Il a manqué à la réputation de M. de Meilhan quelques années de plus de durée pour être fixée et enregistrée dans l’opinion, et pour que l’auteur fût classé à son tour dans la série des moralistes, à la suite des hommes célèbres dont il a si bien déterminé le caractère et distingué les mérites aux premières pages de ses Considérations sur l’esprit et les mœurs (1787). […] Son ouvrage vraiment remarquable et qui reste des plus distingués dans le genre, ce sont ses Considérations sur l’esprit et les mœurs, qui parurent aussi en 1787 ; l’auteur était en verve dans cette année, et son ambition semblait se jouer à tout, au risque de se nuire à elle-même. […] Le reproche qu’on peut faire à M. de Meilhan, c’est de n’observer l’homme que dans ce cercle-là et de ne pas voir qu’il s’élevait déjà des classes nouvelles, dépositaires de meilleures mœurs et de qualités plus naturelles. […] Quand un plan judicieux, éclairé, approprié à nos mœurs, sera substitué aux formes actuelles, les sciences seules pourront servir d’aliment à l’esprit ; mais l’inertie générale ne permettra pas une grande application. […] La lace de la société, en se renouvelant, amènera des vertus, des ambitions, des forfaits de tout genre ; l’héroïsme brillera dans les camps ; on entendra, comme dans l’Antiquité, de grandes voix d’orateurs ; quand le premier débordement de la fange sera passé, des mœurs nouvelles surnageront et s’établiront peu à peu, avec des classes actives, non encore atteintes par l’oisiveté.
Il faut bien un terrain artificiel dans lequel on se cloisonne contre des contacts violents et réciproques, et ce terrain, c’est le théâtre, le théâtre où les hommes s’assemblent pour ne pas être ensemble, et dont l’influence devient si puissante sur nos mœurs qu’on peut dire, sans exagérer, que ce n’est plus la société qui va au théâtre, mais que c’est le théâtre qui pénètre dans la société. […] Tel est le trouble de nos mœurs et l’idolâtrie du théâtre. […] Pendant que nous parlions de l’idolâtrie au théâtre et que nous dénoncions l’histrionisme comme un des signes de la fin des temps pour les peuples, les mœurs publiques nous répondaient. […] à ces esprits-là tout est possible ; mais quand l’importance des vaudevilles ou des tragédies de salon paraîtrait à ces forts penseurs un droit à maintenir au génie, quand tel hôtel, à la porte blasonnée, serait devenu pour le théâtre français une succursale d’émulation honorable et utile, il resterait toujours la question qui prime toutes les autres, — la question des mœurs. […] Il faut y réfléchir pour y croire : ce qui scandaliserait l’Antiquité, si on la tirait du sépulcre, ne scandalise nullement le christianisme de nos mœurs.
L’Europe, par le plus heureux des contrastes, présentait au poète le peuple pasteur en Suisse, le peuple commerçant en Angleterre, et le peuple des arts en Italie : la France se trouvait à son tour à l’époque la plus favorable pour la poésie épique ; époque qu’il faut toujours choisir, comme Voltaire l’avait fait, à la fin d’un âge, et à la naissance d’un autre âge, entre les anciennes mœurs et les mœurs nouvelles. […] Quelques personnes doutent aussi que la vraisemblance des mœurs soit poussée assez loin dans la Henriade. […] L’élégance de ses mœurs, ses belles manières, son goût pour la société, et surtout son humanité, l’auraient vraisemblablement rendu un des plus grands ennemis du régime révolutionnaire. […] Voltaire n’a flotté parmi tant d’erreurs, tant d’inégalités de style et de jugement, que parce qu’il a manqué du grand contrepoids de la religion : il a prouvé que des mœurs graves et une pensée pieuse sont encore plus nécessaires dans le commerce des Muses qu’un beau génie.
La comédie, qu’on peut définir l’art de faire servir la malignité humaine à la correction des mœurs, est presque aussi ancienne que la tragédie ; et ses commencements ne sont pas moins grossiers. […] Telle fut la comédie dite ancienne, dont le trop fameux Aristophane, poète grec, vivant vers l’an du monde 3680, est regardé comme le fondateur, ne respectant ni les mœurs, ni les lois, ni les vertus, ni la société. […] Enfin, cette ressource étant encore interdite aux poètes comiques, Ménandre et ses contemporains cherchèrent à intéresser le spectateur par une intrigue attachante et par la peinture des mœurs générales : c’est ce qu’on appelle la comédie nouvelle, que Plaute et Térence offrirent aux Romains. […] La seconde espèce est la comédie de caractère : c’est celle qui est la plus utile aux mœurs et la plus difficile.
Baudouin Toujours petits tableaux, petites idées, compositions frivoles, propres au boudoir d’une petite-maîtresse, à la petite maison d’un petit-maître ; faites pour de petits abbés, de petits robins, de gros financiers ou autres personnages sans mœurs et d’un petit goût. […] Rien ne prouve mieux que l’exemple de Baudouin combien les mœurs sont essentielles au bon goût. […] Ce n’est pas moi, qui cependant n’ignore pas ce qu’on peut m’objecter, le peu d’influence que les productions des beaux-arts ont sur les mœurs générales, leur indépendance même de la volonté et de l’exemple d’un souverain, des ressorts momentanés, tels que l’ambition, le péril, l’esprit patriotique. […] Mais laissons là l’effet de ces productions sur les mœurs de la nation, restreignons-le aux mœurs particulières. […] Quant aux mœurs du tableau de Baudouin et de celui que j’imagine, c’est la différence des bonnes et des mauvaises.
C’est de ce sentiment d’aristocratie chez les nobles, de supériorité exclusive chez les habitants de la cité, que dérive l’éminent caractère des écrits des Romains, de leur langue, de leurs mœurs, de leurs habitudes, la dignité. […] Ils permettaient qu’on jouât devant eux de certaines mœurs théâtrales, sans aucun rapport avec leurs vertus domestiques, des pantomimes, ou des farces grossières, des esclaves grecques faisant le principal rôle dans des sujets grecs, mais rien qui pût avoir la moindre analogie avec les mœurs des Romains. […] Le goût, l’urbanité romaine avaient quelque chose de mâle qui n’empruntait rien de la délicatesse des femmes, et se maintenaient seulement par l’austérité des mœurs. […] Les Romains avaient cependant plus de vraie sensibilité que les Grecs ; les mœurs sévères conservent mieux les affections sensibles, que la vie licencieuse à laquelle les Grecs s’abandonnaient. […] Le parallèle de Cicéron et de Démosthène se trouve donc presque entièrement dans la comparaison qu’on peut faire de l’esprit et des mœurs des Grecs, avec l’esprit et les mœurs des Romains.
La comédie de caractère et de mœurs. — L’École des maris. — L’École des femmes. — § IV. […] Les mœurs romanesques de la comédie d’intrigue cèdent la place aux mœurs véritables de la nation et du temps, qui sont la couleur locale de la comédie. […] De toutes les conventions elle est la plus près de la réalité : ce sont nos mœurs, nos scènes de famille, nos travers ; c’est nous. […] Une seule chose pourrait nous y dépayser : ce sont les mœurs d’un temps qui n’est plus. […] Ces mœurs ont été celles de nos ancêtres ; leurs travers nous appartiennent.
Cependant il est nécessaire de revenir sur les dix dernières années du règne de Henri IV, ainsi que sur la régence de Marie de Médicis, et de faire connaître avec détail les mœurs de la cour de 1600 à 1620, pour montrer clairement comment s’échappa de cette cour dissolue la grande exception qui donne naissance à une société de mœurs pures et d’esprits délicats, dont la filiation et les traditions sont venues jusqu’à nous, et dont l’existence a été illustrée par le respect des étrangers. […] Il était d’ailleurs naturel à une jeune femme élevée dans une famille de mœurs pures et décentes, de partager le dégoût général pour les amours du roi, qui n’avaient plus l’excuse de la jeunesse. […] Plus les mœurs sont chastes et réservées, plus il faut de conversation pour se faire entendre d’un sexe à l’autre. […] Tout cela est nécessaire chez un peuple où les mœurs ont admis les femmes dans la société en parfaite parité avec les hommes. […] Qui verra là la moindre preuve, même le plus léger présage de pruderie dans les mœurs, et de mauvais goût dans le langage ?
Comment se pouvoit-il que les mêmes spectateurs applaudissent à des mœurs si opposées ? […] quelle imitation des mœurs ! […] Le comique noble peint les mœurs des grands, & celles-ci different des mœurs du peuple & de la bourgeoisie moins par le fond, que par la forme. […] Il faut donner, diton, quelque chose aux moeurs du tems. […] Telles sont les moeurs des bergers pris dans l’état d’innocence.
Les moqueries de mistress Trollope sur ces mœurs républicaines provoquèrent une discussion animée d’où bien des détails intérieurs s’éclaircirent. […] En quittant l’état social de nos aïeux, se demande-t-il, en jetant pêle-mêle derrière nous leurs institutions, leur idées et leurs mœurs, qu’avons-nous mis à la place ? […] « J’aperçois, dit-il, des hommes vertueux et paisibles que leurs mœurs pures, leurs habitudes tranquilles, leur aisance et leurs lumières placent naturellement à la tête des populations qui les environnent. […] Le second volume nous montre cette démocratie et la souveraineté populaire qui en est l’âme, dans son influence continue et dans son esprit en dehors des lois écrites ; ici trouvent leur place les mœurs, les instincts, les passions politiques et publiques des gouvernés, des gouvernants ; ce qui résulte en bien et en mal de cette omnipotence de la majorité, les vices et les dangers qu’elle entraîne, en même temps que ce qui la tempère. […] Il a voulu montrer, par l’exemple de l’Amérique, que les lois et surtout les mœurs peuvent permettre à un peuple démocratique de rester libre, mais il est très loin de croire que nous devions suivre de près ces exemples et nous asservir à ces moyens.
D’abord la grande société monarchique du temps de Louis XIV est finie, et par le fait fatal et triste de cette âpre curiosité qu’on a pour les choses qu’il est impossible de revoir, et aussi par le fait du contraste de nos mœurs avec ces mœurs évanouies, nous nous attacherons pendant longtemps encore à remuer cette poussière et à lui demander ce qu’elle fut du temps qu’elle vivait. […] Assurément, aux yeux de qui sait discerner et sait conclure, l’histoire de la maison de Saint-Cyr, du temps de Louis XIV et de madame de Maintenon, telle que Lavallée nous la raconte, est une vue, prise par un côté nouveau, sur l’esprit et les mœurs du grand siècle, saisis, comme au plus frais et au plus pur de leur source, dans l’âme des jeunes filles qui y étaient élevées et dans l’éducation qu’on leur donnait. […] Il nous montre la femme du xviie siècle, non la femme individuelle, la femme d’exception, qui déforme toujours beaucoup plus les mœurs qu’elle ne les fait, et dont les portraits ne nous manquent jamais ! — car on les trouve pêle-mêle dans les Mémoires du temps, léchés par la flamme de la Passion ou gravés sous les acides du Vice ; — mais, au contraire, la femme qui fait les mœurs et dont rien ne reste quand les mœurs d’un siècle ne sont plus : la femme générale, le type de toutes les autres femmes à une certaine hauteur de société.
Essai sur les mœurs et l’esprit des nations. — Qualités et défauts de ce livre. — § VI. […] On comprend dès lors son indulgence pour les mœurs de Louis XIV. […] Ce cœur, c’est le christianisme, accepté à la fois comme science de l’homme et comme règle des mœurs. […] Essai sur les mœurs et l’esprit des nations. […] Le lecteur qui n’y voulait chercher que des notes sur les mœurs du temps, y rencontre l’éloquence ; il n’y trouve pas du moins la déclamation.
Corollaire relatif aux mœurs héroïques De telles natures héroïques, animées de tels sentiments héroïques, durent créer et conserver des mœurs analogues à celles que nous allons esquisser. […] Aristote part de ces mœurs héroïques, lorsqu’il veut dans sa Poétique, que le héros de la tragédie ne soit ni parfaitement bon, ni entièrement méchant, mais qu’il offre un mélange de grands vices et de grandes vertus. […] L’héroïsme galant des modernes a été imaginé par les poètes qui vinrent bien longtemps après Homère, soit que l’invention des fables nouvelles leur appartienne, soit que les mœurs devenant efféminées avec le temps, ils aient altéré, et enfin corrompu entièrement les premières fables graves et sévères, comme il convenait aux fondateurs des sociétés. […] Tout ce que nous avons dit sur les pensées, les descriptions et les mœurs héroïques, appartient à la découverte du véritable Homère, que nous ferons dans le livre suivant.
Je vous soupçonne de n’être pas plus versé dans la connaissance particulière de nos mœurs que dans celle de mon langage. […] Simple dans les pièces de mœurs et de caractères, compliquée dans les pièces d’intrigue ; moins composée dans la comédie mixte. […] Ce seul fait peint à merveille la noble humeur d’un misanthrope qu’indignent les mœurs corrompues de la société. […] quel perfectionnement de mœurs, de goût, que de n’oser appeler les choses par leur nom ! […] Sur les caractères comiques ; sur leurs espèces ; sur les passions, et sur les mœurs.
Il était singulier que le cardinal de Richelieu, qui n’était pas irréprochable dans ses mœurs, accusât d’indécence une passion involontaire, sévèrement réprimée. […] Il est vrai que son héroïsme est moins agréable au public ; ce qui prouve combien l’esprit du théâtre est faux, dangereux pour les mœurs, et nuisible à la société. […] Voltaire prétend que cela n’est pas tragique : tant pis pour la tragédie ; cela vaut beaucoup mieux pour les mœurs. […] Voilà les mœurs que Corneille a voulu peindre. Ces mœurs élèvent l’imagination, sans corrompre le cœur.
Section 19, qu’il faut attribuer aux variations de l’air dans le même païs la difference qui s’y remarque entre le génie de ses habitans en des siecles differens Je conclus donc de tout ce que je viens d’exposer, qu’ainsi qu’on attribuë la difference du caractere des nations aux differentes qualitez de l’air de leurs pays, il faut attribuer de même aux changemens qui surviennent dans les qualitez de l’air d’un certain pays les variations qui arrivent dans les moeurs et dans le génie de ses habitans. Ainsi qu’on impute à la difference qui est entre l’air de France et l’air d’Italie, la difference qui se remarque entre les italiens et les françois, de même il faut attribuer à l’altération des qualitez de l’air de France la difference sensible qui s’observe entre les moeurs et le génie des françois d’un certain siecle et des françois d’un autre siecle. […] Quand les corps deviennent plus foibles et plus sensibles aux injures de l’air, il s’ensuit qu’un peuple doive changer quelque chose dans ses moeurs et dans ses coutumes, ainsi qu’il le feroit si le climat étoit changé. […] On ne sçauroit encore attribuer qu’aux changemens qui surviennent dans les qualitez de l’air dans le même pays la difference qui se remarque entre les moeurs et la politesse de divers siecles.
Ce qu’il nous faut, en fait de mœurs, c’est la Grèce moins l’esclavage. […] L’avènement de la bourgeoisie a opéré, il faut l’avouer, une grande simplification dans nos mœurs. […] On s’imagine souvent que des mœurs démocratiques sont des mœurs de cabaret, et c’est un peu la faute de ceux qui ont confisqué ce nom à leur profit. Mais les vraies mœurs démocratiques seraient les plus charmantes, les plus douces, les plus aimables. […] Les religions sont pétrifiées et les mœurs se modifient sans cesse.
Nos mœurs, disions-nous tout à l’heure, sont restées immobiles, et ont même opposé une grande force de résistance au mouvement des opinions… J’ajouterai à présent que cette même immobilité et cette même résistance se sont trouvées, chez nous, dans le domaine de la religion. Nos opinions, il faut l’avouer, seraient assez inclinées au protestantisme, à cause de cet esprit d’analyse et de discussion qui porte à tout examiner, à se rendre raison de tout ; à cause enfin de cette confiance à ses propres lumières qui rejette toute doctrine imposée : mais nos mœurs religieuses sont catholiques parce que nous tenons à un culte extérieur, à des signes sensibles de notre croyance. […] Nos mœurs nous ont garantis du changement qui nous menaçait comme les autres états, au moment de l’invasion du protestantisme ; maintenant nous sommes dans l’heureuse nécessité de rester fidèles à la communion de nos pères. […] Les mœurs sont restées religieuses ; les opinions, au contraire, ont pris une direction sinon antireligieuse, du moins indépendante des opinions religieuses. […] Ne voyez-vous pas, en effet, que le sceptre de l’éducation est confié sans partage aux mœurs, pendant que l’empire de la société est sous le joug de l’opinion ?
L’auteur du Nouveau Code du Duel, ancien officier supérieur de cavalerie dans l’armée piémontaise, le comte du Verger de Saint-Thomas, qui, en matière de question d’honneur et de duel, a tout à la fois l’expérience et l’autorité, a voulu traiter et réglementer à sa manière ce difficile sujet du duel, si profondément ancré dans nos mœurs qu’il a résisté à toutes les législations, et même aux plus terribles… En ces derniers temps, le comte de Saint-Thomas a été précédé par le comte de Château-Villars, qui a écrit aussi un Code du Duel, et je crois bien que, dans l’avenir, il pourra être suivi de quelque autre codificateur encore ; car le duel, en France, a la vie assez dure pour enterrer plus d’une génération d’ambitieux codificateurs. […] Il l’a pris simplement où il l’a trouvé, c’est-à-dire dans des mœurs incorrigibles, et il n’a pas songé — ce n’était pas à lui, d’ailleurs, d’y songer, — à couper cette queue de monarchie qui traîne fièrement encore dans ce siècle de république si peu fière. […] Une fois plantée dans les mœurs d’une race militaire, de cette race mêlée de Gaulois et de Francs, guerrière des deux côtés, cette coutume du duel, chrétienne au début, ne s’affaiblit pas quand la France, l’ardente chrétienne du Moyen-Âge, peu à peu se déchristianisa… Devenu mondain, le duel s’exaspéra, au contraire. […] Mais l’opinion et les mœurs, dans ce temps-là, auraient effacé l’infamie du soufflet et de la main qui l’aurait donné, et on l’eût porté sur sa joue comme une glorieuse balafre. […] précisément en raison de l’importance sacrée de l’argent dans nos mœurs actuelles, avides et dépensières, les législateurs, qui sentent le bonheur d’en avoir et qui ont si peur des peines sévères, oseraient-ils jamais se servir de la seule peine laissée maintenant au législateur pour réprimer et pour punir ?
Dans ce nouveau livre, en effet (un roman au lieu d’être un poëme), il s’agit du même terroir et du même ciel que dans Miréio, c’est-à-dire du Midi et de ses mœurs ardentes, saisies et reproduites avec une observation passionnée dans ce qu’elles ont de vivant encore, et jusqu’à ce jour d’inaliénable… Amour et souvenance de la patrie dont les premières impressions teignent à jamais le talent et teignent bien plus fort le génie, sentiment profond des poésies du sol, recherche de la vie où elle est, c’est-à-dire dans les classes populaires, plus près que nous de la nature, préoccupation des choses primitives que tous les jours, hélas ! […] On peut enlever de grandes taches de bourgeoisisme sur leur originalité et sur leur vertu, comme chez tous les paysans de cette époque, du reste, où les mœurs, de même que les classes, ont le sang mêlé et tendent chaque jour à se mêler davantage. […] Il faut les arrêter au passage, et c’est là le fait des romanciers, ces historiens des mœurs, bien plus profonds et bien plus éclairants, croyez-le, que les historiens de l’histoire ! […] II Or, c’est la vérité que M. de La Madelène a voulu exprimer, la vérité locale, qui n’est jamais que locale en matière de paysan, la vérité des mœurs, des traditions et du langage d’une contrée entre toutes les autres, la vérité étroite, exacte, mais vivante cependant, car M. de La Madelène est un artiste qui a puissance de vie, et l’analyse chez lui double l’action sans l’étouffer. […] Peut-être l’auteur du Marquis des Saffras trouverait-il par là une glorieuse voie, mais, d’un autre côté, dans un pays où le théâtre a une législation si étroite et si dure, M. de La Madelène doit-il rester dans le roman pour conserver toute son acuité de moraliste, et, comme peintre de mœurs, toute son ampleur d’observation !
