Agir devant ses enfants, et agir noblement, sans se proposer pour modèle ; les apercevoir sans cesse, sans les regarder ; parler bien, et rarement interroger ; penser juste et penser tout haut ; s’affliger des fautes graves, moyen sûr de corriger un enfant sensible : les ridicules ne valent que les petits frais de la plaisanterie, n’en pas faire d’autres ; prendre ces marmousets-là pour des personnages, puisqu’ils en ont la manie ; être leur ami, et par conséquent obtenir leur confiance sans l’exiger ; s’ils déraisonnent, comme il est de leur âge, les mener imperceptiblement jusqu’à quelque conséquence bien absurde, et leur demander en riant : Est-ce là ce que vous vouliez dire ?
Ils entrevoïent ce qu’il faudroit faire dire à leurs personnages ; mais ils ne peuvent le penser distinctement, et encore moins l’exprimer.
Tout au moins, si elle voulait jouer à ce petit mystère du « pseudonyme » qu’on perce toujours, il fallait attacher à cette composition si féminine un nom de femme ; car c’est une femme qui parle toujours dans ces Récits de la Luçotte 34, et monsieur Paria Korigan n’est que le nom d’un personnage auquel la Luçotte adresse ses Récits.
Tout, dans ce roman, est actuel : les personnages, s’ils ne vivent pas sous les noms que la malignité publique leur a tout de suite prêtés, vivent fragmentairement en plusieurs de nos hommes politiques. […] Héros et personnages secondaires sont des types de Téniers ou de Velazquez ; Hogarth ni Daumier n’ont rien à réclamer dans la paternité de Pedro Sanchez. […] L’hidalgo ne jure plus que par ce noble et respectable personnage. […] Sérafin Balduque n’était point de ceux qui cachent leur vie : à dix-sept ans, il était entré au service de l’État, grâce à l’influence d’un gros personnage. […] Le puissant personnage était absent, et, avant de recevoir le provincial, sa femme et ses enfants ne manquèrent point de lui faire faire antichambre.
Mauriac transforme Racine en un personnage de Dostoïevsky. […] dira-t-on, ce personnage sympathique est donc un hypocrite ? […] Nous croyons voir, entendre et toucher ses personnages. […] C’est un fouillis de personnages et d’incidents innombrables. […] Pourquoi tous ces personnages imaginaires dans un roman historique, où le premier plan appartient fatalement aux personnages qui ont existé, surtout lorsqu’on nous en montre de cette taille ?
Dans Monsieur le valet de chambre, personnage officiel, il y avait toujours du page et du basochien. […] Ce ne sont pas précisément ses personnages qui sont intéressants. […] Or ses personnages ne sont pas égoïstes. […] Calvin s’en alla à Strasbourg, s’y établit dans le personnage de pasteur et de professeur, et attendit les événements. […] Il ne laisse pas de montrer le diable comme un personnage très fort, et redoutable, ce qu’il est, mais, de plus, comme un personnage indépendant, ce qu’il n’est pas, agissant pour lui et de par lui, comme s’il avait une puissance personnelle.
C’est un défaut dans lequel Virgile n’est jamais tombé, & qu’on peut quelquefois reprocher au Tasse, tout admirable qu’il est d’ailleurs : ce défaut vient de ce que l’auteur trop plein de ses idées veut se montrer lui-même, lorsqu’il ne doit montrer que ses personnages. […] C’est en ce sens qu’un personnage de l’ancienne comédie, qu’on nomme italienne, dit à un autre : Tu fais de méchans vers admirablement bien. […] Un personnage d’une comédie de Shakespear dit qu’à toute force on peut être poli sans avoir été à la cour de France. […] ne conviendroit pas à un personnage héroïque, parce qu’il a pour objet une chose trop petite pour un héros. […] C’est par elle qu’un poëte crée ses personnages, leur donne des caracteres, des passions ; invente sa fable, en présente l’exposition, en redouble le noeud, en prépare le dénouement ; travail qui demande encore le jugement le plus profond, & en même tems le plus fin.
