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1193. (1889) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Quatrième série « Victor Hugo, Toute la Lyre. »

Le monde est bon. […] Il y a dans son œuvre trop d’attitudes, trop de sentiments, trop de façons de voir le monde et l’histoire que j’ai peine à comprendre et qui même répugnent à mes plus chères habitudes d’esprit. […] La figure entière du monde finit par tenir dans le développement du moindre lieu commun. […] Mais justement les plus originales conceptions du monde se réduisent à des antithèses que l’on résout comme on peut. […] Le monde visible n’est qu’un purgatoire aux innombrables degrés, depuis le caillou jusqu’à l’homme et au-delà.

1194. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre XIII. La littérature et la morale » pp. 314-335

Si l’on considère les débauches élégantes de la cour et du grand monde, le goût de persiflage qui règne dans les salons à la mode, la grivoiserie qui gâte alors tant d’écrits et des plus sérieux, on est tenté de lui assigner un rang peu élevé sur l’échelle de la moralité. […] L’orgueil est le péché mignon de toute société aristocratique ; l’avarice et la cupidité sont plutôt les plaies d’un monde ou l’argent est dur à gagner. […] Corneille est le contemporain des jansénistes de la première heure qui sacrifient sans hésiter les plaisirs du monde et les affections les plus légitimes au désir de vivre en communion avec Dieu, qui prêchent et pratiquent les préceptes les plus sévères. […] On n’a pas oublié la fièvre de maternité qui fit éruption dans le beau monde de Paris, quand Rousseau eut dénoncé comme de mauvaises mères les femmes qui livraient leurs enfants à des nourrices ; jusque dans les couloirs de l’Opéra, on put rencontrer des enfants à la mamelle que leurs jeunes et pimpantes mamans venaient allaiter durant les entr’actes. […] Puis on peut dire aussi que de tout ouvrage, à moins qu’il ne soit d’une rare insignifiance, se dégage une conception particulière du monde, un jugement sur la vie.

1195. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Madame de Pompadour. Mémoires de Mme Du Hausset, sa femme de chambre. (Collection Didot.) » pp. 486-511

Tous les arts de ce temps portent son cachet ; le grand peintre Watteau, venu trop tôt pour elle, créant un monde pastoral enchanté, semble ne l’avoir décoré et embelli que pour qu’elle en prenne possession un jour et qu’elle puisse s’y épanouir et y régner. […] Une intrigue fut ourdie par son monde. […] Rapprochez de ces paroles prophétiques celles qui échappaient à Louis XV lui-même au sujet des résistances du Parlement : « Les choses, comme elles sont, dureront autant que moi. » C’était là son bout du monde. […] Les Français sont les premiers hommes du monde pour tout ; il est tout simple qu’ils le soient pour l’inconséquence. […] Il n’y a peut-être jamais eu (beaucoup) plus de vertu dans le monde, mais il y avait plus d’honneur.

1196. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Chateaubriand homme d’État et politique. » pp. 539-564

« J’avais rugi, dit-il après sa chute de 1824, en me retirant des affaires. » Il aurait pu dire de même : « J’avais rugi en y entrant. » Quelle était donc cette nature impétueuse et passionnée qui a pris et quitté si vivement les choses de ce monde, tout en s’en proclamant si désabusé ? […] Cependant M. de Chateaubriand avait visité l’Orient et la Grèce ; il avait composé Les Martyrs, l’Itinéraire ; il avait à peu près terminé son œuvre, son voyage littéraire autour du monde, et il sentait qu’il s’ennuyait toujours, qu’il y avait en lui un grand vide, et que son talent demandait aliment et pâture. […] Dans une des plus remarquables pièces des Harmonies (« Novissima Verba »), ce mélodieux poète célèbre l’amour et déclare qu’il n’y a rien dans le monde que lui : Femmes, anges mortels, création divine, Seul rayon dont la vie un moment s’illumine ! Je le dis à cette heure, heure de vérité, Comme je l’aurais dit quand devant la beauté Mon cœur épanoui, qui se sentait éclore, Fondait comme une neige aux rayons de l’aurore, Je ne regrette rien de ce monde que vous ! […] Ne croirait-on pas, en vérité, qu’on lui a offert une couronne et qu’il a eu toutes les peines du monde à s’y dérober ?

