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473. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Marie-Antoinette. (Notice du comte de La Marck.) » pp. 330-346

Or, maintenant, dans l’état actuel des renseignements historiques sur Marie-Antoinette, en se rendant compte des vrais témoignages, et en se souvenant aussi de ce qu’on a ouï raconter à des contemporains assez bien informés, il est très permis de penser qu’en effet cette personne affectueuse et vive, tout entière à ses impressions, amie des manières élégantes et des formes chevaleresques, ayant besoin tout simplement aussi d’épanchement et de protection, a pu avoir durant ces quinze années de sa jeunesse quelque préférence de cœur : ce serait plutôt le contraire qui serait bien étrange. […] Cela même ne suffirait pas : il faudrait encore que la reine reconnût la nécessité de s’occuper des affaires avec méthode et suite ; il faudrait qu’elle se fit la loi de ne plus accorder une demi-confiance à beaucoup de gens, et qu’elle donnât en revanche sa confiance entière à celui qu’elle aurait choisi pour la seconder. […] Aux journées fatales, aux journées d’insurrection et d’émeute, quand sa demeure tout entière est envahie, elle est à son poste ; elle essuie l’outrage avec fierté, avec noblesse, avec clémence, en même temps qu’elle couvre de son corps ses enfants.

474. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Monsieur Walckenaer. » pp. 165-181

Ainsi il a fait pour La Fontaine, et, sans excéder encore la mesure, il nous a donné de ce délicieux et grand poète une histoire animée, coulante, facile comme lui-même et où il revit tout entier. […] Voici la seconde Lettre tout entière : Vous insistez encore, Amélie ; peut-être uniquement parce que je résiste. […] Revenant plus tard et après des intervalles sur ces précieux amas, il les coordonnait avec zèle, avec rapidité ; mais il n’y rentrait pas toujours de tout point avec une entière et rigoureuse précision.

475. (1886) Quelques écrivains français. Flaubert, Zola, Hugo, Goncourt, Huysmans, etc. « Les romans de M. Edm. de Goncourt » pp. 158-183

Ce penchant qui le conduisit à recueilir les dessins du XVIIIe siècle, à étudier en toutes ses faces et à faire revivre en son entier cette époque de la grâce française, qui lui fit aimer dans les objets du Japon leur puérilité, l’ingénu et l’impromptu de leur art, pénètre et détermine ses œuvres d’imagination, leur infuse comme une nuance et un parfum à part, les farde et les poudre. […] Le numéro était une fois par semaine rempli tout entier d’une fantaisie de Banville, et pour montrer à quel point on laissait ce poète hausser le ton coutumier de journaux, nous citerons de lui cette magnifique phrase, dont le pendant ne se trouvera guère dans nos quotidiens : « Ainsi dans le calme silence des nuits, aux heures où le bruit que fait en oscillant le balancier de la pendule, est mille fois plus redoutable que le tonnerre, aux heures où les rayons célestes touchent et caressent à nu l’âme toute vive, où la conscience a une voix, où le poète entend distinctement la danse des rhythmes dégagés de leur ridicule enveloppe de mots, à ces heures de recueillement douloureuses et douces, souvent, oh ! […] Quand on y songe… Le mystère de l’enfantement leur a été confié et peut-être le comprennent-elles… Peut-être y a-t-il un moment solennel où si le mari ne dormait pas d’un sommeil stupide, il verrait la femme tenir entre ses mains son âme palpable et en déchirer un morceau qui sera l’âme de son enfant… » Les Goncourt faisaient de même des numéros entiers du Paris, qui ne contenait alors, outre le feuilleton et le Gavarni, qu’une nouvelle comme les admirables Lettre d’une amoureuse, et Victor Chevassier.

476. (1867) Le cerveau et la pensée « Chapitre III. Le cerveau chez l’homme »

Meckel prétend que, relativement aux nerfs et au corps entier, c’est chez la femme que l’on trouve le cerveau le plus volumineux. […] Notre race commence à reconnaître des sœurs dans les races inférieures ; la conscience humaine franchit la question zoologique et la tranche instinctivement : voilà le grand spectacle que présente l’humanité dans le monde entier. […] Peu m’importe la question d’origine ; je ne cherche pas si un seul couple a donné naissance à l’espèce tout entière.

477. (1936) Réflexions sur la littérature « 6. Cristallisations » pp. 60-71

Delacroix, qui a l’esprit assez assoupli pour l’embrasser entière, une besogne bien délicate et compliquée, mais bien intéressante. […] Un grand et parfait amour, un chef-d’œuvre sentimental, demandent des âmes orientées d’une certaine façon, et qui s’y donnent entières. […] On pourrait la transporter tout entière dans le monde de son art, dans le rythme intérieur de la création hugolienne, de l’ordre de Vénus dans celui d’Apollon.

