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1252. (1925) Dissociations

Quelques-uns, avant d’avoir découvert l’entrefilet émouvant, esquissaient déjà un commentaire philosophique sans bienveillance, puis pliaient la feuille, afin de la lire en famille : « Tu ne sais pas ? […] Lui parler, chercher à s’en faire aimer aurait été considéré comme de conduite irrespectueuse, presque suspecte, surtout dans les rigides familles bourgeoises de province. […] On faisait sa déclaration à la famille qui la transmettait, si cela lui plaisait. […] Il faut se mettre à leur recherche, cependant que passent les familles indifférentes et qu’aux bancs solitaires se tassent les amoureux. […] Nous avons à peine la force de sourire devant l’impudence de la famille Badin qui n’a pas su « qu’on ne badine pas avec la mort ».

1253. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Roederer. — III. (Fin.) » pp. 371-393

C’est alors que, retiré absolument des affaires, au seuil d’une robuste vieillesse, vivant de préférence en sa charmante habitation du Bois-Roussel (dans l’Orne), au milieu des libertés champêtres ou des joies de la famille, il se livra à ses goûts d’étude et de société combinés, et à la composition d’ouvrages moitié littéraires, moitié historiques, où il se développa avec une originalité entière. […] Beugnot, doux, souple, pliant et malin, était d’une toute autre race et famille d’esprits que Roederer, dont la bienveillance lui était suspecte et dont l’écorce un peu amère lui agréait peu.

1254. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Le maréchal de Villars — III » pp. 81-102

Je me trouve toujours une dignité qui établit ma famille. […] Villars en était venu à se défier de la fidélité de l’électeur dans l’alliance, tant il le voyait indécis, mal entouré, et sollicité en sens contraire par sa famille et par ses proches ; il craignait d’un moment à l’autre une défection : « Cette bataille empêche un grand changement », écrivait-il à Chamillart au lendemain d’Hochstett ; et il ajoutait : Je crois devoir vous supplier, monsieur, de représenler à Sa Majesté qu’il est bon qu’elle paraisse entièrement satisfaite de la valeur de M. l’électeur, de celle du comte d’Arco, des troupes de M. l’électeur, bien que dans la chaleur du combat je n’aie pu m’empêcher de me plaindre un peu de leur flegme10.

1255. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Histoire de la querelle des anciens et des modernes par M. Hippolyte Rigault — II » pp. 150-171

Qu’on relise seulement à haute voix ce passage connu des Martyrs, dans la visite que Cymodocée et son père sont allés faire à la famille d’Eudore en Arcadie : Comme Lasthénès achevait de prononcer ces paroles, le soleil descendit sur les sommets du Pholoë, vers l’horizon éclatant d’Olympie ; l’astre agrandi parut un moment immobile, suspendu au-dessus de la montagne comme un large bouclier d’or… Les bois de l’Alphée et du Ladon, les neiges lointaines du Telphusse et du Lycée se couvrirent de roses ; les vents tombèrent, et les vallées de l’Arcadie demeurèrent dans un repos universel… D’où vient que l’enchantement produit par des sons amène une larme ? […] La santé affaiblie de l’abbé de Pons et ses infirmités croissantes, qui ne lui permettaient plus les relations de société, lui firent prendre le parti de se retirer en 1727 à Chaumont, dans le sein de sa famille.

1256. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Entretiens de Gœthe, et d’Eckermann »

Il est sans doute, à quelque degré, de la famille des Brossette et des Boswell, de ceux qui se font volontiers les greffiers et les rapporteurs des hommes célèbres ; mais il choisit bien son objet, il l’a adopté par choix et par goût, non par banalité ni par badauderie aucune ; il n’a rien du gobe-mouche, et ses procès-verbaux portent en général sur les matières les plus élevées et les plus intéressantes, dont il se pénètre tout le premier et qu’il nous transmet en auditeur intelligent. […] La maison, à l’étage inférieur, était animée par le mouvement des gens de service, et l’on sentait la présence d’une famille.

