Qu’importe cependant qu’il soit mauvais père, mauvais époux, ami suspect, dangereux ennemi, méchant homme ? […] Les enfants des maîtres du monde n’eurent d’autres écoles que la maison et la table de leurs pères.
Mon père, ma mère, mon Église, avec l’encens de tant d’âmes, était-ce donc un rêve ? […] Vous êtes pauvres, il suffit ; passez à la droite du Père : pauvreté vaut vertu. […] Si la féodalité de l’épée a été détruite, il reste la féodalité de l’argent, qu’il est temps d’abattre comme nos pères ont abattu l’autre. […] Le doute fut une arme pour nos pères ; il a été pour nous un amusement impie. […] Vous avez dégénéré, vous ne valez pas même ce que valaient vos pères.
Que dit le père à tout cela ? […] Nos pères valaient bien mieux que nous. […] Elle ne laisse pas d’être un peu la fille de son père. […] C’est l’avis de son père ; c’est le sien. […] Racine mûrit, vieillit, il est mari, père, homme de foyer.
. — Le père, sir Tunbelly. — La jeune fille, miss Hoyden. — Le jeune garçon, le squire Humphry. — Idée de la nature d’après ce théâtre. […] L’auteur d’ailleurs prend soin de lui fournir une fable qui le réveille ; il s’agit ordinairement d’un père ou d’un mari qu’on trompe. […] Voilà le mari ; voyons le père, sir Tunbelly, un gentilhomme campagnard, élégant s’il en fut. […] Tel père, telle fille. […] Son père la menace des verges : « Au diable les verges !
Nos pères, qui étaient des classificateurs émérites, la plaçaient au-dessus du roman. […] Nos pères souffraient de la métaphore ; nous souffrons du mot propre. […] Paul Margueritte : Maison ouverte, Mon père, etc. […] L’Idéal, Le Forestier, Le Marinier, Le Père, Le Berger, etc. […] Une dette d’honneur, En Poitou, La Faute du père, Petite reine, etc.
Il fut élevé en gentilhomme, avec un précepteur à lui ; il devait succéder à la charge de son père. […] De retour dans sa ville natale, il n’entra point dans les idées de son père et ne voulut pas suivre sa profession ; il le regretta plus tard. […] Son autre fils, le dernier né de ses enfants et le seul qui atteignit à l’âge de jeunesse, fut tué en duel à vingt-six ans, par Fortia de Piles, et son père voulut le venger ; il le pleura moins comme père que comme chef de famille, chef de race. […] C’est ainsi seulement qu’on peut s’expliquer que Balzac ait semblé vouloir ridiculiser, en cette rencontre, celui qu’ailleurs il appelle son maître et son père. […] C’était la date de la conspiration du comte d’Auvergne, de la marquise de Verneuil et de son père.
On se rappelle que Virgile, au livre premier de l’Énéide, a trouvé l’ingénieux moyen de déguiser l’Amour sous les traits d’Ascagne, que son père envoyait vers Didon. […] Chalciope de son côté, saisie de crainte pour ses enfants qui sont devenus suspects au roi son père, fait en ceci cause commune avec les étrangers, et a déjà songé à implorer sa sœur. […] Bien tard enfin elle se décida à dire de la sorte avec ruse, car les hardis Amours faisaient rage : « Chalciope, mon âme est tout en peine pour tes enfants : je crains que notre père ne les fasse périr du coup avec ces étrangers. […] Mais à peine sa sœur l’a-t-elle quittée, que la voilà qui retombe à nos yeux dans les incertitudes et les combats : la pudeur la ressaisit, et la crainte de se sentir méditer de telles choses contre son père et en faveur d’un homme ! […] Plût aux Dieux que, comme Minos alors s’accorda pour elle avec Thésée, ton père voulût faire de même pour nous !
déchirements enflammés de la nue, Cèdres déracinés, torrents, souffles hurleurs, Ô lamentations de mon père, ô douleurs, Ô remords, vous avez accueilli ma venue, Et ma mère a brûlé ma lèvre de ses pleurs. […] Le livre des Blasphèmes s’ouvre par un premier sonnet intitulé : Tes père et mère. C’est en effet pour ses père et mère que le poète a réservé ses premiers outrages. […] Des père et mère, ça ! […] On devine maintenant de quelle façon le « Père » céleste sera traité par le « fils du Hasard. » Quoique M.
