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334. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Seconde partie. Poétique du Christianisme. — Livre troisième. Suite de la Poésie dans ses rapports avec les hommes. Passions. — Chapitre IX. Du vague des passions. »

Le monde n’est point l’objet de ses vœux, car il sait que l’homme vit peu de jours, et que cet objet lui échapperait vite.

335. (1860) Cours familier de littérature. X « LVe entretien. L’Arioste (1re partie) » pp. 5-80

La poésie était née avec lui : il ne tarda pas à laisser échapper sous toutes les formes les chefs-d’œuvre légers de son imagination ; des odes, des sonnets, des bergeries, des pièces de théâtre composées à la requête d’Hercule d’Este ou de son frère le cardinal Hippolyte d’Este, répandirent son nom jusqu’à Florence et à Venise. […] On ne décrit pas l’ivresse, on ne peint pas la verve ; la beauté est la verve de la nature ; la sienne semblait enivrer l’air qui l’enveloppait et qui devenait lumineux et tiède en la touchant ; elle marchait, comme les héroïnes surnaturelles de l’Arioste, dans un limbe d’attraits et de fascination auquel on n’essayait même pas d’échapper. […] Le reste du temps appartenait à la solitude ; par moment le bruit d’une fenêtre qui s’entrouvrait en battant mélancoliquement contre la muraille, et le bras blanc de la comtesse Léna ou de sa fille qui écartait doucement le rideau pour laisser rentrer le demi-jour dans leur chambre, appelaient l’attention : un petit bâillement sonore qui s’échappait à haute voix de leurs lèvres au réveil, un doux et tendre oïmè ! […] Continuons. » Le professeur nous lut alors, sans l’interrompre, tout le premier chant ; on y voit avec plus de charme que de clarté comment Charlemagne, à la tête de l’armée d’Occident, attendait au pied des Pyrénées l’armée des Sarrasins commandée par Agramant ; comment le paladin Roland, neveu de Charlemagne et revenant des Indes avec Angélique, reine du Cathay, dont il était amoureux jusqu’au délire, arriva au camp de Charlemagne pour lui prêter son invincible épée ; comment Charlemagne, craignant que la passion de Roland pour Angélique ne lui fît oublier ses devoirs de chevalier et de chrétien, lui enleva Angélique, dont Renaud de Montauban, son autre neveu, était également épris ; comment Angélique fut confiée par Charlemagne au vieux duc de Bavière, afin de la donner comme prix de la valeur à celui de ses deux neveux qui aurait combattu avec le plus d’héroïsme ; comment les chrétiens sont défaits par les Sarrasins ; comment Angélique s’évade pendant la bataille à travers la forêt ; comment elle y aperçoit Renaud courant à pied après son cheval Bayard, qui s’était échappé ; comment Angélique, qui a Renaud en aversion alors, s’éloigne de lui à toute bride ; comment, arrivée au bord d’une rivière, elle est aperçue par le chevalier sarrasin Ferragus qui a laissé tomber son casque au fond de l’eau en buvant au courant du fleuve ; comment Ferragus, enflammé à l’instant par la merveilleuse beauté d’Angélique, tire l’épée pour la défendre contre Renaud ; comment Angélique profite de leur combat pour échapper à l’un et à l’autre ; comment Renaud et Ferragus, s’apercevant trop tard de sa fuite, montent sur le même cheval pour la poursuivre, l’un en selle, l’autre en croupe ; comment ils se séparent à un carrefour de la forêt pour chercher chacun de leur côté la trace d’Angélique ; comment Renaud retrouve son bon cheval ; comment Angélique, après une course effrénée de trois jours, descend de cheval dans une clairière obscure de la forêt.

