Le monde recommencerait tous les jours, et cette succession de folies de jeunesse ne serait qu’une succession de catastrophes dans l’histoire des nations. […] Tu auras vu la France remise debout par l’effort de citoyens désintéressés, appelée, sans acception de parti ou de caste, à se gouverner elle-même, s’élever pendant quelques mois à une magnanime modération et à une légalité volontaire, chercher en soi-même les conditions de la liberté, sauver l’ordre, la vie des citoyens, la paix du monde, puis abdiquer déplorablement son propre règne et préférer la gloire d’un nom dynastique à sa propre dynastie républicaine, trop fatigante pour sa faiblesse ; semblable à ces souverains détrônés de nos premières races qui, laissant les ciseaux du moine dépouiller leurs fronts chevelus, regardaient du fond d’un cloître régner à leur place l’élu du camp ou le maire du palais. […] V Tu auras partagé l’exécration du monde contre ces terroristes de la première république, livrant tous les jours une ration de sang humain à leurs séides, et croyant qu’on bâtit des monuments de liberté sur des fondations de cadavres. […] C’est là une ostentation de fausse sagesse qui n’est que la répugnance de l’orgueil humain à confesser sa faiblesse, ou bien ce n’est qu’une improbité d’esprit donnant au monde une fausse monnaie de conviction pour acheter à ce prix l’estime du vulgaire, qui s’attache à ces immutabilités d’attitude comme à des preuves de force, tandis qu’elles ne sont le plus souvent que des impuissances de l’esprit ou des fanfaronnades du caractère. […] Jamais scandale aussi humiliant pour le caractère des hommes d’État ne fut donné au monde politique.
Sa Lyre semble embrasée de toutes les lueurs du monde. […] Il n’ira point préférer un buste-en-plâtre-pour-mairie à l’éternelle harmonie du monde. […] Le monde d’images qu’il a créées donne le plus complet exemple de la force du génie appliqué à l’expression intégrale de soi-même. […] Il vous ouvre une large fenêtre sur la splendeur du monde. […] Elle me vient des confins du monde pour émouvoir mes solitaires songeries.
On parla beaucoup dans le monde de l’accusation portée contre David et de sa condamnation à la prison. […] Cependant ce monde si restreint encore, mais qui devait bientôt imposer à toute la France et même à l’Europe son fanatisme pour l’antiquité, ce monde était déjà fort, et le jeune Étienne allait être adopté par lui. […] Mais il avait affaire à une personne du monde, pourvue d’esprit et de tact ; aussi n’y eut-il pas un seul instant d’embarras. […] C’étaient bien là ces sourcils dont un seul mouvement pouvait ébranler le monde, et ces yeux d’où devait s’élancer la foudre. […] C’est un de ces hommes qui ont été mis au monde comme on coule une statue en bronze.
Il y avait alors dans ce collège deux enfants, qui eurent depuis beaucoup de réputation dans le monde. […] Il est bien difficile de réussir avant cet âge dans le genre dramatique, qui exige la connaissance du monde et du cœur humain. […] Si les médecins de notre temps ne connaissent pas mieux la nature, ils connaissent mieux le monde, et savent que le grand art d’un médecin est l’art de plaire. […] Molière est le premier qui ait su tourner en scènes ces conversations du monde, et y mêler des portraits. […] Le monde n’était point alors désabusé de l’astrologie judiciaire ; on y croyait d’autant plus, qu’on connaissait moins la véritable astronomie.
Aucune échappée vers le monde vivant et animé ! […] On découvre à nouveau, avec un plaisir infini, le monde réel. […] Tout n’est pas adorable au même degré dans le monde. […] On a pu remarquer quel attrait le monde animal a pour les imaginatifs. […] Voici l’imagination abandonnée à elle-même, se créant à son usage un monde fictif qu’elle s’efforce de rendre aussi différent que possible du monde réel.
