On a imprimé sous le titre de Longueruana, un Recueil de pensées & de prétendus bons mots, qui, s’ils sont véritablement de lui, donneroient une idée peu favorable de ses mœurs & de sa Religion.
D’autres aristocraties en Europe ont été conduites par des circonstances à peu près pareilles vers des mœurs à peu près semblables. […] En effet, c’est le monde qui fait alors l’opinion, et, par elle, il pousse aux mœurs dont il a besoin. […] Le monde avait les exigences d’un roi absolu et ne souffrait pas de partage. « Si les mœurs y perdaient, dit un contemporain, M. de Besenval, la société y gagnait infiniment ; débarrassée de la gêne et du froid qu’y jette toujours la présence des maris, la liberté y était extrême ; la coquetterie des hommes et des femmes en soutenait la vivacité et fournissait journellement des aventures piquantes. » Point de jalousie, même dans l’amour. « On se plaît, on se prend ; s’ennuie-t-on l’un avec l’autre, on se quitte avec aussi peu de peine qu’on s’est pris. […] Il était dans le vrai, ces deux extrêmes déshonorent par leur scandale. » (Sénac de Meilhan, Considérations sur les mœurs. […] Lauwrence, Qu’en dit l’abbé Watteau, le premier en date et en talent, transpose ces mœurs, et les peint d’autant mieux qu’il les rend plus poétiques. — Relire entre autres : Marianne, par Marivaux ; la Vérité dans le vin, par Collé ; le Coin du feu, la Nuit et le Moment, par Crébillon fils, et, dans la Correspondance inédite de Mme du Deffand, deux lettres charmantes, l’une de l’abbé Barthélemy, l’autre du chevalier de Boufflers (I, 258, 341).
J’ai toujours eu de la gravité dans mes mœurs et dans mes manières, sans hypocrisie toutefois, mettant de l’ordre, je le dirais volontiers, dans le désordre même, et n’ayant presque jamais failli qu’à bon escient. […] M. de Reumont, son biographe, prend trop à la lettre les imputations alors prématurées des ambassadeurs d’Angleterre contre les mœurs de ce prince. […] Ses mœurs avaient la licence de ses principes. […] Florence, où les mœurs de l’Italie triomphent, n’aperçoit pas même de scandale ; tout le monde, même le grand-duc Léopold, prend parti pour l’infortunée jeune femme, persécutée par son mari, consolée par son poète. Il ne faut pas juger ces rapports comme on les aurait jugés en France ; en fait de mœurs conjugales le pays des sigisbés absout tout.
On aurait ainsi, non pas précisément un document historique ajouté à tant d’autres, mais une grande chronique de mœurs, un ardent commérage de société par celle qu’on peut appeler le Gui Patin ou le Tallemant des Réaux de la fin du xviie siècle et des premières années du xviiie ; on aurait un livre vivant, spirituel et brutal, qui ferait pendant et vis-à-vis à Saint-Simon sur plus d’un point. […] Il y a un côté sérieux dans ces Lettres de Madame, celui par lequel elle juge les mœurs, les personnages et le monde de la Régence. […] Telle qu’elle est, avec toutes ses crudités et ses contradictions sur ce fonds de vertu et d’honneur, Madame est un utile, un précieux et incomparable témoin de mœurs.
Des savants italiens, notamment le comte Tiepolo, ont adressé à l’auteur et publié des « Observations critiques » dont plusieurs paraissent fondées sur une connaissance plus exacte des mœurs et sur l’autorité de documents particuliers, mais dont un grand nombre sont évidemment dictées par un esprit de nationalité plus louable que juste. […] C’est moins en chroniqueur et en peintre de mœurs locales qu’il envisage son sujet qu’en publiciste : l’intérêt lent, mais réel et qui tend au dénouement, est dans la réunion finale. […] Quelques-uns de ceux qui la professent prouvent par leur exemple que, pour être indépendant, l’homme n’a qu’à vouloir : mais pour une nation, il n’y a de garantie efficace qu’une bonne éducation politique, les mœurs et la sagesse.
