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996. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Rulhière. » pp. 567-586

Les Anecdotes sur la révolution de Russie en l’année 1762 sont un très agréable petit livre, sans prétention solennelle, et où les événements historiques ne sont eux-mêmes envisagés qu’au point de vue des mœurs. […] Il y a certainement des coins du génie russe que Rulhière n’a point pénétrés ni appréciés ; n’ayant vécu qu’à Saint-Pétersbourg et dans le grand monde, il a vu surtout dans ce peuple plein de disparates les mœurs d’un Bas-Empire, il a cru y voir une sorte d’Empire grec finissant, et il n’a pas assez signalé, sous ce vernis de civilisation avancée, un peuple jeune qui commence.

997. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « De la poésie et des poètes en 1852. » pp. 380-400

Plus tard, il s’est appliqué, dans le poème des Bretons, à tracer des tableaux de mœurs qui fissent revivre ce pays de Bretagne auquel il s’est presque exclusivement consacré. […] De jolis détails de mœurs, des vers qui peignent des coins de paysages et de courtil, viennent en aide, on le conçoit, à ce canevas si simple, mais, selon moi, trop simple.

998. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « La princesse des Ursins. Lettres de Mme de Maintenon et de la princesse des Ursins — II. (Suite et fin.) » pp. 421-440

Ses lettres sont remplies de pages vives, qui nous rendent non seulement les mœurs de la cour d’Espagne, mais celles de la société française vers cette fin de Louis XIV. […] Malgré d’heureuses et rares exceptions, il est bien clair que le beau siècle se gâte ; les jeunes femmes de ce temps-là sont étranges de mœurs et de manières ; elles vont être les femmes de la Régence.

999. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Madame Sophie Gay. » pp. 64-83

Elle y peint avec assez de naïveté et avec beaucoup d’entrain les mœurs de la société dans sa jeunesse, ce pêle-mêle de grandes dames déchues, de veuves d’émigrés vivants, de fournisseurs enrichis, de jacobins à demi convertis, dont quelques-uns avaient du bon, et à qui l’on se voyait obligé d’avoir de la reconnaissance : En vérité, il y a de quoi dégoûter d’une vertu qui peut se trouver au milieu de tant de vices, et il me semble qu’on ne lui doit pas plus de respect qu’à une honnête femme qu’on rencontrerait dans un mauvais lieu. — Soit ; mais c’est encore une bonne fortune assez rare pour qu’on en profile sans ingratitude. […] » Les femmes, pour peu qu’elles écrivent et qu’elles marquent, portent très bien en elles le cachet des époques diverses, et, si l’on voulait désigner en leurs personnes les périodes successives de Louis XVI, du Directoire et de l’Empire, de la Restauration et du régime de Louis-Philippe, on arriverait à quelques aperçus de mœurs qui ne tromperaient pas.

1000. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Beaumarchais. — III. (Suite et fin.) » pp. 242-260

Énonçant les motifs, réels ou non, qu’il avait eus pour entrer dans la discussion, il alla droit, avant tout, à l’adversaire, et le frappant de l’épée au visage, selon le conseil de César, il le raillait sur cette prétention au patriotisme, au désintéressement et au bien public, de laquelle Beaumarchais aimait (et assez sincèrement, je le crois) à recouvrir ses propres affaires et ses spéculations d’intérêt : Tels furent mes motifs, s’écriait-il déjà en orateur, en maître puissant dans la réplique et dans l’invective ; et peut-être ne sont-ils pas dignes du siècle où tout se fait pour l’honneur, pour la gloire, et rien pour l’argent ; où les chevaliers d’industrie, les charlatans, les baladins, les proxénètes n’eurent jamais d’autre ambition que la gloire sans la moindre considération de profit ; où le trafic à la ville, l’agiotage à la Cour, l’intrigue qui vit d’exactions et de prodigalités, n’ont d’autre but que l’honneur sans aucune vue d’intérêt ; où l’on arme pour l’Amérique trente vaisseaux chargés de fournitures avariées, de munitions éventées, de vieux fusils que l’on revend pour neufs, le tout pour la gloire de contribuer à rendre libre un des mondes, et nullement pour les retours de cette expédition désintéressée… ; où l’on profane les chefs-d’œuvre d’un grand homme (allusion à l’édition de Voltaire par Beaumarchais), en leur associant tous les juvenilia, tous les senilia, toutes les rêveries qui, dans sa longue carrière, lui sont échappées ; le tout pour la gloire et nullement pour le profit d’être l’éditeur de cette collection monstrueuse ; où pour faire un peu de bruit, et, par conséquent, par amour de la gloire et haine du profit, on change le Théâtre-Français en tréteaux, et la scène comique en école de mauvaises mœurs ; on déchire, on insulte, on outrage tous les ordres de l’État, toutes les classes de citoyens, toutes les lois, toutes les règles, toutes les bienséances… Voilà donc Mirabeau devenu le vengeur des bienséances et des bonnes mœurs contre Beaumarchais, et Figaro passant mal son temps entre les mains du puissant athlète, qui le retourne et l’enlève de terre au premier choc.

