L’Anglais, naturellement sérieux, méditatif et triste, n’est point porté à regarder la vie comme un jeu ou comme un plaisir ; il a les yeux habituellement tournés non vers le dehors et la nature riante, mais vers le dedans et vers les événements de l’âme ; il s’examine lui-même, il descend incessamment dans son intérieur, il se confine dans le monde moral et finit par ne plus voir d’autre beauté que celle qui peut y luire ; il pose la justice en reine unique et absolue de la vie humaine, et conçoit le projet d’ordonner toutes ses actions d’après un code rigide. […] Chacun se dit qu’il est à l’abri de l’insolence privée, que l’arbitraire public n’arrivera pas jusqu’à lui, qu’il « a son corps », qu’il peut répondre à des coups par des coups, à des blessures par des blessures, qu’il sera jugé par un jury indépendant et d’après une loi commune à tous. « Quand un homme en Angleterre, dit Montesquieu, aurait autant d’ennemis qu’il a de cheveux sur la tête, il ne lui en arriverait rien. […] Nous méprisons « cette philosophie d’écoliers et cette arithmétique de douaniers885 », par laquelle vous découpez l’État et les droits d’après les lieues carrées et les unités numériques. […] L’année d’après, le peuple de Birmingham allait détruire les maisons des jacobins anglais, et les mineurs de Wednesbury sortaient en corps de leurs houillères pour venir aussi au secours « du roi et de l’Église ».
D’après cette manière de voir, la philosophie n’est plus une recherche, c’est une cause ; elle n’est plus une science, c’est une foi. […] Mais la limite de cette autre partie est d’après ce qu’on vient de dire, absolument semblable à celle de la première ; vous devez donc concevoir une troisième partie qui continue la seconde et la prolonge au-delà de l’espace que vous avez considéré d’abord… Vous avez ainsi la loi suivante : « toute étendue limitée peut être continuée par une seconde étendue limitée. » La même analyse s’appliquant à la seconde étendue comme à la première, il s’ensuit que toute étendue peut être continuée par une autre étendue : ce qui est la notion de l’espace infini. […] La seule méthode scientifique est la méthode spéculative, celle qui se place d’emblée dans l’absolu, et qui, partant d’une première intuition, descend, par une série d’antinomies et de synthèses, du général au particulier, de l’abstrait au concret, d’après des lois nécessaires. […] Il y a des esprits qui n’ont pas le goût de la métaphysique ; qu’ils s’en abstiennent, rien de mieux : ils seront plus utiles en faisant autre chose ; mais que, mesurant les destinées de l’esprit humain d’après leurs goûts et leurs inclinations, ils veuillent supprimer toute recherche dont ils ne sont point eux-mêmes curieux, c’est là une vue si aveugle et si étroite, qu’on ne peut trop en admirer la naïveté et l’impuissance.
Dans la tragédie, l’homme métaphysique, l’homme d’après le dogme et la logique, régnait absolument. […] Et ce qui me manque surtout, c’est une Histoire générale de notre littérature, écrite sur les documents exacts et d’après la méthode scientifique. […] Le précipité a lieu, d’après les lois naturelles, et le public s’effare. […] Je raisonne d’après un ensemble d’idées où tout se tient, on détache un alinéa et on lui donne un sens auquel je n’ai jamais songé. […] C’est là seulement, d’après M.
On le plaisanta un peu, mais on le discuta, et pour nouvelle qu’était la thèse générale de l’auteur, elle fit, depuis, son chemin, et se voit aujourd’hui, d’après M. […] Et les deux mouvements littéraires auront fait chacun leur besogne : le romantisme aura infusé du sang neuf dans l’anémie de la langue de la Restauration ; le naturalisme aura remplacé l’humanité de dessus de pendule du romantisme par de l’humanité d’après nature. […] Edmond de Goncourt, il consiste à remplacer de plus en plus l’humanité de « dessus de pendule » du romantisme, par de l’humanité d’après nature. […] » Eh bien, d’après un de vos interviewés, M. […] C’est pourtant d’après eux que la critique nous dénigre, nous affirme dépourvus d’idées, inaptes à la psychologie, désintéressés des hauts problèmes, insoucieux des nobles ambitions.
Il a même copié soigneusement des photographies faites d’après quelques-uns de ces minutieux portraits à la mine de plomb, où se fait le mieux apprécier le dur et pénétrant talent de M. […] Je savais qu’il avait été longtemps attaché à un journal anglais illustré, et qu’on y avait publié des gravures d’après ses croquis de voyage (Espagne, Turquie, Crimée). […] Le même journal avait aussi publié, toujours sans signature, de nombreuses compositions du même auteur, d’après les ballets et les opéras nouveaux. […] Il dessine de mémoire, et non d’après le modèle, sauf dans les cas (la guerre de Crimée, par exemple) où il y a nécessité urgente de prendre des notes immédiates, précipitées, et d’arrêter les lignes principales d’un sujet. En fait, tous les bons et vrais dessinateurs dessinent d’après l’image écrite dans leur cerveau, et non d’après la nature.
