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1010. (1898) La cité antique

Mais quel espoir y a-t-il d’arriver à la connaissance de ce passé lointain ? […] C’est à quoi l’on arrive par une sorte d’initiation du nouveau venu au culte domestique. […] C’est ce qui arriva. […] Il put même arriver assez souvent que l’on suivit l’ordre inverse. […] Arrivé au temple, le général immolait les victimes aux dieux.

1011. (1910) Études littéraires : dix-huitième siècle

C’est ce qui est arrivé. […] Mais quand les enthousiastes s’éloignent, les réalistes arrivent. […] Il ne se pousse pas, il arrive. […] C’est ce dernier qui est arrivé, ou à peu près ; car les défauts intimes ne s’abolissent point, mais il arrive qu’ils se contiennent. […] Savez-vous ce qui arriva ?

1012. (1862) Portraits littéraires. Tome II (nouv. éd.) « Bernardin de Saint-Pierre »

Lorsque Bernardin arriva de l’Ile-de-France à Paris en 1771, il n’était pas encore ainsi ulcéré ; mais les mécomptes qu’il eut à subir dans la société parisienne achevèrent vite ce qu’avaient commencé ses infortunes au dehors. […] Pour n’en citer qu’un exemple, le pèlerinage de Virginie et de son frère à la Rivière-Noire est fait, dans le Voyage, par Bernardin accompagné de son nègre, et lorsqu’au retour, avant d’arriver au morne des Trois-Mamelles, il faut traverser la rivière à gué, le nègre passe son maître sur ses épaules : dans le roman, c’est Paul qui prend Virginie sur son dos. […] La merveille, c’est que chez Bernardin l’innovation n’a pas le moins du monde le caractère de l’audace, tant elle est ménagée sous des jours adoucis, tant elle nous arrive dans la mélodie flatteuse. […] Hennin de lui épargner les voyages inutiles à Versailles ; car il les fait à pied, il s’en revient de nuit ; et quand la lune lui manque et que la pluie le prend, il s’embourbe dans les chemins, il tombe, et n’arrive que trempé et brisé ! […] De même, en exagérant et subtilisant en mainte occasion au sujet des bienfaits et des prévenances de la nature, il lui arrive d’impatienter à bon droit celui qu’il vient de charmer ; à force d’apologie, il rappelle et provoque les objections.

1013. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre quatrième. La propagation de la doctrine. — Chapitre II. Le public en France. »

Tout au rebours en France. « J’y arrivai en 1774493, dit un gentilhomme anglais, sortant de la maison de mon père qui ne rentrait jamais du Parlement qu’à trois heures du matin, que je voyais occupé toute la matinée à corriger des épreuves de ses discours pour les journaux, et qui, après nous avoir embrassés à la hâte et d’un air distrait, courait à un dîner politique… En France, je trouvai les hommes de la plus haute naissance jouissant du plus beau loisir. […] Vers le café arrive la question de l’immortalité de l’âme et de l’existence de Dieu. […] Chez le baron d’Holbach arrivaient tour à tour les étrangers les plus lettrés et les plus marquants, Hume, Wilkes, Sterne, Beccaria, Verri, l’abbé Galiani, Garrick, Franklin, Priestley, Lord Shelburne, le comte de Creutz, le prince de Brunswick, le futur électeur de Mayence. […] Lorsque Voltaire arrive en Prusse, Frédéric II veut lui baiser la main, l’adule comme une maîtresse, et plus tard, après tant d’égratignures mutuelles, ne peut se passer de causer par lettres avec lui. […] Voilà les questions qui entrent dans les salons sous les auspices du roi, par l’organe de Quesnay, son médecin, « son penseur », fondateur d’un système qui agrandit le prince pour soulager le peuple, et qui multiplie les imposés pour alléger l’impôt. — En même temps, par la porte opposée, arrivent d’autres questions non moins neuves. « La France525 est-elle une monarchie tempérée et représentative, ou un gouvernement à la Turque ?

