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650. (1874) Premiers lundis. Tome I « Fenimore Cooper : Le Corsaire Rouge »

Cooper manque du tout de cette faculté créatrice qui enfante et met au monde des caractères nouveaux, et en vertu de laquelle Rabelais a produit Panurge ; Le Sage, Gil Blas ; et Richardson, Clarisse.

651. (1875) Premiers lundis. Tome III « Eugène-Scribe. La Tutrice »

Si vieille que soit une littérature, si vieux même que soit le monde, les sujets ne manqueront jamais au génie, qui est précisément la faculté de voir et de faire voir les choses sous des points de vue nouveaux.

652. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre premier. Impossibilité de s’en tenir à l’étude de quelques grandes œuvres » pp. 108-111

Ensuite, on oublie qu’entre génie et talent il y a différence de degré, non de nature ; ou, si l’on aime mieux une formule plus claire, qu’à toute époque l’originalité, la faculté d’innover, le don de créer sont répartis à doses inégales parmi beaucoup de personnes, au lieu d’être concentrés en deux ou trois seulement.

653. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — Joseph Scaliger, et Scioppius. » pp. 139-147

On y voit Jules représenté comme le plus grand guerrier de son siècle, parce que, dépourvu de fortune & de talent, il avoit fait, dans sa jeunesse, quelques campagnes en Italie, en qualité de simple soldat ; comme le plus habile médecin de l’Europe, parce qu’il avoit pris des dégrés dans la faculté de médecine de Padoue, & qu’il exerçoit cet art, moins pour guérir les autres, que pour s’empêcher de mourir de faim ; comme meilleur latiniste qu’Erasme, & supérieur en tout à Cardan, parce qu’il fut l’ennemi juré de l’un & de l’autre.

654. (1870) De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés « De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés — Introduction »

Quatre chapitres qui viennent ensuite résoudront les difficultés les plus graves et les plus apparentes de la théorie : c’est d’abord la difficulté des transitions, c’est-à-dire comment il se peut qu’un être rudimentaire ou un organe simple se soit changé en un être d’un développement élevé et parfait ou en un organe ingénieusement construit ; secondement, l’instinct ou les facultés mentales des animaux ; troisièmement, l’hybridité ou la stérilité des croisements entre espèces et la fécondité des variétés croisées ; quatrièmement, l’insuffisance des documents géologiques.

655. (1765) Essais sur la peinture pour faire suite au salon de 1765 « Examen du clair-obscur » pp. 34-38

Deux sortes de peintures : l’une qui plaçant l’œil tout aussi près du tableau qu’il est possible sans le priver de sa faculté de voir distinctement, rend les objets dans tous les détails qu’il aperçoit à cette distance, et rend ces détails avec autant de scrupule que les formes principales, en sorte qu’à mesure que le spectateur s’éloigne du tableau, à mesure il perd de ces détails, jusqu’à ce qu’enfin il arrive à une distance où tout disparaisse ; en sorte qu’en s’approchant de cette distance où tout est confondu, les formes commencent peu à peu à se faire discerner et successivement les détails à se recouvrer, jusqu’à ce que l’œil replacé en son premier et moindre éloignement, il voit dans les objets du tableau les variétés les plus légères et les plus minutieuses.

656. (1896) Études et portraits littéraires

De cette faculté maîtresse, tige merveilleuse, il fait sortir l’artiste et son œuvre « comme une fleur ». […] La « faculté maîtresse » n’y occupe pas une place égale. […] Ils sont là avec le jeu élémentaire de leurs facultés, la spontanéité de leurs instincts, sans conflits ni traverses compliqués. […] Nul, en effet, mieux que le grand avocat ne semble vérifier en sa personne la thèse de la faculté maîtresse. […] Un talent sans cordialité, un esprit qui n’a pas la faculté de s’éprendre.

657. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre II. La Renaissance. — Chapitre IV. Shakspeare. » pp. 164-280

Une fois qu’on a saisi la faculté maîtresse, on voit l’artiste tout entier se développer comme une fleur. […] Sa faculté dominante est l’imagination passionnée délivrée des entraves de la raison et de la morale ; il s’y abandonne et ne trouve dans l’homme rien qu’il veuille retrancher. […] Cette nature des mœurs et cette énergie de la peinture indiquent une même faculté, unique et excessive, que le style a déjà montrée. […] quelles facultés infinies ! […] quelle étendue d’action et quelle souveraineté d’une faculté unique !

