Léon Barracand) possède en propre sont la facilité et le naturel ; un vers aisé, d’une abondance souple et franche ; l’émotion dans le pittoresque ; enfin, sa qualité maîtresse, le lyrisme éloquent de la satire.
Il ne suffit pas de posséder la langue de l’Auteur qu’on veut traduire, il faut encore connoître & savoir appliquer les finesses de la sienne.
S’il possédait un château dans la campagne, il ordonnerait son parc avec un grand goût, je n’en doute pas, mais il en limiterait les contours ; il ne laisserait pas la verdure de ses gazons se continuer insensiblement et se perdre dans les prairies ou les cultures environnantes, de telle sorte que tout le paysage ne fît qu’un et que ce qui est cultivé, peigné, embelli, ne se distinguât que par une nuance de ce qui est tout à fait champêtre et agreste : il tracerait autour du domaine, comme pour le pourtour des temples antiques, un sillon sacré. Oui, M. de Saint-Victor, classique en cela, classique dans la plus large acception sans doute, classique toutefois, comme le pourrait être un fils retrouvé de Chateaubriand, a au plus haut degré et possède en toute sincérité la religion de l’art, la religion littéraire ; à la manière dont je les lui ai vu quelquefois défendre, dans la conversation comme dans ses écrits, j’ai compris qu’il a bien réellement des dieux, et il a eu droit, par une sorte d’invocation, de les inscrire dès le début au frontispice de son livre.
De l’éloquence et de la philosophie des Anglais Il y a trois époques très distinctes dans la situation politique des Anglais ; les temps antérieurs à leur révolution, leur révolution même, et la constitution qu’ils possèdent depuis 1688. […] On se livre en Angleterre aux systèmes abstraits ou aux recherches qui ont pour objet une utilité positive et pratique ; mais ce genre intermédiaire, qui réunit dans un même style la pensée et l’éloquence, l’instruction et l’intérêt, l’expression pittoresque et l’idée juste, les Anglais n’en possèdent presque point de modèles, et leurs livres n’ont qu’un but à la fois, l’utilité ou l’agrément.
Quelle différence de celui qui la possède, & qui a fait de bonnes études, avec celui qui n’en a point de notion ! […] Il a traité de la poësie sans avoir un livre chez lui, & de la peinture sans posséder aucun tableau.
Cela est vrai ; et quand on le possède, on n’est pourtant qu’un rieur, un plaisant, et c’est un triste rôle. […] L’un ne possédait rien qui n’appartînt à l’autre.
Cet Édelestand du Méril, imbécilement oublié par l’Institut, comme le sera probablement Saint-Victor, parce qu’il ne possédait pas la faculté si grande et si respectée en France d’être un pédant solennel, avait tout ensemble rétréci et dilaté le sujet abordé aujourd’hui par Saint-Victor. […] Cette puissance du retrouvé et du rendu dans la peinture historique, personne parmi les écrivains modernes ne la possède à un plus haut degré que Saint Victor, si ce n’est Michelet.
Depuis la plus lointaine antiquité, la cité possédait un droit destiné à régler par la justice, substituée à la violence, les différends entre concitoyens A l’aube des temps modernes, lorsque l’esprit humain vint à prendre conscience de l’inter-dépendance des peuples, l’idée qu’il pouvait peut-être y avoir une justice, présidant aux rapports inter-nationaux, et par conséquent un droit dont ressortiraient les conflits entre « grands êtres » sociaux, germa dans les cerveaux d’élite. […] Non plus les jurisconsultes professionnels, mais les quelques hommes supérieurement conscients et géniaux que possède chaque nation, philosophes, poètes et savants.
Les nations vaincues avaient aussi possédé ces droits au temps de leur indépendance. — Enfin vient la monarchie, et Antonin veut faire une seule Rome de tout le monde romain. […] D’abord on prit possession en couvrant de son corps la chose possédée ; possessio fut dit pour porro sessio. — Dans les républiques héroïques qui selon Aristote n’avaient point de lois pour redresser les torts particuliers , nous avons vu que les revendications s’exerçaient par une force, par une violence véritable.
