Les uns devoient être dans les intérêts de l’université ; & les autres dans ceux de Ramus. […] Quelques excuses qu’ils alléguent, ils soutiennent mal les intérêts de la religion. […] Il se remit de tous ses intérêts à un de ses amis. […] Ils se laissèrent entraîner à la véhémence de ses déclamations, & le couronnèrent malgré leurs propres intérêts. […] Philippe II, qui avoit de grands intérêts d’état à soutenir, ne voulut pas se mêler de ces querelles de l’école.
La philosophie spiritualiste, dans cette question, travaille pour son propre compte, et non dans un autre intérêt. […] Est-ce dans un intérêt pratique que l’on devient mystique ? […] Cousin, dans sa critique de Locke, dans sa critique de Kant, dans les arguments de Platon, dans ses fragments, a prouvé que l’intérêt scientifique l’a préoccupé au moins autant que l’intérêt pratique. […] Il y va non-seulement des intérêts de la philosophie, mais des intérêts moraux et religieux de l’humanité, car il en est de l’esprit scientifique comme de la révolution, on ne le refoulera pas. […] Il croit à la responsabilité morale, à la justice distincte de l’intérêt, au droit et au devoir fondés sur des rapports absolus.
Magnin a défriché, l’un des premiers, avec infiniment de labeur et de patience, et avec un notable succès, des portions d’histoire littéraire ingrates et restées encore obscures ; les origines de notre comédie nationale lui doivent beaucoup ; il y a porté une curiosité d’examen, un intérêt et une finesse d’attention, un goût délié, une clarté et une élégance d’exposition qui le désignent à l’estime de quiconque reprendra la suite de ces mêmes études. […] Le savant voyageur Lechevalier, celui de la Troade, qui portait intérêt au brillant élève, ne l’appelait plus depuis ce jour que « le chancelier de Zénobie. » Cependant il n’y avait que le prix d’honneur, c’est-à-dire le premier prix de discours latin, qui exemptât de la conscription : on fit valoir, à l’appui du discours français du jeune lauréat, sa santé délicate, sa taille frêle, sa poitrine un peu rentrée, et il ne partit pas. […] Il voulait, dit-on, les unir, les coordonner suivant les matières pour en former un volume nouveau : il aurait mieux fait de suivre simplement l’ordre des dates et de recueillir tout ce qui avait gardé de l’intérêt. […] « A la même époque, la vraie comédie, glacée par le décorum classique ou mutilée par la censure, ne produisait que des avortons sans vérité et sans intérêt.
Enfin nos conversations rouleraient sur vous, sur votre famille, le nombre de vos enfants, leur établissement, toutes choses auxquelles je prends un intérêt sincère, et dont je suis réduit à ne vous parler que de très loin, puisque vous habitez sur les bords du Mein, et moi les bords de la Loire, et que de plus je suis né en 1754. […] « Dominé par l’honneur et l’intérêt du prince, par l’amour de la liberté fondée sur l’ordre et sur les droits de tous, un ministre des affaires étrangères, quand il sait l’être, se trouve ainsi placé dans la plus belle situation à laquelle un esprit élevé puisse prétendre… » L’idéal est magnifique, et à la façon dont il en parlait, on était tenté de croire qu’il l’avait autrefois rempli de tout point dans la pratique. […] Dieu nous garde, si un intérêt majeur pour eux y est engagé, de la douceur des corrompus ! […] Je ne suis pas en mesure de discuter ce point ; pour cela les termes de comparaison me manquent ; le doute d’ailleurs n’offre ici aucun inconvénient, cette lettre isolée n’ayant d’intérêt que comme échantillon et comme exemple de la manière familière et simple avec laquelle M. de Talleyrand traitait la politique dans l’intimité.
