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1226. (1922) Le stupide XIXe siècle, exposé des insanités meurtrières qui se sont abattues sur la France depuis 130 ans, 1789-1919

Il est affreux de songer que, par la stupidité et la complexité de l’ambiance, de tels et si pauvres arguments ont contrebattu et annihilé de 1790 à 1914, les efforts de tant de braves gens ! […] Je songe à ceci, les mains jointes et les larmes dans les yeux, des larmes de reconnaissance, historique et mystique, analogues aux pleurs de joie de Pascal. […] Il ne songe pas que ce signe peut abriter des bourdes beaucoup plus saisissantes encore que le signe du surnaturel, et que le terre à terre n’est pas une garantie. […] Devant des cas semblables, et qui ne cessent de se produire, depuis quatre-vingts ans et un peu davantage, je songe au tambour de ville. […] On songe alors, avec mélancolie, à la plaintive, larmoyante, mais touchante et sincère Desbordes-Valmore, qui traversa la misère et la douleur vraies et se déchira aux ronces du sentier, parmi une indifférence à peu près générale, sa lyre orphique à la main.

1227. (1912) Pages de critique et de doctrine. Vol I, « I. Notes de rhétorique contemporaine », « II. Notes de critique psychologique »

Seigneur, songez-vous, en vous-même, Combien ce mot cruel est affreux, quand on aime ? […] La simplicité des détails choisis nous est une garantie que l’écrivain n’a jamais songé à nous laisser de lui, comme Chateaubriand, un portrait d’ancêtre, posé dans une attitude héroïque et sous un jour d’apothéose. […] » dit-il ailleurs, « j’ai su, dans mon antre sombre, ce que le Juif rêvait en bâtissant des pyramides, abrité sous son ouvrage commencé ; ce que l’homme du moyen âge songeait en menant son sillon dans l’ombre de la tour féodale ! […] Le voici enfermé dans une cave, où il passe chaque jour de longues heures à songer creux. […] On ne songe pas à les opposer, tant ils sont admirables, l’un et l’autre, de loyalisme.

1228. (1929) La société des grands esprits

Ce n’est certes pas là-dessus que l’on songe à discuter. […] Mais songez à ce qu’étaient ces Panathénées et ces Dionysies ! […] Nul n’a songé à lui en offrir l’occasion. […] Tant qu’il s’agit de l’art autonome et n’ayant d’autre objet que le beau, en dehors de tout didactisme, de toute vulgarisation morale ou politique, on ne songe point à y contredire. […] Il songe au suicide : « Sur ma cheminée, deux pistolets me regardaient avec leurs yeux ronds : je les considérai très longtemps.

1229. (1858) Cours familier de littérature. V « XXIXe entretien. La musique de Mozart » pp. 281-360

On songe à lui faire écrire un opéra, c’est-à-dire le poème épique du chant, avant l’âge où les passions ont donné leur note dans un cœur d’homme. […] Tout cela me laisse dormir tranquillement. » Ils songent au retour. […] Je vous ai sacrifié à tous deux toutes mes heures, dans l’espoir que non seulement vous parviendriez à vous tirer honorablement d’affaire, mais encore que vous me procureriez une tranquille vieillesse, me permettant de rendre compte à Dieu de l’éducation de mes enfants, de songer au salut de mon âme sans autre souci, et d’attendre paisiblement la mort.

1230. (1859) Cours familier de littérature. VIII « XLVIe entretien. Examen critique de l’Histoire de l’Empire, par M. Thiers (3e partie) » pp. 249-336

Ce n’est plus de la diplomatie raisonnée d’un homme d’État, c’est le songe d’un favori de la fortune. […] Napoléon songeait déjà à lui demander la plus personnelle de ses concessions : une épouse impériale du sang des Césars d’Allemagne pour s’apparenter au passé, ce prestige des monarchies. […] Ce même homme, deux années auparavant revenu d’Autriche, ayant réfléchi un instant à la leçon d’Essling, avait songé à rendre la paix au monde et à son empire, à donner à son trône la stabilité de l’hérédité, à son caractère l’apparence des goûts de famille, et dans cette pensée avait contracté un mariage avec l’Autriche, la cour la plus vieille, la plus constante dans ses desseins.