Mais Platon prétend au contraire qu’Homère posséda la sagesse réfléchie (riposta) des âges civilisés ; et il a été suivi dans cette opinion par tous les philosophes, spécialement par Plutarque, qui a consacré à ce sujet un livre tout entier.
Schopenhauer avait trouvé son poète en Mme Ackermann ; Darwin possède le sien, inférieur à nul autre, en Mlle Loiseau, qui, après avoir débuté par des vers gracieux, Fleurs d’avril, a trouvé sa voie dans Un mystérieux amour.
leur véritable idylle originale, nous la possédons ; ce sont proprement les Géorgiques. […] On ne peut s’empêcher non plus de remarquer que les scholies ou commentaires qu’on possède, et qui ont été compilés d’après les plus anciens grammairiens, nous abandonnent et, en quelque sorte, expirent vers le milieu du recueil, comme si ces anciens commentateurs n’avaient cru marcher avec le vrai Théocrite que jusque-là. […] Et ceux qu’elles regardent d’un œil de joie, ceux-là n’ont rien à craindre des breuvages funestes de Circé. » Il semble indiquer par là que c’est un de ces breuvages de passion insensée qui l’a un moment égaré dans l’intervalle, mais qui n’a pas eu puissance de le perdre, parce qu’il possédait le préservatif souverain des Muses. […] Que n’ai-je en mon pouvoir tout ce qu’on dit qu’a jadis possédé Crésus ! […] Le Myndien me tient tout entière possédée ; mais va guetter vers la palestre de Timagète, car c’est là qu’il fréquente, c’est là qu’il lui est doux de passer le temps.
Je ne conçois pas qu’une âme élevée puisse rester indifférente à un tel spectacle et ne souffre pas en voyant la plus grande partie de l’humanité exclue du bien qu’elle possède et qui ne demanderait qu’à se partager. […] Mais ils posséderaient l’infini, la vérité absolue, qu’ils devraient souffrir de les posséder seuls et regretter les rêves vulgaires qu’ils savouraient au moins en commun avec tous. […] Or tous seraient comme nous, si tous avaient notre culture, si tous possédaient comme nous l’idée complète de l’humanité. […] n’est-il pas bien probable que ceux qui crient à la liberté violée ne sont pas tant des gens qui, possédés par le vrai, souffrent de ne pouvoir le divulguer, que des gens qui, n’ayant aucune idée, exploitent à leur profit cette liberté qui ne devrait servir que pour le progrès rationnel de l’esprit humain ? […] Quand on joue sa tête pour sa pensée, il n’y a que les possédés de Dieu, les hommes entraînés par une conviction puissante et le besoin invincible de parler qui se mettent en avant.
il répondit : « Nous sommes trois frères, adorateurs de la vérité et de la justice : le premier la prêche, le second l’écrit, et moi je la soutiendrai jusqu’au dernier soupir. » Le nom de Mézeray était celui d’un canton, d’un réage, selon l’expression du pays, où la famille Eudes possédait quelque pièce de terre26. […] Dans le voyage qu’il fit contre les Albigeois, elle l’accompagna jusqu’en Languedoc, et faisait porter sa tente pour camper avec lui, tant elle avait peur de s’en éloigner d’autant de chemin qu’il y avait à la prochaine ville, et que cependant quelque autre ne s’emparât de son esprit, qu’elle voulait posséder et gouverner toute seule : ce qu’elle faisait encore par zèle contre les hérétiques… Le reste du portrait se soutient, et l’auteur achève d’y expliquer l’influence à la fois vertueuse et politique de Blanche, son ascendant dès qu’elle fut entrée dans le Conseil de France. […] Je me trompe pourtant d’appeler cela un règne, ce fut une anarchie continuelle : d’autant qu’il vint à la couronne à treize ans ; il fut sous des régents plusieurs années, et puis, étant venu en âge, tomba sous la captivité de ses favoris, et à vingt-six ans en cette longue maladie qui mit presque cette monarchie au tombeau… Si bien que toute sa vie n’a été qu’une folie ou de cerveau ou de jeunesse, et, ni sain ni malade, il n’a jamais eu une once de bon conseil et de forte résolution, mais a toujours été hors de lui-même, ayant été en tout temps possédé par ceux qui l’obsédaient, et ferme seulement en un point, qui était de se changer à l’appétit de tous ceux qui se saisissaient de lui.