Non ; si inférieurs aux Retz et aux La Rochefoucauld pour l’ampleur et la qualité de la langue et pour le talent de graver ou de peindre, ils connaissaient la nature humaine et sociale aussi bien qu’eux, et infiniment mieux que la plupart des contemporains de Bossuet, ces moralistes ordinaires du xviiie siècle, ce Duclos au coup d’œil droit, au parler brusque, qui disait en 1750 : « Je ne sais si j’ai trop bonne opinion de mon siècle, mais il me semble qu’il y a une certaine fermentation de raison universelle qui tend à se développer, qu’on laissera peut-être se dissiper, et dont on pourrait assurer, diriger et hâter les progrès par une éducation bien entendue » ; le même qui portait sur les Français, en particulier ce jugement, vérifié tant de fois : « C’est le seul peuple dont les mœurs peuvent se dépraver sans que le fond du cœur se corrompe, ni que le courage s’altère… » Ils savaient mieux encore que la société des salons, ils connaissaient la matière humaine en gens avisés et déniaisés, et ce Grimm, le moins germain des Allemands, si net, si pratique, si bon esprit, si peu dupe, soit dans le jugement des écrits, soit dans le commerce des hommes ; — et ce Galiani, Napolitain de Paris, si vif, si pénétrant, si pétulant d’audace, et qui parfois saisissait au vol les grandes et lointaines vérités ; — et cette Du Deffand, l’aveugle clairvoyante, cette femme du meilleur esprit et du plus triste cœur, si desséchée, si ennuyée et qui était allée au fond de tout ; — et ce Chamfort qui poussait à la roue après 89 et qui ne s’arrêta que devant 93, esprit amer, organisation aigrie, ulcérée, mais qui a des pensées prises dans le vif et des maximes à l’eau-forte ; — et ce Sénac de Meilhan, aujourd’hui remis en pleine lumière40, simple observateur d’abord des mœurs de son temps, trempant dans les vices et les corruptions mêmes qu’il décrit, mais bientôt averti par les résultats, raffermi par le malheur et par l’exil, s’élevant ou plutôt creusant sous toutes ; les surfaces, et fixant son expérience concentrée, à fines doses, dans des pages ou des formules d’une vérité poignante ou piquante. […] Voir le livre de Sénac de Meilhan, le Gouvernement, les Mœurs et les Conditions en France avant la Révolution, suivi des Portraits des personnages distingués de la fin du xviiie siècle, avec une Introduction par M. de Lescure (1862) ; et voir aussi l’intéressant article de ce dernier dans la Revue germanique du 1er septembre.
Rousseau disait dans la préface de la Nouvelle Héloïse : « J’ai vu les mœurs de mon temps, et j’ai publié ces lettres. » M. […] Il a fait mille raisonnements, mille remarques, bien des critiques, et quelques-unes sans doute à tort et à travers ; mais, tantôt approuvant, tantôt critiquant, il ne s’est en rien scandalisé, il n’a pas lancé l’anathème, cette arme n’étant plus dans nos mœurs ni à notre usage ; il a reconnu un esprit supérieur qui venait à lui et qui lui parlait (sauf à quelques rares endroits) un langage à sa portée, un langage toujours noble d’ailleurs, éloquent, élégant même : il n’a pensé qu’à s’informer auprès de lui et à s’instruire. […] Mais, à côté, un phénomène piquant et révélateur des mœurs s’est produit.
Il s’attache aussi à combattre l’idée que l’uniformité dans la législation soit nécessairement un bien, et ici, en se faisant l’organe des vieilles mœurs, des vieilles coutumes cantonnées sur divers points de la France, il se mettait en contradiction avec ce qu’il devait plus tard accomplir comme l’un des principaux rédacteurs du Code civil. […] Il y disait en réponse à ceux qui regardaient le serment comme une garantie : Il eût été digne de notre siècle de reconnaître que le serment est une bien faible épreuve pour des hommes polis et raffinés ; qu’il n’est nécessaire que chez des peuples grossiers à qui la fausseté ou le mensonge coûte moins que le parjure ; mais que dans nos mœurs cette auguste cérémonie n’est plus qu’une forme outrageante pour le ciel, inutile pour la société, et offensante pour ceux qu’on oblige à s’y soumettre. Après avoir traité la question dans sa généralité, il arrivait au fond même, et il ne craignait pas de dire le secret des cœurs : « Les prêtres non assermentés sont, dit-on, violemment soupçonnés de n’avoir jamais aimé la Révolution. » Et en ne les justifiant qu’autant qu’il le fallait pour rester dans le vrai, il maintenait que le cours des pensées est libre et doit être ménagé tant qu’il ne se traduit point en actes coupables : « Quand il s’opère une grande révolution dans un État, il n’est pas possible que tous les membres de cet État changent d’habitudes, de mœurs et de manières dans un instant.
