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625. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « Horace Vernet »

Sans se contraindre à aucun style, à aucun genre, à aucune espèce de sujets, il s’est mis à reproduire tous les objets qui frappent journellement son imagination si mobile et si heureuse ; aussi est-il éminemment le peintre de la France et du xixe  siècle, par la manière dont il représente notre nature et notre époque ; aussi a-t-il un degré de vérité, de grâce, de génie, que le talent ne doit jamais qu’à la présence immédiate des objets qu’il veut peindre. […] Se livrant avec une imagination vive et sensible à l’impression des objets, il en prend tour à tour le caractère : il change alternativement de style, de couleur, de moyens, et ne se ressemble qu’en une seule chose, la grâce et le naturel. […] Dans les choses mêmes qu’il n’avait pas vues et qui sortaient de son horizon habituel, il portait encore cette facilité et cette grâce qui plaît.

626. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « Mémoires de l’abbé Legendre, chanoine de Notre-Dame, secrétaire de M. de Harlay, archevêque de Paris. »

Il y a, au Cabinet des Estampes, jusqu’à trente portraits gravés de ce prélat, qui évidemment aimait à se contempler et à se voir reproduit dans sa noblesse et dans ses grâces ; il y est représenté à tous les âges, sous toutes les formes, abbé, docteur, archevêque de Rouen, archevêque de Paris, à tous les degrés de sa vie ou de ses dignités. […] Il paraît, au contraire, si l’on en croit l’écho qui nous arrive, un peu grossi peut-être à distance, que notre abbé réunissait toutes les qualités de l’orateur, — presque toutes, — l’accent, le charme de la voix, le geste, l’action souvent animée et toujours appropriée, la mémoire, les grâces de la diction, le trésor des saintes Écritures et des Pères : que de choses ! […] Chargé au nom des évêques de France de complimenter le cardinal Chigi qui était venu donner satisfaction pour l’insulte faite à l’ambassadeur de France par les gardes corses, et le roi désirant que dans sa harangue il fût dit quelque chose qui rappelât la cause de cette ambassade extraordinaire, M. de Harlay sut y mettre tant d’art et de bonne grâce qu’il remplit l’ordre du roi et qu’il ne fut point désagréable au cardinal.

627. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Vaugelas. Discours de M. Maurel, Premier avocat général, à l’Audience solennelle de la Cour impériale de Chambéry. »

Que ne restait-il pas à faire aux écrivains pour le détail de la diction, pour la souplesse, pour la grâce, la douceur, et l’application heureuse et facile à tous les sujets ! […] La parole vive, en effet, a toujours ses familiarités, ses négligences aimables et ses grâces. […] Ce n’est pas un grammairien rectiligne ; il est pur et nullement précieux ; il est pour les irrégularités naïves, pour quantité de ces petits mots qui se disent en parlant et qui ajoutent de la grâce quand on écrit ; le commun des grammairiens les retranche : lui, il les goûte et tient à les conserver ; il est, en un mot, pour les gallicismes et les atticismes.

628. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « Histoire de Louvois par M. Camille Rousset. Victor-Amédée, duc de Savoie. (suite et fin.) »

La Régence ne s’y prêtait point de bonne grâce, et elle ne cédait que quand on la pressait trop. […] Il faut voir comme l’orateur, après avoir exalté toutes les vertus de la mère, y célèbre dans le jeune prince — « Le rayon divin qui brille avec tant d’éclat sur son visage et dans toute sa personne ; cet air noble, fin et délicat, cette vivacité ingénieuse qui n’a rien de rude, de léger ni d’emporté ; cette physionomie haute, sérieuse et rassise qu’on lui voit prendre dans les fonctions publiques, et qui donne un nouveau lustre aux grâces naïves de son âge ; enfin l’agrément inexprimable que le Ciel a répandu dans toutes ses actions, qui le rend le centre des cœurs aussi bien que des yeux dans les assemblées et dans les cérémonies, qui le distingue beaucoup plus que le rang qu’il y tient, et dans lequel on entrevoit toujours pour dernier charme un fond de bonté, de droiture, de discernement et de raison qui se découvre tous les jours de plus en plus dans tous ses sentiments et toutes ses inclinations. […] Vis-à-vis de la princesse est le jeune prince, beau comme un ange, d’après nature aussi, entouré des Grâces et des Amours ; cette petite troupe est fort agréable.

629. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Histoire de la littérature anglaise, par M. Taine, (suite) »

Il aime, en effet, la force jusque dans la grâce ; il ne hait pas la surabondance et l’excès. […] Mais que de grâce, que de goût, quelle promptitude à sentir, quelle justesse et quelle perfection en exprimant ! […] Nous le fîmes, et c’est ce qui donna matière aux maximes publiées ensuite dans nos mélanges ; celles de la fin d’un des volumes sont de moi, celles de l’autre volume sont du docteur Swift. » Ce sont là des passe-temps ingénieux, des jeux de gens d’esprit et de gens de lettres ; on est loin de Shakespeare sans doute et même de Milton ; mais je ne vois rien en tout cela qui prête si fort au ridicule, et dans une Histoire de la littérature, la partie littéraire proprement dite, même en ce qu’elle offre d’un peu calculé et d’artificiel, a droit, ce semble, de trouver place et grâce.

630. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Histoire de la littérature anglaise, par M. Taine, (suite et fin.) »

Doux est le courant du vers quand Zéphyr souffle avec grâce, et l’humide ruisseau coule avec plus de mollesse encore ; mais quand les fortes lames fouettent la côte retentissante, le vers rude et rauque devra rugir comme un torrent. […] Mais, dans l’intimité, c’était la grâce et la justesse même. […] Taine nous entretenait l’autre jour27, — occupés, dis-je, à rechercher uniquement et scrupuleusement la vérité dans de vieux livres, dans des textes ingrats ou par des expériences difficiles ; des hommes qui voués à la culture de leur entendement, se sevrant de toute autre passion, attentifs aux lois générales du monde et de l’univers, et puisque dans cet univers la nature est vivante aussi bien que l’histoire, attentifs nécessairement dès lors à écouter et à étudier dans les parties par où elle se manifeste à eux la pensée et l’âme du monde ; des hommes qui sont stoïciens par le cœur, qui cherchent à pratiquer le bien, à faire et à penser le mieux et le plus exactement qu’ils peuvent, même sans l’attrait futur d’une récompense individuelle, mais qui se trouvent satisfaits et contents de se sentir en règle avec eux-mêmes, en accord et en harmonie avec l’ordre général, comme l’a si bien exprimé le divin Marc-Aurèle en son temps et comme le sentait Spinosa aussi ; — ces hommes-là, je vous le demande (et en dehors de tout symbole particulier, de toute profession de foi philosophique), convient-il donc de les flétrir au préalable d’une appellation odieuse, de les écarter à ce titre, ou du moins de ne les tolérer que comme on tolère et l’on amnistie par grâce des errants et des coupables reconnus ; n’ont-ils pas enfin gagné chez nous leur place et leur coin au soleil ; n’ont-ils pas droit, ô généreux Éclectiques que je me plais à comparer avec eux, vous dont tout le monde sait le parfait désintéressement moral habituel et la perpétuelle grandeur d’âme sous l’œil de Dieu, d’être traités au moins sur le même pied que vous et honorés à l’égal des vôtres pour la pureté de leur doctrine, pour la droiture de leurs intentions et l’innocence de leur vie ?

631. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Marie-Antoinette (suite.) »

Ces mots d’opposition et de motions sont établis comme au Parlement d’Angleterre, avec cette différence que lorsqu’on passe à Londres dans le parti de l’opposition, on commence par se dépouiller des grâces du roi, au lieu qu’ici beaucoup s’opposent à toutes les vues sages et bienfaisantes du plus vertueux des maîtres, et gardent ses bienfaits. […] Hors M. de Mirepoix, tous sont acccablés des dons et des grâces du roi, et personne ne les rend… Heureusement que tous les moyens sont encore dans les mains du roi et qu’il arrêtera tout le mal que les imprudents veulent faire. » On se croyait maître de la situation, on ne l’était déjà plus, et il y avait des hommes qu’on allait être obligé de subir. […] Captive en réalité après les affreuses journées d’octobre, où elle montra tant de bonne grâce et de courage, elle dérobe sous le sourire ses douleurs et ses angoisses ; elle apprend à dissimuler pour les siens.

632. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Marie-Thérèse et Marie-Antoinette. Leur correspondance publiée par le chevalier d’Arneth »

Répondez agréablement à tout le monde, avec grâce et dignité ; vous le pouvez, si vous voulez. […] Son maintien est parfait ; quand elle le veut, elle est en général fort affable et populaire, et met beaucoup de grâce et d’agrément dans tout ce qu’elle fait et ce qu’elle dit. […] En même temps elle se néglige quelquefois un peu vis-à-vis du comte et de la comtesse de Provence ; mais elle répare cela avec beaucoup de grâce dans d’autres moments… » L’observateur montre la reine encore étrangère à la politique, s’abstenant d’y intervenir sérieusement, et, jusqu’alors, en fait de ministres, n’en aimant aucun : « Elle les juge comme tout le public qui est toujours mécontent d’eux ; et comme les entours de cette princesse sont la plupart intéressés à décréditer le ministère quelconque et accoutumés à tout critiquer et à faire des plaisanteries sur tout, il arrive de là qu’elle ne connaît jamais aucun homme en place du bon côté, et ne voit que ses défauts ou ceux qu’on lui impute, et que souvent il n’a pas. » Le côté agréable est mis en relief sans être exagéré ; justice est rendue à toutes les qualités séduisantes déployées dans l’intimité.

633. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Idées et sensations : par MM. Edmond et Jules de Goncourt. »

L’indépendance des idées est nécessaire à l’indépendance de l’admiration. » Ils veulent du présent, du vif, du saignant dans les œuvres : « En littérature, on ne fait bien que ce qu’on a vu ou souffert. » L’Antiquité leur paraît encore à juger ; ils ne paraissent accepter rien de ce qu’on en dit ; ils croient que tout est à revoir, et que le procès à instruire n’est pas même commencé ; ce respect du passé en littérature, ce culte des anciens à tous les degrés, qu’il s’agisse des temps d’Homère ou du siècle de Louis XIV, est, selon eux, la dernière des religions qu’on se prendra à examiner et à percer à jour : « Quand le passé religieux et politique sera entièrement détruit, peut-être commencera-t-on à juger le passé littéraire. » Ils ne font grâce entre les anciens qu’à Lucien, peut-être à Apulée, à cause de l’étonnante modernité qu’ils y retrouvent : ce sont pour eux des contemporains de Henri Heine ou de l’abbé Galiani. […] Hommes d’observation, de sincérité et de hardiesse, ils se sont fait une doctrine à leur usage : ils se sont dit de ne pas répéter ce qui a été dit et fait par d’autres ; ils vont au vif dans leurs tableaux, ils pénètrent jusqu’au fond et aux bas-fonds ; ils veulent noter la réalité jusqu’à un degré où on ne l’avait pas fait encore ; ils tiennent, par exemple, à copier et à reproduire la conversation du jour et du moment, les manières de dire et de parler si différentes de la façon d’écrire, et que les auteurs, d’ordinaire, ne traduisent jamais qu’incomplètement, artificiellement ; ils ne reculent pas au besoin devant la bassesse des mots, fussent-ils dans une jolie bouche et du jargon tout pur, confinant à l’argot ; ils imitent, sans rien effacer, sans faire grâce de rien ; ils haïssent la convention avant tout ; pas d’école : « Aussitôt qu’il y a l’école de quelque chose, ce quelque chose n’est plus vivant. » Ils haïssent la fausse image et le ponsif du beau : « Il y a un beau, disent-ils, un beau ennuyeux, qui ressemble à un pensum du beau. » Très-bien : Je les comprends, je les approuve, je les suis volontiers, ou à très-peu près, jusque-là. […] Le siècle de Léon X ne trouve pas grâce, auprès de ces dégoûtés, dans sa manifestation la plus idéale et la plus divine.

634. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « HISTOIRE de SAINTE ÉLISABETH DE HONGRIE par m. de montalembert  » pp. 423-443

Ce tableau a de la grandeur et de la solennité en ce qui regarde les figures d’Innocent III, de Grégoire IX et de l’empereur Frédéric II ; il a de la beauté et de la grâce en ce qui touche saint Louis, saint François d’Assise, le culte de la Vierge alors dans toute sa fleur, les épopées chevaleresques et religieuses dans leur premier et chaste épanouissement. […] Pourtant, en avançant dans la vie, même dans une vie qui doit se clore à vingt-quatre ans, la lutte devient plus sombre, les grâces du début se décolorent, le mal qu’il faut combattre apparaît et fait tache sur les devants du tableau. […] J’avais eu, lors de mon séjour en Belgique en 1848, et à mon arrivée à l’Université de Liége, à demander à M. de Montalembert un bon office que je ne crains pas de rappeler et qu’il me rendit avec bonne grâce.

635. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « DISCOURS DE RÉCEPTION A L’ACADÉMIE FRANÇAISE, Prononcé le 27 février 1845, en venant prendre séance à la place de M. Casimir Delavigne. » pp. 169-192

Toutes les opinions s’inclinaient devant son talent ; il échangeait vers ce temps avec le plus célèbre poëte de l’autre parti (il y avait encore des partis en ce temps-là), avec M. de Lamartine, des félicitations poétiques, pleines de bon goût, de bonne grâce, et dignes de tous deux. […] Mais, même en ces ballades, remarquons-le bien, il transforme la réalité et l’enveloppe successivement en une suite de petits drames ; il y a chez lui de la composition, de l’arrangement toujours ; il idéalise, il construit, il revêt sa pensée première avec lenteur, grâce, circonlocution et harmonie. […] Une de ces bonnes, de ces excellentes, de ces enviables ou regrettables manières consiste (et la nature de notre versification semble y convier les rares élus) à revêtir sa pensée d’harmonie continuelle et d’élégance, à oser par moments, et par moments à se dérober, à préparer l’énergie, à voiler l’audace, à semer de grâces insensibles, de tours ingénieux, de figures heureuses et appropriées un tissu net, flexible et brillant.

636. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « CHRISTEL » pp. 515-533

Sa soumission au sort dissimulait seulement l’intime fierté, comme sa simplicité courante permettait toutes les grâces, comme sa douceur recélait des flammes. […] Mille fois du moins, dans ces vieux romans tant goûtés, on voit le page, messager d’amour, dans sa grâce adolescente, faire oublier à la dame du château celui qui l’envoie. […] Hervé, certes, aimait Christel : l’aimait-il de véritable amour, c’est-à-dire de ce qui n’est ni voulu ni motivé, de ce qui n’est ni la reconnaissance, ni la compassion, ni même l’appréciation profonde, raisonnée et sentie de tous les mérites et de toutes les grâces ?

637. (1895) Histoire de la littérature française « Quatrième partie. Le dix-septième siècle — Livre II. La première génération des grands classiques — Chapitre I. La tragédie de Jodelle à Corneille »

Il y a dans son Ecossaise, et ailleurs, des couplets d’une sensibilité pénétrante ; et dans certains de ses chœurs, les strophes tombent avec une grâce mélancolique et molle, avec une douceur d’élégie lamartinienne. […] Grâce à Hardy et à Mairet, le public était en train de se passionner pour le théâtre, et le poème dramatique passait insensiblement au premier rang des genres littéraires. […] Le drame, si précis, si positif, si raisonnable, s’enveloppe d’une grâce chevaleresque par où le sujet révèle son lieu d’origine.

