Au fond de notre étonnement il y a toujours cette idée qu’une partie seulement de cet ordre aurait pu être réalisée, que sa réalisation complète est une espèce de grâce. Cette grâce, les finalistes se la font dispenser en une seule fois par la cause finale ; les mécanistes prétendent l’obtenir petit à petit par l’effet de la sélection naturelle ; mais les uns et les autres voient dans cet ordre quelque chose de positif et dans sa cause, par conséquent, quelque chose de fractionnable, qui comporte tous les degrés possibles d’achèvement.
Il n’y a point de préceptes pour expliquer ces grâces secrètes, ces charmes imperceptibles, et tous ces agréments cachés de la poésie, qui vont au cœur. » qu’il est encore loin de nous et qu’il en est près ! […] Puisqu’il est aussi ferré que moi sur le catéchisme, je demanderai à Fagus, ce qu’il pense de la grâce.
… Et un voisin de campagne exquis… et un gentilhomme du xviiie siècle, qui tourne une plaisanterie gauloise de la meilleure grâce. — Et savez-vous bien qu’il est libéral ? […] De sa bonté, de sa bonne grâce, de son amabilité même, qui est charmante, de Maistre n’a rien mis dans ses théories. […] Et voilà pourquoi, sur le chemin, sinon de la vérité, du moins de la vraie méthode, Bonald rebrousse, et nous ramène en pleine idéologie, s’empare d’un principe, d’un axiome, y adhère de toutes les forces de son esprit, lui attribue la certitude, lui donne, de sa grâce, et s’habitue, par le respect même dont il l’entoure, à lui conserver je ne sais quelle autorité mystérieuse ; puis y applique tout, y rattache tout, en tire tout ; et si, par aventure, le principe est moins évident à nos yeux qu’aux siens, et perd son caractère sacré en passant de son esprit dans le nôtre, tout s’écroule.
Un « je me trompais » a souvent tant de grâce et peut conduire un homme si loin ! […] Cette méthode d’apologie, qui a séduit deux grands esprits catholiques du xixe siècle, Lamennais et De Maistre, mais dont on ne trouve quelques traces, et presque indistinctes, que dans de très rares auteurs chrétiens antérieurs au xixe siècle comme Roger Bacon, Huet, Batteux, Bullet, Foucher, Mignot, commençait à s’introduire au temps de Lamennais ; et, chose curieuse, grâce précisément aux auteurs antichrétiens. […] De Maistre et à ses disciples : vous êtes les juifs de l’ancienne loi, et nous sommes les chrétiens de la loi de grâce. » Surtout il a lu Vico, avant Michelet, je crois, et à coup sûr en même temps que lui, et il est tout pénétré de la pensée du philosophe napolitain, à une époque où cette pensée était presque absolument inconnue en France. […] La seconde tendance était plus dangereuse ; mais un critique littéraire ne peut en vouloir à Ballanche d’avoir eu une certaine influence sur des hommes, qui, poètes autant qu’historiens, ont donné à l’histoire la grâce captivante, l’intérêt passionné et la grandeur mystérieuse des plus beaux poèmes. […] Tout entier du dogme de la prédestination : « Je crois voir le moyen âge tout entier naître du seul dogme de l’inégalité de l’amour divin, le petit nombre des élus former une sorte d’oligarchie céleste, sanction de la féodalité terrestre, et la grâce donnée sans mérite ni démérite appeler le règne du bon plaisir sur la terre comme dans le ciel. » Voilà l’histoire du monde ; elle n’est rien autre chose que l’histoire de Dieu.
Mais la corbeille de fruits, la terre bénie dont les lignes s’éveillent, le suave chœur des mots qui s’enlacent, sont ici pour moi les formes de la même beauté, trois jaillissantes Grâces qui de loin ne forment qu’une branche fleurie. […] Mais, selon une autre image, je songe au dépouillement du vin qui, délivré de ses parties troubles, de ses vaines fumées, de ses fausses couleurs, se retrouve, quelque jour, gai de toute sa grâce, fier de toute sa force, limpide et souriant ainsi qu’une rose nouvelle… Il faut lire successivement Madame Bovary, l’Éducation sentimentale, Bouvard et Pécuchet ; ce n’est que dans ce dernier livre que l’œuvre est achevée, que le génie de l’homme paraît dans toute sa beauté transparente… Qu’est-ce que les descriptions de Salammbô et leurs longues phrases cadencées6, vis-à-vis des brèves notations et des résumés de Bouvard et Pécuchet, ce livre qui n’est comparable qu’à Don Quichotte ? […] Pour que Flaubert laissât échapper un « grâce sans doute à cette bonne volonté dont il fit preuve, il dut de ne pas redescendre dans la classe inférieure », il fallait bien que son oreille grammaticale et littéraire ne fût pas très sûre. […] Il faudrait un singulier parti-pris pour donner comme anacoluthe la phrase de Flaubert : « Grâce à cette bonne volonté… » que j’ai citée tout à l’heure. […] Il faudrait laisser ici à leur union naturelle ces trois grâces indivisibles.
Ce ruban à la boutonnière qui souvent coûte si peu à gagner ici dans le civil, et qu’une bonne grâce de jour de l’an décerne, au prix de combien d’épreuves et par quels sanglants efforts ne l’achète-t-on pas à l’armée !
Le roi le veut, il faut que vous soyez de son salon pour obtenir ses grâces ; sinon, à la première demande, il répondra : « Qui est-ce ?