336. (1864) Cours familier de littérature. XVII « XCVIIe entretien. Alfieri. Sa vie et ses œuvres (2e partie) » pp. 1-80

Ces gens ayant vu nos voitures, nous en avions deux, et nos impériales chargées de malles, avec une suite de deux femmes et deux ou trois hommes pour nous servir, s’écrièrent que tous les riches voulaient s’échapper de Paris avec toutes leurs richesses, et les laisser, eux, dans la misère et l’abandon. […] Échappés de cet enfer, nous arrivâmes à Calais en deux jours et demi, pendant lesquels nous montrâmes nos passeports plus de quarante fois. […] Nous sûmes depuis, de la même manière, la catastrophe et les horreurs qui ensanglantèrent Paris le 2 septembre, et nous remerciâmes, nous bénîmes la Providence, qui nous avait permis d’y échapper. […] Cette situation déplorable dura depuis le 25 mai, que les Français entrèrent, jusqu’au 5 de juillet, où, battus et perdant la Lombardie entière, ils s’échappèrent, pour ainsi dire, de Florence, un matin, à la pointe du jour, après avoir pris, cela va sans dire, tout ce qu’ils pouvaient emporter. […] Il tint parole ; et voilà comment j’échappai à un ennui pour moi plus pénible et plus triste que tout autre supplice que l’on eût voulu me faire subir.

337. (1864) Cours familier de littérature. XVIII « CVe entretien. Aristote. Traduction complète par M. Barthélemy Saint-Hilaire (3e partie) » pp. 193-271

L’homme se sent le sujet d’une puissance qui est au-dessus de lui, bienfaisante et douce s’il l’écoute, implacable s’il lui résiste, et, quand la justice l’exige, anticipant le châtiment du dehors par ses tortures invisibles, dont le coupable a le douloureux secret, même quand il échappe à la vindicte sociale. […] Les intentions, les pensées, mobiles invisibles de tous les actes, leur échappent absolument ; et ce sont cependant les pensées et les intentions, en un mot, tout ce qui se dérobe nécessairement aux justices humaines, qu’il s’agit de juger. […] ” Socrate lui répond : “Tout comme il vous plaira, si toutefois vous pouvez me saisir et que je ne vous échappe pas.” […] Elle se tourna à l’instant contre Aristote ; il sentit qu’il fallait fuir aux frontières de la Grèce pour y échapper. […] Ainsi finit ce grand homme ; combien ne serait-il pas mort plus dignement s’il était mort comme Socrate, non pour échapper à ses ennemis, mais pour Dieu !

338. (1854) Histoire de la littérature française. Tome I « Livre I — Chapitre troisième »

Cet écrivain si grave et si solide n’a pas échappé cette fois à la tentation, si ordinaire de notre temps, de substituer son jugement personnel à l’opinion commune. […] On trouva plus beau que le premier nom sur la liste de nos poëtes durables fût celui d’un prince du sang et non celui d’un enfant du peuple, et, il faut bien le dire, d’un échappé du gibet. […] Il y échappa pourtant. […] La même idée était venue à Charles d’Orléans ; il la laissa échapper : Au vieil temps, grand renom couroit De Chryseis, d’Iseult et d’Helene, Et maintes autres qu’on nommoit Par faictes en beauté haultaine ; Mais au derrain (enfin) en son domaine La mort les prit piteusement. […] De même, quelle élégance précoce de langage peut valoir l’accent et la nouveauté de ces couplets du Grand Testament, où Villon parle de la fuite rapide de sa jeunesse, de ses fautes, de la mort qui égale tout le monde : Je plaings le temps de ma jeunesse, Auquel j’ay plus qu’autre galle (fait-le, libertin) Jusque à l’entrée de vieillesse Car son partement (départ) m’a celé (échappé).

339. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome premier — Livre deuxième. L’émotion, dans son rapport à l’appétit et au mouvement — Chapitre premier. Causes physiologiques et psychologiques du plaisir et de la douleur »

Il résulte de là que l’étude du plaisir et de la douleur est analogue, comme complication et comme difficulté, à la science sociale, où les actions et réactions mutuelles semblent, par leur variété et leur multiplicité, échapper aux prises du calcul. […] Wundt, qui d’ailleurs a trop négligé le point de vue de la sélection naturelle, s’efforce d’échapper à la difficulté en disant que, dans ce cas, « le point d’indifférence » est situé tellement bas pour la sensation qu’il ne se distingue plus du point même où elle atteint « le seuil de la conscience » ; si bien que, quand l’excitation commence dans la conscience, elle est déjà désagréable34. — Cette façon de rejeter dans les bas-fonds de l’inconscient la partie du phénomène auquel on ne peut appliquer sa théorie est un moyen expéditif. […] Il en résulte que ce qui contrarie la volonté, et par cela même l’étonne, ne saurait jamais échapper à la conscience : tel est le privilège de la douleur, cette violence faite au vouloir ; c’est ce qui lui assure la supériorité dans la balance des biens et des maux. Au contraire, « la satisfaction de la volonté échappe par elle-même à la conscience », parce qu’elle ne produit aucun étonnement ; la volonté ne ressent que les satisfactions qui provoquent, par le contraste même, le souvenir d’expériences tout opposées, la comparaison, le souvenir, le raisonnement. […] Mais la faim ici renaît de ce que le bien-être antérieur, qui existait indépendamment d’elle, se sent menacé, amoindri, épuisé, et s’échappe ainsi à lui-même.

340. (1888) La vie littéraire. Première série pp. 1-363

Il leur échappait parfois des propos salés. […] Sous l’Empire, il jugeait Napoléon III avec la sévérité d’un voisin à qui rien n’échappe. […] Et comment leur échapper, puisqu’elles habitent en nous et nous possèdent ? […] C’est le moins qu’il m’en échappe une. […] La grâce des choses lui échappe, la beauté, la majesté, la simplicité le fuient à l’envi.

341. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « Alexis Piron »

Sa fameuse Ode à Priape était déjà faite en ce temps là, et elle date de quelques années auparavant ; il avait vingt ans, dit-il, quand elle lui échappa, ce qui la reporterait à 1710 environ. […] Il y débuta en 1722 par Arlequin-Deucalion, monologue en trois actes : Arlequin, qui est censé échappé au déluge, après avoir fait toutes les turlupinades imaginables, repeuple le monde à coups de pierre. […] Fois-set, parlant des poètes du cru, a dit : « Sans doute le sel dijonnais est loin du sel attique, et la vulgarité provinciale perce plus d’une fois sous l’âcreté bourguignonne. » Piron, même là où il est bon, n’échappe pas à ce que cette appréciation a de sévère. […] Celles même qu’il écrit à l’abbé Legendre, frère de Mme Doublet, et le plus gai des hommes, sont d’un goût rabelaisien renforcé qui ne nous revient pas et dont la meilleure partie nous échappe, à nous profanes, qui ne sommes pas du prieuré. […] L’allusion échappe : ce Médalon était un de leurs amis.

342. (1858) Cours familier de littérature. V « XXVIe entretien. Épopée. Homère. — L’Iliade » pp. 65-160

« La multitude est ondoyante comme les flots de la mer Icarienne, que soulèvent en sens contraire les vents d’Eurus et de Notus, échappés du sein des nuages ; tel que, dans sa course, le Zéphire courbe une vaste moisson, fougueux il s’élance et fait ondoyer les épis ; de même se soulève et s’abaisse l’immense réunion ! […] Quand au contraire le sage Ulysse se levait pour parler, immobile, les yeux baissés, les regards attachés à la terre, il tenait son sceptre sans mouvement dans sa main sans le balancer à droite et à gauche, comme un adolescent novice dans son art ; vous auriez cru voir un homme foudroyé de colère ou bien un faible idiot ; mais, aussitôt que sa voix harmonieuse s’échappait de son sein, ses paroles se précipitaient semblables à d’innombrable flocons de neige dans la saison d’hiver !  […] Aucun guerrier ne peut me précipiter dans la tombe avant l’heure marquée, et, du moment où il respire, nul mortel, qu’il soit brave ou timide, ne peut échapper à la destinée ! […] Dolon, poursuivi par eux, les aperçoit et veut leur échapper. […] Lors même qu’il échapperait à cette désastreuse guerre, toujours les peines et les chagrins s’attacheront à ses pas et les étrangers usurperont son héritage.

