Pour acquérir l’Or, Loke attrape avec un filet le nain Andvari, qui le gardait au fond du fleuve, où lui-même nageait sous la forme d’un brochet. […] Mais ira-t-on s’en tenir là, et ne pensera-t-on pas avec nous que le Vaisseau fantôme, Tannhaeuser, Lohengrin et les Maitres Chanteurs, devraient constituer, autant que possible, comme eu Allemagne, le fond du répertoire courant, aux mêmes conditions que les opéras de Meyerheer, d’Halévy, de Verdi et autres. […] Non seulement son enthousiasme et son exaltation se communiquèrent aux artistes, mais, fût-ce sa légende qui inspira les Giotto, fût-ce lui qui commença à construire les grands dômes où leur art s’étala, son intense amour de la nature, la personnification qu’il fit des montagnes, des forêts et des fleuves fut la première impulsion à l’observation de la nature, aux essais de la dessiner et de rendre avec le pinceau le vrai milieu, à la place de quelque fond d’or ou de mosaïque.
Transportez cette impulsion dans toutes les cellules élémentaires d’un organisme, elle sera le fond psychique de ce qui se passe chez les petits êtres vivants dont l’organisme total est composé. […] Dans son fond, elle est d’une nature toujours identique à soi-même, sinon d’une intensité toujours égale, puisqu’elle est la tendance de l’être au plus grand bien-être, à la conservation et à l’expansion de la vie. […] Les meilleures comparaisons seraient celles qu’on tirerait des phénomènes vitaux, de l’assimilation et de la désassimilation, par exemple ; mais les phénomènes de la vie sont, eux aussi, un mécanisme d’une extraordinaire complexité, qui recouvre un fond psychique et ne l’éclaire pour nous qu’imparfaitement.
» L’enfant, d’un air enjoué, Ayant un peu secoué Les pièces de son armure Et sa blonde chevelure, Prend un trait, un trait vainqueur, Qu’il me lance au fond du cœur. […] Je serais encore au fond de l’allée où je commençai ces vers, si M. de Chateauneuf ne fût venu m’avertir qu’il était tard… » Après les jardins, ce que l’on trouvera en fait de pittoresque, dans les lettres de La Fontaine à sa femme, c’est la Loire, la Loire qui l’a infiniment frappé et qui lui a donné, pour la première fois, la sensation de la grandeur, de quelque chose qui fût véritablement grand. […] Donc, aucun terme d’art, mais la silhouette est très heureuse et très représentative, et elle donne une vision très nette de ce roi entouré de tous les objets qui lui étaient habituels, et puis avec son air matois jusque sur le tombeau, cet air qui était le fond même du caractère de Louis XI… D’un livre de cette sorte, ce que l’on attend c’est d’abord du pittoresque, ce sont des rapports exacts et intelligents sur les œuvres d’art que l’on voit et c’est ensuite quelques relations sur les hommes et le caractère des hommes que l’on a rencontrés.
Il se tint fort coi dans cette gloire qui lui avait si peu coûté, écrivant rarement pour qu’elle ne lui coûtât pas davantage, et aussi pour deux raisons, excellentes toutes deux : la première, c’est qu’au fond il était un esprit sec sous une forme péniblement travaillée, et la seconde parce que se faire rare c’est se faire précieux aux yeux des imbéciles, économisant ainsi son talent pour qu’on le crût immense, et prenant la pose, laquelle n’est pas mauvaise, d’un homme qui, malgré sa richesse, ne peut cependant pas détacher tous les matins un diamant de sa cravate pour nous le donner. […] Rhéteur et bel esprit à force de mémoire, mais au fond trop dépourvu de ressources et de vigueur pour avoir été un sophiste, ce Gorgias manqué de notre temps passera dans l’histoire comme cette foule de beaux esprits dont les noms fatiguent, le regard sans l’intéresser. […] et pour lui, enfin, malgré l’emploi et le choix des mots, y a-t-il une autre idée au fond de son livre que celle de nous égruger ses lectures et de se balancer à l’escarpolette éternelle de sa phraséologie accoutumée ?
