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916. (1895) Histoire de la littérature française « Quatrième partie. Le dix-septième siècle — Livre III. Les grands artistes classiques — Chapitre II. Boileau Despréaux »

Il méprisait la théologie, qu’il avait effleurée, le droit, qu’il savait, l’histoire, qu’il ignorait : il ne regardait l’antiquité, qu’il adorait, ni en philologue, ni en archéologue, ni d’aucun point de vue que celui du littérateur. […] Il ne regarde pas seulement l’objet ; il regarde aussi l’esprit humain, auquel il veut présenter l’objet ; et tant par une règle d’urbanité mondaine que par une tradition artistique de l’antiquité, il fait effort pour présenter l’objet par ses caractères agréables à l’esprit.

917. (1889) Histoire de la littérature française. Tome III (16e éd.) « Chapitre douzième. »

Il faut connaître ces convenances du temps et de l’écrivain, pour ne pas regarder les monuments d’une grande littérature comme des œuvres de mode, ou comme la bonne fortune d’un auteur. […] La Bruyère, moins sublime, en effet, que Pascal, et moins profond que La Rochefoucauld, songe plus à s’approprier au public, et s’accoutume à ne regarder les choses que jusqu’où la vue des autres peut le suivre. […] Non ; car, de la même vue dont il regarde ces avantages, il aperçoit ceux qui leur manquent.

918. (1890) L’avenir de la science « XIX » p. 421

Indifférents à la culture savante, ils la regardaient sans attention et par conséquent sans colère. […] Il y a des hommes éminemment doués par la nature, mais peu favorisés par la fortune, qui deviennent fiers et presque intraitables et mourraient plutôt que d’accepter pour vivre ce que l’opinion regarde comme une humiliation extérieure. […] À regarder de près le spectacle de l’activité humaine, on reconnaît que la plus grande partie de cette activité est dépensée en pure perte.

919. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Madame Émile de Girardin. (Poésies. — Élégies. — Napoline. — Cléopâtre. — Lettres parisiennes, etc., etc.) » pp. 384-406

Elle s’est regardée et peinte elle-même bien des fois dans cette première attitude et ce premier éclat de jeunesse florissante : Mon front était si fier de sa couronne blonde, Anneaux d’or et d’argent tant de fois caressés ! […] Ajoutons vite que si elle se dit fière et orgueilleuse, que si elle se sait belle, et que si elle se regardait souvent, elle restait gaie, franche d’abord, sans grimace aucune, vive et même naïve dans les mouvements, bonne enfant, disent tous ceux qui l’ont connue alors (Lamartine disait bien d’elle un jour : C’est un bon garçon ! […] À y bien regarder, la contradiction n’est pas si grande qu’elle paraît ; l’un, je le sais, menait à l’autre ; mais qu’il y a donc à rêver sur les sinuosités du chemin !

920. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « L’abbé de Choisy. » pp. 428-450

Basset m’apprend ce que c’est que les ordres sacrés ; je regarde dans la lune avec le père de Fontenai ; je parle du pilotage avec notre enseigne Chammoreau, qui en sait beaucoup ; et tout cela en passant, sans empressement, en se promenant. […] Ici, c’est un torrent d’éloquence… Si l’on allait à une vraie mission apostolique, j’y regarderais à deux fois avant de contester cette subite infusion d’éloquence à M.  […] L’abbé de Choisy regarde encore par le bout rapetissant de sa lorgnette quand il contemple l’océan.

921. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Volney. Étude sur sa vie et sur ses œuvres, par M. Eugène Berger. 1852. — II. (Fin.) » pp. 411-433

Parlant des auteurs de mémoires personnels, il a un morceau très vif contre Jean-Jacques Rousseau et Les Confessions, qu’il estime un livre dangereux et funeste : S’il existait, s’écrie-t-il, un livre où un homme regardé comme vertueux, et presque érigé en patron de secte, se fût peint comme très malheureux ; si cet homme, confessant sa vie, citait de lui un grand nombre de traits d’avilissement, d’infidélité, d’ingratitude ; s’il nous donnait de lui l’idée d’un caractère chagrin, orgueilleux, jaloux ; si, non content de révéler ses fautes qui lui appartiennent, il révélait celles d’autrui qui ne lui appartiennent pas ; si cet homme, doué d’ailleurs de talent comme orateur et comme écrivain, avait acquis une autorité comme philosophe ; s’il n’avait usé de l’un et de l’autre que pour prêcher l’ignorance et ramener l’homme à l’état de brute, et si une secte renouvelée d’Omar ou du Vieux de la Montagne se fût saisie de son nom pour appuyer son nouveau Coran et jeter un manteau de vertu sur la personne du crime, peut-être serait-il difficile, dans cette trop véridique histoire, de trouver un coin d’utilité… Volney, en parlant de la sorte, obéissait à ses premières impressions contre Rousseau, prises dans le monde de d’Holbach ; il parlait aussi avec la conviction d’un homme qui venait de voir l’abus que des fanatiques avaient fait du nom et des doctrines de Rousseau pendant la Révolution, et tout récemment pendant la Terreur. […] Delambre regardait la question débattue comme insoluble. […] Volney, content de ne pas mourir et s’enfonçant dans son fauteuil, s’appliquait aussi le mot de Franklin, qui disait en les voyant, Cabanis et lui, tous deux jeunes alors et pleins d’ardeur : « À cet âge, l’âme est en dehors ; au mien elle est en dedans, elle regarde par la fenêtre le bruit des passants sans prendre part à leurs querelles. » Volney, qui n’était point orateur et qui avait l’organe assez faible, causait bien dans un salon ; il parlait comme il écrivait, avec la même netteté, et cela coulait de source ; on aimait à l’écouter. — Son honneur durable, si on le dégage de tout ce qui a mérité de périr en lui, sera d’avoir été un excellent voyageur, d’avoir bien vu tout ce qu’il a vu, de l’avoir souvent rendu avec une exactitude si parfaite que l’art d’écrire ne se distingue pas chez lui de l’art d’observer, et une fois au moins, dans son tableau de la Syrie, d’avoir le premier offert un modèle de la manière dont chaque partie de la terre devrait être étudiée et décrite.

922. (1864) William Shakespeare « Conclusion — Livre I. Après la mort — Shakespeare — L’Angleterre »

Ce qui manque peut-être à cette Albion toute à son affaire, et parfois regardée de travers par les autres peuples, c’est de la grandeur désintéressée ; Shakespeare lui en donne. […] On va par là, on se heurte au piédestal, on est bien obligé de lever la tête et de regarder un peu l’inscription, on échappe au livre, on n’échappe pas à la statue. […] En avril 1664, il y avait cent ans que Shakespeare était né, l’Angleterre était occupée à acclamer Charles II, le vendeur de Dunkerque à la France moyennant deux cent cinquante mille livres sterling, et à regarder blanchir sous la bise et la pluie au gibet de Tyburn quelque chose qui était un squelette et qui avait été Cromwell.

923. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « La Révolution française »

Quand je creuse cette idée, je trouve qu’au fond, et si on y regarde bien, les causes n’existent pas en dehors des hommes, et qu’en fin de compte la loi qui gouverne le monde est la même loi qui gouverne nos faibles cœurs. […] Il a bien vu que, malgré les prétentions d’une philosophie qui, si on la laisse faire, est en train de fausser le sens commun de l’humanité pour des siècles, ce qu’on appelle la Révolution Française, comme tous les grands événements, se résumera en quelques noms propres, — le seul signe que, pour des raisons très profondes, les hommes connaissent des plus grandes choses, — et alors il a regardé sous ces noms ceux qui les portent, et, en agissant ainsi, je le dis en lui battant des mains, il a éventré la Révolution jusque dans le cœur de ceux qui la voulurent et les cerveaux de ceux qui la pensèrent, confondant à dessein en une même condamnation les hommes et les faits, souillés réciproquement les uns par les autres, et traînant le tout à des gémonies éternelles dans le pêle-mêle du mépris. […] Cassagnac a regardé en face le fabuleux basilic, et il a eu l’honneur, je ne dis pas de rétablir, mais d’établir la vérité sur un homme à qui on avait fait une gloire dépravante : car, il ne faut pas s’y méprendre, dans un moment donné ceux qui l’admirent s’efforceraient de l’imiter.

924. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « X. M. Nettement » pp. 239-265

L’appréciation des influences de Béranger, sous la Restauration, l’étude faite de ses opinions, de son talent et de sa vie, honoreraient toute plume vivante et même celles qui sont regardées par l’opinion comme bien supérieures à la plume de M.  […] L’embrassade dans laquelle il enveloppe les vieux ennemis de sa cause a trop de pantomime pour que nous puissions regarder cette gesticulation passionnée comme le pur résultat d’un tempérament affectueux qui se débonde jusqu’à l’enthousiasme de la tendresse. […] Nettement nous le peigne comme une espèce de satyre en gaîté, ce qui prouve d’ailleurs qu’il n’avait vu Balzac que quand Balzac le regardait.

925. (1895) Les œuvres et les hommes. Journalistes et polémistes, chroniqueurs et pamphlétaires. XV « Philarète Chasles » pp. 147-177

À bien y regarder, il n’y avait, au fond, dans son histoire de Galilée, que l’éternelle histoire de la nature humaine, dont madame Pernelle disait ; Je vous l’ai dit, mon fils, quand vous étiez petit : Les envieux mourront, mais non jamais l’envie ! […] Et comme l’attendrissement, qui est une mauvaise disposition critique, brouille la vue et mouille les lunettes, et empêche de voir ce qu’on regarde, je vais montrer, seulement sur le terrain littéraire, ce que Philarète Chasles a vu. […] On le sait, j’ai toujours regardé Philarète Chasles et Sainte-Beuve plutôt comme des fragments de critiques que comme des critiques complets.

926. (1890) Le massacre des amazones pp. 2-265

J’ai regardé trop longtemps ce premier cygne noir et, je vous le dis en confidence, ça n’est pas noir, ça n’est pas un cygne ; c’est une oie. […] Je m’énerve à regarder à chaque page le titre courant pour être certain ou presque de ne point relire les Vaines tendresses. […] Elle a peu de chose à dire de chaque rencontre, elle n’approfondit rien ; mais en passant elle regarde et son mot, parfois juste, est presque toujours pittoresque. […] D’ailleurs, elle les a moins que beaucoup d’autres : comparée à Sarcey, elle devient la distinction même et elle semble souple si on la regarde après Brunetière. […] Mais, à bien regarder, elle est supérieure à sa besogne et à ses auditeurs : parfois elle se contient pour ne pas être émue, se force pour rire.

927. (1900) Molière pp. -283

Vous pouvez regarder, rue Richelieu, sa statue ; elle est impassible, elle est très belle, et respire le génie. […] DOM JUAN Sganarelle, regarde un peu ses mains. […] Mais Tartuffe a beaucoup nui en un sens à sa réputation littéraire ; à force d’admirer Tartuffe, on n’a plus regardé tout ce que Molière a semé de conceptions merveilleuses au-delà ou à côté. […] Mais ils firent tant de bruit dans leurs gazettes, car dès ce temps ils avaient déjà des gazettes, que Molière se mit à les regarder. […] Parmi les représentants les plus outrés de ce rigorisme, nous retrouvons un très grand adversaire de Molière, un adversaire qui pense très juste sur bien des points, mais qui, en tout ce qui regarde les femmes, est souvent d’un ridicule achevé.

928. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome III pp. -

Il avoit comparé dieu à un miroir qui représente tous les objets, & dans lequel nous regardons continuellement. […] Les deux écrivains qu’elle regarde sont les deux plus grands philosophes de leur Siècle, Newton & Léibnitz. […] Il honore son siècle : on doit le regarder comme un homme aussi supérieur dans son genre que Descartes & Newton dans le leur. […] Mais, quel est l’ordre religieux qui ne regarde son fondateur comme l’unique lumière qui ait paru ? […] Port-royal des Champs fut la retraite qu’ils jugèrent la plus sure : ils la regardèrent comme une espèce de place d’armes.

