On se souvient du nombre infini de variétés obtenues parmi nos produits domestiques et des variations moins apparentes des races sauvages ; on se rappelle aussi quelle est la force de tendances héréditaires. […] Puisque tous les êtres vivants d’une même région luttent constamment entre eux avec des forces à peu près balancées, il peut suffire d’une modification insensible dans l’organisation ou les habitudes de l’un d’entre eux pour lui assurer l’avantage sur les autres. […] Sous la loi de nature, la plus insignifiante différence de structure ou de constitution suffit à faire pencher la balance presque équilibrée des forces, et peut ainsi se perpétuer. […] Ils seront ainsi protégés, élus, pourvu toutefois qu’avec leur agilité nouvellement acquise ils conservent assez de force pour terrasser leur proie et s’en rendre maîtres, à cette époque de l’année ou à toute autre, lorsqu’ils seront mis en demeure de se nourrir d’autres animaux. […] Quant à l’Autruche, un moment de réflexion suffira pour comprendre quel énorme accroissement de nourriture il faudrait à cet oiseau du désert pour acquérir la force de mouvoir dans les airs son énorme corps.
Telle était alors la force du principe d’autorité, que moi-même je me croyais engagé d’honneur à soutenir contre M. […] Uranie n’est pas de cette force. […] Sentir, sentir vivement, profondément, voilà sa force. […] Vous avez sur l’Europe un avantage, vous goûtez Aristophane ; vous le goûtez à force d’intelligence et de science ; car j’ose dire que ce n’est plus un goût naturel, et si l’on représentait aujourd’hui ses pièces à Londres, à Paris ou même à Berlin, j’imagine que le public serait trop étonné pour songer à se divertir. […] On n’a pas votre culture et votre esprit sans être sensible à tant de vérité, de délicatesse, de force, d’élévation et de profondeur.
Il y voit un de ces fléaux divins auxquels il est presque impie de résister, tant ils sont divins dans leur force. […] et quelle preuve plus sensible qu’elle est menée elle-même par une force occulte vers un but inaperçu encore par ses amis et par ses ennemis ! « Les révolutionnaires, dit-il, réussissent en tout contre nous parce qu’ils sont les instruments d’une force qui en sait plus qu’eux. » Quelle était donc cette force omnisciente ? […] Si ce n’était pas la fatalité, que vous répudiez avec raison comme un blasphème, c’était donc un dessein supérieur à l’intelligence humaine ; une force supérieure à l’intelligence humaine, qu’est-ce autre chose que Dieu ? […] Quant à moi, j’admirai cette force du naturel qui place l’étiquette plus haut que le cœur.
IV Dans cette disposition naturelle des premiers fidèles d’une religion révélée et militante pour conquérir l’Orient ou l’Occident, puis la terre entière, il est tout simple que les néophytes de cette religion, persécutés eux-mêmes, se soient dit : Le pouvoir est une force non-seulement sur les corps, mais sur les âmes ; rangeons les âmes sous la loi de notre culte par la force qui vient de Dieu ; donnons l’empire de la terre à ce chef de notre foi, qui dispose de l’empire du ciel. […] La seule usurpation récente et criante de territoire et de liberté commise par le congrès de Vienne est un crime de la force contre l’indépendance d’une illustre république italienne (Gênes). […] L’esprit de ce gouvernement, tout rétrograde alors, fut l’esprit théocratique du fameux comte Joseph de Maistre, paradoxe éloquent, mais paradoxe vivant du monde ramené par la force, et au besoin par l’inquisition, au moyen âge. […] Elle est par essence le temps d’arrêt des choses dans l’Europe moderne ; c’est sa force, et c’est aussi sa faiblesse. […] La république française, qui n’est que la loyauté nationale d’un peuple fort, mais modéré dans sa force, n’a pas deux paroles, une parole publique, une parole à demi-voix.
