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1276. (1913) Les antinomies entre l’individu et la société « Chapitre XIII. Conclusions » pp. 271-291

Pour la conscience moderne, antichristianisme et immoralisme se confondent ou à peu près, Les deux idées de christianisme et de morale ne sont pas dissociées.

1277. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre XXI. Dernier voyage de Jésus à Jérusalem. »

Ses belles prédications, dont l’effet était toujours calculé sur la jeunesse de l’imagination et la pureté de la conscience morale des auditeurs, tombaient ici sur la pierre.

1278. (1880) Les deux masques. Première série. I, Les antiques. Eschyle : tragédie-comédie. « Chapitre XV, l’Orestie. — les Choéphores. »

» répète-t-il pour faire taire sa conscience qui pousse les cris d’un affreux réveil.

1279. (1864) William Shakespeare « Deuxième partie — Livre IV. Critique »

Car il est beau, sur cette terre sombre, pendant cette vie obscure, court passage à autre chose, il est beau que la force ait un maître, le droit, que le progrès ait un chef, le courage, que l’intelligence ait un souverain, l’honneur, que la conscience ait un despote, le devoir, que la civilisation ait une reine, la liberté, et que l’ignorance ait une servante, la lumière.

1280. (1895) Les règles de la méthode sociologique « Chapitre VI : Règles relatives à l’administration de la preuve »

L’instruction, surtout réduite aux connaissances élémentaires, n’atteint que les régions les plus superficielles de la conscience ; au contraire, l’instinct de conservation est une de nos tendances fondamentales.

1281. (1908) Les œuvres et les hommes XXIV. Voyageurs et romanciers « Eugène Fromentin ; Maxime du Camp »

Les esprits qui sentent leur néant doivent adorer tout ce qui empêche de voir leur creux ; mais quand on vit par le talent et qu’on en a en soi la forte, lumineuse et tranquille conscience, à quoi bon jalouser et vouloir cette position d’immortel qui fait rire ceux qui doivent mourir ?

1282. (1896) Les époques du théâtre français (1636-1850) (2e éd.)

C’est ainsi que la manière dont il a traité dans son dialogue les idées générales, les lieux communs de la morale ou de la politique, les cas de conscience encore, faisant un caractère éminent de son style, on s’imagine assez volontiers qu’il en a le premier porté l’expression sur la scène. […] Remise des blessures de la guerre civile, victorieuse de l’Espagne, la France en ce temps-là, vers 1640, prenait une conscience vraiment nouvelle, plus profonde et plus claire à la fois, de la solidarité de toutes ses parties, de son unité, de sa personnalité politique ; et, de cette conscience, est-ce que je me tromperais en essayant de retrouver la révélation dans Horace ? […] — c’était d’oser porter la question sur la scène, en quelque sens qu’on la dût résoudre, et, devant les spectateurs assemblés, c’était de décider en plaisantant des problèmes qui ne sauraient se traiter que dans le secret des consciences. […] et du moment qu’une telle question se dressait devant la conscience d’un tel homme, comment voudriez-vous, Mesdames et Messieurs, qu’il y eût autrement répondu qu’en quittant le théâtre ? […] et l’argent corrompant les consciences, désagrégeant les caractères, suscitant autour de lui, non pas plus, si vous le voulez, mais autant de hontes que de ridicules, et de crimes que de vices !

1283. (1891) La vie littéraire. Troisième série pp. -396

Le mythe du paradis terrestre est d’une grande vérité, et je ne suis pas surpris qu’il soit entré profondément dans la conscience des peuples. […] S’il venait à se répandre dans la conscience de tout un peuple, il perdrait cet aspect lugubre et ne montrerait plus qu’un visage paisible. […] Charles Richet, que « la volonté, ou l’attention qui est la forme la plus nette de la volonté, semble être la conscience de l’effort et la conscience de la direction des idées. […] Il portait dans toutes ses entreprises les délicatesses d’une conscience cultivée et le goût du bien faire. […] « La conscience, disait-il, non moins que l’esprit, a besoin de culture.