Mais bientôt la vie de Paris et du xviiie siècle, la vie de monde et de plaisir le prit et insensiblement le dissipa. […] Il faut l’avouer, si les rentes étaient payées, et si on avait de l’argent, rien ne serait plus intéressant au fond que d’assister aux grands spectacles que vous allez donner au monde. […] « … Fontanes, savez-vous ce que j’admire le plus dans le monde ? […] « Il n’y a que deux puissances dans le monde, le sabre et l’esprit. […] Ce recul de l’ombre primitive, aussitôt le monde et la lumière enfantés, est rendu à merveille
Là est le bien que tout esprit désire, Là le repos où tout le monde aspire, Là est l’amour, là le plaisir encore Là, ô mon Âme, au plus haut ciel guidée, Tu y pourras reconnaître l’Idée De ta beauté qu’en ce monde j’adore. […] On en est moins loin dans le sonnet qui suit, et où l’on retrouve le ton élevé, digne du sujet : Ni la fureur de la flamme enragée, Ni le tranchant du fer victorieux, Ni le dégât du soldat furieux, Qui tant de fois, Rome, t’a saccagée ; Ni coup sur coup ta fortune changée, Ni le ronger des siècles envieux, Ni le dépit des hommes et des dieux, Ni contre toi ta puissance rangée ; Ni l’ébranler des vents impétueux, Ni le débord de ce dieu tortueux, Qui tant de fois t’a couvert de son onde, Ont tellement ton orgueil abaissé, Que la grandeur du rien qu’ils t’ont laissé Ne fasse encore émerveiller le monde. […] Une surdité absolue ne lui permettait, vers la fin, de communiquer avec le monde que par écrit. […] C’est le Tombeau latin et françois du feu roi son frère… Je l’eusse bien pu enrichir, si j’eusse voulu (et l’œuvre en étoit bien capable, comme vous pouvez penser), de figures et inventions poétiques davantage qu’il n’est, et qu’il semblera peut-être à quelques admirateurs de l’antique poésie… Or, tel qu’il est, si Madame s’en contente, j’estimerai mon labeur bien employé, ne m’étant, comme vous savez mieux qu’homme du monde, jamais proposé autre but ni utilité à mes études que l’heur de pouvoir faire chose qui lui fût agréable. […] Quant à moi (et hoc mihi apud amicum liceat), encore que jusques ici j’aie enduré des indignités de la fortune autant que pauvre gentilhomme en pourroit endurer, si est-ce que pour perte de biens, d’amis et de santé et si quelque autre chose nous est plus chère en ce monde, je n’ai jamais éprouvé si grand ennui que celui que j’ai dernièrement reçu de la mort du feu roi et du prochain département de Madame, qui étoit le seul appui et colonne de toute mon espérance… » Épuisé de santé, de peines et de travail, Du Bellay mourut le jour même du 1er janvier 1560.
Voilà ce que nous avions besoin de nous dire avant de nous remettre, nous, critique littéraire, à l’étude curieuse de l’art, et à l’examen attentif des grands individus du passé ; il nous a semblé que, malgré ce qui a éclaté dans le monde et ce qui s’y remue encore, un portrait de Regnier, de Boileau, de La Fontaine, d’André Chénier, de l’un de ces hommes dont les pareils restent de tout temps fort rares, ne serait pas plus une puérilité aujourd’hui qu’il y a un an ; et en nous prenant cette fois à Diderot philosophe et artiste, en le suivant de près dans son intimité attrayante, en le voyant dire, en l’écoutant penser aux heures les plus familières, nous y avons gagné du moins, outre la connaissance d’un grand homme de plus, d’oublier pendant quelques jours l’affligeant spectacle de la société environnante, tant de misère et de turbulence dans les masses, un si vague effroi, un si dévorant égoïsme dans les classes élevées, les gouvernements sans idées ni grandeur, des nations héroïques qu’on immole, le sentiment de patrie qui se perd et que rien de plus large ne remplace, la religion retombée dans l’arène d’où elle a le monde à reconquérir, et l’avenir de plus en plus nébuleux, recélant un rivage qui n’apparaît pas encore. […] Madame Diderot, négligée par son mari, se resserra dans ses goûts peu élevés ; elle eut son petit monde, ses petits entours, et Diderot ne se rattacha plus tard à son domestique que par l’éducation de sa fille. […] Ses meilleurs morceaux, les plus délicieux d’entre ses petits papiers, sont certainement ceux où il les met en scène, où il