Il lui suffira de dire qu’il n’est pas d’image grotesque, de sens baroque, de pensée absurde, de figure incohérente, d’hiéroglyphe burlesque, que l’ignorance industrieusement stupide de ce prote logogriphique ne lui ait fait exprimer.
La difficulté qu’il avoit de s’exprimer, & son extérieur négligé, bisarre, fournissoient encore matière aux rieurs.
Non-seulement nous ne comprenons pas et nous ne comprendrons jamais comment des traces quelconques imprimées dans notre cervelle peuvent être perçues de notre esprit ou y produire des images, mais, quelque délicates que soient nos recherches, ces traces ne se montrent en aucune façon à nos yeux, et nous ignorons entièrement quelle est leur nature. » Le savant et profond physiologiste allemand Müller s’exprime en termes non moins significatifs.
Pour la partie du païs des anciens frisons qui fait aujourd’hui la plus grande portion de la province de Hollande, sçavoir celle qui est comprise entre l’ocean, le Zuiderzée et l’ancien lit du Rhin qui passe à Leyde, elle étoit alors semée de collines creuses en dedans, et c’est ce qu’on a voulu exprimer par le mot de Holland introduit dans le moïen âge.
La religion est, s’il est permis de s’exprimer ainsi, l’arôme qui préserve la société de la dissolution dont on a pu la croire menacée.
Il est enfin, sur le compte de tous les deux, de la vérité la plus nette, et cependant la plus convenablement exprimée.
Libre-penseur comme Sainte-Beuve, mais sans avoir les idées de Sainte-Beuve, ni une manière d’exprimer les siennes qui ressemblât à la manière de Sainte-Beuve, il fit de la critique militante (et même un de ses livres porte ce nom-là) au lieu de faire de la critique anecdotique, microscopique et subtilement recherchée, comme celle de Sainte-Beuve.
Procédé grossier et barbare, diront les académies, mais loyal et le seul que rechercheront toujours les artistes profonds, les vrais connaisseurs, qui savent reconstituer une poésie avec les mots qui l’ont exprimée, comme on imagine l’effet d’ensemble du collier dont on tient les perles défilées dans sa main.
Il est vrai qu’à cette immense rêverie mystico-germanique, éclose du frai philosophique de Hegel dans le cerveau spongieux de la jeune Allemagne, Proudhon donne l’accent net et mordant d’une bouche gauloise ; mais cet accent, qui vibrait avec plus d’éclat et de force dans les Confessions d’un Révolutionnaire, et qui ne s’est ni rajeuni ni creusé, on le connaît comme les idées du livre, que naguère il exprimait mieux.
Mais, fidèle et même dévoué, comme le témoigne sa brochure, il n’en exprime pas moins les idées les plus chères aux partis vaincus, qui se reforment depuis leur défaite.
Le poète, amoureux pendant si longtemps de la couleur, de la ligne et des mille nuances de la lumière, qui voulait peindre, comme Titien, la chair d’opale de sa maîtresse et ses … cheveux dont l’or blême frisonne Et se poudre d’argent sous les rais du soleil… cesse tout à coup, dans le dernier livre de ses sonnets de jouer cette gageure enragée qu’exprimait Shakespeare quand il parlait de dorer l’or et de blanchir les lys, et le voilà qui n’a plus souci que de la seule qualité d’expression que Dieu ait permise aux poètes !
Toute la nuit son imagination s’allumoit, & dans un transport qu’on ne peut exprimer, il se levoit ; & moitié endormi, moitié éveillé, il écrivoit des choses admirables. […] On disoit de Bossuet, qu’il étoit si rempli d’idées sublimes, que la langue ne lui sembloit qu’un foible accessoire pour les exprimer. […] Il voudroit pouvoir s’exprimer sans le secours des mots, tant ils les juge au-dessous des grandes vérités qu’il annonce. […] ne savez-vous pas qu’à Paris on se rit de tout, & que vous ferez peut-être avant peu vos enterremens en couleur de rose, avec une symphonie qui exprimera la plus vive alégresse ? […] C’est maintenant une capucinade de s’exprimer sur cet article, comme Newton, comme Locke, comme Fénélon, comme Jean-Jacques Rousseau.
On entendit, pour la première fois sur le théâtre, le plus grand philosophe et le plus sublime historien de l’antiquité, s’exprimer par l’organe du plus éloquent et du plus pathétique des poètes modernes : c’était le génie de Tacite, mis en œuvre par le génie de Racine ; jamais la tragédie n’avait pris un ton aussi austère, aussi mâle. […] Ses émissaires, mêlés parmi le peuple, exprimaient à grands cris leur désir d’entendre cette voix céleste. […] La scène est moins attendrissante dans Racine, mais elle est plus noble et beaucoup plus courte : c’est là qu’on trouve ce sentiment profond, exprimé avec une précision admirable : Vous y serez, ma fille. […] Tous les essais de nos artistes tragiques annoncent une singulière faiblesse de conception et une grande mesquinerie d’exécution : ils pensent faux et s’expriment mal ; ils prennent le niais pour le naturel, le bizarre pour le neuf, et l’extravagant pour le sublime. […] Voici maintenant comment Clytemnestre, dans la même situation, s’exprime chez Euripide.