1284. (1890) Nouvelles questions de critique

Mais elle l’insinue, voilà le fait ; et elle l’insinue de toutes les manières ; et il suffit que Buffon en ait eu conscience pour que l’on soit en droit de lui en faire honneur. […] Cependant, et tandis que madame de Staël, faisant tomber ainsi les frontières de l’esprit français, le rendait concitoyen du monde, Chateaubriand, lui, de son côté, le rendait contemporain de la cathédrale gothique, et le ramenait, par l’histoire, à la conscience de ses origines chrétiennes. […] Dans la décadence du romantisme, c’est ce qui a préservé l’histoire de perdre, comme la critique, jusqu’à la conscience de son objet et de ses obligations. […] Le Moi, content et gonflé de lui-même, dans une espèce de fausse conscience de sa violence, qu’il prend pour de la force, et de sa témérité, qu’il appelle du nom de hardiesse. […] Mais il n’était pas moins nécessaire qu’en proposant à l’art la sensibilité comme unique moyen d’expression du Moi, il le détournât de son but, qui n’est, après tout, que d’entretenir à sa manière, parmi les hommes, la conscience de leur solidarité.

1285. (1892) Essais sur la littérature contemporaine

Une conséquence en résultera, et, ainsi coupée de ses communications avec l’histoire, la critique, en même temps que la notion de son objet, perdra la conscience de son rôle ou de sa fonction. […] L’individualité, qui mesure bien la supériorité des consciences, ne mesure pas la valeur des esprits. […] Marcel Prévost, quand il dit à son tour « que le romanesque est une catégorie de la conscience et de l’esprit humain » ? […] Ne savons-nous pas bien, d’ailleurs, que, si les grands peuples prennent quelque part une pleine conscience de ce qu’ils sont, c’est dans leur littérature ? […] En voici une qu’il me paraît piquant de relever au passage : « Nous nous étonnons des bonshommes du siècle de Louis XIV, mais ils n’étaient pas des hommes d’énorme génie, — et j’en connais au moins quatre sur lesquels il se trompe, — mais quelle conscience !

1286. (1888) Impressions de théâtre. Première série

Pour les fervents, Polyeucte éveillait des pensées trop graves et remuait trop profondément la conscience : l’exhibition de mystères si saints semblait inconvenante et pénible à l’âme. […] Sarcey trouva qu’elle aurait pu, à certains moments, nous faire mieux sentir qu’Andromaque a parfaitement conscience du pouvoir de ses yeux, et qu’elle entend s’en servir, en tout bien tout honneur. […] Et, quant à la petite Rosette, la bergère en fleur, c’est la douceur et l’innocence avec très peu de conscience et de réflexion, — et cela aussi est vrai. […] Comme Baudry personnifie la bonté, Olivier nous représente la suprême lutte du bien et du mal dans une conscience. […] Ce pauvre homme qui, seul, entre ces créatures d’ombre, porte en lui cette lumière, la conscience, devient tout à coup grand et vénérable.

1287. (1900) La vie et les livres. Cinquième série pp. 1-352

Alexandre Dumas père dédiait à Victor Hugo un drame, intitulé la Conscience. […] Formé par ces anciennes disciplines, qui prenaient l’âme tout entière, il se trouva muni de fières maximes dès qu’il fut obligé, par sa conscience, de passer du discours à l’acte. […] Les hommes éminents de l’Université servent l’État et le public à prix réduits moyennant un traitement alimentaire, un grade plus haut dans la Légion d’honneur, parfois un siège à l’Institut, un renom universitaire ou européen, sans autre récompense que le plaisir de travailler d’après leur conscience intime et l’approbation des vingt ou trente personnes compétentes qui, en France ou à l’étranger, sont capables d’apprécier leur travail à sa valeur. […] Survienne un véritable cas de conscience, un de ces conflits tragiques où la gloire de la patrie et l’honneur de l’humanité sont en jeu. […] Et, après les offices, quand on avait la conscience blanche et l’estomac dispos, quels bons dîners !

1288. (1889) Les artistes littéraires : études sur le XIXe siècle

Cette quantité se trouve perdue maintenant dans une masse confuse et incohérente, à peine affinée par une instruction superficielle, qui juge d’après son goût, et qui fait le succès du moment, mais dont on ne peut dire en conscience qu’elle représente la force intellectuelle d’une nation. […] La conscience de la maladie, loin d’offrir une chance de guérison, n’est qu’une aggravation de douleur et ne saurait servir ici qu’à l’exaspérer davantage. […] C’est par elles qu’il a affirmé sa personnalité et on peut supposer qu’il en eut conscience en lisant les huit derniers vers qui ferment le volume des Fleurs du Mal, et qui semblent placés là en forme de conclusion et de résumé. […] Et ce sera seulement si l’avenir nous fait aussi banqueroute, que, préférant alors l’inconscience absolue à l’unique conscience d’une irrémédiable agonie, nous nous résoudrons à nous perdre dans le morne refuge de l’oubli et du néant. […] On nous l’a montré plié sous l’influence des temps, des climats et des milieux, strictement conduit par les grandes lois naturelles qui le dominent, jouet de ses organes physiques, doué d’une conscience très vague et d’une liberté très douteuse.