1257. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Histoire de la Restauration par M. Louis de Viel-Castel. Tomes IV et V. (suite et fin) »

Ce personnage original et unique, en un temps où il y en a si peu de parfaitement entiers, était, comme on sait, sorti de souche janséniste ou plutôt d’une famille imbue des principes et des maximes de Port-Royal, ce qui est, à mes yeux, un peu différent ; c’était, en un mot, de la sévérité morale chrétienne plutôt encore que de la théologie qui l’avait environné et nourri dès l’enfance, et il n’avait eu sous les yeux que l’exemple des justes dans son petit pays de Sompuis en Champagne, où, par hasard, la bonne et forte semence du pur Port-Royal était allée tomber. […] Quoiqu’ayant été préfet de police sous l’Empire, il avait, par ses tout premiers antécédents de conseiller dans l’ancien Parlement de Paris sous Louis XVI, par la mort de son père immolé sur l’échafaud et par tous ses liens de famille ou de jeunesse, une teinte royaliste très-suffisante pour figurer sur un très-bon pied dans la Chambre nouvelle.

1258. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « Horace Vernet (suite.) »

Horace pense à sa famille, à ses petits-fils, à celui qu’en son langage de grand-père il appelle Rabadabla : il écrit jour par jour à Mme Vernet : « Encore un jour passé, écrit-il le 10 novembre, et nous n’avons remonté qu’un échelon de l’échelle que nous avons descendue si rapidement. […] Les autres membres de la famille, comme je vous l’ai déjà dit, ne sont pas mal non plus ; en entendant le vieux Carle parler de son père Joseph, on éprouve du respect pour ces gens-là, et je prétends, moi, qu’ils sont nobles. » — Et c’est ainsi qu’une vive nature d’artiste sympathise avec ses semblables, les reconnaît à travers les diversités de genre et de langue, les salue, les aime, les fait revivre… et l’on est à cent lieues du cuistre, de l’être immonde, arrogant et dur.

1259. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Essai de critique naturelle, par M. Émile Deschanel. »

Deschanel prétend simplement que dans toute œuvre d’écrivain, dans toute production un peu considérable, il y a lieu d’étudier et de noter les influences du sang, de la parenté, de la famille, de la race, du sol, du climat. […] De même que La Bruyère a peint des caractères moraux qui font type, on arriverait ainsi à tracer quantité de portraits-caractères des grands écrivains, à reconnaître leur diversité, leur parenté, leurs signes éminemment distinctifs, à former des groupes, à répandre enfin dans cette infinie variété de la biographie littéraire quelque chose de la vue lumineuse et de l’ordre qui préside à la distribution des familles naturelles en botanique et en zoographie.

1260. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Maurice comte de Saxe et Marie-Joséphine de Saxe dauphine de France. (Suite et fin.) »

Un des plus consciencieux écrivains du maréchal, dans son estimable travail, s’en est trop remis de confiance à l’auteur de cette Notice, Dumolard, écho de la famille, et qui a fait de Mme Favart un modèle de vertu des plus touchants, dont le maréchal n’aurait eu raison qu’après des années. […] La vérité avant tout, et ce qui n’est qu’un autre nom de la vérité, la mesure. — Et pour en finir avec toutes ces prêcheries vertueuses sur Mme Favart et avec ceux qui seraient tentés de les renouveler, je mettrai ici la page de M. de Lauraguais, que peu de gens iraient chercher ailleurs et qui sent à pleine gorge son xviiie  siècle : il ne songe qu’à donner une preuve de la confusion d’idées de l’abbé de Voisenon, à la fois libertin indévot, scandaleux, et avec cela scrupuleux sur un seul point qui était de ne pas manquer à dire son bréviaire ; or voici ce dont M. de Lauraguais fut témoin comme bien d’autres et ce qu’il raconte : « Personne n’ignore que Favart, sa femme et l’abbé de Voisenon vivaient en famille, et furent pères de Gertrude, de l’Anglais à Bordeaux, sans compter d’autres enfants.

1261. (1872) Nouveaux lundis. Tome XIII « Le général Jomini. [V] »

Que la Suisse penche plus ou moins vers la fédération ou vers l’unité, ce sont là pour elle des démêlés de famille et où l’on n’a que faire de s’immiscer. […] Deux affections de famille représentaient assez bien la double politique qu’il eût aimé à concilier.

