Et, d’ailleurs, pour écrire la vie d’un homme, il faut en avoir dans la plume, et Valfrey n’en a pas… Ce minutieux de bureau ou de greffe peut bien nous exhiber les papiers de Lionne, et il nous les exhibe, mais Lionne lui-même, il ne le montre pas, et il y a plus : ce correct dans l’incolore est même incapable de le montrer ! […] Pour un historien, il y avait à les montrer en exercice.
… Fersen, jusqu’à cette heure, n’avait, dans l’histoire, qu’une place mystérieusement éclairée d’un jour faux, et c’est sur cette place que ce livre va verser un jour vrai… Il a été recueilli par un homme du noble sang de Fersen et fier de son lignage ; et certainement, et avant tout, cet homme aura pensé à ce qui fait l’honneur de son illustre parent, à ce dévouement qu’il montra au Roi et à la Reine de France, abandonnés, captifs, et finalement traînés à l’échafaud par leur peuple ! […] Par toute l’Europe et sur tous les trônes, la Royauté manqua de cœur, quand il s’agissait de montrer celui de Fersen pour Louis XVI et Marie-Antoinette, — et elle manqua aussi de génie ; car elle était plus intéressée que lui à les défendre !
Il y a des choses, il est vrai, dans cette Correspondance, qu’il est impossible même à MM. de Goncourt de ne pas voir… En leur qualité de peintres, d’ailleurs, et de peintres recherchant des effets de peinture, ils ont peut-être trouvé frappant et pathétique de montrer les vices et la misère, fille de ces vices, chez la plus brillante et la plus spirituelle courtisane du xviiie siècle, morte de misère après l’éclat et les bonheurs du talent et de la fortune, le triomphe, l’enivrement, toutes les gloires sataniques de la vie, et de faire de tout cela un foudroyant contraste, une magnifique antithèse… Mais s’ils ont montré — hardiment pour eux — la fameuse Sophie Arnould, qui naturellement devait tenter la sensualité de leur pinceau, dégradée de cœur, de mœurs, de fierté, de talent et de beauté, au déclin cruel de la vie, ils n’ont pas osé aller jusqu’à la vérité tout entière.
Ce dut être quelque publication d’alors qui lui montra, comme un éclair, latente au fond de son esprit, sa vocation de critique historique, car il le devint, malgré sa position isolée, éloignée des villes, de toute source intellectuelle, de tout renseignement ; impuissant en tout ! […] Il serait difficile pour ne pas dire impossible, à l’analyse de prendre pour vous la montrer, dans le fond de sa main, toute cette poussière de textes broyés par l’auteur de la Défense de l’Église sur toutes les questions les plus variées et les moins liées les unes aux autres, sur les saints, saint Pierre, saint Irénée, Saint-Vincent de Lérins, saint Boniface, sur la bibliothèque d’Alexandrie, sur la croyance religieuse des seigneurs gallo-romains aux quatrième et cinquième siècles, sur l’Église celtique, sur la hiérarchie ecclésiastique, sur les rapports de la Papauté avec les églises particulières, italienne septentrionale, espagnole, gallicane, etc., etc.
Aubineau a montré le courage le plus rare en France : le courage de marcher sur le ridicule, ce fantôme qui, du reste, s’évanouit toujours, le lâche ! […] Il y a ajouté l’amour de celui qui le prononça sur le Thabor, et montré ce que cet amour pouvait devenir dans un cœur d’homme, aux hommes, qui l’avaient oublié !
Dans une quantité considérable de scènes empruntées à un monde de grandeur surhumaine, il a montré l’originalité et la fougue dont il avait jusqu’ici fait preuve en ses meilleures compositions. […] Elle ne l’a pas été, mais souvenons-nous qu’elle ne pouvait pas l’être, et j’en ai montré les raisons impersonnelles et absolues.
Sur elles seules, sur les Harmonies seules, quand il n’eût pas fait d’autres œuvres, on pourrait le juger sans qu’il perdît rien de sa toute-puissance poétique, montrée pourtant avec tant de profusion et de munificence ailleurs. […] Byron montrait, dès dix-huit ans, au sortir de Harrow, l’ongle du lion littéraire qu’il était et qu’il continua d’être… Chateaubriand, dans ses Mémoires d’outre-tombe, n’oublia jamais qu’il était Chateaubriand, et ce grand Lettré, qui dans sa prose fut aussi un poète, n’a pas cessé de se mirer littérairement dans toutes les pages de ses Mémoires, l’écrin de ses plus éclatants bijoux, aux feux, là, concentrés.
lorsque la femme empoisonne tout, les cœurs et les esprits, les lettres et les arts, et où, pour tout drame et pour toute histoire, on dit, comme pour le crime : Montrez-moi la femme ! […] Dans son Curé de campagne, Les Célibataires, Une ténébreuse affaire, qui finit justement par un brelan de prêtres terribles : Sieyès, Talleyrand et Fouché ; partout, même quand il masque Vautrin de son splendide et effroyable abbé Carlos Herrera, Balzac a montré que son génie faisait équation avec le génie du prêtre, tant il le comprenait !