Il s’était restreint, en amendant le projet, à retrancher simplement ce que son devoir lui empêchait à toute force d’accorder. […] « Je fis donc observer au plénipotentiaire français que je n’étais pas bien vu par le premier consul, et que cela porterait préjudice à mon ambassade, dès mon arrivée à Paris et pendant le cours des négociations ; que du reste son gouvernement ne voyait pas le Concordat d’un œil très favorable, ainsi qu’on pouvait en juger sur les apparences, et que, par conséquent, on attribuerait mes refus non à la force des motifs et à des principes qui empêchaient le Pape d’adhérer, mais à l’animosité personnelle que l’on me supposait. […] Il ajouta que si Sa Sainteté leur prêtait plus de force par l’ambassade dont lui, Cacault, avait pris l’initiative, ambassade qui manifesterait la bonne volonté du Pontife, son estime pour la France, et l’intérêt qu’il prenait à rattacher de nouveau cette nation à l’Église, les choses s’arrangeraient, sans aucun doute, surtout si, par une marque de considération personnelle, on flattait le chef du gouvernement français. […] Le premier consul, nous voyant causer ensemble, s’approcha, et, s’adressant au comte, il lui dit qu’il perdait son temps, s’il espérait vaincre l’obstination du ministre du Pape, et il répéta en partie ce qu’il avait annoncé précédemment, en y mettant la même vivacité et la même force. […] Il se leva le lendemain, et il était déjà prêt à aller aux Tuileries, quand il éprouva deux évanouissements qui le retinrent de force dans son hôtel.
Partout c’est le Dieu caché, la force universelle, qui, agissant durant le sommeil ou en l’absence de l’âme individuelle, produit ces merveilleux effets, autant au-dessus de l’artifice humain que la puissance infinie dépasse les forces limitées. C’est pour n’avoir pas compris cette force créatrice de la raison spontanée qu’on s’est laissé aller à d’étranges hypothèses sur les origines de l’esprit humain. […] Quelle distance de cette vaste divinisation des forces naturelles, qui est le fond des grandes mythologies, à cette étroite conception d’un monde façonné comme un vase entre les mains du potier. […] Puis, quand l’enthousiasme est tombé, quand la force originale et native s’est éteinte, on commence à définir, à combiner, à spéculer ce que les premiers croyants avaient embrassé de foi et d’amour. […] L’islamisme ne se fortifia qu’un ou deux siècles après la mort du prophète, et depuis il est toujours allé se consolidant par la force du dogme établi.
A Dresde, non seulement ses fonctions de chef d’orchestre absorbaient le meilleur de ses forces, mais dans ses heures de loisir, il se trouvait renfermé dans un cercle d’hommes qui tous lui étaient très inférieurs à tous les points de vue, et pour qui l’atmosphère apathique et les mesquines préoccupations de la petite capitale étaient l’élément naturel. […] Mais pour prévenir tout malentendu, il fait remarquer que les trois premiers de ces opéras datent d’une époque bien antérieure au quatrième, qu’ils servent surtout « à tracer la marche de ses idées, jusqu’au moment où il dut chercher à se rendre théoriquement compte de son procédé », et que son système proprement dit, si l’on veut à toute force se servir de ce mot, ne reçoit encore dans ces trois premiers poèmes qu’une application fort restreinte. […] Ce dernier est le poème qui a, chronologiquement, immédiatement précédé Tristan ; c’est dans lui que Wagner a atteint la plus merveilleuse concision et force d’expression. […] Une autre atténuation par la musique, est celle par simple déploiement de force dynamique. […] » Il se détourne de ce monde, mais pour en chercher et fonder un autre, et Parsifal est la réalisation de ce rêve, de ce but qu’il avait indiqué : « Le but est : l’homme fort et beau ; la Révolution lui donnera la force, l’Art lui donnera la beauté !
Que l’on reprenne le substantif chêne ; seul, ce vocable, exprimant un genre, l’exprime par ses caractères génériques saillants de force, de hauteur, d’ombre, de végétation vigoureuse ; l’esprit en le prononçant, aperçoit vaguement un arbre magnifique, idéal. […] Mais celles-ci étaient de force à résister : le don de l’observation ôtait d’une délicatesse et d’une perspicacité merveilleuses ; de plus il était élagé de véritables facultés de penseur, nourri de toutes les spéculations allemandes, connaissant et admettant les théories de la science moderne. […] Tous ces mélancoliques de la pensée pure sont désespérément convaincus de l’inutilité de la vie, — « un geste dans le vide » a dit Amiel, — parce qu’elle n’est dans l’individu qu’un dépôt momentané d’une force fugace elle-même, sise en un globe périssable. […] C’est ainsi que Balzac rend colossales les affaires d’argent que remuent ses héros, que Zola décuple en Son Excellence Eugène Rougon, la force de ce ministre athlétique, que les poètes et les romanciers idéalistes cachent les basses trivialités de la vie. […] Daudet creusent davantage le problème, analysent mieux les sensations et les sentiments, reviennent de certaines thèses sentimentales excessives ; ils n’en sont pas moins des passionnés et ce qu’ils proclament dans leurs livres, c’est non la supériorité ou la parfaite pondération intellectuelle, mais la force des passions, ou de leur forme inférieure, des sensations.
