Jean Huss a été brûlé. « Quelle différence entre la coupe d’un poison doux, qui, loin de tout appareil infâme et horrible, laisse expirer tranquillement un citoyen au milieu de ses amis, et le supplice épouvantable du feu… ! […] S’il s’était borné à répéter : « Ne brûlez pas les sorciers ; ne pendez pas les protestants ; n’enterrez pas les morts dans les églises ; ne rouez pas les blasphémateurs ; ne questionnez pas par la torture ; n’ayez pas de douanes intérieures ; n’ayez pas vingt législations dans un seul royaume ; ne donnez pas les charges de magistrature à la seule fortune sans mérite ; n’ayez pas une instruction criminelle secrète, à chausse-trapes et à parti pris68 ; ne pratiquez pas la confiscation qui ruine les enfants pour les crimes des pères ; ne prodiguez pas la peine de mort (il a même plaidé une ou deux fois pour l’abolition) ; ne tuez pas un déserteur en temps de paix, une fille séduite qui a laissé mourir son enfant, une servante qui vole douze serviettes ; soyez très propres ; faites des bains pour le peuple ; n’ayez pas la petite vérole ; inoculez-vous » ; — s’il s’était borné à répéter cela toute sa vie avec sa verve et son esprit et son feu d’artifice perpétuel, et à faire une centaine de jolis contes, je l’aimerais mieux.
Tout cela est encore un résidu de Dieu : « Nous, nous-mêmes, nous qui cherchons aujourd’hui la connaissance, nous les antimétaphysiciens et les impies, nous empruntons encore notre feu à l’incendie qu’une foi vieille de mille années a allumé, cette foi chrétienne qui fut aussi la foi de Platon, et qui posait en principe que Dieu est vérité et que la vérité est divine. » Ce qu’il y a de curieux, pour y songer un instant, c’est que cette science, qui a affranchi l’homme et qui doit l’affranchir de plus en plus, — vous connaissez ce lieu commun, — a besoin d’un esclavage elle-même ; et en même temps nécessite cet esclavage et n’en veut pas entendre parler ; le produit en fait et le proscrit en paroles. […] Toujours de la moralité, on peut en mettre la main au feu, toujours des grands mots de morale, toujours de la grosse caisse de la justice, de la sagesse, de la raison, de la sainteté, de la vertu ; toujours du stoïcisme de l’attitude (comme le stoïcisme cache bien ce que quelqu’un n’a pas !) […] Donner à la société la sécurité contre les voleurs et contre le feu, la rendre infiniment commode pour toute espèce de commerce et de relations et transformer l’État en providence, au bon et au mauvais sens, ce sont là des buts inférieurs, médiocres et nullement indispensables, auxquels on ne devrait pas employer des instruments délicats.
Il serait bon que quiconque se sente le feu sacré et suivant sa fonction se destine à la carrière des Lettres, il serait bon que celui-là délaissât courageusement la latinité et l’hellénisme pour se lancer à plein cœur dans l’étude des sciences exactes et de la politique des faits et des hommes.
Il a songé « qu’il était dans un désert, — il ne put jamais savoir en quel endroit, — et comme il regardait en l’air, — du côté du soleil, — il vit une tour sur une hauteur, — royalement bâtie, — une profonde vallée au-dessous, — et là-dedans un donjon, — avec de profonds fossés noirs, — et terribles à voir. » Puis, entre les deux, une grande plaine remplie de monde, « d’hommes de toutes sortes, — pauvres et riches, — travaillant et s’agitent, — comme le veut le monde ; — quelques-uns à la charrue — labouraient avec un grand effort, — pour ensemencer et planter, — et peinaient durement, — gagnant ce que des prodigues venaient détruire et engloutir164. » Lugubre peinture du monde, pareille aux rêves formidables qui reviennent si souvent chez Albert Durer et chez Luther ; les premiers réformateurs sont persuadés que la terre est livrée au mal, que le diable y a son empire et ses officiers, que l’Antechrist, assis sur le trône de Rome, étale les pompes ecclésiastiques pour séduire les âmes et les précipiter dans le feu de l’enfer.