Le père, homme pratique, a repoussé sa demande en objectant que son enfant ne serait pas heureuse avec lui. […] Sa bouche est mince et mauvaise : “Votre père s’est tué. […] Nous y trouvâmes mon père assis, comme anéanti ; il tenait le Moniteur. […] Il en fut ainsi : “Veillez bien sur votre père !” […] Je ne vis que mon père qui se tenait le bras gauche en me disant par-dessus mon épaule : “Je suis touché.”
Il a commencé par renier son père et sa mère, il finira par renier son Dieu. […] Il insulte même son père dans un temps où rien n’égale la puissance paternelle. […] Don Juan ne voit le fantôme du Commandeur qu’avec les yeux de la chair ; Hamlet voit le fantôme de son père avec l’œil de son esprit ! […] Dimanche, et de lui demander des nouvelles de madame Dimanche, du petit Dimanche et du petit chien Brisquet, notre galant seigneur aimera mieux se réconcilier avec son père, que de rester soumis à l’obstination, au mauvais vouloir et à l’impatience de ses créanciers. […] Tout ceci posé, et quand ce père infortuné s’est éloigné de cette maison maudite, en maudissant monsieur son fils, que nous fait la statue du Commandeur ?
mon père, mon père ! […] Mon père avait dit quelque part que Corneille est un disciple de l’abbé d’Aubignac. […] … Tu es bon père. […] Il fit intervenir un protecteur de son père, un maréchal. […] — Dès lors, il ne s’agit que de vouloir, mon père.
C’est là sa note de prédilection ; poète toujours, père avant tout, c’est sa nature. […] Cosette se développait de corps et d’âme, sous les yeux de ce père inconnu, mais aussi tendre qu’une femme. […] avait répliqué Toussaint stupéfaite. — Moi, je suis bien mieux que le maître, je suis le père. […] Un jour elle dit à Jean Valjean : « — Père, promenons-nous donc un peu de ce côté-là.” […] Épigramme amère du philosophe père de l’île de Guernesey, contre la philosophie sans âme de Jean-Jacques Rousseau.
On y reconnaît le cœur de l’enfant qui suivait Côme, son père, dans les pâturages de Coreggio. […] Après des études précieuses dans la maison du prince, son père, il vint à Rome et offrit de soutenir une joute littéraire sur vingt-deux langues et sur neuf cents questions philosophiques. « C’était, dit son rival Politien, un homme ou plutôt un être extraordinaire, à qui la nature avait prodigué tous les avantages du corps et de l’esprit. […] Les vers que Marcellus adresse, en latin, au père de sa maîtresse ont été conservés comme preuve de son talent et de la chasteté de ses amours : Casta carmina, castior vita ! […] Son maître et son ami, Laurent de Médicis, le voyant en disgrâce auprès de sa femme Clarisse, l’envoya résider à Pistoja, auprès de ses enfants ; puis à Caffagiolo, maison des champs de Côme, son père. […] C’est une attention que vous devez avoir pour notre saint-père, que de ne pas le fatiguer de prières indiscrètes, de ne l’aborder jamais qu’avec des choses qui lui fassent plaisir ; ou, si vous vous y croyez obligé, une requête humble et modeste lui plaira davantage et sera plus agréable à son humeur et à son caractère. » Voilà l’âme d’un père chrétien et politique unissant le ciel à la terre pour protéger son fils.
Quoi qu’il en soit, il passa quelques jours enfermé dans le couvent des Pères de terre sainte à Jérusalem, et copia sur les monuments sacrés de cette ville de longs itinéraires qui grossirent le nombre de ses pages et l’autorité de ses volumes ; puis il revint à Carthage, d’où il rentra par l’Espagne en France. […] LXVII « À propos de la mort de son père, Chateaubriand exprime la même idée que j’ai exprimée sur l’immortalité que la mort grave sur nos traits comme l’empreinte d’une grande vision. […] si tu m’avais donné une femme selon mes désirs ; si, comme à notre premier père, tu m’eusses amené par la main une Ève tirée de moi-même… Beauté céleste ! […] Ne lui cherchez ni père ni mère, il est le fils du désert, l’enfant trouvé dans les forêts. […] Ses bassesses, ses œuvres, ses vulgarités, ses colères, ses férocités, ses supplices même, dont il avait été témoin et victime par sa famille, et par son père, et par sa mère, morte innocente en prison, en punition d’être née noble, lui avaient donné un dégoût haineux contre les mœurs de cette race, qui ne sentait alors sa grandeur qu’en faisant sentir sa terreur.
