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1130. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « Camille Jordan, et Madame de Staël »

Une scène des plus atroces s’était passée le jour de Pâques 1791 à la porte de l’église de Sainte-Claire. […] De pareilles scènes s’étaient renouvelées en plusieurs lieux. […] « Mes yeux les ont vues, s’écriait-il, ces scènes de licence et de rage. […] Vous ferez ainsi du bien à ce qui est noble, et vous aurez un grand succès. — Dans votre traduction, les orthodoxes trouveront des bizarreries, des négligences, et vous reparaîtrez à demi, tandis qu’il convient que votre premier retour sur la scène soit éclatant. — Enfin je vous donne ma parole d’honneur que j’ai raison. — Écrivez-moi que je vous ai persuadé ; écrivez-moi surtout que je vous reverrai. […] 1814, en changeant l’aspect de la France, ramena sur la scène Camille Jordan.

1131. (1867) Cours familier de littérature. XXIV « CXLe entretien. L’homme de lettres »

La rapidité de cette scène avait déconcerté les projets de M. de Saint-Pierre ; son discours était resté sur le bord de ses lèvres et son mémoire dans sa poche. […] Il s’approcha de Barasdine, qui, témoin de cette scène, le félicitait de loin et semblait assister à son triomphe. […] Cette petite scène lui rappela les jours de son enfance. […] Il faut avoir entendu raconter cette scène à M. de Saint-Pierre lui-même, pour se faire une idée de tout ce qu’elle lui fit éprouver. […] En rentrant chez lui, il ajouta cette jolie scène à sa pastorale ; et ceci est un trait caractéristique de ce génie observateur: il ne savait décrire que ce qu’il avait vu ; mais quelle riante imagination ne fallait-il pas pour voir dans les jeux de deux enfants du faubourg Saint-Marceau un tableau digne du pinceau de l’Albane !

1132. (1889) Derniers essais de critique et d’histoire

Le lecteur va juger du caractère espagnol, non d’après les œuvres d’imagination qui le mettent en scène, mais d’après un témoin qui l’a vu. […] Il demande aux peintres des scènes mélodramatiques ou militaires, des femmes déshabillées et des trompe-l’œil. […] Ses lectures aboutissent naturellement à la demi-vision de l’artiste, à la mise en scène, au roman qui ranime le passé. […] A aucun prix, il ne voulait se mettre en scène et attrouper la foule autour de son nom ; l’éclat bruyant répugnait à sa réserve. […] Il a de la verve, la verve de la jeunesse ; la plupart de ses débuts sont heureux ; dès la première page, au moyen d’une anecdote, il met son personnage en scène.

1133. (1868) Curiosités esthétiques « II. Salon de 1846 » pp. 77-198

. — Les vapeurs violacées du crépuscule enveloppent cette scène et le paysage romantique qui la complète. […] J’ignore s’il peut devenir un franc coloriste, mais quelques parties de son tableau le font espérer. — Au premier aspect, l’on cherche dans sa mémoire quelle scène historique il peut représenter. […] La couleur en est terne et vulgaire, et le fantastique ne gît que dans la manière dont la scène est représentée. […] Ces demi-masques blancs, qui consistent en des nez gigantesques, sont fort drôles, et donnent à cette scène d’épouvante un cachet des plus singuliers. […] « Dans les scènes touchantes produites par les passions, le grand peintre des temps modernes, si jamais il paraît, donnera à chacune de ses personnes la beauté idéale tirée du tempérament fait pour sentir le plus vivement l’effet de cette passion.

1134. (1940) Quatre études pp. -154

Avec le triomphe d’Hernani, ils se sont libérés de quelques-unes des contraintes extérieures dont la tragédie classique s’était chargée, comme pour avoir le mérite et le plaisir de les vaincre sans paraître en être gênée : mais ils n’ont pas cessé de porter sur la scène des amours exaspérées et des passions heurtées. […] Les moins habiles d’entre les romantiques ressemblent à ces ténors d’opéra qui, sur la scène, vivent et meurent sans jamais perdre de vue le chef d’orchestre. […] Un sentiment de la nature incontestablement profond est ici altéré par le souci de la composition artistique, par le besoin de mise en scène, qu’on retrouve chez beaucoup de nos romantiques. […] Ugo Foscolo reprend le thème des Nuits, venu d’Angleterre, et dont toute l’Europe déjà s’est emparée : mais au lieu d’en faire une lamentation, une scène lugubre où une douleur complaisante se repaît d’elle-même, il le transforme en hymne patriotique. […] Il avait fallu les premiers succès de la littérature allemande en France ; et Mme de Staël : Bürger est de tous les Allemands celui qui a le mieux saisi cette scène de superstition qui conduit si loin dans le fond du cœur ; aussi ses romances sont-elles connues de tout le monde en Allemagne.