Que ce soit Trissotin ou Bélise, l’être littéraire, auteur de ce livre, qui devrait être écrit par une fille d’action, brave sur le mot, mais qui ne le caresse pas, n’a pas montré que le petit bout de l’oreille. Il a attaché les deux siennes, dans toute leur longueur, au loup de velours noir qu’il a mis sur le visage de sa femme de chambre, pourtraite au frontispice de ce volume qui pue le faux ; et si on ne sait pas le sexe de ces deux oreilles, on en sait l’espèce, et cela suffit… L’auteur, quel qu’il soit, n’a pas même de talent littéraire… Du moins n’en a-t-il pas montré.
A juger de son mérite par son Livre des Maximes sur le Ministere de la Chaire, il pouvoit, avec assurance, se montrer au grand jour.
Rigal a bien montré que Hardy ne doit rien à l’Espagne, je dis au théâtre espagnol, dont il n’a, que l’on sache, tiré aucune de ses pièces. […] Pour les particuliers, ses lettres nous le montrent trois ou quatre fois refusant des pots-de-vin, en fort bons termes, vraiment, et sans tapage. […] mais les dimensions de son étude ne lui permettent guère de m’en montrer autre chose. […] On veut ne rien ignorer de ce qui a été écrit sur le sujet : c’est très bien ; mais on veut encore plus montrer qu’on le sait : et de là vient le mal. […] Ni Llorente, ni Isla, ni personne n’a réussi à établir, ni même à rendre tant soit peu vraisemblable, l’hypothèse que Gil Blas est pris en entier d’un original espagnol, et l’on peut tenir aujourd’hui pour avéré que cet ouvrage, que personne n’a pu montrer, dont personne même n’a pu montrer une trace authentique, n’existe pas et n’a jamais existé.
Nous considérons le soin de pareilles indications comme indispensable, et nous montrerons tout à l’heure à quelles étranges méprises leur absence peut quelquefois donner lieu. […] Le célèbre antagoniste de Descartes admit à ce cours le jeune Bernier, Poquelin et Hesnaut : ils se montrèrent dignes d’un tel maître. […] Molière n’y fut pas heureux ; très suivi d’abord, il eut à subir la concurrence redoutable d’un Vénitien, nommé Segalle, qui montrait des marionnettes. […] Il se montra en outre très bon comptable, et succéda dans ce service à La Thorillière. […] Honteux du rôle qu’il avait joué, celui-ci essaya de redevenir juste envers l’auteur, s’il s’était montré ingrat envers l’homme.
C’est en faisant cette étude préliminaire, opportune, féconde, que vous vous montrerez tout à fait digne de la liberté qui vous est donnée. » « Que faire ? […] Peu à peu la ville se montrait à nous avec ses formidables citadelles et ses jardins au bord de la mer ; à dix heures nous entrions au port. […] Mais ce serait faire injure à nos jolies Messines endimanchées et montrer trop de dédain pour nos prairies bien aimées. […] Mais Gandar, en définissant le sien, montrait à quelles conditions élevées il mettait désormais le mérite de l’humaniste, et comment il entendait le renouvellement du goût et du sentiment littéraires. […] Mais certes il ne l’avait ni devinée ni vue, le poète moderne qui, tenant à nous montrer Homère et se piquant de nous le rendre avec plus de vérité que ses devanciers, s’est félicité hautement de n’avoir pas fait comme André Chénier, « qui avait reculé devant la brutalité d’Homère ».
Maurice Donnay ne pourrait pas nous montrer un drame survenu dans un ménage régulier ? […] C’est d’abord quand Barras fait à une bande de jolies femmes la galanterie de les mener au Temple pour leur montrer le petit Louis XVII prisonnier. […] Mais, naturellement aussi, — et à moins d’un parti pris amer, comme celui de Lesage dans Turcaret, — l’auteur est amené à nous montrer, à côté des esclaves de l’argent, ceux qui échappent à son pouvoir, et par suite, à introduire dans sa comédie satirique une certaine dose d’optimisme et, volontiers, de romanesque. […] (L’auteur ne nous a pas montré cette enfant, et des critiques s’en sont plaints ; mais je m’en console, parce que je me la représente très facilement.) […] Je n’ai rien à répondre, sinon que je n’y ai pas songé et que, ayant voulu très expressément montrer une fille chaste et croyante, il m’était vraiment bien difficile d’accueillir l’idée soit de cette chute, soit de ce suicide.