Elle et son père le sauvage l’ont recueilli, l’ont nourri de leur chasse, l’ont comblé de bienfaits. […] Belton revient chez son père, ramenant avec lui l’intéressante Betty, En habit de sauvage, en longue chevelure. […] Il a un prix à l’Académie pour une épître en vers, fade et facile, Épître d’un père à son fils sur la naissance d’un petit-fils (1764) ; il remporte un autre prix à l’Académie pour l’Éloge de Molière (1769). […] C’est par rapport au très grand monde seulement que Chamfort a pu dire : « Il paraît impossible que, dans l’état actuel de la société, il y ait un seul homme qui puisse montrer le fond de son âme et les détails de son caractère, et surtout de ses faiblesses, à son meilleur ami. » C’est ce grand monde uniquement qu’il avait en vue quand il disait : « La meilleure philosophie relativement au monde est d’allier, à son égard, le sarcasme de la gaieté avec l’indulgence du mépris. » C’est pour avoir trop vécu sur ce théâtre de lutte inégale, de ruse et de vanité, qu’il a pu dire son mot fameux : « J’ai été amené là par degrés : en vivant et en voyant les hommes, il faut que le cœur se brise ou se bronze. » J’ajouterai, pour infirmer l’autorité de certaines maximes de Chamfort et pour en dénoncer le côté faux, qu’elles viennent évidemment d’un homme qui n’a jamais eu de famille, qui n’a pas été attendri par elle ni en remontant ni en descendant, qui n’a pas eu de père et qui, à son tour, n’a pas voulu l’être. Il le répète en vingt endroits : « À ne consulter que la raison, quel est l’homme qui voudrait être père ?
Je revoyais l’ancienne salle de spectacle, le petit bois plein de terreur, où étaient enterrés le père et la mère de ma tante, l’espèce de temple grec où les femmes attendaient le retour de leurs maris, de la Cour des comptes et du ministère des affaires étrangères ; enfin je me rappelais Germain, ce vieux brutal de jardinier, qui vous jetait son râteau dans les reins, quand il vous surprenait à voler du raisin. […] * * * Dans nos promenades, nous rencontrons, tous les jours, un père et un fils se promenant ensemble12. […] Je suis effleuré, à tout instant, du frôlement de son bras sortant de son lit, pendant que dans sa bouche avortent et se brisent des paroles qu’on ne comprend pas… Par la fenêtre ouverte, par-dessus le noir des grands arbres, entre et s’allonge, sur le parquet, la blanche clarté électrique d’une lune de ballade… Il y a de sinistres silences, où s’entend seul le bruit de la montre à répétition de notre père, avec laquelle, de temps en temps, je tâte le pouls de son dernier né… Malgré trois prises de bromure de potassium, avalées dans le quart d’un verre d’eau, il ne peut dormir une minute, et sa tête s’agite sur son oreiller dans un mouvement incessant de droite à gauche, bruissante de toute la sonorité inintelligente d’un cerveau paralysé, et jetant par les deux coins de la bouche, des ébauches de phrases, des tronçons de mots, des syllabes informulées, prononcées d’abord avec violence, et qui finissent par mourir comme des soupirs… Dans le lointain j’entends distinctement un chien qui hurle à la mort… Ah ! […] * * * Je l’ai vu disparaître dans le caveau, où sont mon père, ma mère, et où il y a encore une place pour moi… * * * En rentrant, je me suis couché et, couvrant mes draps de ses portraits, je suis resté avec son image jusqu’à la nuit. […] Il a été déjà question de ce père et de ce fils.
