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1392. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 10, du temps où les hommes de génie parviennent au mérite dont ils sont capables » pp. 110-121

Le poëte tragique doit atteindre le dégré de perfection où il est capable de monter, de meilleure heure que le poëte comique, le génie et une connoissance generale du coeur humain, telle que la donnent les premieres études, suffisent pour faire une tragédie excellente. […] Il faut sçavoir quelle forme le caractere d’esprit particulier à certains hommes, donne aux sentimens communs à tous les hommes. […] Les enfans, dont les membres sont formez de trop bonne heure, deviennent infirmes et maigres dès l’adolescence : ainsi de tous les enfans ceux qui me donnent le moins d’esperance, ajoûte Quintilien, ce sont ceux-là mêmes à qui le monde trouve plus d’esprit qu’aux autres, parce que leur jugement est avancé. […] L’art d’un gouverneur et les leçons d’un précepteur, changent un enfant en un jeune homme : elles lui donnent plus d’esprit qu’on n’en peut avoir naturellement à cet âge. […] Despreaux avoit trente ans, quand il donna ses satires telles que nous les avons.

1393. (1905) Les ennemis de l’art d’écrire. Réponse aux objections de MM. F. Brunetière, Emile Faguet, Adolphe Brisson, Rémy de Gourmont, Ernest Charles, G. Lanson, G. Pélissier, Octave Uzanne, Léon Blum, A. Mazel, C. Vergniol, etc… « XI »

Parmi les citations manuscrites de notre dernier ouvrage, toutes n’ont pas évidemment la même importance ; il y en a de négligeables, que nous avons cru devoir donner cependant, pour être complet, par rigueur de doctrine, par excès de démonstration, en vertu de ce principe qu’on dépasse toujours un peu le but quand on veut prouver quelque chose. […] Uzanne est obligé, pour me combattre, de me faire dire ce que je n’ai point dit, et cette intrépidité finit par donner à sa critique une rare saveur. […] C’est toujours une maladresse de rabaisser à ce point ses adversaires, quand on veut se donner le mérite de triompher d’eux, et je ne vois pas l’autorité qu’on peut prendre à réfuter quelqu’un que l’on présente comme à peu près dénué de sens commun. […] Il eût donné, disait-il, tous ses livres pour une phrase de lui. […] Oui, il a des idées, et des idées très simples, celles qu’on trouve sans se donner la peine de réfléchir, et qui suffisent, d’ailleurs, à écrire de tels articles.

1394. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre cinquième. Retour des mêmes révolutions lorsque les sociétés détruites se relèvent de leurs ruines — Chapitre II. Comment les nations parcourent de nouveau la carrière qu’elles ont fournie, conformément à la nature éternelle des fiefs. Que l’ancien droit politique des romains se renouvela dans le droit féodal. (Retour de l’âge héroïque.) » pp. 362-370

Par analogie on appelait les héros pasteurs ; Homère ne manque jamais de leur donner l’épithète de pasteurs des peuples. […] Cette dénomination d’hommes, leur fut donnée sans doute par opposition à la faiblesse des vassaux, faiblesse dont l’idée était dans les temps héroïques jointe à celle du sexe féminin. […] Les grands, conformément à l’ancien titre héroïque de pasteurs des peuples, leur donnaient à souper. […] Ils étaient amis du peuple romain dans le sens où les Empereurs donnaient le nom d’amis aux nobles qui composaient leur cour. […] Cette investiture était donnée avec la formule que nous a laissée Tite-Live, savoir, que le roi allié servaret majestatem populi Romani  ; précisément de la même manière que le jurisconsulte Paulus dit que le préteur rend la justice servatâ majestate populi Romani .

1395. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Gabrielle d’Estrées. Portraits des personnages français les plus illustres du XVIe siècle, recueil publié avec notices par M. Niel. » pp. 394-412

Niel la suppose née vers 1571 ou 1572, ce qui lui donnerait vingt-huit ans à l’époque de sa mort. […] Cependant son crédit gagnait toujours ; le roi s’attachait à elle par l’habitude et avec les années ; à chaque nouvel enfant qu’elle lui donnait, elle faisait un pas. […] Les aperçus que donne L’Estoile sur les parures et toilettes de Gabrielle ne sont point exagérés. […] Après elle on n’en donna, mais aussi on n’en chercha aucune preuve. […] Les diamants, pierreries et joyaux de Gabrielle, retenus par Henri IV qui désintéressa les héritiers, et devenus joyaux de la Couronne, furent donnés en présent, l’année suivante, à la jeune reine Marie de Médicis.