Et, en effet, dans le même temps, c’est-à-dire aux environs de 1840, après avoir en quelque sorte « jeté ses premiers feux », et bruyamment occupé l’opinion de l’histoire de son mariage ou du scandale de ses amours, l’auteur elle-même d’Indiana, de Valentine, de Lélia, commence d’entrevoir que l’observation du dehors, l’observation impersonnelle et désintéressée, qui fait la définition du roman, en fait donc aussi la valeur. […] — Les Vierges de Verdun ou Moïse sur le Nil ne sont que du Lebrun ou du Jean-Baptiste Rousseau supérieurs. — Le Conservateur littéraire ; — et que les doctrines soutenues dans ce journal par Victor Hugo et ses frères, — en expliquent et en justifient le titre. — Les Odes de 1822. — L’influence de Walter Scott, et la publication de Han d’Islande, 1823. — Le second recueil d’Odes, 1824, et comment on y retrouve l’influence des Poèmes antiques de Vigny [Cf. le Chant du Cirque, ou le Chant du Tournoi]. — On y retrouve aussi l’influence de Chateaubriand ; — qui se fait d’ailleurs sentir bien plus encore dans le recueil de 1826, Odes et Ballades ; — et dans la véhémence de l’inspiration royaliste d’Hugo. — Cromwell et la Préface de Cromwell, 1827 ; — et combien il s’y rencontre peu d’idées, — que Stendhal ou de Staël n’eussent exprimées avant Victor Hugo. — Premières relations d’Hugo avec Sainte-Beuve, 1827 ; — et que c’est d’elles que date le rattachement du « romantisme » à la pléiade « classique ». — C’est d’elles aussi que date l’importance qu’Hugo donnera désormais aux questions de « facture » ; — et qui s’aperçoit bien dans les Orientales, 1829 [Cf. notamment Le Feu du ciel et Les Djinns] ; — où d’ailleurs et de plus le poète semble avoir voulu montrer à Casimir Delavigne comment il eût dû écrire les Messéniennes. — Marion Delorme, 1829 ; — Hernani, 1830 ; — Notre-Dame de Paris, 1831 ; — Les Feuilles d’automne, 1831 ; — et qu’autant le roman doit de son existence même au Quentin Durward de Walter Scott, — autant Les Feuilles d’automne doivent de leur l’inspiration aux Méditations, et aux Confessions de J.
Lucienne glisse à des sottises, parce que, le premier feu de son amour pour Jean une fois tombé, elle se souvient à tout moment qu’elle est fille de fille, et ce que cela signifie d’après son nigaud d’oncle. […] Laisse ma bouche en feu sur ta lèvre pâmée Boire le lent parfum de tes cheveux flottants ! […] Comme au front monstrueux d’une bête, géante… Ô Mer, sinistre Mer… On dirait que la terre a bu le sang des lis… Parlez, terrestres voix, chœur nocturne des choses… Pareille au fin réseau que sur sa gorge nue… Ô lampes des tombeaux, astres, feux symboliques !
Je hais ces vains auteurs dont la muse forcée M’entretient de ses feux, toujours froide et glacée, Qui s’affligent par art, et fous de sens rassis… … Pour bien exprimer ces caprices heureux, C’est peu d’être poète, il faut être amoureux ; Il faut que le cœur seul parle dans l’élégie. […] Apollon de son feu leur fut toujours avare. […] Puis, ses yeux, des yeux terribles de soldat qui va au feu, se plantèrent droit sur le neveu qui reniait l’armée.
Ardisson, que l’on accusait calomnieusement d’avoir mis lui-même le feu dans son appartement de la rue du Temple, pour incendier son mobilier et toucher une assurance de 600000 francs. […] Je n’insisterai pas sur les « nombres » de sa prose, la simplicité hardie de ses images, la quantité de vers qui s’insinuent naturellement dans la trame de son style : Ses yeux étincelaient du feu de ses désirs… J’osai trop contempler ce dangereux spectacle… Mais j’ai lu mieux que toi dans ton cœur trop sensible… Je puis me consoler de tout, hors de te perdre… Mon faible coeur n’a plus que le choix de ses fautes… Je ne rappellerai que pour mémoire ces qualités de « mouvement », — qui n’étaient certes pas inconnues de la prose française, mais enfin, dont les grands orateurs du siècle précédent n’avaient appliqué la force entraînante qu’à l’expression des idées religieuses ; — ou bien encore ces couplets passionnés où les Lamartine et les Hugo, Lamartine surtout, n’ont eu plus tard qu’à coudre des rimes. […] C’est ainsi que je n’ai trouvé enfin, ni à Fange, ni à Enfer, ni à Forge, les trois vers de Booz endormi : Il était, quoique riche, à la justice enclin, Il n’avait pas de fange en l’eau de son moulin ; Il n’avait pas d’enfer dans le feu de sa fange.
