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702. (1857) Cours familier de littérature. III « XIIIe entretien. Racine. — Athalie » pp. 5-80

Les acteurs eux-mêmes ne manquent pas moins aux poètes pour jouer leurs œuvres que les édifices, les décorations et les spectateurs. […] Toutefois nous en dirons assez ici pour faire bien comprendre la naissance et la perfection de l’œuvre d’Athalie à nos lecteurs. […] Nous analyserons ailleurs Phèdre, la plus immortelle de ces œuvres. […] Lacune immense dans son œuvre ! […] Aussi ce n’était plus une œuvre mondaine, c’était une œuvre divine qu’il roulait dans sa pensée.

703. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « de la littérature de ce temps-ci, a propos du « népenthès » de m. loève-veimars (1833). » pp. 506-509

Quoi qu’il advienne de ce jugement vénérable et suprême, pour ce que nous savons et voyons directement nous avons bien le droit de dire que le caractère de notre littérature actuelle est avant tout la diversité, la contradiction, le pour et le contre coexistants, accouplés, mélangés, l’anarchie la plus inorganique, chaque œuvre démentant celle du voisin, un choc, un conflit, et, comme c’est le mot, un gâchis immense. […] Dites que notre littérature est sans choix, désordonnée, impure, pleine de scandales, d’opium et d’adultères : et l’on va vous citer des œuvres pures, voilées, idéales même avec symbole et quintessence, des amours adorablement chrétiennes, des poëtes qui ont l’accent et le front des vierges. […] Je crois pouvoir affirmer que tout écrivain qui a ce qu’on appelle du succès, c’est-à-dire qui réunit des lecteurs autour de son œuvre ; que tout homme qui est assez heureux, assez malheureux veux-je dire, pour être en butte à l’admiration, aux éloges, à la haine et aux critiques, n’a pas un moment laissé reposer sa plume sur ses compositions… Dans mon enfance on m’a montré, comme un glorieux témoignage du génie de Bernardin de Saint-Pierre, la première page de Paul et Virginie, écrite quatorze fois de sa main.

704. (1875) Premiers lundis. Tome III « Sur une pétition de directeurs de théâtres contre les auteurs, compositeurs et éditeurs de musique »

Un traité particulier fixe le prix proportionnel que chaque directeur de théâtre doit payer pour la représentation d’une œuvre quelconque. […] Dans aucun cas, d’ailleurs, le Gouvernement n’eût pu intervenir comme le désiraient les directeurs, lesquels demandaient une enquête ayant pour but : 1º La révision de la loi du 13 janvier 1791, qui permet aux sociétés d’auteurs de traduire en police correctionnelle tout directeur qui peut se trouver en désaccord avec elles ; 2º La création d’un tarif pour les œuvres des auteurs, quelque minimes que soient ces œuvres, tarif qui, une fois établi et fixé, couperait court à bien des prétentions ; 3º Enfin que les contestations entre auteurs et directeurs, contestations qui sont essentiellement commerciales et rentrant dans le droit commun, soient jugées par les tribunaux civils ou de commerce et non par les tribunaux correctionnels.

705. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — V — Vacquerie, Auguste (1819-1895) »

Nous trouvons dans Souvent homme varie, à peu près tous les caractères qu’on attribue d’ordinaire aux œuvres de la littérature classique… J’oserai dire que Souvent homme varie est une fantaisie très sévèrement composée et déduite presque sans caprice, par un esprit très lucide et très raisonnable. […] Auguste Vacquerie a fait paraître un recueil de pièces de vers qui est, en même temps qu’une œuvre poétique considérable, une sorte d’autobiographie, comme il le dit dans une courte préface. […] Je signalerai encore d’autres superbes parties de cette œuvre : la pièce du Cimetière de Villequier, un chef-d’œuvre de tendresse ; l’Arbre, une des plus belles conceptions du poète… Je m’arrête, renvoyant le lecteur à ce livre plein de hautes pensées, de l’amour de l’humanité et de la justice.