1014. (1859) Cours familier de littérature. VII « XXXIXe entretien. Littérature dramatique de l’Allemagne. Le drame de Faust par Goethe (2e partie) » pp. 161-232

Nous ne pourrons arriver que bien tard après les autres ; à peine si cette pauvre femme garde un souffle de vie, et son nouveau-né repose tout nu entre ses bras. […] Puisse-t-il vous rendre à vous-même le bien qui nous arrive par vous ! […] “Hâtons-nous d’arriver au prochain village, où nos compatriotes doivent faire halte pour la nuit ; là je coudrai le linge pour la layette de l’enfant, et j’arrangerai avec soin tout ce qui sera nécessaire.” […] « Quand j’eus monté sur les décombres de la maison et de la cour qui fumaient encore, pendant que je contemplais cette demeure ainsi dévastée, toi tu arrivais de l’autre côté ; tu cherchais la place occupée par l’étable : un cheval y était resté ; les débris jonchaient le sol, mais le cheval avait disparu. […] Sa résolution est prise. — Arrive ce qui pourra, dit-il, je veux aller moi-même apprendre mon sort de sa bouche.

1015. (1862) Cours familier de littérature. XIV « LXXXIIe entretien. Socrate et Platon. Philosophie grecque. Deuxième partie. » pp. 225-303

« Bientôt arrivent Polémarque avec Adimante, frère de Glaucon, Nicérate, fils de Nicias (général athénien qui périt au siège de Syracuse), et quelques autres qui se trouvaient là, revenant de la fête. […] J’apprendrais avec plaisir ce que tu en penses, car tu arrives à l’âge que les poètes appellent le seuil de la vieillesse. […] « Pour moi, Socrate, je crois qu’ils ne connaissent pas la vraie cause de ces maux ; car, si c’était la vieillesse, elle produirait les mêmes effets sur moi et sur tous ceux qui arrivent à mon âge ; or j’ai trouvé des vieillards dans une disposition d’esprit bien différente. […] « — Ainsi donc, réunir ces diverses fonctions, ou passer de l’une à l’autre, c’est ce qui peut arriver de plus funeste à l’État et ce qu’on peut très bien appeler un véritable crime. » XV La communauté des femmes et des enfants, ce scandale de la raison et ce sacrilège contre la nature, est un des fondements de sa société. […] Il définit aussi le gouvernement démocratique : « La démocratie arrive quand les pauvres, ayant remporté la victoire sur les riches, massacrent les uns, chassent les autres et partagent également avec ceux qui restent l’administration des affaires et les charges publiques, lesquelles, dans ce gouvernement, sont données par le sort pour la plupart.

1016. (1887) Revue wagnérienne. Tome II « Paris, le 8 novembre 1886. »

Mais arrivons, sans faire languir notre lecteur, aux deux champions, qui, après boire, s’épuisent dans les convulsions. […] Par quelle déviation d’esprit a-t-il pu croire qu’il arriverait à rendre autre chose eu musique, et par quelle aberration a-t-il pu imaginer de substituer ici la philosophie à l’amour ? […] Il n’a donc pas écrit cette page véritablement unique en application directe de son système, mais à côté, presque à rebours, puisque les mobiles intérieurs sur lesquels il prétendait se guider échappaient à l’art musical et qu’il en arrivait, sans s’en apercevoir, à ne plus exprimer qu’un sentiment très banal, qu’une situation très ordinaire. […] « Ce n’est pas sans de longues méditations — a dit un admirateur instinctif de Richard Wagner — sans des études approfondies et une infatigable estimation des éléments qu’il emploie, que Wagner est arrivé à dompter radicalement les agents divers du drame lyrique. […] Et me voici arrivé au sommet du Nébo, d’où l’œil découvre la vraie terre promise du « motif de réminiscence » : le domaine de l’Opéra.

1017. (1891) Journal des Goncourt. Tome V (1872-1877) « Année 1876 » pp. 252-303

Il vous disait : « Moi, j’ai la plus grande facilité poétique, en pension, il m’arrivait, quand un devoir était difficile, de l’écrire en vers… » et je me doute de ce que pouvaient être ses vers ! […] Jamais, je crois, il n’est arrivé de décrire par avance, d’une manière si épouvantablement vraie, le désespoir d’un homme de lettres sentant tout à coup l’impuissance et le vide de sa cervelle. […] Dans ce temps, il arrivait, tous les jours, chez mon père, des bourriches de gibier, de poisson, de choses à manger, que lui envoyaient des malades qu’il avait guéris, des bourriches qu’on déposait, le matin, dans la salle à manger. […] Et il arrivait que mon indignation d’être arrêté, l’horreur de la société au milieu de laquelle je me trouvais, la perte de mon manuscrit, tout cela disparaissait dans la recherche que je faisais, en ma cervelle en feu, du moyen de me transporter près de ces deux femmes, sans éveiller l’attention d’un garde-chiourme terrible qui fumait un brûle-gueule, adossé au mur, à côté de moi. […] On ne sait jamais, même à l’heure qu’il est, le train qu’il prend, pas plus que celui par lequel il arrive.

