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684. (1896) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Sixième série « Anatole France, le Lys rouge »

La chose se pourrait passer aisément entre habitués des fortifications ou des boulevards extérieurs : car les « faits-divers » nous avertissent que c’est surtout dans ce monde-là que se rencontrent encore les sombres amours et les violences effrénées des tragédies raciniennes.

685. (1880) Les deux masques. Première série. I, Les antiques. Eschyle : tragédie-comédie. « Chapitre XIII, les Atrides. »

la tragédie de l’hérédité, le poème du talion.

686. (1885) Préfaces tirées des Œuvres complètes de Victor Hugo « Préfaces des pièces de théâtre — Préface des « Burgraves » (1843) »

Les Grecs ne s’en doutaient pas, et les plus imposants chefs-d’œuvre de la tragédie proprement dite sont nés en dehors de cette prétendue loi.

687. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Troisième partie — Section 13, de la saltation ou de l’art du geste, appellé par quelques auteurs la musique hypocritique » pp. 211-233

saltare et gestum agere, s’emploïent si bien indistinctement, qu’on disoit danser une piece dramatique pour dire la réciter sur le théatre, et cela, non-seulement en parlant des représentations des pantomimes, qui joüoient sans ouvrir la bouche, comme nous le dirons tantôt, mais même en parlant des représentations des tragédies ou des comédies ordinaires dans laquelle la récitation des vers faisoit une partie de l’execution de la piece.

688. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre XVIII. Souvenirs d’une Cosaque »

Avec l’impétuosité, la fierté, le mépris à l’Ajax pour Dieu et les hommes, l’intraitabilité qu’elle y affecte, on s’attend à y voir surgir des tragédies et des catastrophes, et il n’y a que son mari de cravaché, ce qui n’est pas une grande catastrophe.

689. (1909) Les œuvres et les hommes. Critiques diverses. XXVI. « L’idolâtrie au théâtre »

à ces esprits-là tout est possible ; mais quand l’importance des vaudevilles ou des tragédies de salon paraîtrait à ces forts penseurs un droit à maintenir au génie, quand tel hôtel, à la porte blasonnée, serait devenu pour le théâtre français une succursale d’émulation honorable et utile, il resterait toujours la question qui prime toutes les autres, — la question des mœurs.

690. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « La Grèce antique »

On légifère beaucoup en Grèce ; on y fait des constitutions comme des tragédies ; on y fait des discours comme des statues ; on agite les places publiques, et on y commande des armées qui réalisent de magnifiques œuvres d’art militaire à Marathon et à Salamine ; mais on n’y gouverne pas.

691. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « Les Césars »

Ce n’est ni dans Montesquieu, ni dans Vertot, ni dans les fausses tragédies de Voltaire, que nous trouverons le mot de la civilisation romaine, pas plus, du reste, que nous n’avons découvert, dans l’abbé Barthélemy ou la législation du draconien Saint-Just, le secret de la civilisation grecque.

692. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « Madame de Sévigné » pp. 243-257

Il se moque bien des tragédies !

693. (1895) Les œuvres et les hommes. Journalistes et polémistes, chroniqueurs et pamphlétaires. XV « Émile de Girardin » pp. 45-61

Aujourd’hui il nous donne la comédie de la pièce de cent sous ; il est bien capable de nous en donner demain la tragédie ou le roman, après-demain le poème épique, et de jeter ainsi les fondements de cette morale et de cette littérature de l’argent, qui sera, dit-il, la gloire de l’avenir.

694. (1895) Les œuvres et les hommes. Journalistes et polémistes, chroniqueurs et pamphlétaires. XV « Crétineau-Joly » pp. 247-262

— pouvait cependant s’épargner de faire lever certaines poussières, comme les Poésies de Crétineau, sa tragédie du Duc d’Albe et son voltairianisme momentané.

695. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « XVIII. Lacordaire »

Lacordaire, n’est pas d’aujourd’hui ; et l’Académie, qui, comme toutes les douairières, a toujours aimé les très petits jeunes gens et qui les fait tout de suite académiciens à leurs premiers vers de comédie ou de tragédie, aurait pu, il y a vingt-cinq ans, avoir un jeune homme de plus dans son écrin de jeunes hommes, et un jeune homme qui lui aurait apporté une renommée éclatante.

