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1040. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « Edgar Poe » pp. 339-351

Au lieu de se placer au-dessus d’elles, comme les penseurs originaux, il pille les idées de son temps, et ce qu’il en flibuste ne méritait guère d’être flibusté.

1041. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XXVII. Des panégyriques ou éloges adressés à Louis XIII, au cardinal de Richelieu, et au cardinal Mazarin. »

Loué par une foule d’orateurs, chanté par Malherbe, célébré à sa mort par Lingendes, placé par la nature entre Richelieu et Corneille, il prouva que le caractère seul peut donner du prix aux actions, aux vertus, aux succès même, et que les panégyristes, malgré leurs talents, ne donnent pas toujours le ton à la renommée.

1042. (1773) Essai sur les éloges « Morceaux retranchés à la censure dans l’Essai sur les éloges. »

Il ne sera pas mis non plus parmi ces grands hommes d’état nés pour être conquérants et législateurs, puissants par leur génie, grands par leur propre force, qui ont créé leur siècle et leur nation, sans rien devoir ni à leur nation ni à leur siècle : cette classe des souverains n’est guère plus nombreuse que la première ; mais il en est une troisième qui a droit aussi à la renommée : ce sont ceux qui, placés par la nature dans une époque où leur nation était capable de grandes choses, ont su profiter des circonstances sans les faire naître ; ceux qui avec des défauts ont déployé néanmoins un esprit ferme et toute la vigueur du gouvernement, qui, suppléant par le caractère au génie, ont su rassembler autour d’eux les forces de leur siècle et les diriger, ce qui est une autre espèce de génie pour les rois ; ceux qui, désirant d’être utiles, mais prenant l’éclat pour la grandeur, et quelquefois la gloire d’un seul pour l’utilité de tous, ont cependant donné un grand mouvement aux choses et aux hommes, et laissé après eux une trace forte et profonde.

1043. (1893) Des réputations littéraires. Essais de morale et d’histoire. Première série

La prétention de ne placer la vraie vie éternelle que dans les œuvres du génie scientifique, artistique ou littéraire est un pédantisme. […] Quand plusieurs cibles sont placées côte à côte, le tireur le plus maladroit a beaucoup de chance d’en toucher une : l’écrivain le mieux garanti contre la critique est celui qui offre le moins de surface. […] Que me fait cet homme qui vient se placer entre l’humanité et moi ? […] Ils sont les premiers à recueillir et à réfléchir une lumière qui, sans leur concours, serait devenue visible un instant plus tard à des hommes qui sont placés fort au-dessous d’eux. […] Mais par quelle faveur, au contraire, un Voltaire, un Shelley, un Carlyle sont-ils placés par lui dans l’élite de ces hommes absolument supérieurs dont le génie aurait toujours et partout éclaté ?

1044. (1887) Études critiques sur l’histoire de la littérature française. Troisième série pp. 1-326

Autre question encore, plus générale : à quel rang ses inventions placent-elles Pascal dans l’histoire de la science ? […] L’amour, descendu des hauteurs où l’avait placé l’hôtel de Rambouillet, entre avec lui dans la vie réelle. […] et voilà singulièrement placer l’âme ! […] Si Marivaux eût moins « inventé », son œuvre serait placée plus haut dans l’histoire de la littérature, mais ses « inventions » lui assurent une place considérable encore dans l’histoire littéraire. […] Et si le livre enfin est placé dans le rang qu’il occupe, il ne faut pas dire : c’est surtout, il faut dire que c’est uniquement au caractère du malheureux chevalier qu’il le doit.

1045. (1887) Essais sur l’école romantique

Sur un terrain neutre, la critique est le mieux placée pour garder sa liberté ; oison jugement n’a de poids que quand il est libre. […] C’est, comme on voit, sous le beau soleil de l’Orient que la pensée du jeune poète s’est placée, pour se féconder de ses rayons, et se dorer de sa splendeur. […] Bon nombre de pièces se placeraient mieux sous un autre titre ; une surtout, d’une beauté simple, mérite d’être revendiquée tout entière par la Muse nationale. […] Il y a une chose que l’on désire avant tout, en France : c’est de n’être pas muet, et de pouvoir, comme on dit, placer son mot. […] Les hommes même de l’ordre secondaire, où nous avons toujours placé M. 

