Ils tentèrent de s’échapper par un souterrain ; mais, ne l’ayant pu, ils ne voulurent pas laisser à leurs ennemis la joie de les voir mourir. « A cette époque, dit l’historien, la fureur des combats de gladiateurs avait fait inventer une espèce de suicide à deux. […] Au moment où cette belle jeune femme au regard sombre emmène avec elle son frère à cheval, fusil sur l’épaule, et sourit d’une joie maligne, on est comme miss Nevil, et un frisson vous prend : il semble qu’Orso soit ressaisi par la voix fanatique du sang, et qu’il entré sous l’influence barbare. […] On se rappelle la joie fière, le rayonnement orgueilleux de Colomba emmenant et comme reconquérant son frère ; on le comparerait au délire, aux transports éperdus d’Électre reconnaissant le sien : « O chère lumière !
C’est d’elle que sort toute notre vie morale, avec ses joies et ses remords. […] Je me rappelle une chienne qui m’accompagnait à la chasse avec de vives démonstrations de joie. […] Ainsi abandonnons-nous un plaisir à un ami, même, par politesse, à un indifférent, et parfois à un adversaire déclaré, sans autre compensation que la joie de celui qui en profite à notre place.
Paul Bourget manquait des fiertés qui permettent d’échapper aux joies viles et chacune de ces auges a senti le reniflement content de son groin. […] J’éprouverais, sans doute, une joie rageuse à cingler encore cet homme habile sur quelques-unes de ses plus purulentes insuffisances. […] Mon premier mouvement — avec quelle joie j’y céderais !
L’abbé Gerbet fut le consécrateur et l’exhortant dans cette scène si profondément sincère et si douloureusement pathétique, mais où le chrétien retrouvait de saintes joies. C’est le sentiment vif de cette incomparable et idéale agonie qui lui inspira un Dialogue entre Platon et Fénelon, où celui-ci révèle au disciple de Socrate ce qu’il lui a manqué de savoir sur les choses d’au-delà, et où il raconte, sous un voile à demi soulevé, ce que c’est qu’une mort selon Jésus Christ : Ô vous, qui avez écrit le Phédon, vous, le peintre à jamais admiré d’une immortelle agonie, que ne vous est-il donné d’être le témoin de ce que nous voyons de nos yeux, de ce que nous entendons de nos oreilles, de ce que nous saisissons de tous les sens intimes de l’âme, lorsque, par un concours de circonstances que Dieu a faites, par une complication rare de joie et de douleurs, la mort chrétienne, se révélant sous un demi jour nouveau, ressemble à ces soirées extraordinaires dont le crépuscule a des teintes inconnues et sans nom ! […] Dans cette vie déjà longue où pas une mauvaise pensée ne s’est glissée, et qui a échappé à toute passion troublante, il a gardé la joie première d’une belle âme pure.
L’univers entier est pour lui un motif de joie, d’amour et d’étude. « Celui qui se renferme en lui-même, ajoute la même critique, pour rêver d’après ses goûts des types de perfection idéale… n’est certainement pas l’homme qui sait le mieux… tirer des campagnes et des buissons qui entourent sa demeure le contentement et les inspirations qu’ils pourraient fournir, — et ce n’est pas lui non plus qui sera le plus grand artiste. » Ceci nous montre tout ce qui sépare la riche émotivité de Ruskin, l’homme qui « découvre le côté frappant de chaque chose », de la sèche artificialité des Préraphaélites, de Rossetti et de Burne-Jones notamment, « rêvant d’après leur goût des types de perfection idéale ». […] L’art d’aujourd’hui est une ré-intronisation des joies de la lumière. […] C’est aussi le grand Böcklin, que la France ignore totalement ; mais qui est l’âme de la jeune peinture en Allemagne et en Suisse, Böcklin, le peintre de la joie ; c’est encore l’école de Worpswede, où quelques artistes travaillant en pleine nature, ont déjà produit des œuvres merveilleuses.