Assurément la vérité, et même toute la vérité sur l’Italie, est au fond d’une pareille idée. […] Fera-t-elle surgir, du fond des faits, de cette myriade de petits faits qu’elle accumule, une notion, une seule notion sur l’Italie qui change ou altère, sur le compte de ce pays, le jugement du monde ? […] Ferrari et qui aime le plus les idées extrêmes, parce qu’elles balaient toujours très bien les entre-deux, peut-elle laisser passer, comme une vérité sans conteste, cette abstraction d’une inflexible mathématique dans l’histoire, — fût-ce pour le bon motif d’étouffer la raison d’État des politiques et d’en finir avec ce vieux sophisme retiré qui règne toujours, quoique aplati, au fond du système des habiles et du doctrinarisme des constitutions ?
Il y a un fond tragique dans le théâtre de Molière et un fond lugubre dans les aphorismes de Nietzsche. […] Ils ont raison de s’inquiéter de cela : le fond et la forme sont inséparables, et l’on ne peut admirer l’un sans admirer l’autre en même temps. […] Cet élevage demande des soins particuliers, car la glycérine cristallisée fond à dix-huit degrés. […] Et y a-t-il d’absolus sceptiques, et qui n’aient tout au fond de leurs négations l’espérance vague de quelque lueur ? […] Qui peut nommer la couleur d’une rivière qui s’en va sous un ciel bleu, sur un fond jaune, parmi des herbes vertes ?
Et quel nom lui donner encore si l’accusateur s’avouait au fond de son cœur l’innocence de celui qu’il ose accuser ? […] Le repos, le repos, et il n’y a guère de jour que je ne sois tenté d’aller vivre obscur et mourir tranquille au fond de ma province. […] Si c’était un fait qui pût servir au fond de votre procès, je me garderais bien de vous en demander la suppression. […] Je voudrais que ce foutu musicien de Bâle fût au fond de la rivière. […] Relisez, et vous sentirez combien il y a peu de ressort au fond de cette âme.
Une page oubliée au fond d’un journal devenu le jouet de la rage des vents, est-ce une si grande infortune lorsque tant de poèmes n’ont pas trouvé un acheteur ? […] Quant à ce que disait Molière, tout à l’heure, des divertissements permis, Bossuet répond au Père théatin que le théâtre n’est bon « qu’à s’étourdir et à s’oublier soi-même, pour calmer la persécution de cet inexorable ennui qui fait le fond de la vie humaine ». […] Lebrun, dans Le Cid d’Andalousie madame Menjaud a poussé un de ces cris dont je vous parlais tout à l’heure, qui remuent toute une salle de fond en comble ; à cet instant on eût dit que l’obstacle était brisé, que la comédienne venait de découvrir enfin son Océan inconnu et tant cherché. — Hélas ! […] Quand toute cette société que charmait Marivaux de sa politesse, est emportée et morte au fond de l’abîme, sa comédie est vivante encore et porte légèrement cette couronne de roses à peine ternie. […] Laissons l’éloquence au fond du nuage qu’elle éclaire, et contentons-nous de l’esprit, des belles grâces et des charmants remplissages, qui en sont la menue et courante monnaie, sans nous épouvanter du reproche que les niais adressent aux honnêtes gens : Bon !
Dans une pareille méthode, qui est essentiellement logique, tous les personnages, leur disposition relative, le paysage ou l’intérieur qui leur sert de fond ou d’horizon, leurs vêtements, tout enfin doit servir à illuminer l’idée génératrice et porter encore sa couleur originelle, sa livrée pour ainsi dire. […] Si, parmi les personnes qui me lisent, quelques-unes voulaient chercher ces tableaux, je crois bon de les avertir qu’elles les trouveront au bout de la galerie, dans la partie gauche du bâtiment, au fond d’un vaste salon carré où l’on a interné une multitude de toiles innommables, soi-disant religieuses pour la plupart. […] Sculpture Au fond d’une bibliothèque antique, dans le demi-jour propice qui caresse et suggère les longues pensées, Harpocrate, debout et solennel, un doigt posé sur sa bouche, vous commande le silence, et, comme un pédagogue pythagoricien, vous dit : Chut ! […] Avant de vous jeter dans le confessionnal, au fond de cette petite chapelle ébranlée par le trot des omnibus, vous êtes arrêté par un fantôme décharné et magnifique, qui soulève discrètement l’énorme couvercle de son sépulcre pour vous supplier, créature passagère, de penser à l’éternité ! […] L’Orang-outang, entraînant une femme au fond des bois (ouvrage refusé, que naturellement je n’ai pas vu) est bien l’idée d’un esprit pointu.