1046. (1902) Symbolistes et décadents pp. 7-402

Il évoque, une manière de Lucrèce mystique, et aussi de Théocrite ayant remarqué que les pâtres font tache dans le paysage choisi où les artistes païens les placèrent. […] Faut-il ajouter qu’en un art serré, une technique bien comprise du vers, il faut éviter toute explication, toute parenthèse inutile, et que peut-être ces nécessités imposent au lecteur de se placer d’abord, par une première lecture, en l’état d’esprit du poète, et de ne comprendre complètement qu’à une seconde lecture. […] La Pauvre Lise donne le gage que Gabriel Vicaire peut prendre rang par la sincérité et l’émotion parmi les petits maîtres, et que s’il n’apporte pas une manière de sentir et de s’exprimer toute neuve, il peut placer, à côté des belles choses du passé, des choses originales, originelles de lui, gravées avec le burin que lui laissèrent des maîtres disparus. […] Le choix même de Marceline Desbordes-Valmore, placée dans ce livre, pour sa grâce, pour un peu d’oubli qui avait suivi une expansion trop restreinte de gloire, n’était pas malheureux. […] Avant la Restauration, la littérature classique était morte au contact des œuvres de Chateaubriand et de Mme de Staël, et même de l’abbé Delille, auquel il faudrait ajouter le timide Ducis et Chênedollé, à placer avec beaucoup d’autres dans le groupe de Chateaubriand.

1047. (1884) Cours de philosophie fait au Lycée de Sens en 1883-1884

Elle se trouve donc ainsi placer au centre auquel viennent converger toutes les sciences, parce que l’esprit lui-même est placé au centre du monde de la connaissance. […] Quant à la logique, qui reste encore, elle doit être placée avant la morale. […] Aussi faudrait-il, si possible, la placer la première de toutes. […] Après, nous placerons le sens vital. […] Voilà des actions sans motif. » Supposons que j’aie en main un stylet très aigu placé au milieu d’une ligne ; je dois le placer à l’un des deux points extrêmes de la ligne.

1048. (1894) La bataille littéraire. Septième série (1893) pp. -307

Un autre avait fait placer un orchestre près de la guillotine ; Lebon a nié le fait, mais il pouvait avoir ses raisons pour cela. […] Placée à une galerie supérieure, elle ne pouvait détacher ses yeux de cette éblouissante apparition. […] Et d’autres abominations encore, des infortunés pendus par les mains à un clou du plafond et battus de verges dans cette horrible position, des petits de quatre ans placés, les cuisses nues, sur les plaques brûlantes du foyer, poussant des cris de douleur et cherchant vainement à échapper à leurs bourreaux prodigieusement amusés. […] Attachés vous à avoir toujours la tête et les épaules en arrière, pour que le corps soit bien placé et avec aisance. […] Puis, un beau jour, il aurait décidé de montrer chacune de ses trouvailles, diamant ou caillou, fleur fraîche où feuille sèche, charme ou horreur, or ou cuivre, et les aurait placées dans un vaste cadre, sans étiquette, laissant à tous le soin de deviner, de construire, d’expliquer et de conclure.

1049. (1890) Journal des Goncourt. Tome IV (1870-1871) « Année 1870 » pp. 3-176

et il y a de la générosité à moi d’écrire cela, à moi qui, pour la citation de quatre vers, cités dans le cours de littérature de Sainte-Beuve, couronné par l’Académie, ai été poursuivi en police correctionnelle par le gouvernement impérial, — et ce qui ne s’était jamais vu dans aucun procès de presse, placé entre des gendarmes, — oui, c’est agaçant. […] Dans les rues, des sœurs, marchant deux à deux, examinent un moment, dans le creux de leurs mains grassouillettes, le riz des sacs placés à la porte des épiciers. […] Un artilleur en manches de chemise, placé à droite, tient la ficelle. […] Enfin a lieu le défilé interminable des gardes nationaux enrôlés, passant devant le bureau, placé au milieu de la tribune. […] Une grande fillette, à l’œil impudique et au madras placé en haut de cheveux rêches, m’offre, pour 350 francs, un âne qui m’a tout l’air d’un âne de Montmorency.

1050. (1853) Histoire de la littérature dramatique. Tome II « Chapitre premier. Ce que devient l’esprit mal dépensé » pp. 1-92

Richelieu, le terrible faucheur, avait délivré la royauté des grands seigneurs qui se plaçaient imprudemment devant son soleil ; il avait négligé le reste : la baguette avait fait grâce aux pavots peu élevés. […] Maintenant placez-vous au parterre, et figurez-vous l’auteur du Misanthrope, frappé à mort, qui vient, tout exprès, sur ce théâtre en deuil pour vous faire rire une dernière fois. […] Ce sont ses mœurs, ses amours, ses amitiés, qu’il a placés là tout exprès pour en tirer la plus admirable comédie du théâtre, la première comédie de mœurs qui eût été entreprise par Molière ! […] Qu’eût dit Lucrèce, s’il eût pu savoir qu’il écrivait ainsi les plus jolis vers qui se pussent placer dans la bouche d’une jeune femme ? […] Célimène, en effet, par sa position qu’on n’explique pas, par ces mœurs au moins fort dégagées, par cet affranchissement complet de tout frein et de toute règle, n’appartient pas plus à la cour qu’elle n’appartient à la ville ; elle est placée à moitié chemin de Paris et de Versailles.

