Mais cette bonne bourgeoise, esclave de la mode, s’estimait obligée d’ouvrir son salon à la philosophie : tant la philosophie était puissante alors. […] Dans un monde assujetti à la hiérarchie, où tous les compartiments sociaux subsistent encore, Beaumarchais nous fait assister au puissant et drolatique jaillissement de son individualité, qui passe par-dessus toutes les barrières et s’ouvre tous les mondes.
A vingt-sept ans, Pierre Loti, qui a rêvé sur tous les océans et visité tous les lieux de joie de l’univers, écrit tranquillement, entre autres jolies choses, à son ami William Brown : … Croyez-moi, mon pauvre ami, le temps et la débauche sont deux grands remèdes… Il n’y a pas de Dieu ; il n’y a pas de morale ; rien n’existe de tout ce qu’on nous a enseigné à respecter ; il y a une vie qui passe, à laquelle il est logique de demander le plus de jouissances possible en attendant l’épouvante finale qui est la mort… Je vais vous ouvrir mon cœur, vous faire ma profession de foi : j’ai pour règle de conduite de faire toujours ce qui me plaît, en dépit de toute moralité, de toute convention sociale. […] Et c’est la nouveauté d’une région étrangère qui lui a dessillé les yeux, qui lui a permis de les ouvrir ensuite sur la nature de chez nous ; et ainsi c’est l’exotisme qui a définitivement introduit le pittoresque dans notre littérature.
Je les aime, non à cause de cela, mais parce que j’ai arrêté mes regards sur leur misère, fourré mes doigts dans leurs plaies, essuyé leurs pleurs sur leurs barbes sales, mangé de leur pain amer, bu de leur vin qui soûle, et que j’ai, sinon excusé, du moins expliqué leur manière étrange de résoudre le problème du combat de la vie, leur existence de raccroc sur les marges de la société et aussi leur besoin d’oubli, d’ivresse, de joie, et ces oublis de tout, ces ivresses épouvantables, cette joie que nous trouvons grossière, crapuleuse, et qui est la joie pourtant, la belle joie au rire épanoui, aux yeux trempés, au cœur ouvert, la joie jeune et humaine, comme le soleil est toujours le soleil, même sur les flaques de boue, même sur les caillots de sang. […] L’ode sur les Algues, qui s’ouvre de façon grandiose et somptueuse, finit, si je puis dire, en queue oratoire, par la figure que les professeurs nomment prétérition. « Comment dire tout cela, ô poète ?
Un jour, Coquelin l’aîné qui figurait au programme d’une représentation extraordinaire, annoncée à grand renfort de presse et où le Tout-Paris s’était assigné rendez-vous, se propose d’y déclamer un poème inédit et s’en ouvre à Banville. […] Et l’ère s’ouvre des Divagations.
Don Alphonse ouvre la marche ; c’est la basse-taille du trio : un Espagnol, à la barbe de jais et au teint de bistre, ou le voit d’ici. […] Comme une Vénus anatomique qui ouvrirait sa poitrine de sa propre main, elle lui montre vide l’endroit de son cœur, et, à sa place, le rouage unique et presque fatal qui la fait mouvoir.
Pour le reste des hommes, ne leur ouvrez jamais votre cœur… Notez que celui qui donne ce conseil était le plus expansif des hommes, le cœur qui, jusqu’à la fin, devait être le moins fermé. […] Dès qu’il ouvre la bouche, la parole abonde et afflue sur ses lèvres, mais il ne la ménage pas assez.
Quand la Grande Mademoiselle, avec Mmes de Fiesque et de Frontenac, ses maréchaux de camp, s’en alla faire son expédition d’Orléans, Patru disait « que, comme les murailles de Jéricho étaient tombées au son des trompettes, celles d’Orléans s’ouvriraient au son des violons ». […] Je m’en suis ouvert au Rapin et au Bouhours, qui s’y jettent à corps perdu.
Il sort bientôt du cercle étroit que lui prescrit le dogme, pour entrer dans les régions immenses que lui ouvre l’opinion. » Le jeune homme, nourri dans la tradition et dans la pratique religieuse, paraît préoccupé des querelles et des dissensions théologiques qui agitaient encore à ce moment plusieurs classes de la société : « Un enthousiaste, dit-il spirituellement, ne cherche point dans les ouvrages divins ce qu’il faut croire, mais ce qu’il croit ; il n’y démêle point ce qui s’y trouve, mais ce qu’il y cherche… Les livres sacrés sont comme un pays où les hommes de tous les partis vont comme au pillage, où ils s’attaquent souvent avec les mêmes armes et livrent bien des combats d’où tous croient sortir également victorieux69. » On devine, à la manière dont il parle du « judicieux abbé Fleury », qu’il n’est disposé à donner dans aucun extrême en fait de doctrine ecclésiastique, de même qu’on le trouve très en garde contre les écrits de Rousseau. […] Si la boussole ouvrit l’univers, le christianisme le rendit sociable.