Je m’étais figuré une vieille dévote bien rechignée ; je vois un visage pétri de grâces, de beaux yeux bleus pleins de douceur, un teint éblouissant, des formes séduisantes ; rien n’échappa au rapide coup d’œil du jeune prosélyte, car je devins à l’instant le sien, sûr qu’une religion prêchée par de tels missionnaires ne saurait manquer de mener en paradis.
Voilà comment s’y prend le pêcheur à la ligne qui veut procéder méthodiquement et dans les règles ; et certes, il y a du plaisir à le voir, lorsqu’avec aisance et grâce il tend l’appât à l’objet de ses désirs, soit au milieu même des flots turbulents, soit à l’abri sous les basses branches du rivage, partout enfin où s’ébat une multitude de ces petits êtres jouissant en paix de leur trompeuse sécurité.
Esther et Athalie trouvent déjà grâce auprès de Rollin, si Molière est encore écarté.
Et dans la mesure, aussi, où il se sentait, plus fortement, le possesseur de ce trésor intime, il produisait avec une plus sûre conscience, ses exigences au dehors : il demandait, maintenant, à ses protecteurs, comme seule grâce, que, cessant le payer de ses travaux, ils voulussent veiller à ce que, toujours, il pût travailler pour soi, à l’abri de tout dérangement extérieur.
Si nous avons un sens pour la chaleur, un autre encore plus délicat et plus utile pour la lumière, grâce auquel le toucher à distance remplace le toucher immédiat, nous n’avons, en revanche, aucun sens pour l’électricité. — « Tandis que nous percevons l’augmentation ou la diminution de chaleur ou de lumière, a dit le naturaliste allemand Nægeli, nous ne savons pas si l’air dans lequel nous respirons contient ou non de l’électricité libre, si cette électricité est positive ou négative. » Toutefois, dans les journées d’orage, nous avons une vague sensation de lourdeur et de tension, qui n’a rien de bien spécifique.
Vous ne reconnaîtriez pas que l’étendue convient à tel objet, l’intensité à tel autre, le temps à tel autre, ou que l’étendue convient sous tel rapport, dans telle relation, dans telle mesure, s’il n’y avait pas déjà dans les sensations mêmes ce que vous voulez faire descendre en elles, comme une grâce divine, du haut d’une intuition pure de l’espace infini, homogène et indifférent.
Toute cette poésie est d’une grâce, d’un fini dans le coloris, qui fait songer à ces merveilleuses porcelaines où des roses qui ravissent s’allient à des bleus d’une douceur de rêve.
Aussi le style d’un littérateur affectif sera exubérant, grandiloque, tout de premier jet et d’inspiration, tourmenté, sans mesure, sans grâce ; cet auteur se lancera à propos de n’importe quel sujet en infinis développements, et comme c’est son sentiment qui le fait écrire et qu’au moment où il écrit, ce sentiment d’aversion, de bienveillance, de raillerie, constitue son moi tout entier, cet auteur parlera surtout de lui-même et de ce qui l’agite toutes les fois qu’aucune raison supérieure ne l’empêche.
La douceur de sa voix, son enfance, sa grâce Font insensiblement à mon inimitié Succéder… Je serais sensible à la pitié !
Le naturel, la vérité, la pureté et l’élégance de Térence, qui, semblables à ces chefs-d’œuvre de la sculpture antique, ont peu de mouvement, mais tant de charmes, des grâces si imperceptibles qu’on n’en remporte après les avoir vues qu’une admiration vague et qu’on y découvre, en les revoyant, toujours quelque chose de nouveau.
A-t-il rien écrit, pour la fraîcheur des descriptions, pour la grâce murmurante et printanière du paysage qui soit préférable aux adorables caprices de M. […] Grâce à Gutenberg, l’exemplaire n’est plus épuisable. […] Heureusement la critique, grâce surtout à Sainte-Beuve, s’est acquittée assez bien de cette tâche, et cet édifice, où Cousin apporte son nez de marguillier, arrive à harmoniser le Parthénon avec la coupole de Bossuet, le Deo erexit Voltaire du xviiie siècle, le gothique ruiné, et fleuri de Chateaubriand, et la tribune de Sainte-Beuve lui-même, d’où nous est si élégamment ménagée la perspective de l’ensemble.
Ils sont à l’art divin de la pensée ce que les parodistes de nos petits théâtres sont aux chefs-d’œuvre de la scène, ce que les grotesques des ballets italiens sont aux statues de Phidias ou aux grâces chastes de la Vénus antique.
Deux princesses saxonnes, deux sœurs, l’une duchesse douairière, l’autre grande-duchesse régnante, rappelaient par leurs grâces et par leur amour des lettres ces princesses italiennes de la maison d’Este à Ferrare, parmi lesquelles le Tasse et l’Arioste trouvaient des modèles poétiques ou des protectrices adorées.
La nature attique et délicate de son imagination, la nature élégante et raffinée de la cour de Ferrare, ne lui permettaient pas d’hésiter ; il prit son sujet en grâce, en folie, en ironie légère, tel qu’il convenait à un grand poète qui voulait badiner et non corrompre.
Grâce au progrès de la civilisation, elle ne se contente plus d’une aride nomenclature : elle ne se renferme plus dans la poudre des vieux livres.
Grâce à ses lettres de recommandation, je trouvai à Iéna le meilleur accueil.