En attendant, et sauf quelques taches qui se perdent dans la richesse du tissu et comme dans les plis de l’étoffe, nous possédons un Massillon assez entier et assez accompli pour en jouir avec confiance et avec plénitude. […] Or, Massillon possède au plus haut degré cet art du développement ; on pourrait même dire que c’est là son talent presque tout entier. […] Buffon, qui estimait Massillon le premier de nos prosateurs, semble l’avoir eu présent à la pensée lorsque, dans son Discours sur le style, il a dit : Pour bien écrire, il faut donc posséder pleinement son sujet ; il faut y réfléchir assez pour voir clairement l’ordre de ses pensées et en former une suite, une chaîne continue, dont chaque point représente une idée ; et, lorsqu’on aura pris la plume, il faudra la conduire successivement sur ce premier trait, sans lui permettre de s’en écarter, sans l’appuyer trop inégalement, sans lui donner d’autre mouvement que relui qui sera déterminé par l’espace qu’elle doit parcourir.
Il y avait dans Santeul plusieurs hommes, nous a dit l’excellent peintre de Théodas, — ou plutôt il y avait un grand talent possédé par un enfant. […] Tel autre ne sera que le philologue, bon à posséder le sanscrit, le chinois, toutes les langues d’Asie, toutes les formes indépendamment des idées, tous les vocabulaires. […] Ce malheureux démon de gloire poétique, qu’on avait cru un moment exorcisé, le possédait et l’agitait de plus belle : « Les autres font leur salut dans l’église, disait-il ; mais moi c’est le contraire : pour faire le mien il faut que j’en sorte, de peur d’entendre mes hymnes avec trop d’orgueil. » Il les envoyait cependant à M. de Rancé et aurait voulu qu’on les chantât à la Trappe.
Quand on a lu les portraits de M. le Prince et de M. le Duc dans Saint-Simon et dans Lassay, il est utile, pour compléter la galerie et posséder toute la collection, de lire le portrait de la duchesse du Maine, sœur de M. le Duc, que nous a laissé Mme de Staal-Delaunay, une domestique spirituelle et terrible, le La Bruyère des femmes. […] On sent que l’auteur possède son sujet, et qu’il en est maître sans en être plein. […] Il contenait de frappants et ingénieux portraits des plus éminents académiciens, et notamment des cinq grands écrivains, des cinq génies que la Compagnie possédait alors, La Fontaine, Boileau, Racine, Bossuet, Fénelon : lui entrant faisait le sixième.
Je vous soumettrai mon raisonnement à cet égard : qu’il vous suffise aujourd’hui de savoir que mes nouvelles sont honnêtes, et que je crains que le calcul et l’honnêteté leur nuisent et même m’en dégoûtent. » Lui-même il nous signale l’écueil de ses chansons trop travaillées ; et à cette époque, en effet, il était à bout de voie pour les chansons de sa première manière ; car le sentiment patriotique et antibourbonien était encore loin : il possédait, il est vrai, l’instrument complet, mais du moment qu’il s’interdisait la gaillardise, le motif était rare et faisait défaut. […] Il donne encore d’autres raisons plus justes de son refus, son peu d’habitude du théâtre, son peu de fonds en connaissances classiques : « Enfin, j’ai bien fouillé dans tous les plis de mon cerveau, et il ne me semble point y trouver cette forme légère, ces tournures piquantes, cette facilité de style qui rendent un article agréable aux lecteurs, et permettent à celui qui les possède de parler cent fois de la même chose en paraissanttoujours nouveau. […] L’homme qui a fait la Marseillaise, envers qui la nation est ingrate, et dont la vieillesse n’est secourue et (qui mieux est) consolée que par celui qui possède toute la faveur de la popularité, n’est-ce pas bien ?