22 mars 47 (de Vinet fils) : Dans le second article sur Michelet, à l’endroit où mon père dit, d’après Commines, que Louis XI fut plus malheureux que ses victimes, il faudrait renvoyer en note aux Mémoires de Commines, livre VI, chap. 12. […] Vinet d’après sa corresp. avec Lutteroth, par Edm. de Pressensé, p. 53-55. — C’est là que se trouve la pittoresque allusion aux banknotes fausses où se voyaient une douzaine de pendus, remplaçant les armes de l’Angleterre). […] Vinet d’après sa correspondance avec H. […] Je dirai donc, après et d’après l’ancien Larousse, qu’il naquit à La Rochelle en 1800 et mourut jeune en 1835. […] D’après quelles lois les juge-t-il ?
La lumière croissoit toujours, & répandoit un nouvel éclat sur la République des Lettres, lorsque Jodelle(*), sentant tout le ridicule de la représentation des Mystères, des Moralités, des Farces & des Sotties, imagina de composer des Tragédies & des Comédies d’après celles de l’Antiquité. […] Oui, sans doute, à juger notre langue d’après quelques ouvrages & quelques Drames modernes, elle est en effet dure, barbare & monotone : mais qu’on la juge d’après les Poëmes d’Armide, de Roland, d’Amadis, &c. qui osera, sans injustice, lui reprocher ces défauts ?
Le vieux Timée, de Locres, ne disait-il pas déjà, sûrement d’après son maître Pythagore, que nos vices viennent bien moins de nous-mêmes que de nos pères et des éléments qui nous constituent ? […] Et il oubliait qu’il écrivait ces appels à la persécution dans le sein d’un empire et d’un culte grecs, où le prélat et le souverain auraient eu, d’après ses propres invocations à la tyrannie des esprits et des consciences, le devoir de le supplicier lui-même comme voleur domestique, car il ne cessait pas de prêcher à haute voix l’orthodoxie romaine au milieu de l’hérésie grecque !
Nous allons vous le dire, non pas seulement d’après les souvenirs un peu trop sobres et un peu trop voilés d’esprit de famille de sa nièce, madame Lenormant, mais d’après les souvenirs de tout un demi-siècle qui a vu éclore, briller, mûrir, mourir cette éclatante et étrange célébrité du charme immortel sur un visage féminin.
La ville de Saumur présuma donc la valeur des économies d’après les revenus des biens au soleil. […] Grandet un si grand respect, que les observateurs pouvaient mesurer l’étendue des capitaux de l’ancien maire d’après la portée de l’obséquieuse considération dont il était l’objet.
On pouvait lire dans la Revue et Gazette Musicale, numéro du 6 avril 1873, au sujet du final du second acte de Sigurd, exécuté dans un concert : « D’après ce fragment, le poème nous paraît calqué sur celui de la Walkyrie de Richard Wagner, quoique l’épisode qui termine ce final, celui de la nacelle traînée par des cygnes, où se placent Brünnhilde, la Walkyrie, victime d’un enchantement, et son libérateur Sigurd, appartienne à Lohengrin. » Récemment, un compositeur tenant une plume de critique, trouvait, comme pour accentuer encore cette remarque, que certains passages rappelaient, même musicalement, Lohengrin. […] 4° La Légende de Tristan, d’après les romans du Moyen-Age.
Les sensations de température, d’après certaines expériences, semblent se ramener dans leurs éléments primitifs à des sensations de contact. […] Bien loin que le mouvement suffise à tout expliquer sans la sensation, qui ne serait ainsi qu’une lumière surajoutée, le plus probable, d’après les indications tirées de la psychologie, c’est que l’élément sensationnel existe déjà jusque dans les mouvements qui semblent les plus insensibles ; que la sensation distincte, au lieu de se produire à côté et à part du mouvement, dans je ne sais quel monde de purs reflets, est la simple accumulation et amplification de ce qui existait déjà dans le processus réel et intime des choses : le mouvement n’en est que la forme extérieure, la traduction pour les sens de la vue et du toucher.
Et si l’absence de facultés graphiques étonne chez Dickens, le lecteur moderne, accoutumé à notre souci d’études d’après la vie, sera plus surpris encore des renseignements fantaisistes que l’auteur anglais donne audacieusement, sur les milieux qu’il présente. […] Le dialogue est pour lui le moyen le plus court, le plus aisé et le plus intéressant par lui-même, de caractériser une multitude de créatures grimaçantes et risibles, plus composées que reproduites d’après nature et dont le spectacle, comme pour les personnages de vaudeville et les traîtres de mélodrame, est plus fait pour amuser ou effrayer que pour donner à connaître quelque variété insigne de notre espèce.