L’antique cité d’Albe la Longue aurait surgi de l’ombre du passé, comme la Carthage de Salammbô, avec ses remparts, ses palais, les costumes de ses habitants et leur physionomie, le tout éclairé par l’ardente lumière d’une imagination chauffée au feu de la science. […] Enfin c’est le feu d’artifice d’opinions que M. […] Le feu brûle paisiblement.
Les armes à feu, cependant, seraient prohibées, pour éviter aux condamnés la tentation de les essayer sur leurs gardiens.
Ayant pour fonction primitive de fabriquer des instruments inorganisés, elle doit, à travers mille difficultés, choisir pour ce travail le Feu et le moment, la forme et la matière.
Là où l’entendement, s’exerçant sur l’image supposée fixe de l’action en marche, nous montrait des parties infiniment multiples et un ordre infiniment savant, nous devinerons un processus simple, une action qui se fait à travers une action du même genre qui se défait, quelque chose comme le chemin que se fraye la dernière fusée du feu d’artifice parmi les débris qui retombent des fusées éteintes.
L’impitoyable dont tu enviais les miettes et qui implore maintenant la goutte d’eau du bout de ton doigt ne pouvait apercevoir son indigence que dans l’illumination des flammes de son tourment ; mais il a fallu que je te prisse des mains des Anges, pour que ta richesse, à toi, te fût révélée dans le miroir éternel de cette face de feu. […] … Un feu d’artifices roulant et pétaradant… et dont la moindre étincelle suffisait à embraser les fusées, les soleils et les bombes !
— Ma joue en feu l’a reconnu — Et cette boue de la grande route — c’est bien la boue de ma patrie. — Les chevaux remuaient la queue — Affectueusement, commode vieilles connaissances — Et leurs crottins me semblaient aussi jolis — Que les pommes d’Atalante. » Oh ! […] Elle a commencé avec celui qui a inventé le feu. […] Voilà ce qui en subsiste après qu’il a coupé et jeté au feu les trois quarts de ce que les hommes appellent généralement de ce nom.
La nature sérieuse de Taine, ennemie de toute frivolité mondaine, sa prédilection pour les individualités énergiques, sa conviction que le progrès régulier et la vraie liberté ne peuvent exister que là où se trouvent de fortes traditions, le respect des droits acquis et l’esprit d’association allié à l’individualisme, tout chez lui concourait à lui faire aimer et admirer l’Angleterre et à le rendre sévère pour un pays enthousiaste et capricieux, où la puissance des habitudes sociales émousse l’originalité des caractères, où le ridicule est plus sévèrement jugé que le vice, où l’on ne sait ni défendre ses droits ni respecter ceux d’autrui, où l’on met le feu à sa maison pour la reconstruire au lieu de la réparer, où le besoin de tranquillité fait préférer la sécurité stérile du despotisme aux agitations fécondes de la liberté. […] « Dans ce malheur accompli, privations du présent, craintes de l’avenir, l’ennemi étant à deux pas (1814) et mes ennemis, à moi, se moquant de moi tous les jours, un jour, un jeudi matin, je me ramassai sur moi-même, sans feu (la neige couvrait tout), ne sachant pas si le pain viendrait le soir, tout semblant finir pour moi, j’eus en moi un pur sentiment stoïcien ; je frappai de ma main, crevée par le froid, sur ma table de chêne (que j’ai toujours conservée) et je sentis une joie virile de jeunesse et d’avenir ».