1197. (1885) Préfaces tirées des Œuvres complètes de Victor Hugo « Préfaces des romans — Préface des « Derniers Jours d’un condamné » (1832) »

Vous comprenez qu’il est impossible d’envoyer à la Grève, dans une charrette, ignoblement liés avec de grosses cordes, dos à dos avec ce fonctionnaire qu’il ne faut pas seulement nommer, quatre hommes comme vous et moi, quatre hommes du monde ? […] Est-ce qu’il n’y a pas en France assez d’air à respirer pour tout le monde ? […] De deux choses l’une : Ou l’homme que vous frappez est sans famille, sans parents, sans adhérents dans ce monde. […] Autrefois du moins, quelque foi circulait dans le peuple ; au moment suprême, le souffle religieux qui était dans l’air pouvait amollir le plus endurci ; un patient était en même temps un pénitent ; la religion lui ouvrait un monde au moment où la société lui en fermait un autre ; toute âme avait conscience de Dieu ; l’échafaud n’était qu’une frontière du ciel. […] maintenant que toutes les religions sont attaquées du dry-rot, comme ces vieux vaisseaux qui pourrissent dans nos ports, et qui jadis peut-être ont découvert des mondes ?

1198. (1864) William Shakespeare « Conclusion — Livre III. L’histoire réelle — Chacun remis à sa place »

Il est certain qu’à l’heure où nous sommes ce qui a été jusqu’à ce jour l’éclairage du genre humain pâlit, et que le vieux flamboiement va disparaître du monde. […] Ce que Pitt a coûté à l’Angleterre et au monde, le voici. […] Avec les vingt-quatre milliards anglais dépensés en coups de canon, on eût changé la face de la terre, ébauché partout la civilisation, et supprimé dans le monde entier l’ignorance et la misère. […] Ils sont nombreux, innombrables même, car les maîtres du monde sont une foule. […] En 1747, en plein dix-huitième siècle, sous le regard même des philosophes, les batailles de Raucoux et de Lawfeld, le siège du Sas-de-Gand et la prise de Berg-op-Zoom éclipsent et effacent cette découverte sublime qui aujourd’hui est en train de modifier le monde, l’électricité.

1199. (1913) La Fontaine « IV. Les contes »

Apollon s’ennuie, les dieux mêmes s’ennuient, comme dira dans Psyché La Fontaine, les dieux mêmes s’ennuient parce que la littérature (au moment où La Fontaine place son récit) a toujours les mêmes caractères, parce que l’on n’invente plus rien, parce que l’on se traîne sur les anciens errements, parce qu’enfin, comme dit Apollon, « il nous faut du nouveau, n’en fût-il point au monde ». […] Ce sont les plus beaux vers du monde, qui échappaient déjà à la nonchalance de La Fontaine. […] Il est bien certain qu’Apulée ne s’en était pas douté le moins du monde. […] Il a épuisé tous les dégoûts, lui, et du reste sa fille, et ils se sont parfaitement entendus pour ne plus rien vouloir savoir des grandeurs de ce monde. […] A la campagne il vivait, Loin du commerce et du monde… Marié depuis peu ; content, je n’en sais rien.

1200. (1917) Les diverses familles spirituelles de la France « Chapitre vi »

