Les Grecs avaient l’empire de l’esprit ; ils sont devenus les esclaves des Romains, qui étaient des barbares ; les Grecs étaient les précepteurs des Romains ; ils ont été conquis par leurs disciples : ce ne sont donc pas là des marques infaillibles de grandeur. […] Cette admiration pour les anciens Romains ne s’épuisera jamais ; elle a sa source dans le cœur, et dans les sentiments les plus honnêtes du cœur. […] N’est-ce pas une faute essentielle contre les règles de l’art que de travestir ainsi les Chinois en Romains ? […] Brutus s’est immortalisé en créant la république romaine, de même que César en la détruisant, pour élever sur ses ruines l’empire romain. […] Pourquoi l’homme qui a si bien approfondi l’histoire romaine, parle-t-il ici en petit écolier ignorant ?
L’idiome Languedocien n’est autre chose que la Langue Romance ou Romaine, que parloient les François avant que leurs Rois eussent fixé leur sejour à Paris.
A propos de cette sénilité fleurie, paterne et tout à fait romaine, voici quelques notes tirées de mon voyage à Rome : le discours de ce cardinal me les a tout à fait remises en mémoire comme très-exactes : notes d’un voyageur en 1839.
On avait peint la tendresse maternelle, la tendresse filiale, l’amitié avec sensibilité, Oreste et Pilade, Niobé, la piété romaine, toutes les autres affections du cœur, nous sont transmises avec les véritables sentiments qui les caractérisent : l’amour seul nous est représenté, tantôt sous les traits les plus grossiers, tantôt comme tellement inséparable ou de la volupté, ou de la frénésie, que c’est un tableau plutôt qu’un sentiment, une maladie plutôt qu’une passion de l’âme.
Le nom de Marcellus venait d’un camp romain établi sur ce coteau. […] Ce Marcellus romain, au lieu de mourir comme Caton ou Brutus, ou de plier de mauvaise grâce comme Cicéron, avait pris l’exil comme un intermédiaire entre la persécution et l’abjection ; il s’était retiré volontairement dans l’île de Mytilène ; il y vivait d’études compatibles avec la tyrannie et avec la liberté ; il avait conservé ses amis à Rome, et entre autres Cicéron qui lui écrivait sans cesse d’y rentrer afin d’avoir un complice de sa faiblesse. […] Ce que la République était pour le général romain, la Restauration le fut pour M. de Marcellus : un engagement auquel il ne voulut jamais manquer, véritable homme d’honneur de la Restauration. […] Mais il s’honorait de ses blessures comme un intrépide soldat de cette double cause, et il faisait de ces traits de la haine de parti ce que les Romains faisaient des flèches des Parthes, des trophées dans le temple de la Gloire, disant à Dieu et au roi : Voilà les armes que j’ai bravées pour vous !
Les admirateurs des sentimens héroïques, les ames grandes, ambitieuses, sublimes & romaines, ne veulent au théâtre que des personnages élevés & susceptibles uniquement d’être remués par des intérêts puissans. […] Nivelle de la chaussée n’en est point le père, comme on le croit communément : les Romains avoient connu ce genre. […] La décence de notre théâtre est mise en opposition avec le cynisme, auquel se sont livrés quelquefois les Romains sur le leur. […] « Ils sont assez avancés, ou, si l’on aime mieux, assez pervertis, pour pouvoir entendre Brutus & Rome sauvée, sans avoir à craindre d’en devenir pires. » Lequel croire de M. d’Alembert ou d’un citoyen qui veut sauver sa patrie de la corruption ; qui ne lui présage qu’abomination & que malheurs, si l’on ne l’écoute ; qui eût pu s’appuyer de la raison que donne Cornelius Nepos pour marquer la différence des mœurs des Grecs & des Romains : C’est que les comédiens étoient estimés des premiers, & qu’ils étoient déshonorés chez les autres.
Le modèle inimitable de ce genre est dans le livre de Montesquieu sur la Grandeur et la Décadence des Romains : on y passe, pour ainsi dire, à travers l’histoire romaine sans s’arrêter ; et cependant on aperçoit assez de cette histoire pour désirer les explications de l’auteur et pour les comprendre. […] Montesquieu, qui savait l’histoire et qui a si fortement parlé de la République romaine, n’avait pas cette horreur des Trajan ; il a sur eux, à la rencontre, d’humaines et de magnifiques paroles, et il s’est montré en cela un parfait philosophe.