478. (1856) À travers la critique. Figaro pp. 4-2

La méthode du critique est tout entière dans cette recommandation du maître : « Quand vous voulez assassiner un homme, commencez par lui ôter votre chapeau. » Il est rare que M.  […] Amédée Achard l’activité du cerveau a passé tout entière dans les mains et dans les jambes. […] Maurice Bourges, et lui paraît une causerie vive, fringante, alerte, et quant au finale tout entier, il le trouve beau sans restriction. […] Ce succès d’Institut a franchi le Pont-des-Arts, et chacun a pu dévorer la pièce en entier dans le Journal des Débats. […] Oui, la marche, le progrès, les tendances de l’art moderne sont tout entiers dans les grivoiseries de M. 

479. (1858) Cours familier de littérature. V « XXVIe entretien. Épopée. Homère. — L’Iliade » pp. 65-160

La nature entière devient poésie sans cesser d’être la nature. […] Les bas-reliefs de ce bouclier sont une civilisation tout entière. […] Quoique mort, son corps tout entier laisse admirer sa beauté ; mais lorsque des chiens cruels souillent la barbe blanche, la chevelure et les tristes restes d’un vieillard égorgé, ah ! […] Au milieu d’eux, le vieillard est enveloppé d’un manteau qui le couvre tout entier. […] Ce départ, qu’on voudrait citer en entier, est une des scènes les plus splendidement décrites et les plus pathétiquement pleurées de l’Iliade.

480. (1896) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Sixième série « Louis Veuillot »

La cité de Dieu dont il rêve, il ne la rejette pas tout entière par-delà la mort. […] Comme elle est à l’homme une explication totale des choses et de lui-même, elle doit le prendre et le gouverner tout entier. […] j’eusse accepté sa Constitution entière, pourvu qu’il fût chargé lui-même d’en appliquer, en ce qui me concerne, les règles restrictives. […] Là, vous le connaîtrez tel qu’il est, et tout entier. […] Ce n’est point sans doute un méconnu ; mais il n’est pas connu tout entier.

481. (1889) Histoire de la littérature française. Tome III (16e éd.) « Chapitre huitième »

Il est tel chef-d’œuvre que nous pouvons lire tout entier sans être avertis un moment que nous avons un cœur. […] Dans la tragédie, les passions ne doivent pas être des humeurs passagères ; la destinée tout entière des personnages y est engagée. […] Elles ont une scène d’espérance, une de désespoir, une de fureur ; c’est le même amour, violent, exalté : C’est Vénus tout entière à sa proie attachée. […] C’est Néron, que le poète a pris tout vif à l’histoire ; c’est Acomat, qu’il a inventé tout entier ; c’est Joad, dont les livres saints lui avaient fourni l’énergique esquisse. […] Mais dans ces deux poètes divins les nuances sont si justes et l’œuvre entière si harmonieuse, que l’impression dernière est une certaine douceur dont je veux bien qu’on les loue, pourvu que ce ne soit pas aux dépens du reste.

482. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Appendice. — Un cas de pédanterie. (Se rapporte à l’article Vaugelas, page 394). »

Il n’écrivit pas, il s’adonna tout entier à guérir. […] « Vous avez désiré et vous désirez encore… » : voilà la pensée entière, la phrase au complet, dont le second membre est resté sous-entendu.

483. (1874) Premiers lundis. Tome I « Ferdinand Denis »

Qu’on lise les belles pages de Volney, de Bernardin de Saint-Pierre et de M. de Chateaubriand, et qu’on voie si elles ne portent pas le caractère des lieux où elles furent écrites, et si, pour ainsi dire, le ciel qui les inspira ne s’y réfléchit pas tout entier. […] Denis nous transporte dans les bocages d’Otahiti, séjour charmant de la poésie et de la volupté, où le navigateur oublie l’Europe et la patrie ; soit qu’aux bords sacrés du Guige, il nous retrace les caractères des beaux lieux qu’il arrose, la plénitude de la végétation, des villes au sein des forêts, (les gazelles et les biches auprès du buffle et du tigre, l’éléphant sauvage et sa vaste domination sur les hôtes des bois, et ses guerres sanglantes contre des armées entières de chasseurs ; soit qu’accomplissant cette fois toute sa mission, il nous montre la littérature portugaise passant du Gange au Tage, et qu’il présente les fables des Indiens, et leurs riantes allégories, et leurs croyances si douces et si terribles tour à tour ; alors, en s’adressant aux poètes, il est poète lui-même ; sa pensée, singulièrement gracieuse, s’embellit encore d’une expression dont l’exquise pureté s’anime des couleurs orientales.