1135. (1929) Les livres du Temps. Deuxième série pp. 2-509

On est d’autant plus déçu que la forme de ces scènes historiques fait penser à Shakespeare et à Musset. […] Gobineau rappelle ces faits dans des scènes d’une spirituelle ironie ou d’une chaude éloquence. […] La scène où Michel-Ange apprend la mort de Raphaël et pleure cet enfant divin atteint au sublime. […] Barrès ne mettait en scène plus ou moins exactement, d’ailleurs que les petits côtés de sa vie ou de sa pensée et négligeait systématiquement l’essentiel de son œuvre. […] On constate une curieuse analogie entre cette anecdote et une scène de la Foi de M. 

1136. (1828) Introduction à l’histoire de la philosophie

L’unité y est aussi avec ses différences nécessaires, qui grandissent en proportion de la scène. […] Assurément il ne peut y remplir seul la scène. […] Le voilà formé, il arrive sur la scène : qu’y fait-il ? […] Le drame romantique embrasse l’homme tout entier : il ne montre pas seulement dans ses personnages leurs grands côtés, mais leurs côtés subalternes ; de là ce mélange de l’héroïque et du comique, du noble et du bas, des scènes burlesques succédant aux scènes les plus relevées et en redoublant l’effet. […] Restent en face l’un de l’autre, sur la scène de l’Europe et dans le monde des idées, le peuple français et le peuple allemand.

1137. (1872) Nouveaux lundis. Tome XIII « Ma biographie »

Cette petite scène et mon entrée a été peinte assez au vif dans Victor Hugo, raconté par un témoin de sa vie. […] Ainsi, sur un exemplaire (imprimé à Arras) de la Constitution de la République française, du 5 fructidor an III (22 août 1795), et dont la première signature est celle de Marie-Joseph Chénier, président de la Convention nationale, M. de Sainte-Beuve père écrivait ce vers de la tragédie de Mahomet (acte II, scène v) : Je viens après mille ans changer vos lois grossières Et au-dessous cet autre vers de la Pharsale de Lucain (livre II) : Naturamque sequi patri que impendere vitam 28. Sa mère lui avait raconté de certaines scènes boulonnaises, qui laissent toujours plus d’impression dans les souvenirs provinciaux qu’à Paris.

1138. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « M. BALLANCHE. » pp. 1-51

Ballanche courut à Rome retrouver celle que plus tard il nomma du nom de Béatrix ; il lut au sein de cette petite société romaine la fin d’Antigone, la scène des funérailles. […] Il comprit ce que c’est que la vie d’une nation, l’âme de cet être collectif qui garde son unité à travers ses âges et sous ses continuels développements, la mission départie à chaque peuple en particulier sur la scène du monde ; que les institutions vraies sont filles du temps, qu’elles plongent dans les mœurs et les souvenirs comme un arbre en pleine terre ; que les constitutions rédigées d’après des théories plus ou moins savantes ne sont qu’une juxtaposition provisoire qui peut aider le corps social à refaire sa vie, mais qui n’a pas vie en soi ; qu’ainsi la Charte n’était, à proprement parler, qu’une formule pour dégager l’inconnue, une méthode pour résoudre le grand problème des institutions nouvelles, un appareil fixe sous lequel les os brisés et les chairs divisées auraient le temps de se rejoindre et de se raffermir. […] Ballanche, cette pensée éternelle d’un hymen à la fois accordé et impossible, cette initiation au vrai et au bien par la chasteté et par la douleur : « La douleur, dit Orphée, sera le second génie qui m’expliquera les destinées humaines. » Chaque page nous offre des pensées de tous les temps, dans la magnificence de leur expression : « Souvenez-vous que les Dieux immortels couvrent de leurs regards l’homme voyageur, comme le ciel inonde la nature de sa bienfaisante lumière. » Et encore : « Toutes les pensées d’avenir se tiennent ; pour croire à la vie qui doit suivre celle-ci, il faut commencer par croire à cette vie elle-même, à cette vie passagère. » Enfin, les approches de la mort d’Orphée, les troubles et l’agonie orageuse de cette grande âme qui, comme toutes les âmes divines au terme, se croit un moment délaissée, ont une sublimité égale aux plus belles scènes des épopées modernes.