1001. (1860) Ceci n’est pas un livre « Une préface abandonnée » pp. 31-76

À consulter la terminologie, le réalisme consisterait à représenter des sentiments vrais et des mœurs vraies. […] Henry Murger n’a étudié qu’un des mille côtés des mœurs contemporaines.

1002. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « Brizeux. Œuvres Complètes »

Pas une seule fois, dans ces trois livres de vers, pas une seule fois, un mot, un tour, — une étrangeté, — une incorrection qui sente le dialecte et les âpres habitudes de sa province n’est venu se mêler à la langue de ce poète par trop francisé à la fin, de ce chantre des mœurs bretonnes, sans courage quand il s’agit de risquer à propos un mot patois ! […] Comparez-le à un autre idyllique-élégiaque, — André Chénier, par exemple, — et malgré tout, malgré l’inspiration sensuelle et païenne, la vieille mythologie usée, tout un monde connu et l’imitation archaïque d’André qui se fait Grec, et aussi malgré l’inspiration chrétienne au contraire, qui donne toujours un accent profond, malgré des mœurs neuves en poésie, et supérieures en morale, enfin malgré tous les détails du pays moins connu et moins classique de ce Breton qui se défait Breton, voyez si l’originalité, l’inoubliable originalité, n’est pas du côté de celui qui devrait être, à ce qu’il semble, le moins original des deux !

1003. (1889) Les œuvres et les hommes. Les poètes (deuxième série). XI « M. Jean Richepin »

Dans mes impressions, à moi, les Gueux des Champs sont très supérieurs aux deux autres, et sans que le talent du poète y soit pour tout, mais par le fait aussi du sujet, de son atmosphère, de ses paysages, de ses superstitions et de ses mœurs. […] Il a l’impudence de nos mœurs.

1004. (1868) Les philosophes classiques du XIXe siècle en France « Chapitre II : M. Royer-Collard »

Il était né en Champagne, dans une famille qui ajoutait à la sévérité des anciennes mœurs provinciales la rigidité du christianisme primitif. […] Je choisis les croyances d’après leur utilité ; je suis homme de gouvernement ; je forme des théories pour les mœurs.

1005. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Deuxième partie. — Chapitre XXIII. »

Il semblait dans les mœurs comme dans la destinée de la nation : elle ne tendait plus au grand ; elle n’aimait plus ni la religion, ni la gloire, sans doute pour avoir abusé de l’une et de l’autre. […] Trop raffinée, trop amollie dans ses premiers rangs, trop inégale, trop disparate dans son assemblage, aussi forte par les lumières que faible par les mœurs, la société française était énervée pour l’invention, et avait besoin d’être rajeunie par des événements nouveaux.

1006. (1855) Louis David, son école et son temps. Souvenirs pp. -447

Et selon que la mode nouvelle est plus ou moins généralement adoptée, la révolution s’opère plus ou moins vite dans les mœurs, les usages et quelquefois dans les lois. Quelques années après, un nouveau changement de costume (celui des sans-culottes) signala une révolution bien autrement terrible dans les lois et dans les mœurs. […] Trop longtemps les tyrans, qui redoutent jusqu’aux images des vertus, avaient, enchaînant jusqu’à la pensée, encouragé la licence des mœurs, étouffé le génie. […] Étienne eut mainte occasion d’observer cette marche rétroactive des mœurs. […] Cette aventure mérite d’être rapportée, car elle peint la vivacité de caractère de Girodet et le laisser-aller qui régnait alors dans les mœurs.

1007. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Appendice. — [M. de Latena, Étude de l’homme.] » pp. 523-526

Il y a ici (à Verteuil en Angoumois) des disciples de M. de Balzac qui en ont eu le vent, et qui ne veulent plus faire autre chose. » Du temps de La Bruyère et dans le courant de sa vogue, il se déclara une véritable épidémie d’imitation : ce n’étaient que caractères et descriptions de mœurs à l’instar du maître.

1008. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « XI » pp. 39-46

Il n’y a plus là ombre de la vieille et saine religion gallicane et de cette modération qui marquait ses mœurs comme ses idées.