J’ai trouvé ce sentiment-là exprimé avec bien de l’onction résignée et de la tendresse dans les strophes nées un soir au plus beau site de ces rivages et sorties d’un de ces nobles cœurs dont j’ai parlé, strophes dès longtemps publiées, qui ont fait le tour des rochers sonores et qu’on n’a pas lues ici : Pourtant, ô ma Patrie, ô Terre des montagnes Et des lacs bleus dormant sur leur lit de gravier, Nulle fée autrefois errant dans tes campagnes, Nul esprit se cachant à l’angle du foyer, Nul de ceux dont le cœur a compris ton langage, Ou dont l’œil a percé ton voile de nuage, Ne t’aima plus que moi, Terre libre et sauvage Mais où ne croît pas le laurier. […] Par la poésie au moins et par la littérature, la Suisse allemande, dès Haller et Gessner, s’est bien plus exprimée elle-même que la Suisse française ne l’a fait encore. […] Ce Champin est une figure toute locale, comme qui dirait un ancien jacobin de Genève ; moyennant les lettres qu’il lui prête, l’auteur a cherché à représenter le vieil idiome populaire de la cité et de la rue dans tout son caractère, tandis que, par les lettres de Reybaz, il a voulu exprimer la langue des anciens de village, dans les cantons retirés où se conserve un français plus vieilli que celui des villes et plus coloré quelquefois. « Ce serait, dit-il de cette dernière, ma langue naturelle, si on se choisissait sa langue. » Sous cette histoire développée des deux fiancés, il y a donc une étude approfondie de style, si je l’osais dire, tout comme dans les Fiancés de Manzoni, auxquels l’auteur a dû plus d’une fois penser ; mais c’est le style genevois, tant municipal que rural, qui s’y trouve expressément reproduit dans toutes ses nuances, et cela circonscrit le succès.
Il lui répondit qu’il consentirait à l’annulation de leur mariage si telle était sa volonté ; mais, faisant appel à tous les sentiments du noble cœur auquel il s’adressait, il rappelait l’affection qu’il lui avait portée dès son enfance, il exprimait même le regret d’avoir respecté des susceptibilités et des répugnances sans lesquelles un lien plus étroit n’eût pas permis cette pensée de séparation ; enfin il demandait que cette rupture de leur lien, si madame Récamier persistait dans un tel projet, n’eût pas lieu à Paris, mais hors de France, où il se rendrait pour se concerter avec elle. […] « Il lui écrit le 24 avril 1808 : « J’espère que ma lettre nº 31 vous est déjà parvenue ; je n’ai pu que vous exprimer bien faiblement le bonheur que votre dernière lettre m’a fait éprouver, mais elle vous donnera une idée de la sensation que j’ai ressentie en la lisant et en recevant votre portrait. […] Le désespoir du prince s’exprima en sanglots contre ce coup de foudre, c’est son expression ; il voulut au moins revoir celle qu’il avait tant aimée et qu’il se flattait de ramener encore ; un rendez-vous fut concerté entre lui et madame Récamier à Schaffhouse ; Coppet n’était qu’à quelques pas de Schaffhouse sur le territoire libre et neutre de la Suisse ; sous prétexte d’un ordre d’exil de l’Empereur, qui lui interdisait Paris, madame Récamier éluda le rendez-vous de Schaffhouse, qui ne lui était aucunement interdit.
« L’avocat général prit la parole : « Messieurs les jurés, l’incident si étrange et si inattendu qui trouble l’audience ne nous inspire, ainsi qu’à vous, qu’un sentiment que nous n’avons pas besoin d’exprimer. […] Il n’y a pas deux mots pour exprimer cela : c’est le mot du capitaine de vaisseau clouant au mât son pavillon qu’il ne veut point amener ; c’est le mot le plus sublime de toute une guerre française, l’héritage que l’armée mourante lègue à l’armée qui renaîtra de son sang. […] parce que le mot est digne, noble, mémorable, parce qu’il exprime héroïquement, quoique simplement, le qu’il mourût de Corneille, parce qu’il mérite d’être inscrit en lettres d’or sur les étendards de la patrie, Victor Hugo, qui croit avoir trouvé mieux dans la langue canaille du peuple, substitue à cette belle langue militaire un mot de faubourg, un mot plus abject, et plus qu’un mot de faubourg, un mot de latrines qui répond par une brutalité laconique, par une bestiale réplique, à une proposition généreuse faite en bons termes à ces braves mourants, et il en fait le plus beau mot (textuel) qu’un Français ait jamais dit, et il s’extasie sur le génie populaire de ce mot.