En effet elle représente juste, et sans un sou de trop : en premier lieu, l’intérêt du capital primitif qu’il a mis dans son exploitation, bestiaux, meubles, outils, instruments aratoires ; en second lieu, l’entretien annuel de ce même capital, qui dépérit par la durée et par l’usage ; en troisième lieu, les avances qu’il a faites dans l’année courante, semences, salaires des ouvriers, nourriture des animaux et des hommes ; en dernier lieu, la compensation qui lui est due pour ses risques et ses pertes. […] Quant aux journaliers de campagne et aux colons, le propriétaire, même privilégié, qui les emploie, est obligé de prendre à son compte une partie de leur cote ; sinon, n’ayant pas de quoi manger, ils ne travailleraient plus668 ; même dans l’intérêt du maître, il faut à l’homme sa ration de pain, comme au bœuf sa ration de foin. « En Bretagne669, c’est une vérité notoire que les neuf dixièmes des artisans, quoique mal nourris, mal vêtus, n’ont pas à la fin de l’année un écu libre de dettes » ; la capitation et le reste leur enlèvent cet unique et dernier écu. […] Il est à eux dans les termes de leur contrat ; ils vont lui faire suer non seulement leurs avances et les intérêts de leurs avances, mais encore tout ce qu’ils pourront de bénéfices. […] Entre ces mains ignorantes et partiales, ce n’est pas l’équité qui tient la balance, c’est l’intérêt privé, la haine locale, le désir de vengeance, le besoin de ménager un ami, un parent, un voisin, un protecteur, un patron, un homme puissant, un homme dangereux.
Il devait plus tard faire partie de notre intérieur de famille pendant quelques années ; compagnon volontaire de mes travaux et de mes tribulations intimes à la ville et à la campagne, mais compagnon sans intérêt, auxiliaire sans solde, payé en amitié comme il assistait en tendresse, génie familier et serviable du foyer, genius loci, comme Cicéron l’écrit d’un de ses secrétaires à qui il enseignait l’éloquence, et qui polissait ses harangues à Tusculum. […] Je le voyais tous les jours ; il donnait, par pur intérêt de cœur, à ma santé encore frêle les soins d’une mère plus que d’un médecin. […] Quel intérêt avait-il à me flatter ? […] Il écrit, à ce que disent ses amis, un poème épique familier dont la vie privée, sans aventures et sans merveilleux, sera le sujet, poème qui ne prendra son intérêt que dans les lieux, les choses, les impressions qui nous enveloppent tous et tous les jours : l’épopée du coin du feu.
Puisque ce premier chapitre sur la critique littéraire des Girondins par l’auteur des Girondins lui-même, à vingt ans de distance, a eu pour mes lecteurs un intérêt littéraire et politique que je ne prévoyais pas, continuons, et donnons-leur, pendant ces deux Entretiens encore, la suite de ces explications. […] I Toutes ces alliances de partis antipathiques, toutes ces audaces de défection dans les favoris de la couronne, toutes ces pressions déloyales sur la royauté que chacun voulait dominer sous prétexte de la servir, toutes ces trahisons après la victoire, toutes ces faiblesses du parlement devant les passions des hommes qui l’ameutaient pour le compromettre dans leurs brigues, toutes ces simonies de l’intérêt public devant les cupidités individuelles du pouvoir, toutes ces agitations sans but, qui faisaient bouillonner sans cesse la France et qui la remplissaient de haines, de factions, de passions, au lieu de la calmer et de l’occuper de ses intérêts urgents et permanents, me dégoûtaient prodigieusement, je l’avoue, de ce qu’on appelle le régime parlementaire. […] Balayer de la scène le moyen âge et installer à sa place un âge de justice, de logique, de vérité, de liberté, de fraternité, conçu d’une seule pièce et jeté d’un seul jet ; En religion, conserver la belle morale et la sainte piété chrétienne, en détrônant les intolérances ; En politique, supprimer les féodalités oppressives des peuples, pour les admettre aux droits de famille nationale, et leur laisser la faculté de grandir au niveau de leur droit, de leur travail, de leur activité libre ; En législation, supprimer les privilèges iniques pour inaugurer les lois communes à tous et à tous utiles ; En magistrature, remplacer l’hérédité, principe accidentel et brutal d’autorité, par la capacité, principe intelligent, moral et rationnel ; En autorité législative, remplacer la volonté d’un seul par la délibération publique des supériorités élues, représentant les lumières et les intérêts généraux du peuple tout entier ; Enfin, en pouvoir exécutif, respecter la monarchie, exception unique à la loi de capacité, pour représenter la durée éternelle d’une autorité sans rivale, sans éclipse, sans interrègne ; honorer cette majesté à perpétuité de la nation, mais la désarmer de tout arbitraire, et n’en faire que la majestueuse personnification de la perpétuité du peuple : voilà la véritable Révolution française, voilà le plan des architectes sages et éloquents des deux siècles.