Que la musique exprime la joie, la tristesse, la pitié, la sympathie, nous sommes à chaque instant ce qu’elle exprime. […] Il ressemblerait au plaisir plutôt qu’à la joie. […] Il suffit que dans la joie de l’enthousiasme il y ait plus que dans le plaisir du bien-être, ce plaisir n’impliquant pas cette joie, cette joie enveloppant et même résorbant en elle ce plaisir. […] Mais l’âme qui s’ouvre, et aux yeux de laquelle les obstacles matériels tombent, est toute à la joie. Plaisir et bien-être sont quelque chose, la joie est davantage.
L’assassin qui a réussi son crime de point en point éprouve d’autres joies que celle de l’avidité désaltérée. […] Sa joie, qui sait se contenter d’apparences, est surtout de frauder et de braver. […] L’homme se figure être libre et tire de cette illusion de la joie et de la fierté. […] La joie de se grandir par un acte difficile : qui comprend cela ? […] Voltaire en eût tressailli de joie.
Cherchez à transformer l’Hymne à la joie de Beethoven en un tableau, laissez votre imagination s’exalter au moment où le poète nous montre les millions d’êtres prosternés dans la poussière, et vous vous approcherez de Dionysos. […] Elle ne traduira donc pas la tristesse ou la joie d’un individu déterminé, ni telle tristesse ou telle joie, ou telle colère, ou telle terreur particulière ; elle traduira simplement la Joie, la Tristesse, la Colère, la Terreur, en quelque sorte d’une façon générale et abstraite, sans aucune des contingences qui font de ces sentiments la caractéristique d’un moment de notre existence, la joie, la tristesse, la colère, la terreur de l’espèce. […] Ici parlent une autre sensualité, une autre sensibilité, une autre joie. […] Si souvent qu’ils les aient jouées, ils reviennent toujours avec joie à ses grandes œuvres symphoniques. […] Elle commence avec les sons vagues et informes que murmure le nouveau-né pour manifester sa joie d’être, et elle ne s’arrête qu’au cri rauque que nous arrache la douleur, la colère ou l’effroi.
Bellessort ne rougit point de chanter ses joies et ses tristesses.
La claire chanson enthousiaste que voilà a la toujours enivrante joie du printemps, de l’été, de l’automne, et la gravité prometteuse de l’hiver !
Et la Vie que nous avions créée, créée afin de nous donner la joie créatrice, a perdu son caractère premier. […] C’est les émotions, la passionnante angoisse et la fervi de joie, états suprêmes, et rares de l’esprit ; elles sont encore un tourbillon confus de couleurs, de sonorités et de pensées : et puis un éblouissement devant ce vertige. […] C’est quelque jeu enfantin, car tous les visages disent une joie franche et douce de jouerie, devant l’inquiète attitude de la fille qui est debout. […] Ses œuvres ne sont point graves, peut-être, ni doctorales ; mais je leur dois une émotion vivante, et la très sainte joie de l’Art. […] Rien de plus ingénu, de plus pudique, et de plus saintement tendre, que l’allégresse, la joie sans mélange d’arrière-pensée ou de rancœur jalouse, par lesquelles Elisabeth accueille son chevalier que lui amène Wolfram lui-même.
Son suc cordial circule parmi les êtres comme une sève généreuse ; il nourrit la force des héros et la joie des dieux. — Un de ces hymnes nous montre Indra, le Roi solaire, l’archer de la foudre, enivré par Soma ; et l’on croit voir le Bacchus indien, tel que l’art grec le représentera si magnifiquement plus tard, la barbe ruisselante, la mitre inclinée sur sa chevelure aux longues tresses, chanceler avec majesté dans les nues. […] Il séduisait l’homme par la joie, il l’attendrit par la mort qu’il partage et souffre avec lui. […] Alors une furie de joie succédait à l’explosion de douleur : des prostitutions en masse fêtaient la résurrection de « l’Unique ». […] Mais elle retient de force le petit bien-aimé, le couronne de fleurs, et fait de lui toutes ses joies. » — Zeus, pris pour arbitre, décida qu’Adonis appartiendrait quatre mois à Cypris, quatre mois à Perséphone, et quatre mois à lui-même. […] Toutes les tristesses des deuils précoces, tout ce qu’il y a d’éphémère dans les beautés et les joies terrestres s’exprimait par ce corps charmant, languissamment renversé.