Le succès de Béwerley ne prouve autre chose que la corruption des idées, du goût, & des mœurs du Siecle. Le Poëte eût beaucoup mieux fait de continuer d'exercer ses talens à composer des Tragédies dans le goût de son Spartacus, & des Comédies semblables à ses Mœurs du temps, que de faire paroître sur le Théatre des Traductions plus dignes de plaire à des Canibales, qu'à des Peuples policés. […] Quoique le caractere de Spartacus soit susceptible du même reproche, que le développement de la Piece soit brusque, la versification rude & seche ; quoique la Comédie des Mœurs du temps soit écrite d'un ton plus maniéré que piquant, qu'elle ressemble, pour le fond, l'intrigue & la morale, à l'Ecole des Bourgeois de l'Abbé d'Allainval ; ces deux Pieces sont néanmoins préférables à bien d'autres qui n'ont eu pour elles qu'un moment de séduction, & n'ont plus reparu dès que les ressorts de la cabale qui les faisoit valoir ont été usés.
De tout ce qu’il a écrit [& le nombre de ses Productions est assez considérable], le seul Ouvrage qui lui ait donné de la célébrité, est son Livre des Mœurs ; nouvelle preuve que la plupart des Esprits de ce Siecle n’ont cru pouvoir se faire un nom qu’en s’écartant des routes ordinaires, & en débitant des systêmes opposés à toutes les idées reçues. […] Il est vrai que la Philosophie de l’Ecrivain des Mœurs a su du moins respecter quelque chose. […] Toussaint, il n’est pas inutile d’observer qu’il a paru, il y a quelques années, un Essai sur les mœurs du temps, par M.
Nous avons vu plus haut qu’en 1673, à l’époque de la mort de Molière, les trois amis qui lui survécurent avaient déjà arrêté le cours de leur fécondité, et qu’ils avaient exprimé, par un long silence, l’étonnement de ce qui se passait, le besoin d’étudier, d’observer, de suivre le changement qui s’opérait dans les mœurs de la haute société. […] La réserve des mœurs ni celle du langage n’avaient pas attendu la sévérité des habitudes religieuses qui se déclarèrent plus tard, pour s’établir dans la bonne compagnie. […] L’adversité, qui, dans le même temps, menaçait les intérêts politiques du roi, concourut puissamment à arrêter l’essor du poète, devant le changement des mœurs de la haute société. […] C’étaient les restes de cette école de mœurs italiennes fondées par la famille du cardinal Mazarin. […] La querelle élevée entre les mœurs dissolues et les mœurs chastes et décentes trouve son terme à la fin de la période que nous parcourons ; il était nécessaire, pour en bien connaître le résultat, de savoir comment et par quelles personnes elle fut terminée.
À la période précédente, qui comprend les dix années de 1650 à 1660, va succéder un nouvel ordre de choses dans l’état, dans les mœurs, dans les lettres. […] Laissant donc à part la distinction des précieuses de bon et de mauvais goût, des précieuses de mœurs chastes et délicates, et des précieuses hypocrites ; les considérant ensemble confusément et comme de simples instruments de conversation quelconque pendant un demi-siècle, il est indubitable pour moi qu’elles ont puissamment concouru aux progrès de la langue, à son enrichissement, même à son épuration par la répudiation de mots grossiers qui étaient usités. […] Je passe au second travail dont j’ai parlé : celui de la société choisie, c’est-à-dire de bonnes mœurs, de bon ton, de bon goût. […] La raison de cette différence est que la littérature d’une nation est l’expression de ses mœurs. […] Le respect de moins dans nos mœurs, le reste éprouve une détente qui se prête à tous les tons, à tous les langages.
. — Trois périodes dans l’histoire des mœurs et de la jurisprudence § I. […] Trois périodes dans l’histoire des mœurs et de la jurisprudence (sectæ temporum) Nous voyons les jurisconsultes justifier sectâ suorum temporum leurs opinions en matière de droit. […] C’est que l’étude des mœurs du temps est l’école des princes. […] Les préteurs trouvant que les caractères, que les mœurs et le gouvernement des Romains étaient déjà changés, furent obligés pour approprier les lois à ce changement d’adoucir la rigueur de la loi des douze tables, rigueur conforme aux mœurs des temps où elle avait été promulguée.
Sur la conformité des mœurs avec les époques ; sur les usages et les localités. […] Les mœurs. […] Ce sont ces diversités qui composent les mœurs. […] Ne joint-elle pas à ces détails de mœurs générales ceux des mœurs particulières à l’infortune ? […] C’est là le secret d’intéresser généralement en peignant même les mœurs particulières.
La guerre de 1870 a modifié les conditions des débuts des jeunes écrivains autant qu’elle a imprimé de directions nouvelles aux mœurs françaises. […] » Tâchons, par conséquent, quand nous opposons les mœurs anciennes aux nouvelles, de ne pas nous abandonner à de trop tristes présages pour l’avenir. […] C’est la limite de l’influence du théâtre sur les mœurs. […] N’importe, ces périodes déjà lointaines du naturalisme, et ensuite du Théâtre-Libre, contrastent fortement avec les mœurs littéraires du jour. […] Quelles étaient vos moeurs ?
Pourquoi semblé-je ignorer, quand réellement j’en fais cas, et les délicats et les sensibles, les Deltuf et les Paul Perret, et les terribles dans le réel, les Barbara ; et Mme Figuier, le peintre des mœurs languedociennes, le Longus ou le Bernardin de Saint-Pierre de la Camargue ; et Claude Vignon, un observateur parisien et fin des mœurs de province ? […] Les mœurs réglées, en elles-mêmes, sourient peu et n’amusent guère ; les mœurs bourgeoises notamment sont anti-romanesques, anti-dramatiques et anti-poétiques, et depuis longtemps tout ce qui avait talent et puissance avait cherché l’émotion et l’intérêt dans l’irrégularité des situations et dans les orages du cœur : — Mérimée, George Sand, Balzac, Dumas, Musset. […] Feuillet un auteur qui s’est livré à cette veine de réhabilitation des bons ménages et des mœurs provinciales honnêtes par impuissance d’en comprendre et d’en peindre d’autres, ou, dans un autre sens, de faire de lui un auteur tout à fait dégagé, qui n’aurait choisi ce motif et ce thème de talent que comme le plus neuf et le plus opportun pour le quart d’heure, le plus susceptible de succès. […] La nature de son esprit aussi bien que l’éducation première qu’il a reçue, son milieu d’enfance et de jeunesse, l’ensemble de ses, habitudes et de ses mœurs, le disposaient à être tout d’abord le peintre le plus distingué de l’honnête et élégante bourgeoisie, de la bonne compagnie de province, de la noblesse qui vit encore dans ses châteaux. […] Et il ne s’est pas contenté des mœurs, il y a mêlé une chose très-chère à ce temps-ci, la question de la croyance.
Le siècle se refuse à une doctrine imposée : les croyances sociales non seulement sont toutes ébranlées, mais ont péri ; il ne reste plus d’autre tradition que celle des mœurs, antique héritage de nos premiers aïeux. […] Peut-être serons-nous conduits à croire que, contre le cours ordinaire des choses, il faut laisser l’opinion suivre sa pente naturelle, indépendamment des mœurs. D’un autre côté, par la même raison, serons-nous obligés d’admettre que les mœurs doivent aussi rester indépendantes de l’opinion. […] Entre les peuples mobiles de la mobile Europe, c’est le peuple français qui fut toujours, et à toutes les époques, le plus susceptible de contracter souvent de nouvelles habitudes, de se faire de nouvelles mœurs. […] Si le mouvement des opinions peut être rapide, celui des mœurs est toujours mesuré par la longueur du temps.
Trois sortes de natures, de mœurs, de droits naturels, de gouvernements. — § I. […] Mœurs religieuses, violentes, réglées par le devoir. […] Trois périodes dans l’histoire des mœurs et de la jurisprudence (sectæ temporum).
Il n’y a rien non plus dans les mœurs réelles de l’aristocratie féodale, dans ses habitudes extérieures, dans ses façons de penser et d’agir, qui ne soit livré à la dérision. […] Il y en eut même certainement qui naquirent en France, et n’ont pu naître que là, utilisant tantôt des aventures réelles, tantôt et surtout des particularités locales de mœurs et de langue. […] Il en est des mauvaises mœurs comme des cadavres : cela ne signifie plus rien, à force d’être commun. […] Ils ont su esquisser un vilain, faire parler une commère : surtout, et c’est par là qu’ils ont donné l’illusion de la vérité, ils ont eu le sens des mœurs d’exception et des mœurs ignobles. […] Ce goût pour les mœurs basses et les aventures triviales, avec l’absence ou la vulgarité de l’idéal moral, constitue en majeure partie le réalisme des Fabliaux.
Il exila plusieurs des jeunes gens des familles les plus considérables de la cour ; il était indigné de leurs mœurs. […] La sévérité que le roi exerçait alors sur les mœurs de la jeunesse de la cour se reportait aussi sur lui-même. […] La cour était florissante ; la gloire y déguisait le désordre des mœurs, ou le rachetait. […] Elle n’avait rien à changer à ses mœurs pour être d’accord avec les préceptes de la religion. […] Si le triomphe de madame de Maintenon était celui de toutes les femmes de sa société, de leur esprit, de leurs mœurs, de leur a me délicate et pure, sur les habitudes désordonnées du roi, à son tour le changement opéré dans l’esprit et dans les mœurs du roi en opéra un pareil dans cette innombrable multitude de personnes qui ne connaissaient d’autre règle de conduite, d’autre règle du langage que les exemples du monarque.
Les mœurs du temps en fournissaient les sujets ; les contemporains, sous des noms allégoriques, en étaient les personnages. […] On ne la fait pas descendre impunément jusqu’aux événements et aux mœurs des personnes de condition privée ; la tentative n’en a jamais réussi. […] Ce sont là, je le veux bien, des conditions, des mœurs. […] Il est très vrai qu’une fois engagés dans les situations, les personnages y gardent leur condition et leurs mœurs, et c’est là une première vérité dramatique qui a son prix. […] Ces erreurs de jugement, dans un si grand homme, prouvent à quel point le poète dramatique est dépendant du tour d’esprit et des mœurs de son temps.
Il ne fallait pas moins que dénaturer et corrompre les mœurs et les esprits de toute l’Europe. […] La comédie ne choisit-elle pas les mœurs qu’elle veut peindre ? […] Rousseau ; l’esprit n’est rien en comparaison des mœurs et de la vertu. […] Avant de pouvoir décider entre Euripide et Racine, il faudrait décider entre Athènes et Paris ; il faudrait avoir comparé les mœurs des Grecs avec les mœurs des Français, et juger quelles sont les meilleures. […] Qu’est-ce que les mœurs philosophiques ont ajouté à ces mœurs déjà très libres dans la vieillesse même de Louis XIV ?
Durant les deux siècles qui dominent notre littérature et la littérature de l’Europe la supériorité française s’établit au théâtre par la comédie de mœurs et la tragédie. […] V. — La comédie de mœurs et de caractère Le bilan est simple58. […] Émile Fabre… et puis, une peinture de mœurs factices, de mœurs irréelles, qui nous valent, de par le monde, la réputation d’un peuple uniquement préoccupe de problèmes sexuels et surtout d’adultère. […] Franc-Nohain par Vingt mille âmes se révélait peintre exact et assuré des mœurs provinciales ; par La Fiancée du Scaphandrier, Papa les P’tits Bateaux, Aux temps des Croisades, etc…, il renouvelait la fantaisie et la poussait aux limites où elle atteint à la fois la comédie d’observation et la satire philosophique. […] Toute renaissance se résumera ici : Tragédie59, tragédie élargie aux ressources et aux embellissements du théâtre de plein air : comédie de mœurs.
En France, où ils se sont multipliés d’une manière si prodigieuse, qu’on peut croire que leur nombre l’emporte sur celui de tous les autres pays de l’Europe, en France, pays salique, encore plus de mœurs que de monarchie, et où le mot de littératrice n’était pas français, les Bas-bleus, avant ces derniers temps, n’existaient presque pas. […] Elles tendirent à devenir dans la réalité la femme libre, que le saint-simonisme avait révélée ; car des romans passionnés popularisent une idée et la font passer plus vite dans les idées et dans les mœurs que la plus crâne et la plus cambrée des théories. […] Les idées répandues dans ses livres ou qui en découlent, ne continuent pas moins de s’infiltrer dans tous les esprits ; et comme l’huile, dont le temps grandit toujours la tâche, à envahir de plus en plus nos mœurs. Les gouvernements eux-mêmes qui se croient à la tête des mœurs, lorsqu’ils se traînent à leur queue, se laissent gagner et pénétrer par la tache d’huile aussi mollement que l’opinion. […] En effet le genre d’influence que la femme exerçait en France et en Europe, aux temps chevaleresques de leur double histoire, n’est plus, et toute trace en est effacée ; mais elle a été remplacée par une autre, moins généreuse et plus grossière, — et cette autre espèce d’influence tend à devenir un empire, — le Bas-Empire d’un temps où les Monarchies ne tombent plus en quenouille, mais les Mœurs, — si on peut dire de quelque chose « tomber en quenouille » alors que les femmes n’en veulent plus !
Ici, selon la formule d’un juriste100, « le droit ne domine plus les mœurs : il les suit ». […] Cruet, ne domine pas les mœurs : il les suit. » Mais les mœurs sont elles-mêmes une contrainte sociale, aussi tyrannique et parfois plus tyrannique pour l’individu que le droit lui-même. En tous cas, le droit nouveau, en tant qu’il reflète les mœurs nouvelles, ne fait comme le droit ancien, qu’affirmer la suprématie de la volonté sociale sur la volonté individuelle. […] Le parquet est saisi d’une affaire de mœurs où de nombreuses personnes sont impliquées.
L’établissement des Francs dans les Gaules, Charlemagne, les croisades, la chevalerie, une bataille de Bouvines, un combat de Lépante, un Conradin à Naples, un Henri IV en France, un Charles Ier en Angleterre, sont au moins des époques mémorables, des mœurs singulières, des événements fameux, des catastrophes tragiques. […] L’Espagne, séparée des autres nations, présente encore à l’historien un caractère plus original : l’espèce de stagnation de mœurs dans laquelle elle repose lui sera peut-être utile un jour ; et, lorsque les peuples européens seront usés par la corruption, elle seule pourra reparaître avec éclat sur la scène du monde, parce que le fond des mœurs subsiste chez elle.
Voilà la poétique classique, la romantique en est le contrepied : elle ne permet de négliger que les mœurs, elle exige la vérité et le complet du matériel. […] laissons aux poètes le droit d’oser tout ce qui doit nous émouvoir et nous instruire, de trouver dans leur imagination, dans leur génie, ce qui achèvera l’histoire par une parfaite représentation des mœurs. […] Disons plus, une tragédie est assez historique quand elle peint à grands traits les véritables mœurs d’un peuple et d’un siècle. […] Nos auteurs français deviennent romantiques, lorsqu’aux dépens de la vérité des mœurs, ils nous font les siècles passés à l’image et à la ressemblance du nôtre. […] On réclame d’un côté la vérité des faits matériels, de l’autre celle des mœurs et des caractères.
— un spectacle de corruption dans les mœurs et d’athéisme dans les idées fort peu remarqué par les historiens d’alors, et qui rappelait presque l’Italie du siècle précédent. […] Mais tous ces principicules allemands, qui jouaient au Louis XIV avec la rage de leur petitesse et de leur insignifiance, dans des Versailles de paravent, taillés sur le modèle du vrai Versailles, ne forçaient, eux, que le trait des mauvaises mœurs, et ne trouvaient pas dans une conscience en proie à l’orgueil et à la négation protestante une seule raison pour enrayer sur cette pente-là. […] — dans la donnée des mœurs de ce temps ; car les mœurs de ce temps étaient immondes, et, comme tous les fumiers des civilisations avancées, elles ne produisaient que des empêchements d’agir ou des lâchetés. […] Jusqu’à l’arrivée du colonel Philippe de Kœnigsmark, elle n’avait passé pour rien de plus qu’une femme sans mœurs, ce qui n’était pas une distinction dans cette cour, uniformément corrompue.
Cette grâce, cette expression douce et légère qui embellit en paraissant se cacher, qui donne tant de mérite aux ouvrages et qu’on définit si peu ; ce charme qui est nécessaire à l’écrivain comme au statuaire et au peintre ; qu’Homère et Anacréon eurent parmi les poètes grecs, Apelle et Praxitèle parmi les artistes ; que Virgile eut chez les Romains, et Horace dans ses odes voluptueuses, et qu’on ne trouva presque point ailleurs ; que l’Arioste posséda peut-être plus que le Tasse ; que Michel-Ange ne connut jamais, et qui versa toutes ses faveurs sur Raphaël et le Corrège ; que, sous Louis XIV, La Fontaine presque seul eut dans ses vers (car Racine connut moins la grâce que la beauté) ; dont aucun de nos écrivains en prose ne se douta, excepté Fénelon, et à laquelle nos usages, nos mœurs, notre langue, notre climat même se refusent peut-être, parce qu’ils ne peuvent nous donner, ni cette sensibilité tendre et pure qui la fait naître, ni cet instrument facile et souple qui la peut rendre ; enfin cette grâce, ce don si rare et qu’on ne sent même qu’avec des organes si déliés et si fins, était le mérite dominant des écrits de Xénophon. […] ou parce que le luxe de nos mœurs se communiquant à nos esprits comme à nos âmes, nous ôterait ce goût précieux et pur de simplicité ; ou parce que, l’inégalité plus marquée dans les monarchies, mettant plus de distinction entre les rangs, il doit nécessairement y avoir plus d’affectation, plus d’effort, plus de désir de paraître différent de ce que l’on est, et par conséquent quelque chose de plus exagéré dans les manières, dans les mœurs et dans la tournure générale de l’esprit, ou enfin, parce que chez un peuple indifférent et léger, qui peut-être voit tout avec rapidité et ne s’arrête sur rien, il faut, pour ainsi dire, que tous les objets soient en relief pour qu’ils soient aperçus ? […] Naissance, éducation, mœurs ; principes ou qui tiennent au caractère ou qui le combattent ; concours de plusieurs grands hommes qui se développent en se choquant ; grands hommes isolés et qui semblent jetés hors des routes de la nature dans des temps de faiblesse et de langueur ; lutte d’un grand caractère contre les mœurs avilies d’un peuple qui tombe ; développement rapide d’un peuple naissant à qui un homme de génie imprime sa force ; mouvement donné à des nations par les lois, par les conquêtes, par l’éloquence ; grandes vertus toujours plus rares que les talents, les unes impétueuses et fortes, les autres calmes et raisonnées ; desseins, tantôt conçus profondément et mûris par les années, tantôt inspirés, conçus, exécutés presque à la fois, et avec cette vigueur qui renverse tout, parce qu’elle ne donne le temps de rien prévoir ; enfin des vies éclatantes, dès morts illustres et presque toujours violentes ; car, par une loi inévitable, l’action de ces hommes qui remuent tout, produit une résistance égale dans ce qui les entoure ; ils pèsent sur l’univers, et l’univers sur eux ; et derrière la gloire est presque toujours caché l’exil, le fer ou le poison : tel est à peu près le tableau que nous offre Plutarque.
Dans un siècle de lumières, on ne saurait croire jusqu’à quel point les bonnes mœurs sont dépendantes du bon goût, et le bon goût des bonnes mœurs. […] , lui qui s’est éternellement moqué des mœurs et des coutumes de nos ancêtres. […] Si Montesquieu, dans un ouvrage de sa jeunesse, laissa tomber sur la religion quelques-uns des traits qu’il dirigeait contre nos mœurs, ce ne fut qu’une erreur passagère, une espèce de tribut payé à la corruption de la Régence204.
La manière est dans les arts ce qu’est la corruption des mœurs chez un peuple. Il me semblerait donc premièrement que la manière, soit dans les mœurs, soit dans le discours, soit dans les arts, est un vice de société policée. à l’origine des sociétés, on trouve les arts bruts, le discours barbare, les mœurs agrestes ; mais ces choses tendent d’un même pas à la perfection, jusqu’à ce que le grand goût naisse ; mais ce grand goût est comme le tranchant d’un rasoir, sur lequel il est difficile de se tenir. Bientôt les mœurs se dépravent ; l’empire de la raison s’étend ; le discours devient épigrammatique, ingénieux, laconique, sentencieux ; les arts se corrompent par le raffinement.