1018. (1920) Action, n° 3, avril 1920, Extraits

Les événements sont plus forts que les hommes et les hommes sont balottés en tous sens ne comprenant pas grand chose à ce qui arrive. […] Ils n’ont pas encore détruit le mot lui-même mais ils y arriveront. […] Il est arrivé enfui à comprendre que l’essence de la théologie chrétienne contenue dans le symbole apostolique est la meilleure source d’énergie et de morale. […] Il arrivait que la pure douceur et la pure violence se rencontraient et justifiaient leur union. […] Picabia lui présente Ribemont-Dessaignes et Tzara aussitôt qu’il arrive à Paris.

1019. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « M. Victor Hugo. Les Contemplations. — La Légende des siècles. »

Victor Hugo est arrivé, même dans la confection plastique de son vers, à ce degré d’individualisme solitaire qui est la dépravation la plus entière de la pensée. […] Hugo est arrivé à force de remuer les mots. […] Arrivé là de sa théogonie et de sa cosmogonie, le poète, le songeur (il s’appelle ainsi lui-même), plisse un peu plus fort son grand front vide et ajoute : Ne réfléchis-tu pas lorsque tu vois ton ombre ? […] N’y a-t-il là qu’un de ces revirements soudains, comme il en arrive parfois dans ces organisations souveraines ? […] Fait pour chanter la guerre avant toutes choses, — car sa première impression d’enfance fut pour lui, comme pour Astyanax, le panache du casque de son père, — fait pour chanter la guerre, et après la guerre tous les spectacles qui arrivent à l’âme par les yeux, M. 

1020. (1870) La science et la conscience « Chapitre IV : La métaphysique »

Elle n’arrive à cette formule définitive que par une gradation continue des termes dont se compose la série cosmique tout entière. […] Le mysticisme chrétien, même si on le prend chez des esprits supérieurs, chez un Fénelon par exemple, en arrive toujours à l’abdication de la personne humaine. […] On sait comment Maine de Biran est parti de la philosophie de la sensation pour arriver au spiritualisme le plus décidé, et pour aboutir enfin à un mysticisme qui ne nous a été révélé que par les dernières publications. […] Qu’arrive-t-il chez les âmes qui doutent de leur libre arbitre ? […] Quoi qu’il arrive, un tel pays n’oubliera point qu’il a fait la révolution de 89 et proclamé les droits de l’homme du haut de la plus grande tribune qui ait jamais été ouverte à la conscience humaine.

1021. (1905) Propos de théâtre. Deuxième série

Et, se défendant, il renchérit, comme il arrive. […] Cela arrive à chaque instant. […] » Cela arrive exactement à chaque demi-page. […] Mounet-Sully est arrivé. […] Ce qui devait arriver arrive.

1022. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Étude sur la vie et les écrits de l’abbé de Saint-Pierre, par M. Édouard Goumy. L’abbé de Saint-Pierre, sa vie et ses œuvres, par M. de Molinari. — I » pp. 246-260

L’abbé de Saint-Pierre avait bien quelque vague soupçon qu’il pouvait ennuyer parfois, — qu’il avait pu autrefois ennuyer ; mais il ne s’en rendait point parfaitement compte, et il se flattait de s’en être assez bien corrigé « Quand j’arrivai à Paris, disait-il, je disputais avec tout le monde ; enfin, m’étant aperçu que la raison ne ramenait personne, j’ai cessé de disputer ». […] La curiosité lui vint, vers ce même temps, d’aller chez La Bruyère, dont Les Caractères avaient paru depuis peu et étaient le grand succès du moment ; mais là il lui arriva malheur. […] quelles différentes révolutions ne doivent-elles pas arriver sur toute la face de la terre, dans les États et dans les empires !