Recomposons-le d’après lui vers à vers : « Son visage, sa démarche, avaient quelque chose de surhumain ; sa taille était délicate et souple, ses yeux tendres et éblouissants à la fois, ses sourcils étaient noirs comme de l’ébène, ses cheveux colorés d’or se répandaient sur la neige de ses épaules ; l’or de cette chevelure paraissait filé et tissé par la nature ; son cou était rond, modelé et éclatant de blancheur ; son teint était animé par le coloris d’un sang rapide sous ses veines ; quand ses lèvres s’entrouvraient, on entrevoyait des perles dans des alvéoles de rose ; ses pieds étaient moulés, ses mains d’ivoire, son maintien révélait la pudeur et la convenance modeste et majestueuse de la femme qui respecte en elle les dons parfaits de Dieu ; sa voix pénétrait et ébranlait le cœur ; son regard était enjoué et attrayant, mais si pur et si honnête au fond de ses yeux, qu’il commandait la vertu. […] Un vaste bassin d’eau si azurée qu’elle en paraît noire, et si profonde que la sonde n’en atteint pas le fond, occupe toute l’étendue de l’antre. Dans l’été, l’eau dort sans bouillonnement et sans murmure dans son entonnoir de pierres ; au printemps et en automne, l’onde surmonte ses bords, s’épanche en écumant par-dessus le seuil de la caverne, et roule, comme une cascatelle de Tivoli, en lambeaux liquides, jusqu’au fond de la vallée. […] Cette adjuration poétique est le fond de toutes les odes et de toutes les harangues que nous avons entendues, depuis cette époque, dans la bouche de tous les poètes politiques de la Péninsule : de Pétrarque à Alfieri ou à Monti, il n’y a qu’un écho éternel ; les mêmes circonstances produisent le même cri ; mais Pétrarque fut le premier qui fit chanter à la lyre ce cri de la politique.
Il y a loin de là, sans doute, aux futiles questions d’art, de langue, de prose ou de vers ; mais l’art, la langue, la prose ou les vers ne sont que les formes des idées ; c’est le fond qu’il faut d’abord considérer, si nous voulons que ce cours de littérature universelle soit en même temps un cours de pensée et de raison publique. […] Aussi le dernier de ces littérateurs politiques, de Maistre, n’a-t-il pas reculé devant cette divinisation du glaive ; un cri d’horreur lui a en vain répondu du fond de toutes les consciences, il a ses disciples qui confessent sa foi, disciples qui maudissent à bon droit les philosophes démocratiques de l’échafaud et de la Convention, mais que la même logique conduirait fatalement aux mêmes crimes si leur nature ne s’interposait entre leurs théories et leurs actes. […] On s’anéantit devant cette révélation, cette expérience et cette éloquence énonçant il y a vingt siècles, au fond d’une Asie inconnue, des principes sociaux et politiques qui semblent exhumés du sépulcre d’une humanité aussi savante et aussi expérimentée que la nôtre ; on se demande comment les bienheureux rêveurs d’un progrès récent, continu et indéfini peuvent concilier leur théorie avec tant de sagesse au commencement et tant de décadence de doctrines à la fin ? […] Les fleuves de la Chine ne coulent du côté de l’Orient que pour aller s’engloutir dans le lit sans fond de la vaste mer.
« Mes cousins, me dit-elle, ne sont au fond ni méchants ni vicieux, mais l’amour du divertissement les entraîne quelquefois à des plaisanteries dangereuses. […] Du fond de la sombre maison de son père, à Francfort, le nom de Goethe, porté à la foule par Werther, porté à l’élite et aux universités par Goetz de Berlichingen, grandit, comme l’aloès, en un soleil. […] Ils fêtent la résurrection du Seigneur, et eux-mêmes semblent des ressuscités du fond de leurs demeures, de leurs chambres étroites, de leurs servitudes de négoce ou de métiers, de leurs bouges infects, de leurs rues fangeuses, de la nuit livide, de leurs cathédrales. […] Pendant qu’ils s’éloignent, une scène de badinage amoureux, naïve et tendre, se laisse entrevoir et entendre dans un petit pavillon du fond du jardin entre les deux amants heureux de leurs aveux, affligés de leur séparation.