929. (1925) Les écrivains. Première série (1884-1894)

C’est l’Œil effrayant qui regardait Caïn. […] — Mais tu pourrais au moins regarder ce qui est autour de toi… — Regarder quoi ? […] Mais regardez leurs yeux… Ils vont sauter sur moi comme des grenouilles. […] Et, à mon tour je regardai la maison. […] Cela ne nous regarde pas.

930. (1922) Nouvelles pages de critique et de doctrine. Tome II

Pendant qu’ils vivaient, ces mémorialistes ne se regardaient pas vivre. […] Ils ne paraissent même pas se douter qu’il y a un vaste monde à regarder et à peindre. […] Regardez plus attentivement. […] Mais combien peu osent la regarder en face ! […] Regardons-y d’un peu près et admirons l’audace de cette chimérique assimilation.

931. (1829) Tableau de la littérature du moyen âge pp. 1-332

L’idée de cette pièce était quelque chose de très singulier : mais on ne peut regarder cela comme un précédent théâtral. […] On le regarde, et on l’imite. […] Que chacun se regarde dans le jeune roi anglais, qui du monde était le plus vaillant des preux. […] Mais prenez la France avant Louis IX, regardez la France après lui ; il semble que ce soient d’autres hommes ; les esprits se sont élevés. […] Nous allons, avant de le regarder en face et de l’admirer, prendre ses papiers, consulter ses notes, savoir de lui ce qui se passait autour de lui.

932. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « XX » pp. 84-86

» Ceci est assez bien dit, sauf l’emphase ; mais que penser, lorsque venant à parler de l’art chrétien, de l’art gothique, de la cathédrale où Goëthe vit surtout une morte imitation de la nature, une cristallisation infinie, et où Hugo vit surtout le lai]d et le diable, Michelet ajoute : « L'un et l’autre regarda le dehors plus que le dedans, tel résultat plus que la cause.

933. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — G — article » pp. 440-443

Qu’on ne la regarde pas comme un de ces Ouvrages approfondis, médités avec soin, & toujours irréprochables dans leurs maximes : ce sera assez de convenir qu’elle est écrite avec facilité, & qu’elle contient des avis dont le sexe peut tirer de l’utilité.

934. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — R. — article » pp. 58-61

M. de Raynal n’a peut-être pas eu cette prétention : c’est pourquoi nous regarderons ces deux Histoires comme une source d'amusement pour le Lecteur, en le prémunissant toutefois contre les dangers de la séduction.

935. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Restout le fils » pp. 284-285

Qui est-ce qui regarderait les Téniers, les Wouwermans, les Berghem, tous les tableaux de l’école flamande, la plupart de ces obscénités de l’école italienne, tous ces sujets empruntés de la fable qui ne montrent que des natures méprisables, que des mœurs corrompues, si le talent ne rachetait le dégoût de la chose ?

936. (1767) Salon de 1767 « Sculpture — Vassé » pp. 323-324

Elle a son casque et sa cuirasse ; elle regarde au loin, comme si elle y cherchait un vainqueur à couronner.

937. (1913) Essai sur la littérature merveilleuse des noirs ; suivi de Contes indigènes de l’Ouest-Africain français « Contes — IX. Chassez le naturel… »

» Et tout en disant cela sire lièvre, comme entraîné par son récit, mimait ses inquiétudes en cette occurrence fâcheuse et regardait dans toutes les directions auxquelles il faisait allusion.

938. (1890) Causeries littéraires (1872-1888)

À regarder de très près, cependant, c’est une attitude. […] Zola regarde Busnach de travers avec un silence farouche. […] Regardez comme tout cela me laisse insensible, moi qui suis un artiste !  […] Regardez deux de leurs représentants officiels, le notaire et le préfet. […] Mais cela ne me regarde point, passons.

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