706. (1885) Préfaces tirées des Œuvres complètes de Victor Hugo « Préfaces des pièces de théâtre — Préface d’« Angelo, tyran de Padoue » (1835) »

Angelo, tyran de Padoue, in Œuvres complètes de Victor Hugo. […] Mêler dans cette œuvre, pour satisfaire ce besoin de l’esprit qui veut toujours sentir le passé dans le présent et le présent dans le passé, à l’élément éternel l’élément humain, à l’élément social, un élément historique. […] En présence d’une tâche aussi immense que celle du théâtre au dix-neuvième siècle, il sent son insuffisance profonde, mais il n’en persévérera pas moins dans l’œuvre qu’il a commencée.

707. (1909) Les œuvres et les hommes. Critiques diverses. XXVI. « Alcide Dusolier »

Alcide Dusolier I Nos gens de lettres, leurs caractères et leurs œuvres [I]. […] Le livre très distingué d’Alcide Dusolier : Nos gens de lettres, leur caractère et leurs œuvres 25, promet un critique de plus à cette fin de siècle, dont le caractère intellectuel, qui se précise de plus en plus, tend à devenir éminemment critique. […] Il y a, dans les Propos littéraires et pittoresques d’Alcide Dusolier26, trois sortes d’esprits, dont j’augure fort bien, et qui, plus tard, donneront des œuvres.

708. (1864) Histoire anecdotique de l’ancien théâtre en France. Tome I pp. 3-343

Le style de ses œuvres est assez pur, mais hérissé de pointes et d’antithèses. […] L’auteur composait son œuvre sans se préoccuper de ceux qui devaient l’interpréter. […] Pradon fut mis du complot et chargé de produire une œuvre ayant le même titre. […] — Fontenelle. — Mérite de ses œuvres. — Sa tragédie d’Aspar (1680) […] A peine sut-il lire qu’il ne quitta plus les œuvres de Corneille et les romans de La Calprenède.

709. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « M. Charles Magnin ou un érudit écrivain. »

Magnin reste, somme toute, le vrai jugement, la juste et fine vérité sur lui et sur le meilleur de son œuvre ! […] Prendrait-il fait et cause pour le succès d’une œuvre dans laquelle il ne reconnaissait, après tout, qu’une moitié de ses théories ? […] A l’entendre, nul n’avait le droit de toucher au jardin solennel ; ces prétendus embellissements « déshonoraient l’œuvre de Le Nôtre et usurpaient sur la circulation publique. […] Il y mêla, envers le nouvel auteur, toute sorte de chicanes rétroactives, étrangères à l’œuvre présente, la seule qui fût en cause. […] Combien d’œuvres spirituelles et déjà comiques d’auteurs anonymes il nous fait passer sous les yeux !

710. (1904) Prostitués. Études critiques sur les gens de lettres d’aujourd’hui « Chapitre IX. Le trottoir du Boul’ Mich’ »

Il fait œuvre de professeur, non de critique, et ses leçons ne constituent pas de trop mauvais résumés. […] On connaît l’influence de l’école ; sauf de très rares fragments, on ignore bientôt l’œuvre personnelle de chaque disciple et presque celle du maître. […] L’œuvre maîtresse de M.  […] L’œuvre maîtresse de M.  […] Camille Mauclair — je le crains — est de ceux qui se hâtent toujours et qui bâclent, qui manifestent par éclairs un réel talent, mais qui n’élèveront point l’œuvre.

711. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Émile Augier — CHAPITRE VI »

Maître Guérin Saluons le talent avant de discuter l’œuvre. […] Supposez Cléante emportant la cassette de son père avec l’intention de la consacrer à des œuvres pies ; Harpagon n’en aurait-il pas moins le droit de crier : « Au voleur !  […] Nous allons voir si, à l’œuvre, il y gardera son aplomb. […] Les plans sont tracés, la concession est obtenue ; mais l’influence anglaise lui ayant fermé les maisons de banques espagnoles, il vient chercher en France le capital de son œuvre. […] Je reconnais ce qu’a d’honorable pour lui ce zèle de son œuvre et ce souci du perfectionnement.