Comme le jongleur était un personnage secondaire, quand on était las de l’entendre, pour varier, il faisait des tours. […] Là figure l’institution de la Table ronde et l’enchanteur Merlin, un des personnages les plus populaires du moyen âge. […] Si nous parcourons quelques chansons de troubadours, on voit que les noms et les aventures des principaux personnages de la chevalerie étaient en quelque sorte historiques, que l’on y faisait de fréquentes allusions, comme à des faits reconnus. […] L’historien de ce livre, qui en est aussi un des principaux personnages, nous offre dans ses actions la réalité de cette chevalerie, dont les romans du moyen âge ont tracé la peinture idéale. […] Mais il vint, un peu plus tard, dans la même ville, un personnage bien autrement célèbre dans le souvenir des hommes.
Je saute bien des pages, bien des chapitres où figurent des personnages, des individualités très heureusement étudiées, et j’arrive au dénouement. […] C’est qu’il s’est identifié dans chacun de ses personnages et qu’il se les assimile avec une rare perfection. […] Il est impossible de donner une idée complète de ce livre, dans lequel s’agitent cinquante personnages, tous copiés sur des originaux que tout Paris a connus. […] Personne dans le palais, excepté Monpavon et Louis le valet de chambre, ne sut donc ce que venaient faire ces trois personnages introduits mystérieusement auprès du ministre d’État. […] C’est un poème biblique qui a pour personnages : Adam, Gad, Tubal, etc., et Caïn lui-même.
Seulement nos personnages, à nous, n’ont rien de créé, même quand ils semblent le plus imprévus. […] Il résulte de ce soin même et de ce premier mystère de notre étude avec eux, que nous les aimons, et qu’il s’en répand un reflet de nous à eux, une teinte qui donne à l’ensemble de leur figure une certaine émotion : c’est souvent l’intérêt unique de ces petites nouvelles à un seul personnage. […] Je venais de voir dans Sara Burgerhart 220 qu’en peignant des lieux et des mœurs que l’on connaît bien, l’on donne à des personnages fictifs une réalité précieuse. […] A défaut de passion proprement dite, un pathétique discret et doucement profond s’y mêle à la vérité railleuse, au ton naïf des personnages, à la vie familière et de petite ville, prise sur le fait.
C’est ce personnage qui est chargé de venir chaque fois nous chercher pour nous conduire à la cour. […] Tous ces personnages nous font chercher et ramener dans leurs voitures et avec leurs gens. […] C’est dommage que nous ne puissions pas nous arrêter plus longtemps ici, car nous avons fait ample connaissance avec toute la noblesse, et partout, dans les salons, à table, dans toutes les occasions, nous sommes tellement comblés d’honneurs que non seulement on nous fait chercher et ramener dans les gondoles par le secrétaire de la maison, mais encore que le maître de la maison lui-même nous accompagne chez nous ; et ce sont les premiers personnages de Venise, les Cornero, Grimani, Mocenigo, Dolfin, Valier. […] Ce sont tous, ou du moins la plupart, les plus grands personnages de cette ville.
Je ne crains point qu’à cette censure malheureusement trop juste de l’éducation publique que reçoivent les grands, on oppose les éloges que d’illustres personnages lui ont donnés ; je répondrais ou qu’ils parlaient seulement de ce qu’elle pourrait être, ou que s’ils parlaient de ce qu’elle était de leur temps, elle n’est plus reconnaissable ; et j’oserais dire à ces sages : venez et voyez. […] Une mauvaise épigramme fait quelquefois toute la vengeance d’un poète ; celle de nos sages est plus constante et plus réfléchie ; quoiqu’elle n’ait quelquefois pour objet que de placer dans la liste de ses partisans une femme de plus, qui se croit un personnage pour avoir subi l’ennui de lire des ouvrages de physique sans les entendre. […] Les gens de lettres qui font leur cour aux grands, forment différentes classes ; les uns sont esclaves sans le sentir, et par conséquent sans remède ; d’autres s’indignant du personnage désagréable auquel on les force, ne laissent pas de le supporter constamment par l’avantage qu’ils se flattent d’en retirer pour leur fortune ; c’est leur faire grâce que de les plaindre : ils pourraient facilement se convaincre, par eux-mêmes, que ce moyen de parvenir à la fortune est encore plus long qu’il n’est sûr, et considérer par combien de complaisances ou de bassesses ils achètent le plus petit service. […] Enveloppé de ses talents et de sa vertu, il rit sans colère et sans dédain du personnage qu’il est alors obligé de faire.