En abordant M. de Lamennais, il sentit, sans se l’avouer peut-être expressément, que ce talent vigoureux, hardi, qui ouvrait comme de vive force des vues et des perspectives, avait besoin tout auprès de lui d’une plume auxiliaire, plus retenue, plus douce, plus fine, d’un talent qui lui ménageât des preuves, qui remplit les intervalles et couvrît les côtés faibles, qui ôtât l’aspect d’une menace et d’une révolution à ce qui ne prétendait être qu’une expansion plus ouverte et un développement plus accessible du christianisme. […] Puis-je, sans indiscrétion, pénétrer dans l’agrément de cet intérieur et y ouvrir un jour, du moins pour ce qu’il a de littéraire et d’ingénieux ?
On juge que, le champ une fois ouvert aux conjectures, la malignité, l’envie, ou ce simple plaisir si naturel à tout homme de prendre son prochain en faute, se mirent de la partie et s’y jouèrent en tous sens. […] Bientôt les événements politiques, en venant le frapper, le servirent encore ; ils lui ouvrirent une carrière toute nouvelle, aussi utile et plus sûre, celle de l’opposition dite des quinze ans.
Durant les relâches forcées qu’il fait dans quelque île de la Baltique, il raconte qu’il allait tous les jours passer quelques heures sur des rochers escarpés où la hauteur des précipices et la vue de la mer n’entretenaient pas mal ses rêveries : Ce fut, dit-il, dans ces conversations intérieures que je m’ouvris tout entier à moi-même, et que j’allai chercher dans les replis de mon cœur les sentiments les plus cachés et les déguisements les plus secrets, pour me mettre la vérité devant les yeux sans fard, telle qu’elle était en effet. […] Enfin Regnard était un des hommes d’alors qui, dans sa vue du monde, avait le plus ouvert son compas.
Au vrai, si l’on ne s’ennuyait pas, on ne ferait jamais cet acte d’abnégation et d’humilité d’ouvrir un livre. […] Et quand on songe qu’une seule suffit pour interdire qu’on soit liseur, on comprend que La Bruyère, ou tout autre auteur, soit effrayé des obstacles qu’il a à vaincre et du petit nombre de personnes qui restent, non pas pour lire son livre, mais pour n’être pas dans l’impossibilité de l’ouvrir.
Mais Michelet, qui veut remplacer le prêtre dans la civilisation présente, et qui est un casuiste de matrimonio à ciel ouvert, ne pouvait pas prendre cette honnête précaution du latin dans un livre de conseil pratique donné à tout le monde, et par là il nous force de parler de son livre — comme il l’a écrit — en français. […] Des hommes toujours fermés de défiance contre la dérision du monde s’ouvrirent sans difficulté devant moi.
Trois ans après, dans la discussion la plus vive, il la cite aussi exactement que s’il venait de l’écrire, ouvre le carton à l’endroit précis, et la présente à son adversaire pour ne rien dire que pièces en main. […] À présent, vous avez ouvert le livre, et vous représentez par ce nom les cinquante pages que vous avez lues.
On eût dit que l’avenir lui ouvrait ses portes à deux battants. » C’est Genève qui ferme sur lui ses portes à deux battants. […] Veuves, femmes, jeunes filles, grand’mères m’ont ouvert elles-mêmes la chapelle de leurs secrètes pensées… J’ai été un directeur laïque, choisi spontanément par ses pénitentes. […] Quand une pension s’ouvre rue Verdaine au-dessus de l’étage de Marc Monnier, il va y habiter. […] Sa méditation s’achève sur cette rentrée en lui : « À défaut d’épouse, de confident, d’ami, on prie ; à défaut de prière on ouvre son Journal intime. […] Aussi tout son cœur, le dernier été de sa vie, en juillet 1880, s’ouvre-t-il à oie qui vibre dans la Passerine, quand le peuple genevois rejette la loi portant séparation de l’Église de Calvin et de l’État.