Vous vous êtes, pour un instant, identifié avec la pensée du savant, soit qu’il fût alors agité par une conception nouvelle et sur la trace d’un des mystères de la nature, soit qu’il fût encore animé de la joie d’une découverte récente, ou bien qu’il ait résumé devant vous l’état de la science contemporaine dont il est en partie le créateur, l’éclairant par des traits imprévus d’une grandeur saisissante. […] C’est ce que cet illustre et cher Claude Bernard aimait à nous répéter dans des entretiens intimes : « Pour le vrai savant, nous disait-il, la joie de la découverte est profonde et pure, mais elle est courte. […] Sa langue si pure, si habile, si nuancée, quand il reste dans les sujets antiques ou dans ceux qui n’ont pas d’âge, ceux que fournit le cœur humain, éternel dans ses douleurs, dans ses passions et ses joies, cette même langue s’embarrasse et se trouble dès qu’elle touche à des idées scientifiques ou à des pensées modernes que le vers français n’était peut-être pas encore en état de soutenir et d’exprimer. […] Il veut y corrompre d’avance tout germe vivant, éteindre à son aurore toute forme d’idéal qui pourrait éclairer ou consoler la planète maudite ; il imagine tous les supplices, la vie, qu’il rend plus sensible pour en faire une proie plus vulnérable à la douleur, l’amour, avec la mort pour en détruire toutes les joies, la Beauté souillée, la Vérité se montrant à l’homme pour l’égarer dans une vaine poursuite, la Liberté ignorante et profanée par ses propres œuvres. […] Malgré les plaintes touchantes de la Voix qui ne cesse de faire appel à des idées moins sombres, à tous les sentiments, à tous les souvenirs enchanteurs, à toutes les joies honnêtes et pures qui consolent l’homme de porter le poids et le joug de ces lois si dures, le Chercheur continue son enquête.
Il y a une réelle joie dans la découverte qu’ils ont faite de leur sexe et du sexe féminin ! […] Ils ont découvert l’anus et les sous-produits intestinaux, Et leur joie pourtant déjà grande s’en est encore accrue. […] Le christianisme nous frappe de terreur en nous montrant l’abîme sur lequel nous vivons, mais peu à peu, il apparaît que cette terreur ne nous est que salutaire, car elle laisse une place pour la joie, cette joie que le paganisme avait méconnu. […] Il a fondé et dirigé les revues La Joie musicale et Disques.
Anonyme C’est un livre de poésie pure, c’est aussi un livre de réalité poignante, un salut en même temps qu’un adieu à la vie, puisqu’il s’agit d’un poète, atteint du mal inguérissable de la phtisie, dont il meurt, dont il se sent mourir, agonisant amoureux de la nature, des cieux de Provence, des joies des choses, des tendres caresses de la femme, de tout ce qui ravit les autres et qu’il faut quitter.
Il mettait sa joie à déplaire et son orgueil à paraître odieux. […] La mort n’altère pas sa joie immense. […] Il y perdrait la joie du cœur et la paix de l’âme. […] Je ne puis lui donner cette joie. […] Mais votre joie nous attriste plus encore que la tristesse des autres.
Sa compagnie, sa joie, son amour, c’était sa sœur Lucile, nature exaltée, nerveuse, avec qui il rêva de vies merveilleuses, de courses lointaines, et de sensations toujours renouvelées. […] Il n’y a que lui qui ait ces joies, ces douleurs, ces désirs, ces dégoûts. […] Il se donna toutes les joies, toutes les grandeurs, sans avoir besoin de personne : et il se sentit au-dessus de l’humanité. […] Chateaubriand dérive foyer de foi ; et là-dessus nous fait admirer dans la foi la source de toutes les vertus, de toutes les joies domestiques.