658. (1887) George Sand

Soit ; mais plus loin, dans le même livre, Laurent développe un thème analogue, et conclut hardiment, devant la noble Alice, que la société n’a pas donné d’autre issue aux facultés de la femme, belle et intelligente, mais née dans la misère, que la corruption. […] « C’est que les créations de l’art parlent à l’esprit seul, et que le spectacle de la nature parle à toutes les facultés. […] C’est bientôt dit ; il serait pourtant injuste de croire que ces facultés soient toujours contraires et divisées et d’en conclure qu’il y ait dans le roman deux écoles radicalement opposées, celle de George Sand et celle de Balzac. […] Ce qui a donné le change sur l’absence prétendue de la faculté d’observation chez George Sand, c’est qu’il arrive un moment, même dans ses plus belles fictions, où le romanesque s’introduit à forte dose dans le roman, l’absorbe tout entier et efface tout le reste. […] La liberté y périrait22. » Elle ne voit pas la nécessité de forcer son entendement pour en chasser de nobles idées, et de détruire en soi certaines facultés pour faire pièce aux dévots.

659. (1902) L’observation médicale chez les écrivains naturalistes « Chapitre I »

Ce que Tardieu traduit avec une sécheresse brutale et étroite « la prédisposition à l’étude de la médecine est le fait de deux facteurs associés : l’aptitude aux manipulations mécaniques, la faculté d’enregistrer passivement et impartialement, selon la méthode scientifique, les impressions matérielles, les sensations brutes, données par le fonctionnement des organismes vivants » (Revue philosophique).

660. (1899) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Septième série « Chirurgie. » pp. 215-222

La conséquence, c’est que, pour exceller dans la première partie de ce programme, le chirurgien doit avoir, avec une connaissance toujours présente de tout le corps humain, un sang-froid inaltérable, un regard lucide et sûr, une main délicate et intelligente, et comme des yeux au bout des doigts, une initiative toujours prête, la puissance d’inventer ou de modifier, à mesure, les procédés de son art, une faculté divinatoire, bref un « don », aussi rare peut-être, aussi instinctif et incommunicable que celui du grand poète ou du grand capitaine.

661. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre III » pp. 30-37

Le champ a été ouvert à toutes les médiocrités novatrices, qui, n’ayant pas la faculté de suivre les progrès faits, se sont placées sur des lignes abandonnées.

662. (1885) Préfaces tirées des Œuvres complètes de Victor Hugo « Préfaces des recueils poétiques — Préfaces des « Odes et Ballades » (1822-1853) — Préface de 1826 »

Si vous y ensevelissez vos facultés natives, votre imagination, votre pensée, elles n’en sortiront pas.

663. (1906) La rêverie esthétique. Essai sur la psychologie du poète

De la conception même que certains théoriciens se font de l’activité esthétique, qu’ils définissent comme le jeu des facultés représentatives, il s’ensuivrait que la rêverie est la chose esthétique par excellence. […] Se rappeler une joie qu’on a eue, ce n’est pas se réjouir ; quelquefois même c’est s’attrister. — Cette faculté de représentation concrète du sentiment comporte bien entendu des degrés divers ; elle doit être, comme les facultés de vision ou d’audition mentale, très inégalement répartie. […] Le fait est même si fréquent que l’on pourrait voir dans la marche un des procédés les plus usités pour stimuler la faculté d’invention28. […] Gœthe avait la faculté de faire apparaître dans le champ rétinien, par un effort de vision mentale, des images colorées (sur les faits de ce genre, v. […] Ces observations, faites sur lui-même par F. de Curel, témoignent d’une remarquable faculté d’introspection et sont de précieux documents psychologiques.

664. (1926) La poésie pure. Éclaircissements pp. 9-166

« magie suggestive », disait Baudelaire, sans prendre garde que le pouvoir de suggérer, d’évoquer, s’adresse exclusivement à nos facultés de surface, appartient à la prose pure. […] Bien qu’elle se forme dans notre zone profonde, l’expérience poétique, comme, d’ailleurs, l’expérience mystique, met en branle toutes nos facultés, et jusqu’à nos sens. […] Fusion et confusion des facultés non encore différenciées " (stimmung) " ; possibilités dans le domaine désintéressé : sentimental, poétique, religieux, mystique. […] Analyse, différenciation des facultés. … etc : d’après les derniers recensements, M. Paul Souday aurait avec lui le quart des licenciés ès-lettres, les trois dixièmes des agrégés, seize professeurs de faculté.