Non ; aucun homme d’État ne pouvait, de bonne foi, se faire une illusion pareille ; la guerre à mort entre l’ordre public, qui est l’intérêt et le droit de tous, et la presse libre, qui n’est que l’intérêt d’un petit nombre d’hommes de plume sans mandat et sans responsabilité, était évidemment l’état sauvage, au lieu de l’état régulier d’une nation en état légal. […] On ne peut se dissimuler, en les lisant aujourd’hui, que saint Augustin et Jean-Jacques Rousseau, dans leurs Confessions, ne lui aient servi de modèles, et qu’il n’ait espéré les surpasser, non-seulement par le charme du style, mais par l’intérêt de tout genre qui s’attache aux écrits des choses de son temps. […] Quant à l’intérêt que l’auteur prétend emprunter au récit des choses de son temps, les Mémoires sont un cadre trop étroit pour un siècle ; ils ne peuvent donner que les généralités et les aperçus dont l’effet est trop fugitif et trop rapide pour le lecteur.
Assistée de cette science nouvelle, l’histoire nous enseigne par quel travail se forme et se développe une société politique ; comment elle se maintient ; par quelles causes se détruit l’édifice, édifice si beau, même aux époques où l’architecture en est le plus défectueuse ; comment de ces destructions, qui ne sont que des transformations, sort un édifice nouveau ; dans quelles proportions le vieux s’y mêle au neuf ; quels sont, dans les crises violentes qu’on appelle les révolutions, les intérêts en lutte, les passions aux prises, les vérités en travail, les pertes où les conquêtes de la civilisation. […] Ce livre, où toutes les sciences dont s’aide l’histoire pour élucider les questions, philologie, archéologie, topographie, tactique, ont apporté leurs preuves, est en même temps une œuvre d’art par les qualités du récit, par la peinture des hommes et des choses, par l’intérêt dramatique, par le style. […] Il leur apprend, par le détail approfondi et le tableau expressif des fautes qui minaient le gouvernement aristocratique à Rome, qu’il faut ne pas s’entêter ni s’opiniâtrer ; savoir ne garder du passé que ce qui en est vivant, et rompre avec ce qui en est caduc ; apercevoir de loin à l’horizon les intérêts nouveaux, et, le moment venu, leur faire leur juste part ; se convaincre enfin qu’au milieu des idées qui changent, des mœurs qui se renouvellent, des souffrances et des espérances qui travaillent les sociétés humaines, un gouvernement est tenu de ne pas vieillir. […] C’étaient de belles fêtes pour l’esprit que ces leçons où l’exposition la plus lucide mettait sous nos yeux les quatre systèmes élémentaires nés des premières réflexions de l’homme sur lui-même, sensualisme, idéalisme, scepticisme, mysticisme ; où la dialectique la plus pénétrante démêlait le vrai d’avec le faux dans chaque système, et combattait les erreurs de l’un par les vérités de l’autre ; où l’éloquence, inspirée du seul intérêt de ces hautes matières, nous rendait quelque chose de l’ampleur de Descartes et de l’éclat de Malebranche ; où, charmés et persuadés, nous sentions notre nature morale s’élever et s’améliorer par les mêmes plaisirs d’esprit qui formaient notre goût.