Britannicus, Phèdre, Athalie, tragédie romaine, grecque et biblique, ce sont là les trois grands titres dramatiques de Racine et sous lesquels viennent se ranger ses autres chefs-d’œuvre. Nous nous sommes déjà expliqué sur notre admiration pour Phèdre ; pourtant, on ne peut se le dissimuler aujourd’hui, cette pièce est encore moins dans les mœurs grecques que Britannicus dans les mœurs romaines. […] Racine, dans les sujets hébreux, est bien autrement à son aise que dans les sujets grecs et romains.
Ce fut le point culminant de l’Église romaine ; Michel-Ange et Raphaël en furent les architectes, les praticiens et les peintres. […] Les Médicis, bourgeois de Toscane, ayant acquis de grandes richesses, les consacrèrent à seconder et à semer cette passion à Florence, à Naples, à Venise ; ils devinrent ainsi les apôtres de la renaissance, Évangile nouveau qui s’associait bien avec l’Évangile romain. […] Il subit son exil jusqu’à ce que le roi de l’Italie, unitaire contre la nature et l’histoire, transporte son trône ambulant de capitale en capitale pour trouver une bonne place sur la terre des Romains ; il y détrône un pontife désarmé, sans soldats et sans peuple, vainqueur par les armes françaises, d’une théocratie qui ne devait être remplacée que par la liberté de Dieu sur la terre.
Demandez à tout bon Français qui lit tous les jours son journal dans son estaminet ce qu’il entend par progrès, il répondra que c’est la vapeur, l’électricité et l’éclairage au gaz, miracles inconnus aux Romains, et que ces découvertes témoignent pleinement de notre supériorité sur les anciens ; tant il s’est fait de ténèbres dans ce malheureux cerveau et tant les choses de l’ordre matériel et de l’ordre spirituel s’y sont si bizarrement confondues ! […] Cette contemplation perpétuelle de l’histoire grecque et romaine ne pouvait, après tout, qu’avoir une influence stoïcienne salutaire ; mais ils ne furent pas toujours aussi Grecs et Romains qu’ils voulurent le paraître.
C’est plaisir, là-dessus, de l’écouter lorsque soi-même on a un goût vif pour l’orateur romain, pour le philosophe de Tusculum : on aime à être surpassé en enthousiasme ; on s’associe, on se prête à cette sorte d’ivresse qu’il cause à un esprit ordinairement rassis ; on est édifié de retrouver à l’improviste comme un Rollin plus jeune, aussi sincère, mais plus transporté et tout de feu en présence des modèles. Il faut l’entendre, au sortir de ce beau fleuve romain et cicéronien où il vient de s’abreuver pour la centième fois, célébrer cette ampleur et cette finesse de parole, cette transparence lumineuse, cette riche abondance de mots, et cet art savant qui les épand si nombreux, si faciles sans qu’il y en ait jamais un d’inutile ou de perdu : Quand on se laisse simplement entraîner, dit-il, par la lecture, c’est une musique délicieuse qui vous flatte : l’esprit sent la justesse des accords sans se rendre un compte exact de son plaisir, et ne fait qu’apercevoir instinctivement une nuance délicate de la pensée sous chacune des expressions dont la phrase s’embellit.
… » toutes vivacités et brusqueries grandioses, familières à l’orateur romain et à la nation qui porte la toge. Ce latinisme intime et si sensible de Bossuet dans sa parole française me paraît plus qu’un accident, qu’un trait curieux à noter ; c’est fondamental chez lui, c’est un caractère constant ; il nous en a avertis quand il a dit, dans ses Conseils pour former un orateur sacré : « On prend dans les écrits de toutes les langues le tour qui en est l’esprit, — surtout dans la latine dont le génie n’est pas éloigné de celui de la nôtre, ou plutôt qui est tout le même. » Il réintègre ainsi, par l’acception qu’il leur donne, quantité de mots dans leur pleine et première propriété et sincérité romaine ; il en renouvelle ainsi la saveur, la verdeur.
Il n’avait point, comme les Romains, l’ardeur de conquérir. […] Il aimait la liberté, comme assurant à tous les genres de plaisirs la plus grande indépendance ; mais il n’avait pas cette haine profonde de la tyrannie, qu’une certaine dignité de caractère gravait dans l’âme des Romains.