1231. (1864) Cours familier de littérature. XVIII « CIIIe entretien. Aristote. Traduction complète par M. Barthélemy Saint-Hilaire (1re partie) » pp. 5-96

Quand j’ai songé à étudier pièce à pièce cet homme encyclopédique, qui a laissé à lui tout seul d’Athènes un monument homogène plus complet et plus divin mille fois que cette encyclopédie de plusieurs mains inspirée en France par Voltaire, Diderot et leurs amis, travaillant sans plan à détruire plus qu’à édifier, je suis allé d’abord chercher dans sa retraite Barthélemy Saint-Hilaire. […] Car, si la communauté des femmes, des biens, des enfants paraît à Socrate plus utile pour l’ordre des laboureurs que pour celui des guerriers, gardiens de l’État, c’est qu’elle détruira tout accord dans cette classe, qui ne doit songer qu’à obéir et non à tenter des révolutions. […] Ainsi que la douce saveur de quelques gouttes de miel disparaît dans une vaste quantité d’eau, de même l’affection que font naître ces noms si chers se perdra dans un État où il sera complètement inutile que le fils songe au père, le père au fils, et les enfants à leurs frères.

1232. (1868) Cours familier de littérature. XXV « CXLVe entretien. Ossian fils de Fingal »

Mais toi, Morna, viens à mes yeux sur un rayon de la lune : viens près de ma fenêtre pendant mon sommeil, quand j’oublierai la guerre et ses alarmes pour ne songer qu’aux loisirs de la paix. […] Ogar songe à son poignard ; c’est l’arme qu’il affectionne : il l’enfonça neuf fois dans les flancs de Dala ; le sort du combat est changé : trois fois je perçai de ma lance le bouclier de Cormac ; trois fois sa lance se rompit sur le mien. […] Laisse-moi réveiller le roi de Morven, lui qui sourit au danger : il ressemble au radieux enfant du ciel lorsqu’il se lève et dissipe l’orage. » « Fingal venait de s’éveiller brusquement d’un songe, et s’appuyait sur le bouclier de Trenmor, bouclier fameux que ses pères levèrent jadis mille fois dans les guerres de leur famille.

1233. (1886) Revue wagnérienne. Tome I « Paris, 8 avril 1885. »

Puis il réalise cette œuvre rêvée : et, forcé ainsi aux détails pratiques, il songe de plus en plus que l’œuvre d’art idéale a besoin d’une représentation idéale ; le plan gigantesque d’un théâtre national de fête se présente à lui, toujours plus précis. […] L’œuvre d’art qu’il rêvait, il l’a maintenant réalisée en Tristan et Isolde, en sa Tétralogie du Nibelung ; il songe désormais aux détails techniques de ses créations, surtout aux conditions où elles pourront être exécutées. […] Mais déjà en ses premiers opéras, comme en ses premiers écrits théoriques, le Maître avait paru songer à la destination de l’art.

1234. (1880) Les deux masques. Première série. I, Les antiques. Eschyle : tragédie-comédie. « Chapitre X, Prométhée enchaîné »

Ils erraient sur la terre inculte, à travers les ombres et les écroulements du Chaos, comme dans le brouillard d’un songe terrifiant. […] C’est le monde vu à vol de Chimère, entrecoupé de clartés et d’ombres, envahi par le mirage, baigné par le songe. […] C’est en l’inclinant sur les paupières assoupies des hommes qu’il les fait passer du monde de la vie dans la sphère du songe. — Les chemins, lient et croisent, propagent et activent les relations humaines ; aussi Hermès est-il leur Génie propice, étant lui-même un voyageur éternel.