Le bas de la cavité, jusqu’à moitié du nid, était garni de poil de lièvre, et sur le fond, ou nichette, avaient été étendues une demi-douzaine de ces larges plumes duveteuses que notre tétrao commun porte sous le ventre. […] Il contenait cinq œufs, d’une forme ovale allongée, ayant huit lignes de long sur six de large ; le fond en était d’un blanc pur, avec quelques raies ou taches vers le gros bout, et d’un rouge clair. […] Ainsi, bien qu’au fond et sur les côtés, le jardin fût bordé d’une haie épaisse dans laquelle il eût pu s’établir en parfaite sûreté, et que tout auprès fussent les étables avec une ample provision de paille fraîche, cependant il avait préféré le vieux chaume et la clôture du haut du jardin. […] Que mon doigt eût pressé la détente, et c’était fait de sa vie ; mais, m’étant aperçu que ce qu’il dirigeait sur ma poitrine n’était qu’une espèce de mauvais fusil qui ne pourrait jamais faire feu, je me sentis au fond assez peu effrayé de ses menaces et ne crus pas nécessaire d’en venir aux extrémités.
Du fond de son âme s’élève l’image de Cormac, couvert de ses horribles blessures ; le pâle fantôme du jeune héros apparaît dans l’obscurité : le sang coule de ses flancs aériens. […] La joie règne dans les palais ; mais cette joie bruyante ne fait que couvrir la douleur qui habite au fond des cœurs. […] Un coup de vent fond tout à coup du haut de la colline sur les flots. […] Il rêvait, quand il emmenait sept ou huit cent mille hommes au fond de la Russie, pour combattre la disette et les frimas.
La vie des personnages résulte chez le romancier russe de ce qu’avec un sentiment inné de tout le possible et de tout l’humain, il nous sont présentés constamment, vivant avec une telle profusion de descriptions, de citations, d’épisodes, de faits et gestes que la trame continue de leurs actes nous apparaît en effet, presque ininterrompue, et forme le déroulement complet et opulent d’une existence vraiment telle, dans laquelle un équilibre délicat est maintenu entre les formes constantes de cette activité et ses formes variables, adventices, illogiques ; une être réellement vivant est un cours continuel d’actes, de pensées, d’émotions, de mouvements ; on le connaît et on le voit exister d’autant mieux qu’une plus large part de ces manifestations est révélée ; et celles-ci sont d’autant plus vraies et plus propres à donner la notion d’un individu, qu’elfes sont, d’une part, mêmes et semblables au point de figurer un caractère, et qu’elles présentent, de l’autre, les variations lentes ou subites d’âge, de condition, de situation, les réactions instantanées aux événements, les crises à prolongés retentissements, et enfin cette simple mobilité vitale d’idées et de sentiments, qui, sur le fond stable de l’être, font apparaître graduellement ou d’un coup de nouvelles âmes. […] Que ce soit la princesse Kitty Cherbatzky dans le dernier de ces livres, simple jeune fille aimante et gaie, puis déçue, malade, affectée d’une crise de religiosité morbide, puis reprise par un autre amour, devenant une femme naturelle et affectueuse, puis une mère, et se cloîtrant peu à peu dans une étroite sphère de joies et soucis domestiques, — ou les périodes diverses par où marche la passion d’Anna Karénine à mesure que décline sa radieuse beauté ; — que l’on prenne Wronsky, Lévine, tous les personnages de ce populeux roman vivent au sens le plus exact et le plus redoutable de ce mot, passent, montent et déclinent, emportés en un cours lent de variations qui revêt le fond permanent de leur être d’aspects étrangement changeants. […] Dans cette œuvre poursuivie et dilatée au mépris de toutes les convenances du lecteur, anarchique de toutes ses parties, déréglée, informe, grise et vaste comme une nuée, éclate en toute sa force, en ce qui le constitue et le détermine, le génie primordial de Tolstoï : un énorme et montant flux de vie, un large embrassement de tous les êtres, confondant les imaginaires et les historiques, amalgamant en un effort unique, lent et simple, les accidents humains de tout un temps et les grandes catastrophes connues qui roulèrent sur cet humble fond, animant les chœurs de ce grand drame, leurs chefs et la masse obscure de ses victimes et de ses témoins, ce roman est un livre d’humanité, de nombre, de pâle épanouissement dense de vie. […] Il ne lui restait donc qu’à se retirer de la société telle qu’elle existe, à proclamer que le bonheur réside dans une réforme pratique du genre de vie de chacun, dans le renoncement à cette intelligence qui le torturait, à formuler enfin du fond de sa retraite une doctrine, qui contenait les préceptes pour atteindre le bonheur et qui, crue instantanément persuasive et applicable, jetait même sur ce monde, qu’il avait délaissé, un éclat au moins imaginaire de paix et de bonté.