1396. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Chateaubriand. Anniversaire du Génie du christianisme. » pp. 74-90

Les Mémoires d’outre-tombe donnent cette lettre écrite par Mme de Farcy à son frère, et par laquelle elle lui annonçait ta mort de sa mère. […] Il entre à son tour, par les conseils qu’il donne, dans mille détails familiers, appropriés ; il indique les recettes, les palliatifs applicables aux âmes tristes ou ulcérées, surtout les jours de fête et quand tout respire la joie alentour. […] Là il a trouvé une société paisible qui, comme lui, cherche le silence et l’obscurité : ces sylvains solitaires veulent bien le souffrir dans leur république, à laquelle il paye un léger tribut, tâchant ainsi de reconnaître, autant qu’il est en lui, l’hospitalité qu’on lui a donnée. […] On me permettra de la donner ici tout entière : c’est un titre essentiel ; c’est la seule réponse victorieuse qui se puisse opposer aux notes marginales qu’on invoque, et dont j’ai cité quelques-unes, du fameux exemplaire de l’Essai. […] Je ne saurais guère vous en donner une idée à cause de l’extrême variété des tons qui le composent ; mais je puis vous assurer que j’y ai mis tout ce que je puis, car j’ai senti vivement l’intérêt du sujet.

1397. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Sénecé ou un poète agréable. » pp. 280-297

Quand elle s’éprend de caprice pour un poète agréable, il faut que celui-ci ait en lui quelque chose de plus, qu’il ait une flamme et des éclairs d’un Byron ; il faut qu’il donne à cette belle société au moins quelques accès de fièvre et qu’il la secoue : autrement elle passe et court à ses affaires ou à ses plaisirs, ce n’en est plus un pour elle que d’entendre des petits vers légers et bien tournés. […] Il tient de ce goût antérieur et un peu compassé de Pélisson, de Mlle de Scudéry ; il en a donné une preuve singulière dans la Lettre de Clément Marot, qui est censée à lui écrite et adressée des champs Élysées, à la date du 20 avril 1687. […] Virgile remercie modestement de l’honneur qu’on lui fait, et expose son plan et la marche qu’il faut suivre pour arriver au susdit Bon Goût ; il donne à l’avance la carte du pays environnant, en homme qui l’a beaucoup pratiqué : La principale difficulté, dit Virgile, est de sortir de ce labyrinthe que nous avons devant les yeux ; mais j’espère y réussir. […] Cela révolta contre lui la nation indocile des auteurs, autant impatiente de la servitude qu’aucune autre, et on lui donnait de temps à autres des marques de rébellion. […] Telle épigramme de Clément Marot sur l’exécution de Semblançay, telle de Le Brun sur La Harpe aux prises avec le grand Corneille, a de l’émotion et donne le sentiment du sublime.

1398. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Journal d’Olivier Lefèvre d’Ormesson, publié par M. Chéruel » pp. 35-52

On ne donne pas ces choses au public pour qu’il s’en amuse, on les destine aux historiens pour qu’ils s’en servent. […] Chéruel, dans son intéressante et complète introduction, nous en a donné les principaux extraits. […] Il garde dans ses récits des habitudes de rapporteur et s’y complaît ; après avoir résumé ce que disent les uns, il oppose ce que répondent les autres. « Jamais, dit-il d’une des séances du Parlement, je n’ai ouï de délibération plus sérieuse et plus belle, y ayant quantité de raisons de part et d’autre. » Il ne nous donne son avis et ne conclut qu’à la fin, après avoir balancé les opinions contraires : ce sont là des garanties d’impartialité. […] Un jour qu’il était commis pour interroger un prisonnier dans une affaire de faux, il dut le présenter à la question, faire faire tous les apprêts et même le faire déchausser : « Je souffris beaucoup en mon humeur, nous dit-il, d’être obligé d’user de sévérité et de voir les apprêts de la question, quoique je susse qu’elle ne serait pas donnée. » — Tel était l’homme de bien et du plus honorable caractère, auquel sa conduite depuis, dans le procès de Fouquet et la louange de Mme de Sévigné ont donné du lustre. […] Ce vaillant homme presse son mariage, afin de partir deux jours après : « Le jeudi 4 août, l’après-dînée, je fus voir Mme de Sévigné qui était fort gaie ; elle avait été mariée à deux heures après minuit à Saint-Gervais, par M. l’évêque de Châlons. » M. d’Ormesson n’en dit pas plus, mais c’est assez pour nous donner l’idée de cette gaieté éblouissante qui l’avait frappé.