484. (1796) De l’influence des passions sur le bonheur des individus et des nations « Section II. Des sentiments qui sont l’intermédiaire entre les passions, et les ressources qu’on trouve en soi. — Chapitre II. De l’amitié. »

Un jour heureux, un être distingué rattachent à ces illusions, et vingt fois on revient à cette espérance après l’avoir vingt fois perdue ; peut-être à l’instant où je parle, je crois, je veux encore être aimée, je laisse encore ma destinée dépendre toute entière des affections de mon cœur ; mais celui qui n’a pu vaincre sa sensibilité, n’est pas celui qu’il faut moins croire sur les raisons d’y résister ; une sorte de philosophie dans l’esprit, indépendante de la nature même du caractère, permet de se juger comme un étranger, sans que les lumières influent sur les résolutions, de se regarder souffrir, sans que sa douleur soit allégée par le don de l’observer en soi-même, et la justesse des méditations n’est point altérée par la faiblesse de cœur, qui ne permet pas de se dérober à la peine : d’ailleurs, les idées générales cesseraient d’avoir une application universelle, si l’on y mêlait l’impression détaillée des situations particulières. […] Il semble alors qu’il vaudrait mieux séparer entièrement l’amitié de tout ce qui n’est pas elle ; mais son plus grand charme serait perdu, si elle ne s’unissait pas à votre existence entière : ne sachant pas, comme l’amour, vivre d’elle-même, il faut qu’elle partage tout ce qui compose vos intérêts et vos sentiments, et c’est à la découverte, à la conservation de cet autre soi, que tant d’obstacles s’opposent.

485. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — V — Vigny, Alfred de (1797-1863) »

Armand Silvestre Je viens de relire l’œuvre considérable d’Alfred de Vigny et je suis tout entier à l’impression élevée, vivifiante qui s’en dégage. […] Il se fait leur avocat devant le grand juge, et la fierté de ses accents lui vient de ce qu’il parle au nom de l’humanité tout entière, dont les plaies saignent à son propre cœur.

486. (1865) Du sentiment de l’admiration

Admirer en présence des orateurs et des poètes qui ont enveloppé Athènes de séduction et Rome de grandeur, c’est se donner tout entier à ces maîtres incomparables, leur livrer ses plus fraîches et ses plus naïves émotions et témoigner à ces pères de l’intelligence autant d’amour filial que de respectueuse fidélité. […] Soyez enthousiastes dans le domaine plus restreint et si large encore de l’étude, et ce ne sera plus une faible élite de disciples, mais comme au dix-septième siècle des classes entières qui renoueront la chaîne interrompue des traductions universitaires.

487. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 29, qu’il est des païs où les ouvrages sont plûtôt apprétiez à leur valeur que dans d’autres » pp. 395-408

Enfin dans une nation industrieuse et capable de prendre toute sorte de peine pour gagner sa vie sans être assujettie à un travail reglé, il s’est formé un peuple entier de gens qui cherchent à faire quelque profit par le moïen du commerce des tableaux. Ainsi le public de Rome est presque composé en entier de connoisseurs en peinture.

488. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Troisième partie — Section 15, observations concernant la maniere dont les pieces dramatiques étoient représentées sur le théatre des anciens. De la passion que les grecs et les romains avoient pour le théatre, et de l’étude que les acteurs faisoient de leur art et des récompenses qui leur étoient données » pp. 248-264

Quelqu’uns de ces bâtimens qui subsistent encore dans leur entier, sont les monumens les plus précieux de l’architecture antique. […] Ciceron ne tombe pas d’accord de cette societé, et il prétend que Panurgus, c’est le nom de l’esclave, devoit être censé appartenir en entier à Roscius qui l’avoit instruit, parce que la valeur du comédien excedoit de bien loin la valeur de la personne de l’esclave.

489. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XIV. Panégyrique de Trajan, par Pline le jeune. »

« Prince, pour juger des hommes, rapportez-vous-en à la renommée ; c’est elle qu’il faut croire, et non pas quelques hommes : car quelques hommes peuvent et séduire, et être séduits, mais personne n’a trompé un peuple entier, et un peuple entier n’a jamais trompé personne37.

490. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XVII. De l’éloquence au temps de Dioclétien. Des orateurs des Gaules. Panégyriques en l’honneur de Maximien et de Constance Chlore. »

Une âme profondément corrompue par le pouvoir, n’a plus de mesure juste, ni pour elle-même, ni pour les autres, et le genre humain tout entier se recule à une distance immense d’elle. […] Le discours d’Eumène roule tout entier sur les bienfaits accordés à sa patrie et aux lettres.

491. (1907) L’évolution créatrice « Chapitre I. De l’évolution de la vie. Mécanisme et finalité »

C’est cette zone entière qui constitue, en réalité, notre état. […] Son passé se prolonge tout entier dans son présent, y demeure actuel et agissant. […] S’il y a de la finalité dans le monde de la vie, elle embrasse la vie entière dans une seule indivisible étreinte. […] La vérité est que ce ne serait pas trop, ce ne serait pas assez ici de prendre l’intelligence entière. […] Elle dit qu’à un moment donné, après une longue période écoulée, l’espèce tout entière est prise d’une tendance à changer.

492. (1914) Note conjointe sur M. Descartes et la philosophie cartésienne pp. 59-331

Il ne trouve pas la situation entière. […] Car du bois mort est du bois tout envahi de tout fait, tout entier occupé, tout entier consacré au tout fait, tout entier dévoré de tout fait, tout entier consommé pour ainsi dire par l’envahissement du tout fait. Tout entier racorni, tout entier momifié ; plein de son habitude et plein de sa mémoire. […] Pareillement une âme morte est une âme tout entière envahie de tout fait, tout entière occupée, tout entière consacrée au tout fait, tout entière dévorée de tout fait, tout entière consommée pour ainsi dire par l’envahissement du tout fait. […] Sa longue vocation, son long exercice lui est de Dieu, lui vient tout entier et tout pur de Dieu, lui est tout entier donné, tout entier échelonné de Dieu.

493. (1904) Propos littéraires. Deuxième série

Le sens du passage est celui-ci : « Les Espagnols, au théâtre, renferment en un jour des années entières. […] Ils n’ont pas pour eux la postérité tout entière. […] Elle n’est pas de force à embrasser en leur entier et à suivre jusqu’à leur terme les systèmes qui se sont produits avant elle. […] Or la diminution de la France est une perte pour l’Europe entière. […] Il la tient tout, entière sous sein regard, et la voit distinctement en toutes ses parties.

494. (1890) Nouvelles questions de critique

Si l’histoire même, que l’on invoque, n’était pas là tout entière pour démentir ces amusants paradoxes, un peu de logique y suffirait sans doute. […] et ainsi l’Histoire littéraire, rédigée, comme elle l’est, par une commission, profiterait, par surcroît, des opinions motivées de la Compagnie tout entière. […] Mais, pour toutes les raisons que nous venons de dire, il nous paraît bien difficile que son œuvre scientifique ait péri tout entière. […] Pellissier, Chateaubriand a renouvelé l’art tout entier dans sa forme extérieure, et il l’a pour toujours marqué de son empreinte. » Rien de plus juste ; quoique d’ailleurs je ne sache trop si M.  […] Si la « science de la facture » est, dès le début, entière chez Hugo, c’est parce qu’il est Hugo, mais non point du tout en tant qu’il est « romantique ».

495. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre II. La Renaissance. — Chapitre III. Ben Jonson. » pp. 98-162

Il contait à Drummond qu’il était demeuré une nuit entière, « s’imaginant qu’il voyait les Carthaginois et les Romains combattre sur son orteil110. » Non que de fond il soit mélancolique ; au contraire, il aime à sortir de lui-même par la large et bruyante gaieté débridée, par la conversation abondante et variée, avec l’aide du bon vin des Canaries, dont il s’abreuve, et qui a fini par devenir pour lui une nécessité ; ces gros corps de bouchers flegmatiques ont besoin de la généreuse liqueur qui leur rend du ton, et leur tient lieu du soleil qui leur manque. […] Ce n’était pas assez pour lui de s’être rempli des auteurs illustres, d’avoir leur œuvre entière incessamment présente, de semer volontairement et involontairement toutes ses pages de leurs souvenirs. […] Cet étonnant amas de lectures et d’observations s’ébranle en un moment tout entier et tombe comme une montagne sur le lecteur accablé. […] Sa régularité n’est point entière, elle ne marque l’heure qu’à peu près. […] Laissez-la se développer dans son entier comme elle y aspire173, et vous verrez qu’elle est par essence une image active et complète, une vision qui traîne avec soi tout un cortége de rêves et de sensations, qui grandit d’elle-même, tout d’un coup, par une sorte de végétation pullulante et absorbante, et qui finit par posséder, ébranler, épuiser l’homme tout entier.

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