— grave interrogation, qui préoccupe ceux ayant besoin d’entendre exécuter la musique Wagnérienne, et qui nous sollicite par son puissant intérêt d’actualité : peut-être le concert tout Wagnérien du Vendredi-Saint, le dernier de la saison, sera-t-il, en même temps qu’une occasion, un document de plus pour que dans un mois nous abordions cette question, à la veille justement des grandes solennités musicales de Bayreuth. […] En son intérêt anecdotique de romancero, de moins bon aloi avec ses gros effets de mélodrame à coups d’épée, œuvre de facile succès, mais hardie, vibrante, resplendissante et superbement menée, et débordant de cet entrain prestigieux de sensualité qui était la moitié du génie de Wagner. […] Privés, au théâtre, de l’intérêt qui s’attache aux grandes œuvres, nous avons suivi avec intérêt les séances intimes où l’on en exécutait des fragments.
Seize représentations n’en ont point épuisé le succès et l’on peut être assuré qu’une reprise faite dans des conditions analogues provoquerait un redoublement d’intérêt, MM. […] L’intérêt de l’ouvrage est en effet dans la collection des documents rares qui y est rassemblée. […] Parlant de la première scène du premier acte de Goettterdaemmerung : « Ces trois personnages, dit madame Fuchs, ont un entretien aussi long que dénué d’intérêt. » Des phrases similaires abondant dans un volume font preuve que l’auteur, trop préoccupé de musique à la façon contemporaine, a mal vu « d’intérêt » du drame wagnérien.
Si donc nous la tenons d’emblée, l’étude de la réalité présente n’a plus d’intérêt pratique et, comme c’est cet intérêt qui est la raison d’être de cette étude, celle-ci se trouve désormais sans but. […] « Il y a, dit-il, une coopération spontanée qui s’effectue sans préméditation durant la poursuite de fins d’un caractère privé ; il y a aussi une coopération consciemment instituée qui suppose des fins d’intérêt public nettement reconnues19. » Aux premières, il donne le nom de sociétés industrielles ; aux secondes, celui de militaires, et on peut dire de cette distinction qu’elle est l’idée mère de sa sociologie. […] Tout ce qu’on a pu faire et tout ce qu’on a fait, c’est de démontrer dialectiquement que les individus doivent procéder ainsi, s’ils entendent bien leurs intérêts ; c’est que toute autre manière de faire leur serait nuisible et impliquerait de la part de ceux qui s’y prêteraient une véritable aberration logique.
C’est, dans l’intérêt d’un dégourdissement de facultés quelconques, l’attaque d’un sujet faite par une main audacieuse ou prudente, mais toujours rapide, car qui s’appesantit sur un sujet ne l’essaie plus. […] En soi, cette espèce de revue et de panorama littéraire a son intérêt, mais ce n’est pas l’intérêt élevé, profond et harmonieux d’un livre ; c’est plutôt l’intérêt dénoué, lâché, trop coulant peut-être, d’une de ces causeries qu’à une certaine heure de sa vie l’homme, hélas !
Ce Poëme, en un mot, se fait lire avec le plus vif intérêt ; & après Télémaque, il n’a paru, en ce genre, dans notre langue, rien de mieux conçu, ni de plus heureusement exécuté.
Ces deux Ouvrages, sans avoir le mérite de l’élégance dont ils peuvent se passer, ont celui de l’intérêt, de la clarté, de la simplicité, de la facilité, & de l’onction, qui vaut bien la sécheresse, l’obscurité, l’enflure, l’entortillage & la morgue des Productions philosophiques.
Si l'on fait attention aux difficultés du sujet qu'il a entrepris de traiter dans une Langue telle que la nôtre, & combien la Poésie Françoise se prête peu aux expressions techniques d'un Art dont la plupart des regles sont fondées sur l'Optique & l'Anatomie, on lui saura gré d'avoir surmonté de tels obstacles, & on passera sans peine sur le défaut d'intérêt & d'élégance, qu'on lui reproche, en lui tenant compte des vraies beautés qu'il a le plus souvent répandues sur une matiere ingrate par elle-même.