1399. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Madame Swetchine. Sa vie et ses œuvres publiées par M. de Falloux. »

Royer-Collard, indigné de la résistance des organes, me dire de ce ton qui donnait aux paroles tout leur sens : « Ne vieillissez pas, monsieur ! […]  » La vieillesse est « une sorte de noviciat de la spiritualité. » — Il y a, dans ce que j’abrège ici et que je donne presque à l’état de litanies, bien des choses très heureusement trouvées et heureusement dites. […] J’ai voulu, en contraste a ces idées de Mme Swetchine, me donner ce que j’appelle une douche de sens naturel et d’humble sens commun, dussé-je avoir beaucoup à rabattre des trop hautes prétentions humaines. […] Les Lettres dont on vient de publier deux volumes promettaient, à en juger d’après les extraits donnés par M. de Falloux dans la Vie de Mme Swetchine, d’être la partie la plus intéressante de ses œuvres. […] et par exemple, l’historiette que voici et que je répète comme on me la donne : « Le vieux mari de Mme Swetchine était, du moins dans ses dernières années, nul et comme stupide.

1400. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Œuvres complètes d’Hyppolyte Rigault avec notice de M. Saint-Marc Girardin. »

Depuis 1853, il donna également des articles littéraires au Journal des Débats, avec redoublement d’activité dans les dernières années. […] Lorsqu’il s’agit d’auteurs anciens, mais surlesquels la tradition ne se prononce pas parce qu’ils sont de second ou de troisième ordre, il est moins sûr, et il peut se tromper ou donner dans l’à-peu-près. […] Dans ces fastidieux sujets où la conclusion est donnée et où l’on enfonce des portes ouvertes, il s’égayait lui-même et comptait bien égayer son monde par les malices et les grâces qu’il prodiguait tout le long du chemin. […] D’ailleurs, ne l’oublions pas il avait tant de gens à admirer et à louer d’office, qu’on ne saurait s’étonner s’il se divertit tout d’un coup et semble à la fête quand il peut s’en donner sur un adversaire. […] En philosophie, il était spiritualiste et cartésien, ni trop ni trop peu, pouvant, d’un côté, donner des gages aux libres penseurs, pouvant, de l’autre, sans hypocrisie et sans mensonge, se dire chrétien.

1401. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Des prochaines élections de l’Académie. »

On fait ordinairement de l’Académie française la continuation pure et simple de l’ancienne ; on va même jusqu’à donner la généalogie des fauteuils. […] C’est une noble tâche qu’il s’est donnée là, en avançant dans la vie, que de lutter avec la beauté antique. […] Il a donné, depuis, un résumé de son enseignement, en publiant une Histoire de la Littérature française, Gautier, son maître. […] Ce jeune homme est né dans la pourpre ; lui aussi, il s’est donné la peine de naître. […] La difficulté ne serait donc que pour la seconde élection, celle qui doit donner un successeur à M. 

1402. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Journal de la santé du roi Louis XIV »

Je regrette pourtant qu’il ne s’y soit pas donné un peu plus d’espace, comme dans l’Éloge de d’Argenson. […] Le jeune Louis XIV donne, durant cette maladie, des marques de son courage et de sa constance, ce qu’on ne cessa de voir en lui à tous les âges. […] Ce qui aide à persuader de la délicatesse de son esprit, c’est qu’il n’a jamais donné son cœur qu’à des personnes qui en eussent infiniment. Il avoue que, dans la vie, rien ne le touche si sensiblement que les plaisirs que l’amour donne. […] Le Roi, en notant au bas des pages quelques synchronismes qui donnent à penser, en fournit les premiers éléments et le premier dessin.