Cet équilibre parfait de l’imagination et de la raison, de l’enthousiasme et de la prudence, de la force d’impulsion et de la force de résistance, de la chaleur d’âme et du sang-froid d’esprit, conserve au génie français cette qualité des qualités, le jugement, sans lequel le génie devient une maladie mentale. […] Quand elle s’adresse à un homme, ce n’est pas grand-chose qu’une épigramme ; c’est une goutte de fiel dans un verre d’eau pour rendre le breuvage de la raillerie amer à celui qu’on force à le boire. […] À cela près, Juvénal, soit dans l’imprécation contre les vices, soit dans la peinture des vertus pures et douces qui font contraste aux horreurs de ces vices, était véritablement un écrivain de premier ordre dans la force comme dans la grâce. […] XVI Les qualités véritablement antiques du style de Boileau, qualités neuves à force d’être antiques, apparurent ainsi dès ses premiers vers. […] Si nous avions à la définir comme nous la comprenons, nous dirions : la critique est la logique des arts, de l’art de penser et d’écrire comme de tous les autres arts que l’esprit humain a inventés pour exercer les forces de son intelligence ou de ses sens à la gloire de son être.
Quelques-uns sont dignes d’en être exhumés, comme des monuments de force et de fécondité dans la pensée humaine. […] Je comprends comment il fut amené par la force et par la justesse de son esprit à chanter le monde invisible. […] J’avais cependant l’esprit aussi juste que le corps sain ; mais j’étais malade d’un poème que je voulais enfanter sans avoir eu encore la force de conception nécessaire à cet enfantement. […] Il a communiqué au mètre français la vibration du mètre toscan ; il a transformé, à force d’art, la période poétique française en tercets du Dante. […] Je crois voir l’originalité souveraine dans cette force d’un grand esprit qui soumet ses idées, les fait obéir, et en obtient tout ce qu’elles peuvent, en sorte que le dernier secret du génie comme de la vertu serait encore de se rendre maître de soi.
Ce n’est pas la force qui manque au poète, c’est la prévoyance et la modération. […] Mendier la protection des salons et des bureaux, est-ce une preuve de force et de virilité ? […] Ne serait-il pas à souhaiter que les futurs récipiendaires fussent de force à défier la verve railleuse de M. […] Le drame veut, avant tout, l’animation, la force, le mouvement, la virilité de la pensée. […] Thiers : la tâche serait au-dessus de mes forces, et surtout de mon savoir.
Ce sera peut-être un tour de force qu’admireront certaines gens (et en petit nombre). […] La foi en soi-même s’use avec les années, la flamme s’éteint, les forces s’épuisent. […] Ainsi je viens de lire de mon ami Du Camp son nouveau roman, les Forces perdues. […] À force d’avoir bien combiné le plan, le plan disparaît. […] « On vivait, dit-il, dans ce temps-là, on pouvait s’affirmer, prouver sa force !
Ramus se défendit avec une force de raison, & une présence d’esprit admirables. […] Quelle force dans presque tous ses tableaux ! […] Lémos crut que Valentia s’étoit évanoui, terrassé par la force des raisons. […] A force d’entendre parler à l’avantage de ce novateur, les deux disciples le goûtèrent. […] Aux combats à force ouverte, on joignoit les ruses de guerre.
Voici où est, cette fois, le tour de force. […] Mais la force, ici, et j’ajoute la sincérité, sauvent tout. […] La démonstration était serrée, avait un air de force. […] Brieux n’ait pas été conduit par la seule force de la vérité. […] Rien qu’en développant ma force, je crée et j’entretiens la vie autour de moi.