raconte les abandons, les perfidies, les ruses dont elles sont complices ou victimes, leur puissance d’amour, de vengeance, de sacrifice ; où il peint quelque coin du monde, quelque intérieur auquel elles ont été mêlées. […] Il y en a seulement un très-petit nombre de sages qui cherchent avec soin ce sentier, et qui, l’ayant découvert, y marchent avec grande circonspection, et, trouvant ainsi le moyen de passer le torrent, arrivent enfin à un lieu de sûreté et de repos. » L’image de Nicole n’est pas consolante ; au chapitre V du traité de la Crainte de Dieu, on peut chercher une autre scène de carnage spirituel, dans laquelle n’éclate pas moins ce qu’on a droit d’appeler le terrorisme de la Grâce : on conçoit que Diderot ait trouvé ces doctrines funestes à l’humanité, et qu’il ait voulu faire à son tour, sous image d’île et d’océan, une contre-partie au tableau de Nicole. — Il y a aussi dans Pascal une comparaison du monde avec une île déserte, et les hommes y sont également de misérables égarés.
* * * Le meilleur argument des partisans de l’enseignement « moderne » était celui-ci : « Certes, nous allons mettre au jour une France de barbares, nous allons nous dépouiller de tout ce qui, depuis des siècles, constituait notre prestige, notre charme et notre beauté dans le monde, nous n’aurons plus la grâce, ni la politesse de l’esprit, — mais quoi ! […] C’est en latin qu’on a traduit le Discours de la méthode, lorsqu’il s’est agi de vulgariser, de répandre dans le monde entier les idées cartésiennes. […] C’est une preuve concrète de l’extrême facilité qu’aurait un Office international d’humanisme, fondation sur laquelle j’appelle toute votre attention, à rendre facilement accessibles à la masse des travailleurs répandue dans le monde entier tous les ouvrages intéressants qui paraissent chaque jour dans les divers idiomes de l’humanité, parfois dans des littératures, récemment réveillées mais peu accessibles (polonais, tchèque, magyar, roumain, etc.). […] Aujourd’hui le monde la déclare langue peu utile. […] Mais ils ne représentent pas la démocratie véritable, qu’il ne faut tout de même pas confondre avec la haine et la sottise, et qui sait bien que pour faire figure dans le monde et continuer la civilisation, elle a besoin de savants et de lettrés.
. — Les Belles du monde : Gitanas, Javanaises, Égyptiennes, Sénégalaises, avec R. […] , roman contemporain (1890). — Pierre le Véridique, roman (1890). — La Princesse nue, nouvelles (1890). — La Femme enfant, roman contemporain (1891). — Les Petites Fées en l’air, contes (1891). — Pour dire devant le monde, monologues et poésies (1891). — Jeunes filles, réédition (1892). — Les Poésies de Catulle Mendès, trois volumes (1892). — La Messe rose, contes (1892). — Lieds de France (1899). — Luscignole, roman (1892). — Les Joyeuses Commères de Paris, scènes de la vie moderne, avec G. […] Rachilde Gog : Enamourés tous les deux des choses du divin, ces deux esprits si opposés, Villiers et Catulle Mendès, en même temps amis intimes et adversaires l’un à l’autre également redoutables, liés normalement par la parité de leur merveilleuse puissance de travail, et non moins normalement séparés par leur différente compréhension du mystère, ces deux hommes terribles pouvaient seuls, au monde des lettres, concevoir la terrible idée d’une substitution de Dieu. […] L’article fit un beau tapage, tombé dans la mare aux grenouilles de la critique contemporaine, où quatre crétins, onze ratés, deux prophètes, huit philosophes, revenus des erreurs de ce monde, et soixante-quatorze bons garçons équitablement partagés entre la crainte de peiner un ami et le désir bien légitime de ne pas compromettre leurs titres à la réception d’un lever de rideau, disputaient à notre Bon Oncle l’honneur de rectifier le tir. […] Henry Fouquier Médée est l’œuvre noble d’un poète qui croit que l’étude des passions éternelles transportées dans le monde de la légende, s’exprimant en une belle langue, dramatique et lyrique à la fois, interprétée, et j’ajoute : mise en scène par une tragédienne et une artiste incomparables, peut encore plaire à un public très désorienté et le rallier à une pure œuvre d’art.