J’éprouve la même agréable surprise à contempler les portes merveilleuses du Pandémonium de Milton qui, sans qu’aucune main les pousse, ouvrent et ferment leurs battants en criant sur leurs gonds inébranlable. […] Le poète épique, jaloux de leur faire parcourir la vaste carrière qu’il leur ouvre, ne doit donc pas oublier de les tenir en haleine, par l’intérêt, le plaisir, et l’instruction. […] « Aiguisas-tu le dard de l’hydre empoisonnée, « Ouvris-tu les forêts à la biche étonnée ? […] contemple ta race, intrépide, aguerrie, « Libre, errante, elle garde et son arc et ses lois, « Et le sépulcre s’ouvre aux traits de son carquois. […] Écoutons la voix des temps moins reculés, nous entendons les muses latines célébrer Homère sur la lyre du docte Horace : ouvrons l’oreille aux maîtres qui ont illustré nos jours, nous entendons encore renouveler ses hommages par Delille, par Lebrun, et par Ducis.
La liberté de la presse, à peu près sans limites, ouvrait large carrière à toutes les intelligences. […] Les Lettres Persanes et les Contes de Voltaire ouvrirent la voie ; mais c’est J. […] Ouvrez par exemple un livre, marqué d’ailleurs à l’empreinte d’un magnifique talent, et qui a eu la prétention de résumer les idées philosophiques et religieuses de notre génération ; ouvrez Lélia. […] Quand les lettres ont-elles ouvert, je ne dis pas même au génie, mais au talent, de plus brillantes carrières ? […] Ouvrez les yeux : interrogez les faits.
Cousin, vous auriez singulièrement modifié l’idée qu’on doit se former, pour être juste, d’un critique aussi éloquent, qui a su et entrevu tant de choses, qui nous a ouvert ou entrouvert tant d’horizons. […] On oublia que le christianisme nous avait ouvert de tout autres perspectives que celles de l’antiquité, que si l’art grec avait trouvé sa plus haute réalisation dans l’anthropomorphisme, dans la représentation idéale de la beauté physique de l’homme, dans le fini, en un mot, l’art moderne en s’élançant vers l’infini, s’était ouvert le monde de l’âme, des aspirations morales, des contemplations religieuses, et de la passion idéale. […] Leurs écrits ouvraient sur les mœurs de la société française des échappées qui auraient pu à bon droit exciter la répulsion et l’effroi. […] Cousin ouvrit boutique et facilita à ce nouveau public l’acquisition de la philosophie. […] Ils ont tous de grands sourcils noirs et des yeux baignés de larmes, qu’ils n’osent guère ouvrir qu’à la chute du jour pour contempler des ruines et des tombeaux.
Glaire en effet à cette simplicité bourgeoise, à ce phlegme incorruptible, qui mieux que la philosophie du grand monde le garantissait des illusions, qui lui faisait dire à Voltaire dont, à la lecture de Pellisson, les yeux se remplissaient de la splendeur de Louis XIV : « Mon cher, vous n’êtes qu’un enfant, qui aimez les babioles et rejetez l’essentiel ; vous faites plus de cas des pompons qui se font chez mesdemoiselles Duchappe que des étoffes de Lyon et des draps de Van-Robais. » ou bien encore qui lui faisait comparer un état épuisé qui donne des fêtes pour mettre l’argent en circulation à une vieille comtesse ruinée qui ouvre brelan et donne à souper avec l’argent des cartes !
Poète descriptif, poète rêveur, patriote sincère, il a cherché avant tout dans le cadre du roman historique une occasion d’épancher son âme, d’ouvrir son imagination, de célébrer une patrie et une cause qu’il aime.
On a certes bien fait de ne pas perdre un moment, et d’expédier un postillon à franc étrier ; la nouvelle est importante : le testament a été ouvert, et le comte Léopold de Vurzbourg est complètement déshérité.
Mais il a ouvert au rêve de larges et splendides voies.
Pour rester dans le domaine de la littérature, les grands hommes sont ceux qui apportent quelque chose de neuf et d’original ; ceux qui sont vraiment créateurs de formes, de sentiments, d’idées, de types, non encore réalisés ; ceux, comme dit le poète36, Dont les pas inventeurs ouvrirent les sentiers ; ceux ainsi qui devancent leurs contemporains, qui deviennent bientôt des modèles pour leurs admirateurs, qui sont le point de départ d’une longue vague d’imitation, précisément parce qu’ils ont été de puissants agents d’innovation.