Il raconte, il discute, il écoute, il répond, il s’irrite, il interpelle, il apostrophe, il invective, il gronde, il éclate, il chante, il pleure, il se moque, il implore, il réfléchit, il se juge, il se repent, il s’apaise, il adore, il plane sur les ailes de son religieux enthousiasme au-dessus de ses propres déchirements ; du fond de son désespoir il justifie Dieu contre lui-même ; il dit : « C’est bien ! […] par quel chemin l’Aquilon fond-il sur la terre ? […] « Est-ce toi qui présentes sa pâture à la lionne et qui rassasies les lionceaux, « Lorsque, couchés dans leurs antres, ils épient leur proie du fond de leurs tanières ? […] « Leur substance se fond, et leurs os se dénudent de la chair qui les recouvrait.
L’âme de Dante quitta en quelque sorte la terre avec elle, et on ne peut douter que ce ne fut pour suivre et pour retrouver l’âme de Béatrice qu’il entreprit plus tard ce triple voyage à travers les trois mondes surnaturels, enfer, purgatoire, paradis, où, sous le nom de théologie, il ne cherche et ne divinise au fond que son amante. […] La nature du supplice lui-même, le vent glacial qui emporte dans un tourbillon de frimas les deux coupables, mais qui les emporte ensemble, échangeant l’amère et éternelle confidence de leur repentir, buvant leurs larmes, mais y retrouvant au fond quelque arrière-goutte de leur félicité perdue, quoi de plus dans un tel récit épique ? […] Lorsque Dante parcourt les cercles du paradis, écoutant le bruit harmonieux des astres et cherchant des yeux au fond de l’espace la terre imperceptible ; lorsqu’il apprend de son bisaïeul, Caccia-Guida, sa mission périlleuse et son exil, on reconnaît le récit du Songe de Scipion. […] Tous ces commentaires ne sont au fond que de la nuit délayée avec des ténèbres.
Au fond de cette poétique pauvreté, on croit apercevoir déjà, comme un fruit sous une fleur indigente, l’ordre et l’économie qui produiront tout à l’heure la richesse, et l’on aime ce jeune homme de vingt-trois ans, ce Caleb commercial de bonne humeur, qui cache les vides de sa boutique avec ses chers livres de chevet pour faire honneur à la maison qu’il veut élever. […] Cultivant les lettres en homme qui compte sur elles et sur la gloire qu’elles apportent, quelquefois trop tard, il dirigeait plus qu’il ne maniait les affaires ; mais, s’il l’avait voulu, il aurait prouvé une fois de plus aux ignorants, dont l’opinion gouverne le monde, que l’amour de la littérature ne coupe la main à aucune aptitude, et qu’on sut brasser les affaires avec le génie d’un commis en gardant au fond de soi le dangereux amour des choses intellectuelles. […] Les journaux, les recueils périodiques, pullulèrent… Audin, du fond de cette arrière-boutique qui était un cabinet d’étude où veillait cette lampe de l’écrivain d’Athènes dont on sentait un peu l’huile dans ce qu’il écrivait, mais qui était parfumée, rédigeait et envoyait aux journaux royalistes du temps, et en particulier au Journal de Lyon, fondé par Ballanche, un grand nombre d’articles que les biographes, qui aiment à écouter tomber les feuilles que le vent emporte, disent avoir été remarqués. […] Compréhension des Écritures, lecture des Pères, histoire ecclésiastique, théologie, exégèse, Audin a tout traversé avec son esprit agile et pénétrant, et il a rapporté du fond de ce fourré d’érudition, où il ne s’alourdit jamais, de ces notions que des laïques pouvaient avoir encore au xviie siècle, mais que ceux du xixe n’ont plus et qui étonneraient leur frivolité.