La première année, il dépensa vingt-trois mille francs au-delà ; c’étaient sans cesse des princes ou princesses d’Allemagne, des personnages de marque qui passaient à Venise en visitant l’Italie, et qu’il fallait traiter. […] La première commotion passée, il se dit avec ce bon sens et cette réflexion sans amertume dont il était pourvu et qui formait la base de son caractère : « Je n’ai plus de fortune à faire : je n’ai qu’à remplir honnêtement la carrière de mon état, et à m’acquérir la considération qui doit accompagner une grande dignité : pour cela la retraite est merveilleuse. » C’est sous cette dernière forme, non plus politique, non plus tout à fait mondaine, non pas absolument ecclésiastique, mais agréablement diversifiée et mélangée ; c’est dans cette retraite suivie et couronnée bientôt d’une grande ambassade, qu’il nous sera possible de l’étudier désormais en sa qualité de cardinal, et que nous aimerons à reconnaître de plus en plus en lui le personnage considérable, d’un esprit doux, d’une culture rare et d’un art social infini.
Nous demandons la permission, ayant à parler de lui, d’en rester à nos propres impressions déjà anciennes, fort antérieures à des débats récents, et de redire, à propos des volumes aujourd’hui publiés, et sauf les applications nouvelles, le jugement assez complexe que nous avons tâché, durant plus de vingt ans, de nous former sur son compte, de mûrir en nous et de rectifier sans cesse, ne voulant rien ôter à un grand esprit si français par les qualités et les défauts, et voulant encore moins faire, de celui qui n’a rien ou presque rien respecté, un personnage d’autorité morale et philosophique, une religion à son tour ou une idole. […] Sans trop presser les dates, les personnages de cette intimité idéale que de loin et à distance on lui compose, seraient Formont, Cideville, des Alleurs, Mme Du Deffand, le président de Maisons, Genonville, l’élite des amis de sa première ou de sa seconde jeunesse ; gens d’esprit et de commerce sûr, jugeant, riant de tout, mais entre soi, sans en faire part au public, sachant de toutes choses ou croyant savoir ce qui en est, prenant le monde en douceur et en ironie, et occupés à se rendre heureux ensemble par les plaisirs de la conversation et d’une étude communicative et sans contrainte.
Ceux qui ne l’ont connu que dans la dernière moitié de sa vie ne retrouvaient pas dans ce personnage grand, mince, un peu penché, dans cette figure fatiguée et dont la coloration elle-même était un indice de souffrance, ce qu’il avait pu avoir d’agréments et de grâce dans un âge plus favorisé. […] Ce drame à un seul personnage offre bien des alternatives, des péripéties ou plutôt des mélanges.
Tel est le personnage original qui, dans sa jeunesse, eut la pensée de devenir homme d’Église, et qui plus est, la tentation de se faire chartreux. […] Merlin nous montre, entre autres, un gros personnage du pays, dom Colignon, curé de Valmunster, « qui y était tout à la fois seigneur haut justicier et foncier, représentant de l’abbaye de Metlach, décimateur et curé. » Chez lui, quand il y avait du monde, régnait un très bon ton et de la décence : « J’y vis pour la première fois M. l’abbé Grégoire, jeune curé, depuis évêque et député à l’Assemblée constituante et à la Convention.
Nous pouvons aujourd’hui, à la faveur de la publication nouvelle, et en nous aidant aussi de celle de Genève, parler à notre tour, et en toute familiarité, de ce personnage excellent, de cet écrivain savant et utile, d’un ami de la France et de l’humanité. […] Elle a consenti à se taire, à attendre, à souffrir pour retourner au milieu de tout ce qui lui est cher ; mais elle a refusé toute action, toute parole qui fût un hommage à la puissance… » Tous les personnages du groupe de Mme de Staël reviennent sans cesse dans ces lettres de Sismondi et y sont présentés avec beaucoup de naturel et de vérité.
