Le Romantisme est maintenant le classicisme de notre âge, mais la Critique, qui se fie à l’inépuisable Beauté, attend des poésies aux formes et aux inspirations nouvelles.
Je sais bien qu’il y a, dans Cicéron même, de ces petits détails de vanité ; mais, dans l’orateur romain, ces faiblesses d’amour-propre sont relevées par la beauté du style, par une éloquence harmonieuse et douce, par une certaine fierté de sentiment républicain qui s’y mêle, enfin par le souvenir de ses grandes actions, et le parallèle qu’il fait souvent de lui-même et de ses travaux, avec ces grands de Rome, endormis sous les images de leurs ancêtres, fiers d’un nom qu’ils déshonoraient, inutiles à l’État et prétendant à le gouverner, rejetant tous les travaux et aspirant à toutes les récompenses.
Le petit nombre d’hommes qui restent à la fin, se trouvant dans l’abondance des choses nécessaires, redeviennent naturellement sociables ; l’antique simplicité des premiers âges reparaissant parmi eux, ils connaissent de nouveau la religion, la véracité, la bonne foi, qui sont les bases naturelles de la justice, et qui font la beauté, la grâce éternelle de l’ordre établi par la Providence.
Comment, du reste, une femme qui a attiré à elle et conquis tant de cœurs, sans le secours de la beauté, n’aurait-elle pas cultivé un jour le paradoxe, ne fût-ce que par reconnaissance ? […] Le troisième buste arrive à la beauté socratique ; en le comparant au premier, on est en plein idéal. […] Pardonnons-lui cependant sa malveillance envers ce pauvre Socrate qui était si laid, car il est évident que, malgré tout son spiritualisme, la beauté physique exerce sur M. […] Bien peu de gens imiteront la confiance du bon évêque, et ils auront raison ; mais il est fort à craindre que plus d’un jeune écrivain copiera les fausses beautés et les excentricités attrayantes de l’auteur. […] La mer, c’est l’immense misère. » Remarquez comme les vraies beautés s’obtiennent à peu de frais.
La beauté naît encore de ce que les traits, tous copiés sur la réalité, sont cependant choisis, sinon modifiés… La beauté est encore dans les forces naturelles et fatales que le roman réaliste est toujours amené à peindre. […] La beauté peut être enfin dans l’attitude dédaigneuse, bienveillante ou impassibleMe l’écrivain, attitude que l’on pressent aisément à travers son œuvre. […] Ils copiaient tout simplement dans le modèle la beauté qu’ils y voyaient ou croyaient y voir51. […] Les noms propres ont leur physionomie et leur beauté. […] Il se contenta de faire remarquer que c’était peut-être par ignorance de la langue italienne que M. le comte Tolstoï n’était pas arrivé à saisir les beautés de Dante.
La fantaisie a sa beauté, et la volonté a la sienne. […] En face d’un homme qui, en faisant de l’art, n’a aucune préoccupation morale, il est bien étonné ; mais il est renversé absolument devant un homme qui prétend que la beauté vaut la vertu, que le beau vaut le bien. […] Tolstoï, les pages de Renan sur la beauté des femmes ? « Le christianisme est trop uniquement moral ; la beauté chez lui est trop sacrifiée… aux yeux d’une philosophie complète, la beauté est un don de Dieu, comme la vertu, vaut la vertu. […] Mais empêchez donc un artiste de porter partout le culte de la beauté et de le faire entrer dans sa morale quand, par hasard, il s’avise d’en avoir une.
C’est qu’en effet la principale beauté de la littérature, c’est de redresser les torts et de s’indigner des injustices. […] Ce qui le pénétrait de sons, de couleurs, de goûts et de parfums trouvait un organisme assoupli et rythmique qui haussait toute sensation en joie et en beauté. […] L’amour a disparu, la jeunesse, la beauté aussi ; la foi, il n’y en eut jamais. […] Tant mieux, s’il est pour nous une source de beauté. […] J’aime mieux le laisser sur son socle, dans son attitude allégorique de pourfendeur de beautés.