Un poëte mediocre peut à force de consultations et de travail faire un plan regulier, et donner des moeurs décentes à ses personnages ; mais il n’y a qu’un homme doué du genie de l’art qui puisse soutenir ses vers par des fictions continuelles, et par des images renaissantes à chaque periode. […] Le caractere de la poësie du stile a toujours decidé du bon ou du mauvais succès des poëmes, même de ceux qui par leur étenduë semblent dépendre le plus de l’oeconomie du plan, de la distribution de l’action et de la décence des moeurs. […] Cependant le public enchanté par la poësie du stile de ces ouvrages ne se lasse point de les admirer, et il les place fort au-dessus de plusieurs autres, dont les moeurs sont meilleures, et dont le plan est regulier. […] La pucelle de Chapelain et le Clovis de Desmarets sont deux poëmes épiques dont la constitution et les moeurs valent mieux sans comparaison que celles des deux tragedies dont j’ai parlé.
Il se représenta la parodie sous un autre aspect, & la décida directement opposée aux bonnes mœurs, au bon goût, au progrès de l’esprit humain, à la gloire des gens de lettres. […] A l’exception de quelques pièces, le théâtre de Molière est le code de la bienséance, de l’honnéteté, des bonnes mœurs. […] Les comédiennes font peu retenues ; mais qu’on attache de la considération à leur état, & elles auront de meilleures mœurs. […] Il leur garantit que cet établissement ne sçauroit nuire à la constitution ni au gouvernement de leur ville, ni à l’innocence de leurs mœurs. […] Ils sont très-peu reconnoissans du zèle de leur Démosthène : ils se plaignent qu’il les a mal peints, qu’il n’a crayonné que les mœurs de la populace.
Une critique sage lui a fait négliger les petits faits, comme superflus ou comme étrangers au but de son Histoire, qui est de mettre au grand jour la doctrine de l’Eglise, sa discipline, ses mœurs. […] Nous avons encore de M. l’Abbé Fleury plusieurs Ouvrages estimés, dont les plus connus sont ceux qui ont pour titre : Mœurs des Israélites, & Mœurs des Chrétiens.
Il est même curieux de remarquer que, dans ce siècle incrédule, les poètes et les romanciers, par un retour naturel vers les mœurs de nos aïeux, se plaisent à introduire dans leurs fictions, des souterrains, des fantômes, des châteaux, des temples gothiques : tant ont de charmes les souvenirs qui se lient à la religion et à l’histoire de la patrie ! Les nations ne jettent pas à l’écart leurs antiques mœurs, comme on se dépouille d’un vieil habit. […] C’est que tout cela est essentiellement lié à nos mœurs ; c’est qu’un monument n’est vénérable qu’autant qu’une longue histoire du passé est pour ainsi dire empreinte sous ses voûtes toutes noires de siècles.
Jeune et brillante sous Hérodote, elle étala aux yeux de la Grèce la peinture de la naissance de la société et des mœurs primitives des hommes. […] Autre temps, autres mœurs. […] Suétone conta l’anecdote sans réflexion et sans voile ; Plutarque y joignit la moralité ; Velleius Paterculus apprit à généraliser l’histoire sans la défigurer ; Florus en fit l’abrégé philosophique ; enfin, Diodore de Sicile, Trogue-Pompée, Denys d’Halicarnasse, Cornelius-Nepos, Quinte-Curce, Aurelius-Victor, Ammien-Marcellin, Justin, Eutrope, et d’autres que nous taisons, ou qui nous échappent, conduisirent l’histoire jusqu’aux temps où elle tomba entre les mains des auteurs chrétiens : époque où tout changea dans les mœurs des hommes.
C’est la définition qui reste la plus vraie des mœurs comme de l’esprit des Chaulieu et des La Fare. […] Les mœurs publiques ont gagné par plus d’un endroit ; le grand jour de la publicité, en circulant, a assaini bien des foyers de corruption et bien des étables d’Augias. […] Entre vous et moi, je le crois totalement perdu. » En maint endroit de ses Mémoires, La Fare déplore la perte de la galanterie et l’invasion des mauvaises mœurs, comme on le ferait de nos jours. […] Quand on vient de relire leurs ouvrages et de traverser leur monde, on demeure bien convaincu en un point : c’est que les mœurs de la Régence existaient déjà sous Louis XIV ; elles y étaient depuis longues années à l’état latent. […] Et le malheur du xviiie siècle en politique, depuis Philippe d’Orléans régent jusqu’à Mirabeau, fut de ne pouvoir se débarrasser jamais de ces mœurs-là.
Nous avons vu qu’il appartenait tout à fait par les mœurs et par les études à la vieille Grèce, aux mœurs antiques : son père était un païen religieux, instruit des choses divines. […] L’affectation et le faux goût, qui semblent inséparables des mœurs serviles, commencèrent à gâter l’esprit des Romains. […] Il prenait plaisir à porter dans ses écrits la mollesse de ses mœurs. […] Combien de siècles d’intervalle, combien de révolutions de temps et de mœurs entre Homère et saint Jean Chrysostome ! […] Mais c’est précisément cette infidélité aux mœurs locales des diverses contrées, cette préoccupation des mœurs anglaises, qui le rend si cher à son pays.
Il a écrit sur cette question tant agitée des anciens et des modernes quelques pages qui sont des meilleures et qui terminent noblement son livre des Considérations sur l’esprit et les mœurs. […] L’ouvrage des Considérations sur l’esprit et les mœurs est bien composé ; il l’est en apparence au hasard et comme un jardin anglais ; ce sont des pensées, des analyses morales, relevées de temps en temps par des descriptions, des portraits ; animées en deux endroits par des dialogues, par des fragments de lettres : l’ensemble de la lecture est d’une variété agréable et d’un art libre que Duclos dans son livre n’a point connu. […] L’ouvrage que M. de Meilhan publia à Hambourg en 1795, intitulé Du gouvernement, des mœurs et des conditions en France avant la Révolution, avec le caractère des principaux personnages du règne de Louis XVI, est d’un homme en qui les ridicules cessent dès qu’il tient la plume et qui mérite toute attention par la modération et les lumières. […] Ce livre Du gouvernement, des mœurs et des conditions en France avant la Révolution est terminé par une suite de portraits historiques (Maurepas, Turgot, Saint-Germain, Pezay, Necker, Brienne), dans lesquels il y a des traits exacts et neufs, bien de l’esprit et même du talent29. […] » Pour nous, qui ne pouvons juger M. de Meilhan que par ses écrits, nous avons cru n’être que juste en lui accordant un souvenir, en lui assignant un rang élevé parmi les moralistes pour ses Considérations sur l’esprit et les mœurs (1787), et, parmi les politiques, pour son ouvrage Du gouvernement, des mœurs et des conditions en France avant la Révolution (1795).
Les noms d’athée, d’impie, de faux frere, d’homme sans foi, sans mœurs, sans probité, sans principes, étoient le refrein ordinaire de ses discours & de ses écrits. […] A l’égard des reproches qu’on lui a faits sur ses mœurs, on ne voit pas qu’ils soient fondés. Ses mœurs étoient pures. […] Il crut les confondre en désavouant l’Avis aux réfugiés, en donnant l’apologie de sa conduite, de ses mœurs, de sa religion, en publiant ses Entretiens de Maxime & de Thémiste ; mais on le condamna sur cette apologie même.
Après les grands travaux du Père Du Halde, du Père Grosier, du Père Amyot, du Père Gaubil, et de tant d’autres Pères jésuites, qui firent, pendant un moment, de la Chine une province de leur ordre ; après les livres des voyageurs anglais sur cette Chine logogriphique, aussi difficile à déchiffrer que son écriture ; en présence surtout de ces Pères de la foi, notre Compagnie des Indes de la rue du Bac (comme les appelait un grand écrivain), et dont les observations sont le meilleur de l’érudition contemporaine sur les institutions et les mœurs de la Chine, si deux sinologues, ayant passé toute leur vie dans une Chine intellectuelle qu’ils ont redoublée autour d’eux comme les feuilles d’un paravent, se mettaient à écrire de leur côté une histoire du pays qu’ils n’ont pas cessé d’habiter par l’étude et par la pensée, il y avait lieu de croire, n’est-il pas vrai ? […] » Nous aurions voulu, enfin, que les historiens apologistes de ce pavs ainsi incriminé, ainsi accusé, et dans son histoire, et dans ses mœurs, et dans son esprit, et dans tout son être, eussent pénétré partout où l’accusation a enfoncé son atteinte, et qu’ils nous l’eussent montré non seulement dans son histoire politique, mais qu’ils fussent descendus au fond des mœurs pour les laver et qu’ils eussent tâté de leurs savantes mains ce crâne arrondi de la race jaune, rasé par les conquérants tartares, pour nous dire au juste ce que, dans cette boîte osseuse, si déformée par la corruption et par l’esclavage. […] Mais un pareil fait n’était nouveau et grave que pour l’imagination européenne, qui a la candeur de son ignorance… et la fatuité de nos mœurs, que nous voulons retrouver partout. […] Comme mœurs politiques et sociales, nos deux historiens nous développent, sans trop savoir ce que prouve contre les peuples l’empire de telles dominations, l’effroyable et perpétuelle domination des Eunuques et les formes de cette polygamie, de cette lèpre dont la famille est rongée ; car, quoique mutilée, abaissée, la famille, dont l’esprit peut tout sauver et tout éterniser, subsiste, en Chine, dans le respect porté aux ancêtres, — et voilà, sans nul doute, ce qui a empêché cet empire de laque de complètement se dissoudre.
Du reste, quand on va au fond de ce mot, dont le monde actuel est follement épris comme d’une nouveauté, on y trouve une chose assez vieille : c’est l’action très connue et très continue des siècles, en vertu de laquelle les mœurs se polissent. […] La supériorité relative des peuples, leur originalité, leurs diversités de mœurs et d’instincts, Louis Faliés ne les explique point par ce milieu, si commode, si superficiel, si vite trouvé et si cher au Matérialisme contemporain. […] — ne peut pas ne point tenir pour des civilisations, — et des civilisations sterling, — des sociétés de cette puissance monumentale, de cette richesse, de ce luxe inouï, de ces mœurs, fabuleusement somptueuses, qui éblouirent et enivrèrent jusqu’à leurs vainqueurs. […] Les arts, les sciences et la richesse, qui ornent plus les mœurs qu’ils ne les adoucissent, ont fait parfois donner gracieusement la patte à ce tigre, mais il n’y a que le Christianisme qui lui ait fait rentrer sa griffe et qui l’ait apprivoisé. […] Avec les vertus qu’il a fait descendre dans leurs mœurs, il a fait descendre dans leurs arts, leurs sciences et leurs littératures, des inspirations inconnues, d’une beauté que les peuples les plus spirituels de la terre, comme la Grèce et Rome, ne soupçonnaient même pas !
Non pas qu’avant Balzac, il est vrai, les mœurs de l’époque à laquelle appartenaient les personnages d’un roman ne s’aperçussent bien à travers ces personnages. […] Les mœurs putrides de ce temps n’y étaient étreintes que dans quelques âmes. […] — il a fait une épouvantable épithète : la caractéristique immortelle de toutes les femmes aux passions physiques et aux mœurs débordées. […] La marquise de Neers est du faubourg Saint-Germain, — l’édificatrice de toutes les paroisses du faubourg Saint-Germain, où l’hypocrisie religieuse existe encore, parce que les mœurs religieuses n’y ont pas encore péri… Arsène Houssaye, qui est un moraliste sérieux sous des formes légères (les sots n’admettent pas que cela puisse être, mais laissons dire les sots !) […] Elle les met tous, plus ou moins, dans le sac où Scapin met Géronte, ce qui est honteux, même quand les coups de bâton ne suivraient pas… Mais, au bout du compte, elle atteste qu’il y a des mœurs et des croyances publiques auxquelles il faut, au prix de sa considération ou de son âme, se conformer.
La duchesse de Bouillon, Marie-Anne Mancini, habitait Château-Thierry : c’était une femme douée ou affligée, comme ses sœurs et ses cousines, d’une imagination vive et sans frein, et de mœurs très libres. […] à mes yeux, ils ne sont pas moins remarquables que Louis XIV dans l’histoire des mœurs, et n’ont pas moins ajouté à son influence par leur concours, qu’il n’a ajoute à leur gloire par sa protection. […] Boileau, ce Boileau qui depuis affecta des mœurs si rigides, fit l’apologie de Joconde.
Qu’un Canadien perce un chevreuil de ses flèches ; qu’il le dépouille au milieu des forêts ; qu’il étende la victime sur les charbons d’un chêne embrasé : tout est poétique dans ces mœurs. […] Car si vous entreprenez de peindre les premiers âges de la Grèce, autant la simplicité des mœurs vous offrira des choses agréables, autant la barbarie des caractères vous choquera : le polythéisme ne fournit rien pour changer la nature sauvage et l’insuffisance des vertus primitives. […] D’une part, vous pouvez offrir le tableau des mœurs dans toute sa naïveté : un vieux château, un large foyer, des tournois, des joutes, des chasses, le son du cor, le bruit des armes, n’ont rien qui heurte le goût, rien qu’on doive ou choisir ou cacher.
Or, la postérité est restée, à propos du Tableau de Paris, sous l’empire d’un mot cruel prononcé par un esprit séducteur : « C’est un livre — disait Rivarol — pensé dans la rue et écrit sur la borne », comme si la rue n’était pas un théâtre d’observation tout comme un autre, quand il s’agit des mœurs d’une grande ville, et même meilleur qu’un autre, quand il s’agit de ses monuments ! […] tout importe dans l’histoire des mœurs d’un peuple : non-seulement le détail des mœurs lui-même, mais les moralistes qui en portèrent le poids ou le rejetèrent, en les jugeant.
Autrefois, disait Duclos dans son livre des Considérations, les gens de lettres livrés à l’étude et séparés du monde, en travaillant pour leurs contemporains, ne songeaient qu’à la postérité : leurs mœurs, pleines de candeur et de rudesse, n’avaient guère de rapport avec celles de la société ; et les gens du monde, moins instruits qu’aujourd’hui, admiraient les ouvrages, ou plutôt le nom des auteurs, et ne se croyaient pas trop capables de vivre avec eux. […] M. de Forcalquier a tracé de Duclos en 1742, c’est-à-dire quand celui-ci était déjà un homme de lettres en pied et un académicien des Inscriptions, un portrait qui conserve encore et laisse voir quelques airs de jeunesse : « L’esprit étendu, l’imagination bouillante, le caractère doux et simple (ceci est pour le moins douteux), les mœurs d’un philosophe, les manières d’un étourdi. […] Que Duclos ait profité des mœurs qu’il observait de près, des histoires qui se racontaient autour de lui, qu’il ait été en ce sens le secrétaire du monde et du cercle particulier où il vivait, cela est possible et même certain ; mais on n’en peut rien conclure contre sa paternité réelle : il eût été à souhaiter seulement que, secrétaire aussi léger et aussi délicat que l’avait été Hamilton en son temps, il eût rencontré comme lui, pour lui fournir matière, des chevaliers de Grammont. […] Il faut, pour être juste envers Duclos, en venir à son livre des Considérations sur les mœurs de ce siècle (1751). […] Les chapitres sur « les gens de fortune » et sur « Les gens de lettres » sont de vraies descriptions de mœurs et excellents de tout point.
En trois siècles, de la Renaissance au romantisme, le genre historique est représenté par le Discours sur l’Histoire universelle de Bossuet, qui est une œuvre de théologie, par l’Histoire des Variations, du même, qui est une œuvre de controverse, par l’Esprit des Lois, de Montesquieu, qui est un essai de philosophie politique et juridique : restent l’Essai sur les mœurs et le Siècle de Louis XIV de Voltaire, qui sont vraiment de l’histoire, malgré la thèse antireligieuse de l’auteur. […] Thierry en 1827, une histoire de France qui reproduise avec fidélité les idées, les sentiments, les mœurs des hommes qui nous ont transmis le nom que nous portons, et dont la destinée a préparé la nôtre ? […] Dès le premier moment, deux courants se distinguent dans le genre historique : les uns s’appliquent à dégager la philosophie de l’histoire ; les autres à ressusciter la forme du passé, à représenter les mœurs et les âmes des générations disparues. […] Dans une seconde partie, plus originale et plus profonde encore, Tocqueville nous découvre l’influence de la démocratie sur le mouvement intellectuel, sur l’état moral et sentimental, sur les mœurs, et la réaction des idées, des sentiments et des mœurs sur le régime politique. […] Mais les orléanistes faisaient servir leur vue de l’histoire aux intérêts d’un parti : Tocqueville, plus philosophe en restant strictement historien, se contente d’établir la continuité du développement de nos institutions et de nos mœurs : la Révolution s’est faite en 1789, parce qu’elle était déjà à demi faite, et que, depuis des siècles, tout tendait à l’égalité et à la centralisation ; les dernières entraves des droits féodaux et de la royauté absolue parurent plus gênantes, parce qu’elles étaient les dernières.
Octave Feuillet, celui de nos romanciers qui a peint les mœurs mondaines avec le plus de grâce, de finesse et de compétence. […] Le plus agaçant des romans naturalistes, le plus précieux dans le grossier, est moins odieux que tel roman de mœurs mondaines. […] Les personnes du monde qui était autrefois le vrai monde sont portées à croire que les peintures qu’on nous fait des mœurs mondaines ne ressemblent pas. […] Il est vrai que, justement à cause de cette indécision et de cette variété, il reste toujours au descripteur des mœurs mondaines quelque chance d’être tombé juste. […] Rabusson a failli écrire plus d’une fois le roman naturaliste des mœurs mondaines (le naturalisme n’étant point une chose de forme, mais de fond).
. — influence de la fortune sur les mœurs littéraires. — balzac, messer milione. […] En un mot, on peut soutenir, sans crainte de calomnier son temps, qu’il y a un rapport assez exact entre l’état des mœurs littéraires et le taux des profits qu’on tire des lettres ; les plus grandes fortunes correspondent à des époques de décadence. […] Voltaire, qui s’était enrichi par d’autres voies, savait très-bien l’influence de la richesse sur les mœurs de la littérature (je prends mœurs dans le sens que lui donnent les rhéteurs), et quand on venait lui faire de grandes phrases à la Jean-Jacques, il vous répondait par le Mondain.
Les effets graduels et nuancés ne conviennent guère aux mœurs démocratiques ; et comme c’était toujours du peuple qu’il fallait se faire entendre et se faire applaudir, on se livrait, pour l’amuser, aux contrastes saillants qui frappent aisément tous les hommes. […] C’est à l’homme que vous vous adressez dans la tragédie ; mais c’est une telle époque, c’est un tel peuple, ce sont de telles mœurs, qu’il faut connaître pour obtenir dans la comédie un succès populaire : les pleurs sont pris dans la nature, et la plaisanterie dans les habitudes. […] Le spectateur entre tout à fait dans l’illusion de la tragédie ; il s’intéresse assez au héros de la pièce, pour comprendre des mœurs étrangères, pour se transporter dans des pays entièrement nouveaux.
étoit de faire connoître les mœurs des hommes & les révolutions de l’esprit humain ; mais ce but, si bien rempli dans certains chapitres, est manqué dans d’autres. […] Le principal de l’histoire de Rollin est le zéle décidé pour les bonnes mœurs qui caractérise tous ses écrits. […] On peut joindre à ce livre les Mœurs & coutumes des François dans les différens tems de la Monarchie, par l’Abbé le Gendre, in-12. […] C’est un livre moins solide que brillant, moins instructif qu’agréable, où l’on ne trouve que des idées imparfaites du gouvernement, de la législation & des mœurs. […] Plusieurs critiques ont observé qu’il avoit peu d’élévation dans les sentimens, & qu’on dévinoit en lisant son histoire qu’il manquoit de mœurs.
Discours préliminaire Je me suis proposé d’examiner quelle est l’influence de la religion, des mœurs et des lois sur la littérature, et quelle est l’influence de la littérature sur la religion, les mœurs et les lois. […] Celui qui peint les hommes comme Saint-Simon ou Duclos, ne fait qu’ajouter à la légèreté de leurs opinions et de leurs mœurs ; mais celui qui les jugerait comme Tacite, serait nécessairement utile à son siècle. […] Il me reste à parler de l’objection qu’on peut tirer des ouvrages où l’on a peint avec talent les mœurs condamnables. […] Dans un état démocratique, il faut craindre sans cesse que le désir de la popularité n’entraîne à l’imitation des mœurs vulgaires ; bientôt on se persuaderait qu’il est inutile et presque nuisible d’avoir une supériorité trop marquée sur la multitude qu’on veut captiver. […] L’homme a, dans le secret de sa pensée, un asile de liberté impénétrable à l’action de la force ; les conquérants ont souvent pris les mœurs des vaincus : la conviction a seule changé les anciennes coutumes.