Les Mémoires du président nous le présentent sous un jour favorable avec ses meilleures qualités sociales, et quoiqu’ils n’aient pas tout l’intérêt qu’on en aurait pu attendre, ils serviraient aujourd’hui sa réputation, ils la rajeuniraient aux yeux de tous, s’ils avaient été publiés comme ils auraient pu l’être. […] C’est sans doute à une faute de ce genre qu’il faut attribuer cet étrange passage sur l’abbé de Bernis à ses débuts, « qui continuait, dit-on (p. 209), à faire des vers quelquefois obscènes, et toujours trop abondants… » Je suis persuadé, d’après le courant de la phrase et du sens, qu’au lieu de ce vilain mot, que ne justifient point les poésies légères de l’abbé de Bernis, il faut lire un tout autre mot plus simple, et par exemple : « Des vers quelquefois agréables, et toujours trop abondants. » Dans l’histoire des troubles du Parlement, il y a un exil et un retour qui sont racontés par le président avec assez d’intérêt. […] Monmerqué possède d’autres mémoires du président Hénault, qui sont d’un intérêt sérieux en ce qu’ils traitent des affaires du Parlement dans lesquelles le président fut très mêlé comme négociateur officieux pour le ministère et pour la Cour.
C’est un persiflage de grande dame de l’ancien régime qui affecte d’ignorer, en fait d’intérêts matériels, ce que sait le moindre bourgeois. […] Il y avait donc entre eux un abîme de ce côté-là, du côté du rivage de l’Éternité ; mais de ce côté-ci du monde, et dans l’observation de la société, ils pensaient presque en tout de même ; ils avaient la même expérience définitive, le même désabusement, avec cette différence que Mme de Créqui était revenue de tout intérêt actif dans la vie, et que M. de Meilhan était désabusé, mais non détaché ; elle lui en fait quelquefois la guerre. […] Son grand intérêt dans la vie, et plus tard son amertume profonde et sa plaie secrète, fut ce fils auquel elle sacrifia tout et qui, en devenant un homme assez distingué, du moins à la surface, se montra des plus indifférents et des plus méconnaissants envers sa mère.
A la vérité l’intérêt qu’il vous montre augmenterait, s’il était possible, l’opinion qu’on a de sa magnanimité et de sa bienfaisance, et les personnes comme vous ont des droits naturels sur une âme comme la sienne. […] Et pour quel intérêt ? […] Douter qu’il existe un homme capable d’obliger sans intérêt !
Sur ce point délicat je me borne encore à dire, en écartant tout ce qui est indigne d’être entendu, que si, vers l’âge de trente ans, Marie-Antoinette en butte à toutes sortes d’intrigues et d’inimitiés, entourée d’amis qui la compromettaient fort et qui n’étaient pas tous désintéressés ni bien sincères, avait cherché et distingué dans son monde et dans son cercle intime un homme droit, sûr, dévoué, fidèle, un ami courageux, discret, incapable d’épouser d’autre intérêt que le sien, et si elle s’était appuyée sur son bras à certain jour, même avec abandon, il n’y aurait à cela rien de si étonnant ni de fait pour révolter ; et de ce qu’on admettrait, sur la foi des contemporains d’alors les mieux informés, cette sorte de tradition qui, à son égard, me paraît, si j’ose l’avouer, la plus probable, il ne s’ensuivrait pas qu’elle dût rien perdre dans l’estime de ceux qui connaissent le cœur humain et la vie, ni qu’elle fût moins digne de tout l’intérêt des honnêtes gens aux jours de l’épreuve et du malheur. […] On suit avec intérêt ces degrés et comme ces nœuds de formation chez une personne qui est arrivée à la perfection morale ; il y eut des crises à traverser.