696. (1887) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (deuxième série). IX « M. Th. Ribot. La Philosophie de Schopenhauer » pp. 281-296

Mais les gens qui reviennent du Schopenhauer sont comme les gens qui reviennent des Grandes-Indes, et qui se mettent à les raconter… Or, comme on disait autrefois, parmi les romantiques, quand les classiques racontaient les choses les plus intéressantes de leurs tragédies, — par exemple, la mort d’Hippolyte ou les empoisonnements, de Locuste : — on aimerait mieux voir.

697. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « M. Edgar Quinet. L’Enchanteur Merlin »

Quinet, comme le Chœur dans la tragédie antique ; quatre vers, échappés du mirliton moderne, L’amour commence, Tout est divin !

698. (1914) En lisant Molière. L’homme et son temps, l’écrivain et son œuvre pp. 1-315

On peut croire que l’animosité de Molière contre la tragédie, telle qu’elle se marque dans la Critique de l’École des femmes, est un ressentiment de Molière contre l’échec de Don Garcie de Navarre, et que Molière a dit, plus ou moins consciemment : « J’ai échoué dans la tragédie ; mais la comédie est beaucoup plus difficile que la tragédie et je suis l’homme qui échoue dans un genre inférieur parce qu’il est habitué à un genre plus relevé. » C’est ainsi qu’on calme une rancune et surtout qu’on la manifeste. […] Par elle-même la comédie n’aime pas les grands sujets, donne peu dans l’extraordinaire, est forcée, même fantaisiste, de tenir compte du vrai plus que la tragédie. […] Dès 1659, Thomas Corneille écrit à l’abbé de Pure avec une satisfaction visible que les Comédiens de Monsieur ont mal joué une certaine tragédie de M. de la Clairière et qu’il ne les croit capables que de jouer de pareilles bagatelles. […] Songez qu’il joue Corneille, Corneille, un peu affaibli, et que par ce fait le public prend l’habitude de considérer la comédie comme ayant une aussi haute valeur dramatique que la tragédie, ce qui est une idée toute nouvelle. […] Comédie, en soi, à la même hauteur que la tragédie, en fait très supérieure parce qu’elle est plus difficile à faire, voilà : le premier point de la poétique de Molière.

699. (1905) Études et portraits. Portraits d’écrivains‌ et notes d’esthétique‌. Tome I.

Ne vous paraît-il pas que la tragédie, elle aussi, appartient au groupe de ces espèces littéraires à jamais mortes, que des archéologues du style peuvent reconstruire, mais à la manière dont un naturaliste reconstruit des animaux d’avant le déluge ? […] Il a le droit de prendre toutes les nuances d’expression, parce qu’aussi bien toutes les nuances se mélangent dans cette trame de la vie, tapisserie à mille teintes que les siècles tissent avec du fil couleur de sang et du fil couleur d’espérance, sur un dessin fantastique de tragédie tour à tour et de farce grossière. […] Shakespeare avait composé des drames d’une poésie supérieure employant des procédés de tous points contraires à ceux d’après lesquels Racine avait écrit ses tragédies. Drames et tragédies n’avaient-ils pas un droit égal à l’admiration ?‌ […] La parfaite politesse des tragédies de Racine, elle aussi, décèle la parfaite politesse des aristocratiques spectateurs pour lesquels le poète ciselait ses alexandrins.

700. (1872) Nouveaux lundis. Tome XIII « Jean-Jacques Ampère »

L’idée d’avoir un fils poète, dont une belle tragédie serait jouée et applaudie au Théâtre-Français et qui viendrait prendre place à la suite dans le cortège de nos grands classiques, flattait son amour-propre paternel. […] Il avait fait jusqu’à sept tragédies, présentées et plus ou moins reçues au Théâtre-Français ; elles y dormaient et y dorment encore sans doute dans les cartons à côté de celles de M.  […] C’est vers ce temps, ou peu après, qu’il méditait un poème d’Attila, et qu’il composait, d’après Manzoni sans doute, une tragédie d’Adelghis sous le titre de Rosemonde. […] La tragédie exigeait un certain renouvellement ; mais à quel degré ?

