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572. (1913) La Fontaine « III. Éducation de son esprit. Sa philosophie  Sa morale. »

Cependant il ne pouvait pas s’empêcher de songer à Marot quand il faisait des contes ou quand il parlait des contes qu’il avait écrits, et dans la préface de son second recueil de Contes, Marot est encore nommé avec révérence. […] Il n’est pas permis, dans la société animale, et évidemment La Fontaine songe à la société humaine, il n’est pas permis d’être sot. […] Soyez sûr que l’enfant ne songera qu’à se moquer du bouc qui est assez imbécile pour se prêter au renard comme une échelle pour que le renard sorte du puits  Est-il bête, dira-t-il, ce bouc ?

573. (1899) Le roman populaire pp. 77-112

» Et les deux hommes, pendant que je songeais, s’éloignèrent par les deux chemins, et le bruit du cuivre et le mugissement du coquillage, de plus en plus faibles, de moins en moins distincts, moururent, à bout de vol, dans l’espace infini. […] Tandis que nous écrivons, par une sorte d’instinct théâtral et de tradition, des chapitres qui gravitent tous autour d’une scène principale, un peu comme les actes d’une pièce dramatique ; tandis que nous faisons un livre très un et très serré, destiné à être lu sans arrêt, eux, ils écrivent une sorte de journal intime ; ils superposent les détails, sagement, posément, avec l’amour de l’heure présente qui ne connaît pas l’avenir, sans la même hâte vers le but, et ils songent aux misses qui parcourront vingt pages avant une course à cheval, au chasseur de renard qui revient au logis et qui a besoin d’une petite dose de lecture pour calmer la fièvre de ses veines, au commerçant de la Cité, à l’ouvrier anglais, libres avant le coucher du soleil, et qui prendront le livre et le poseront bientôt sur le coin du dressoir, heureux d’avoir trouvé l’occasion d’une larme ou d’un sourire qui n’étaient pas permis dans le travail du jour. […] La forêt s’étendait à perte de vue, et je songeais à la floraison prodigieuse des cimes au printemps.

574. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Parny poète élégiaque. » pp. 285-300

C’est du parfait Tibulle retrouvé sans y songer, et la flûte de Sicile n’a rien fait entendre de plus doux. […] Il ne songe pas à rehausser et à redorer son cadre, à rajeunir ses images de bordure et de lointain par l’observation de cette nature nouvelle, qu’il avait eue pourtant sous les yeux et qu’il éteignait sous des couleurs un peu vagues : il estimait que Bernardin de Saint-Pierre l’exagérait et la rendait trop ; lui, il ne la rendait pas.

575. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Bossuet. Œuvres complètes publiées d’après les imprimés et les manuscrits originaux, par M. Lachat »

— Enfin on a publié depuis lors (1856) les Mémoires mêmes, si souvent cités et invoqués, et le Journal tout entier de l’abbé Ledieu, ce secrétaire de Bossuet, dont le nom et le renom valent mieux que la personne, qui n’est pas l’exactitude ni la délicatesse même, mais qui aimait, somme toute, son évêque, qui l’admirait, et qui, ayant songé de bonne heure à tirer parti de son intimité pour écrire ce qu’il voyait et ce qu’il entendait, nous a rapporté bien des choses qui se ressentent du voisinage de la source, et que rien ne saurait suppléer. […] Jeune, et quand il n’était encore qu’Éliacin, on n’a pas de portrait de lui, j’entends aussi de portrait au moral ; on ne songeait pas à en faire ; mais on a dans l’abbé Vaillant, dans M. 

576. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « La Réforme sociale en France déduite de l’observation comparée des peuples européens, par M. Le Play, Conseiller d’État. »

Un cœur éminent (Enfantin), qui vient de s’éteindre, y avait songé ; d’autres depuis y ont songé encore.

577. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Le Brun »

Son pinceau maigre, quoique étincelant, joue d’ordinaire sur un fond abstrait ; il ne prend guère de splendeur large que lorsque le poëte songe à Buffon et retrace d’après lui la nature. […] Il serait dur, mais pas trop invraisemblable, de conjecturer qu’en écrivant les vers suivants (voir l’édition d’Eugène Renduel), Chénier a pu songer au jour où il se sentit déçu et blessé dans son admiration première pour Le Brun : Ah !

578. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « L’abbé Prevost et les bénédictins. »

Lorsque Prevost se décida à sortir de la Congrégation de Saint-Maur, il ne songeait d’abord qu’à se retirer à Cluny, où la règle était moins austère ; il voulait simplement, comme il va nous le dire, quitter la Congrégation pour passer dans le grand Ordre , changer de branche au sein du même Ordre. […] Lorsqu’il apprit que son plan avait manqué et qu’il se trouvait dans la situation d’un fugitif que personne ne protégeait, il songea à sa sûreté personnelle très-compromise.

579. (1875) Premiers lundis. Tome III « Sur le sénatus-consulte »

oui, vous avez des plumes, et sans vouloir faire tort à quelques-uns des écrivains modérés, sages et honnêtes, qui vous défendent (ce n’était point à ceux-là, d’ailleurs, que vous songiez), oui, vous avez des plumes, et celles dont vous vous vantez, nous les connaissons ! […] Mais, lorsque nous nous croyions au bout de la tâche, quelques pages, auxquelles nous ne songions plus, et qui avaient été imprimées du vivant de M. 

580. (1925) Méthodes de l’histoire littéraire « III. Quelques mots sur l’explication de textes »

On ne songe même pas à condamner la rêverie dont je parlais tout à l’heure, l’activité créatrice de l’esprit du lecteur qui prend le texte seulement comme tremplin pour s’élancer dans les espaces du concevable ou de l’imaginable. […] Notre maître, en ceci, est La Bruyère, qui a écrit : « L’étude des textes ne peut jamais être assez recommandée… Ayez les choses de la première main, puisez à la source ; maniez, remaniez le texte ; … songez surtout à en pénétrer le sens dans toute son étendue et dans ses circonstances. » (Les Caractères, ch. xiv : De quelques usages.)

581. (1899) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Septième série « « L’amour » selon Michelet » pp. 47-66

Surtout, il a merveilleusement parlé de la maturité et de la vieillesse féminines, avec des pénétrations qui font songer : « Oh ! […] Cela fait songer à un Bernardin de Saint-Pierre un peu épileptique.

582. (1897) Le monde où l’on imprime « Chapitre premier. La critique et la vie littéraire » pp. 1-18

Le goût, bien ou mal satisfait, de lire, conduit presque déjà à un principe de critique il est un critérium excellent dont ne songent point à se départir d’honnêtes judiciaires envisageant la lecture comme une distraction (et c’est dénommer avec maestria ce que d’éminents philosophes peinent à dire un jeu absorbant et désintéressant), les clientes de la « Lecture Universelle », un sou par jour et par volume, estiment les romans que la buraliste leur « conseille » en proportion inverse du temps qu’elles ont dépensé à les lire ; et leur exaltation pour tel Prévost ou Duruy se confond, à la réflexion, avec une reconnaissance pécuniaire pour ces maîtres qui se laissent dévorer si vite. […] Je me rappelle aussi une phrase très belle de Sainte-Beuve, qu’il est toujours flatteur de s’appliquer : « Il y a la race des hommes qui, lorsqu’ils découvrent autour d’eux un vice, une sottise ou littéraire ou morale, gardent le secret et ne songent qu’à s’en servir et à en profiter doucement dans la vie par des flatteries ou des alliances ; c’est le grand nombre, — et pourtant il y a la race de ceux qui, voyant ce faux et ce convenu hypocrite, n’ont pas de cesse que, sous une forme ou sous une autre, la vérité, comme ils la sentent, ne soit sortie et proférée : qu’il s’agisse de rimes ou même de choses un peu plus sérieuses, soyons de ceux-là. » 1.

583. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre XV. Commencement de la légende de Jésus  Idée qu’il a lui-même de son rôle surnaturel. »

La famille de David était, a ce qu’il semble, éteinte depuis longtemps 677 ; les Asmonéens, d’origine sacerdotale, ne pouvaient chercher à s’attribuer une telle descendance ; ni Hérode, ni les Romains ne songent un moment qu’il existe autour d’eux un représentant quelconque des droits de l’antique dynastie. […] Que jamais Jésus n’ait songé à se faire passer pour une incarnation de Dieu lui-même, c’est ce dont on ne saurait douter.

584. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Mémoires touchant la vie et les écrits de Mme de Sévigné, par M. le baron Walckenaer. (4 vol.) » pp. 49-62

Songez qu’il écrit de cette furie à tout ce qui est hors de Paris et voit tous les jours tout ce qui y reste : ce sont les d’Hacqueville… C’est ainsi qu’elle le surnomme, et elle continue d’en parler comme s’il était plusieurs. […] Et d’abord, plus on y songe, et mieux on s’explique son amour de mère, cet amour qui, pour elle, représentait tous les autres.

585. (1864) William Shakespeare « Deuxième partie — Livre IV. Critique »

le songe emplit à tel point quelques-unes de ses pièces que l’homme s’y déforme et y est plus nuage qu’homme. […] Le songe est là partout.

586. (1868) Les philosophes classiques du XIXe siècle en France « Chapitre premier : M. Laromiguière »

La première conduit dans la seconde, la seconde dans la troisième, et l’on se trouve amené au milieu du courant sans y avoir songé. […] La psychologie est un livre qu’au dix-septième siècle on a présenté par devant, au dix-huitième siècle par derrière, au dix-neuvième siècle encore par devant, mais que peu de personnes jusqu’ici ont songé à ouvrir.

587. (1875) Premiers lundis. Tome III « M. de Latena : Étude de l’homme »

Je le crois ; et cependant, en publiant ce livre, avec un vif désir de faire quelque bien, je songe aussi à l’approbation des hommes : c’est contre elle que je joue mon repos », Je voudrais, d’après le peu que j’ai indiqué ici, pouvoir rassurer le digne auteur ; il a moins risqué qu’il ne croit.

588. (1866) Petite comédie de la critique littéraire, ou Molière selon trois écoles philosophiques « Première partie. — L’école dogmatique — Chapitre IV. — Molière. Chœur des Français » pp. 178-183

Telle est la seconde règle, et avant Molière les comédies n’étaient que des tissus d’aventures singulières où l’on ne songeait point à peindre les mœurs252.

589. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Troisième partie. Disposition — Chapitre premier. Rapports de l’invention et de la disposition »

Ce n’est que lorsqu’on a amassé un grand butin qu’on doit songer à en faire l’inventaire, à le classer : et de la diversité naturelle des choses, de leurs analogies et de leurs oppositions, la réflexion dégage une ordonnance logique et sûre.

590. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — B — Barbier, Auguste (1805-1882) »

Musset, dans une bambochade inédite (Le Songe du Reviewer), donne l’idée de Barbier comme d’un petit homme qui marche entre quatre grandes diablesses de métaphores qui le tiennent au collet et ne le lâchent pas : Et quatre métaphores Ont étouffé Barbier !

591. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — B — Blémont, Émile (1839-1927) »

Paul Arène a joliment défini ainsi le Chinois : « Un homme calme, assis dans un petit jardin, et qui songe aux aïeux en regardant pousser ses choux. » C’est ce Chinois-là qui apparaît à travers les séduisantes imitations de M. 

592. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — B — Bouilhet, Louis (1821-1869) »

Gustave Flaubert Si l’on cherche dans les poésies de Louis Bouilhet l’idée mère, l’élément général, on y trouvera une sorte de naturalisme qui fait songer à la Renaissance.

593. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — M — Mikhaël, Éphraïm (1866-1890) »

Son nom demeure en quelques mémoires, gravé religieusement, mais aucun n’a songé, à la fin de cette période littéraire, à lui offrir une part des palmes cueillies le plus noblement.

594. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — P — Pilon, Edmond (1874-1945) »

Il incline vers l’eau morte du souvenir le songe mélancolique de ses yeux ; mais parfois, levant vers les horizons prochains sa jeune tète volontaire, il éperd des mots d’espoir, de matin et de soleil.

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