Mais l’originalité du génie de Régnier est dans la peinture des mœurs. […] Boileau lui a donné ce juste éloge, d’avoir été avant Molière l’écrivain qui a le mieux connu les mœurs des hommes. […] Le technique tend donc à être rejeté hors de la littérature, qui aura pour objets principaux la peinture des mœurs et la règle des mœurs ; l’une appartiendra surtout à la poésie, et, par l’autre, la philosophie et la théologie resteront des genres littéraires. […] On conçut qu’il fallait donner une autorité supérieure et un fondement rationnel à la règle des mœurs, et l’on résolut encore ce problème par la superposition du christianisme à la sagesse humaine des anciens. Le désordre des mœurs, la difficulté des temps font embrasser ce que la Bible et l’antiquité ont de plus fort et de plus austère dans leurs doctrines morales.
Quant aux mœurs de la bohème, il est irritant de les voir attribuer à l’une des castes les plus rares de l’État, en tous cas à celle qui, par sa profession même, s’approche le plus de la distinction et du raffinement de la délicatesse morale. […] Nous sentons tous qu’il faut en finir avec les tenues exceptionnelles et les mœurs désordonnées. […] Il est certain que nous allons toucher à une conception nouvelle des mœurs de l’artiste, et nous délivrer enfin, avec un peu plus de fermeté, de l’écœurante tradition, parce qu’il est trop sot de continuer à la traîner. […] En réalité, les mœurs artistiques sont infiniment plus loyales et épurées que celles de la bourgeoisie, mais leur probité, leur étourderie, leur vanité font plus de bruit que la corruption dissimulée de cette dernière. […] Qui donc saura être assez intelligent et assez ferme pour réorganiser les mœurs de l’artiste ?
Que peuvent donc avoir de commun les mœurs de l’homme et les habitudes des animaux ? […] Ce sont leurs mœurs. […] L’amour, dans des mœurs simples, n’est composé que de lui-même, ne peut être payé que par lui, s’offense de ce qui n’est pas lui ; mais dans des mœurs raffinées, c’est-à-dire, corrompues, ce sentiment laisse entrer dans sa composition une foule d’accessoires qui lui sont étrangers. […] La moralité qui résulte de cet Apologue est incontestable, mais elle a bien peu d’application dans nos mœurs.
Or, si la diversité des climats peut mettre tant de varieté et tant de difference dans le teint, dans la stature, dans le corsage des hommes et même dans le son de leur voix, elle doit mettre une difference encore plus grande entre le génie, les inclinations et les moeurs des nations. […] Les catalans d’aujourd’hui descendent des gots et d’autres peuples étrangers qui apporterent en Catalogne, quand ils vinrent s’y établir, des langues et des moeurs differentes de celles du peuple qui l’habitoit au temps des Scipions. […] Mais la nature a fait revivre dans les catalans d’aujourd’hui, les moeurs et les inclinations des catalans du temps des Scipions. […] Aussi le changement de moeurs, d’inclination et d’esprit inévitable à ceux qui changent de patrie, a-t-il été plus subit et plus sensible dans les nouvelles colonies que dans les anciennes. […] Je ne veux pas citer des livres odieux, mais qu’on s’informe des hollandois mêmes si leurs compatriotes établis dans les Indes orientales, y conservent les moeurs et les bonnes qualitez qu’ils avoient en Europe.
Et il est vrai que ce fut une bacchanale monstre, une orgie effrénée où, pour l’illustration des mœurs baptisées « fin de siècle », on voit des princesses enlever des tziganes et des têtes couronnées folâtrer avec des danseuses impubères. La France n’est pas responsable de ces mœurs. […] Ces mœurs « fin de siècle » ne sont pas à proprement les siennes. Ce sont les mœurs du Paris des boulevards, du Paris cosmopolite, mais quand même le Paris du travail s’en mêlerait provisoirement, il aurait, pour excuse de fêter la croix de la Légion d’honneur qu’il vient de recevoir36.
" il faut donc six choses pour faire une tragedie, sçavoir la fable ou l’action, les moeurs, les maximes, la diction, la melopée et l’appareil de la representation. […] Notre auteur dit encore à la fin de ce chapitre, et après avoir discouru sommairement sur la fable, les moeurs, les maximes, la diction et la melodie de la tragedie. " de ces cinq parties, celle qui fait le plus d’effet, c’est la melopée. […] " " outre ce que j’ai dit, le decorateur a ordinairement plus de part que le poëte, dans l’ordonnance de l’appareil de la scene. " ainsi l’auteur étoit chargé comme crateur, d’inventer la fable ou l’action de sa piece, de donner comme philosophe à ses personnages les moeurs et les caracteres convenables et de leur faire débiter de bonnes maximes. […] " la tragedie ne tire pas un avantage mediocre de la musique et de l’appareil de la representation, qui font tant de plaisir. " mais c’est que l’art de composer cette melodie, qui devoit regner dans toute la piece, puisqu’elle n’étoit pas moins essentielle que les moeurs, étoit un des arts musicaux.
Le duel, reste de nos anciennes mœurs gauloises et de nos mœurs chevaleresques, qui servit quelquefois à redresser de véritables torts, qui nous sauva peut-être des atroces représailles du stylet, le duel se retirera peu-à-peu devant l’institution du jury, destinée par sa nature même à redresser tous les torts envers les particuliers comme envers la société, à laver toutes les taches de l’honneur le plus susceptible. […] Or, s’il est vrai que les inconvénients dont nous venons de parler existent, et que ces inconvénients soient inhérents à nos mœurs et à nos institutions, il est vrai aussi que Dieu a retiré à la société le droit de vie et de mort : ainsi que nous l’avons remarqué plus d’une fois, Dieu ne s’explique souvent sur la société que par l’ordre social lui-même. […] Les peuples continueront de différer par les mœurs, mais ils tendront toujours à se rapprocher par les opinions.
Homme du siècle pourtant, observateur des mœurs qu’il peint ressemblantes à nous faire tour à tour peur ou pitié, littérairement il n’en est pas. […] Notre poète, au contraire, avec cette heureuse idée d’une Croisade contre les mœurs contemporaines, a fait poser devant lui une société tout entière, et l’a saisie par tous ses vices et tous ses ridicules, comme le terrible chêne saisit par les cheveux Absalon ! […] Ma Croisade ou les mœurs contemporaines (Pays, 20 juillet 1854) 8.
C’est une centaine de membres qui tiennent fortement aux mœurs antiques et surtout à la religion. […] Mackenzie cite des traits de mœurs fort touchants. […] Malheureusement, de tant de bons écrits sur l’éducation, nous n’avons emprunté que la partie systématique, et précisément celle qui, tenant aux mœurs des anciens, ne peut s’appliquer à nos mœurs. […] Avec le changement dans les principes, vient le changement dans les mœurs. […] La simplicité des mœurs pastorales ou la grandeur des mœurs héroïques veulent être chantées sur la lyre d’Homère ; la raison et la corruption des nations civilisées demandent le pinceau de Thucydide.
Sous le débordement de l’invention romantique, les principales directions du genre vont subsister : le roman individualiste va se charger de lyrisme ; le roman analytique et objectif se maintiendra cependant, et le roman de mœurs se réveillera. […] Avec les romantiques, l’intérêt passe des faits aux mœurs, à la couleur : de récit apocryphe le roman historique devient ou prétend devenir peinture exacte, évocation : c’est l’éveil du sens historique. […] Balzac, avec son génie robuste et vulgaire, est incapable de rendre les caractères et les mœurs dont la caractéristique est la délicatesse. […] Au contraire il a représenté en perfection les âmes moyennes ou vulgaires, les mœurs bourgeoises ou populaires, les choses matérielles et sensibles ; et son tempérament s’est trouvé admirablement approprié aux sujets où il semble que l’art réaliste doive toujours se confiner chez nous. […] Classique de discipline comme il était, il sort du xviiie siècle, par son horreur de l’atonie où deux cents ans de politesse et de mœurs de salon avaient réduit les âmes.
Évidemment, il y a une crise des prix littéraires, il y a des mœurs électorales, mais ça remonte à la création du monde — et même avant. […] Ces réserves faites, je demeure partisan des prix littéraires, si je considère qu’ils permettent tout de même d’aider quelques écrivains, mais je suis moins ferme en mon parti quand j’examine les mœurs qu’ils ont introduits, ou développés et exaspérés, chez certains auteurs et certains éditeurs, quand je prévois quels instruments d’injustice fatale ils peuvent devenir pour ceux qui n’en ont point obtenu. […] Par contre, il intronise, dans le bois sacré, les plus basses mœurs électorales. […] Quant à l’artiste désintéressé et qui répugne aux mœurs électorales, son compte est réglé. […] Ils sont effrayés par les nouvelles mœurs, qui amusent M.
La Dame aux camélias est un roman de mœurs modernes. […] Ils ne prétendaient à exercer sur les mœurs qu’une influence indirecte. […] Elle est issue du roman de mœurs. […] Il y a enfin vingt façons de manquer la peinture des mœurs aristocratiques. […] Ce sont ici mœurs observées à Paris et décrites dans ce qu’elles ont de parisien.
Par cette facilité de mœurs, semblables à de pauvres petits enfants trop corrigés et rendus timides, quoique d’un naturel excellent, nous prenons l’importance pour le mérite et la modestie pour insuffisance. […] Il nous dit de la sorte, d’une manière vive et qui se communique : J’ai cherché d’où j’aimais Don Quichotte et à le relire vingt fois dans ma vie, ainsi que plusieurs autres romans : c’est que j’aime les mœurs qu’ils dépeignent. Je vis avec de bonnes gens en les lisant ; dès que ce sont des romans de mœurs, les auteurs y peignent les mœurs de leur temps, et non celles du temps où vivait le héros. Ainsi (Mlle de) Scudéry, dans Cyrus, peint les mœurs et les idées des hôtels de Longueville et de Rambouillet. […] Dans Don Quichotte, je vois aussi des mœurs espagnoles du bon temps, du temps raisonnable de l’Espagne… Ainsi dans les comédies j’aime la peinture des mœurs, comme dans les estampes celle des modes.
Notre ami et voisin Nestor Roqueplan aurait là tout un spirituel chapitre de mœurs à écrire ; je ne l’entrevois que de loin et fort en raccourci. […] Lui il est peintre de mœurs ; il n’a jamais fait une figure grimaçante exagérée. […] Rien d’imité, rien de cherché ailleurs ; il nage en pleine eau, et on nage avec lui dans le courant et le torrent des mœurs du jour. […] Balzac, que je ne prétends nullement diminuer sur ce terrain des mœurs du jour, et de certaines mœurs en particulier, où il est expert et passé maître, Balzac pourtant s’emporte et manque de goût à tout moment ; il s’enivre du vin qu’il verse et ne se possède plus ; la fumée lui monte à la tête ; son cerveau se prend ; il est tout à fait complice et compère dans ce qu’il nous offre et dans ce qu’il nous peint. […] Est-ce à dire pourtant que Gavarni, maître comme il est de ses sujets et se tenant au-dessus, soit un moraliste dans un autre sens que celui de peintre de mœurs, et qu’il ait prétendu, dans la série et la succession de son œuvre, donner une leçon ?
Peindre la France, les mœurs, les âmes, la physionomie nationale, la couleur des choses, la vie et l’humanité de 1789 à 1800, — telle a été notre ambition. […] Chacune des périodes de temps, chacune des révolutions d’état et de mœurs qui constituent le siècle, depuis Louis XV jusqu’à Napoléon, a été étudiée par nous, selon notre conscience et selon nos forces. […] Elle dira ce caractère des nations, les mœurs qui commandent aux faits. […] Elle fera à la femme, cette grande actrice méconnue de l’histoire, la place que lui a faite l’humanité moderne dans le gouvernement des mœurs et de l’opinion publique. […] Nous voulons exposer les mœurs de ce temps qui n’a eu d’autres lois que ses mœurs.
on en est venu à décorer du titre de roman des œuvres sans intrigue, entièrement lyriques ou entièrement documentaires ; alors que ce genre paraît entièrement destiné à des récits d’aventures ou à des peintures de mœurs ! […] Le roman dit moderne mêle à la peinture des mœurs quelques prétentions de philosophie, d’ironie ou même de polémique. […] Parmi les plus récentes productions, ils mettent au premier rang, le Sang des Races de Louis Bertrand qui est à leur avis, la plus substantielle composition sur les mœurs algériennes. […] Il avait écrit une excellente étude des mœurs des petites villes, Les Jeux de la Préfecture. […] La liberté des mœurs de nos personnages ne pouvait être admise quai Conti.
C’est par les mœurs habituellement, c’est par le côté du cœur et des passions que Massillon entame l’auditeur et qu’il s’applique à le rattacher à la foi et à la doctrine. […] Un siècle après Massillon, les choses avaient bien changé : ce n’était plus la seule corruption des mœurs que l’orateur chrétien avait en face de lui comme ennemi principal, c’était l’incrédulité raisonnée, établie, et qui avait fait son chemin, même parmi les honnêtes gens. […] Les Sermons de Massillon ne sont pas de ces ouvrages qui s’analysent : on ne les réduit pas à plaisir, on ne coupe point à volonté dans ces beaux ensembles de mœurs traités si largement, dans ces vastes descriptions intérieures où rien de successif n’est oublié : on pourrait tout au plus en présenter des morceaux étendus et des lambeaux. […] Un nouveau règne, un nouveau siècle, en effet, venait de naître : à côté des désordres qui faisaient irruption et scandale dans les mœurs publiques, une grande espérance se faisait sentir dans tout ce qu’il y avait d’âmes restées encore honnêtes. […] [NdA] On voudra bien ne pas oublier que ces articles parurent d’abord dans Le Moniteur, le lieu le moins propre assurément à une discussion de ce genre sur les mœurs d’un prédicateur éloquent.
Appartenant à la vieille race de gentilshommes ruraux que n’avaient pas atteints la corruption de Cour et l’élégance des vices inhérents à Versailles ou même nés bien auparavant à Fontainebleau et à Chambord dès le règne de François Ier, il déplorait la perte d’un état de choses, où la grande propriété, la famille, la religion, les mœurs étaient garanties ; il avait l’imagination et le souvenir remplis des tableaux d’une vie simple, régulière, patriarcale, frugale, antique, et il demandait au Pouvoir royal restauré de rétablir de son plein gré et de toute sa force ce qu’il avait laissé perdre par sa faute, ce qu’il avait compromis et entraîné avec lui dans une ruine commune. […] Que d’autres en félicitent l’ordre actuel et y voient un puissant motif d’encouragement et un stimulant plus prompt pour l’ambition de tout homme nouveau et de tout prolétaire qui aspire à s’élever et à devenir créateur à son tour : lui, il ne peut voir dans cette incessante mobilité qu’une cause d’affaiblissement pour les mœurs, pour la fécondité des mariages, pour les bonnes traditions domestiques, pour la meilleure culture des terres, pour l’exercice des influences bienfaisantes. […] On dira que Mirabeau, il est vrai, était payé pour ne pas se fier à la justice des pères et pour compter sur leur tyrannie et leur délire ; mais où est-il ailleurs ce modèle de père de famille que l’antique Rome connaissait et subissait avec crainte, et jusqu’à la hache inclusivement ; que l’état patriarcal nous montre de loin dans sa candeur et sa blancheur plusieurs fois séculaire ; que la vénération du Moyen-Age avait retrouvé peut-être ; où est-il présentement, dans la familiarité et dans la facilité de nos mœurs, dans la promiscuité de nos habitudes ? […] D’autres font un autre genre d’objections qui couperait l’idée à sa racine, et ils disent : Quand vous accorderiez la liberté de tester au père de famille, l’égalité est si bien passée dans nos mœurs, dans notre manière de voir et de sentir, que l’immense majorité des pères n’en userait que dans le sens du droit établi et dans l’esprit de la loi actuelle ; et rien ne serait changé. […] Le Play nous parle d’une société déjà rassurée et en voie de stabilité, où il y aurait des points fixes dans les mœurs, de puissantes familles donnant le ton et faisant contre-poids aux corrompus ou aux brouillons par une série d’honnêtes gens de père en fils.
Les institutions, les lois, les mœurs n’y sont point juxtaposées comme dans un amas, par hasard ou caprice, mais liées entre elles, par convenance ou nécessité, comme dans un concert345. […] Essai sur les mœurs, chap. […] Introduction à l’Essai sur les mœurs : Des sauvages […] Remarques de l’Essai sur les mœurs : « On peut parler de ce peuple en théologie, mais il mérite peu de place en histoire. » — Entretiens entre A, B, C, 7 e entretien. […] Esprit des Lois, préface : « J’ai d’abord examiné les hommes et j’ai cru que, dans cette infinie diversité de lois et de mœurs, ils n’étaient pas uniquement conduits par leurs fantaisies.
Un des plus grands bienfaits de la démocratie, c’est la douceur des mœurs et les progrès de la sociabilité parmi les hommes. […] Si les classes les plus élevées perdent quelque chose de leur élégance, les plus basses perdent de leur grossièreté ; un esprit de cordialité et de familiarité, plus vulgaire, mais plus humain, remplace la politesse des anciens temps ; les mœurs deviennent plus douces et plus fraternelles. […] « La douceur des mœurs démocratiques est si grande que les partisans de l’aristocratie eux-mêmes s’y laissent prendre, et que, après l’avoir goûtée quelque temps, ils nesont point tentés de retourner aux formes respectueuses et froides de la famille aristocratique. […] C’est là un des caractères les plus frappants des mœurs américaines. […] Il a montré combien ces libertés sont fragiles et peu garanties par l’égalité même, lorsqu’elles ne reposent pas sur des habitudes de liberté, c’est-à-dire sur les mœurs.
Les bonnes mœurs relèvent tout et sauvent tout. Avec des mœurs et des habitudes, tout peut recommencer. […] Cet intérêt consistera dans l’étrangeté même des mœurs qui sont le fond de leurs ouvrages. […] Est-ce là ce qui s’appelle juger le théâtre contemporain et son influence sur les mœurs ? […] quelles mœurs !
Réflexions morales sur la maladie du journal I Des réflexions morales sont des réflexions sur les mœurs, et le journal est une de nos mœurs. II Toutes les mœurs naissent, croissent, imprévues et rapides : vous diriez le succès d’un paradoxe.
D’ailleurs le commerce entre la France et Constantinople est si grand, que nous connoissons bien mieux les moeurs et les usages des turcs par les relations verbales de nos amis qui ont vêcu avec eux, que nous ne connoissons ceux des grecs et des romains sur le recit d’auteurs morts, et à qui l’on ne sçauroit demander des explications quand ils sont obscurs ou trop succincts. Un poëte tragique ne sçauroit donc violer la notion generale que le monde a sur les moeurs et sur les coûtumes des nations étrangeres, sans préjudicier à la vrai-semblance de sa piece. Cependant les regles de notre théatre et les usages de notre scene tragique, qui veulent que les femmes aïent toujours beaucoup de part dans l’intrigue, et que l’amour y soit traité suivant nos manieres, empêchent que nous ne puissions nous conformer aux moeurs et aux coûtumes des nations étrangeres.
Si l’on veut rappeller les choses à leur veritable principe, c’est donc par la poesie du stile qu’il faut juger d’un poeme, plûtôt que par sa regularité et par la décence des moeurs. […] On vante le poeme du Tasse pour la décence des moeurs, pour la convenance et pour la dignité des caracteres, pour l’oeconomie du plan, en un mot pour sa regularité. Je ne dirai rien des moeurs, des caracteres, de la décence et du plan du poeme de L’Arioste.
On lui attribue une Production infame, connue sous le nom d’Aloïsia Toletana ; mais s’il est assez vraisemblable qu’il ait pu ramasser les ordures qui font la base de cet horrible Ouvrage [le plus dangereux pour les mœurs qui ait paru en aucune langue], il n’est guere croyable qu’un homme qui écrivoit si mal en François, ait été capable d’orner de toutes les graces de la belle Latinité ces Dialogues orduriers. De pareils Livres ne devroient jamais trouver des Lecteurs & encore moins des Traducteurs, & cependant, à la honte des Lettres & des mœurs, celui-ci a trouvé les uns & les autres.