La contrée est agréable ; à côté de la maison que nous habitons, nous avons un beau lac et une belle forêt ; l’art y procure tous les fruits que la nature refuse ; les mœurs du pays sont douces ; il y a beaucoup d’instruction dans les hautes classes de la société, et l’on trouve encore chez elles des principes religieux que l’on n’y soupçonnerait pas ; chaque seigneur rend, avec une sage mesure, la liberté à ses vassaux ; il les rend propriétaires, il leur fait du bien sans commotion, et il cherche à leur inspirer, non l’amour du changement, mais celui du travail et de l’industrie. […] La portion supérieure de son ouvrage est celle où il montre la décomposition de la société par les sophistes, espèce destructive si éloignée en tout de ces hommes à grand caractère et à grandes vues positives, qui ont fondé les sociétés et institué les peuples : « Le faux esprit philosophique est une lime sourde qui use tout. » Il distingue entre les diverses sortes de corruption publique : malgré sa bonté morale personnelle, il sait à quoi s’en tenir sur le fond de l’homme ; les passions étant les mêmes en tout temps, les mœurs aussi sont toujours à peu près les mêmes, ce ne sont que les manières qui diffèrent : mais la différence est grande, d’une corruption qui n’est que dans les mœurs, et à laquelle de sages lois peuvent remédier, d’avec cette corruption subtile qu’un faux esprit philosophique a naturalisée dans la morale publique et dans la législation.
Les contemporains d’une œuvre de valeur relative, frappés par l’exactitude du détail, par la justesse extérieure du portrait, par les allusions aux mœurs du jour, flattés dans leurs défauts mêmes, les contemporains sont trop partie intéressée pour être de bons juges ; ils confondent aisément ce qui n’est que photographie instantanée avec ce qui est œuvre d’art. […] Du point de vue historique que je développe ici, les œuvres de valeur relative ont leur grande importance ; elles reflètent les mœurs et les goûts de leur époque avec une fidélité particulière ; elles eurent souvent un succès plus grand que les œuvres de valeur absolue ; chez celles-ci, c’est l’individu en ce qu’il a d’éternel qui l’emporte ; chez celles-là, c’est l’esprit général d’une époque disparue ; il faut donc en tenir grandement compte pour l’histoire des genres littéraires qui sont en rapport intime avec le développement politique et social de la nation ; la démonstration de ce rapport sera un des résultats essentiels de mon étude. […] Nous englobons, sous le nom de « comédies », des œuvres très dissemblables ; par exemple, des tableaux de mœurs, des revues, qui n’ont de dramatique que la forme dialoguée, mais qui sont sans action et sans caractères.
Ce sont des échantillons curieux du degré d’aménité où en sont venues nos mœurs littéraires.
Sa santé altérée par le travail, répandit sans doute sur son style une sécheresse que ses mœurs n’avoient pas.
Son Commentaire sur les Œuvres de Moliere ne se borne point à des Remarques grammaticales ; il offre encore des observations pleines de goût, de finesse & de solidité sur les mœurs, les usages, les modes ; des anecdotes relatives à chaque Comédie, & des réflexions critiques, très-propres à ramener les esprits aux vrais principes d’un art qui se dénature tous les jours.
Bunel n’est pas moins recommandable par la pureté de ses mœurs, que par celle de son style.
Tant qu’il existera, par le fait des lois et des mœurs, une damnation sociale créant artificiellement, en pleine civilisation, des enfers, et compliquant d’une fatalité humaine la destinée qui est divine ; tant que les trois problèmes du siècle, la dégradation de l’homme par le prolétariat, la déchéance de la femme par la faim, l’atrophie de l’enfant par la nuit, ne seront pas résolus ; tant que, dans de certaines régions, l’asphyxie sociale sera possible ; en d’autres termes, et à un point de vue plus étendu encore, tant qu’il y aura sur la terre ignorance et misère, des livres de la nature de celui-ci pourront ne pas être inutiles.
Rousseau apparaît comme aussi fausse pour le monde des idées qu’elle est extravagante pour celui des mœurs. […] Mais les minuscules événements de la vie nationale sont les plus révélateurs quelquefois pour l’analyste des mœurs. […] J’en discerne trois principaux. — Le premier consiste dans les mœurs. […] Je dis : « à peu près », car une définition précise des mœurs bourgeoises n’est pas commode. […] — À ses mœurs ?
En vain y chercheroit-on un plan, un sujet, de la liaison, de la vraisemblance ; tout y est confondu ; ce n’est qu’une ivresse perpétuelle, qui produit de temps en temps quelques saillies, dont les honnêtes gens ne doivent pas faire assez de cas, pour s’en amuser aux dépens du goût & des mœurs.