712. (1915) Les idées et les hommes. Deuxième série pp. -341

Mais, dans l’œuvre de M.  […] Il y a, dans l’œuvre de M.  […] Ils avaient l’humilité de qui estime son œuvre plus que soi, mais l’orgueil de qui ne saurait concevoir une œuvre plus auguste. […] Mais, l’œuvre d’un Musset, toujours vivante, M.  […] Son œuvre est continue : cette continuité fait l’une des beautés de son œuvre.

713. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « Réception de M. Vitet à l’Académie française. »

Soumet du nôtre, je voudrais du moins qu’on pût les peindre au naturel tels qu’ils furent, et que cette réalité qu’on chercherait vainement dans leurs œuvres majestueuses se retrouvât dans l’expression entière de leur physionomie, car la physionomie humaine a toujours de la réalité. […] Puisque je viens de citer Martial, je le citerai encore ; j’y pensais involontairement, tandis qu’on célébrait et (qui plus est) qu’on récitait avec sensibilité les vers touchants de la Pauvre fille ; ce n’est qu’une courte idylle, et voilà qu’entre toutes les œuvres du poëte elle a eu la meilleure part des honneurs de la séance. […] Vitet, au reste, se hâtait de déclarer, à l’exemple du président Hénault, qu’il ne prétendait nullement faire œuvre de théâtre ; il ne voulait que rendre à l’histoire toute sa représentation exactement présumable et sa vivante vraisemblance. […] Il a rendu au talent et aux œuvres de M.  […] Pour un ou deux peut-être, doués d’une élévation naturelle qui résiste et d’un goût à l’épreuve qui a l’air plutôt de s’aiguiser, qu’arrive-t-il de la plupart en ce qui est de l’œuvre et de la production même ?

714. (1874) Premiers lundis. Tome I « Alexandre Duval de l’Académie Française : Charles II, ou le Labyrinthe de Woodstock »

Aujourd’hui que la victoire semble décidée et que bientôt la sécurité va naître, la politique et l’art se sépareront sans s’isoler ; l’art, retiré du tourbillon, jeune encore et déjà mûr d’expérience, tracera dans la solitude son œuvre pacifique, qu’il animera de toutes les couleurs de la vie, de toutes les passions de l’humanité. Cette œuvre du loisir et du recueillement, où viendront sans doute contraster et se confondre en mille effets charmants ou sublimes la vérité et l’idéal, la raison et la fantaisie, l’observation des hommes et le rêve du poète, arrivée dans le monde réel, exposée aux regards de tous, enchantera les âmes et ravira les suffrages ; les esprits les plus graves, philosophes, érudits, historiens, se délasseront à la contempler, car l’impression d’une belle œuvre n’est jamais une fatigue ; les politiques surtout, en n’y cherchant que du plaisir, y puiseront plus d’une émotion intime, plus d’une révélation lumineuse, qui, transportée ailleurs et transformée à leur insu, ne restera stérile ni pour l’intelligence de l’histoire, ni pour les mouvements de l’éloquence ; la tribune et la scène, en un mot, rivales et non pas ennemies, pourront retentir ensemble et quelquefois se répondre. […] Mais quoique la critique en pareil cas ne soit nullement tenue de susciter le génie d’un trait de plume et de l’exhiber à l’heure précise, quoique ce soit là l’affaire du génie lui-même, et de Dieu qui l’a fait naître, on ne serait pas embarrassé, si on l’osait, de compter d’avance et de nommer par leur nom un bon nombre des soutiens et des ornements de cet art nouveau ; tant l’œuvre a déjà mûri dans l’ombre, et tant les choses sont préparées. […] Cet intervalle de près de deux ans est marqué, dans l’œuvre du critique : 1° par la publication en 1828 de son premier livre, en prose, Tableau historique et critique de la Poésie française et du Théâtre français au xvie  siècle ; 2° en 1829, par l’apparition de son premier volume de vers, Vie, Poésies et Pensées de Joseph Delorme.

