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781. (1889) Les œuvres et les hommes. Les poètes (deuxième série). XI « Auguste Barbier »

Quoique le grand Corneille et le plus grand Shakespeare fussent de vigoureux travailleurs, qui se donnaient un mal infini pour tricoter leurs drames dans les conditions du Théâtre et des poétiques de leur temps, ils n’avaient point assez de métier, et quand Voltaire appelait Shakespeare barbare, c’était un reproche que le métier faisait au génie.

782. (1889) Les œuvres et les hommes. Les poètes (deuxième série). XI « Amédée Pommier »

Et, en effet, ces poètes, cette constellation de la Lyre de 1830, n’ont point le rire qu’avait le noir Shakespeare dans sa noire Angleterre, ni le rire autochtone de chez nous, fils de Rabelais, fils de Régnier, fils de Molière, fils de Voltaire, et même fils de Boileau, le raisonnable, qui ne riait pas aux éclats, mais qui riait.

783. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « M. Jules Sandeau » pp. 77-90

Sandeau appartient à cette moralité bourgeoise qui n’a pas de croyance solide et profonde, mais qui ne veut pas qu’on lui vole ses chemises ou qu’on les lui chiffonne, et qui, comme Voltaire, trouve que, si Dieu n’existait pas, il faudrait l’inventer… pour les domestiques.

784. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « M. Malot et M. Erckmann-Chatrian » pp. 253-266

III Quant au style, il est évident que l’auteur des Victimes d’amour est de cette école qui part de Stendhal, qui partait lui-même de Voltaire, passe par M. 

785. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « Gogol. » pp. 367-380

Gogol a beau vouloir n’être que Russe, il a beau regimber contre l’influence française et l’influence allemande, il les porte tous les deux sur sa pensée : il a appris le latin dans Richter et dans Voltaire.

786. (1854) Nouveaux portraits littéraires. Tome II pp. 1-419

Quant aux allusions mythologiques, pour les pardonner à Parini, il suffit de se rappeler qu’il achevait son poème neuf ans avant la mort de Voltaire. […] Quoique Letourneur eût traduit les œuvres de Shakespeare deux ans avant la mort de Voltaire, le public français ne connaissait guère Ariel et Titania, lorsque M.  […] Les grandes figures de Montesquieu, de Voltaire, de Jean-Jacques Rousseau, de Turgot, sont à peine esquissées ; on dirait que l’auteur craint de n’avoir pas assez d’espace pour Latude et pour madame Legros. […] Et cette nouvelle trinité, qui doit détrôner la trinité chrétienne, Rabelais, Molière, Voltaire ? […] Michelet le frère ou le fils de Rabelais, de Molière ou de Voltaire.

787. (1894) La bataille littéraire. Sixième série (1891-1892) pp. 1-368

Par le temps de guerre qui court contre la prose et la poésie française écrite par les plus grands maîtres, depuis Rabelais, Racine, Voltaire, Diderot, Victor Hugo et Musset, il est intéressant de consulter les maîtres modernes sur la valeur de ce qu’on est convenu d’appeler, dans une petite église : les idées nouvelles. […] De ce livre, léger comme une plume d’oiseau, émane un véritable charme ; la lecture en est douce et facile et j’ajouterai, pour ceux qu’ont pu effaroucher parfois les fantaisies osées du chantre de toutes les grâces, que Luscignole peut être lue aussi par un enfant, et qu’on peut lui appliquer en épigraphe ces mots que Voltaire a mis sous le titre de Mérope : « Austeri legite ; crimen amoris abest !  […] Quel beau plaidoyer en quelques lignes où passe l’esprit de Voltaire et de Diderot, et quel bel éloge de Lamartine et d’Alphonse Karr à la fois ! […] Depuis quelque temps, on appelle le bourgeois : Prud’homme, du nom que Monnier croit avoir inventé, mais Montaigne, Molière, Voltaire et Beaumarchais peuvent être traités aussi de Prud’hommes, car l’esprit n’est au fond que du bon sens, si on y regarde. […] Rigal sur le théâtre d’Alexandre Hardy, le roman français au dix-septième siècle, Pascal, les jansénistes et les cartésiens, Montesquieu, Voltaire, Rousseau, Mme de Staël, toutes fort intéressantes, mais auxquelles je préfère, je ne sais pourquoi, sa belle étude sur la philosophie de Molière ; il est de fait que Molière aura toujours en France le don d’éveiller la sympathie ou tout au moins la curiosité et que, quoi qu’on ait dit sur lui, il restera toujours à dire.

788. (1878) Nos gens de lettres : leur caractère et leurs œuvres pp. -316

— Voltaire à la Revue des deux mondes […] N’est-il pas vrai que, si Voltaire présentait aujourd’hui l’Ingénu ou Candide à la Revue des deux mondes, M.  […] dites-moi leur pays, leur famille, leur date… Je comprends ce vague, cette impersonnalité des héros de Voltaire en me reportant à son époque où régnait sans partage l’Idée, cette reine dont Voltaire fut soixante ans le premier ministre ! […] Il est vrai que les deux autres, les deux premiers, remplis par la narration de la mort d’Hercule et la déconvenue amoureuse de Philoctète, et qui appartiennent en propre à Voltaire, sont d’une insignifiance rare et d’un insupportable ennui. […] J’errais sous les galeries, m’interrogeant et ne répondant pas, lorsque je vis un groupe de critiques entrer au café Voltaire. « Eh !