1403. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Lettres inédites de Jean Racine et de Louis Racine, (précédées de Notices) » pp. 56-75

Mais enfin, à force de caresses et de bonne nourriture, son lait est assez revenu, et nous n’avons pas voulu désespérer une pauvre femme à qui vous aviez donné votre parole. […] Elle vous supplie de bien examiner la nourrice à son arrivée, et, si son lait n’est pas suffisant, de lui retirer sur-le-champ notre enfant et de le donner à cette autre dont vous aviez parlé. […] Si le cochera eu bien soin d’eux, et si la nourrice en est contente, je vous prie de lui faire donner quinze sous. J’ai donné à la nourrice trois écus neufs, et je lui ai dit de se bien nourrir sur le chemin et de vous tenir compte du reste. Je vous prie aussi de donner un écu à la nourrice de Nanette, qui lui a envoyé des biscuits… » Tout cela est bien, sans doute, et prouve une grande vertu morale et domestique chez l’homme de génie.

1404. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Entretiens de Gœthe et d’Eckermann (suite) »

Avant d’en venir à Gœthe jugeant la France et les Français, donnons-nous le plaisir de le considérer encore par quelques aspects qui lui sont propres. […] Après son premier jet poétique et sa première moisson si riche, si puissante et comme indomptable, il s’apaisa, parut avoir tout donné, et se mit à étudier le monde en savant. […] Cet homme qui passe pour avoir été si heureux, et dont toute la carrière est comme un démenti donné à l’infortune héréditaire des poëtes, avait son gravier au pied, qui le blessait. […] Soyons juste : l’ambition était par trop grande à lui de prétendre régner aussi dans les sciences ; cette monarchie universelle n’est donnée à personne, même dans le monde des esprits. […] Ce travail est le résultat de toute une éducation allemande et française, et de quelque chose encore que l’éducation ne donne pas, la curiosité et l’ardeur d’un Faust même

1405. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Salammbô par M. Gustave Flaubert. Suite et fin. » pp. 73-95

Ce sont les Garamantes qui commencent et qui donnent le signal de ce festin de cannibales. […] On comprend bien que c’est moins encore pour donner une idée exacte du livre que je me suis appliqué à cette longue analyse, que pour constater au fur et à mesure la suite de mes impressions et me donner à moi-même, en les recueillant, le droit d’exprimer mon jugement sans mollir, en toute fermeté et sécurité. […] Toute la peine qu’il s’est donnée pour le faire, il nous la rend. […] Ce n’est pas à moi de me donner comme juge de la partie érudite de Salammbô. […] La volonté lui a donné presque tous ses défauts : que cette même volonté les lui ôte.

1406. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Théophile Gautier (Suite.) »

c’est bientôt dit, mais n’en fait pas qui veut, et peu de gens ont eu cet honneur de donner un vocable nouveau à la langue. […] Il n’est pas donné à tout le monde d’arriver à une époque vierge, au sortir d’une barbarie relative, où l’on puisse être simple, grand et naïf. […] Ces larges éventails de feuilles charnues, épaisses, d’un gris azuré, donnent tout de suite une physionomie différente au paysage. […] Athènes lui donna le sens de la mesure : ce fut à tel point que Venise, au retour, y perdit, et, dans son délicieux pêle-mêle, lui parut moins divine qu’auparavant. […] Il fit en amateur la première expédition de Kabylie dans l’état-major du maréchal Bugeaud, qui lui avait donné une tente, deux chevaux et un soldat.