1235. (1857) Cours familier de littérature. IV « XXIVe entretien. Épopée. Homère. — L’Odyssée » pp. 445-524

Quand vous serez grands, songez à conserver cette bonne fortune à ceux qui naîtront après vous !  […] Dès que brillera l’aurore, allons donc ensemble au lavoir, où je vous accompagnerai pour vous aider, afin que tout se fasse plus vite ; car maintenant, songez-y, vous n’avez pas longtemps à rester vierge ; les plus riches d’entre les Phéaciens vous recherchent en mariage, parce que vous êtes d’une illustre origine. […] Il vous est plus séant d’aller ainsi qu’à pied, car les lavoirs sont éloignés de la ville… » « Nausicaa, frappée de ce songe, se lève… Elle trouve son père et sa mère retirés dans l’intérieur de leur appartement.

1236. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « M. Charles Magnin ou un érudit écrivain. »

Cela fait et ce terme de son ambition atteint102, il ne se hâta plus ; il aima mieux amasser, augmenter sans cesse la riche matière des volumes suivants que de se presser de les réunir ; il s’y oublia un peu, et plus tard, quand il songea à lier sa gerbe, il n’en eut ni le temps ni la force ; il était trop las. […] Voilà donc à quoi s’exerçait soir et matin, à quoi songeait tout le jour l’ingénieux érudit.

1237. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « George Farcy »

Je puis maintenant passer la moitié d’une belle nuit, seul, à rêver en me promenant, sans songer que la nuit est le temps du retour à la chambre et du repos, sans me sentir appesanti par l’exemple de tout ce qui m’entoure. […] voilà que tout à la fin, sans y songer, il donne un démenti à son projet contemplatif, et qu’avec un seul être de plus, avec une compagne telle qu’il s’en glisse inévitablement dans les plus doux vœux du cœur, il peuple tout d’un coup sa solitude.

1238. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « M. Jouffroy »

Dubois, qui jugea que, dans cette simple idée de magasin à l’anglaise, il n’y avait pas assez de chance d’action ; qu’il fallait y implanter une portion de doctrine, y introduire les questions de liberté littéraire, se poser contre la littérature impériale, et, sans songer à la politique puisqu’on était en pleine Censure, fonder du moins une critique nouvelle et philosophique. […] … Nous ne concevons pas que tant de gens de conscience se jettent dans les affaires politiques, et poussent le char de notre fortune dans un sens ou dans un autre, avant d’avoir songé à se poser ces grandes questions….

1239. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre premier. La structure de la société. — Chapitre IV. Services généraux que doivent les privilégiés. »

Car le propre d’une aristocratie qui ne songe qu’à soi est de devenir une coterie. […] En cas de malheur, il a sa réserve privée, sa bourse à part. « Le roi, disait Mme de Pompadour, signerait sans y songer pour un million, et donnerait avec peine cent louis sur son petit trésor. » — Louis XVI essaye pendant un temps de supprimer plusieurs rouages, d’en introduire de meilleurs, d’adoucir les frottements du reste ; mais les pièces sont trop rouillées, trop pesantes ; il ne peut les ajuster, les accorder, les maintenir en place ; sa main retombe impuissante et lassée.

1240. (1862) Cours familier de littérature. XIV « LXXXIIIe entretien. Considérations sur un chef-d’œuvre, ou Le danger du génie. Les Misérables, par Victor Hugo (1re partie) » pp. 305-364

XVI Hugo, certes, était bien loin de songer alors à reprendre en sous-œuvre une révolution sociale, pendant que nous étions occupés, au risque de notre popularité, de notre fortune et de notre vie, à en restreindre et à en régulariser une autre. […] « Anacréon, chargé du poids des ans moroses, « Pour songer à la mort se comparait aux roses         « Qui mouraient sur ses cheveux blancs.

1241. (1865) Cours familier de littérature. XIX « CXIe entretien. Mémoires du cardinal Consalvi, ministre du pape Pie VII, par M. Crétineau-Joly (3e partie) » pp. 161-219

Ce fut le thème de tous les entretiens, et je ne crois pas convenable de m’étendre davantage sur ce sujet. » III Napoléon songeait alors à séduire les cardinaux afin d’élever autel contre autel, par un concile soumis à ses inspirations. […] J’espère que cette caisse ne déplaira pas trop à Votre Éminence, et qu’en respirant le parfum de ces fleurs, qui se développeront peut-être encore davantage sous l’heureux climat et dans la chaude atmosphère de Rome, vous daignerez songer quelquefois à un homme qui sera toujours reconnaissant des services rendus.