343. (1864) Cours familier de littérature. XVII « CIe entretien. Lettre à M. Sainte-Beuve (1re partie) » pp. 313-408

Là commença de propos délibéré, et se poursuivit sans relâche, son lent et profond suicide ; rien que des défaillances et des frénésies, d’où s’échappaient de temps à autre des cris ou des soupirs ; plus d’études suivies et sérieuses ; parfois, seulement, de ces lectures vives et courtes qui fondent l’âme ou la brûlent ; tous les romans de la famille de Werther et de Delphine ; le Peintre de Saltzbourg, Adolphe, René, Édouard, Adèle, Thérèse, Aubert et Valérie ; Sénancour, Lamartine et Ballanche ; Ossian, Cowper, etc. […] tous les jours je te vois, Au matin, t’échapper par la porte du bois, Et, déjà renonçant aux jeux du premier âge, Chercher dans les taillis un solitaire ombrage ; Et le soir, quand, bien tard, nous te croyons perdu, Répondant à regret au signal entendu, Tu reviens lentement par la plus longue allée, La face de cheveux et de larmes voilée. […] À ces esprits de choix, au milieu de leur vie commode, de leur loisir occupé, de leur développement tout intellectuel, la religion philosophique suffit ; ce qui leur importe particulièrement, c’est de se rendre raison des choses ; quand ils ont expliqué, ils sont satisfaits : aussi le côté inexplicable leur échappe-t-il souvent, et ils le traiteraient volontiers de chimère, s’ils ne trouvaient moyen de l’assujettir, en le simplifiant, à leur mode d’interprétation universelle. […] Plutôt que de vivre sous un tel soleil, mieux vaut encore demeurer sur terre, croire aux ondoyantes lueurs du soir et du matin, et prêter sa docile prunelle à toutes les illusions du jour, dût-on laisser la paupière en face de l’astre éblouissant ; — à moins que l’âme, un soir, ne trouve quelque part des ailes d’ange, et qu’elle ne s’échappe dans les plaines lumineuses, par-delà notre atmosphère, à une hauteur où les savants ne vont pas. « Oui, eût-on la géométrie de Pascal et le génie de René, si la mystérieuse semence de la rêverie a été jetée en nous et a germé sous nos larmes dès l’enfance ; si nous nous sentons de bonne heure malades de la maladie de saint Augustin et de Fénelon ; si, comme le disciple dont parle Klopstock, ce Lebbée dont la plainte est si douce, nous avons besoin qu’un gardien céleste abrite notre sommeil avec de tendres branches d’olivier ; si enfin, comme le triste Abbadona, nous portons en nous le poids de quelque chose d’irréparable, il n’y a qu’une voie ouverte pour échapper à l’ennui dévorant, aux lâches défaillances ou au mysticisme insensé ; et cette voie, Dieu merci, n’est pas nouvelle !

344. (1899) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Septième série « Discours prononcé à la société des visiteurs des pauvres. » pp. 230-304

L’article premier de vos nouveaux statuts, fruit d’une expérience généreuse, définit ainsi votre objet : « La Société des Visiteurs a pour but de venir en aide à des familles qui, se trouvant dans l’impossibilité momentanée de subvenir à leurs besoins, sont reconnues susceptibles d’échapper, grâce à un appui temporaire, à la misère définitive ». […] Au lieu de cela, elle lui dit (avec des façons, je le sais, et comme si cela lui échappait) : « Le duc demande ma main. […] Mais, naturellement aussi, — et à moins d’un parti pris amer, comme celui de Lesage dans Turcaret, — l’auteur est amené à nous montrer, à côté des esclaves de l’argent, ceux qui échappent à son pouvoir, et par suite, à introduire dans sa comédie satirique une certaine dose d’optimisme et, volontiers, de romanesque. […] Sous prétexte de tendresse innocente et de jalousie de petite fille, la jeune effrontée se frotte, en pleurant, contre le bonhomme ; elle laisse échapper ce cri : « Je ne veux pas que vous épousiez Lia, parce que j’en mourrais !  […] Lia souffre tout de bon : « Ce que je ne lui pardonne pas, c’est cet effort que j’ai naïvement fait pour l’aimer ; je souffre cruellement, moi qui lui échappais par mon indifférence, de m’être mise, par bonté d’âme, dans le cas de pouvoir être rejetée et méprisée par lui.

345. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « LIV » pp. 209-212

Saisset a beau dire des injures (car il en a dit) aux sceptiques, aux matérialistes ; il a beau dire que ces systèmes n’ont de prise aujourd’hui que sur les âmes basses et les esprits obtus (page 472), il échappe très-difficilement lui-même et les siens à ce scepticisme qui ne diffère pas notablement du matérialisme quant au résultat moral ; de plus il viole les droits de la philosophie qu’il prétend défendre en s’exprimant de la sorte sur des doctrines peu hautes et peu consolantes à coup sûr, mais envers qui les philosophes proprement dits n’ont pas à se montrer si injurieux.

346. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — H — article » pp. 497-500

Tel en est le début : Echappé des périls d’une ardente jeunesse, Et parvenu dans l’âge où regne la sagesse, Je m’étois résolu d’écouter la Raison, Et d’être sage au moins dans l’arriere saison.

347. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — S. — article » pp. 236-239

S’il lui échappa quelquefois de légeres saillies que la gravité n’approuveroit pas, la candeur de son ame & la naïveté de son esprit lui méritoient quelque indulgence à cet égard.

348. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Troisième partie. Beaux-arts et littérature. — Livre V. Harmonies de la religion chrétienne avec les scènes de la nature et les passions du cœur humain. — Chapitre V. Ruines des monuments chrétiens. »

Le vent circule dans les ruines, et leurs innombrables jours deviennent autant de tuyaux d’où s’échappent des plaintes ; l’orgue avait jadis moins de soupirs sous ces voûtes religieuses.

349. (1881) La parole intérieure. Essai de psychologie descriptive « Chapitre VI. La parole intérieure et la pensée. — Second problème leurs différences aux points de vue de l’essence et de l’intensité »

Tout signe étant une image d’un ordre déterminé, représentera mal les images qui lui sont irréductibles ; c’est là un défaut auquel le signe analogique n’échappe pas plus que le signe arbitraire, et, sous ce rapport, une idée particulière est aussi difficile à bien exprimer qu’une idée générale. […] Nous étions donc en droit de dire que les traits spécifiques des idées, qui n’échappent pas à la conscience, échappent au souvenir, et même à la remémoration réfléchie et analytique ; en effet, fussent-ils renforcés et bien distincts lorsqu’ils reparaissent dans le cours de la remémoration, ils ne sont pas des souvenirs, du moment que l’esprit qui se répète ignore qu’il se répète ; le second fait est l’image du premier, image complète et, de plus, ravivée ; mais l’esprit ne retrouve même pas dans le second tout le premier, et ainsi le souvenir embrasse moins que ne faisait la conscience. […] Le conscient n’est vraiment connu que s’il est réfléchi, remémoré, de telle sorte que, souvent, le psychologue ne reconnaît comme conscient que ce qui n’échappe pas au souvenir ; mais certains états ou certains éléments de nos états, après avoir été faiblement donnés à la conscience, disparaissent ensuite pour toujours, ou ne reparaissent pas avec les caractères du souvenir ; il en résulte que, pour le psychologue, ils ne diffèrent pas de l’inconscient ; comme ils échappent à l’observation psychologique, ils ne peuvent être introduits dans la science de l’âme que par la voie détournée du raisonnement et de l’hypothèse298. […] I, § 3] : « Un acte nous peut échapper quand il est si délicat qu’il ne fait point d’impression, ou en fait si peu qu’on l’oublie, car il est alors comme si on ne l’avait jamais produit. […] La disposition opposée, je veux dire une véhémente occupation de l’esprit d’un côté, fait échapper ce qui s’insinue par l’autre. » Leibnitz parle aussi de « perceptions qui ne sont pas assez distinguées pour qu’on s’en puisse souvenir » (Principes de la nature et de la grâce, n° 4).