701. (1890) Les princes de la jeune critique pp. -299

Voltaire reçut un jour d’un perruquier nommé maître André je ne sais quelle horrible élucubration, poème épique ou tragédie ; il lui répondit une grande lettre qui ne contenait que ces mots répétés à satiété : « Maître André, faites des perruques ; faites des perruques, maître André… » Mais, si l’on est contraint parfois de recourir au fer et au feu, comme un chirurgien, ce n’est que dans des cas très graves et presque désespérés, quand il s’agit d’œuvres malsaines et non viables. […] Il a essayé une fois d’expliquer à sa façon pourquoi la tragédie s’est éteinte en France, et il a découvert qu’elle est morte tout simplement faute de génies tragiques. […] En ce temps-là, de même que la société était séparée en castes, les genres littéraires se divisaient en nobles et en roturiers ; l’épopée et la tragédie marchaient en tête comme des princes du sang ; l’oraison funèbre avait rang de cardinal ; l’ode et l’élégie suivaient fières et parées comme des ducs et pairs ; le sonnet était bon gentilhomme ; la comédie, quoique bourgeoise, avait par faveur ses entrées à la cour. […] Becque et Daudet, et il a écrit avec une crânerie plaisante : « Je l’avoue, dussé-je perdre quelques chances d’un beau mariage, Sapho ne me choque pas. » Il a su prendre intérêt au vaudeville comme à la tragédie ; il a tâché de faire sentir aux raffinés les mérites solides des drames bourgeois de M.  […] Dumas une tragédie bourgeoise, dans la Princesse Georges du même une tragédie-express.

702. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre quatrième. La propagation de la doctrine. — Chapitre I. Succès de cette philosophie en France. — Insuccès de la même philosophie en Angleterre. »

La philosophie s’insinue et déborde par tous les canaux publics et secrets, par les manuels d’impiété, les Théologies portatives et les romans lascifs qu’on colporte sous le manteau, par les petits vers malins, les épigrammes et les chansons qui chaque matin sont la nouvelle du jour, par les parades de la foire489 et les harangues d’académie, par la tragédie et par l’opéra, depuis le commencement jusqu’à la fin du siècle, depuis l’Œdipe de Voltaire jusqu’au Tarare de Beaumarchais. […] En 1763, dans la tragédie de Manco-Capac 490, « le principal rôle, écrit un contemporain, est celui d’un sauvage qui débite en vers tout ce que nous avons lu épars dans l’Émile et le Contrat social sur les rois, sur la liberté, sur les droits de l’homme, sur l’inégalité des conditions ».

703. (1861) La Fontaine et ses fables « Deuxième partie — Chapitre II. Les bêtes »

A mesure qu’on avance dans le dix-huitième siècle, les règles se rétrécissent, la langue se raffine, le joli remplace le beau ; l’étiquette définit plus minutieusement toutes les démarches et toutes les paroles ; il y a un code établi qui enseigne la bonne façon de s’asseoir et de s’habiller, de faire une tragédie et un discours, de se battre et d’aimer, de mourir et de vivre : si bien que la littérature devient une machine à phrases, et l’homme une poupée à révérences. […] Il laissera Buffon composer une tragédie sur la cruauté, et fera une comédie sur la sottise.

704. (1895) Histoire de la littérature française « Première partie. Le Moyen âge — Livre I. Littérature héroïque et chevaleresque — Chapitre I. Les chansons de geste »

Quelle idée prendrait-on de notre tragédie, si, mettant toutes les œuvres sur le même plan, on rassemblait l’Iphigénie en Aulide de Racine, l’Iphigénie en Aulide de Guimond de la Touche, l’Atrée de Crébillon et les Erinnyes de M.  […] Quand tout était à exhumer, tout devait être examiné : mais aujourd’hui le but doit être de laisser doucement redescendre les neuf dixièmes des chansons de geste dans le bienfaisant oubli qui a reçu les neuf dixièmes des tragédies.

705. (1913) La Fontaine « VIII. Ses fables — conclusions. »

Il a été injuste à l’égard de Corneille parce que Corneille n’est pas suffisamment aristotélicien, et il a dit ce mot énorme : « Je referais toutes les tragédies de Corneille mieux qu’il ne les a faites parce que je suis aristotélicien. » Il n’y a rien de plus ridicule au monde, je vous l’accorde. […] Il a eu un talent supérieur dans tous les genres, excepté dans la tragédie, abandonnée du reste si vite par lui ; et il a eu du génie dans les genres qui sont le conte et la fable.

706. (1892) Boileau « Chapitre III. La critique de Boileau. La polémique des « Satires » » pp. 73-88

À ces académiciens, Boileau adjoignait Quinault, le maître de la tragédie doucereuse, puis la précieuse et raisonneuse Mlle de Scudéry, si experte à diluer en dix volumes d’un roman le mélange des aventures impossibles et des sentiments outre nature.

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