Au bout d’un quart d’heure, l’embarras de sa parole et de sa pensée disparaît ; il a saisi son idée ; il la possède et il est possédé par elle. […] Le mâle de la sarigue possède dans le jeune âge une bourse de gestation comme sa femelle.
On possède son Examen de conscience écrit par elle-même après la confession générale qu’elle fit à M. […] Voici ma démonstration, lui dis-je : Je pose en fait que la tête la mieux garnie de cheveux n’en possède pas 200,000, et que la tête le moins garnie, c’est celle qui n’a qu’un cheveu. […] Ce qui est certain de Mme de Longueville, c’est que, sans posséder peut-être de certains attraits complets, elle sut avoir toute la grâce. […] De ce qu’on cite Mme de Longueville dans des moments de pénitence, et de ce que l’on ne possède guère Mme de La Fayette que dans des écrits littéraires et romanesques, a-t-on le droit de juger de la qualité de leurs esprits par la différence des sujets ? […] Dans la riche correspondance manuscrite que possède la bibliothèque de Troyes, je trouve nombre de lettres de M. de Pontchâteau à la duchesse d’Epernon sa sœur, dans lesquelles il est question de Mme de Longueville.
On ne sait, en effet, lequel du roi ou de la maîtresse était le plus possédé ou le plus possédant des deux, tant ce sortilége de la passion d’un roi jeune pour une femme de cinquante ans était le miracle de la tendresse. […] La reine s’aliénait tous les cœurs pour en posséder un seul ; et ce cœur était celui d’un histrion, d’un joueur de luth, d’un Italien, d’un Français, d’un papiste réprouvé qu’on faisait passer pour un envoyé secret du pape, chargé de séduire la reine pour enchaîner la conscience du royaume. […] Il continua à professer à la cour son culte d’adoration pour Marie Stuart, à remplir le palais de ses vers amoureux et à réciter aux courtisans ceux que Ronsard, toujours possédé de la même image, adressait de Paris à la reine de sa lyre. […] Cet impossible fut dépassé par la promptitude avec laquelle Marie Stuart séduisit, reconquit et posséda plus que jamais les yeux et le cœur de son jeune époux. […] La licence de ses mœurs et les victoires de son libertinage l’avaient rendu célèbre à la cour d’Holyrood ; il s’était attaché à plusieurs des femmes de cette cour, moins pour les posséder que pour les déshonorer.
Le morceau a été rendu avec cet admirable et unique instinct des œuvres artistiques que possède M. […] Pendant la plainte d’Amfortas et le récit des malheurs du Gral, elle semble prise d’un tremblement farouche, et se tourne et se retourne sur la terre, comme une possédée. […] En résumé, dans le premier acte, sauf ce mouvement de pitié qui l’a saisie, ses gestes et ses attitudes sont d’une douloureuse possédée : tantôt agitée et frissonnante, tantôt complètement raidie dans son immobilité. […] Après la possédée passive, nous allons voir dans le second tableau la possédée active, dans le jardin enchanté.
C’est qu’il faut être un grand coloriste, un grand dessinateur, un grand paysagiste, un savant et délicat imitateur de la nature ; avoir une prodigieuse variété de ressource dans l’imagination ; inventer une infinité d’accidents particuliers, de petites actions, exceller dans les détails, posséder toutes les qualités d’un grand peintre et cela dans un haut degré, pour contrebalancer la froideur, la monotonie et le dégoût de ces longues files parallèles de soldats ; de ces corps de troupes oblongs ou carrés, et la symétrie de notre tactique.