1023. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « M. Ernest Renan »

Un tel genre de vie anéantit l’esprit faible, mais donne une singulière énergie à l’esprit capable de penser par lui-même. » Ses premiers doutes lui vinrent à Issy, et ils lui arrivèrent par les études naturelles, par les sciences, pour lesquelles il se sentait du goût, et qu’il commençait à cultiver. […] Quatremère, et dans le trajet de nombreux échos lui arrivaient du dehors. […] La philosophie ne lui apparut point un matin ou un soir comme une Minerve tout armée ; elle ne s’annonça point par un coup de tonnerre, comme cela arriva, je me le figure, pour Lamennais, et un peu pour Jouffroy.

1024. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « M. Rodolphe Topffer »

C’est à ce moment de satisfaction légitime et de plénitude, comme il arrive trop souvent, que sa destinée est venue se rompre : une maladie cruelle a, durant des mois, épuisé ses forces et usé son organisation avant l’heure, mais sans altérer en rien la sérénité de ses pensées et la vivacité de ses affections. […] Appuyé sur les deux bras de son fauteuil, un petit chevalet placé devant lui, il peignait avec ardeur, avec un bonheur qui fut le dernier de sa vie ; c’était la première fois, depuis un ou deux essais tentés à l’âge de dix-huit ans, qu’il lui arrivait de peindre à l’huile. […] Profitant de sa situation excentrique en dehors de la capitale, il s’était fait un mode d’expression libre, franc, pittoresque, une langue moins encore genevoise de dialecte que véritablement composite  ; comme l’auteur des Essais, il s’était dit : « C’est aux paroles à servir et à suivre, et que le gascon y arrive, si le françois n’y peut aller. » Cette veine lui est heureuse en mainte page de ses écrits, de ses voyages ; il renouvelle ou crée de bien jolis mots.

1025. (1875) Premiers lundis. Tome III « Sur le sénatus-consulte »

» Mais si un autre jour, et cela a dû arriver bien des fois, on disait à quelqu’un de ces hommes d’État qui ne comptaient point dans leur spécialité l’opinion, qui n’en paraissaient pas même soupçonner l’existence et les courants cachés persistants : « Mais prenez garde ! […] Charles Giraud) : « Il m’est arrivé bien souvent de donner des avis, et à des ministres de ma connaissance ou de ma familiarité de dire à l’occasion : « mais prenez garde, voilà tel ou tel fait, tel indice grave, telle initiative considérable qui, si on la néglige et si l’on n’en tient compte, peut avoir ses inconvénients. » A quoi il m’était invariablement répondu d’un certain air : « On s’en passera ». Et à chaque observation de ce genre qu’il m’arrivait de faire, à chaque précaution que je croyais devoir indiquer, on me répondait d’un ton léger et avantageux : « On s’en passera. »— C’est une variante du Qu’est-ce que cela nous fait ?

1026. (1796) De l’influence des passions sur le bonheur des individus et des nations « Section première. Des passions. — Chapitre II. De l’ambition. »

La pensée d’un ambitieux est constamment tendue à la recherche des symptômes d’un talent supérieur ; il éprouve tout à la fois et les peines de ce travail et son humiliation ; et pour arriver au terme de ses espérances, il doit constamment réfléchir sur les bornes de ses facultés. […] Il se soutient, peut-être, par l’espoir de se montrer lui-même alors qu’il aura atteint son but ; mais s’il faisait naufrage avant d’arriver au port, s’il était banni, pendant, qu’à l’imitation de Brutus, il contrefait l’insensé, vainement voudrait-il expliquer quelle fut son intention, son espoir ? […] Quelques hommes ont conservés, jusques à la fin de la vie, le pouvoir qu’ils avaient acquis, mais pour le retenir, il leur en a coûté tous les efforts qu’il faut pour arriver, toutes les peines que causent la perte ; l’un est condamné à suivre le même système de dissimulation qui l’a conduit au poste qu’il occupe, et plus tremblant que ceux qui le prient, le secret de lui-même pèse sur toute sa personne ; l’autre se courbe sans cesse devant le maître quelconque, peuple ou roi, dont il tient sa puissance.

1027. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Deuxième partie. Invention — Chapitre VII. Induction et déduction. — Diverses causes des faux raisonnements »

« Nous sommes arrivés par degrés (dit M.  […] Elle y arrive en employant un ensemble de parties liées, dont elle modifie systématiquement les rapports. […] Et il arrive que d’autres non seulement n’aperçoivent pas cette évidence qui nous frappe, mais aperçoivent la même évidence dans des opinions contradictoires aux nôtres.