Lui qui, lors des premières éditions de cette biographie, les accueillit d’une façon si amicale, si chaleureuse, et fit l’éloge répété du soin, de la fidélité, de la discrétion de formes de l’ouvrage, exprime encore à l’auteur la plus grande satisfaction, lorsqu’il apprit, au commencement de 1859, qu’une nouvelle édition, la troisième, était sous presse ; il nous fournit de nouvelles notices sur Bonpland, nous exprima le vœu sincère que cette nouvelle édition fût adoptée dans les États Argentins comme un souvenir de Bonpland, et s’adressa, pour nous recommander à cet effet, à ses amis qui résidaient et gouvernaient dans le pays. […] L’examen de ce problème marquera, si je puis m’exprimer ainsi, d’un intérêt plus noble, de cet intérêt supérieur qui s’attache à l’humanité, le but final de mon ouvrage.
S’il s’agit de ces vérités par lesquelles les sociétés subsistent, mais qui, sans cesse oubliées ou éludées, veulent être exprimées dans un langage qui les rende toujours sensibles et présentes, la langue générale n’y suffit pas. […] Nos pensées ne nous étant révélées que par les signes mêmes qui nous servent à les exprimer, combien ne nous importe-t-il pas, pour être assurés de nos pensées, de connaître à la fois la mécanique et la métaphysique du langage ? La Grammaire générale et raisonnée comprend la nature ou le matériel des signes, leur signification, la manière dont les hommes s’en servent pour exprimer leurs pensées.
. — Mais, comment l’exprimer ? Les mots expriment des notions et se trouvent par cela même sur le terrain exclusif de la raison. […] L’Art doit représenter nettement et rendre consciente à tous la Nécessité inconsciente de la Nature, afin que, la connaissant, nous y puissions échapper (p. 19 à 21). « Mais le seul créateur de l’œuvre artistique est le Peuple : l’artiste peut seulement saisir et exprimer la création inconsciente du Peuple. » (p. 22).
Mes chers amis, Édouard Thierry (ceci est confidentiel) m’a exprimé un vif désir de connaître votre pièce. […] Pour votre gouverne, sachez bien, au pied de la lettre, que ce désir a été réellement et spontanément exprimé par Thierry, sans aucune provocation de ma part… Là-dessus nous hésitions. […] C’est avec ce mot de cabale que les amis satisfont la politesse, que les auteurs consolent leur génie, et qu’enfin on fouette le dos des innocents assez niais, pour oser exprimer une opinion qui était la leur, en face d’une salle qui, ce soir-là, était toute aux soins empressés de l’amitié, aux benoîtes ferveurs de la sainte claque.
La versification mécanique du xviiie siècle pétrifiait la poésie et la rendait impuissante à exprimer les nouveaux sentiments de l’âme sociale. […] Atala a été élevée à leur école, elle se protège elle-même : « Je n’apercevais autour de moi, dit-elle en faisant la moue, que des hommes indignes de recevoir ma main »… even to flirt with, aurait-elle ajouté, si elle se fût exprimée en anglais. […] Jamais Racine et Hugo n’auraient été proclamés par leurs contemporains des grands génies, si leurs œuvres, ainsi que des miroirs, n’avaient reflété les hommes de leur milieu social, avec leur manière de voir, de sentir, de penser et de s’exprimer.
Job en a senti l’iniquité apparente et véritablement atroce dans un de ses versets, et je les ai moi-même exprimées dans un seul vers : L’insensible néant t’a-t-il demandé l’être. […] Quel est donc, en effet, cet odieux contrat où l’on suppose le consentement d’une des deux parties qui ne peut ni refuser ni consentir, et où l’on condamne à un supplice qu’aucune langue n’exprima jamais un être innocent de sa naissance, un être qui n’était pas ? […] ……………………………………………………………………………………………… ……………………………………………………………………………………………… XXVII J’exprimais dans ces vers, en m’embarquant pour la première fois pour l’Orient, il y a vingt-quatre ans, la curiosité passionnée que je ressentais d’éprouver sur moi-même les impressions du désert : ………………………………………………………… ………………………………………………………… ………………………………………………………… ………………………………………………………… Je n’ai pas navigué sur l’océan de sable, Au branle assoupissant du vaisseau du désert ; Je n’ai pas étanché ma soif intarissable, Le soir, au puits d’Hébron, de trois palmiers couvert ; Je n’ai pas étendu mon manteau sous les tentes, Dormi dans la poussière où Dieu retournait Job.
Bossuet place aussi l’âme dans le cerveau, sans désigner la glande pinéale ; quand il dit que l’âme et le corps forment un tout naturel, voulant par là exprimer la nature intime du lien qui rattache l’âme au corps, il se montre moins fidèle à la psychologie de Platon et de Descartes qu’à celle d’Aristote. […] Nous ne faisons qu’exprimer un fait de pure physiologie. » Et ailleurs : « A une foule d’égards, tracer l’histoire physiologique des idiots serait tracer celle de la plupart des hommes de génie, et vice versa. » Pour le même auteur, l’enthousiasme n’est qu’un éréthisme mental. […] Ce qui caractérise la machine vivante, ce n’est pas la nature de ses propriétés physico-chimiques, si complexes qu’elles soient, c’est la création de cette machine qui se développe sous nos yeux dans les conditions qui lui sont propres et d’après une idée définie qui exprime la nature de l’être vivant et l’essence même de la vie14. » Qui a dit cela ?