1242. (1902) Le culte des idoles pp. 9-94

Quand on lit certaines conversations de René Mauperin ou de Manette Salomon, écrasées par les pensées et les descriptions du frère, on songe à de jolis dessins du xviiie  siècle découpés par un enfant et collés maladroitement sur son album d’images. […] Et les riches et les puissants, de plus en plus, oublieront leurs devoirs, leur raison d’être en ce monde ; ils confondent dans leur haine ou leur indifférence démocratie et peuple, le simple travailleur qui va noblement et heureusement à sa tâche et l’imbécile braillard des réunions publiques qui songe à réformer l’univers.

1243. (1887) Revue wagnérienne. Tome II « Paris, le 8 février 1886. »

le soir, devant le foyer paisible, elle, la jeune âme ingénue, elle a songé toujours, pendant que le vent de mer aboyait au dehors, elle a songé à l’exilé de l’amour qui se lamente dans la tempête ; elle voudrait, fut-ce au prix de la vie, être la rédemptrice promise au damné, et, parce qu’elle est un ange, elle est dévorée de miséricorde pour le démon. « Oh !

1244. (1887) Revue wagnérienne. Tome II « Paris, le 8 juillet 1886. »

A quoi donc songe la pâle souveraine, immobile sur son lit de repos comme une statue de marbre blanc sur une tombe ? […] Moi-même j’ai encore à résoudre le problème de cette représentation, car le bizarre succès des représentations du théâtre de Munich, auxquelles je ne participai pas, m’a prouvé combien jusqu’à présent mon œuvre a été mal comprise ; si elle avait été bien comprise en effet, personne n’aurait songé à me demander la cession de tels fragments pour des concerts.

1245. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Alexandre Dumas fils — Chapitre X »

Et déjà la dame, sans plus songer à son amant mort se suspend au bras de son nouveau maître, lorsque le meurtrier par amour se métamorphose subitement en joyeux railleur, et lui lance en pleine figure un éclat de rire ironique ; puis la porte s’ouvre, et M. de Nanjac ressuscite pour l’accabler de son froid mépris, et M. de Thonnerins, et la petite Marcelle elle-même viennent assister à la curée de l’hypocrite prise au piège. […] — Tant qu’elle voudra. » — Voilà un homme, sinon épris, du moins content de sa maîtresse, qui trouve son oreiller très doux, son intimité très aimable, et ne songe nullement à la diffamer.

1246. (1904) En méthode à l’œuvre

Nous hâtant de protester que pareil rêve normalement surgi, d’un esprit qui trouverait sous les Apparences et dans leur relativité le Vrai et l’Immuant, n’est qu’un songe : l’évolution de la Matière, nous le vîmes, ne pouvant avoir sa Fin, — qui serait son principe su ! […] Et il sied de ne point songer et s’attarder à notre vœu, — si l’organisme poétique ne perçoit et ne conçoit pas le monde, spontanément et en immanence, à travers des sons qui parlent.

1247. (1892) Journal des Goncourt. Tome VI (1878-1884) « Année 1883 » pp. 236-282

Et il dit, que cette hantise de la mort, et peut-être une évolution des idées philosophiques, amenée par le décès d’un être cher, il songe à l’introduire dans un roman, auquel il donnerait un titre, comme « La Douleur ». […] L’on songe aux circonstances romanesquement parisiennes, pouvant faire louer un habit à un homme, qui en est dépourvu.

1248. (1895) Les règles de la méthode sociologique « Chapitre II : Règles relatives à l’observation des faits sociaux »

Nous ne pouvons donc songer à mettre en doute leur existence, puisque nous la percevons en même temps que la nôtre. […] Mais quand on songe aux faits innombrables dont une pareille théorie doit rendre compte, comment accorder la moindre valeur démonstrative aux faits, nécessairement très rares, qui sont ainsi cités au hasard de la suggestion ?

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