Le libre et plein développement de la pure nature qui, en Grèce et en Italie, aboutit à la peinture de la beauté et de la force heureuse, aboutit ici à la peinture de l’énergie farouche, de l’agonie et de la mort. […] Dans cet universel retour aux sens, et dans cet élan des forces naturelles qui fait la Renaissance, les instincts corporels et les idées qui les consacrent se débrident impétueusement. […] En vain on les supplie ; quand à la fin ils ont consenti, ils se repentent ; c’est une curée qu’il leur faut tout de suite, et Warwick le reprenant de force lui tranche la tête dans un fossé. […] — La mort, et la perte éternelle de tout ce que nous aimons, la jeunesse, la force, le plaisir, la compagnie, l’avenir, la raison elle-même. […] trop heureux, le bonheur rend hautain, à ce qu’on dit… Il n’y a pas de paix pour une épouse arrachée à son vrai mari, arrachée de force par un mariage infâme.
Cette complaisance détruit toute la force du langage, les mots n’étant plus les signes de nos jugements, mais d’une civilité tout extérieure qu’on rend à ceux qu’on veut louer, comme pourrait être une révérence. » La peur de la critique était égale au désir d’être loué. […] La république des lettres en France pouvait alors se comparer à un État où deux partis, à peu près d’égale force, se disputent le gouvernement. […] Je ne doute pas que ce génie ne l’eût emporté à la fin par ses propres forces, tout comme je ne doute pas que, sans Richelieu et Louis XIV, la France ne se fût à la fin tirée de l’anarchie et n’eût conquis son unité politique. […] Mais comme il fallait un Louis XIV pour organiser cette nation, et lui apprendre tout ce dont elle était capable, de même il fallait un Boileau pour diriger toutes ces facultés, discipliner toutes ces forces, et faire voir à la France une image éclatante de son génie dans les lettres. […] C’est avec ces mots que Boileau dissipa toute cette vaine poésie : et telle en a toujours été la force dans notre pays, que tous les poètes qui n’en ont pas compris le sens, ou qui ont osé y contredire, sont allés ou iront rejoindre ceux qu’on a spirituellement appelés les victimes de Boileau.
Parlant, en un endroit, de la force de l’éducation qui va souvent jusqu’à corrompre et à changer la nature : Les semences de bien que la nature met en nous, dit-il, sont si menues et glissantes, qu’elles ne peuvent endurer le moindre heurt de la nourriture (de l’éducation) contraire ; elles ne s’entretiennent pas si aisément comme elles s’abâtardissent, se fondent et viennent à rien : ni plus ni moins que les arbres fruitiers qui ont bien tous quelque naturel à part, lequel ils gardent bien si on les laisse venir ; mais ils le laissent aussitôt, pour porter d’autres fruits étrangers et non les leurs, selon qu’on les ente. […] Pour toi, ô Montaigne, ce qui t’a uni à moi pour jamais et à tout événement, c’est la force de nature, c’est le plus aimable attrait d’amour, la vertu. […] Sans trop pousser l’application et sans voir d’allusion trop particulière, il m’est évident que La Boétie jugeait que Montaigne à cet âge y était un peu trop enclin, et il le conviait de toutes ses forces à la chasteté domestique et aux mœurs graves qui sont le fondement de la sagesse. […] Pour corriger ce que le Discours de La Boétie, ainsi reproduit, semblait avoir de provoquant en face de Louis XVI, on y disait par précaution, à la fin de la préface : « Le Discours de La Boétie ne convient que dans ces cas où il y a de grandes injustices. » Puis on faisait un portrait supposé, ou par allusion, d’un chef de la noblesse oppresseur, d’un chef de la justice prévaricateur, d’un Premier ministre despote : Voilà peut-être, concluait-on, contre qui le Discours de La Boétie peut avoir quelque force ; mais contre la monarchie il n’en peut avoir, au moins parmi nous.