665. (1888) Épidémie naturaliste ; suivi de : Émile Zola et la science : discours prononcé au profit d’une société pour l’enseignement en 1880 pp. 4-93

Mais nous nous contenterons de reconnaître, et l’expérience le démontre, que nos facultés ne comportent pas un développement indéfini quand elles ont atteint un summum, elles ne le dépassent pas, et l’imagination surtout. […] Il est vrai que pour être réussi, il demande non seulement des facultés indispensables, mais encore un travail de longue haleine ; il exige de l’observation, de la méditation, un temps considérable et cela sans grande chance de s’enrichir, ce qui ne fait pas l’affaire de nos écrivains contemporains. […] Seulement, si par notre constitution organique, nous sommes reliés aux espèces les plus inférieures, nous nous en distinguons par des qualités nobles, des aspirations élevées et des facultés transcendantes. […] Concevoir l’idéal, c’est avoir la faculté d’abstraire des choses et des êtres les qualités supérieures, de les grouper sur un seul sujet et de cette manière approcher le plus possible de la perfection. […] Pour être un grand artiste, un grand écrivain, il faut être doué de qualités maîtresses, qui constituent l’art et en sont les bases invariables, de la puissance de concentration, autrement dit la faculté synthétique.

666. (1881) La parole intérieure. Essai de psychologie descriptive « Chapitre II. La parole intérieure comparée à la parole interieure »

Cette parole intérieure impersonnelle est une faculté qui peut être cultivée ; mais elle ne l’est jamais que par jeu et presque toujours dans une intention de caricature. […] Des considérations qui précèdent il résulterait que la musique intérieure seule, à l’exclusion de la parole intérieure proprement dite, est souvent et volontiers impersonnelle, que seule elle s’enrichit volontairement d’un grand nombre de timbres différents, étrangers à nos facultés productrices. Dans un autre cas pourtant, qui est relatif à la parole, la faculté naturellement illimitée de reproduire des sons peut être cultivée et entretenue par la volonté : Si nos organes sont rebelles à quelque détail de prononciation, notre parole intérieure peut être plus correcte que notre parole extérieure. […] Les états de l’âme sont spatiaux ou non spatiaux ; les mêmes états sont répétés ou nouveaux, effets de l’habitude ou produits de nos facultés d’innovation. […] Pour découvrir les faits du moi implicite, tels que la parole intérieure dans ses manifestations les plus fréquentes et les plus remarquables, le psychologue doit cultiver sa faculté naturelle de reconnaître les faits intérieurs : pour les faits reproduits dans la conscience après un temps d’oubli, il lui faut lutter contre l’habitude négative qui les dépouille peu à peu de la reconnaissance, et tendre à faire de celle-ci, par un exercice régulier de l’attention, une habitude positive ; il doit aussi, il doit surtout chercher à étendre cette habitude de reconnaître aux faits immédiatement passés, avant qu’ils aient subi les premières atteintes de l’oubli.

667. (1868) Cours familier de littérature. XXVI « CLIIe entretien. Madame de Staël »

De toute la création, la femme est cependant l’être le plus essentiellement poétique, puisqu’elle est certainement l’être le plus richement doué des quatre facultés qui font le poëte suprême, l’imagination, la sensibilité, l’amour, l’enthousiasme. […] C’est la transcendance du langage, c’est la concentration de la pensée ou du sentiment dans peu de mots, c’est l’explosion de la phrase éclatant comme le canon sous la charge qu’une main vigoureuse a introduite et bourrée dans le tube de bronze ; c’est l’idée, le sentiment, l’image, le son, la brièveté fondus ensemble d’un seul jet au feu de l’inspiration et formant ce métal de Corinthe dont nul n’a pu découvrir le secret en le décomposant ; c’est l’algèbre sans chiffres qui abrége tout, qui dit tout, qui peint tout d’un seul trait ; c’est la conception et l’enfantement de l’âme en un seul acte, c’est le délire raisonné surexcitant au dernier degré les facultés expressives de l’homme, mais c’est le délire se connaissant, se possédant, s’exaltant en se jugeant, se contenant avec la suprême autorité du sang-froid comme le coursier emporté qui tiendrait lui-même son propre frein. […] Elle était loin des années où le cœur refroidi et la vanité corrigée par le malheur ne laissent à l’homme et à la femme que la faculté de l’analyser eux-mêmes.