715. (1895) Histoire de la littérature française « Troisième partie. Le seizième siècle — Livre I. Renaissance et Réforme avant 1535 — Chapitre I. Vue générale du seizième siècle »

L’Italie la première avait retrouvé les deux clefs de l’antiquité : elle avait compris la vérité, senti la beauté des œuvres anciennes. […] La théorie de la virtù, d’où toute notion morale est exclue, fait de l’individu même l’œuvre où l’individu travaille à réaliser la plénitude de la force et de la beauté. […] Les studieux jeunes gens nés dans les dernières années de Louis XI, que l’éducation scolastique avait laissés inquiets et affamés, lisent avidement, avec un esprit nouveau, avec l’esprit des Pogge, des Valla, des Guarino, les grandes œuvres latines dont le moyen âge n’avait ni pénétré le sens profond ni senti l’admirable forme : ils reçoivent la révélation de ce qu’avaient caché trop longtemps les bibliothèques des couvents. […] Hommes, œuvres, genres, tout ce qui était pratique ou actuel, tout ce qui servait ou exprimait les intérêts ou les passions de circonstance, prit le dessus. […] Cette période se clôt par la Satire Ménippée, œuvre de circonstance et de polémique, dont l’intérêt dépasse la circonstance, et dont la polémique annonce l’apaisement.

716. (1904) Prostitués. Études critiques sur les gens de lettres d’aujourd’hui « Chapitre VIII. Quelques étrangères »

Moi, par exemple, je suis sans cesse étonné par la facilité et la grâce que met le hasard à seconder le développement harmonique de mes intentions. » L’inconscient applique, en effet, à l’exécution le conseil d’invention ; nous voyons le peintre ridicule faire son tableau à coups d’épongés, émerveillé à chaque instant, de la beauté de l’œuvre et du génie de l’ouvrier. […] Et, cependant qu’il explique « l’œuvre de sang », sa maîtresse reste « suspendue aux lèvres de Stelio, fascinée par leur instinctive expression cruelle ». […] Mais des matériaux et même des procédés de composition empruntés n’empêchent pas toujours l’œuvre de revêtir une beauté originale. […] D’autres œuvres, au contraire, semblent d’abord uniquement des parodies qui, plus tard, apparaissent étrangement nobles. […] Car on apercevra dans cinquante ans ce manque d’harmonie entre l’idée et la parole et dans un siècle l’œuvre incertaine ne sera plus que ruines.

717. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « La Grèce antique »

L’un de ces livres : l’Histoire des Législateurs et des Constitutions de la Grèce antique 7, par Lerminier, est une œuvre nouvelle, et, qu’on nous permette le mot ! […] … Les hommes qui pensent, dans une œuvre coordonnée ne peuvent pas tout dire. Ils sont les semeurs d’un grain invisible qu’ils jettent, pour ainsi dire, par-dessus le mur de leur œuvre et qui doit lever plus loin… Cependant, ne soyons pas injuste : si l’histoire de la Grèce antique par Lerminier est un ouvrage où nul mot n’a été écrit en dehors ou à côté du sujet qu’il traite, si le respect des faits et de l’unité de leur ensemble y est poussé jusqu’à la stoïque abstinence de ces déductions ou de ces inductions qui s’en élancent naturellement, et qui devaient tenter la verve philosophique de l’auteur, n’oublions pas qu’au seuil de ce livre il y a une préface dans laquelle l’historien, qui s’est imposé une réserve si haute et si sévère, signale néanmoins fort bien renseignement pratique qu’on peut tirer de son histoire. […] En sortant d’une étude si consommée des faits, Lerminier, son œuvre achevée, s’est mis à conclure, les yeux sur son siècle, et sa conclusion, qui va du monde ancien au monde moderne, atteint le monde moderne et lui montre cruellement ses fautes. […] C’est une œuvre de maturité.