Après eux, et d’après le même principe de plus ou moins pure spiritualité dans l’œuvre, viennent les poètes épiques, c’est-à-dire les poètes qui racontent, parce que leurs poèmes s’adressent principalement à une faculté secondaire de l’esprit humain : l’intérêt pour les aventures de la vie héroïque ou nationale. Puis viennent en troisième ordre, et toujours d’après le même principe de la plus ou moins pure intellectualité de l’œuvre, les poètes dramatiques, c’est-à-dire ceux qui représentent dans leur poésie, à l’aide de personnages parlant et agissant sur la scène, les péripéties de la vie humaine, publique ou privée.
Henri Scheffer, que le portrait de Sa Majesté ait été fait d’après nature. — Il y a dans l’histoire contemporaine peu de têtes aussi accentuées que celle de Louis-Philippe. — La fatigue et le travail y ont imprimé de belles rides, que l’artiste ne connaît pas. — Nous regrettons qu’il n’y ait pas en France un seul portrait du Roi. — Un seul homme est digne de cette œuvre : c’est M. […] Pollet a fait deux fort bonnes aquarelles, d’après le Titien, où brille réellement l’intelligence du modèle.
Mignet avec un peu trop d’appareil peut-être ; car enfin, il était assis à côté de lui, et l’instant d’après, cet éloge qu’il venait de donner est remonté jusqu’à lui-même et lui a été rendu avec usure.
Comme dans la comédie de Marivaux, L’Heureux Stratagème, Marianne est tentée par moments d’user de représailles, d’aimer ou de faire semblant de se faire aimer par d’autres : « D’autres que lui m’aimeront, il le verra, et ils lui apprendront à estimer mon cœur… Un volage est un homme qui croit vous laisser comme solitaire ; se voit-il ensuite remplacé par d’autres, ce n’est plus là son compte, il ne l’entendait pas ainsi. » C’est assez montrer comment Marivaux, même quand il échappe au convenu du roman, au type de fidélité chevaleresque et pastorale, et quand il peint l’homme d’après le nu (éloge que lui donne Collé), nous le rend encore par un procédé artificiel et laisse trop voir son réseau de dissection au-dehors.
Ceux qui le rencontrèrent plus tard ne retrouvaient pas en lui l’auteur qu’ils s’étaient figuré, d’après ses premières Lettres d’un style si vif et même sémillant : Bailly plus littérateur que savant, a dit le comte d’Allonville en ses Mémoires, était grand, sec, tout d’une pièce.
Nodier en a eu connaissance d’après l’exemplaire autographe et l’a donnée au long : elle a tout à fait le cachet du genre : Malheureux Lenz !
Adert, un des anciens élèves de notre École normale et depuis plus de dix ans établi en Suisse, en publiant aujourd’hui, d’après le vœu de la famille, les principaux essais et mémoires qu’avait préparés plutôt qu’achevés Guillaume Favre, mais qu’il avait préparés toute sa vie, a très bien marqué et défini en sa personne ce caractère original du savant pur, du savant qui étudie toujours, qui prend note sur note et amasse les éruditions autour des pages, qui ne vise qu’au complet et à l’exactitude du fond, qui est le contraire de celui qui dit : Mon siège est fait ; qui, vécût-il quatre-vingts ans, n’a de plaisir qu’à aller toujours ailleurs en avant, et, de chasse en chasse, d’enquête en enquête, scrupuleux et amusé qu’il est, n’en finit pas.
L’ouvrage sur Les Philosophes français du xixe siècle (1857) n’a été couronné par aucune académie ; l’auteur l’a essayé en articles successifs dans la Revue de l’Instruction publique, mais c’est d’aujourd’hui seulement qu’on en peut bien juger d’après l’ensemble.
Il parle une fois très sensément contre l’astrologie judiciaire ; il paraît avoir une conception assez juste et assez saine du système du monde ; il démontre par des considérations physiques et naturelles la chimère qu’il y a à prétendre tirer des horoscopes sur la fortune des hommes ; et l’instant d’après, parlant d’un voyage en mer que fait devant Dieppe la princesse Marie et d’un vent violent qui, se levant tout d’un coup, aurait pu la mettre en danger : « Cela me fit souvenir, dit-il, d’un songe que j’avais eu la nuit précédente pour un certain débordement d’eaux que je m’étais imaginé, comme il arrive assez souvent. » Il ne croyait pas à l’astrologie, et il a l’air de croire aux songes.
Buffon lui accorde le génie créateur qui tire tout de sa propre substance : « Il n’existera jamais, lui dit-il, de Voltaire second » ; c’était une réplique au compliment de Voltaire qui avait appelé Archimède de Syracuse Archimède premier, pour donner à entendre que Buffon était Archimède second ; et faisant ainsi à son rival de Ferney les honneurs du génie, Buffon ne se réserve pour lui que le talent, lequel, si grand qu’il soit, dit-il, « ne peut produire que par imitation et d’après la matière. » Cette lettre à Voltaire, comme plus tard celles qui seront adressées à l’impératrice Catherine, passe la mesure ; Buffon y est deux fois solennel ; il y fait de la double et triple hyperbole, et l’homme qui, à son époque, avait le plus de sens et de jugement, nous fait sentir par là que ces qualités solides d’une éminente intelligence ne sont pas du tout la même chose que le tact et le goût.