Aucune de nos joies n’est innocente. […] Ces remarques ne vont pas sans une secrète joie et un orgueil inavoué. […] Aussi leur joie de ce bonheur n’est jamais pure ou bien elle est très superficielle et passagère. […] Il jouera de son mieux et s’efforcera vers le triomphe, mais se gardera peut-être aussi des joies outrecuidantes et des désillusions amères.
Semblable métamorphose s’indique au désintéressement du critique qui n’a pas derrière soi, prêt à se ruer d’impatience et de joie, l’abîme d’exécution musicale ici le plus tumultueux qu’homme ait contenu de son limpide vouloir. […] Toujours ce héros, qui foule une brume autant que notre sol, se montrera dans un lointain que comble la vapeur des plaintes, des gloires, et de la joie émises par l’instrumentation, reculé ainsi vers des commencements. […] Dans la salle vaguement aperçue, tout à coup l’obscurité tombe, et un grand silence ; alors, en la nuit des yeux et des oreilles et de l’esprit, en la nuit vibrante des quinze cents âmes stupéfiées, un son naît, une résonnance voilée, une sonorité atténuée, emmêlée, dispersée, un mystique résonnement, — inlocalisable, — une intimement chaude mélodie, qui monte, qui s’enfle, et qui dans l’air invisible flotte, portant la pré-sensation des futurs tressaillements du Drame. — Ainsi le Drame se lève : — un rideau s’entrouvre, et, dans le fond, — saillant d’un cadre lointain, noir, obscur, vague, et indistinct, — un paysage apparaît, que nous attendions, et les hommes y sont, dont la vie, en nous inconsciemment vécue déjà, se va en nous revivre évidemment ; — tandis que, parmi l’angoisse des vivantes passions, des désespoirs, des joies, et des extases qui se poussent et s’appellent, parmi l’inéluctable empoignement des très réelles émotions, peu à peu nous descend, insensiblement et nécessairement, l’Explication, l’Idée, la Loi, le prodigieux troublement de l’Unité dernière, comprise. […] Siegfried, le héros prédestiné, ayant éveillé Brünnhilde, les deux, en la joie claire de leur virginal embrassement, apportaient au Monde l’ère sereine de l’Amour.
Ce ne fut pas là du reste la seule joie de Jésus. […] La joie de son arrivée put ramener Lazare à la vie.
le cœur est trop petit pour contenir de si immenses joies (de n’avoir plus l’heure de Berne, mais de Paris !!!) […] Elle en aurait parlé avec orgueil et joie.
Vous ne vous répondrez peut-être pas, mais vous aurez constaté le phénomène dans cette humanité qui doit mourir, mais qui, en attendant qu’elle meure, goûte un charme amer dans le spectacle de sa misère, et trouve dans la contemplation d’un vieux pauvre ou d’une vieille pauvresse la plus longue de ses rêveries… Cette fascination de la pauvreté qui agit sur nous tous, pas de doute que Benoît Labre ne l’ait ressentie ; mais si vous ajoutez à cette poésie naturelle la poésie de l’amour de Dieu, du Dieu né dans l’étable de Bethléem et qui a enseigné le renoncement aux joies matérielles de la vie, vous aurez une vie très particulière et très belle, et qui, même sans la foi chrétienne qui seule peut l’expliquer, doit couper le rire sur les lèvres superficielles et sottes des moqueurs. […] Pour vivre de cette vie révoltante aux sens, mais que je maintiens poétique pour l’esprit, et pour l’âme croyante abondante en joies supernaturelles et célestes, il avait quitté de bonne heure des parents pieux qui l’adoraient.
Nadaud, lui, se tient à l’écart de la mêlée ; sa poésie, aux goûts calmes, pêche à la ligne, prend les goujons et regarde sans trouble passer le fleuve des révolutions… La joie n’est pas le chant complet du monde, le plaisir n’est pas l’amour, l’esprit n’est pas la liberté.