Or c’est cette confidence même que j’aurais trahie, non pas seulement la confidence de l’ami, mais la confidence du voyageur et de l’hôte, la confidence de la route et de la table, de la marche et ensuite du fauteuil devant le feu, la confidence du foyer même, le vôtre, — le mien, — l’hospitalité antique et la fraternité moderne. […] Guerrier Moïse sur le Nil, en entrant en sixième à Pâques : « Mes sœurs, l’onde est plus fraîche aux premiers feux du jour !
N’est-ce pas un ascète, ennemi passionné du vice, qui déshabille l’adultère incestueux de Renée (la Curée), qui décrit en un style de feu les angoisses du prêtre infidèle à ses vœux et l’agonie de sa touchante complice (la Faute de l’abbé Mouret), qui nous montre Coupeau vautré dans son ordure ou Chanteau hurlant de douleur sous les attaques de la goutte qui punit sa gourmandise en lui dévorant les jointures ? […] Les seuls oracles qu’elle veuille accepter il faut qu’ils sortent du trépied d’Apollon, du buisson de feu, de la colonne de nuées, des chênes séculaires ou des grandes forêts sacrées.
La reine de nos Tyrs et de nos Babylones ressemble à Sodôme ravagée par le feu du ciel !
La paisible maison respire, au jour qui baisse, Les petits orangers fleurissants dans leurs caisses ; Le feuillage qui boit les vapeurs de l’étang, Lassé des feux du jour, s’apaise et se détend.
Mais il est vrai aussi qu’il n’y a qu’un seul Jupiter, le quoi que ce soit qui n’a rien au-dessus de lui… Il est bien vrai que Minerve est sortie du cerveau de Jupiter… Il est bien vrai que chaque homme a son génie conducteur et initiateur qui le guide à travers les mystères de la vie… Il est bien vrai qu’Hercule ne peut monter sur l’Olympe qu’après avoir consumé par le feu, sur le mont Eta, tout ce qu’il avait d’humain… Il est bien vrai que les héros qui ont bien mérité… ont droit d’être déclarés dieux par la puissance légitime ; la canonisation d’un souverain dans l’antiquité païenne et l’apothéose d’un héros du christianisme dans l’Église… partent du même principe… Il est bien vrai que les dieux sont venus quelquefois s’asseoir à la table des hommes justes, et que d’autres fois ils sont venus sur la terre pour expier les crimes des hommes… » Et ainsi de suite pendant des pages ; car si le jeu est imprudent, il est facile. […] Si, vraiment, il a une âme, mais une âme peu profonde, terre légère où ne se nouent point les fortes racines ; et comme sa volonté est toute eu velléités violentes, sa sensibilité est toute en exaltations soudaines qui tombent vite, feux de paille qui ont l’air d’éclairs. […] Bonstetten avait beaucoup connu Benjamin Constant, et assisté bien souvent à l’illumination fugitive de ses feux d’artifice de passion.
Ainsi Prométhée, enchaîné par les dieux sur le Caucase en punition de la révélation du feu faite aux hommes, est le mythe de l’initiateur puni par les patriciens. […] Au contact de ce feu céleste, l’homme tout entier a dû se transformer ; celui qui réalise à nos yeux le beau avec tant d’éclat ; celui qui nous révèle une vertu inconnue, qui nous fait apparaître un rayon de l’invisible idéal, pourrait-il ne pas connaître, ne pas aimer, ne pas pratiquer tout ce qui est bien ? […] juste condamnation de tous ceux qui, doués de cette royauté du génie, ne savent pas affranchir de toute souillure une conscience qu’habite ce feu sacré, et dépensent dans un but égoïste cette richesse intérieure confiée à un seul pour le bien de tous.
BAGLIVI donna une analyse de la salive, qu’il traita par le feu et par divers réactifs.
Oui, je voudrais que dans la direction des choses humaines on fît la part de la femme, comme on fait la part du feu, et un peu par les mêmes raisons ; car, en voyant sa nullité officielle chercher des compensations dans une influence sans limites définies, je suis effrayé de cette puissance occulte qui équivaudra bientôt, si l’on n’y prend garde, au gouvernement irresponsable du monde. […] Passaglia, « le vrai infâme près de qui les autres semblent innocents ; le monstre plus redoutable que le feu, pire que le païen et le renégat ».