Cela augmente considérablement la beauté de la place, laquelle, en été, et surtout quand il n’y a rien d’étalé, qu’elle est arrosée et que l’eau court dans le canal jusqu’aux bords, est, à ce que je crois, la plus belle place du monde, et où la promenade est le plus agréable, car il y a toujours quelque endroit où l’on se peut retirer à l’ombre. […] L’un s’appelle Méheemancané (Méhmân-khâunéh), c’est-à-dire le palais des hôtes, parce que c’est où on reçoit et où on loge les hôtesses, comme les femmes de qualité qui rendent visite, les princesses du sang royal qui sont mariées, et les femmes et les filles qu’on fait voir au roi pour leur beauté. […] À mon premier voyage, l’an 1666, c’était une très-fameuse courtisane, tant par sa beauté que par ses richesses. […] On est surpris de tant de jets d’eau qu’on voit de toutes parts à perte de vue ; et l’on est charmé, tant de la beauté des objets que de la senteur des fleurs et du ramage des oiseaux, qui sont dans les volières et parmi les arbres.
Jeudi 31 janvier À la fin de la soirée, arrive Helleu, qui a passé toute la journée à peindre par ce froid, les statues de Versailles, à demi ensevelies sous la neige, parlant de la beauté de spectacle et du caractère de ce monde polaire. […] Puis le discours attendu de Clemenceau, le discours éloquent, où il montre le chevalier de Marie-Antoinette, arrivé par l’amour de la beauté, de la vérité, à devenir l’apologiste d’une Germinie Lacerteux, d’une fille Élisa, qui devaient être des femmes de la tourbe qui accompagnaient la reine à l’échafaud ; discours se terminant par ces hautes paroles : « Le paysan retourne le sol, l’ouvrier forge l’outil, le savant calcule, le philosophe rêve. […] » Mardi 28 mai Aujourd’hui, Mme Segond-Weber m’est amenée par Montesquiou, venant me demander de jouer La Faustin ; je suis frappé de sa beauté, de la fine ciselure de ses traits, de son pénétrant regard noir. […] Lundi 9 septembre Je trouve, que la jeunesse littéraire actuelle, avec son mépris des grondantes colères de la chair, et son culte de la psychiatrie, de cette beauté, lui défendant de chanter la brutale nature et le sensuel amour, a quelque chose de l’hypocrisie protestante.
Dans les époques les plus dissolues, n’a-t-on pas chanté les beautés de l’innocence et de la vertu, aux grands applaudissements de ceux qui pratiquaient le contraire. […] Tout se trouvait jeté dans le baquet aux injures son étude nouvelle de l’homme physiologique, le rôle tout puissant rendu aux milieux, la vaste nature éternellement en création, la vie enfin, la vie totale, universelle qui va d’un bout de l’animalité à l’outre sans haut ni bas, sans beauté ni laideur et les audaces de langage, la conviction que tout doit se dire qu’il y a des mots abominables nécessaires comme des fers rouges qu’une langue sort enrichie de « ces bains de force et surtout l’acte sexuel, l’origine et l’achèvement continu du monde tiré, de la honte où on le cache, remis dans sa gloire sous le soleil. […] Essayons de débrouiller ce grimoire. « La vaste nature éternellement eu création la vie totale, la vie universelle qui va l’un bout de l’animalité à l’autre sans haut ni bas, sans beauté ni laideur. » Tout est équivalant au physique comme au moral. […] Jadis les Pères de l’Eglise et les anachorètes prêchaient, à leurs contemporains, que le corps n’est qu’ordure et pourriture, et cela en termes imagés ; mais s’éloignant avec dégoût de ce spectacle nauséabond, ils célébraient les beautés de l’âme, idéal indestructible.
Je conçois bien qu’à l’âge d’Indiana, et malgré la blessure d’une si furieuse passion, on s’adoucisse, on vive, on oublie un peu, et qu’après un intervalle assez long, on finisse même par aimer ailleurs ; mais ici le passage est brusque, la guérison magique ; sir Ralph joue le rôle d’un véritable Deus ex machina, qui, déguisé jusqu’alors en quelque rustre, et demeuré témoin insignifiant du drame, se révèle soudain, reprend sa haute beauté et ravit à lui l’Ariane : l’histoire réelle finit comme un poëme mythologique.