L’abbé Barthélemy devait étaler l’uniformité de son vernis littéraire sur la vérité des mœurs grecques. […] En outre, à titre de religion ascétique, il condamne, non seulement les mœurs gaies et relâchées que la nouvelle philosophie tolère, mais encore les penchants naturels qu’elle autorise et les promesses de bonheur terrestre qu’elle fait briller à tous les regards. […] Quand il peint les mœurs modernes, c’est en moraliste. […] L’élégance lui déplaît, le luxe l’incommode, la politesse lui semble un mensonge, la conversation un bavardage, le bon ton une grimace, la gaieté une convention, l’esprit une parade, la science un charlatanisme, la philosophie une affectation, les mœurs une pourriture. […] Ils ne sont qu’une flatterie publique des passions régnantes. « Plus la comédie est agréable et parfaite, plus son effet est funeste », et le théâtre, même chez Molière, est une école de mauvaises mœurs, « puisqu’il excite les âmes perfides à punir, sous le nom de sottise, la candeur des honnêtes gens ».
Des fonctions honorables, l’élégance des mœurs, la fortune et les lumières rapprochaient cette classe de l’aristocratie : il était trésorier de la Chambre des comptes. […] La réaction nationale de la licence contre l’intolérance sénile et dévote de la fin du règne de Louis XIV jetait l’esprit dans le désordre des mœurs et dans l’indépendance sans limites. […] Ses œuvres sont une littérature tirée d’elle-même, des mœurs, des histoires, des passions du moyen âge. […] L’inattendu des situations, le contraste des mœurs, le pathétique de l’amour, l’éloquence de la passion et de la religion en lutte dans le drame lui valurent un de ces succès qui se prolongent à travers tout un siècle. […] Il était aristocrate d’idées comme il l’était de mœurs.
Il ne faut cependant pas croire que ses mœurs aient été aussi corrompues, que Chapelle voudroit le faire entendre, dans son Voyage du Languedoc. La plaisanterie devient un crime, quand elle attaque les mœurs jusqu’à ce point.
Ce livre important se distingue de tous ceux qui ont eu pour objet la guérison de nos maladies sociales et la réforme de nos lois ou de nos mœurs, en ce qu’il est le résultat d’une méthode et d’une observation particulières : et cette méthode est si bien le fait de M. […] C’est après avoir compulsé et conféré entre eux de pareils tableaux qu’on pourrait, ce semble, se mettre à écrire de L’Esprit des lois et des mœurs. […] À l’instant il prit la parole et fit dire par son truchement à la dame en colère qu’il était un savant venu de fort loin pour observer les mœurs, les coutumes des Bachkirs, et voir ce qu’il pourrait en rapporter d’utile pour son pays ; mais qu’il n’était nullement dans son intention de jeter le moindre trouble dans la famille et que, s’il était la cause involontaire de quelque dommage pour ses hôtes, il prétendait les en indemniser et au-delà. […] La manière dont il le raconte de vive voix est bien autrement circonstanciée et curieuse ; et en général, sur tous ces pays qu’il a vus et sur les singularités de mœurs, je ne sais rien de plus intéressant que sa conversation. […] Poussé par la force de l’induction, il revenait à regretter, à désirer de grands propriétaires, d’utiles patronages, des influences d’élite, en partie désintéressées ; il aspirait à nous rendre des mœurs, tant à la ville qu’aux champs.
L’homme I C’est un curieux caractère que celui de La Fontaine, surtout si l’on compare ses façons aux moeurs régulières, réfléchies et sérieuses des gens d’alors. […] Ils aimaient les gaudrioles, faisaient des mascarades, vidaient des quartauts, mangeaient des grillades, et n’avaient pas des moeurs exemplaires. « Les communautés d’arts et métiers, dit l’honnête Baugier quelque vingt ans après La Fontaine, « faisaient des emprunts dont la meilleure partie passait en buvettes,7 » et les particuliers allaient du même train. […] Il n’y a pas dans ces moeurs de quoi soutenir un coeur. […] On le régentait, on le sermonnait « sur ses moeurs, sur sa dépense » ; on sollicitait pour lui, on obtenait des secours du prince de Conti, du duc de Bourgogne ; on l’envoyait à Château-Thierry pour le réconcilier avec sa femme. […] En ce moment, on n’aperçoit plus sa basse condition, ses moeurs irrégulières ; bien des gens ne changeraient pas son coeur ni sa vie contre le coeur ou la vie du grand roi.
Faut-il s’étonner s’il dédaigne tout spectacle de vanité & de luxe, s’il chérit cette simplicité, vrai caractère de la grandeur, soit dans les Arts soit dans les mœurs. Qu’à-t-il besoin des mœurs factices & artificieuses de son siécle ? […] Alors les mœurs prennent l’empreinte de ces occupations douces & utiles. Tandis que l’ennemi des beaux Arts sur le déclin de ses années, à charge à lui-même & aux autres, éprouvera un vuide affreux, n’envisageant que le spectre de l’ennui, & les ombres horribles de la mort : l’homme éclairé jouira du spectacle de sa vie passée ; il aura sçû apprécier, ce que vaut l’existence, & fort par sa pensée, il ne redoutera point l’instant inévitable qui doit terminer sa carrière : ainsi le généreux Fénélon, qui montra à l’Univers le caractère rare & sacré d’une ame remplie à la fois d’une extrême vertu & d’une extrême douceur, ne perdit point dans les Cours la simplicité de ses mœurs, & conserva dans son exil cette égalité d’ame que rien ne pût corrompre. […] Distingués du reste des mortels par vos lumières, montez votre ame au ton de votre génie, il en sera plus grand, plus fier, plus sublime, plus cher à la Nation, à l’humanité, & la foule envieuse ne saisira plus le prétexte de vous refuser son hommage pour exercer le triste droit de calomnier vos mœurs, & vous mépriserez les sourds complots du Fanatisme, & de l’ignorance, & affermis sur la colomne inébranlable de la probité jointe à l’honneur, vous verrez vos ennemis réduits à garder un silence qui fera leur supplice & leur honte.
Il serait difficile peut-être de concevoir comment les mœurs de la capitale seraient revenues de leur débordement, lorsque le désordre de la cour avait passé toutes les bornes. Mais l’excès de ce désordre même avait concouru à en amener le terme, et la société polie avait marqué le moment d’une réforme, pour les mœurs générales comme pour celles de la cour et du monarque même, dont l’exemple leur était si funeste. […] En 1670, son histoire et celle de la bonne compagnie se confondent avec l’histoire des mœurs de la cour et celle du roi lui-même. Il est, ce me semble, curieux de savoir comment l’autorité de la société polie, la considération qu’elle donnait aux personnes qu’elle distinguait, celle qu’elle en recevait, celle qu’y sut acquérir madame de Maintenon, parvinrent, à l’aide des agréments personnels et par la conversation de cette femme célèbre, à opérer un changement total dans les mœurs de la cour ; changement qui eut été trop heureux si l’ambition des ministres n’eut jeté l’esprit du roi dans une extrémité opposée ; je veux dire dans l’aveugle dévotion. […] Le duc de Saint-Simon, dans sa juste animadversion pour l’injure que fit aux pairs, aux princes, à la nation entière, à son droit public, à ses mœurs, l’élévation du duc du Maine, fruit d’un double adultère, mais devenu digne d’une haute destinée par les soins de madame de Maintenon ; le duc de Saint-Simon, dis-je, comparant la naissance du duc du Maine avec les honneurs démesurés dont cet enfant fut comblé, se laissa aller au plus cruel et au plus injuste mépris pour madame de Maintenon, à qui le jeune prince devait le mérite précoce et distingué qui avait favorisé son élévation.
C’étaient mêmes idées, mêmes principes, mêmes habitudes ; dans toutes une vie régulière et décente, des mœurs chastes, un esprit orné, une raison cultivée, également opposée aux mœurs de la cour, à la pédanterie des précieuses outrées, et à la dévotion feinte ou réelle qui était le refuge de la galanterie repentante ou répudiée. […] Ce fut un témoignage de l’honnêteté de mœurs, de la sagesse d’esprit, de la pureté de principes et de goût qui régnaient dans cette société, de la considération qu’y avait acquise madame Scarron, et du fonds de raison qui caractérisait Louis XIV. Ici se place une observation essentielle : c’est qu’en 1669, quand le roi autorisa de premières démarches pour engager madame Scarron à se charger de ses enfants naturels, aucune apparence de dévotion ne se rencontrait dans la société qu’elle fréquentait ; et j’ajoute qu’aucune apparence de dévotion n’avait atteint ni le roi, ni madame Scarron ; de sorte que la gloire de sa désignation appartient tout entière à l’honnêteté des mœurs et à la bonne compagnie. […] Madame Scarron n’était pas plus hypocrite quand elle invoquait la religion au secours de l’honnêteté de ses mœurs que Bossuet n’était un charlatan et un mondain, quand, plus tard, voulant ramener le roi à la soumission aux lois de l’Église, il invoquait, en faveur de la foi conjugale violée parce prince, les lois de l’honneur elles intérêts de la gloire qu’il s’était acquise.
Les attaques qu’il dirige contre ses adversaires sont, il est vrai, plus mordantes, mais aussi moins scandaleuses, et à part le seul La Fontaine, qu’il accuse de tirer profit des galanteries de sa femme, il est rare qu’il les poursuive dans le secret de la vie privée. « Je n’ai fait, dit-il, aucun reproche à mes parties qui regardât les mœurs ; je ne les accuse pas d’être faussaires, adultères, ni malhonnêtes gens…5 », quoique (ajoute-t-il) ce ne soit pas faute de matière, ni de preuves. […] Machiavel, dont le Traité du Prince peut passer pour un pamphlet contre la corruption des mœurs de son temps, et dont les comédies sont à coup sûr des satires du genre le plus vif, après avoir subi deux fois l’exil et la torture, meurt victime d’une méprise, pour s’être trompé sur la dose du médicament destiné à le soulager. […] Jamais la bourgeoisie, ses mœurs et ses habitudes, n’avoient été jusque alors l’objet d’une analyse aussi studieuse, aussi détaillée, que celle que leur consacre Furetière dans son roman. […] Non, quand même nous ne saurions pas que Vollichon est le procureur Rollet, que Charroselles est Charles Sorel, et la plaideuse Collantine Mme de Cressé, le roman de Furetière n’en serait pas pour cela dépourvu de charme et d’intérêt ; il y resterait, indépendamment du mérite aléatoire de sa caricature, l’observation des mœurs intimes d’une époque importante et curieuse comme toute époque de transition ; il resterait la lutte du vieil esprit frondeur, égoïste et sournois des corporations, avec les mœurs d’une société plus polie et plus cordiale ; il resterait la fusion de l’élément bourgeois et de la noblesse, s’effectuant par l’ambition de l’une et par la corruption de l’autre ; il resterait enfin de précieux enseignements pour l’histoire judiciaire et pour l’histoire littéraire, au moment où, en raison de révolutions inattendues, le métier d’hommes de lettres, le métier d’avocat, allaient monter au premier rang des fonctions sociales.
Quoiqu’il fût ennemi d’un vain faste, il voulait que les mœurs républicaines fussent environnées de quelque dignité. […] Les mœurs étaient pures. […] Antiquité de mœurs. […] Ces mœurs-là sont plus vieilles encore que les mœurs homériques, parce qu’elles sont plus simples : elles ont aussi un calme et une gravité qui manquent aux premières. […] Alors, dans d’autres professions, se trouvaient des mœurs plus simples encore et non moins recommandables.
L’histoire d’une société, c’est-à-dire l’histoire des idées, des sentiments et des influences, qui font les mœurs et qui les changent, et, pour tout exprimer avec le seul mot qui convienne : l’histoire de l’Histoire ! […] Et pourtant ces deux jeunes gens, qui n’ont pas craint de se mesurer avec un sujet formidable et de s’adonner au seul genre d’histoire, l’histoire des mœurs, que Malebranche ne méprisait pas, ces deux jeunes gens, de si bonne volonté et de tant de courage, ne manquent, croyez-le bien ! […] qui ont commencé de populariser cette idée, dont tant d’esprits sont férus encore, que Paris, au point de vue politique aussi bien qu’au point de vue de l’esprit, des mœurs, du langage, des manières, est toute la France ! […] Les mœurs nouvelles et les passions de ce peuple qui renversait ses coutumes, les engoûments, les soulèvements, les déchirements et les résistances de l’opinion, à cette époque de bouleversement suprême, ils ont pensé, avec raison, que toutes ces choses sombres et terribles entraient dans le programme de leur histoire.
En 1610, pendant que la société de Rambouillet prenait un heureux essor, la publication du ier volume d’un roman nouveau fit événement dans le monde, et concourut puissamment à déterminer le changement de mœurs qu’amenait le cours des choses, en dirigeant les esprits vers un nouveau genre de la galanterie tout opposé à celui qui régnait en France, depuis François Ier. C’est ainsi que, de nos jours, quand le retour de l’ancienne maison de France imposa l’obligation de renier, de détester tout le passé, quand ce n’était pas assez de le mettre en oubli, qu’il fallait en avoir horreur, les romans de Walter Scott, où étaient peintes des mœurs inconnues, acquirent en France une vogue inouïe et contribuèrent au grand changement qui s’opéra alors dans les idées et dans la littérature. […] Les gens de lettres doivent bien se persuader que la littérature de tous les temps reçoit des directions inévitables des mœurs régnantes dans la nation, et que c’est une des lois du mouvement en politique et en morale, d’amener à la suite d’une longue période de dissolution, une période de réserve affectée et de pruderie.
Il croyoit l’usage de la discipline établi chez eux très-contraire aux bonnes mœurs. […] Mais d’autres temps, d’autres mœurs. […] On rapporte également de Sanchès qu’il étoit d’une innocence de mœurs exemplaire.
— Il y en aura ; mais je veux qu’on y regarde de près pour l’apercevoir. » « Il faut que la vie du sage soit un mélange de bonnes mœurs et de mœurs publiques… » Qu’en pense Diogène ? […] Au temps de la plus grande dépravation des mœurs. […] Quelles mœurs, quelles effroyables mœurs que celles des Romains ! […] L’amour de l’étude est toujours un préjugé favorable aux mœurs. […] Il a de fort belles pensées, et il en a en grand nombre ; beaucoup qui tiennent aux mœurs, et qu’il faut méditer.
Il veut que les mœurs soient nobles et invariables en chaque personnage, toujours pareil à lui-même, ou également inégal, suivant son caractère donné. […] Les mœurs des divinités agrestes, et des bergers fabuleux, prendraient une grâce parfaite sous une plume délicate. […] Elle tire de la peinture des mœurs les circonstances qui déterminent les faits. […] Les habitudes, les mœurs, les lois particulières, mieux connues par les auteurs et par les spectateurs, ajoutent à l’intérêt de l’objet représenté. […] Ce sont des mœurs et des coutumes toutes différentes.
Ils désapprouvaient dans le style l’austérité qui annonce des mœurs difficiles, âpres, tristes ou sévères. […] C’est quand il revient à parler des mœurs et des arts, de l’Antiquité et du siècle, de la poésie et de la critique, du style et du goût, c’est sur tous ces sujets qu’il nous plaît et nous charme, qu’il nous paraît avoir ajouté une part notable et neuve au trésor de ses devanciers les plus excellents. […] Si, sur toutes sortes de sujets, nous voulions écrire aujourd’hui comme on écrivait du temps de Louis XIV, nous n’aurions point de vérité dans le style, car nous n’avons plus les mêmes humeurs, les mêmes opinions, les mêmes mœurs… Une femme qui voudrait écrire comme Mme de Sévigné serait ridicule, parce qu’elle n’est pas Mme de Sévigné. Plus le genre dans lequel on écrit tient au caractère de l’homme, aux mœurs du temps, plus le style doit s’écarter de celui des écrivains qui n’ont été modèles que pour avoir excellé à montrer, dans leurs ouvrages, ou les mœurs de leur époque ou leur propre caractère. Le bon goût lui-même, en ce cas, permet qu’on s’écarte du meilleur goût, car le goût change avec les mœurs, même le bon goût.
Les Essais historiques sur Paris offrent un tableau varié des Mœurs Françoises, depuis Clovis jusqu'à Henri IV. […] Si les Tragédies répondent à nos Romans héroïques, les Comédies, comme celles du Tartuffe & de l'Avare, à nos Romans d'intrigue & de caractere ; les Pieces de M. de Saint-Foix sont propres à nous retracer l'idée de ces jolis Contes de Fées, qui, sous d'agréables images, représentent dans le lointain la peinture de nos mœurs.
Les conventions y prennent la place des réalités ; les mœurs y deviennent factices et faibles. […] Les vaincus furent opprimés, mais ils n’eurent point à humilier leur mollesse devant les mœurs brutales de leurs maîtres ; les vainqueurs ne furent pas contraints de subir peu à peu l’empire des mœurs plus savantes de leurs nouveaux sujets. […] Quelles étaient donc les mœurs de ce peuple si avide de tels amusements ? […] Ainsi les mœurs publiques appelaient la poésie ; ainsi la poésie naissait des mœurs publiques et s’unissait à tous les intérêts, à toute l’existence de cette population accoutumée à vivre, à agir, à prospérer et à se réjouir en commun. […] Le goût ne se montrait pas plus difficile que les mœurs.
Mais il y a cette différence profonde à noter, qu’en France, depuis 89, la liberté de conscience, la tolérance et, si l’on veut, l’indifférence religieuse ont toujours passé de plus en plus dans les mœurs. […] A ne prendre que l’empire, qui semble avoir été si hostile à la liberté, ç’a été le temps où, à l’abri d’un pouvoir fort, l’égalité civile a le plus profondément pénétré dans nos mœurs, où la tolérance religieuse a jeté le plus de fondements dans la société, où, les habitudes et le génie militaire circulant dans tous les rangs de la nation, nous avons appris ce qui nous garantira d’ici à un long temps de la dictature prétorienne ; sans Austerlitz, Wagram et dix ans de conquêtes à travers l’Europe, qui sait si le peuple de Paris eût vaincu la garde royale en trois jours ? […] On se fit, sous la Charte, aux mœurs politiques et à la pratique constitutionnelle, qui n’avaient jamais été possibles auparavant, même sous le Directoire, à cause des réactions violentes et des souvenirs trop animés.
Études de mœurs au xixe siècle. — La Femme supérieure, La Maison Nucingen, La Torpille. […] Grâce à cette multitude de biographies secondaires qui se prolongent, reviennent et s’entrecroisent sans cesse, la série des Études de Mœurs de M. de Balzac finit par ressembler à l’inextricable lacis des corridors dans certaines mines ou catacombes. […] Des mœurs telles qu’elles ressortent de ces prétendues peintures du jour, sont-elles réelles ?
V De telles idées (comme il arrive toujours, du reste) n’étaient en Rousseau que le reflet de ses antécédents et de ses mœurs. Dans l’homme le plus fort, et Rousseau était le plus faible, le génie n’est jamais que le vassal des mœurs. Et si sublime qu’il soit, ce génie, les mœurs ne manquent jamais de lui passer au cou ce collier de cuivre que Walter Scott met au cou de Gurth, le gardeur de pourceaux.
lui supprimerait ces chers paysans, dont il raffole et qu’il peint dans toutes les magnificences agrestes, frustes et même brutales de leurs vieilles mœurs. […] Comme Antée, il faut qu’il ait sous les pieds ce morceau de terre sacrée pour être fort… Malgré son talent herculéen de peintre, Cladel perdrait la moitié de sa palette s’il ne peignait pas son pays, ou si ce pays perdait lui-même ses mœurs, ses saveurs séculaires, sa puissante originalité. […] Dans ce livre encore, le libre penseur est épris des mœurs que le Catholicisme a faites.
Est-ce indifférence pour ce gros à peu près d’observation qu’on appelle l’étude de mœurs ? […] De là au travail d’étudier leurs mœurs il n’y a qu’un pas. […] Le drame, l’étymologie l’indique, c’est de l’action, et l’action n’est jamais un très bon signe des mœurs. […] Dans ce premier cas, il demandera aux mœurs nouvelles qu’il étudiera d’être plus simples que les mœurs nationales. […] Le roman d’analyse a pour écueil l’abstraction, le roman de mœurs aboutit trop aisément à l’absence de pensée.