La bouche garde le silence Pour écouter parler le cœur34 ; sa parole intérieure reste calme ; elle ne peut s’élever jusqu’à l’inspiration ; si, dans cet état, il se souvient de la Muse et de leurs amours d’autrefois, son esprit lui représente en vain tous les motifs poétiques qui devraient éveiller son génie ; aucun n’a le pouvoir de l’arracher à lui-même ; il ne ressent ni colère durable ni enthousiasme profond ; la Muse est pourtant descendue du ciel ; elle lui a parlé ; mais il a eu peine à la reconnaître ; ni son appel ni son baiser n’ont pu réchauffer un cœur glacé ; il refuse de s’envoler avec elle dans les « mondes inconnus » qu’en des temps plus heureux ils ont tant de fois parcourus ensemble. […] Essentiellement inétendu, le son est à la fois une portion du monde extérieur et un frère de l’âme ; phénomène mixte, hybride, intermédiaire entre les phénomènes évidemment extérieurs et les phénomènes évidemment intérieurs241, il obtient successivement de l’âme, par un double travail poursuivi dans deux sens différents, d’abord la reconnaissance de sa nature objective et comme son installation au sein du monde physique, ensuite d’être approprié à l’usage auquel son essence le destinait, c’est-à-dire introduit dans la série des faits inétendus. La première opération est rendue facile par les simultanéités de la sensation ; les animaux eux-mêmes la font de bonne heure, comme tous les hommes ; elle consiste à rattacher méthodiquement aux visa-tacta, c’est-à-dire au monde extérieur, au monde étendu, tous les sons qui sont des états forts.
En ce sens la solidarité qui naît de la différence des individus a pour condition une solidarité autre, qui naît précisément de leurs ressemblances « Pour que les unités sociales puissent se différencier, il faut d’abord qu’elles se soient attirées et groupées en vertu des ressemblances qu’elles présentent118. » Ajoutons que pour qu’elles veuillent rester groupées et cherchent un ordre social qui fasse à chacune sa juste part, il faut que certaines ressemblances aient continué de les unir et, comme le Dieu de Descartes recrée à chaque moment le monde, recréent à chaque moment l’association : le départ de ce qui revient à chaque individualité ne peut être effectué que par des individualités qui s’entendent, c’est-à-dire qui ont quelque chose de commun. […] Est-ce un hasard si la ville où se forgeait pour le monde la notion du Droit universel et personnel était aussi le rendez-vous des races ? […] En comparant les classes les plus civilisées aux autres, celles du « monde » à celle du « commun », on nous dira, suivant les points de vue, tantôt que leurs membres sont ceux qui se ressemblent le plus, tantôt qu’ils sont ceux qui diffèrent le plus entre eux147. […] Elles aussi tendent vers l’universalité ; les dogmes précis, apanages d’une secte, d’une cité, ou d’une nation font place peu à peu à des croyances vagues qui embrassent le monde, et, en même temps qu’elles s’élargissent, se fondent d’ailleurs les unes dans les autres ; c’est l’âge des « congrès de religions ». […] Chacun se fait « son système » du monde.
À la vérité, les astronomes acceptent aujourd’hui l’idée d’une mobilité et d’une évolution continuelle du monde sidéral. […] Relativement à nous, le monde, les astres, n’offrent que des changements insensibles ; les êtres vivants, au contraire, une évolution saisissable. […] La force vitale, la vie, appartiennent au monde métaphysique ; leur expression est une nécessité de l’esprit : nous ne pouvons nous en servir que subjectivement. […] Que serait le monde s’il n’en était pas ainsi ! […] La production de chaleur est due, dans le monde vivant comme dans le monde inorganique, à des phénomènes chimiques ; telle est la grande loi dont nous devons la connaissance à Lavoisier et Laplace.