718. (1887) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (deuxième série). IX « Lacordaire. Conférences de Notre-Dame de Paris » pp. 313-328

de toutes les œuvres que la vérité ne soutient pas de sa pure et forte substance. […] J’oserai le dire : Mirabeau sera, un jour, réduit à peu de chose, quand on se mettra résolument en face de ses œuvres oratoires et qu’on n’aura plus la vue offusquée et la tête courbée par les événements de son siècle. […] Or, comme la vérité religieuse est la plus grande de toutes, la plus achevée, la plus complète, il se trouve que les orateurs religieux sont le plus longtemps des orateurs, que leur voix ne meurt pas, comme les autres voix, le long des siècles, parce qu’ils sont éminemment quelque chose de plus que des orateurs » Ce quelque chose de plus, c’est ce que je signalerai dans les œuvres oratoires du père Lacordaire ; c’est ce qu’on rencontre toujours, dans tous les orateurs chrétiens, depuis la fondation du Christianisme jusqu’à nos jours. […] Partout dans ses Conférences de Notre-Dame de Paris, à côté du metteur en œuvre, de l’orateur, de l’artiste, et les dominant, apparaissent le théologien et le moraliste, l’un avec son autorité et l’autre avec sa profondeur. […] Cela seul ferait de ses Conférences un livre bien plus important qu’une œuvre oratoire.

719. (1889) Les œuvres et les hommes. Les poètes (deuxième série). XI « Agrippa d’Aubigné »

Agrippa d’Aubigné Œuvres complètes. […] C’est l’édition des œuvres complètes d’Agrippa d’Aubigné. […] — poète partout et toujours : en ces Psaumes traduits pour le service de Dieu, en ces sonnets, en ces élégies, en ces héroïdes, en ces stances, en tous ces vers humains et vécus dont le troisième volume de ses Œuvres est rempli. […] III Mais, il faut bien le dire aux éditeurs des Œuvres complètes, si c’est l’enthousiasme pour l’auteur des Tragiques qui les a poussés à publier cette masse de poésies inédites, leur publication servira plus à l’Histoire et à la Critique littéraires qu’à l’homme dont ils auront voulu augmenter la renommée et fixer incommutablement la gloire. […] Lyrique, élégiaque, didactique (car il y a, toujours dans le troisième volume de ses Œuvres, un poème didactique de QUINZE chants intitulé L’Univers), ce magnus parens dans l’Histoire littéraire avait l’étoffe de tout, — mais remploi de l’étoffe qui est l’Art, qui est le fini, qui est la beauté accomplie, lui manquait.

720. (1904) Les œuvres et les hommes. Romanciers d’hier et d’avant-hier. XIX « Stendhal et Balzac » pp. 1-16

précisément parce qu’ils ne jouaient pas en aveugles obstinés à cette stupide et éternelle martingale des mêmes noms et des mêmes œuvres, aimés de la foule, et qu’on use, sous le nombre des éditions, comme on crève les meilleurs chevaux de poste sous les aiguillons et sous le fouet, ils gagnaient davantage, — disons le mot, puisque c’est gagner qui est l’important !  […] En vain se cachait-il d’elle pour lui donner l’envie de le découvrir, et croyait-il faire étinceler, en rondes bosses d’or, toutes les lettres de son nom à travers les ternes pseudonymes qu’il écrivait au front de ses œuvres : la Gloire lui répondit en vraie femme qui a le caprice de ne plus faire de contradiction. […] Comment une œuvre pareille a-t-elle pu rester si longtemps (trente ans) dans l’obscurité, pendant que la Physiologie du goût marchait de succès en succès était traduite dans toutes les langues, et se pavanait à la place choisie dans toutes les bibliothèques ? […] Il en a été puni par l’indifférence de la foule, qui s’est détournée de son œuvre exquise et nouvelle, et est allée buter et ruminer ailleurs. […] Ce grand linguiste, qui aimait la langue française comme on aime une personne, et qui, dans les moules vidés de Rabelais, de Montaigne, de Régnier, versait son jeune sang tout bouillant de génie et transfusait sa sève inspirée ; cet artiste désintéressé de tout, excepté de la Beauté possible, de la Beauté cherchée, après laquelle il courait, un flambeau dans la main, comme le Coureur antique, eut la douleur de voir sa perle roulée dans un oubli qui est la fange pour les œuvres de l’esprit humain, sous l’ignoble groin des pourceaux.

