce mot d’une délicatesse qui va à la grandeur ? […] On lit dans les Mémoires de Trévoux (mars et avril 1701), à propos des Sentiments critiques sur les Caractères de M. de La Bruyère (1701) : « Depuis que les Caractères de M. de La Bruyère ont été donnés « au public, outre les traductions en diverses langues et les dix « éditions qu’on en a faites en douze ans, il a paru plus de trente « volumes à peu près dans ce style : Ouvrage dans le goût des Caractères ; « Théophraste moderne, ou nouveaux Caractères des Mœurs ; « Suite des Caractères de Théophraste ut des Mœurs de ce siècle ; les « différents Caractères des Femmes du siècle ; Caractères tirés de l’Écriture « sainte, et appliqués aux Mœurs du siècle ; Caractères naturels « des hommes, en forme de dialogue ; Portraits sérieux et critiques ; « Caractères des Vertus et des Vices.

1367. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « François Ier, poëte. Poésies et correspondance recueillies et publiées par M. Aimé Champollion-Figeac, 1 vol. in-4°, Paris, 1847. »

Toujours c’est aux meilleurs et aux plus généreux sentiments de son frère qu’elle s’adresse ; c’est le culte de l’honneur qu’elle échauffe et qu’elle entretient en lui : Mais toy, qui as toujours foy conservée Et envers tous ta constance observée, Rendant content Dieu et ta conscience Par ta vertu, doulceur, foy, pacience, Tenant à tous parole et vérité, Honneur tu as, non ennuy mérité. […] Celluy qui est de la foy devestu Ne peult louer en aultre sa vertu.

1368. (1895) Histoire de la littérature française « Quatrième partie. Le dix-septième siècle — Livre III. Les grands artistes classiques — Chapitre IV. Racine »

L’amour dispense Astrate de générosité, de dignité, d’affection filiale même : l’amour est une vertu, la seule vertu.

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