1009. (1874) Premiers lundis. Tome I « M. Laurent (de l’Ardèche) : Réputation de l’histoire de France de l’abbé de Montgaillard  »

Laurent, les meneurs de toutes les factions se sont montrés bien modestes, en se réunissant pour proclamer unanimement la nullité de celui qui, sans autre ressource que l’austérité de ses mœurs et de ses principes, parvint à les dompter tous, et ne succomba ensuite que pour avoir tenté de régulariser l’action révolutionnaire, dans un temps où elle ne pouvait céder encore à la prudence des hommes. » Nous avouerons que cette médiocrité absolue de Robespierre nous avait toujours un peu chagriné, et que nous ne pensions point sans quelque embarras que l’homme monstrueux qui a mis son sceau sur la plus épouvantable période de l’histoire du monde, et l’a, pour ainsi dire, frappée à son effigie, n’eût eu d’autre mérite que celui d’un phraseur vulgaire et d’un passable académicien de province.

1010. (1874) Premiers lundis. Tome II « Mort de sir Walter Scott »

D’un naturel bienveillant, facile, agréablement enjoué ; d’un esprit avide de culture et de connaissances diverses ; s’accommodant aux mœurs dominantes et aux opinions accréditées ; d’une âme assez tempérée, autant qu’il semble ; habituellement heureux et favorisé par les conjonctures, il s’est développé sur une surface brillante et animée, atteignant sans effort à celles de ses créations qui doivent rester les plus immortelles, y assistant pour ainsi dire avec complaisance en même temps qu’elles lui échappaient, et ne gravant nulle part sur aucune d’elles ce je ne sais quoi de trop âcre et de trop intime qui trahit toujours les mystères de l’auteur.

1011. (1874) Premiers lundis. Tome II « Poésie — Le Comte Walewski. L’École du Monde »

On lui a contesté encore la vérité des mœurs qu’il s’est piqué de rendre et l’espèce de haute société où il s’est voulu tenir.

1012. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Première partie. De la littérature chez les anciens et chez les modernes — Chapitre XIX. De la littérature pendant le siècle de Louis XIV » pp. 379-388

L’auteur qui a porté au plus haut degré de perfection, et le style, et la poésie, et l’art de peindre le beau idéal, Racine, est l’écrivain qui donne le plus l’idée de l’influence qu’exerçaient les lois et les mœurs du règne de Louis XIV sur les ouvrages dramatiques.

1013. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Quatrième partie. Élocution — Chapitre XI. De l’ignorance de la langue. — Nécessité d’étendre le vocabulaire dont on dispose. — Constructions insolites et néologismes »

Quant au vocabulaire, il faut distinguer entre les sens et les mots nouveaux que la mode met en vogue, qui tiennent à ce qu’il y a de plus fugitif, de plus léger dans les mœurs et les idées d’une époque, et les acquisitions définitives du langage, qui répondent aux mouvements décisifs de l’esprit, et aux transformations réelles de la société.

1014. (1899) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Septième série « Pour encourager les riches. » pp. 168-175

Je n’imagine pas qu’elle dépensât pour elle-même plus d’un demi-million, car elle n’avait pas de vices ; et, dans notre société aux mœurs peu fastueuses, il doit être difficile à une vieille femme, et qui vit seule, de dépenser davantage.

1015. (1882) Qu’est-ce qu’une nation ? « I »

De là ce résultat capital que, malgré l’extrême violence des mœurs des envahisseurs germains, le moule qu’ils imposèrent devint, avec les siècles, le moule même de la nation.

1016. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — P. — article » pp. 439-450

Le moyen d’estimer en effet un Auteur qui s’estime assez peu lui-même pour écrire indifféremment le pour & le contre ; qui n’est ni pour Baal, ni pour le Dieu d’Israël ; qui combat les Philosophes, & qui se déchaîne avec fureur contre leurs adversaires ; qui proscrit les Drames, & fait le panégyrique des Dramaturges ; qui s’érige en vengeur de la Religion & des mœurs, & qui loue la Pucelle & fait l’apologie des Romans de Crébillon ; un Auteur qui s’éleve contre le charlatanisme philosophique, & qui ne cesse de parler de lui-même, & qui se loue tantôt sous le masque d’Editeur, tantôt à visage découvert, & qui recueille & qui fait religieusement imprimer tous les Vers, tous les petits Billets où l’on dit quelque bien de lui ; un Auteur enfin qui mendie bassement des éloges, & qui se déchaîne ensuite contre ceux qui l’ont le plus loué, croyant, par cette odieuse manœuvre, donner du poids à la louange, & persuader qu’il ne l’a point sollicitée !

1017. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — Virgile, et Bavius, Mœvius, Bathille, &c. &c. » pp. 53-62

Les mœurs de Virgile furent encore moins respectées que sa naissance.

1018. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — L’Empereur Néron, et les trois plus grands poëtes de son siècle, Lucain, Perse & Juvénal. » pp. 69-78

Quoique libre dans la peinture qu’il fait des vices, il avoit des mœurs austères.

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