Et nous allons vous le montrer. […] Tout cela est facilement et bientôt montré, et les autres personnages qui l’entourent n’ont pas plus de complication dans leur nature que Goetz n’en a dans la sienne. […] … Il y a maintenant à montrer son génie comique, car Gœthe se croyait l’enfant de la double colline : il se croyait le double génie. […] Et, cependant, j’ai eu cette chance que personne ne s’est offensé de mon irrévérence quand j’ai secoué cette grande idole pour montrer qu’elle sonne creux… Même quelques-uns de ses admirateurs nominatifs m’ont soufflé tout bas : « Nous pensons comme vous ». […] Quoiqu’il s’y fût inspiré en matière d’art de Winckelmann, comme en art dramatique il s’inspira plus tard de Shakespeare, il s’y montra pourtant critique plus dextre, plus pénétrant, plus personnel qu’il ne devait jamais être, le critique littéraire, dans Gœthe, n’étant digne que de la plus profonde pitié.
Ses Fables seroient plus piquantes, si la fureur de montrer de l’esprit s’y faisoit moins sentir.
L’art consiste à le relever sur-le-champ et à le montrer plus grand encore. […] Un d’eux semble montrer quelque opposition ; le prince l’interrompt : Arrêtez : il me reste à vous dire Que je dois être un jour le maître de l’empire. […] Il faut, ou que l’amour conduise aux malheurs et aux crimes, pour faire voir combien il est dangereux, ou que la vertu en triomphe, pour montrer qu’il n’est pas invincible : sans cela, ce n’est plus qu’un amour d’églogue ou de comédie. […] L’amitié fraternelle, étant plus touchante, semble être encore plus faite pour la scène, où elle ne s’est montrée encore que rarement. […] Les malheurs épouvantables tomberont sur un homme, que j’en serai peu touché, si vous ne me l’avez pas montré d’abord digne de ma compassion, et de ma pitié.
Le dix-huitième siècle les montrait ; voilà toute la différence. […] » Sir Hall m’a montré, sous les armes, le corps qu’il a levé parmi ces ci-devant sauvages, et je n’en ai jamais vu de mieux discipliné parmi les troupes Indiennes. […] J’ai montré Jacquemont sous quelques-uns des jours où brille l’originalité de sa nature, mais combien je suis loin d’avoir complété l’histoire de son caractère et de son esprit, la seule que j’aie voulu faire ! […] Lui seul comprend sa maîtresse et sait la juger : « De telles femmes, dit-il, devraient être marquées au front d’un zéro, pour montrer qu’elles sont en dehors de l’espèce humaine, et qu’il faut les traiter comme des abstractions. […] La princesse de Cavalcanti, avec toutes ses fausses perfections, ressemble à ces géantes informes et contrefaites que les charlatans montrent dans les foires.
. — Émotion vague et continue, pensée volontairement et simplement supérieure, amplification spontanée, enlacement charmant des images, généralisations aisées, manière naturelle de montrer, plutôt que les choses, l’ombre abstraite des choses agrandies — il a beaucoup d’un grand poète.
Dans les entretiens qu’il eut avec Frédéric au camp de Neustadt (1770), la conversation étant venue à tomber sur la religion, le roi se mit à en parler librement et peu décemment, comme il faisait avec les La Mettrie et les d’Argens : « Je trouvai, dit le prince de Ligne, qu’il mettait un peu trop de prix à sa damnation et s’en vantait trop… C’était de mauvais goût au moins de se montrer ainsi… Je ne répondis plus toutes les fois qu’il en parla. » Avec Voltaire, autre souverain, chez qui il va faire un séjour à Ferney, et dont il nous rend la conversation, les gestes, les incongruités même dans tout leur déshabillé et leur pétulance, il a plus d’un propos sérieux : « Il aimait alors, dit-il de Voltaire, la Constitution anglaise. […] Il n’est pas exclusif ; il serait bien fâché de bannir la ligne droite ; il ne veut pas substituer la monotonie anglaise à la monotonie française, ce qui de son temps arrivait déjà ; mais, en jardins comme en amour, il est d’avis qu’il ne faut pas tout montrer d’abord, sans quoi, le premier moment passé, l’on bâille et l’on s’ennuie. […] Il a laissé là-dessus quelques pages qui sentent une âme enfin initiée, et qui montrent qu’il avait été récompensé de ses soins champêtres assidus.