1051. (1868) Cours familier de littérature. XXV « CLe entretien. Molière »

Il n’y a pas une note fausse, pas un mot répréhensible, pas un trait qui ne porte au but : seulement ce but est le rire, il est placé moins haut, mais il est atteint, et il est atteint d’inspiration sans que le rieur, en s’examinant, ait à rougir des moyens qui le charment. […] Molière interrogeait et observait continuellement le jeune Baron pendant le souper, et il le fit coucher chez lui, pour avoir plus le temps de connaître ses sentiments par la conversation, afin de placer plus sûrement le bien qu’il lui voulait faire. […] La pièce déplut au public, et charma Louis XIV ; il en félicita Molière, il était assez homme de goût pour y saisir les deux ridicules de la noblesse et de la bourgeoisie, il était placé assez haut pour se moquer de son peuple. […] «Heur, dit la Bruyère, se plaçait où bonheur ne pouvait entrer ; il a fait heureux, qui est si français, et il a cessé de l’être.

1052. (1896) Journal des Goncourt. Tome IX (1892-1895 et index général) « Année 1892 » pp. 3-94

Je la revois dans sa bourgeoise chambre à coucher, en ses vieux meubles de famille, avec sa pendule Empire, accotée dans un petit fauteuil, tout contre mon frère faisant ses devoirs, la tête presque fourrée dans le vieux secrétaire d’acajou, et surélevé, tout le temps qu’il fut petit, sur un gros dictionnaire, placé sur une chaise. […] » Et le baron entraîne Lafontaine dans une pièce, où la baronne montée sur un escabeau, et ceinte d’un tablier, nettoyait elle-même ses curiosités, entourée d’une vingtaine de larbins en mollets, qui lui passaient les objets placés sur une table, et qu’elle replaçait dans une vitrine, après les avoir soigneusement frottés avec du vieux linge. […] Enfin, complètement rétabli, le cheval était placé dans les écuries de l’impératrice. […] que des confrères placent dans la famille des Gautier, des Saint-Victor, et qui, mort ou vivant, le jour, où il n’occupera plus le rez-de-chaussée du Temps, peut s’attendre à être traité de bas scribe, et de pauvre plumitif dramatique.

1053. (1772) Bibliothèque d’un homme de goût, ou Avis sur le choix des meilleurs livres écrits en notre langue sur tous les genres de sciences et de littérature. Tome II « Bibliotheque d’un homme de goût — Chapitre IV. Des Livres nécessaires pour l’étude de l’Histoire. » pp. 87-211

Cet Ecrivain fut placé par les Grecs à la tête de leurs Historiens, & c’est par lui que vous devez commencer vos lectures. […] Il ne manque aucune occasion de placer dans son histoire des discours qui, sans donner une idée bien favorable de son éloquence, en font naître une très-désavantageuse de son jugement. […] Une partie des ouvrages précédens roulant sur les guerres de la fronde, nous croyons devoir placer ici ce qui regarde Condé & Turene qui y jouerent un rôle. […] Elle n’est pas trop chargée de réfléxions ; & les portraits placés à propos lui servent d’ornement sans en interrompre le fil.

1054. (1885) L’Art romantique

Théophile Silvestre a placé à la suite de son excellente notice sur Eugène Delacroix, dans son livre intitulé : Histoire des peintres vivants. […] Comme un rêve est placé dans une atmosphère colorée qui lui est propre, de même une conception, devenue composition, a besoin de se mouvoir dans un milieu coloré qui lui soit particulier. […] Observez, monsieur, que ce reproche est toujours adressé par l’innombrable classe des âmes banales à celles qui s’appliquent à placer leur générosité aussi bien que leur amitié. […] Placés très-haut, toute fatalité nous apparaît comme justice. […] N’avons-nous pas vu récemment un écrivain illustre et des plus accrédités placer, aux applaudissements unanimes, toute poésie, non pas dans la Beauté, mais dans l’amour !