668. (1857) Articles justificatifs pour Charles Baudelaire, auteur des « Fleurs du mal » pp. 1-33

Or, la mémoire est une faculté calme qui ne fait pas trembler la main comme l’imagination. […] La pièce vingt et unième (Parfum exotique) est remarquable par cette faculté d’arrêter l’insaisissable et de donner une réalité pittoresque aux sensations les plus subtiles et les plus fugaces. […] Si je voulais citer d’autres preuves de cette rare faculté de magie et de création pittoresque, les exemples afflueraient sous ma plume.

669. (1888) Les œuvres et les hommes. Les Historiens. X. « M. Taine » pp. 305-350

Seulement, ces efforts sont-ils bien dans le sens de ses facultés ? […] S’il était resté dans cette voie, il aurait pu dégager l’artiste du bloc de facultés qui sont en lui et dans lequel il se trouve pris. […] Il a même coupé dans ses facultés, courageusement, comme Origène… Et, en effet, il a de l’imagination, M. 

670. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Instruction générale sur l’exécution du plan d’études des lycées, adressée à MM. les recteurs, par M. Fortoul, ministre de l’Instruction publique » pp. 271-288

Des juges, d’ailleurs équitables, ont cru trouver trop de régularité et de mécanisme dans l’indication stricte des heures, des minutes consacrées à chaque portion des devoirs dans les classes ; mais il semble qu’en se représentant avec une précision si parfaite les exercices de chaque groupe successivement, le ministre ait voulu ne pas s’en tenir à une idée prise de loin et de haut, comme cela est trop ordinaire ; qu’il ait voulu communiquer aux maîtres le sentiment de l’importance qu’il met à un parfait accord entre les facultés diverses. […] Mais, regret ou non, il en faut prendre son parti, et, comme l’a dit il y a longtemps Euripide (c’est bien lui en effet qui l’a dit, et non pas un autre) : « Il n’y a pas à se fâcher contre les choses, car cela ne leur fait rien du tout50. » L’esprit des générations a donc changé, c’est un fait ; elles sont devenues peut-être plus capables d’une direction précise et appropriée ; elles en ont plus besoin aussi, et il me semble que la pensée qui a présidé à l’Instruction présente et qui s’y diversifie en nombreuses applications est de nature à convenir à ces générations nouvelles, à soutenir, à développer leur bon sens, leurs qualités intelligentes et solides, à tirer le meilleur parti de leur faculté de travail, à les préparer sans illusion, mais sans faiblesse, pour la société telle qu’elle est faite, pour le monde physique tel quelles ont à le connaître et à le posséder : — et tout cela en respectant le plus possible la partie délicate à côté de l’utile, et en laissant aussi debout que jamais ces antiques images du beau, impérissables et toujours vivantes pour qui sait les adorer.

671. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Le baron de Besenval » pp. 492-510

Il était loin de regretter ces temps de trouble et d’agitation féodale où les ambitions avaient toute carrière et où les facultés énergiques luttaient à nu : « Le repos, les plaisirs, dit-il en parlant de ces époques de ligue ou de fronde, avaient fait place au tumulte, à la méfiance, à la terreur, à tout ce que la fureur des conjurations, des cabales, peut inspirer de plus atroce. » Il se félicitait donc de vivre sous un régime qui avait mis fin à ce qui-vive perpétuel, et depuis que tout était réglé par l’autorité d’un maître : Cet état de choses (il écrivait cela aux derniers beaux jours de Louis XVI, en 1784) n’est pas favorable aux grandes pensées, mais il procure un calme sans lequel il n’y a point de bonheur. […] Demandez donc à de telles âmes qui, dès la tendre jeunesse, ont logé en elles un si faux idéal, une si misérable forme de bonheur, d’avoir une grande ambition, de se tourmenter pour un noble but, et eussent-elles reçu de la nature des facultés supérieures et fortes, de les tourner vers de généreux emplois.

672. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Histoire de Louvois et de son administration politique et militaire, par M. Camille Rousset, professeur d’histoire au lycée Bonaparte. (Suite et fin) »

Quelques cas singuliers, quelques anecdotes citées et répétées sur la foi des premiers auteurs, suffisent-elles pour permettre de tirer une conclusion aussi générale et aussi défavorable à la faculté judicieuse du grand roi, faculté si véritablement judicieuse en effet, qu’elle l’a conduit à discerner les hommes les plus capables, en chaque genre, et à les employer à propos ?

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