La Correspondance, peu agréable à première vue, est d’un intérêt sérieux à qui la sait bien lire. […] Ce défaut, ma chère fille, dans une princesse, n’est pas léger ; il entraîne après soi, pour faire la cour, tous les courtisans, ordinairement gens désœuvrés et les moins estimables dans l’État, et éloigne les honnêtes gens, ne voulant se laisser mettre en ridicule, ou s’exposer à se devoir fâcher, et à la fin on ne reste qu’avec mauvaise compagnie, qui entraîne peu à peu dans tous les vices… Ne gâtez pas ce fonds de tendresse et de bonté que vous avez. (17 août 1774.) » Et encore, — car cette morale générale n’est nullement en l’air et ne vient qu’à propos de rapports très-particuliers : « Ne prenez pas pour humeur ou gronderie ce que je vous ai marqué ; prenez-le pour la plus grande preuve de ma tendresse et de l’intérêt que je prends à vous, de vous marquer tout ceci avec tant d’énergie ; mais je vous vois dans un grand assujettissement, et vous avez besoin qu’on vous en tire au plus vite et avec force, si l’on peut encore espérer de l’amendement. […] (31 octobre 1774.) » Et cinq ans après, quand Marie-Antoinette est reine, dans une lettre à l’abbé de Vermond, Marie-Thérèse laisse échapper ce même mot de sinistre augure et qui s’est trouvé trop prophétique : « Je suis bien touchée de vos services et attachement qui n’ont pas d’exemple ; mais je le suis aussi de l’état de ma fille, qui court à grands pas à sa perte, étant entourée de bas flatteurs qui la poussent pour leurs propres intérêts (1776). » Et pour le dire en passant, cet abbé de Vermond, tant attaqué et incriminé dans tous les mémoires du temps et toutes les histoires de Marie-Antoinette, se relève un peu, dans cette Correspondance, par l’estime constante et la confiance absolue que lui témoigne Marie-Thérèse : c’est là aussi un suffrage qui compte et qui vaut bien qu’on le mette en balance avec celui de Mme Campan.
Comprendre une situation, recueillir les influences éparses autour de lui et les diriger vers un point auquel il était de leur intérêt d’arriver, c’était là son talent particulier, Mais soutenir une lutte longue et prolongée, intimider et dominer les partis en lutte, cela dépassait la mesure de ses facultés, ou plutôt de son tempérament calme et froid31. » Il fut heureux d’échapper le plus tôt possible aux ennuis de sa situation à l’intérieur en prenant en main le jeu diplomatique et en allant représenter la France au congrès de Vienne. […] Ce qu’il faut reconnaître, c’est qu’il fit de son mieux pour servir le gouvernement et le monarque qui lui avaient remis leurs intérêts, et pour rendre à la France dignité et influence dans les conseils de l’Europe. […] Pendant vingt-quatre heures, il n’y a eu ni affaires, ni occupations, ni intérêts d’aucun genre.
« Je fus forcée de sacrifier l’avenir au présent, et, dans l’intérêt de mon père, je retournai en province. […] Il lui portait un intérêt tout paternel, et, touché de sa noble physionomie tout empreinte de mélancolie, il l’appelait un petit roi détrôné. […] Telle est parmi nous la situation des femmes, et, malgré l’exception qu’a formée le nouveau récipiendaire de l’Académie, je crois que, généralement parlant, il est vrai de dire que, pour atteindre maintenant au degré d’intérêt dont elle est susceptible, l’Élégie doit parler par la bouche des femmes, ou du moins en leur nom ; elles seules, dit-on, savent donner de la grâce aux passions malheureuses : en vérité, on peut leur laisser cet avantage-là. » Nulle femme ne se trouva plus que Mme Valmore dans la situation supposée par Mme Guizot, et aucun poëte élégiaque n’a tiré en effet de son cœur des accents plus plaintifs et plus déchirants.