Nous travaillons pour que plus tard il n’y ait plus nulle part de ces empereurs ou de ces rois qui font tuer le monde pour leur plaisir. […] A ce degré, une opinion politique est une foi. « Il a joué son salut, nous dit Paul Desjardins, sur une promesse unique : savoir, que la vraie vie spirituelle qui seule explique le monde et contente l’homme, est fille, non des loisirs élégants comme les sociétés aristocratiques l’ont cru, mais du normal labeur ». Pour notre part, nous pensons que la plus haute pensée, celle qui explique le monde, est fille du laboratoire scientifique et de l’oratoire religieux, et pour sauver la civilisation complète nous défendons à la fois le Collège de France et les petites églises de village. […] Dès le 12 août 1914, ces premiers mots, un billet rapide : «  Je pars dans un quart d’heure, 28e d’infanterie, 36e compagnie, Evreux… Si nous étions vaincus, c’est qu’il n’y aurait pas de justice, et vivre en un monde sans justice, ce n’est pas la peine… » Quel superbe frémissement de roseau pensant !‌ […] Je le vois désormais au milieu des plus nobles, à la table des dieux qui diffèrent tous et sont tous des égaux et qui jugent le monde avec magnanimité.‌

1201. (1922) Le stupide XIXe siècle, exposé des insanités meurtrières qui se sont abattues sur la France depuis 130 ans, 1789-1919

Ce dernier ébranle la raison occidentale par cette exhaustion de la réalité qui s’appelle le criticisme transcendantal, et en niant l’adéquation de la chose à l’esprit, du monde extérieur au monde intérieur. […] Jamais, depuis que le monde est monde, et que je bats de mon tambour, si suave concert n’a retenti aux oreilles des bipèdes raisonnants. […] C’est grand comme le monde ! […] S’il écrit à la Revue des Deux Mondes, c’est déjà grave. […] Le monde lui apparaissait sous les espèces du conflit et de la concurrence.

1202. (1862) Portraits littéraires. Tome II (nouv. éd.) « Delille »

Le monde le choya, les femmes l’adorèrent ; ce fut, pour tout ce qui le connut, un jouet charmant et une idole. […] Voltaire reçoit, jeune, des coups de bâton d’un grand seigneur, et il ne reste pas moins ami de la noblesse, du beau monde, et l’opposé en cela de Jean-Jacques. […] Ainsi Delille, enfant naturel, élevé par charité, n’en sera pas moins, dès son premier pas dans le monde, et au rebours de l’aigre La Harpe ou de l’âcre Chamfort, le petit abbé le plus espiègle et le bel esprit le plus charmant. […] Lorsqu’il débuta dans le monde, on ne songeait qu’à des morceaux, et tout dépendait du succès d’une lecture. […] Ce qu’il y a de certain, c’est que Delille, entouré d’un monde plutôt royaliste, resta en dehors de la faveur impériale.

1203. (1864) William Shakespeare « Première partie — Livre II. Les génies »

Le monde dense, c’est Dieu. Dieu dilaté, c’est le monde. […] Le monde naît, Homère chante. […] Ce sauvage fait au monde une annonce. […] Tout ce vieux monde festoie et crève.

1204. (1857) Cours familier de littérature. IV « XIXe entretien. Littérature légère. Alfred de Musset (suite) » pp. 1-80

Neuf fois sur dix, l’homme qui va quitter ce monde expire en se frappant la poitrine et en implorant le divin pardon. […] Mais moi, fils du hasard, moi Frank, avoir été Un petit monde, un tout, une forme pétrie. […] Mais une autre l’aimait elle-même ; — et les mondes Se sont mis en voyage autour du firmament. […] Tu as été trop indifférent aux causes publiques de ta patrie et du monde, et le choc des verres t’a empêché d’entendre le choc des idées, des opinions, des partis, qui germaient, combattaient, mouraient pour la cause du bonheur ou du progrès du peuple ? […] Regarde d’en haut ce bas monde : qu’y a-t-il de changé ici que des noms ?

1205. (1899) La parade littéraire (articles de La Plume, 1898-1899) pp. 300-117

L’auteur nous fait pénétrer dans un monde inexploré de sensations. […] Les métaphores y sont fraîches, et les objets les plus simples du monde en composent l’ornement. […] Le monde des livres et des auteurs lui appartient, comme, au poète, le monde des éléments. […] Paul-Louis Garnier ne considère pas le monde comme un décor insensible. […] Le monde des lettres s’enflamma, le Boulevard et le Quartier s’enflammèrent tour à tour.