Ses Romans en effet n’ont point pour le but d’occuper l’oisiveté, de repaître l’imagination, encore moins celui d’égarer l’esprit & de corrompre les mœurs. […] Un peu plus de noblesse & moins de prolixité dans le langage, rendroient ce Roman irréprochable aux yeux de la critique, comme il l’est aux yeux des mœurs & de la raison.
Capus dans le roman de mœurs, M. […] Hervieu ne présentait guère, avec les fonds de tableaux indispensables, que la liaison d’un clubman et d’une jolie femme, qu’un vif tableau de mœurs surmenées, adultère, avortement, ruine et revolver. […] Simultanément qu’un roman de mœurs et de caractères, L’Armature est un roman social. […] Pour l’exactitude aisée de ses peintures, Alfred Capus est notre premier annotateur de mœurs, et, autant que d’un siècle au suivant on peut comparer, pas inférieur au glorieux Lesage.
Il fallait une femme qui fût peintre idolâtre de la mode et peintre moqueur de nos mœurs. […] Pourquoi, dans cette fleur de la mode, si vite effeuillée, ne ferait-on pas voir quelques-unes des mœurs qui doivent lui survivre ? La mode ce sont des mœurs qui fuient ; les mœurs, ce sont des modes qui doivent rester !
Mais un tel piédestal ne le grandit pas, car le xviiie siècle, qui n’a point de morale, ne peut avoir de moraliste, et Chamfort, l’enfant naturel d’un siècle sans mœurs, ne fut jamais, ne nous y trompons pas ! […] Le conseil que nous avons donné à tout bâtard, qui, ne pouvant être un descendant, peut du moins devenir un ancêtre, — en fuyant les mœurs dont il est la première victime, — n’a point révolté leur intelligente fierté. […] Dieu, qui connaît les mystères des cœurs mieux que personne, a flétri nos tristes mœurs dans leurs tristes fruits, pour nous les interdire, au nom même de nos entrailles, en nous rendant responsables des calamités que nous amassons sur la tête de nos enfants. […] Nous ne voulions pas nous pencher, pour le plaisir d’y regarder, sur le gouffre des mauvaises mœurs dont ils sont sortis.
L’auraient-ils cru eux-mêmes, quand ils écrivaient le livre que voici, ces distingués, ces aristocrates de talent, ces élégants, ces admirateurs des élégances pomponnées du xviiie siècle, le plus artificiel des siècles, le plus recherché et le plus quintessencié dans ses mœurs et dans ses arts, et dont le Diogène fut Rousseau, qui eut la prétention de le ramener à la nature ? […] Car tel a été le point de départ d’Edmond et Jules de Goncourt : — le xviiie siècle et son histoire… Et non pas sa grande histoire, l’histoire de ses faits et gestes politiques, littéraires et sociaux, mais la petite histoire de sa petite société, de ses petites mœurs, de ses petites passions, de ses petits arts, à tout ce petit monde qui n’eut de grand que sa corruption. […] C’était moins neuf, ceci, que l’histoire par l’art et toutes ses manifestations ; car on ne pouvait tirer d’une autre source que de celle-là l’histoire des mœurs d’une société morte et qu’on n’a pas observée soi-même sur le vif. L’histoire de la Femme au xviiie siècle, qui est très complexe, — qui, socialement, n’est pas la femme égalitaire simplifiée du xixe , mais qui se scindait en plusieurs classes, qui était timbrée de plusieurs estampilles : titrée et à la cour, bourgeoise et à Paris, — cette femme différait de société, de salon, de langage, de mœurs et de ton.
Il songea d’abord à visiter les nations et à étudier sur place leurs mœurs et leurs lois. […] « J’ai d’abord examiné les hommes, et j’ai cru que dans cette infinie diversité de lois et de mœurs, ils n’étaient pas uniquement conduits par leurs fantaisies. […] Il prit les mœurs des Perses, pour ne point désoler les Perses, en leur faisant prendre les mœurs des Grecs. […] Les influences des lois et leurs causes sont dans les mœurs, dans les habitudes, dans les territoires, dans les terres, dans les mers, dans les circonstances, dans les religions, dans les ambitions, dans les grands hommes des peuples qui les communiquent à leurs nationaux et à leur temps. […] Les circonstances, les mœurs, le temps sont la mesure des vérités pratiques.
D’ailleurs, un goût de vérité général s’est répandu ; moins il y en a dans nos mœurs, plus on en exige dans les écrits. […] Mais la même raison qui a dû faire tomber tous ces genres d’éloges déclames ou chantés, écrits ou parlés, ou ridicules ou ennuyeux, ou vils ou du moins très inutiles à tout le monde, excepté à celui à qui on les paie, a dû au contraire accréditer les panégyriques des grands hommes qu’on peut louer sans honte, parce qu’on les loue sans intérêt, et qui, dans des temps plus heureux, ayant servi l’humanité et l’État, offrent de grandes vertus à nos mœurs, ou de grands talents à notre faiblesse. […] Mais si un peuple a des mœurs frivoles et légères ; si, au lieu de cette sensibilité profonde qui arrête l’âme et la fixe sur les objets, il n’a qu’une espèce d’inquiétude active qui se répande sur tout sans s’attacher à rien ; si, à force d’être sociable, il devient tous les jours moins sensible ; si tous les caractères originaux disparaissent pour prendre une teinte uniforme et de convention ; si le besoin de plaire, la crainte d’offenser, et cette existence d’opinion qui aujourd’hui est presque la seule, étouffe ou réprime tous les mouvements de l’âme ; si on n’ose ni aimer, ni haïr, ni admirer, ni s’indigner d’après son cœur ; si chacun par devoir est élégant, poli et glacé ; si les femmes même perdent tous les jours de leur véritable empire ; si, à cette sensibilité ardente et généreuse qu’elles ont droit d’inspirer, on substitue un sentiment vil et faible ; si les événements heureux ou malheureux ne sont qu’un objet de conversation, et jamais de sentiment ; si le vide des grands intérêts rétrécit l’âme, et l’accoutume à donner un grand prix aux petites choses, que deviendra l’éloquence chez un pareil peuple ? […] Qu’il ne consulte ni un particulier ni une ville, ni même une nation et un siècle, dont les mœurs et les idées changent, mais la nature de tous les pays et de tous les temps, qui ne change pas. […] La flatterie, dans tous les siècles, l’a bannie des cours ; la mollesse de nos mœurs la bannit de nos sociétés ; l’effroi la repousse de nos cœurs quand elle y veut descendre.
Il a su, par-dessus toutes choses, peindre ces passions tempérées, ces inclinations douces, ces goûts sensibles, cette charmante ingénuité, ces petites inquiétudes, qui caractérisent les mœurs des Bergers. […] Ségrais a évité cet écueil ; les idées, les sentimens, les expressions de ses Bergers sont analogues à l'ingénuité de leurs mœurs ; ils sont tendres, naïfs, & non Métaphysiciens.
Il conservera à chaque personnage les marques de son individualité singulière, à chaque époque, à chaque pays les traits de leurs mœurs locales. […] Pour la couleur locale, le poète détendra la raideur de l’action : il y coulera des scènes désintéressées de contemplation, des tableaux de mœurs sans autre but qu’eux-mêmes, comme l’étonnante conversation littéraire du temps de Louis XIII que nous inflige Hugo dans Marion de Lorme. […] Les bizarres romans qu’il imagine pour corser son intrigue, les fantastiques passions dont il enfle ses caractères, sont presque toujours en complet désaccord avec les mœurs des temps où il localise son drame. […] Lorsqu’il veut peindre les mœurs, et faire la satire des vices de son temps, il est superficiel, étriqué, vulgaire, parfois puéril. […] Il est plus maigre, plus plat, plus superficiel que Picard dans la comédie de mœurs : rien de plus enfantin que cette Camaraderie, où ce favori de la bourgeoisie a voulu flageller les mœurs de son public, que ce Bertrand et Raton, où il a cru tirer la philosophie des révolutions.
Le livre est très-intéressant, comme peinture de mœurs. […] Il décrit à merveille le pays, les habitants, les mœurs, les ridicules : les petites histoires galantes et romanesques, même les petites historiettes un peu gaies y sont racontées avec complaisance et politesse.
Ce sont les fabliaux ou lais, dont les sujets étaient tirés des mœurs du temps, la plupart graveleux, et mêlés de traits malins contre les puissances. […] Les meilleurs sont tirés du fonds même de l’esprit français, de ce qui n’a pas changé dans les mœurs et le caractère de la nation. […] Leurs sujets, tous de mœurs et de caractères différents sont Désir, Çomfort, Bon-Conseil, Trahison, Désespoir, Détresse, Souci. […] Les mœurs galantes de l’époque y disposaient d’ailleurs et l’amour-propre y trouvait son compte. […] Il avait réuni autour de lui, à Blois, quelques poëtes qui formaient une académie de beaux esprits à l’imitation des moeurs littéraires de l’Italie.
La force et l’originalité avec lesquelles il a peint des mœurs barbares, prouvent qu’il partageait les passions de ses héros. Un philosophe n’aurait pu, ni voulu peindre si naïvement de telles mœurs.
quel changement des mœurs, ou du goût public, ou de l’idéal du drame et de la tragédie ? […] ou comédie de mœurs ? […] Le Menteur n’est pas non plus une comédie de mœurs, quoique d’ailleurs il soit bien de son temps et qu’il en porte nécessairement la marque. […] Si cependant c’est en cela que consiste à vrai dire la comédie de mœurs, dans la satire plus ou moins âpre des ridicules d’un âge, d’une profession, ou d’un travers général d’esprit, le Menteur n’est pas une comédie de mœurs. […] Ai-je besoin d’ajouter que l’influence de Molière n’a pas d’autre part empêché le temps de couler, les modes ou les mœurs de changer, les costumes et les goûts avec elles, la facilité des mœurs de la Régence de succéder à l’austérité des dernières années de Louis XIV, le duc d’Orléans à son oncle, Mme de Parabère à Mme de Maintenon, les bals de l’Opéra aux sermons de Bourdaloue.
Mais cette union est contrariée par l’usage et les mœurs, qui la déclarent incestueuse : qu’importe ? […] un homme célèbre par ses talents, ses mœurs, sa famille, ses dignités, ses liaisons ! […] J’ignore votre âge ; je n’ai aucune répugnance à vous accorder des mœurs pures. […] Comme, en prêchant contre la licence des mœurs, il composa un roman licencieux. […] La conduite des uns fait l’apologie, celle des autres la satire des mœurs du souverain.
Voltaire met sans cesse en opposition ce qui devrait être et ce qui était, la pédanterie des formes et la frivolité des esprits, l’austérité des dogmes religieux et les mœurs faciles de ceux qui les enseignaient, l’ignorance des grands et leur pouvoir. […] Néanmoins elle est modifiée, comme toutes les productions de l’esprit humain, par les institutions sociales et les mœurs qui en dépendent. […] Plus les mœurs de France sont dépravées maintenant, plus on est près d’être lassé du vice, d’être irrité contre les interminables malheurs attachés à l’immoralité. […] Pour réussir par les ouvrages d’imagination, il faut peut-être présenter une morale facile au milieu des mœurs sévères ; mais au milieu des mœurs corrompues, le tableau d’une morale austère est le seul qu’il faille constamment offrir. […] Mais les romans qui peignent les mœurs et les caractères, vous en apprennent souvent plus sur le cœur humain que l’histoire même.
Il n’y a pas de livre qui nous peigne mieux le xviiie siècle, la société d’alors et les mœurs, que les Mémoires de Mme d’Épinay. […] Ce qui reste, c’est l’ensemble des mœurs, c’est le fond du tableau, et rien ne paraît plus vrai ni plus vivant. […] À ce titre, Mme d’Épinay, en ne voulant écrire qu’un roman, s’est trouvée être le chroniqueur authentique des mœurs de son siècle. […] Francueil se refroidit, ou plutôt il se dérange ; il court les soupers, il s’enivre tout de bon, il n’est plus aussi exact ni attentif auprès de son amie : les mauvaises mœurs du temps l’ont gagné. […] Aujourd’hui je n’ai voulu qu’insister sur des mémoires curieux et presque naïfs d’une époque raffinée, sur un monument singulier des mœurs d’un siècle, et aussi rappeler l’attention sur une femme dont on peut dire, à sa louange, que, dans tous ses défauts comme dans ses qualités, elle fut et resta toujours vraiment femme, ce qui devient rare.
M. de Bonald échappa entièrement par ses mœurs à la corruption du xviiie siècle : il échappa non pas seulement à ce qui corrompt, mais aussi peut-être à ce qui adoucit. […] Dans un chapitre intitulé « Des gens de lettres », il saisit très finement les qualités distinctives de cette nouvelle espèce, née ou développée seulement au xviiie siècle ; il dénonce les inconvénients d’un pareil corps vaguement introduit dans l’État et y devenant une puissance ; il essaie de la restreindre et d’assigner les termes dans lesquels il conviendrait, selon lui, de renfermer toute discussion littéraire, soit par rapport à la religion, soit par rapport aux mœurs. […] Qu’un tel régime de littérature spartiate ou romaine, comme le pourrait régler un Caton l’Ancien, soit souhaitable ou regrettable, je n’examine pas cette question, qui n’est autre que l’éternelle querelle entre les vieilles mœurs et le génie des arts ou de la pensée ; mais est-ce possible dans l’état actuel et prochain de la société, et sur les pentes nouvelles où se précipite le monde ? […] Vous avez fait de la France la grande nation par ses exploits, faites-en la bonne nation par ses mœurs et par ses lois. […] Il a, sur la corruption du goût et sur les rapports du talent et des mœurs, des conseils sobres et sains, qui rappellent Vauvenargues : Le beau en tout est toujours sévère.
On a cessé de mépriser les époques primitives, de préférer les ornements du goût aux audaces du génie, de repousser le familier et le naïf, de trouver ridicules les mœurs et les goûts qui ne sont pas les nôtres. […] Ce n’est pas à dire que les vérités scientifiques ne puissent entrer dans la littérature, mais c’est à la condition qu’elles se mêlent à des vérités humaines et qu’elles touchent à l’homme par quelques côtés, soit en lui exposant l’histoire de la terre, son domicile et son séjour, soit en lui décrivant le spectacle des astres, symbole et image du monde invisible dont son âme ressent l’éternel besoin, soit en lui peignant les mœurs des animaux, qui sont une image des mœurs humaines. […] Nisard : les unes qu’il appelle simples ou philosophiques, par exemple la peinture des mœurs, des sentiments et des passions ; les autres qu’il appelle morales, et qui sont des vérités de commandement.
Oui, j’en suis persuadé, la résistance à la révolution n’a commencé que lorsqu’on a voulu aller au-delà de ce qui était dans les mœurs, dans l’état des lumières, dans nos besoins réels. […] Il en est résulté que nos mœurs sont restées en arrière de nos opinions, malheur profond qui pèsera sur nous tant que l’harmonie entre ces deux grandes facultés sociales ne sera pas rétablie, ou, du moins, tant qu’il ne sera pas reconnu qu’elles doivent désormais marcher sur deux lignes distinctes et séparées. En même temps que nos opinions étaient entraînées vers la démocratie, nos mœurs s’attachaient avec plus de force aux bienséances de l’aristocratie et à tous les goûts monarchiques : cette désharmonie, que bientôt nous aurons occasion d’examiner avec quelque détail, et qui subsiste toujours, nous fournira peut-être d’utiles aperçus. […] Les deux grandes puissances qu’il faut concilier avant tout, ou isoler entièrement l’une de l’autre, ce sont les mœurs et les opinions.
Dans la débâcle de nos mœurs et de notre littérature, dans la confusion, enragée et voulue, des deux sexes, au sein d’une société, folle d’égalité et d’instruction obligatoire, qui fait de ses jeunes filles des bachelières et des licenciées (pour procéder plus tard à d’autres licences !) […] Placée par son mariage pour bien observer, elle n’a rien observé du tout… Dans ses Ménages militaires, on cherche la vie militaire, les choses militaires, les mœurs militaires. […] Rien de ces romans n’est dans la passion sincère, dans la vérité du caractère et des mœurs. […] Le scandale de ses mœurs a ravi les jeunes feuilletonistes du temps où elle débuta.
Il avait versé de l’eau dans ce vin de feu… Il avait glissé sur les mœurs de ce peuple si fièrement sérieux et si sombrement grave, avec la petite rose de la gaîté française à la bouche. […] Aux ignorants des choses espagnoles, à ceux-là qui n’avaient pas étudié les mœurs de l’Espagne chez elle, Le Diable boiteux et Gil Blas apportèrent la sensation d’une société nouvelle, et le terrible piment espagnol qui aurait emporté la bouche et qui pouvait se mêler à cette sensation, Le Sage eut la prudence de s’en abstenir. Il n’y avait là que de l’à-peu-près historique, mais cela suffit aux imaginations débiles, des mœurs à fleur d’épiderme, mais sur lesquelles on n’était pas blasé. […] Le feuilleton, dans nos mœurs littéraires, est le vestibule forcé du livre.
La seule situation énergique que nous ayons vue depuis vingt ans, la scène du paravent, dans le Tartufe de mœurs, nous la devons au théâtre anglais. […] De mémoire d’historien, jamais peuple n’a éprouvé, dans ses mœurs et dans ses plaisirs, de changement plus rapide et plus total que celui de 1780 à 1823 ; et l’on veut nous donner toujours la même littérature ! […] Schiller a copié Shakspeare et sa rhétorique ; il n’a pas eu l’esprit de donner à ses compatriotes la tragédie réclamée par leurs mœurs.
« La justesse & la lumiere de l’esprit influent nécessairement sur les mœurs, puisque c’est de ces deux perfections que naissent l’ordre & l’appréciation des idées. Lorsqu’on essaiera de se former l’idée la plus complette de ce qu’on nomme l’Esprit, cette idée rassemblera nécessairement la lumiere qui éclaire, la justesse qui dirige, & la raison qui compare, juge & choisit… « Je ne peux ni ne dois vous cacher, que les mœurs de nos jours ont assez dégénéré de l’ancienne candeur de cette Chevalerie, pour que la fausseté, la perfidie même, déguisées sous le nom de finesse, ne soient presque plus régardées que comme l’art de se conduire. […] Trop de facilité dans les mœurs que vous porteriez dans la Société, finiroit peut-être par les corrompre : trop de misanthropie finiroit sûrement par vous nuire.
Car il faut reconnaître que la conscience individuelle est toujours pour une bonne part le reflet des mœurs et des opinions de son milieu, même quand elle est en réaction contre ces opinions et ces mœurs.
La Comédie du Persifleur mériteroit aussi des reproches du côté de l'intrigue & de l'action ; mais la finesse avec laquelle l'Auteur a saisi ce caractere si délié dans ses nuances, l'agrément des détails, la gaieté & la vérité des tableaux, la peinture des travers de nos mœurs, & surtout l'aisance de la versification, lui obtiendront grace aux yeux des connoisseurs, & justifieront le succès dont cette Piece a joui. […] Ce Roman, écrit dans le style & selon les mœurs des Siecles de franchise & de naïveté, est un chef-d'œuvre dans son genre.
Les premiers voulaient que le gouvernement découlât des mœurs ; les seconds, que les mœurs dérivassent du gouvernement.
Il s’effondra vite, parce qu’il eut le tort de borner toute son esthétique à la description exacte et méticuleuse des milieux et des mœurs, et parce que, comme on l’a dit, « à force de ne voir partout que des faits, on avait oublié les idées ». […] Ils ont prétendu, de plus, montrer en eux l’action des forces sociales et nous faire surprendre les transformations que le travail des idées et que les vicissitudes des mœurs ont opérées dans la vie d’un peuple ou dans l’histoire d’une race. […] Les études de caractère y sont pénétrantes, les tableaux de mœurs impressionnants et justes. […] Mademoiselle Cloque, la Becquée, l’Enfant à la balustrade, le Bel avenir, ont apporté dans le roman moderne de mœurs provinciales une note très neuve. […] Boylesve atteignit pleinement son « genre » et son originalité : le roman des mœurs de province, qu’il a voulu rajeunir, renouveler, électriser, dirais-je volontiers, par une intense préoccupation d’art, par une ciselure verbale minutieuse et par un grand fonds d’indulgente bonhomie.