638. (1904) Prostitués. Études critiques sur les gens de lettres d’aujourd’hui « Chapitre X. Les sociales »

Il donne à qui sait lire la joie du plus merveilleux des spectacles : l’allure libre d’une de ces âmes philosophiques qui — dit à peu près Platon — savent porter avec grâce leur manteau de lumière. […] Mais les lumières de l’Orient brillent d’enthousiasme et s’étonnent qu’avec tant de grâce on porte tant de science. […] Ses rythmes, toujours vivants, dansent parfois avec des grâces prétentieuses, parfois se précipitent hostiles et aveugles sur tout ce que le hasard dresse devant eux.

639. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « La Mare au diable, La Petite Fadette, François le Champi, par George Sand. (1846-1850.) » pp. 351-370

Les scènes de « La fenaison » offrent un tableau plein de charme et de grâce assurément, mais on y voit tout à côté cet éternel plaidoyer entre la société et la nature, entre les gens de loisir et les gens du peuple ou de labeur, ceux-ci ayant invariablement l’avantage. […] La gronderie du père, la câlinerie de l’enfant, sa ferme volonté de ne plus lâcher prise et d’être du voyage, tous ces riens sont retracés au vif et relevés de mille grâces. […] J’ai dit que Mme Sand applique le procédé de Paul-Louis Courier ; mais, en s’en souvenant, elle moins savante ; par une grâce de génie, elle fait mieux d’emblée, c’est-à-dire avec plus de verve, plus d’entrain facile.

640. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Vauvenargues. (Collection Lefèvre.) » pp. 123-143

Remettant en honneur les dons naturels et les affections primitives, et leur laissant leur libre jeu, il s’oppose à l’excès de raisonnement et d’analyse qui voudrait tout réduire à un amour de soi égoïste et cupide : « Le corps a ses grâces, l’esprit ses talents : le cœur n’aurait-il que des vices ? […]   Les premiers jours du printemps ont moins de grâce que la vertu naissante d’un jeune homme. […] Ce qu’il aimait dans la jeunesse, c’était le naturel, la pudeur, les grâces déjà sérieuses, la modestie unie à une honnête confiance, l’amour de la vertu.

641. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Frédéric le Grand littérateur. » pp. 185-205

Il l’admire et le salue, comme Vauvenargues bientôt également le saluera, sans rien entrevoir encore des défauts de l’homme, et d’après les seules beautés de son esprit et les grâces de son langage. […] Vous avez tant de grâces dans l’esprit, que tous pouvez offenser et mériter en même temps l’indulgence de ceux qui vous connaissent. […] Quand on a lu certain portrait de Voltaire par Frédéric (1756), portrait tracé de main de maître en toute sûreté de coup d’œil et en toute nudité, on entre mieux encore dans le sens de cette phrase où il vient de dire que ce génie de séduction a de telles grâces, qu’il ressaisit bientôt ceux-là même qu’il a offensés et qui le connaissent23.

642. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Florian. (Fables illustrées.) » pp. 229-248

Il l’égaie par ses saillies, par ses vivacités de lutin espiègle et spirituel : « Il me donna le surnom de Pulcinella, que j’ai toujours porté depuis. » Florianet, petit Polichinelle, toujours des sobriquets et des diminutifs, pour exprimer la grâce, la gaieté, la gentillesse. […] Mais il pleure de si bonne grâce, qu’il y aurait de l’humeur à le trouver mauvais. » Dans Le Bon Ménage, Arlequin, bon mari et toujours amoureux, se croit, à un certain moment, trompé par sa femme, qui a reçu un billet d’un M.  […] Là où l’esprit et la grâce peuvent suppléer à la poésie, là où il suffit de bien conter et d’égayer le récit par un trait agréable, Florian s’en tire à merveille, comme lorsqu’il nous montre, dans la querelle entre le hibou, le chat et l’oison, ce rat arbitre, Rat savant qui rongeait des thèmes dans sa hutte !

643. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Madame de Maintenon. » pp. 369-388

Les hommes me suivaient parce que j’avais de la beauté et les grâces de la jeunesse. […] Tout occupée des autres, sans les aimer, elle tiendra bon avec sourire et bonne grâce à son esclavage de toutes les heures : « J’ai été vingt-six ans, dit-elle, sans dire un mot qui marquât le moindre chagrin. » Vers la fin, par une de ces illusions de l’amour-propre qui sont si naturelles, elle se figurait qu’elle avait reçu des grâces singulières pour ce rôle nouveau, qui n’était que la suite, le perfectionnement et le couronnement de tous les autres rôles qu’elle avait tenus dès sa jeunesse ; elle regardait sa vie comme un miracle. […] Pour se compléter l’idée de Mme de Maintenon, il convient, en les lisant, d’y ajouter un certain enjouement de raison, une certaine grâce vivante qu’elle eut jusqu’à la fin, même dans son austérité ; qui tenait à sa personne, à son désir de plaire en présence des gens, mais qui n’allait pas jusqu’à se fixer par écrit.

644. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « De la poésie et des poètes en 1852. » pp. 380-400

Théophile Duchapt, magistrat, conseiller à la cour d’appel de Bourges, a publié également un recueil de Fables (1850), irréprochables par le sens et par le but, et dont plus d’une s’anime d’un tour de grâce et de finesse. […] Dans ses pièces plus développées, parmi lesquelles on remarque l’Hymne à la jeunesse, il a de la distinction toujours, de la grâce, mais une grâce un peu artificielle, un peu roide et cassante, si l’on peut ainsi parler : là est le défaut.

645. (1824) Discours sur le romantisme pp. 3-28

Les Allemands s’empressèrent d’abord de l’imiter ; mais ils le firent sans grâce et sans succès. […] On la tourmente, on la force, on la dénature, on la fait dégénérer en un jargon métis, qui perd ses grâces naturelles sous les lambeaux d’une parure empruntée. […] Faites apparaître les fées, les nécromants, les sylphes ; ces fictions, qui ne sont pas nouvelles pour nous, puisque les récits de Perrault en ont bercé notre enfance, peuvent avoir de la grâce et amuser l’imagination : mais ne prodiguez pas les revenants, les larves, les lamies, les lémures, les vampires, grossières créations de l’ignorance et de la peur.

646. (1892) L’anarchie littéraire pp. 5-32

Grâce à une interview de M.  […] Jean Moréas, d’origine hellénique, très imbu des littératures méridionales que caractérisent le tour naïf, l’esprit, la grâce, la simplicité, devait avoir en horreur les solennels raseurs du Nord avec leurs réflexions graves, leurs déclamations creuses, leur style épais comme une coulée de lave. […] Magiques Quelques-uns des écrivains qu’on avait coutume de désigner sous l’étiquette symboliste n’étaient que les propagateurs de théories fossiles, grâce auxquelles ils pensaient attirer sur eux l’attention du public.

647. (1868) Rapport sur le progrès des lettres pp. 1-184

Il se distingue par une certaine grâce féminine et nerveuse qui est bien à lui, et dont il faut lui tenir compte. […] Combien de jeunes gens sont dans ce cas, qui ont des idées, du sentiment, de la grâce, de la fraîcheur, du style et une remarquable science de versification. […] Le Jet d’eau, la Malabaraise, Bien loin d’ici, les Yeux de Berthe, montrent que le poëte de l’horreur, qui a « doté le ciel de l’art d’on ne sait quel rayon macabre et créé un frisson nouveau », est aussi, quand il veut, le poëte de la grâce, non pas, il est vrai, de la grâce molle et vague, mais de la grâce étrange, mystérieuse et fascinatrice qui peut séduire des esprits raffinés. […] Il y a chez Theuriet quelque chose qui rappelle la sincérité émue et la grâce attendrie d’Hégésippe Moreau dans la Fermière. […] Les tours de force rhythmiques se succèdent accomplis avec une grâce et une aisance incomparables.

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