721. (1904) Les œuvres et les hommes. Romanciers d’hier et d’avant-hier. XIX « Arsène Houssaye » pp. 271-286

Les Grandes Dames de Paris, que j’ai une fois signalées en passant, sont une œuvre balzacienne de conception. […] Il peut avoir son originalité propre et ses mérites particuliers dans le détail, l’expression des passions et le tour d’observation de son œuvre ; il peut être comme observateur et comme écrivain très différent de la manière de Balzac ; mais, de conception, il est timbré de cet homme qui a mis son cachet — sa griffe de lion — sur tous les esprits de notre temps. […] Les Grandes Dames de Paris sont une œuvre d’un ensemble trop vaste pour les strictes proportions d’un chapitre. […] Et c’est cette ironie, toujours prête et qui passe jusqu’entre les baisers qu’on se donne dans l’œuvre de Houssaye, et on s’y en donne beaucoup, puisque c’est l’histoire des amours, faux ou vrais, du Paris du xixe  siècle ; c’est cette ironie, qui se tortille à travers toutes ces roses et ces camélias comme le serpent de la sagesse et de la science de la vie, qui fait de l’auteur des Grandes Dames, en fin de compte, un moraliste. […] ce Boucher et ce Fragonard littéraire a des pages terribles, que je signalerai quand je m’occuperai de son œuvre entière… Quant aux femmes qui ne tombent pas, et qui semblent nées tombées, tant leur innocence dure peu et se perd dans les lointains !

722. (1854) Causeries littéraires pp. 1-353

j’ai donné, dans ce seul mot, la clef de toutes les œuvres de M.  […] Autran ayant ainsi condamné à mort les œuvres de sa première jeunesse, la critique n’a pas à s’en occuper. […] Encore une fois, ne nous plaignons pas : c’est cette vivacité passionnée qui répand un tel charme sur l’œuvre de M.  […] Chez ces hommes si différents, dans ces œuvres si diverses, M.  […] Il sera prêt à saluer le despotisme, à coopérer à ses œuvres, à abdiquer sous ses pieds ses rêves de liberté.

723. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « Térence. Son théâtre complet traduit par M. le marquis de Belloy »

Pour la littérature ancienne et latine particulièrement, une traduction en vers, faite avec soin et élégance, était jugée une conquête définitive, une œuvre considérable et de toute une vie, qui, menée à bonne fin et imprimée, conduisait tout droit son homme à l’Académie française. […] Bignan, qui, voué de bonne heure au culte d’Homère, s’adonna toute sa vie à une traduction en vers de l’œuvre homérique et ne cessa de l’améliorer, homme instruit, versificateur élégant, n’eut jamais le prix de son travail : il était né quinze ans trop tard. […] Fallex82, qui n’avait d’abord donné que de courtes scènes et des extraits, qui cette fois ne donne encore que des scènes, mais plus complètes, et qui travaille ainsi à nous initier graduellement, à nous apprivoiser à l’œuvre du plus puissant et du plus hardi des comiques de l’Antiquité. […] Que d’œuvres charmantes cette mort si précoce nous a ravies ! […] attachons-nous à leurs œuvres.

724. (1899) Psychologie des titres (article de la Revue des Revues) pp. 595-606

Tous les auteurs la connaissent bien, la souveraine importance de cette étiquette qu’ils doivent mettre sur leur œuvre comme sur une marchandise. […] L’œuvre portait le nom de son héros ou de son sujet principal : c’est l’Iliade pour les luttes d’Ilion, l’Odyssée pour les aventures d’Ulysse. […] Ainsi parmi les œuvres en préparation de Hugo figura longtemps une Quiquengrogne qui ne vit jamais le jour. […] Et comme J, K et Y lui manquaient, il se mit aussitôt à l’œuvre et eut, en peu de temps, écrit le Jockey, le Kiosque, et Yelva ou l’Orpheline russe. […] Et en effet c’est un poème médical d’un docteur du xviie  siècle qui, pour cette œuvre, obtint de Mazarin une grasse prébende.

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