Schiller nous montre Jeanne d’Arc dénoncée par son père comme sorcière, au milieu même de la fête destinée au couronnement de Charles VII, qu’elle a replacé sur le trône de France. […] Racine ne pouvant, comme Euripide, présenter aux spectateurs Hippolyte déchiré, couvert de sang, brisé par sa chute, et dans les convulsions de la douleur et de l’agonie, a été forcé de faire raconter sa mort ; et cette nécessité l’a conduit à blesser, dans le récit de cet événement terrible, et la vraisemblance et la nature, par une profusion de détails poétiques, sur lesquels un ami ne peut s’étendre, et qu’un père ne peut écouter. […] Thécla n’est point une jeune fille ordinaire, partagée entre l’inclination qu’elle ressent pour un jeune homme et sa soumission envers son père ; déguisant ou contenant le sentiment qui la domine, jusqu’à ce qu’elle ait obtenu le consentement de celui qui a le droit de disposer de sa main ; effrayée des obstacles qui menacent son bonheur ; enfin, éprouvant elle-même et donnant au spectateur une impression d’incertitude sur le résultat de son amour, et sur le parti qu’elle prendra si elle est trompée dans ses espérances. […] » Elle n’annonce point qu’elle fasse dépendre ses espérances de l’aveu de son père. […] C’est pour cette raison que je lui ai donné une teinte religieuse, et que j’ai voulu qu’elle cherchât un asile aux pieds de son Dieu, au lieu de se tuer sur le corps de son amant ou de son père, ce qui ne m’aurait pas coûté un grand effort d’invention ; mais la violence du suicide m’aurait semblé déranger l’harmonie qui doit être dans son caractère.
Encore vaut-il mieux chercher nos pères dans Le Cabinet satyrique 37, que dans l’histoire de France écrite en très beau latin, par M. le président de Thou. […] ils commençaient, comme leurs pères n’eussent pas osé finir ! […] « Nos pères, disait La Bruyère, nous ont transmis, avec la connaissance de leurs personnes, celle de leurs habits, de leur coiffure, de leurs armes offensives et défensives et des autres vêtements qu’ils ont aimés pendant leur vie. […] Son père, le comédien Monvel, était un vrai comédien, un peu philosophe, un peu poète. […] au même instant, dans la tour du Temple, à côté de son père, de sa mère, de son frère enfant, était enfermée une jeune fille de quinze ans, — l’âge de la jeune débutante !
Il ne plaida qu’une fois, pour défendre son père, gagna sa cause, et renonça au barreau ; il avait alors seize ans. […] Les trois principaux titres d’Homère sont désormais mieux motivés : c’est bien le fondateur de la civilisation en Grèce, le père des poètes, la source de toutes les philosophies grecques. […] Les premiers pères de famille sont les premiers prêtres ; et comme la religion compose encore toute la sagesse, les premiers sages ; maîtres absolus de leur famille, ils sont aussi les premiers rois ; de là le nom de patriarches (pères et princes). Dans une si grande barbarie, leur joug ne peut être que dur et cruel ; le Polyphème d’Homère est aux yeux de Platon l’image des premiers pères de famille. […] Ainsi s’organisa la cité : les pères de famille formèrent une classe de nobles, de patriciens, conservant le triple caractère de rois de leur maison, de prêtres et de sages, c’est-à-dire, de dépositaires des auspices.
Né à Caen en 1555 d’un père magistrat, d’une famille plus noble que riche, l’aîné de neuf enfants, ayant fait d’ailleurs des études assez variées et de gentilhomme sous la conduite d’un précepteur, tantôt à Caen, tantôt à Paris, et pendant deux ans aux universités d’Allemagne, il quitta tout à fait la maison paternelle à vingt et un ans pour s’attacher au service du duc d’Angoulême, fils naturel de Henri II, et grand prieur de France. […] Il s’y donnait un peu glorieusement pour fils d’un conseiller au parlement de Normandie, tandis que son père n’était que conseiller au présidial : « petit mensonge d’amour-propre, nous dit M. de Gournay, par lequel il élevait son père d’un échelon dans la magistrature ». […] Son gentilhomme de campagne, il ne va pas le demander aux anciens ; il l’a sous les yeux, et il le décrit d’après nature : Il laboure le champ que labourait son père : Il ne s’informe point de ce qu’on délibère Dans ces graves Conseils d’affaires accablés ; Il voit sans intérêt la mer grosse d’orages, Et n’observe des vents les sinistres présages Que pour le soin qu’il a du salut de ses blés.