1139. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « MADAME DE LA FAYETTE » pp. 249-287

Le récit qu’elle a fait de cette mort égale les beaux récits qu’on a des morts les plus touchantes ; il s’y trouve en chemin de ces mots simples et qui éclairent toute une scène : « … Je montai chez elle. […] Elle en avoit aussi beaucoup que M. de Nemours les connût ; mais cette dernière douleur n’étoit pas si entière, et elle étoit mêlée de quelque sorte de douceur. » — Les scènes y sont justes, bien coupées, parlantes, en un ou deux cas seulement invraisemblables, mais sauvées encore par l’à-propos de l’intérêt et un certain air de négligence. […] La plus invraisemblable circonstance, celle du pavillon, quand M. de Nemours arrive singulièrement à temps pour entendre derrière une palissade l’aveu fait à M. de Clèves, cette scène que Bussy et Valincour relèvent, faisait pourtant fondre en larmes, au dire de ce dernier, ceux même qui n’avaient pleuré qu’une fois à Iphigénie.

1140. (1868) Curiosités esthétiques « I. Salon de 1845 » pp. 1-76

Achille Devéria a puisé, pour notre plaisir, dans son inépuisable fécondité, de ravissantes vignettes, de charmants petits tableaux d’intérieur, de gracieuses scènes de la vie élégante, comme nul keepsake, malgré les prétentions des réputations nouvelles, n’en a depuis édité. […] La mise en scène est bonne ; tous les fous sont pittoresques, aimables, et savent parfaitement leur rôle. […] — Ses scènes d’animaux sont bien peintes ; mais les Anglais sont plus spirituels dans ce genre animal et intime.

1141. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Charles-Victor de Bonstetten. Étude biographique et littéraire, par M. Aimé Steinlen. — III » pp. 455-479

L’ouvrage se compose de deux parties fort distinctes : la première est d’un classique et d’un antiquaire : elle s’intitule : « Voyage sur la scène des six derniers livres de L’Énéide », et nous offre l’un des premiers exemples (sinon le premier) d’un critique homme de goût relisant en détail un poète sur les lieux mêmes qui sont le théâtre de ses chants, et qui en deviennent le plus lumineux commentaire. […] Dès qu’on était entré, la scène changeait comme par enchantement.

1142. (1872) Nouveaux lundis. Tome XIII « Œuvres mêlées de Saint-Évremond »

Mais Saint-Évremond eut le bon esprit de sentir qu’un homme de sa réputation ne pouvait reparaître avec avantage, après plus de trente ans, sur une scène aussi changeante que la cour ou que la société parisienne. […] La scène se passe en 1654, mais il est probable que Saint-Évremond ne s’en ressouvint et n’eut l’idée de l’écrire qu’après les Provinciales.

1143. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « M. DE BALZAC (La Recherche de l’Absolu.) » pp. 327-357

Une des raisons qui expliquent encore la vogue rapide de M. de Balzac par toute la France, c’est son habileté dans le choix successif des lieux où il établit la scène de ses récits. […] Il est bien vrai que, cette scène une fois passée, je n’ai oncques vu paraître de cheval, arabe ni autre ; mais enfin son intention était si bonne, si sincère, son insistance si vive, que je serais un grand ingrat si je ne lui demeurais très-obligé. » — Or (et voici ma conclusion), nous tous lecteurs, nous sommes un peu avec M. de Balzac dans le cas de M. de Latouche.

1144. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « UNE RUELLE POÉTIQUE SOUS LOUIS XIV » pp. 358-381

Dans la première scène de Mademoiselle de Belle-Isle, la marquise de Prie, attendant le duc de Richelieu, ne pourrait-elle pas trouver ce sonnet-là sur sa toilette, comme à-propos ? […] Il a eu raison de l’être195 : le genre plus ou moins précieux, qui s’était tenu dans les coulisses sous Louis XIV, rentrait en scène en s’émancipant.

1145. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre troisième. L’esprit et la doctrine. — Chapitre IV. Construction de la société future »

Les enfants qui ont actuellement dix ans se trouveront alors des hommes préparés pour l’État, affectionnés à leur pays, soumis, non par crainte, mais par raison, à l’autorité, secourables envers leurs concitoyens, accoutumés à reconnaître et à respecter la justice. » — Au mois de janvier 1789434, Necker, à qui M. de Bouillé montrait le danger imminent et les entreprises immanquables du Tiers, « répondait froidement et en levant les yeux au ciel qu’il fallait bien compter sur les vertus morales des hommes »  Au fond, quand on voulait se représenter la fondation d’une société humaine, on imaginait vaguement une scène demi-bucolique, demi-théâtrale, à peu près semblable à celle qu’on voyait sur le frontispice des livres illustrés de morale et de politique. […] Voir dans Rousseau (Lettre à M. de Beaumont) une scène de ce genre, l’établissement du déisme et de la tolérance, à la suite d’un discours comme celui-ci.