1262. (1872) Nouveaux lundis. Tome XIII « Œuvres françaises de Joachim Du Bellay. [I] »

Par ce simple aperçu, que je ne me flatte pas d’avoir su rendre complet, j’ai tenu à bien montrer du moins l’ensemble du mouvement qui s’est produit, depuis une trentaine d’années, autour de cette famille particulière de vieux poètes. […] Joachim Du Bellay avait vingt-cinq ans alors : né au bourg de Lire, à douze lieues d’Angers, il appartenait à l’illustre famille des Du Bellay, dont les deux frères, le capitaine Langey et le cardinal Du Bellay, s’étaient signalés dans les armes et dans les négociations pendant la première moitié du siècle.

1263. (1872) Nouveaux lundis. Tome XIII « Œuvres françaises de Joachim Du Bellay. [II] »

La haute source de l’admiration était là, perpétuelle et vive, et nulle part ailleurs ; et cependant l’inspiration moderne, quand elle naissait, trouvait moyen de se créer une forme à elle, une variété d’imitation qui avait son caractère et son originalité, mais qui, malgré tout, par quelque côté, devait aller se rejoindre à la grande tradition et offrir en soi des traits de ressemblance avec l’antique famille. […] Il voudrait voir adopter dans la famille française « les coulants et mignards hendécasyllabes », chers à Catulle et à Jean Second.

1264. (1869) Cours familier de littérature. XXVII « CLXIe Entretien. Chateaubriand »

Quelquefois aussi, brûlant du désir de pouvoir rester à Paris toute l’année pour la revoir tous les soirs, je songeais, non par ambition, mais par amour, à me créer quelque emploi modeste, mais suffisant pour y vivre indépendant de ma famille. […] J’avais pardonné cependant, quand je me rappelai que ce même écrivain, toujours pur selon lui et ses amis, avait fait la cour à l’empereur pour obtenir la place de secrétaire d’ambassade à Rome, sous le cardinal Fesch ; qu’il avait ensuite été le favori de M. de Fontanes, favori lui-même de la princesse Élisa ; qu’il passait son temps à Morfontaine, dans l’intimité de cette famille couronnée ; qu’il avait obtenu par elle l’emploi de ministre plénipotentiaire en Valais ; qu’il avait, il est vrai, donné sa démission après le meurtre du duc d’Enghien ; mais que, dans sa harangue à l’Académie, peu de temps après, il avait proclamé Napoléon le nouveau Cyrus, en termes d’un poétique enthousiasme ; le fond de mon cœur n’était pas sans quelque scrupule sur l’immaculée pureté du bourbonisme de M. de Chateaubriand.

1265. (1895) Histoire de la littérature française « Quatrième partie. Le dix-septième siècle — Livre II. La première génération des grands classiques — Chapitre II. Corneille »

Les passions ne troublèrent pas sa vie : il était homme de famille, et vécut dans une étroite intimité avec son frère Thomas, de vingt ans plus jeune que lui. […] Pierre Corneille, né le 6 juin 1606, à Rouen, était d’une famille de robe ; il étudia le droit, fut reçu avocat, et acquit une charge d’avocat général à la table de marbre du Palais (eaux et forêts, et navigation).

1266. (1895) Histoire de la littérature française « Sixième partie. Époque contemporaine — Livre III. Le naturalisme, 1850-1890 — Chapitre V. Le roman »

Zola : toute la série des Rougon-Macquart, cette histoire naturelle d’une famille sous le second empire, ne nous apprend rien sur la loi de l’hérédité, ne la démontre ni ne l’explique. […] Car toutes les branches de la famille des Rougon-Macquart poussent de tous côtés, à toutes hauteurs, et la série ne me donne pas même cette impression générale que produit la Comédie humaine de Balzac : les récits divergents ne concourent pas à former en moi l’idée d’un vaste ensemble social, où les diverses parties se tiennent et se raccordent.

1267. (1886) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Deuxième série « Anatole France »

Voilà bien le drame qui a dû, dans les trois premiers siècles, troubler d’innombrables familles. […] Il ne faudrait pas croire après cela que ces deux petits romans soient de la même famille que ceux de Xavier de Maistre ou, pour citer un moindre artiste, de M. 