1206. (1835) Critique littéraire pp. 3-118

Mais voici l’histoire : Amaury avait dix-sept ou dix-huit ans quand il entra dans le monde. […] Nous prétendons réconcilier la liberté et l’ordre, et faire cesser un divorce vieux comme le monde. […] Personne dans le monde ne parle, n’écrit, ne raconte, ne moralise, ne discute, ne décrit de cette façon ! […] À la condition de se modérer, de se contenir, qui n’est pas moins la règle de l’intelligence que celle du cœur, qui régit le monde littéraire comme le monde politique. […] Si vous donnez la main droite, vous aurez le sort de Valentine, ou vous fuirez au bout du monde, par-delà l’équateur, comme Indiana.

1207. (1857) Réalisme, numéros 3-6 pp. 33-88

Le nombre de ceux-ci est grand parmi le monde artistique et littéraire. […] — Si tout ce monde-là votait encore pour lui dans la circonstance présente ! […] L’érudition et la mémoire trouvent d’ailleurs rarement leur récompense en ce monde ! […] TOUSSENEL, l’Esprit des Bêtes, le Monde des Oiseaux. — M.  […] L’idéaliste vise beaucoup trop au-dessus du monde sensuel et au-delà du présent.

1208. (1898) Manuel de l’histoire de la littérature française « Livre II. L’Âge classique (1498-1801) — Chapitre II. La Nationalisation de la Littérature (1610-1722) » pp. 107-277

Du moment que l’écrivain ou le poète, au lieu de s’isoler en eux-mêmes, se mêlaient au monde, et, pour lui plaire, commençaient par accepter la discipline que le monde leur imposait, Richelieu conçut la pensée de faire servir cette docilité nouvelle aux desseins de sa politique. […] et ce qu’il nous faut avant tout connaître, c’est le monde où nous vivons, dont nous sommes. […] et qu’il a peu de monde ? […] VI ; — Philarète Chasles, « Les victimes de Boileau », dans la Revue des Deux Mondes, juin et août 1839 ; — F.  […] La Femme d’intrigues, 1692. ou Les Agioteurs, 1710]. — Le demi-monde ou le monde interlope [Cf. 

1209. (1836) Portraits littéraires. Tome I pp. 1-388

Il vivait au milieu du monde, mais ne désirait aucun rôle actif dans les affaires. […] Rien au monde n’est plus simple, plus naturel, plus trivial si l’on veut. […] Les arquebusiers basques nous tuent beaucoup de monde, et visent au cœur les chefs de l’armée. […] La passion, la beauté, le merveilleux, le romanesque, voilà le monde qu’il s’est composé à son insu. […] Vivant dans le monde des hommes, au lieu de vivre dans le monde des auteurs, n’a-t-il pas amassé un trésor inépuisable d’anecdotes et d’observations que les livres et les faiseurs de livres ne sauraient suppléer ?

1210. (1916) Les idées et les hommes. Troisième série pp. 1-315

Il ne quête pas la beauté dans le vague et n’a point exilé l’idéal hors du monde. Il prend la beauté dans le monde ; ou il la lui imposerait. […] Il nous aime en Dieu ; les autres, dans le monde. […] Désespère-t-il de voir le monde rajeunir ? […] Si tout le mal du monde vient de sa vieillesse, il faut le rajeunir et, pour le rajeunir, le ramener aux pures origines ; il faut retourner à l’antiquité qui fut la jeunesse du monde.

1211. (1910) Muses d’aujourd’hui. Essai de physiologie poétique

Le mot de poète évoque je ne sais quelle signification d’exil ; un poète est toujours « ailleurs » ; il ne vit que dans le monde imaginaire qu’il s’est construit, et qui est pour lui plus réel que le vrai. C’est que ce monde imaginaire est son milieu vital, qu’il reconstitue imaginativement et artistiquement. […] et le rêve du poète le cherche dans toutes les villes du monde, dans tous les rêves de son imagination, dans l’histoire et dans le passé. […] C’est par la précision de l’image, souvent et nécessairement transposée, qu’elle veut recréer le monde extérieur, tel qu’elle l’a senti. […] Revue des Deux Mondes,1er février 1905.