L’auteur a pris la place de notre conscience, et le roman, transformé par la réflexion, devient une école de mœurs. […] » Ce sont là des scènes de comédie, et non des peintures de mœurs. […] Comme Rousseau, il a loué les mœurs simples et affectueuses ; comme Rousseau, il hait la distinction des rangs. […] Sa curiosité d’artiste trouve un aliment dans les moindres traits de caractère et de mœurs. […] Cette puissante réflexion a décomposé et reproduit les mœurs du temps avec une fidélité étonnante.
La grande manufacture d’horlogerie avait alors son centre dans cette Suisse, où la vie pastorale s’unit depuis le moyen âge à la vie industrielle, lui conservant les mœurs pures, tout en accroissant la modeste richesse des familles. […] Ces ordures des Confessions n’offensent pas moins le goût que les mœurs. […] Quelle excuse peut alléguer un peintre de mœurs qui croit tout faire adorer de lui, jusqu’à ses immondices ? […] Il n’en souille pas moins ses mœurs et son union conjugale avec Thérèse dans des orgies d’abjecte débauche avec ses amis. […] Devenue veuve, elle avait épousé un de ses anciens adorateurs, le duc de Luxembourg, illustre par son nom, insignifiant par son esprit, respectable par ses mœurs.
Plusieurs écrivains ont avancé que la religion chrétienne était la cause de la dégradation des lettres et de la philosophie ; je suis convaincue que la religion chrétienne, à l’époque de son établissement, était indispensablement nécessaire à la civilisation et au mélange de l’esprit du Nord avec les mœurs du Midi. […] La religion chrétienne ayant un législateur dont le premier but était de perfectionner la morale, devant réunir sous la même bannière des nations de mœurs opposées, la religion chrétienne était bien plus favorable à l’accroissement des vertus et des facultés de l’âme. […] Il était dans leurs mœurs de tout supporter pour s’illustrer à la guerre. […] La religion chrétienne a été le lien des peuples du Nord et du Midi ; elle a fondu, pour ainsi dire, dans une opinion commune des mœurs opposées ; et rapprochant des ennemis, elle en a fait des nations dans lesquelles les hommes énergiques fortifiaient le caractère des hommes éclairés, et les hommes éclairés développaient l’esprit des hommes énergiques. […] Les hommes de la classe du peuple, au contraire, n’avaient encore qu’une civilisation grossière, et des mœurs que les lois contenaient, mais que la licence devait rendre à leur férocité naturelle.
Les Maures établis en Espagne empruntaient de la chevalerie, dans leurs romans, son culte pour les femmes ; ce culte n’était point dans les mœurs nationales de l’Orient. […] L’amour espagnol, la jalousie espagnole ont un tout autre caractère que les sentiments représentés dans les pièces italiennes ; il n’y a ni subtilité, ni fadeur dans leurs expressions ; ils ne représentent jamais ni la perfidie de la conduite, ni la dépravation des mœurs ; ils ont trop d’enflure dans le style ; mais tout en condamnant l’exagération de leurs paroles, l’on est convaincu de la vérité de leurs sentiments. […] Ces deux différents caractères s’aperçoivent à travers la couleur générale que la même langue, le même climat, les mêmes mœurs donnent aux ouvrages d’un même peuple. […] Leurs mœurs sont trop licencieuses pour pouvoir graduer aucun intérêt de ce genre. […] Il faut que l’auteur italien prenne tout en lui-même pour faire une tragédie, qu’il s’éloigne entièrement de ce qu’il voit, de ses idées et de ses impressions habituelles ; et il est bien difficile de trouver le vrai de ce monde tragique, alors qu’il est si distant des mœurs générales.
Et ils portent tous, même, ou presque tous, pour montrer leur détachement de la littérature, un loup d’initiales ou de pseudonymes inutiles ; comme si l’on pouvait à présent cacher quelque chose, avec les palais de cristal que les mœurs modernes, qui ont mis nos amours-propres en bouteille, ont bâtis à nos vanités, et aussi avec celle de l’auteur, ce flacon qui fermente et fait tôt ou tard sauter le bouchon ! […] Gustave Droz, l’auteur d’Autour d’une source, a vu dans les derniers faits miraculeux qui ont réjoui les cœurs catholiques et que des plumes catholiques ont attestés, un prétexte, non pas à discussion, mais à roman, et il a fait le sien, d’un point de vue humain qui pourrait très bien être… Il a supposé que l’ardente Spéculation moderne, qui met ses mains avides sur tout, pouvait se servir d’un miracle, ou plutôt du mirage d’un miracle, pour faire ses affaires impudemment, malhonnêtement, abominablement, et il a construit un récit dans ce sens qui pourrait être vrai, qui ne l’est pas encore dans l’histoire de nos mœurs, mais qui pourrait l’être, et en construisant ce récit — rendons-lui cette justice ! […] C’est un romancier de passion et de mœurs, qui, dans la conception de sa première œuvre, a montré une force de tête sur laquelle la Critique n’avait aucun droit de compter. […] Mais la femme aussi de ce même roman, qui peint les mœurs modernes au vif, a l’originalité, non moindre, de n’être pas une adultère. […] Obligé de se garder peintre de mœurs et d’être vrai, l’auteur d’Autour d’une source ne pouvait éviter la pourriture sociale qui nous fait, à tous tant que nous sommes, des taches plus ou moins grandes sur la conscience et sur le cœur.
. — Les mœurs romantiques. — Le costume. — Le Réalisme naît du Romantisme. […] Le Romantisme ne s’arrêtait pas à la littérature : il s’élevait jusqu’aux mœurs. […] Notre prépondérance politique avait imposé à l’Europe les costumes, les mœurs et la littérature de la Castille. […] Leur influence s’étend non seulement aux mœurs mais aux lois. […] Ce qui augmente leur intérêt c’est qu’ils nous transmettent le souvenir des mœurs originales qui disparaissaient et des nouvelles mœurs ; en somme, ils sont le reflet d’une complète transformation sociale.
Eugène Sue est un peintre de mœurs aussi vrai que Richardson, que M. de Balzac est, comme je l’entends dire, un aussi grand génie que Molière. […] Alors, au lieu de peindre les mœurs, la littérature aspire à les réformer ; au lieu d’exprimer les idées communes, elle s’efforce d’en répandre de nouvelles. […] De tout temps sans doute le roman fut la peinture ou la satire des mœurs. […] Nous essaierons ensuite de montrer quelle influence ces doctrines ont eue sur les mœurs. […] Mais regardez au fond : la société n’a point été ébranlée dans sa masse ; les mœurs n’ont point été gâtées.
. — Mœurs littéraires (1890). — Double Mère, roman (1891). — Amours de vierges, roman (1891) […] Et comme nos mœurs contemporaines y sont traitées ainsi qu’il convient !
Cet agréable badinage sera toujours distingué parmi les Productions originales, qui font aimer aux Etrangers la gaieté Françoise, sans leur donner une mauvaise idée de nos mœurs. […] Il étoit très permis à un Poëte, toujours attentif à respecter les mœurs & la Religion, de se repentir publiquement d’avoir exercé ses talens dans un genre que l’austere vertu est très-éloignée d’approuver.
La mémoire seule pouvoit s'enrichir par les faits ; l'esprit y acquéroit peu de lumieres ; les mœurs y gagnoient encore moins. […] Il a su, malgré ces obstacles, la traiter de la maniere la plus intéressante, en la rapprochant, en quelque sorte, de nous ; en y développant les révolutions de nos mœurs ; en opposant, avec autant de justesse que de précision, les usages actuels à ceux de l'ancien temps ; en donnant aux matieres qu'il présente, une netteté, un ordre, un souffle de chaleur & de vie qui subjuguent l'attention & gravent profondément les objets dans la mémoire.
Condition et mœurs des poètes de 1627 à 1660. — § VI. […] Les dominateurs du pays en avaient pris les mœurs. […] Conditions et mœurs des poètes de 1627 à 1660. […] Sauf très peu d’exceptions, ils avaient des mœurs misérables. […] Saint-Amant avait les mœurs de Faret.
Chose remarquable et qui s’explique par ce fait que les mœurs sont toujours en avance sur les lois et souvent la littérature sur les mœurs, tant que le mariage apparaît comme une chaîne rivant l’un à l’autre pour la vie deux malheureux, victimes d’une illusion plus ou moins courte, la plupart des romanciers et des dramaturges plaignent ou même poussent à la révolte les couples prisonniers. […] Est-il nécessaire de rappeler que certains auteurs, Alexandre Dumas fils, par exemple, se sont donné pour mission de corriger, non seulement les mœurs, mais les lois ; que la condition des femmes, celle des enfants naturels, voire les principes régissant l’héritage et la propriété ont été maintes fois débattus par le roman et le théâtre ; que des cas de conscience84, comme en présente par dizaines la profession du juge ou celle de l’avocat, se sont déroulés en savantes et émouvantes, péripéties ; que l’art, aux époques où il est militant, travaille à la préparation d’un code de l’avenir ? […] Ainsi les mœurs adoucissaient la rigueur des lois. […] Encore aujourd’hui, moitié par la mauvaise volonté persistante des dépositaires de l’autorité, moitié par la faute des auditeurs qui savent mal écouter et supporter la contradiction, on peut dire que la parole libre est à peine entrée dans les mœurs françaises et, au moindre frisson de réaction, elle est aussitôt suspendue ou menacée. […] Est-ce parce que la pensée indépendante, volontiers novatrice et aventureuse, se heurte au passé cristallisé dans les formules rigides des codes, se sent en désaccord avec l’esprit d’un corps qui, par la langue qu’il parle, le costume qu’il porte, les usages qu’il pratique et maintient, est régulièrement en retard sur les idées et les mœurs de son temps ?
Enfin Marmontel, avec ses faiblesses et un caractère qui n’avait ni une forte trempe, ni beaucoup d’élévation, était un honnête homme, ce qu’on appelle un bon naturel, et la vie du siècle, les mœurs faciles et les coteries littéraires où il s’était laissé aller plus que personne, ne l’avaient pas gâté. […] C’est dans cette retraite dernière qu’il écrivit son plus agréable et son plus durable ouvrage, ses Mémoires : « C’est pour mes enfants que j’écris l’histoire de ma vie, dit-il en les commençant ; leur mère l’a voulu. » Il s’y trouve bien des choses qu’on est étonné, à la lecture, qu’il ait écrites pour ses enfants et à la sollicitation de sa femme ; mais cela forme un trait de mœurs de plus, et le ton général de bonhomie et de naturel qui règne dans l’ensemble du récit fait tout passer. […] Le sixième livre de ses Mémoires, qui nous fait parcourir en détail les différents cercles du xviiie siècle et qui nous en montre un à un tous les principaux personnages, est historiquement des plus curieux à consulter pour l’histoire des mœurs et de la société française. […] s’écrie-t-il en parlant des entretiens de d’Alembert et de Mairan, quelles âmes que celles qui ne sont inquiètes que des mouvements de l’écliptique (d’Alembert), ou que des mœurs et des arts des Chinois (Mairan) ! […] il faut être époux, il faut devenir père, pour juger sainement de ces vices contagieux qui attaquent les mœurs dans leur source, de ces vices doux et perfides qui portent le trouble, la honte, la haine, la désolation, le désespoir dans le sein des familles.
On ne l’ignore point : c’est la douceur du climat, c’est la molle souplesse des organes, c’est la politesse des mœurs, c’est le désir de plaire en flattant l’âme et l’oreille par l’expression d’un sentiment doux, qui polit les langues, et les rend souples et harmonieuses. Mais des peuples ou chasseurs ou guerriers, nés sous un ciel âpre et rigoureux, ne pouvaient avoir qu’un langage semblable à leurs mœurs, et inculte comme leurs champs et leurs forêts. […] Nous ignorions alors que chaque langue a son caractère dépendant du climat, des mœurs, du gouvernement, des occupations habituelles de chaque peuple. […] Ces modèles avaient quelque chose de trop disproportionné à notre faiblesse et surtout à nos mœurs. […] La pensée du sauvage est simple comme ses mœurs, et son expression simple est pure comme sa pensée : il n’y entre point d’alliage ; mais le peuple déjà corrompu par les vices nécessaires de la société, et qui faisant des efforts pour s’instruire et secouer la barbarie, n’a pas encore eu le temps de parvenir à ce point qu’on nomme le goût, où le peuple qui, par une pente non moins nécessaire, après l’avoir trouvé, s’en éloigne, ne veut pas seulement peindre ses sentiments et ses idées, veut encore étonner et surprendre : il joint toujours quelque chose d’étranger à la chose même.
Il y avait dans d’autres pays des gouvernements monarchiques, des rois absolus, des cours somptueuses ; mais nulle part on ne trouvait réunies les mêmes circonstances qui influaient sur l’esprit et les mœurs des Français. […] La flatterie qui sert à l’ambition exige beaucoup plus d’esprit et d’art que celle qui ne s’adresse qu’aux femmes : ce sont toutes les passions des hommes et tous leurs genres de vanité qu’il faut savoir ménager, lorsque la combinaison du gouvernement et des mœurs est telle, que les succès des hommes entre eux dépendent de leur talent mutuel de se plaire, et que ce talent est le seul moyen d’obtenir les places éminentes du pouvoir. […] On ne verra plus rien de pareil en France avec un gouvernement d’une autre nature, de quelque manière qu’il soit combiné ; et il sera bien prouvé alors que ce qu’on appelait l’esprit français, la grâce française, n’était que l’effet immédiat et nécessaire des institutions et des mœurs monarchiques, telles qu’elles existaient en France depuis plusieurs siècles.
Ce sont des épouses quasi-légitimes de par la coutume, mais en France, pays de droit sens et de réalité, où les situations ambiguës sont antipathiques au génie même de la race, les maîtresses de roi, elles, n’ont jamais été que des maîtresses, — toujours désavouées et déshonorées par les mœurs. […] Malgré le peu de pente de l’esprit tout politique de l’auteur de Gabrielle d’Estrées à regarder du côté des causes morales, qui sont les influences décisives de l’histoire, cependant il ne peut s’empêcher de dire à plus d’une place de son ouvrage que les nombreuses amours publiques de ce chef d’État durent choquer si profondément l’esprit religieux et les mœurs de son siècle, que, son système politique eût-il réussi, il fût tombé par là encore ! […] même les mœurs militaires.
Il est peintre de paysages, peintre de mœurs, et écrivain. […] Et l’écrivain, l’écrivain seul ; car le peintre de mœurs n’est pas, dans Topffer, l’égal du paysagiste. […] Le peintre de mœurs, chez Topffer, manque de repli, de profondeur, de ce coup d’œil qui fouille, jusqu’au fond, le sac plein ou vide du cœur de l’homme et la besace de sa vanité !
Moins le sujet d’une composition est important, moins il intéresse, moins il touche aux mœurs, plus il faut que le faire en soit précieux. Qui est-ce qui regarderait les Téniers, les Wouwermans, les Berghem, tous les tableaux de l’école flamande, la plupart de ces obscénités de l’école italienne, tous ces sujets empruntés de la fable qui ne montrent que des natures méprisables, que des mœurs corrompues, si le talent ne rachetait le dégoût de la chose ?
Observateur superficiel des mœurs de son temps, écrivain abondant, facile, harmonieux, mais inégal et négligé, ce que Prévost a de plus original et de plus communicatif, c’est sa promptitude à s’émouvoir de ses propres imaginations. […] Là est l’explication de cette universelle curiosité dont son Charles XII, 1732, sa Zaïre, 1732, ses Lettres anglaises, 1734, son Alzire, 1736, et bientôt son Essai sur les mœurs sont autant d’assurés témoignages. […] Eux aussi croient connaître assez l’homme, ses mobiles intérieurs, ses motifs secrets d’action, ses passions, ses instincts ; et ils ne s’attachent en tout, comme Voltaire, qu’à la peinture des mœurs. […] Et l’esprit classique avait cru que ce sont les mœurs qui font les lois, ou en d’autres termes que le bien public se compose de l’accord des bonnes volontés particulières, mais l’esprit encyclopédique a répandu cette idée dans le monde que « si les lois sont bonnes, les mœurs seront bonnes, si les lois sont mauvaises, les mœurs seront mauvaises ». […] C’est le mépris de « leurs mœurs », de leurs « préjugés », de leurs « maximes », qui ont détaché violemment Rousseau de ses anciens amis les philosophes.
Fontenelle et les modernes, qui avaient à prendre leur revanche du discours de La Bruyère et de la préface très vive qu’il y avait jointe, firent l’élection de l’abbé de Saint-Pierre : pour eux, c’était un auxiliaire et un renfort ; pour les autres, ce n’était alors qu’un abbé de cour, de mœurs douces et polies, et assez grandement apparenté. […] C’est dans cette période de sa vie, j’imagine (car je ne vois pas d’autre moment où placer convenablement cet épisode) que le digne abbé, qui avait d’ailleurs des mœurs pures, mais non pas dans le sens strict de sa profession et de son ministère, paya son tribut à la faiblesse humaine. […] Cette religion évangélique purement morale, dans laquelle le prêtre n’est plus qu’un officier de bonnes mœurs et un agent de bienfaisance ; où l’on espère passionnément en l’autre vie, même quand on n’en est pas très sûr, mais parce que c’est une croyance utile et salutaire ; où le curé en cheveux blancs, qui ne sait que donner et pardonner, ressemble à un bon père de famille souriant selon la maxime que « l’air gracieux et serein doit être la parure de l’homme vertueux » ; cette religion du curé de Mélanie et à la Boissy-d’Anglas, religion de tolérance, de doute autant que de foi, et où l’arbitre du dogme ne trouve à dire à son contradicteur dans la dispute que cette parole calmante : « Je ne suis pas encore de votre avis », comme s’il ne désespérait pas de pouvoir changer d’avis un jour ; ce théisme doucement rationalisé et sensibilisé, à ravir un Bernardin de Saint-Pierre et à attendrir un Marmontel, n’est pas du tout la religion de Fénelon, comme on l’a souvent appelé, mais c’est bien la religion de l’abbé de Saint-Pierre. […] [NdA] Un de mes obligeants lecteurs me rappelle ici ce qui m’avait d’abord échappé : il y a un autre passage de Rousseau, et des plus curieux, sur les mœurs de l’abbé de Saint-Pierre : c’est au livre iii de l’Émile, lorsqu’il s’agit de faire apprendre au jeune élève un métier, mais un métier honnête.
Les prédicateurs, les philosophes, les poëtes se forment en choeur pour chanter la beauté imposante des moeurs réglées, et la littérature est un motet solennel accompagné par l’orgue ecclésiastique. […] Il est difficile à un homme si gai d’être un vrai précepteur de moeurs. […] J’ose dire que ce sont ceux de sa race, et qu’ils apparaissent dans les moeurs régnantes comme dans les écrits populaires, depuis les fabliaux jusqu’à Rabelais et Montaigne, depuis La Fontaine et Molière jusqu’à Voltaire et Béranger. Nous ne tirons pas de nous-mêmes la règle de nos moeurs, comme font les peuples germaniques.
Sans géographie l’histoire n’existe pas, la politique est aveugle, la guerre ne sait ni attaquer ni défendre, la paix ignore sur quels fleuves, sur quelles mers, sur quelles montagnes il faut construire ses forteresses ou asseoir ses limites ; la navigation ne peut se servir de ses boussoles, le commerce s’égare sur les océans, inhabile à découvrir quelles sont les productions ou les consommations qu’il doit emprunter ou porter aux climats divers dont il ne connaît ni la route, ni les richesses, ni les besoins, ni les langues, ni les mœurs, ni les philosophies, ni les religions. […] qu’est-ce que le Japon, et quelle vaine manie d’expédition, sans possessions et sans intérêt, vous pousse à aller bouleverser à coup de boulets français ces fourmilières pacifiques et industrieuses, à la voix de quelques propagandistes agitateurs du monde, qui veulent imposer des mœurs européennes à des peuples qui vivent de dogmes asiatiques ? […] Comptez les Grecs de la côte, les juifs de Samarie, ceux de Jérusalem, les Mutualis, amis ou ennemis de tous leurs voisins ; les Ansériés, tribu nomade, se glissant entre les groupes plus enracinés dans ces rochers, les Bédouins du désert, insaisissables par leur éternelle mobilité, les Arméniens, ces Génevois de l’Orient, tisseurs de tapis, brodeurs de soie, changeurs d’espèces monnayées, banque vivante de tout l’Orient, peuple qui s’enrichit d’industrie honnête, parce que l’industrie est travail, et que le travail règle et conserve les mœurs ; peuple plus épris d’ordre que de liberté, qui ne trouble jamais l’État par ses turbulences, comme les Grecs de Stamboul, qui n’intrigue point avec l’Europe et qui ne demande à l’empire ottoman que la liberté de son christianisme et la sécurité de son commerce. […] Quelle était la langue, quelle est la religion, les lois, les mœurs, la politique, les dynasties ou les républiques ?