« C’est dans les plus beaux fruits, dit saint Augustin, que les vers se forment, et c’est aux plus excellentes vertus que l’orgueil a coutume de s’attacher. » Bourdaloue partait de là pour montrer que, si la sévérité évangélique est le fruit le plus exquis et le plus divin que le christianisme ait produit dans le monde, « c’est aussi, il le faut confesser, le plus exposé à cette corruption de l’amour-propre, à cette tentation délicate de la propre estime, qui fait qu’après s’être préservé de tout le reste, on a tant de peine à se préserver de soi-même ». […] Il serait facile encore de montrer que nous autres critiques et journalistes (il y en avait déjà), nous sommes atteints et notés en passant par Bourdaloue ; les satiriques de profession, tous censeurs qui érigent de leur autorité privée « un tribunal où l’on décide souverainement du mérite des hommes », sont repris par lui. […] On y verrait que dans le sermon Sur la sévérité de la pénitence, prêché le quatrième dimanche de l’Avent en 1670, Bourdaloue, après avoir montré dans le premier point que la sévérité est nécessaire, et dans le second qu’elle doit pourtant se tempérer toujours de consolation et de douceur, n’avait paru d’abord accorder quelque chose aux docteurs jansénistes que pour le leur retirer ensuite plus expressément.
Il y a souvent en l’homme un défaut dominant et profond, un vice caché qui se dissimule, qui est honteux de paraître ce qu’il est, qui aime à se déguiser dans la jeunesse sous d’autres formes séduisantes, à se donner des airs de noble et belle passion : attendez les années venirt, le vice caché va s’ennuyer des déguisements et des détours, ou si vous l’aimez mieux, il va hériter de ces autres passions plus faibles et éphémères qui se jouaient devant lui ; il va les dévorer et grossir en les absorbant en lui-même et les engloutissant : alors on le verra se démasquer tout à la fin et se montrer crûment sans plus de honte, laid, difforme, et, pour tout dire, monstrueux. […] Il se fit là tout d’un coup comme un réveil de la licence, des intrigues et de l’émancipation en tous sens qui s’était vue au xvie siècle ; toutes les imaginations, toutes les ambitions étaient en campagne : Il est aisé de comprendre, nous dit La Fare, comme quoi chacun alors par son industrie pouvait contribuer à sa fortune et à celle des autres : aussi les gens que j’ai connus, restés de ce temps-là, étaient la plupart d’une ambition qui se montrait à leur première vue, ardents à entrer dans les intrigues, artificieux dans leurs discours, et tout cela avec de l’esprit et du courage. […] N’usons point tant de périphrases ; ne nous laissons point abuser par quelques jolis vers galants de La Fare à Mme de Caylus, qui nous donneraient le change sur son train de vie, et osons montrer le mal final tel qu’il n’y a pas lieu de le déguiser.
Les Confessions de Jean-Jacques Rousseau nous montrent Saint-Lambert, en 1756, dans le vif de sa liaison avec Mme d’Houdetot, liaison qui subsista durant presque un demi-siècle, et dont plusieurs de nos contemporains ont vu la fin. […] Le fond de son commerce, où il entrait du sens, de l’équité et des qualités sûres, était « d’une sécheresse et d’une aridité singulières. » Deux ou trois dîners chez Mlle Quinault, qui nous le montrent en gaieté et en veine d’enthousiasme, accusent en même temps et convainquent cet enthousiasme de ne se monter que pour des objets et des tableaux d’une sensibilité toute physique et toute sensuelle : il ne croit ni à la chasteté ni à la pudeur, ni à aucune religion, et ne fait pas même grâce à la religion naturelle : — « Pas plus celle-là que les autres », s’écrie-t-il. […] Et comment aurait-il parlé, en même temps que de la nature, de ce qui donne à la vie privée son embellissement et tout son charme, des femmes qu’il aimait, mais qu’au fond il estimait assez peu, dont il décomposait et niait les plus naturelles vertus par la bouche de Ninon, et en faveur de qui, sous le nom de Bernier, et pour tout réparer, il se contentait de dire : « Maintenons dans les deux sexes autant que nous le pourrons ce qui nous reste de l’esprit de chevalerie… » Mais ce reste d’esprit de chevalerie qui, dès lors bien factice et tout à l’écorce, était bon pour entretenir la politesse dans la société, est loin de suffire pour renouveler et pour réjouir sincèrement le fond de l’âme, pour inspirer le respect et l’inviolable tendresse envers une compagne choisie, et pour former au sein de la retraite une image de ce bonheur dont le grand poète Milton a montré l’idéal dans ces divines et pudiques amours d’Adam et Ève aux jours d’Éden.