Tout à coup il se repent et craint qu’on ne voie dans sa comparaison une adhésion indirecte au système qui consisterait à rendre en peinture aux personnages de la Bible le costume des Arabes modernes. […] Raphaël et Poussin ont donné aux personnages hébreux des costumes romains : ont-ils bien fait ?
Dominique, c’est l’histoire de l’enfance, des premiers sentiments et de la jeunesse du personnage qui porte ce nom ; lui-même raconte à un ami cette histoire toute simple, tout intérieure, en partie délicieuse, en partie douloureuse, et lui fait de vive voix sa confession. […] Les romanciers modernes, quand ils entrent dans un lieu et qu’ils nous y introduisent à leur suite, se comportent comme des antiquaires, ou comme des enrichis : ils commencent par tout regarder, comme s’ils n’étaient pas chez eux, non plus que les personnages qu’ils y conduisent.
Ces personnages ont toutes les espèces de point d’honneur, — le point d’honneur de la vengeance, — le point d’honneur de la piété filiale, — le point d’honneur amoureux. […] Fauriel, qui excellait à ces sortes de comparaisons et qui, tout impartial qu’il était, n’inclinait que rarement par goût en faveur de notre littérature, comparant ensemble les deux Cids, se plaisait à remarquer comme différence l’abrégé fréquent, perpétuel, que Corneille avait fait des scènes plus développées de l’original, les suppressions, les simplifications de tout genre : « Chez Corneille, ajoutait-il avec un ricanement doucement ironique, on dirait que tous les personnages travaillent à l’heure, tant ils sont pressés de faire le plus de choses dans le moins de temps !
Coulmann, que cet honorable personnage secondaire publie en ce moment, ne combleront pas une lacune ; ils ne sont pas dénués pourtant de tout intérêt. […] Il a l’habitude, on rentrant le soir, de noter brièvement ce qu’il a entendu de plus remarquable ; il nous livre aujourd’hui ces notes ; il y joint les lettres qu’il a reçues de ces personnages célèbres ou de ces femmes d’esprit.
On a ainsi le duc d’Orléans, Mirabeau, La Fayette, Mathieu de Montmorency, le futur consul Lebrun, ce dernier très agréablement dessiné ; car Malouet s’entend mieux à montrer ces caractères moyens qu’à exprimer les personnages extrêmes : « Enfin un homme dont la fortune s’est élevée depuis au niveau de ses talents, dont les opinions s’étaient manifestées pour la conservation des trois Ordres, arrive comme vaincu dans le camp des vainqueurs ; et là, sans se mêler jamais à aucune autre discussion que celle des finances, il abandonne la Constitution à sa triste destinée dans toutes ses conséquences politiques ; mais il la soutient, il la défend dans tout ce qui est relatif aux impôts, aux monnaies, aux assignats, aux recettes et aux dépenses de l’État. […] Malouet, qui avait volontiers le premier mouvement circonspect et la répulsion un peu prompte, ne dissimula point sa répugnance à recevoir chez lui l’équivoque personnage ou à l’aller visiter : rendez-vous fut pris pour le soir en maison tierce, chez les négociateurs mêmes.
Quand il s’agit de juger la vie, les actions, les écrits d’un homme célèbre, on commence par bien examiner et décrire l’époque qui précéda sa venue, la société qui le reçut dans son sein, le mouvement général imprimé aux esprits ; on reconnaît et l’on dispose, par avance, la grande scène où le personnage doit jouer son rôle ; du moment qu’il intervient, tous les développements de sa force, tous les obstacles, tous les contrecoups sont prévus, expliqués, justifiés ; et de ce spectacle harmonieux il résulte par degrés, dans l’âme du lecteur, une satisfaction pacifique où se repose l’intelligence. […] Que si maintenant on nous oppose qu’il n’était pas besoin de tant de détours pour énoncer sur Boileau une opinion si peu neuve et que bien des gens partagent au fond, nous rappellerons qu’en tout ceci nous n’avons prétendu rien inventer ; que nous avons seulement voulu rafraîchir en notre esprit les idées que le nom de Boileau réveille, remettre ce célèbre personnage en place, dans son siècle, avec ses mérites et ses imperfections, et revoir sans préjugés, de près à la fois et à distance, le correct, l’élégant, l’ingénieux rédacteur d’un code poétique abrogé.