Le vieux général Dagobert y commande et essaye, à force d’activité, de suppléer à l’inexpérience des nouvelles recrues. […] La troupe ne voulut pas entendre la lecture de l’acte constitutionnel, fiction politique dans un bivouac ; elle demanda avec force du pain et des souliers. […] Rien ne prouve mieux la force de son ascendant que l’effet que produisent ses paroles sur Pelleport, esprit froid, peu enthousiaste. […] Au restaurant comme à la promenade, au théâtre, partout enfin, je trouvais mon Allemand (il était de Hambourg) me faisant force politesses, il était même parvenu à engager la conversation en me parlant de l’un de mes frères établi à Bordeaux.
On n’a guère à s’inquiéter de savoir comment on se tiendra au niveau et au courant : pour peu que vous soyez en vue, tout vous arrive, vous envahit, force la consigne, entre par la porte, par la fenêtre. […] Quelle dépense, quelle tension des forces intellectuelles ne faut-il pas seulement pour ordonner en soi-même et pour organiser un grand ensemble, et quelles forces, quelle vie tranquille et sans troubles ne faut-il pas pour procéder à l’exécution, pour fondre tout, d’un seul jet d’expressions justes et vraies ! […] Au contraire, si le poëte porte chaque jour sa pensée sur le présent, s’il traite immédiatement, et quand l’impression est toute fraîche, le sujet qui est venu s’offrir à lui, alors ce qu’il fera sera toujours bon, et si par hasard il n’a pas réussi, il n’y a rien de perdu. » Et Gœthe se mit à citer des exemples de poëtes allemands contemporains qui se sont attelés à un grand ouvrage et qui, sauf quelques beaux endroits, ont manqué d’haleine et de force pour l’ensemble.
Ils avaient combiné ce nouveau principe, comme ils l’avaient pu, avec celui des Grecs, et avaient obtenu la solidité en ne ménageant pas la force des appuis et moyennant un système de matériaux homogènes, broyés et cimentés. […] La société, telle qu’elle se formait alors, toute féodale et religieuse, demandait aux constructeurs d’élever force monastères, force églises, des palais aussi, des châteaux surtout et des remparts. […] La force ou la volonté fit défaut pour l’achèvement : la cathédrale des rois, au sein de la capitale et jusque dans sa grandeur, est restée découronnée.
De plus, cette éducation a été absolument sans tendresse ; elle n’a pu développer en lui que l’orgueil et la force de la volonté. […] Je me disais : « Je vois bien qu’un chef d’armée doit avoir une certaine lucidité et une certaine force d’intelligence. […] Jugez quelle force d’âme il exige et de quel tremblement intérieur il doit être accompagné ! […] Robuste, infatigable, usant force chevaux, très habile à manier ses armes, mais payant peu de mine, petit, replet, le visage osseux et presque carré, ses traits, son regard, annonçaient l’audace et la résolution plutôt que la supériorité de la pensée.
Pascal avait affirmé avec cette force qui lui est propre, plutôt que pénétré par des efforts d’analyse qu’il dédaignait, nos imperfections et nos impuissances ; il nous avait fait voir la profondeur de nos maladies et la vanité de nos remèdes ; il avait frappé de discrédit jusqu’à notre morale, vraie en deçà des Pyrénées, disait-il, fausse au-delà. […] La Bruyère ne veut ni nous désespérer, ni nous réduire à l’alternative d’être des intrigants ou des saints ; il veut nous rendre meilleurs dans notre imperfection, et il nous aide par une morale appropriée à nos forces. […] Tant de travail et tant de forces qui s’y emploient, une si étroite union de l’œuvre et de l’ouvrier, seraient-ce donc seulement de vains sujets pour des éloges académiques ou de la pâture pour le paradoxe ? […] On regrette la force de réflexion et de combinaison qu’il a employée pour se défendre de la monotonie.
Il est fait de justesse, de simplicité, de grâce, de force naïve. […] Ce ne fut donc pas à cet effort personnel qui force la gloire que Verlaine et Mallarmé durent de passer brusquement d’une obscurité relative à une célébrité universelle et à la situation de chefs d’école qu’ils occupèrent l’un et l’autre. […] C’est ainsi qu’agit Hugo qui, puissant et despotique, force et subjugue. […] Les meilleurs en sont même exactement à cet instant de la vie où l’homme est maître de ses plus amples forces intellectuelles, et s’ils sont les poètes d’aujourd’hui, ils sont encore les poètes de demain.