Le monde entier alors fut l’immense carrière ouverte aux pas de l’imagination humaine. […] Cette réunion d’hommes savants et d’hommes du monde fut profitable à tous. […] Cette sorte de pièce amuse par la ressemblance des figures passagères avec les originaux du monde. […] Sont-ce des héros de notre monde ? Sont-ce des génies d’un monde supérieur ?
Le monde est plein de mal, de toute sorte de mal. […] Ce génie vaste et vrai veut être mesuré sur une échelle plus large ; c’est à la nature, c’est au monde qu’il faut comparer Shakespeare : et, dans chaque cas particulier, c’est entre la portion du monde et de la nature qu’il a dessein de représenter et le tableau qu’il en fait, que se doit établir la comparaison. […] Don Félix, à cette nouvelle, part sans dire à personne où il va, et la fidèle Félismena court le monde à sa recherche. […] Aussi, pour la juger, faut-il ne pas oublier son titre et se livrer au caprice du poëte, qui a dû sentir lui-même tout ce qu’aurait de choquant pour un esprit méthodique et froid le mélange bizarre de la mythologie ancienne et de la mythologie moderne, le transport rapide du spectateur d’un monde réel dans un monde fantastique, et de celui-ci dans l’autre. […] Elle souffre, et ne se plaint ni ne se défend jamais ; elle agit, mais son action ne se montre que par les résultats ; tranquille sur son propre sort, réservée et contenue dans ses sentiments les plus légitimes, elle passe et disparaît comme l’habitant d’un monde meilleur, qui a traversé notre monde sans subir le mouvement terrestre.
S’il comptait autrement, il n’inscrirait pas dans sa représentation mathématique du monde que Paul en mouvement trouve entre tous les phénomènes, — y compris les phénomènes électro-magnétiques, — les mêmes relations que Pierre en repos. […] Mais, même alors, on se placerait tout bonnement dans l’hypothèse qu’on fait d’ordinaire lorsqu’on promène un observateur imaginaire à travers le monde et qu’on se juge en droit de lui attribuer partout la même durée. […] Du moment qu’on a pris S pour système de référence, c’est de là, et de là seulement, qu’est désormais possible une vue scientifique du monde. […] La représentation qu’il va construire du monde repose tout entière sur le fait que le système de référence adopté est lié à la Terre : donc le train se meut ; donc on ne peut mettre en M′ une constatation de la simultanéité des deux éclairs. À vrai dire, rien n’est constaté en M′, puisqu’il faudrait pour cela en M′ un physicien, et que l’unique physicien du monde est par hypothèse en M.
Les quatre stances où il a paraphrasé une partie du psaume cxlv sont parfaites : N’espérons plus, mon âme, aux promesses du monde ; Sa lumière est un verre, et sa faveur une onde Que toujours quelque vent empêche de calmer. […] Ses stances sur La Retraite sont les plus célèbres ; il les adresse à un ami qui est engagé comme lui dans le monde, et qu’il convie ainsi que lui-même à s’en retirer : Tircis, il faut penser à faire la retraite ; La course de nos jours est plus qu’à demi faite ; L’âge insensiblement nous conduit à la mort ; Nous avons assez vu, sur la mer de ce monde, Errer au gré des flots notre nef vagabonde ; Il est temps de jouir des délices du port. […] Tout au contraire de Racan, il se tourmente et se consume autant que l’autre se distrayait aisément et s’oubliait : « Je suis venu trop tôt ou trop tard au monde, s’écriait-il ; tout autre siècle que celui-ci eût rougi de me laisser vieillir dans le village. » Sa plus grande crainte est de passer pour gascon et pour avoir des gasconismes dans son langage ; il est le premier à demander grâce et à s’excuser de ses rudesses ; mais, si on le prend au mot et qu’on paraisse lui en trouver en effet, il prétend aussitôt qu’il n’en a pas, et il met au défi toute l’Académie pour la politesse de la diction et l’exactitude.