Nous avons, dit-on, la liberté de la presse ; mais un livre comme celui de La Bruyère trouverait-il grâce devant nos mœurs ? […] Entre un feuilleton sur la Princesse de Clèves et un autre sur Eugène de Rothelin, elle abordait franchement le roman de Louvet, et, sans grosse indignation, sans se voiler, elle le persiflait comme prétendu tableau de mœurs, le convainquait de faux, et le renvoyait aux couturières, marchandes de mode, garçons perruquiers et clercs de procureurs d’avant la Révolution, pour lesquels il avait été fait sans doute. Mme Roland, qui trouvait ce roman joli, et qui précisément y cherchait avec un secret plaisir les mœurs d’une classe qu’elle détestait, serait devenue pourpre, si elle avait lu le feuilleton de Mlle de Meulan, et aurait du coup été guérie. […] Je trouve, en juillet et août 1809, des articles d’elle sur Collin d’Harleville ; elle distingue en son talent deux époques diverses séparées par la Révolution, l’une marquée par des succès, l’autre par des revers ; dans cette dernière, Collin, très-frappé du bouleversement des mœurs, essaya de les peindre et y échoua : « Car, dit-elle, ce n’était point la société que Collin d’Harleville était destiné à peindre ; ses observations portent plutôt au dedans qu’au dehors de lui-même : il peint ce qu’il a senti plutôt que ce qu’il a vu, etc. » Le nom de Collin d’Harleville restera dans l’histoire littéraire, et on courrait risque, en ignorant ce jugement d’un coup d’œil si sûr, de voir et de dire moins juste à son sujet. — On réimprimait et on publiait alors, vers 1806, chez Léopold Collin, une quantité de lettres du dix-septième et du commencement du dix-huitième siècle, de Mademoiselle de Montpensier, de Ninon, de Mme de Coulanges, de Mlle de Launay, etc. ; Mlle de Meulan en parle comme l’eût fait une d’entre elles, comme une de leurs contemporaines, un peu tardive. […] Son bonheur fut grand : sa sensibilité, qui s’accroissait avec les années, délicat privilége des mœurs sévères !
Mêlez à tout cela des satyres qui représentent la brutalité, un peu de magie, des danses champêtres, des travestissements, des vers coulants, faciles, des apostrophes aux oiseaux, aux forêts, à la nature entière, ajoutez-y comme dénouement des mariages où l’on voit des rois épouser des bergères ; vous aurez une idée de la façon dont une société mondaine transpose à son usage les mœurs villageoises, et du même coup vous aurez la preuve qu’à l’agriculture aimée et florissante correspond l’idylle dans le livre et sur le théâtre. […] Il songea à l’établir au Brésil, à Madagascar, sur les bords de la mer d’Aral ; puis il se convainquit que le siècle de fer où il vivait ne se prêtait pas à cette résurrection des mœurs innocentes qui avaient dû, suivant lui, exister à l’origine des temps, et il se décida, non sans soupirer, à reporter dans le passé ses rêves d’avenir, à se réfugier dans l’antiquité, à imaginer en Arcadie un peuple de bergers et de laboureurs vivant dans la paix, la candeur et la prospérité. « Les mœurs, disait-il, y sont patriarcales comme aux premiers jours du monde. […] Dans ces rapports perpétuels avec des hommes ayant d’autres lois et d’autres mœurs, l’esprit s’élargit, apprend à supporter des idées nouvelles, à goûter des formes imprévues du beau ; l’amour-propre national y perd de sa naïve infatuation. […] Les éloges tarifés sont entrés dans le courant des mœurs littéraires ; on commence à trouver naturel d’acheter sa gloire : n’est-ce pas aussi une marchandise qui se monnaie à son tour ?
Ce qui paroîtra étonnant, c’est que ce Moine, qui avoit, dit-on, des mœurs si dures, qu’il se rendoit insupportable à tous ce qui l’environnoit, & qui fut obligé, par cette raison, de se démettre de son Abbaye, ait traduit en François les Lettres d’Abailard & d’Héloïse d’une maniere plus libre que son état, son caractere, le texte même, ne devoient le lui permettre.
Par une adresse sans égale, Il prit soin de former les mœurs, En cachant, sous l’appas de ses Vers enchanteurs, Les traits d’une austere Morale.
Quoique cet Ouvrage ne soit pas aussi piquant que le plan de l’Auteur sembloit le promettre, il n’en annonce pas moins un homme zélé pour les bons principes, & digne en cela de l’estime & de la reconnoissance de tous les Citoyens qui s’intéressent à la gloire de la Religion & au maintien des bonnes mœurs.
Il est aisé de voir que ce n’est pas le désir de la célébrité qui lui a fait prendre la plume contre les Philosophes ; c’est l’amour de la Religion qu’ils s’efforcent d’anéantir, l’amour des mœurs qu’ils corrompent, l’amour de l’humanité entiere qu’ils affligent par leurs systêmes également absurdes & désolans.