350. (1865) La crise philosophique. MM. Taine, Renan, Littré, Vacherot

Sa dialectique ne laisse échapper aucune faute de ses adversaires, elle découvre les feintes et profite du moindre faux pas. […] Ainsi nous avons bien tous un vague sentiment qu’il s’élève aujourd’hui une philosophie nouvelle, assez semblable à celle du xviiie  siècle ; mais la nuance précise et fine qui caractérise cette philosophie et les nuances qui en distinguent les différentes branches échappent à beaucoup d’esprits peu familiers avec ces questions. […] Partout où les causes nous échappent, elle arrive pour introduire autant d’entités diverses qu’il y a d’inconnues. […] Ce ne sera pas seulement la métaphysique que l’on condamnera au nom d’une définition étroite, ce sera toute science morale en général, car ces sortes de sciences échapperont toujours aux procédés rigoureux des sciences exactes. […] Il est enfin une partie de l’histoire qui échappera toujours aux procédés de la méthode positive : c’est la pensée, c’est l’âme, c’est la morale.

351. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « XXVII » pp. 109-112

Ici toute une famille échappe à la chance la plus contraire. — On n’ose se figurer les conséquences.

352. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — F — Franc-Nohain (1873-1934) »

Ernest La Jeunesse De Franc-Nohain, quelque chose échappera toujours un peu, sa poésie, son ironie, son rythme ou sa fantaisie.

353. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Seconde partie. Poétique du Christianisme. — Livre quatrième. Du Merveilleux, ou de la Poésie dans ses rapports avec les êtres surnaturels. — Chapitre X. Machines poétiques. — Vénus dans les bois de Carthage, Raphaël au berceau d’Éden. »

Dirons-nous qu’elle est sans charmes, lorsque, penchée sur le front de Renaud endormi, le poignard échappe à sa main, et que sa haine se change en amour ?

354. (1905) Les ennemis de l’art d’écrire. Réponse aux objections de MM. F. Brunetière, Emile Faguet, Adolphe Brisson, Rémy de Gourmont, Ernest Charles, G. Lanson, G. Pélissier, Octave Uzanne, Léon Blum, A. Mazel, C. Vergniol, etc… « Appendice »

Or ils enlevèrent de la tête de lui Et son casque de peau de belette Et sa peau de loup Et son arc élastique Et sa lance longue… Traduction Leconte de Lisle Dolon, ne pense pas m’échapper, puisque tu es tombé entre nos mains, bien que tes paroles soient bonnes.

355. (1887) George Sand

Je ne sais quel fantôme, échappé du club des femmes, a pris votre place. […] George Sand n’a pu échapper à ce péril d’un abandon trop peu surveillé au courant qui l’entraîne. […] Le développement exagéré de la vie positive a créé du même coup l’irrésistible besoin d’y échapper. […] Les intelligences les plus hautes elles-mêmes n’y échappent pas ; c’est une sorte d’habitude qui s’est créée pour l’esprit. […] Je n’y échappai, ce jour-là, que grâce à l’absence des principaux personnages de l’illustre théâtre.

356. (1896) Les Jeunes, études et portraits

Toujours est-il que la passion échappe à ces professionnels de l’amour. […] À travers tant de raffinements et de bizarreries, la sensation cherchée lui échappe. […] » Tel est le dernier résultat de cet effort tenté imprudemment pour échapper à la nécessité. […] Il a besoin de s’échapper hors du cadre de nos mesquineries quotidiennes. […] Mais elles nous échappent.

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