Son père était dans l’Église et recteur à Berkhamstead lorsque William y vint au monde. […] La famille Unwin se composait du père, de Mme Unwin, plus âgée que Cowper de sept ans, et qui devint pour lui comme une mère, du fils dont je viens de parler et d’une fille : Ce sont les plus aimables gens qu’on puisse imaginer, écrivait Cowper à un de ses amis dès les premiers temps de cette relation ; ils sont tout à fait sociables, et en même temps aussi affranchis que possible de toutes ces civilités cérémonieuses, ordinaires au monde comme il faut de province. […] Ils voient peu de monde, ce qui me convient parfaitement ; à quelque moment que j’y aille, je trouve une maison pleine de paix et de cordialité dans tout ce qui la compose, et je suis sûr de n’y entendre aucune médisance, mais, au lieu de cela, un sujet d’entretien qui nous rend meilleurs. — Cette femme, écrit-il encore de Mme Unwin, est une bénédiction pour moi, et je ne la vois pas de fois que je ne devienne meilleur dans sa compagnie. […] Relève-toi, chrétien tremblant ; Le nuage qui gronde, Gros de tendresse, en éclatant, Rafraîchira le monde.
On sait du reste que Frédéric n’était pas le philosophe tout idéal et tout à la Marc Aurèle que les gens de lettres ses amis se hâtèrent de promettre un peu témérairement au monde quand il monta sur le trône ; mais il était réellement philosophe par goût, par bon sens, parce qu’il réduisait chaque chose à la juste réalité, et que, tout en faisant vaillamment son rôle et son métier de souverain, il se séparait à tout instant de cette destinée d’exception pour se juger, pour se regarder soi-même et les autres. […] Si je pense avec cela que cet enfant avait le meilleur cœur du monde, qu’il était né bienfaisant, qu’il avait de l’amitié pour moi, alors, mon cher frère, les larmes me tombent des yeux malgré moi, et je ne saurais m’empêcher de déplorer la perte de l’État et la mienne propre. […] Le fait est que la liaison entre l’impératrice Catherine et Frédéric n’était pas ce qu’on la supposerait quant à l’intimité, et le roi avait eu grand besoin de son frère pour prendre peu à peu toutes ses liaisons utiles avec cette grande puissance du Nord, qui lui avait fait jusque là l’effet d’un monde inconnu. […] Il n’y a point de gloire, mon cher frère, qu’à surmonter de grandes difficultés ; dans le monde on ne tient aucun compte des choses qui ne coûtent aucune peine.
Il fuit le commerce du monde, il ne se plaît que dans la solitude ; ce goût pour la retraite lui a fait des ennemis : l’amour-propre de ceux qui l’ont recherché s’est trouvé blessé de ses refus. […] On lit tout haut ces autres mots d’une lettre de Jean-Jacques à Hume : Vous êtes un traître… Ces deux mots, traître et scélérat, dans un temps où ils n’étaient pas prodigués comme ils l’ont été depuis (c’est Garat qui parle), retentissent dans ce souper, et la nuit même dans une partie de la capitale, comme deux coups de tocsin. » Hume, quoiqu’ayant eu pour but d’informer le monde de Paris, ne s’était pas douté du retentissement soudain qu’aurait une lettre, vive, il est vrai, et non confidentielle, mais qui, d’après les probabilités ordinaires, devait mettre quelque temps à s’ébruiter ; il n’avait pas compté sur l’atmosphère inflammable de ce Paris oisif et passionné. […] Il en est souvent ainsi dans ces conjectures malignes du monde ; la nature humaine n’est pas si retorse et cauteleuse qu’on la fait. […] « En vérité, le monde n’est pas si corrompu que ces messieurs le prétendent ; la bonté n’est pas rare ; chaque nation offre à celui qui les cherche une infinité d’hommes estimables, portés par leurs principes ou par leur naturel à aimer, à servir ceux qui leur ressemblent ; partout le mérite et l’honneur trouvent de l’appui, des secours, des amis.