D’une part, dans un monde fondé sur la conquête, dur et froid comme une machine d’airain, condamné par sa structure même à détruire chez ses sujets le courage d’agir et l’envie de vivre, il avait annoncé « la bonne nouvelle », promis « le royaume de Dieu », prêché la résignation tendre aux mains du père céleste, inspiré la patience, la douceur, l’humilité, l’abnégation, la charité, ouvert les seules issues par lesquelles l’homme étouffé dans l’ergastule romain pouvait encore respirer et apercevoir le jour : voilà la religion. […] Dans les campagnes dépeuplées par le fisc romain, par la révolte des Bagaudes, par l’invasion des Germains, par les courses des brigands, le moine bénédictin bâtit sa cabane de branchages parmi les épines et les ronces4 ; autour de lui de grands espaces jadis cultivés ne sont plus que des halliers déserts.
Et mourut Pâris et Hélène…… Puis vient la fameuse ballade : Dites-moi où, n’en quel pays, Est Flora la belle Romaine, …. […] Un grand orateur romain, Antoine, eut à défendre un tribun séditieux, Norbanus : il lit porter tout son raisonnement sur deux points, l’un de droit, l’autre de fait : 1º Il y a des séditions légitimes ; 2º Celle qu’a excitée Norbanus est de ce genre-là.
La littérature romaine produisait ses œuvres les plus originales à l’époque des proscriptions et des guerres civiles. […] Je comprends que des écrivains allemands aient regretté à ce point de vue la vieille vie germanique et maudit l’influence romaine et chrétienne qui en altéra la rude sincérité.
J’ai vu dans ma jeunesse des professeurs de rhétorique — des Cuvillier-Fleury du temps — traiter de germanico-savoyard le style romain du grand de Maistre, — en retard de gloire, ce grand homme, parce que, de génie, il avançait trop ! […] C’était en ce temps-là un joyeux garçon aux belles dents rieuses, frais comme une rose-pomme épanouie parmi tous ces pâles de Paris, au regard très doux et un peu indécis, un de ces regards qu’on appelle à la Montmorency et dont l’indécision, qui vous lutine, est plus piquante… Il avait de magnifiques cheveux noirs bouclés comme un pâtre de la campagne romaine, et qui, pour boucler, n’avaient pas besoin des papillotes que se plantait le grave Lerminier sur sa forte tête philosophique et législative.
Mais les injures violentes, les noms de débauché nocturne, de ventru, de pied-bot, qu’il jeta plus tard au sage Pittacus, furent sans puissance, comme ses armes : « Répète un chant romain, nous dit Horace, ô lyre modulée d’abord par le citoyen de Lesbos, qui, forcené pour la guerre, savait pourtant, soit au milieu des armes, soit quand son navire battu des flots reprenait le rivage, chanter Bacchus et les Muses, Vénus et l’enfant qui la suit toujours62. » Puis ailleurs, lorsque, échappé à un danger de mort, Horace, qui a cru voir de près l’Élysée, y place le belliqueux Alcée, comme Virgile osait y mettre Caton : « De combien peu, dit-il, nous avons failli voir l’empire de la sombre Proserpine, et le tribunal d’Éaque, et les demeures réservées des âmes pieuses, et Sapho sur la lyre éolienne se plaignant des jeunes filles ses compatriotes, et toi aussi, Alcée, redisant plus haut sur ton luth d’or les maux de la tempête, les maux de l’exil, les maux de la guerre ! […] Mais, avant ce changement du monde, lorsque le paganisme régnait dans la paix de l’empire romain, lorsqu’il n’y avait plus ni liberté, ni gloire patriotique, ni grande éloquence, et que la culture de l’esprit n’était plus qu’un amusement de la servitude, un savant critique, Denys d’Halicarnasse, celui qui a tant raisonné sur Thucydide et sur Démosthène, sans comprendre leurs âmes, sauvait au moins pour l’avenir, dans un traité de rhétorique, une ode entière de Sapho à sa déesse favorite.
Sainte-Beuve Melænis, conte romain (1851) par M.
Horace mérite bien moins ce dernier reproche que Lucile regardé comme l’inventeur de la satyre chez les Romains, lui qui, dans les débordemens de sa bile, appelloit ceux qui l’irritoient, voleurs, adultères, assassins, & nommoit toujours les personnages.
Vers le milieu du quatrième siècle ; l’Empire romain envahi par les barbares et déchiré par l’hérésie, tomba en ruine de toutes parts.
Ce qui distingue l’éloquence chrétienne de l’éloquence des Grecs et des Romains, c’est cette tristesse évangélique qui en est l’âme, selon La Bruyère, cette majestueuse mélancolie dont elle se nourrit.
Ainsi mon sentiment est qu’on ne doit point, par exemple, introduire jamais sur le théatre un romain encore païen qui se moqueroit du feu de Vesta, non plus qu’un grec qui traiteroit avec insolence l’oracle de Delphes de fourberie inventée par les prêtres d’Apollon.