789. (1912) Chateaubriand pp. 1-344

Il est né en 1768, dix ans avant la mort de Voltaire et de Rousseau. […] À vrai dire, c’est entièrement, c’est absolument l’esprit de Voltaire. […] Au dix-huitième siècle, autour de Voltaire, il y a Fontenelle, Montesquieu, Buffon, Diderot, Rousseau. […] Je ne suis ni le prince Eugène, ni Voltaire, ni Mirabeau, et, quand je possèderais leur puissance, j’aurais horreur de les imiter dans leur ressentiment. […] Certes, ni Montesquieu, ni Buffon, ni Diderot, ni surtout Voltaire n’étaient modestes, mais ils étaient contenus par la politesse du temps.

790. (1870) Portraits contemporains. Tome IV (4e éd.) « LEOPARDI. » pp. 363-422

Quant au fond, il ne relève que de lui-même et se classe, par la profonde et amère ironie, à côté de Lucien, de Swift et de Voltaire. Nous nous sommes souvenu, en plus d’un endroit, des Contes philosophiques et de Candide ; mais Leopardi ne s’en souvenait pas ; il est plus sérieux que Voltaire, alors même qu’il plaisante, et puis il va jusqu’au bout. On peut dire que le déisme de Voltaire est une inconséquence et souvent une dérision de plus.

791. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « Le Chevalier de Méré ou De l’honnête homme au dix-septième siècle. »

Lorsque Voltaire disait en plaisantant : Nos voleurs sont de très-honnêtes gens, Gens du beau monde…24, il détournait déjà un peu le sens et le parodiait, en lui ôtant l’acception solide qui, au xviie  siècle, n’était pas séparable de l’acception légère. […] On entrevoit dans ses Lettres tout un groupe plus naturel que lui, plus hardi et plus libre, toute une délicieuse bande qui précède en date et qui présage le groupe des Du Deffand, des Hénault et des Desalleurs, de ces contemporains de la jeunesse de Voltaire. […] Madame de Sablé usait volontiers de la première de ces expressions, dire des choses, donnant à entendre que la manière relève tout et fait tout passer ; c’était sentir d’avance comme Voltaire : La grâce, en s’exprimant, vaut mieux que ce qu’on dit.

792. (1866) Petite comédie de la critique littéraire, ou Molière selon trois écoles philosophiques « Première partie. — L’école dogmatique — Chapitre III. — Du drame comique. Méditation d’un philosophe hégélien ou Voyage pittoresque à travers l’Esthétique de Hegel » pp. 111-177

Les Français aussi sont pathétiques sous ce rapport, et leur éloquence des passions n’est pas toujours un simple fatras de paroles, comme nous le croyons souvent, nous Allemands, avec notre habitude de concentration profonde, qui nous fait presque regarder comme une injure faite à nos sentiments de les exprimer par des formes variées… L’homme dans lequel se manifeste le sentiment pathétique doit en être rempli et pénétré, mais en même temps être capable de le développer et de l’exprimer convenablement… On a apposé Voltaire à Shakespeare. […] Voltaire dit : Je pleure, et Shakespeare pleure ; mais le rôle de l’art est précisément de dire et de paraître, et non pas d’être en réalité. Si Shakespeare se contentait de pleurer, pendant que Voltaire paraît pleurer, Shakespeare serait un mauvais poète .

793. (1864) Cours familier de littérature. XVIII « CIVe entretien. Aristote. Traduction complète par M. Barthélemy Saint-Hilaire (2e partie) » pp. 97-191

III Les quatre volumes de la Logique parcourue, on s’écrie avec Voltaire : « Quel homme qu’Aristote, qui trace les règles de la Tragédie de la même main dont il a donné celles de la Dialectique, de la Morale, de la Politique, et dont il a levé, autant qu’il a pu, le grand voile de la nature ! […] Voltaire a pleine raison quand il établit que c’est l’esprit philosophique qui conduit tous les arts, guidés par lui secrètement et à leur insu. […] Voltaire ne se trompait point, en croyant avec Corneille qu’il commentait, et même avec Lessing, son adversaire, que s’écarter des règles d’Aristote, c’était courir grand risque de s’égarer.

794. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre premier. La structure de la société. — Chapitre IV. Services généraux que doivent les privilégiés. »

L’autre, n’ayant que des devoirs à remplir sans espoir et presque sans revenu…, ne peut se recruter que dans les derniers rangs de la société civile, et les parasites qui dépouillent les travailleurs affectent de les subjuguer et de les avilir de plus en plus »  « Je plains, disait Voltaire, le sort d’un curé de campagne obligé de disputer une gerbe de blé à son malheureux paroissien, de plaider contre lui, d’exiger la dîme des pois et des lentilles, de consumer sa misérable vie en querelles continuelles… Je plains encore davantage le curé à portion congrue à qui des moines, nommés gros décimateurs, osent donner un salaire de quarante ducats pour aller faire, pendant toute l’année, à deux ou trois milles de sa maison, le jour, la nuit, au soleil, à la pluie, dans les neiges, au milieu des glaces, les fonctions les plus pénibles et les plus désagréables. » — Depuis trente ans, on a tâché d’assurer et de relever un peu leur salaire ; en cas d’insuffisance, le bénéficier, collateur ou décimateur de la paroisse, doit y ajouter jusqu’à ce que le curé ait 500 livres (1768), puis 700 livres (1785), le vicaire 200 livres (1768), puis 250 (1778), et à la fin 350 (1785). […] Éphémérides du citoyen, II, 200, 203. — Voltaire, Dictionnaire philosophique, article Curé de campagne . — L’abbé Guettée, Histoire de l’Église de France, XII, 130.

795. (1860) Cours familier de littérature. X « LVIIIe entretien » pp. 223-287

si je n’avais que soixante et quinze ans, écrivait Voltaire à quatre-vingts ans passés, je leur ferais voir ce que c’est qu’un poète ! » Je me dis, comme Voltaire, quand je contemple la fécondité d’un pareil sujet : « Ah !

796. (1889) Histoire de la littérature française. Tome IV (16e éd.) « Conclusion »

On donnerait trop d’avantages aux poètes de notre temps en les comparant à ceux du dix-huitième siècle, André Chénier et Voltaire exceptés. […] En un temps où l’on a si fort exalté les écrits de premier jet, et dénoncé le travail comme l’ennemi de l’inspiration, il s’est imposé, sur la foi d’Horace, « le travail et la lenteur de la lime », sur la foi de Boileau, le Polissez-le sans cesse et le repolissez ; il a cru avec Voltaire que « qui ne sait pas se corriger ne sait pas écrire », et il a retravaillé ses poésies avant de les donner à lire dans une dernière édition.

797. (1899) Esthétique de la langue française « Esthétique de la langue française — La déformation  »

L’opinion de Voltaire ou même celle de Littré, ou même celle de M.  […] Incarnat, que les dictionnaires définissent : entre rose et rouge, ne contenait pour Voltaire que l’idée de carnation : « Votre peau, dit Cunégonde à Candide, est encore plus blanche et d’un incarnat plus parfait que celle de mon capitaine. » Carbonate.

798. (1824) Ébauches d’une poétique dramatique « Division dramatique. » pp. 64-109

Voyez encore la manière dont Voltaire, dans Sémiramis, a lié à son sujet l’amour d’Arsace et d’Azéma ; et dans Mahomet, celui de Palmire et de Séide. […] Voltaire est le seul qui ait donné quelques exemples de ces traits de répartie et de réplique en deux ou trois mots, qui ressemblent à des coups d’escrime poussés et parés en même temps.

799. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Alfred de Musset » pp. 364-375

Il y eut dans cette vie rapide un favorable moment où, pendant l’intervalle et au lendemain des crises, la fatigue déjà venue laissait pourtant à la parole d’Alfred de Musset toute sa fraîcheur, en même temps qu’il s’y mêlait une finesse nouvelle de pensée, une ironie, une légèreté moqueuse, la plus aisée et la plus française peut-être depuis Hamilton et Voltaire.

800. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « Appendice — II. Sur la traduction de Lucrèce, par M. de Pongerville »

Il est vrai que Diderot, Dumarsais, Boulanger, d’Holbach, et tout le monde, l’étudiaient volontiers et en tiraient bon parti pour leurs arguments et leurs systèmes ; il est vrai que Voltaire écrivait les Lettres de Memmius et, dans une sorte d’enthousiasme pour le poète philosophe, s’écriait : “Il y a dans Lucrèce un admirable troisième chant que je traduirai, ou je ne pourrai.”

801. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « VICTORIN FABRE (Œuvres publiées par M. J. Sabbatier. Tome Ier, 1845. » pp. 154-168

Certainement si la France, en perdant au printemps de 1831 le très-estimable écrivain Victorin Fabre, avait perdu le tome cinquième en personne de Montesquieu, de Voltaire, de Jean-Jacques et de Buffon, on n’en parlerait pas autrement que M.

802. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « Réception de M. Vitet à l’Académie française. »

On sait les vers de Voltaire. — Voir encore sur lui le jugement de d’Alembert et ses propres lettres dans le volume intitulé Correspondance inédite de madame Du Deffand (2 vol., 1809) ; l’opinion de d’Alembert sur le président s’y peut lire au tome I, pages 232 et 251.

803. (1874) Premiers lundis. Tome I « Walter Scott : Vie de Napoléon Bonaparte — I »

Quand Voltaire, pour attaquer le christianisme, tronquait et supprimait des textes, il obéissait à la haine ; et, quoiqu’il soit fort peu philosophique de haïr, c’est là du moins une passion qui, à la prendre en un certain sens, peut s’appeler désintéressée.

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