Sur ce point délicat je me borne encore à dire, en écartant tout ce qui est indigne d’être entendu, que si, vers l’âge de trente ans, Marie-Antoinette en butte à toutes sortes d’intrigues et d’inimitiés, entourée d’amis qui la compromettaient fort et qui n’étaient pas tous désintéressés ni bien sincères, avait cherché et distingué dans son monde et dans son cercle intime un homme droit, sûr, dévoué, fidèle, un ami courageux, discret, incapable d’épouser d’autre intérêt que le sien, et si elle s’était appuyée sur son bras à certain jour, même avec abandon, il n’y aurait à cela rien de si étonnant ni de fait pour révolter ; et de ce qu’on admettrait, sur la foi des contemporains d’alors les mieux informés, cette sorte de tradition qui, à son égard, me paraît, si j’ose l’avouer, la plus probable, il ne s’ensuivrait pas qu’elle dût rien perdre dans l’estime de ceux qui connaissent le cœur humain et la vie, ni qu’elle fût moins digne de tout l’intérêt des honnêtes gens aux jours de l’épreuve et du malheur. […] que ce monde maussade, que cette vie guindée ressemblait peu à l’intimité de la famille impériale à Vienne et contrastait avec l’enjouement qui animait cette couvée de frères et de sœurs ! […] Y voir plus serait trop et pourrait véritablement étonner les contemporains s’ils revenaient au monde ; mais on n’y saurait voir moins sans injustice. — Le terrible moment, le moment de régner arrive ; quoique bien prévu, il la surprit, il l’étonna et la remplit presque d’épouvante. […] Il ne devrait y avoir qu’une seule manière de transcrire. — Cette note qui accompagnait mon premier article du Constitutionnel est l’indice d’une bien délicate question que je m’adressais tout bas le plus timidement du monde, et que je faisais taire aussitôt ; mais depuis lors l’authenticité de toutes ces premières lettres a été contestée et combattue par des raisons de diverses sortes, qui semblent décisives.
Ceux au contraire qui croient qu’une âme est tout un monde, qu’un caractère éminent n’est jamais trop approfondi, ceux qui mêlent à leur jugement sur Mme Roland un culte d’affection et de cœur, trouveront ici mille raisons de plus à leur sympathie et démêleront une foule de détails aussi respectables que charmants. […] Les deux amies n’étaient plus l’une à d’autre tout un monde. […] Elle nous donne particulièrement à apprécier un de ses amis très-affectueux et très-mûrs, M. de Sainte-Lette, qui vient de Pondichéry, qui va y retourner, qui sait le monde, qui a éprouvé les passions, qui regrette sa jeunesse, et qui sur le tout est athée. […] Son père se dérange et se ruine ; elle s’en aperçoit, elle veut tout savoir, et il lui faut sourire au monde, à son père, et dissimuler : « J’aimerais mieux le sifflement des javelots et les horreurs de la mêlée, s’écrie-t-elle par moments, que le bruit sourd des traits qui me déchirent ; mais c’est la guerre du sage luttant contre le sort. » Elle venait de lire Plutarque ou Sénèque, quand elle proférait ce mot stoïque ; mais elle avait lu aussi Homère, et elle se disait, dans une image moins tendue et avec sourire : « La gaieté perce quelquefois au milieu de mes chagrins, comme un rayon de soleil à travers les nuages.
L’opposition de ce monde au nôtre sautait aux yeux : de là à choisir un Oriental pour critique de nos travers et de nos préjugés, il n’y avait qu’un pas ; et Du Fresny donna, en 1707, les Amusements sérieux et comiques d’un Siamois. […] Montesquieu est tout juste apte à railler la curiosité frivole des badauds parisiens, la brillante banalité des conversations mondaines, à noter que les femmes sont coquettes, et les diverses formes de fatuité qui se rencontrent dans le monde. […] La conquête du monde a tué la république à Rome : Montesquieu prononcera que la forme républicaine est incompatible avec la vaste étendue du territoire. […] Et notre réalisme ne peut s’empêcher d’en vouloir à Montesquieu d’avoir créé l’illusion de tous ces faiseurs de constitutions, qui croient changer le monde par des articles de loi.