1055. (1894) Dégénérescence. Fin de siècle, le mysticisme. L’égotisme, le réalisme, le vingtième siècle

Alors le malade aura dans son champ visuel toutes sortes de lacunes ou taches noires d’un effet curieux, et s’il peint ce qu’il voit, il inclinera à placer les uns près des autres des points ou taches plus ou moins gros non liés ensemble, ou liés d’une façon imparfaite. […] Le lecteur est maintenant placé aux divers points de vue d’où il peut voir les nouvelles tendances esthétiques sous leur vrai jour et leur vraie forme. […] Car il est clair qu’un cerveau dans lequel une unique perception éveille, par l’effet de l’association d’idées, toute une série d’aperceptions cohérentes, reconnaîtra, comprendra et jugera beaucoup plus vite qu’un autre, dans lequel n’existerait pas d’association d’idées ; ce dernier, par conséquent, ne formera que des idées ayant pour contenu les perceptions sensorielles immédiates et les aperceptions qui naissent dans les cellules que le hasard du voisinage a placées dans le cercle d’une onde d’excitation. […] Il est exact que les préraphaélites trahissent, dans l’image et le mot, une certaine prédilection, d’ailleurs non exclusive, pour le moyen âge ; mais le moyen âge de leurs poèmes et tableaux n’est pas le moyen âge historique ; c’est un moyen âge fabuleux, une simple désignation pour ce qui est placé hors du temps et de l’espace, une époque et un pays de rêve dans lesquels on peut transporter commodément toutes les figures et actions irréelles.

1056. (1907) Le romantisme français. Essai sur la révolution dans les sentiments et dans les idées au XIXe siècle

Placé au centre de l’opinion publique, écho autant qu’excitateur universel, ce journaliste merveilleux nous révèle son siècle. […] Comme ils tiennent toutes les ambitions et activités humaines pour de dangereux vertiges (et en ce qui les concerne sans doute voient-ils juste), ils se retranchent définitivement de la cité, des mêlées de l’opinion ; ils placent à l’abri de toutes les perturbations et servitudes extérieures leurs existences discrètes. […] , les mieux placés, produisirent plus et plus vite. […] Mais ce qui dépasse son horizon, c’est le bien, œuvre exclusive de la durée et de la constance, c’est le progrès d’un esprit qui, de méprise en méprise, arrive à se placer dans les conditions, toujours antiques et toujours nouvelles, d’une activité créatrice, à se libérer de soi-même. […] Plaçons entre 1830 et 1840 cet apogée de puissance contagieuse, du moins un des points culminants.

1057. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) «  Poésies inédites de Mme Desbordes-Valmore  » pp. 405-416

Le dernier recueil de Mme Desbordes-Valmore peut se placer à côté du premier ; il y a des choses aussi belles, aussi tristes, aussi passionnées, aussi jeunes : rare privilège, et qui ne saurait appartenir qu’à une âme intimement poétique et qui était la poésie elle-même !

1058. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « Madame Desbordes-Valmore. »

« Mâcon, 3 mars 1831. » À côté de Lamartine et non pas au-dessous, nous plaçons une autre liaison bien chère et plus intime, toute profonde, et qui avait sa racine dans les sentiments humains, plébéiens et véritablement fraternels ; c’est ainsi que je caractérise le mutuel attachement de Mme Valmore et de M. 

1059. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Première partie. De la littérature chez les anciens et chez les modernes — Chapitre XX. Du dix-huitième siècle, jusqu’en 1789 » pp. 389-405

L’homme de lettres, alors qu’il vit dans un pays où le patriotisme des citoyens ne peut jamais être qu’un sentiment stérile, est, pour ainsi dire, obligé de se supposer des passions pour les peindre, de s’exciter à l’émotion pour en saisir les effets, de se modifier pour écrire, et de se placer, s’il se peut, en dehors de lui-même pour examiner quel parti littéraire il peut tirer de ses opinions et de ses sentiments.

1060. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Seconde partie. De l’état actuel des lumières en France, et de leurs progrès futurs — Chapitre IX et dernier. Conclusion » pp. 586-601

Les premiers pas qu’on fait dans l’espoir d’atteindre à la réputation sont pleins de charmes, on est satisfaite de s’entendre nommer, d’obtenir un rang dans l’opinion, d’être placée sur une ligne à part ; mais si l’on y parvient, quelle solitude, quel effroi n’éprouve-t-on pas !

1061. (1895) Histoire de la littérature française « Quatrième partie. Le dix-septième siècle — Livre I. La préparations des chefs-d’œuvre — Chapitre I. Malherbe »

C’est une grande affaire pour lui que de placer un repos : il estimait son écolier Maynard « l’homme de France qui savait le mieux faire les vers », parce que Maynard lui avait l’ait sentir la nécessité d’une pause après le troisième vers dans les strophes de six.

1062. (1904) Prostitués. Études critiques sur les gens de lettres d’aujourd’hui « Chapitre II. Filles à soldats »

Au lieu de dresser un héros unique, les auteurs, élevés au collège naturaliste, ont voulu nous intéresser à toute une famille et, sur chacun des lieux où doit se passer quelque chose, ils ont placé, témoin ému, un membre de cette famille.

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