Si Racine, dans les vingt-six années environ qui forment sa pleine carrière depuis les Frères ennemis jusqu’à Athalie, avait eu le temps de voir une couple de révolutions politiques et littéraires, s’il avait été traversé deux fois par un soudain changement dans les mœurs publiques et dans le goût, il aurait eu fort à faire assurément, tout Racine qu’il était, pour soutenir cette harmonie d’ensemble qui nous paraît sa principale beauté : il n’aurait pas évité çà et là dans la pureté de sa ligne quelque brisure.
Dans le fond, il y a ceci, qui est bizarre : il vous a été absolument impossible de supporter cette idée qu’il y eût en France un homme notoirement insensible aux beautés du 4e acte de Frédégonde.
Il est inouï qu’un drame captive et éveille l’attention sans amour, sans intrigue, avec la seule beauté des caractères et des pensées, avec la magie des vers.
Pendant que le Capitan va raccontando la sua bellezza, forza e valore , raconte sa beauté, sa force et sa valeur, l’Affamato crie sans cesse famine et, en sortant de table, jure qu’il meurt de faim.
L’Art pur, l’Art sans compromissions, sans étiquette de chapelle ; l’Art au service de la souveraine Beauté. » Il parlait de « haines à jamais abolies, de consciences haussées à la divinité » et il concluait : « Nous voilà prêts à fêter au prochain banquet la poésie personnifiée cette fois par Jean Moréas, le plus pur, le plus haut et le plus désintéressé des poètes. » Je lisais ces lignes de Léon Deschamps, lorsqu’un télégramme m’apprit le coup fatal.
Les Détracteurs de Despréaux n’osent pas, il est vrai, disconvenir de la beauté de cette Poétique ; mais ils tâchent d’affoiblir le mérite de l’Auteur, en disant qu’elle n’est qu’une imitation de celle d’Horace, & le plus souvent une simple traduction.
Il n’avoit que les mêmes exclamations, pour rendre toutes les beautés de l’auteur qu’il interprêtoit.
Je ne le connais pas, et suis tout à fait disposé à lui rendre justice, et pour vous en convaincre, je trouve, par exemple, dans sa bataille et son pendant le ciel de la plus grande beauté, les nuages légers et transparents, en ce point, ainsi que par la variété et la finesse des tons, comparable au bourguignon, même plus vigoureux, et bien le maître de Loutherbourg et celui-ci bien l’écolier.
Mais la beauté du moment unique qui brilla pour le Christianisme à la Chine, au xviie siècle, ne se retrouvera plus !
Croyez-vous qu’il n’y ait pas, si maintenu qu’on soit par les faits, — ces fers aux pieds et aux mains, mais qui n’empêchent pas les hommes vraiment forts de se mouvoir et de se dilater dans la beauté de leur puissance, — croyez-vous qu’il n’y ait pas, au sein de tous les esclavages de l’histoire, des manières d’ouvrir ses points de vues qui sont de la plus haute, de la plus réelle originalité ?
Le Romantisme, ce Résurrectionniste, en ravivant, aux lueurs de son flambeau, toutes les gloires du seizième siècle, de ce siècle que le dix-septième et le dix-huitième, descendants ingrats de pères plus grands qu’eux, avaient cru pouvoir effacer, le Romantisme avait laissé dans l’ombre cette petite gloire d’une traduction qui est un bijou… Tous ou presque tous de ce siècle qui a la beauté d’une aurore, depuis Rabelais, Montaigne, Ronsard, d’Aubigné, Régnier, Amyot, Desportes, jusqu’à Mathieu, le splendide Pierre Mathieu, qui écrivait sous Henri IV et qui précéda immédiatement cette littérature, exécutée comme la Noblesse et dont Malherbe et Despréaux vont tout à l’heure être les Richelieu et les Louis XIV, tous avaient eu leur édition ou du moins leur page d’histoire ou de critique qui disait la nécessité ou la convenance de l’édition, comme on a la niche, en attendant la statue.
Léopold Ranke, un Français de Berlin pour le vif sentiment de la réalité historique, nous donnait dans une histoire, au fond protestante, une étude magnifique sur Ignace de Loyola, le fondateur de l’ordre le plus impopulaire, et qui contraignait les plus insolents à baisser les yeux devant la beauté morale de ce chevalier qui fut un saint.