1268. (1889) Histoire de la littérature française. Tome III (16e éd.) « Chapitre douzième. »

C’est ainsi que, de la cinquième à la neuvième édition, chaque division du livre forma comme une salle particulière, où vinrent se ranger, à mesure que le siècle les faisait passer devant lui, les originaux les plus marquants de la même famille. […] Le seul de cette grande famille, il a cherché la vérité pour plaire, dans un temps où les auteurs plaisaient en la cherchant pour elle-même.

1269. (1913) Les antinomies entre l’individu et la société « Chapitre VIII. L’antinomie économique » pp. 159-192

Un médecin souhaite à ses concitoyens de bonnes fièvres, et un procureur de bons procès dans chaque famille. […] Cela peut être une source de division entre individus, entre familles, entre classes et sous-classes sociales.

1270. (1880) Les deux masques. Première série. I, Les antiques. Eschyle : tragédie-comédie. « Chapitre IV, Eschyle. »

Au temps d’Homère, le mythe aurait transfiguré cette famille épique ; il en aurait fait un groupe d’astres ou de demi-dieux. […] Les luttes des dieux détrônés et des dieux régnants, leurs vengeances et leurs châtiments arbitraires, le libre arbitre opprimé par la tyrannie du destin, les meurtres ordonnés par des oracles et punis par des décrets également divins, les dynasties et les familles vouées à l’hérédité du forfait, toutes ces redoutables énigmes déchirent évidemment, sa pensée.

1271. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Émile Augier — Chapitre II »

Pour qui sait quelle grande ombre jetait un duc dans le monde, même à ce crépuscule de la monarchie, de quel pied de pourpre il foulait la terre, et quelle solennelle étiquette régnait jusque dans l’intérieur de ces grandes familles rangées en face du trône et en vue du peuple, les incartades du chevalier de Talmay divaguent d’inconvenance et de contresens. […] Pour un nom d’emprunt, pour des armoiries de pacotille, pour une alliance véreuse et vénale, il reniera sa famille, ses amis, sa maîtresse et sa musique !

1272. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Monsieur de Broglie. » pp. 376-398

Le monde nouveau, la famille dans laquelle il entrait, le trouva singulièrement disposé à élever son libéralisme d’un cran si je puis dire, à lui trouver des raisons plus fines, plus neuves, plus distinguées, plus d’accord avec l’idée morale qu’on s’y faisait de la nature humaine. […] Le célèbre Johnson l’employait d’ordinaire dans le siècle dernier, et il le rédigeait comme il suit : La loi de primogéniture, disait-il, a cela de bon, que du moins elle ne fait qu’un sot par famille.

1273. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « L’abbé Galiani. » pp. 421-442

Au milieu de ces distractions d’esprit et des jeux avec sa chatte qui lui fournit mille sujets d’observations philosophiques et folâtres, Galiani remplit exactement ses devoirs d’homme public et ceux de chef de famille. […] Une femme de Paris, Mme Du Bocage, lui avait proposé de remplacer auprès de lui Mme d’Épinay comme correspondante, pour le tenir au courant des choses et des personnes ; il refuse cette distraction et ce soulagement : Il n’y en a plus pour moi, s’écrie-t-il avec un accent qu’on ne saurait méconnaître ; j’ai vécu, j’ai donné de sages conseils, j’ai servi l’État et mon maître, j’ai tenu lieu de père à une famille nombreuse ; j’ai écrit pour le bonheur de mes semblables ; et, dans cet âge où l’amitié devient plus nécessaire, j’ai perdu tous mes amis !

1274. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Biographie de Camille Desmoulins, par M. Éd. Fleury. (1850.) » pp. 98-122

Un parent de sa famille avait obtenu pour lui une bourse, et il y fit honneur. […] Il avait eu à son mariage cinq témoins, Pétion, Brissot, Sillery, Mercier, et ce cher Robespierre toujours ; ces cinq témoins avaient dîné ce jour-là en famille, en petit comité, avec les jeunes époux.

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