1212. (1932) Les deux sources de la morale et de la religion « Remarques finales. Mécanique et mystique »

Le correct homme du monde, à moitié nu, se balançait aux yeux de la foule. […] D’abord, c’est surtout comme protestation qu’elle s’est introduite dans le monde. […] Imaginons que l’orangé soit la seule couleur qui ait encore paru dans le monde : serait-il déjà composé de jaune et de rouge ? […] C’était, pour tout le monde, un manque de confort qui nous surprend. […] Supposons qu’une lueur de ce monde inconnu nous arrive, visible aux yeux du corps.

1213. (1892) Boileau « Chapitre I. L’homme » pp. 5-43

Il dédaigna même de s’assurer le patronage d’un de ses frères, qui était déjà un personnage dans le monde des lettres. […] D’abord, ils avaient la joie, la joie des esprits sains et florissants : le plus mélancolique était encore le comédien, assombri par une observation trop pénétrante du monde. […] S’il avait eu un peu de manège, il n’eût tenu qu’à lui de s’implanter dans le grand monde. […] Et le monde même, maintenant qu’il ne produisait presque plus rien, ne le recherchait plus, et ne le voyait guère. […] Il n’avait pas l’esprit du monde, l’art de faire de rien une chose exquise, l’agilité de la fantaisie légère qui effleure tout.

1214. (1889) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Quatrième série «  M. Taine.  »

On connaît ses rêves de conquête orientale, de domination universelle et d’organisation du monde selon sa volonté. […] Ce sont les spiritualistes, les idéalistes, les gens bien pensants et les plus belles âmes du monde qui nous disent : — Napoléon fut un monstre ? […] Taine me ravissent, le volume du prince Napoléon ne me déplaît point ; que celui-ci juge en « homme d’action » et celui-là en « philosophe » (je n’ai pas le loisir d’extraire la substance de ces deux mots), et qu’il faut des uns et des autres pour la variété du monde. […] Ce monde vous paraît mauvais ; et cependant vous ne sauriez l’imaginer autre qu’il n’est, à moins de l’arrêter dans sa marche et de lui retirer tous ses ferments de vie et de progrès. […] Le monde, qui est mauvais, est bon néanmoins, puisqu’il ne peut être conçu meilleur sans déchéance.

1215. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Gibbon. — II. (Fin.) » pp. 452-472

Cet esclavage régulier, accoutumé, indolent, qui était la loi du vieux monde et que Gibbon pallie tant qu’il peut, parut tout d’un coup horrible à quelques-uns, et ils inoculèrent peu à peu cette horreur à presque tous. […] Pourquoi, tout occupé de défendre et de justifier l’ancienne police administrative des empereurs et le procédé du magistrat romain, a-t-il méconnu l’introduction dans le monde et la création dans les cœurs d’un héroïsme nouveau ? […] Il était près, assure-t-il, de lui répondre ; il s’est ressouvenu aussitôt de son Histoire, de cette Histoire élégante et froide, où il est tracé « un tableau si odieusement faux de la félicité du monde », à cette écrasante époque de l’établissement romain : Je n’ai jamais pu lire son livre, ajoute-t-il, sans m’étonner qu’il fût écrit en anglais ; à chaque instant j’étais tenté de m’adresser à M.  […] Lord Sheffield, livré par goût à la vie active et publique, était à quelques égards plus difficile à contenter que lui ; il avait besoin des ressources d’un monde dont Gibbon se passait très bien : Vous êtes toujours, lui écrivait ce dernier, à la recherche du savoir, et vous n’êtes content de votre monde qu’autant que vous en pouvez tirer information ou amusement peu commun. […] À défaut de ce honneur impossible, Mme Necker essayait quelquefois de lui indiquer d’autres sources de consolation et le souverain remède contre l’isolement du cœur ; elle lui avait fait promettre de lire l’ouvrage de son mari sur L’Importance des opinions religieuses, et elle avait, à l’occasion, sur ce sujet de christianisme et de monde invisible, des paroles amies et délicates, que Gibbon du moins ne repoussait pas.

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