1028. (1889) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Quatrième série « Barbey d’Aurevilly. »

Mais, par contre, ne vous est-il pas arrivé, en présence de tel homme obscur ou célèbre, de sentir que vous êtes bien réellement devant un masque impénétrable dont l’intérieur ne vous sera jamais révélé ? […] La duchesse, qui est innocente, se fait fille publique pour se venger. « Je veux mourir, dit-elle à l’un de ses clients d’une nuit, où meurent les filles comme moi… Avec ma vie ignominieuse de tous les soirs, il arrivera bien qu’un jour la putréfaction de la débauche saisira et rongera enfin la prostituée et qu’elle ira tomber par morceaux et s’éteindre dans quelque honteux hôpital. […] Et cette vue volontairement absurde du monde, il arrive à l’imposer aux autres.

1029. (1863) Molière et la comédie italienne « Chapitre III. La commedia dell’arte en France » pp. 31-58

Ils arrivèrent fort en retard. […] Les Gelosi arrivèrent au mois de février suivant. […] Quand je fus sorti du palais, arrivé sur la place, je te pris mon trésorier par un pied et le lançai en l’air jusqu’à la voûte du ciel.

1030. (1913) Les antinomies entre l’individu et la société « Chapitre XIII. Conclusions » pp. 271-291

Arrivés au terme de notre analyse des antinomies, nous devons, pour fixer nos conclusions, examiner quelques questions d’ordre général. […] Ceux chez qui l’antinomie arrive à son point culminant de sensibilité douloureuse sont des âmes complexes et délicates, ayant à la fois un besoin profond d’idéal, des aspirations vers une sociabilité supérieure, et un vif sentiment de l’individualité, un esprit d’indépendance qui les prédispose à souffrir des contraintes, des tyrannies et des hypocrisies inséparables de toute vie sociale (Vigny par exemple). […] Après quelques velléités de résistance, l’individu ne peut manquer de se soumettre, « Pour amener l’individu à se soumettre de son plein gré, il n’est nécessaire de recourir à aucun artifice ; il suffit de lui faire prendre conscience de son état de dépendance et d’infériorité naturelles — qu’il s’en fasse par la religion une représentation sensible et symbolique ou qu’il arrive à s’en former par la science une notion adéquate et définie116. » La science sociologique assumera donc la même fonction qu’ont assumée jusqu’ici les religions ; elle courbera l’individu devant la société.

1031. (1864) William Shakespeare « Deuxième partie — Livre IV. Critique »

L’un part de l’unité et arrive au multiple, l’autre part du multiple et arrive à l’unité. […] Loi : le poëte part de lui pour arriver à nous.

1032. (1872) Les problèmes du XIXe siècle. La politique, la littérature, la science, la philosophie, la religion « Livre IV : La philosophie — I. La métaphysique spiritualiste au xixe  siècle — Chapitre II : Partie critique du spiritualisme »

Si une pluralité de substances coexistantes ne peut arriver à une véritable unité, à une unité intérieure et consciente, une pluralité de substances successives ne peut pas davantage constituer une véritable identité, c’est-à-dire une continuité sentie. […] Le langage sans doute est un intermédiaire ; la sympathie et l’amour sont des liens, une multitude de consciences peuvent vibrer à l’unisson, comme il arrive dans l’enthousiasme et dans l’énergie des passions populaires ; enfin il y a entre tous les hommes un lien intime et secret, une essence commune, et, comme on l’a dit, une solidarité qu’il ne faut pas oublier ; mais, si intime que soit ce lien, il ne va pas, il ne peut aller jusqu’à effacer la limite qui sépare radicalement les esprits, à savoir ce caractère essentiel d’être présent à soi-même, ce qui implique que l’on ne peut être en autrui comme l’on est en soi. […] On arrive ainsi à s’écrier avec Fénelon : « Dieu n’est pas plus esprit que corps ; il est tout ce qu’il y a de réel et d’effectif dans les corps et dans les esprits. » Dieu ainsi entendu n’est plus que l’être, l’être tout court, dit Malebranche, l’être sans rien ajouter, dit Fénelon.

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