1289. (1910) Rousseau contre Molière

Le Misanthrope est la conscience, très indulgente, de Rousseau, et que Rousseau trouve trop sévère. […] Vous auriez trop peur de souiller et d’enflammer son imagination sans éclairer beaucoup sa conscience. […] Il est moyen de caractère et de conscience, comme il est au plus haut faîte comme génie littéraire ; et, comme un homme moyen, du reste très fin et très perspicace, le burlesque des hommes le frappe plus que leur turpitude et en vérité l’offense plus parce que son esprit est plus délicat que sa conscience. […] Quoi qu’en disent les philosophes, cet amour est inné dans l’homme et sert de principe à la conscience. […]   Il est à remarquer que de 1659 à 1673 la double évolution de Molière est sensiblement celle-ci : Il va de plus en plus vers les pièces sérieuses et les grands sujets, et cela s’explique par la maturité de son esprit, la conscience de sa valeur, et le succès obtenu ; et il va de plus en plus dans le sens des idées générales de son temps et des préjugés de son temps, et cela s’explique par le besoin de réussir.

1290. (1922) Le stupide XIXe siècle, exposé des insanités meurtrières qui se sont abattues sur la France depuis 130 ans, 1789-1919

18° Dieu n’existe que dans et par la conscience humaine. Cette conscience crée Dieu un peu plus chaque jour. […] Il faut encore connaître et distinguer les opérations syllogistiques (cette syntaxe de la pensée) par lesquelles le bon sens prend légitimement conscience de soi-même et contrôle le domaine intérieur. […] L’exploration d’une conscience, la nôtre, au sein d’une nuit profonde, et que nous ne pouvons jamais éclairer, en ce monde, devient un exercice singulièrement illusoire, décevant et attristant. […] Roux passe, à bon droit, pour un savant considérable et d’une conscience à toute épreuve.

1291. (1878) Nos gens de lettres : leur caractère et leurs œuvres pp. -316

Je rends hommage à la conscience de M.  […] s’il n’y avait que sa forme, et non sa conscience, de travaillée ? […] Tout individu qui apporte une notion nouvelle (la liberté de conscience, par exemple) crée un conflit, dérange l’immobilité sacrée, trouble l’ordre primordial, commet le crime de lèse-société, — et doit être supprimé par l’Église, érigée en comité de salut public permanent. Luther, en prêchant la liberté de conscience, commettait un double crime, politique et religieux : il devait être excommunié comme hérétique, brûlé comme anarchiste (hérétique, anarchiste, la même chose en deux mots) ; et cela ne fait pas l’ombre d’un doute ! […] C’est seulement votre pièce achevée et leur raison revenue, qu’ils auront conscience d’avoir été dupés.

1292. (1903) La vie et les livres. Sixième série pp. 1-297

Il a scruté la conscience des juges. […] C’était, une fois de plus, la bataille de la conscience et de l’intérêt, de la force et du droit. […] Aussitôt le général, président du conseil de guerre, chercha un moyen de se réconcilier avec sa conscience. […] En effet, les prosateurs et les poètes qui, pendant ces trente dernières années, ont eu la charge de nos âmes ont été, en général, de singuliers directeurs de conscience. […] Mais il est enclin à toutes les défaillances dont la conscience masculine s’accommode si facilement, en pareil cas.

1293. (1861) La Fontaine et ses fables « Deuxième partie — Chapitre I. Les personnages »

Ses sujets sont maintenant « ses chers amis », et il fait sa confession générale. « Il ne veut point se flatter. » Il regarde « sans indulgence l’état de sa conscience »38 qui certes n’est pas peu chargée. […] D’ailleurs et foncièrement, la race n’est point religieuse, c’est-à-dire sérieuse et sujette aux alarmes de conscience, mais sceptique, railleuse, prompte à ramener les privilégiés à son niveau, à chercher l’homme sous le dignitaire, à croire que, pour tous comme pour elle, le grand objet de la vie est l’amusement ou le plaisir. […] Ne nous flattons donc point ; voyons sans indulgence L’état de notre conscience.