1407. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « M. Émile de Girardin. »

Le dernier donne à l’autre un air de confiance, de certitude absolue, et laisse jour cependant à bien de l’habileté et même de la prudence. […] » parut un article de La Presse qui, comme le coup d’archet, donnait le ton et marquait la mesure au plus fort du tumulte. […] « Vous arrivez à propos, lui dit M. de Lamartine, je suis au désespoir ; la vie de Girardin est en danger, il est bloqué dans les bureaux de la Presse par des centaines, des milliers d’individus, depuis le matin ; nous sommes au dépourvu, il n’y a pas dans Paris un soldat, pas un secours à lui donner. […] J’accorde que, dans ce qui paraît si redoutable de loin, il y a beaucoup de fantômes qui s’évanouissent si l’on ose s’approcher et souffler dessus ; qu’il n’y a pas un si grand nombre de libertés possibles à donner ; qu’on les a déjà en partie ; qu’il ne s’agirait que d’être conséquent, d’étendre et de consacrer le droit ; sans doute, le principe qui consiste à inoculer le vaccin révolutionnaire pour éviter les révolutions, à donner d’avance et à la fois plus qu’elles ne pourraient conquérir, ce principe est d’une analogie séduisante ; mais ceci suppose déjà une médecine bien hardie, et le corps social n’est point partout le même ni capable de porter toute espèce de traitement. […] M. de Girardin a donné aux malveillants un prompt démenti, et il a retrouvé tous ses anciens lecteurs, sans compter les nouveaux.

1408. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « La reine Marguerite. Ses mémoires et ses lettres. » pp. 182-200

L’enfance se passe, et le premier éveil des choses sérieuses est donné à Marguerite vers le temps de la bataille de Moncontour (1569). […] Elle soignait tellement la fraîcheur de sa peau, qu’elle se la gâtait par des eaux et des recettes de toutes sortes, et se donnait des érésipèles et des enlevures. […] On voit que Marguerite donne par là à entendre qu’elle n’avait jusqu’alors fait aucune comparaison d’un homme à un autre homme ; elle joue l’innocente, et, par sa citation de la Romaine, elle fait aussi la savante, ce qui rentre tout à fait dans le tour de son esprit. […] Ces dix-huit années de confinement et de solitude lui avaient donné des singularités et même des manies ; elles éclatèrent alors au grand jour. […] [NdA] Édition publiée par la Société de l’histoire de France et donnée par M. 

1409. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « L’abbé Gerbet. » pp. 378-396

Je voudrais tâcher de le leur expliquer, leur donner idée d’un des hommes les plus savants, les plus distingués et les plus vraiment aimables que puisse citer l’Église de France, de l’un de nos meilleurs écrivains, et, sans m’embarquer dans aucune question difficile ou controversée, mettre doucement en lumière la personne même et le talent. […] En poésie, Lamartine avait donné le signal du renouvellement ; d’autres le donnaient dans l’ordre de l’histoire, d’autres dans l’ordre de la philosophie : c’était par toute la jeunesse une émulation unanime et comme un recommencement universel. […] L’humidité, qui dissout tant d’autres choses, durcit ces ossements en les recouvrant d’une croûte qui leur donne plus de consistance qu’ils n’en avaient lorsqu’ils étaient les membres d’un corps vivant. […] Ce dernier calque de l’homme, cette forme si vague, si effacée, à peine empreinte sur une poussière à peu près impalpable, volatile, presque transparente, d’un blanc mat et incertain, est ce qui donne le mieux quelque idée de ce que les anciens appelaient une ombre. […] Je ne veux pas, censeur trop difficile, Blâmer un jeu que permet le salon, Mais je vous dis que, sous un air futile, Ce jeu vous donne une grave leçon.

1410. (1870) De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés « De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés — Chapitre II : Variations des espèces à l’état de nature »

Elles fournissent ainsi des matériaux à l’accumulation par sélection naturelle, de la même manière que l’homme accumule dans une direction donnée les différences individuelles qui apparaissent dans ses races domestiques. […] Dans la pratique, quand un naturaliste peut relier l’une à l’autre deux formes quelconques, par une série continue d’autres formes présentant des caractères intermédiaires, il donne le titre d’espèce à la plus commune, même parfois à la première décrite, et range les autres comme ses variétés. […] Une investigation attentive amènerait les naturalistes à s’accorder, dans la plupart des cas, sur le rang à donner aux formes douteuses. […] Il suit de ces observations, que je ne considère le terme d’espèce que comme arbitrairement appliqué pour plus de commodité à un ensemble d’individus ayant entre eux de grandes ressemblances, mais qu’il ne diffère pas essentiellement du terme de variété donné à des formes moins distinctes et plus variables. […] Une telle plante n’en est pas moins dominante, dans le sens que nous donnons ici à cette expression, parce que quelque Conferve aquatique ou quelque Champignon parasite est infiniment plus nombreux en individus et plus généralement répandu ; mais, si une espèce de Conferve ou de Champignon surpasse ses alliés à tous égards, ce sera l’espèce dominante de sa classe.