1146. (1895) Histoire de la littérature française « Première partie. Le Moyen âge — Livre I. Littérature héroïque et chevaleresque — Chapitre II. Les romans bretons »

Les romans bretons sont la rentrée en scène et comme la revanche de la race celtique : c’est, au moins en apparence, la prise de possession de l’Occident romanisé, germanisé, christianisé, féodal, par l’imagination des Celtes de Bretagne, qui avaient pu échapper, sinon tout à fait à la domination, du moins à la civilisation romaine. […] C’est une scène exquise, dans le Chevalier au lion, que l’éveil de l’amour dans l’âme d’une veuve éplorée ; curiosité, égoïsme, désir de plaire, fierté, sentiment des convenances, semblant de résistance et manège adroit pour se faire forcer la main, il se fait là dans un cœur de femme tout un petit remue-ménage que le bon Chrétien a su noter : il y a un grain de Marivaux dans ce Champenois.

1147. (1889) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Quatrième série « Victor Hugo, Toute la Lyre. »

De courtes scènes dialoguées dont le fond se réduit à ceci : que la femme est fragile, qu’elle est contredisante, qu’elle est capricieuse, qu’elle aime les soldats, qu’elle aime les mauvais sujets. […] Dès qu’on essaye de les « réaliser » sur la scène, de donner un corps à ces froides et éclatantes chimères, les drames de Hugo sonnent si faux que c’est une douleur de les entendre.

1148. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Monsieur de Malesherbes. » pp. 512-538

Dans cette comédie, Voltaire avait traduit sur la scène Fréron sous le nom à peine déguisé de Frélon, et il lui faisait jouer le rôle le plus vil. […] Voltaire, c’est tout simple, entra en fureur ; il avait insulté Fréron sur la scène, mais Fréron lui répondait dans sa feuille ; il ne pouvait concevoir une telle audace.

1149. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Mirabeau et Sophie. — I. (Dialogues inédits.) » pp. 1-28

Ou plus loin qu’ils le virent, le cocher, chef de la bande, dit à la marquise : « Vous voyez bien, madame, qu’il y avait quelqu’un. » Mais Mirabeau vient à leur rencontre d’un air à les faire repentir de leur obstination ; et voilà que commence une de ces scènes de haute comédie et de théâtre où il était passé maître : « Que venez-vous chercher ici ?  […] Ici le trop d’audace avait dépassé le but, et la scène, qui supposait le parfait sang-froid des deux acteurs, avait manqué.

1150. (1913) Le bovarysme « Première partie : Pathologie du bovarysme — Chapitre VI. Le Bovarysme essentiel de l’humanité »

Mais où le spectacle éclate dans son étrangeté, c’est précisément où la croyance à la liberté humaine semble entrer en composition avec la croyance contraire : à la place de ce défaut de liberté absolu, qui assimile tout homme à l’acteur récitant un drame conformément au texte, exécutant fidèlement les jeux de scène prescrits, et ne pouvant, par aucune intervention personnelle, modifier son personnage, la société, représentée par ses tribunaux, et l’individu, au for de sa conscience, ont imaginé des distinctions et des nuances. […] Sehopenhauër, avec le symbolisme de son Génie de l’Espècea mis en scène d’une façon éclatante un de ces pièges tendus par la finalité au désir humain.

1151. (1892) Journal des Goncourt. Tome VI (1878-1884) « Année 1879 » pp. 55-96

— la filiation d’un Pouyer-Quertier, descendant d’un ouvrier tisseur… Cela m’amusera, de l’écrire en dialogues, avec des mises en scène très détaillées… Puis mon grand roman sur l’Empire… Mais avant tout, mon vieux, j’ai besoin de me débarrasser d’une chose qui m’obsède, oui, nom de Dieu, qui m’obsède ! […] Cette visite journalière amena même une scène assez drolatique.

1152. (1856) Les lettres et l’homme de lettres au XIXe siècle pp. -30

Une autre pièce qui a longtemps attiré l’attention de la sous-commission et du jury est un conte dont la scène se passe en Normandie, et qui sent tout à fait sa littérature familière du xviiie  siècle, poésie courante, négligée, gracieuse toutefois et spirituelle, dernier souvenir d’un genre ancien et qui s’efface. […] Si parfois, par un de ces changements ordinaires sur la scène politique, l’écrivain homme d’État retrouve ses loisirs, et qu’il ait encore la force de reprendre sa plume, alors il rapporte à sa profession bien-aimée un trésor d’observations et de souvenirs : c’est un voyageur enrichi qui revient dans sa patrie.

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