Tous les écrits de Mirabeau père, à les considérer par cet aspect, n’allaient à rien moins qu’à rendre son fils inutile. C’est parce que Mirabeau père (en ce qu’il avait de commun dans ses vœux patriotiques avec les Vauban, les d’Argenson, les Turgot) n’a pas réussi, que Mirabeau fils parut un jour, avec sa crinière de lion et sa voix de tonnerre, et monta le premier à l’assaut. […] Dès sa première lettre à Vauvenargues, il en insère une qu’il vient de recevoir d’une ancienne maîtresse avec laquelle il a rompu et qui, en apprenant la mort de son père, le marquis Jean-Antoine, lui a écrit cette charmante et spirituelle épître de condoléance : Je n’ose vous appeler, monsieur, de ces noms tendres qui nous servaient autrefois ; ils ne sont plus faits pour moi ; j’ai fait pour les perdre tout ce que je voudrais faire à présent pour les ravoir. […] Du sein même de ses études, de ses méditations économiques, dans un séjour au château de ses pères, où il s’est retiré pour une saison, Mirabeau confesse le vice qui est celui de tout son temps et qui lui gâtera sa vie, d’ailleurs intègre : « La volupté, mon cher ami, est devenue le bourreau de mon imagination, et je payerai bien cher mes folies et le dérangement de mœurs qui m’est devenu une seconde nature ; hors de là, je suis maintenant comme un poisson dans l’eau. » À côté de cet aveu que justifieront trop les futurs scandales et les éclats de sa vie domestique, mettez la sagesse et la sobriété de Vauvenargues, à qui son peu de santé interdirait sans doute les plaisirs, mais qui en est éloigné encore plus par la haute et pure idée qu’il se fait de l’amour, par le peu de goût qu’il a pour les femmes, « celles du moins qu’il connaît ». — « Je hais le jeu comme la fièvre, et le commerce des femmes comme je n’ose pas dire ; celles qui pourraient me toucher, ne voudraient seulement pas jeter un regard sur moi. » Vauvenargues avait toujours pris l’amour au sérieux : « Pour moi, je n’ai jamais été amoureux, que je ne crusse l’être pour toute ma vie ; et, si je le redevenais, j’aurais encore la même persuasion. » C’est pour cela qu’il recommençait rarement.
Fils d’un père greffier, né d’aïeux avocats (1636), comme il le dit lui-même dans sa dixième épître, Boileau passa son enfance et sa première jeunesse rue de Harlay (ou peut-être rue de Jérusalem), dans une maison du temps d’Henri IV, et eut à loisir sous les yeux le spectacle de la vie bourgeoise et de la vie de palais. Il perdit sa mère en bas âge ; la famille était nombreuse et son père très-occupé ; le jeune enfant se trouva livré à lui-même, logé dans une guérite au grenier. […] En sortant de philosophie, il fut mis au droit ; son père mort, il continua de demeurer chez son frère Jérôme qui avait hérité de la charge de greffier, se fit recevoir avocat, et bientôt, las de la chicane, il s’essaya à la théologie sans plus de goût ni de succès. […] Il se vantoit d’en avoir le premier parlé poétiquement, et par de nobles périphrases. » (Racine fils, Mémoires sur la vie de son père.)
Mais, le voyant souvent le nez dans un livre, un des habitués du samedi dit au père qu’il le fallait pousser. […] La nuit, il saute par-dessus les murs de son collège et, s’étant procuré un uniforme et un bonnet à poil, il rejoint la compagnie de la garde nationale dont son père était capitaine. […] Elle se relèvera si elle reconnaît bien le grand courant du monde, et si elle s’y plonge et s’y précipite… L’humanité, comme Dieu même, n’a que des idées fort simples et en petit nombre, qu’elle combine de diverses manières… » Il marquait alors la suite historique de ces combinaisons et il admirait ce long effort « logique » pour affranchir « le fils du père, le client du patron, le serf du seigneur, l’esclave du maître, le sujet du prince, le penseur du prêtre, l’homme de sa crédulité et de ses passions », pour mettre « légalité dans la loi, la liberté dans les institutions, la charité dans la société, et donner au droit la souveraineté du monde ». […] Mais sa vieillesse commençante avait rencontré la plus dévouée et la meilleure des compagnes ; et, de ses deux fils survivants, il vit l’un, historien et romancier de vive imagination et de sensibilité vibrante, trouver l’emploi de son généreux esprit dans cette chaire d’histoire de l’École polytechnique où il avait lui-même enseigné jadis, et l’autre, sorti premier de Saint-Cyr, s’en aller défendre nos ultimes frontières dans cette Algérie où le père avait dû être envoyé comme recteur au temps de la conquête.