Il en est de même des subsistances : il faut qu’elles circulent pour que les pays abondants secourent les provinces moins favorisées ; il faut que le même sac de blé, qui ne peut satisfaire qu’un appétit, tranquillise dix imaginations dans un marché, comme le petit écu qui satisfait dix créanciers dans une foire… Je n’ai pas à entrer dans le fond : le curieux pour nous aujourd’hui, c’est que, dans un tel instant, M. […] Cette république noble et marchande, dont l’origine se perd dans les plus anciens débris de l’Empire romain ; qui eut la première en Italie, en face et à côté de la nouvelle politique romaine, une politique à elle, profonde, suivie, consommée, indépendante ; qui eut ses épisodes de grandeur héroïque et de chevalerie maritime, bien qu’un intérêt de commerce fût toujours au fond ; qui, dans le cours de sa longue et séculaire décadence, sut trouver tant de degrés encore brillants et des temps d’arrêt si glorieux ; qui ne s’abaissa véritablement que depuis la fin du xviie siècle ; ce gouvernement jaloux, mystérieux, si longtemps sage, de qui la continuelle terreur était tempérée par un carnaval non moins continuel, comme en France la monarchie absolue l’était par des chansons ; cette cité originale en tout, et qui le fut hier encore jusque dans l’insurrection dernière par laquelle, déjà si morte, elle essayait d’un réveil impossible ; cet ensemble d’institutions, d’intérêts, d’exploits et de prouesses, de conjurations, d’espionnages et de crimes ; tant de majesté, de splendeur et d’austère vigilance, se terminant en douceurs molles et en plaisirs, tout cela se suit et se comprend d’autant mieux dans le récit de M.
Méconnaissant dans Homère, ou plutôt n’estimant point cette langue si abondante et si riche, qui est comme voisine de l’invention et encore toute vivante de la sensation même, il préférait nettement la nôtre : « J’oserai le dire à l’avantage de notre langue, je la regarde comme un tamis merveilleux qui laisse passer tout ce que les anciens ont de bon, et qui arrête tout ce qu’ils ont de mauvais. » Enfin, s’emparant d’un mot de Caton l’Ancien pour le compléter et le perfectionner à notre usage, il concluait en ces termes : Caton le Censeur connaissait parfaitement l’esprit général des Grecs, et combien ils donnaient au son des mots, lorsqu’il disait que la parole sortait aux Grecs des lèvres, et aux Romains du cœur ; à quoi j’ajouterais, pour achever le parallèle, qu’aux vrais modernes elle sort du fond de l’esprit et de la raison. […] Dans le public, l’impression de cette querelle fut plutôt à l’avantage de La Motte ; on ne jugea point du fond, mais uniquement de la manière, selon notre habitude.
Tout ce qu’il a fait prouve tant de fond, un sentiment si réfléchi que l’on ne peut voir ses tableaux sans s’arrêter longtemps à les considérer. […] En somme, de tout ce qui a produit dans les arts, c’est lui et Michel-Ange qui me remuent le plus : le premier par le fond de philosophie si bien écrit ; le second par une imagination si gigantesque, si grande, si originale.
Indépendamment de ses Maximes, on a de lui des Réflexions diverses, qui y tiennent de près, mais qui portent moins sur le fond des sentiments que sur la manière d’être en société. […] M. de La Rochefoucauld, parlant de celle qu’il avait aimée, n’aurait pas commencé par décrire « ses cheveux d’un blond cendré de la dernière finesse, descendant en boucles abondantes, ornant l’ovale gracieux du visage, et inondant d’admirables épaules, très découvertes, selon la mode du temps. » Et après cette description toute physique et caressante, et qui sent l’auteur du Lys dans la vallée, il n’eût point déclaré tout aussitôt, en reprenant le ton du professeur d’esthétique qui se retourne vers la jeunesse pour lui faire la leçon : « Voilà le fond d’une vraie beauté !
Telle est l’esquisse très abrégée de cette grande bataille de collège, qui rendit peut-être Santeul au fond moins à plaindre qu’on ne croirait et que ne le supposaient ses adversaires ; car, après tout, une si bruyante tempête était une bien bonne fortune, et bien inespérée, pour six ou sept vers. […] Pour nous, et au seul point de vue littéraire, qui est le nôtre, sans accorder à Santeul plus qu’il ne mérite, en reconnaissant à ses vers les qualités qui y paraissent, la pompe, le feu, la largeur, le naturel et la clarté, mais aussi en y voyant le vide trop souvent et la bagatelle du fond, en nous disant combien sa personne avait besoin d’intervenir à tout instant pour y jeter un peu de cette originalité qui n’était qu’en elle, nous voudrions que tout ce démêlé où il est encore engagé finît par une transaction, qu’il ne fût pas tout entier sacrifié, qu’on ne lui fût point plus sévère que ne l’a été l’abbé de la Trappe, et que les honorables censeurs qui de nos jours l’ont remis en question ne le renvoyassent point hors du temple sans lui laisser au moins un fragment de couronne ; car il est bien de ceux, malgré tout, qui, à travers l’anachronisme de la forme, sont véritablement poètes de race et par nature, il est de ceux qui, comme le disait Juvénal, ont mordu le laurier.