1411. (1818) Essai sur les institutions sociales « Chapitre V. Seconde partie. Des mœurs et des opinions » pp. 114-142

Les ordres sont donnés, les dépêches sont expédiées, les affaires sont finies ; il ne lui reste plus qu’à être Français aimable, à causer dans la chambre des dames. […] Il fallait alors que la philosophie luttât contre les égarements de l’imagination, contre les séductions des sens, mais toujours en respectant le sentiment religieux, sorte d’instinct qui seul donne de la durée à l’existence de l’homme, qui seul revêt d’une sanction inviolable les lois auxquelles il doit obéir. […] Mais, dans les sociétés anciennes, les peuples différaient entre eux, et par les mœurs, et par les opinions : ainsi le sentiment de la nationalité reposait à la fois sur deux bases ; voilà, sans doute, ce qui donnait au patriotisme une énergie si terrible et si farouche. […] Pénélope, pleine de respect pour son fils, savait qu’il était revêtu d’une autorité qui allait jusqu’au droit de lui donner un époux. […] Ainsi nos rois nous ont donné notre religion, ou notre religion nous a donné nos rois ; ainsi la religion, la patrie, le roi, se confondent pour nous dans un sentiment commun ; ainsi le dogme de la légitimité n’est point pour nous une chose vague et obscure, il sort de toutes nos traditions, de tous nos sentiments nationaux, de toutes nos affections de famille ; il a crû, il s’est élevé sur le sol même de la patrie ; son ombrage s’est étendu de siècle en siècle sur les générations qui nous ont précédés, sur les tombeaux de tous nos ancêtres.

1412. (1895) Les œuvres et les hommes. Journalistes et polémistes, chroniqueurs et pamphlétaires. XV « Fervaques et Bachaumont(1) » pp. 219-245

Il pince très finement toutes les fibres, souvent imperceptibles, de la société frivole qu’il s’est donné pour mission d’observer. […] Fervaques et Bachaumont ont voulu, pour plus d’intérêt aux yeux du public, donner à leur livre une forme romanesque ; mais, pour eux, au fond, la grande affaire était de peindre la société des dernières années de l’Empire. […] Arsène Houssaye mettait des mouches, il n’avait gardé que l’assassine, celle-là qui donnait tant de piquant à la physionomie. […] Eh bien, c’est cet accent profond, toujours très reconnaissable quand il est dans une œuvre, c’est ce je ne sais quoi tout-puissant, qui donne même à l’ignoble, oui ! […] Il n’a donné d’otages à rien.

1413. (1859) Cours familier de littérature. VIII « XLIIIe entretien. Vie et œuvres du comte de Maistre (2e partie) » pp. 5-80

« Les grands fleuves ont ordinairement un lit profond et des bords escarpés qui leur donnent un aspect sauvage. […] Vous pourrez, quand il vous plaira, vous donner le plaisir de vérifier ce texte. […] La souveraineté est respectée, en effet, mais c’est dans celui qui la dépose ou qui la donne, c’est-à-dire dans le pape. […] Théodose ayant donné le signal, tous ces magnifiques édifices disparurent. […] Comme le pape y donne des chapelets, et que tout est mode en France, on a fait à Paris une mode des chapelets ; chaque fille de joie a le sien.

1414. (1902) Le critique mort jeune

Un labeur forcé donne une nourriture et de la force à l’esprit. […] Je donne ma main à baiser et je commande à Paul des choses impossibles. […] Henri de Régnier avait donné quelques feuillets de prose. […] Autre leçon donnée encore par M.  […] Henry Bordeaux, avant d’être romancier, se donnait à la critique littéraire.

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