1294. (1867) Cours familier de littérature. XXIV « CXLIe entretien. L’homme de lettres »

Enfin, quoique dévoré d’ambition, il ignora toute sa vie l’art de composer avec sa conscience pour arriver à la fortune, et celui de s’avilir pour arriver au pouvoir. […] Pour moi, je rougirais de voiler cette vérité, pour complaire à une faction qui flatte les puissants, en tâchant de leur persuader qu’ils n’ont point d’autres juges de leur conscience que les hommes, c’est-à-dire qu’ils n’en ont point. […] Mon refus d’écrire en sa faveur pouvait être suivi de ma mort ; mais j’étais résolu de perdre la tête plutôt que ma conscience: et si le pouvoir et les bienfaits de ce despote, qui voyait à ses pieds la république consternée le combler d’adulations, et qui avait entre ses mains ma fortune et ma vie, n’ont pu me faire parler pour manquer à l’humanité, il n’est aucune puissance qui pût me faire écrire pour manquer à la Divinité, qui m’a donné le courage de ne pas fléchir le genou devant un tyran.

1295. (1899) Préfaces. — Les poètes contemporains. — Discours sur Victor Hugo pp. 215-309

Ma conscience me rassure. […] Une émotion sublime s’empara de toutes les consciences, et l’enthousiasme fit vibrer le monde, comme si l’on eût vu pour la première fois la réconciliation du ciel et de la terre !  […] Destiné qu’il était à incarner en quelque sorte la conscience agitée de son siècle, à être comme le symbole vivant, comme le clairon d’or des idées ondoyantes, des espérances, des passions, des transformations successives de l’esprit contemporain, il devait, avec la même sincérité et la même ardeur, développer ses merveilleux dons lyriques, de ses premières odes à ses derniers poèmes, par une ascension toujours plus haute et plus éclatante.

1296. (1856) Cours familier de littérature. II « Xe entretien » pp. 217-327

Ma conscience m’applaudit : je finis bien ma vie publique. […] Cependant il y a une lumière qui vient de l’esprit et une lumière qui vient de la conscience. […] Elle est aussi juste et aussi fine que celle du grand diplomate, mais on s’y abandonne bien plus au plaisir d’intelligence qu’on éprouve, car on sent la conscience sous le génie et le cœur sous le mot.

1297. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Les Mémoires de Saint-Simon » pp. 423-461

Religieux par principes et chrétien sincère, il se fit des scrupules de conscience, ou du moins il tint à les empêcher de naître et à se mettre en règle contre les remords et les faiblesses qui pourraient un jour lui venir à ses derniers instants. […] Il se livrait à toutes ses passions intellectuelles et à ses aversions morales sans scrupule, et sauf à se mettre en règle à de certains temps réguliers et à s’en purger la conscience, prêt à recommencer aussitôt après.

1298. (1887) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Troisième série « Edmond et Jules de Goncourt »

Coriolis a beau être créole, sensuel, indolent, avoir besoin de caresses et être épris du corps de Manette, quand on connaît sa fine et fière nature et quand on le voit, presque dès le début, démêler la sécheresse et la dureté foncière de la juive, puis avoir conscience de la tyrannie que cette femme exerce sur lui, on s’étonne un peu qu’il descende, sans résistance et sachant où il va, jusqu’à l’avilissement complet ; que ce gentilhomme subisse la ladrerie de sa maîtresse, que ce sensuel lui sacrifie ses besoins de luxe délicat, que cet artiste passionné lui sacrifie l’art, et que, la haïssant depuis longtemps, il en vienne à l’épouser. […] Alexandre, l’artiste qui joue au Cirque « le malheureux général Mêlas » jusqu’au sergent de ville Champion, ancien gendarme des colonies ; et le paysagiste Crescent, et son excellente femme la mère aux bêtes, et tant d’autres   Dans Sœur Philomène, la petite Céline ; dans Germinie Lacerteux, la monstrueuse mère Jupillon et son digne fils ; dans Madame Gervaisais, la mystique comtesse Lomanossow et le terrible père Sibilla ; dans Renée Mauperin, l’abbé Blampoix, confesseur des salons et directeur des consciences bien nées ; Henri Mauperin, le jeune homme sérieux et pratique, économiste et doctrinaire à vingt ans, « médiocre avec éclat et ténacité » (une des plus remarquables études de MM. de Goncourt, et de celles qui ont le plus de portée) ; et ce charmant Denoisel, à qui MM. de Goncourt ont évidemment prêté beaucoup d’eux-mêmes, comme à Charles et à Coriolis ; et M. et Mme Mauperin, et les Bourjot, et tout le monde enfin !

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