Mais, dira-t-on, il faut passer au poëte à qui l’on fait le procès sur une traduction, toutes les figures et toutes les prosopées fondées sur les moeurs et sur les usages de son païs. […] Je ne pense pas que ce soit par prévarication, et j’accuse seulement les critiques de n’avoir point assez de connoissance des moeurs et des usages des differens peuples, pour juger quelles figures ces moeurs et ces usages autorisent ou n’autorisent pas dans un certain poëte. […] Ma reflexion est d’autant plus vraïe, qu’on ne sçauroit apprendre une langue sans apprendre en même-temps plusieurs choses des moeurs et des usages du peuple qui la parloit, ce qui donne une intelligence des figures et de la poësie du stile d’un auteur, laquelle ceux qui n’ont pas ces lumieres ne sçauroient avoir.
Alors aussi, et par suite du mouvement général de l’Europe, cette Italie, si une d’esprit et de mœurs, produira un troisième siècle littéraire dont il n’est pas facile d’apercevoir encore les éléments épars. […] Nos habitudes, nos mœurs, notre goût, notre existence, tout est changé. […] Lorsque l’homme doué de génie prenait cette lyre d’or que lui avait donnée le ciel, il en tirait des sons qui lui étaient inconnus à lui-même ; et il n’y avait alors que ces sons divins qui eussent reçu le pouvoir d’adoucir les mœurs, d’élever les sentiments, d’agrandir les facultés. […] Ayez vécu au milieu de ces mœurs si différentes des nôtres, et assisté à ces festins de rois, d’écuyers et d’athlètes, soyez-vous enfin rendu familière l’histoire domestique de ces temps : alors toutes les allusions seront vivantes, et vous saurez que Pindare n’est pas seulement le chantre de la gloire, mais le chantre de l’ivresse même de la gloire.
Voici un livre d’observateur sur le vif, de voyageur en dehors des livres, d’homme qui a fait le sien à la sueur de son front et à la poussière de ses sandales, qui a vécu dix ans dans le pays dont il parle, plongé dans les difficultés de la langue de ce pays et dans le secret de ses mœurs, et qui, de la plus haute moralité, — de cette moralité de prêtre qui donne à la parole humaine, toujours suspecte quand elle nous revient de si loin, l’autorité qu’elle doit avoir pour être acceptée, — nous apporte sur la Chine un de ces renseignements, éclairés et complets, tels qu’on n’en avait pas revu depuis la publication des Lettres édifiantes. […] Jusque-là, l’ouvrage en question sera moins un jalon qu’un Terme dans le champ de nos connaissances sur l’Asie, et c’est autour de ce livre, qui a la consistance d’un monument, que viendront nécessairement se grouper les aperçus nouveaux, les faits autrement observés, soit pour en confirmer ou en contredire les assertions, soit pour y ajouter les changements que les mœurs, la législation, les choses chinoises enfin, auront subis, si elles en subissent, si le pouce du Temps, malgré son ongle, — un ongle chinois pour la longueur, — ne glisse pas, sans le rayer, sur le vernis de coutumes qui enduit ce peuple, et qui est plus lisse encore que l’autre vernis qu’il a inventé. […] Enfin, débauchés dans la proportion où ils sont lâches, les Chinois, dont la philosophie européenne a vanté les mœurs si longtemps, ont offert un tel spectacle à Huc qu’il n’a pas osé le reproduire intégralement dans la pleine lumière d’un livre qui doit s’ouvrir sous tous les yeux. […] Mais les mœurs, qui ne sont plus depuis longtemps, ne recommenceront pas !
C’est un de ces romans comme le xviiie siècle en a produit beaucoup, qui partent d’une donnée impossible pour arriver plus aisément à généraliser des études de mœurs et à multiplier des épisodes. […] Individualisé de la sorte par la fantaisie de l’auteur, cet Amour passa en zigzag dans le xixe siècle, et il en oppose les particularités et les mœurs aux mœurs et aux particularités de la société d’autrefois. […] Si ces facettes étaient des faces, si la lumière y papillotait moins parce qu’elle y serait moins brisée, nous aurions un peintre de mœurs et un satirique social de plus, d’une incontestable valeur.
et que les mœurs d’une nation seraient bien faites, si elles ne se faisaient que sur de pareils tréteaux ! […] Ajoutez à ce rare mérite de Térence, qu’il abandonne enfin la peinture des mœurs basses de la Grèce pour ne s’occuper que des mœurs élevées de l’Italie. […] Placez Marivaux entre Molière et Regnard, comme une transition élégante, facile et retenue, des mœurs bourgeoises aux mœurs relâchées de la cour, et vous remettrez ces deux hommes à la place qui leur convient. […] quelles sottes mœurs ! […] Soutenez ensuite que la comédie est l’école des mœurs !
La grandeur des événements et des hommes, et la délicatesse relative des mœurs, lui ont imprimé un caractère particulier. […] il décrit leurs mœurs ; qui sont les mêmes aujourd’hui qu’il y a cinq siècles. […] Ce temps, c’est celui où dominaient les habitudes et les mœurs féodales. […] Il suffit qu’on reconnaisse ce tour d’esprit romanesque dans Froissart, et cette marque des mœurs de la société féodale. […] Un seul a été imprimé : c’est Le livre des faits et bonnes mœurs du roi Charles V.
Ces erreurs de goût sont la punition de ses premières complaisances pour les mœurs et les préjugés de son temps. […] Mais sa vraie vocation était un génie secret pour le roman de mœurs. […] Peintre des mœurs en général, Lesage ne songe pas à être autre chose. […] Ses vices ne prennent pas racine en lui, et ses mœurs se corrompent sans que sa nature change. Aussi, continuons-nous à le tenir pour un des nôtres, même à son pire moment, par la certitude que son naturel finira par l’emporter sur ses mœurs.
Ils croyoient que, dans un poëme épique, on devoit tout ramener à la morale, à la réformation des mœurs. […] Peut-il s’allier avec le bon-sens, les bonnes mœurs, le bon goût, & le progrès des lettres ? […] A la manière dont il les représente, il semble qu’on soit à la veille d’une révolution funeste dans la littérature, & dans les mœurs. […] Cependant si les mœurs sont attaquées dans un roman, l’auteur devient le dernier de tous les écrivains. […] Loin de tendre, comme on le devroit, à la correction des mœurs, on semble conspirer pour leur ruine : on réveille presque toujours l’idée du libertinage.
Je voudrais aujourd’hui étudier le genre d’influence et d’action sociale qu’il a exercé sur le développement de nos mœurs et de notre vie sociale. […] De toutes les situations de l’homme, en effet, sa situation dans la famille est celle sur laquelle le législateur a le moins de prise directe ; c’est celle où les lois et les coutumes sont le plus facilement modifiées par le choc des caractères, et où les mœurs individuelles réagissent avec le plus d’étendue contre les mœurs légales et les mœurs officielles. […] Il n’existe plus guère ; on n’en fait plus du moins, maintenant, un usage général, il a disparu, ou à peu près, de nos mœurs. […] Cet intérêt consistera dans l’étrangeté même des mœurs qui sont le fonds de leurs ouvrages. […] Les femmes, au contraire, ont une facilité merveilleuse à changer de costume et à s’approprier les mœurs les plus diverses.
Grec, comme André Chénier, par le génie, l’auteur de Mirèio a, sur André, tombé de son berceau byzantin dans le paganisme de son siècle, l’avantage immense d’être chrétien, comme ces pasteurs de la Provence dont il nous peint les mœurs et nous illumine les légendes. […] Théophile Gautier Chacun a lu Mirèio, ce poème plein d’azur et de soleil, où les paysages et les mœurs du Midi sont peints de couleurs si chaudes et si lumineuses, où l’amour s’exprime avec la candeur passionnée d’une idylle de Théocrite, dans un dialecte qui, pour la douceur, l’harmonie, le nombre et la richesse, ne le cède en rien au grec et au latin. […] Mistral est resté fidèle aux mœurs patriarcales de ses aïeux : et bien de ceux qui l’ont rencontré entre Château-Renard et Saint-Rémy, courant les champs avec sa badine et son feutre à larges bords, ont pu ne pas se douter qu’ils croisaient un poète dont la gloire est universelle.
Voyez les mœurs et la littérature du Directoire au lendemain de la sévérité Spartiate que les hommes de 93 avaient essayé d’imposer. […] Il écarte, après examen, l’Allemagne, l’Italie, l’Espagne, dont les mœurs et les écrits sont peu connus ou peu goûtés des Français de l’époque. […] Pourquoi, d’une part, l’Angleterre a-t-elle été la première à réagir contre les mœurs et les idées de la France de Louis XIV ?
Joignez la séduction du climat et des mœurs. […] Mais, de son enseignement, on n’en a pas moins retenu l’utilité, la nécessité, l’urgence même de réagir contre la licence croissante des mœurs. […] De ces trois intentions, la première se marque surtout dans les Discours du brave La Noue, si l’on ne saurait être en effet plus soucieux que cet homme de guerre de l’intégrité des mœurs, de l’éducation de la jeunesse, et de l’avenir de son pays. […] La Noue, avec son Discours sur les Amadis, n’a pas prévalu davantage contre la mode des romans et l’imitation des mœurs espagnoles. […] XXIII ; — Paradin : Mémoires de l’histoire de Lyon ; — Édouard Bourciez : Les Mœurs et la société polie à la cour d’Henri II, Paris, 1886 ; — Charles Boy : « Recherches sur la vie et les œuvres de Louise Labé », au t.
La nouvelle comédie peignit les mœurs des âges civilisés, dont les philosophes de l’école de Socrate avaient déjà fait l’objet de leurs méditations ; éclairés par les maximes dans lesquelles cette philosophie avait résumé toute la morale, Ménandre et les autres comiques grecs purent se former des caractères idéaux, propres à frapper l’attention du vulgaire, si docile aux exemples, tandis qu’il est si incapable de profiter des maximes. […] Au caractère d’Achille, dont la peinture est le principal sujet de l’Iliade, ils rapportèrent toutes les qualités propres à la vertu héroïque, les sentiments, les mœurs qui résultent de ces qualités, l’irritabilité, la colère implacable, la violence qui s’arroge tout par les armes (Horace).
Bourget que l’étude de mœurs serait intimement unie à la partie de critique et de doctrine. […] Bourget n’a pas manqué de faire une consciencieuse étude de mœurs. […] C’est la ruine des mœurs. […] Tous trois ont pour sujet le mariage, sujet éternel mais que renouvellent aussi sans cesse les changements des idées et des mœurs. […] L’étude de mœurs qu’a faite M.
Mais elles nous ont, après cela, rendu de grands services, et des services qu’on ne saurait oublier, méconnaître ou négliger, sans fausser vingt ou trente ans de l’histoire des mœurs et de la littérature. […] Mais, d’une manière générale, sous l’influence des précieuses, la littérature, les mœurs même s’épurent, ou si l’on veut, se polissent. […] Mazarin introduit l’opéra dans nos mœurs françaises. […] Non seulement il peint d’après nature ; mais c’est véritablement de « l’actualité » qu’il s’inspire, et toute son ambition n’est que de représenter au vif « les mœurs de son temps ». […] Le Naturaliste. — Qu’il ne faut pas toutefois abuser de ce mot pour faire de La Fontaine un curieux « inspectateur » des mœurs des animaux [Cf.
Sa famille appartenait à cette vieille bourgeoisie française qui avait la distinction des mœurs de la noblesse sans en avoir les légèretés et les vices. […] En hommes aussi politiques que religieux, ils redoutaient l’exagération de foi et de mœurs des jansénites. […] Il prit en aversion l’habit noir que son oncle lui faisait porter, les mœurs claustrales et la ville même d’Uzès. […] Bajazet offre des beautés supérieures, mais corrompues par la ridicule application des mœurs galantes d’une cour française aux mœurs des Ottomans. […] Ce fut l’époque de sa conversion ; elle fut opportune pour sa faveur auprès du roi, mais elle fut sincère devant Dieu et efficace pour la réforme de ses mœurs.
Ferdinand Fabre que les mieux venus de ses romans de mœurs cléricales : les Courbezon, l’Abbé Tigrane, Mon oncle Célestin et Lucifer. […] Ferdinand Fabre d’avoir été un peintre excellent des mœurs du clergé. […] Je ne parlerai pas du beau roman de mœurs ecclésiastiques où M. […] Pour être un bon peintre des mœurs cléricales, il me semble qu’il faudrait réunir au moins trois conditions. […] Ferdinand Fabre a pu écrire des romans de mœurs cléricales d’une valeur éminente, et dont quelques-uns sont bien près d’être des chefs-d’œuvre.
La confession qu’il dressa pour l’église de Genève, et la violence de ses attaques contre les mœurs de cette ville, si longtemps ville d’Église, la divisèrent en deux partis. Il y eut le parti de Calvin, lequel souscrivit à la confession qu’il dressa, et le parti des anciennes mœurs, ou des libertins, comme on les appelait, qui n’en voulut pas même entendre la lecture. […] Il y organisa et régla toutes choses ; le gouvernement, en concourant à la constitution politique de Genève ; la religion, par sa confession de foi et son enseignement ; la famille, les mœurs, par ses lois somptuaires qui déterminaient jusqu’à la forme des habits et fixaient les dépenses de table. […] À défaut de cette présence continuelle et sans sommeil de la conscience, avertissant chacun et à chaque moment de la moralité de ses actions, et prévenant ainsi la chute, il institua une sorte de conscience extérieure et publique dans la personne de censeurs des mœurs, lesquels s’introduisaient dans les maisons à tous les instants du jour et principalement aux heures des repas, alors que les plus rigides se relâchent, et que la sainteté des élus courait quelque risque. […] Il était le plus habile, le plus patient, et il avait affaire à un parti mal dirigé qui ne savait opposer à la force d’une croyance ardente et à la popularité d’une chose nouvelle que le souvenir de la licence des anciennes mœurs, ou le regret de prérogatives abolies.
L’histoire des mœurs en notre siècle rencontre bien des cas où des personnages réels ont emprunté des traits à des personnages fictifs, où la vie a imité cette imitation de la vie qu’est en partie la littérature ! […] Comme il arrive toujours, les mœurs à leur tour réagissent sur la littérature et il est parfois difficile de décider quand les poètes et les romanciers prennent ou fournissent des modèles à la société environnante. […] Ces deux sortes de documents, si peu semblables qu’ils soient, offrent le même spectacle, avec cette différence que les comédies sont souvent en avance sur les mœurs et prêchent encore plus qu’elles ne peignent l’adoucissement de l’autorité paternelle et maternelle. […] C’est à l’historien de mettre en parallèle la situation qui leur’ fut faite à chaque époque avec la représentation qu’en ont donnée les peintres attitrés des mœurs. […] Le valet se sent protégé par la douceur accrue des mœurs et par le progrès des idées d’égalité.
. — Il serait oiseux de prouver que les mœurs influent sur la littérature, puisque la littérature se donne souvent pour tâche de les reproduire. […] Il se distingue des autres Bourbons par une pureté de mœurs qui ne se retrouve ni chez son père Henri IV ni chez son fils Louis XIV. […] § 5. — Il devrait encore étudier à fond l’action de la littérature sur les mœurs, étude à la fois longue et délicate, dans laquelle on ne saurait trop se mettre en garde contre les affirmations erronées ou hasardées. […] Nous n’en conclurons pas que la littérature est nécessairement un dissolvant des bonnes mœurs, un formidable agent de dépravation. […] Ainsi les transformations de Don Juan, les atténuations apportées par Corneille à l’histoire du Cid, les interprétations successives données à la révolte de Prométhée sont révélatrices de changements opérés dans les mœurs ou dans les conceptions morales.
La pensée d’ailleurs est juste, et certes, s’il y avait moyen d’établir la proportion entre le degré de liberté qui peut être accordé par les lois et le degré de vertu qu’indiquent les mœurs, on aurait résolu le problème social ; mais les hommes sont peu bons juges dans cet examen d’eux-mêmes, et Saint-Just, tout le premier, commence par se trouver une très grande dose de vertu ; il se pose dès l’abord en sage : N’attendez de moi, dit-il, ni flatterie, ni satire ; j’ai dit ce que j’ai pensé de bonne foi. […] Le cachet pourtant qu’on y remarque, quand on sait la suite et le lendemain de cette carrière, c’est la modération relative, Saint-Just, parlant des cruautés qui souillèrent la prise de la Bastille, disait : Le peuple n’avait point de mœurs, mais il était vif. […] Et à propos de ce procès encore, dans un dîner donné par Barère, et où l’on vint à parler des infâmes questions d’Hébert adressées à la reine sur son jeune fils, tandis que d’autres paraissaient irrités contre l’imbécillité d’Hébert qui avait ménagé un triomphe à sa victime, Saint-Just osa dire ce mot qu’un des convives a recueilli : « En somme, les mœurs gagneront à cet acte de justice nationale. » Saint-Just, malgré la fièvre de fanatisme qui l’avait saisi, méprisait les hommes. […] Et le tout se couronne par cette gageure de forcené : Le jour où je me serai convaincu qu’il est impossible de donner au peuple français des mœurs douces, énergiques, sensibles, et inexorables pour la tyrannie et l’injustice, je me poignarderai. En attendant, il ne recule devant aucun moyen pour tenter d’établir ces mœurs à la fois sensibles et inexorables.
Ce jeune homme, et très jeune homme au temps où il servait avec Vauvenargues, avait le trait caractéristique de sa famille : « Je lui trouve dans l’humeur quelque chose des Riquetti, qui n’est point conciliant. » Vauvenargues, qui jugeait ainsi le petit chevalier, essayait de lui insinuer un peu de douceur, de politesse de ton et de mœurs, de l’assouplir. « Quant au genre de persuasion que vous soufflez au chevalier, lui disait Mirabeau, vous ne réussirez pas, s’il est du même sang que nous ; votre système est d’arriver aux bonnes fins par la souplesse ; le mien est d’arriver au bien, droit devant moi, ou par la violence ; de fondre sur le mal décidé, de l’épouvanter, et enfin de m’éloigner de ce qui n’a la force d’être ni l’un ni l’autre. » Ce système à outrance et que Vauvenargues a décrit dans un de ses caractères intitulé Masis (évidemment d’après Mirabeau), est le contraire de sa science à lui, de sa tactique dans le maniement des esprits, qui va à les gagner par où ils y prêtent, et à en tirer le parti le meilleur : Où Masis a vu de mauvaises qualités, jamais il ne veut en reconnaître d’estimables ; ce mélange de faiblesse et de force, de grandeur et de petitesse, si naturel aux hommes, ne l’arrête pas ; il ne sait rien concilier, et l’humanité, cette belle vertu, qui pardonne tout parce qu’elle voit tout en grand, n’est pas la sienne… Je veux une humeur plus commode et plus traitable, un homme humain, qui ne prétendant point à être meilleur que les autres hommes, s’étonne et s’afflige de les trouver plus fous encore ou plus faibles que lui ; qui connaît leur malice, mais qui la souffre ; qui sait encore aimer un ami ingrat ou une maîtresse infidèle ; à qui, enfin, il en coûte moins de supporter les vices que de craindre ou de haïr ses semblables, et de troubler le repos du monde par d’injustes et inutiles sévérités. […] Les deux premiers n’ont que l’esprit de leur siècle, et les mœurs de leur patrie ; mais le génie de César est si flexible à toutes les mœurs, à tous les hommes, à tous les temps, qu’il l’emporte. […] Ces manières d’agir, si contraires à nos mœurs, faisaient grande impression sur moi. […] Sur le Régent toutefois, sur son immoralité en tant que gouvernant, et sur quelques points de fait, Mirabeau, qui sait mieux son monde et la corruption présente que ne la pouvait deviner le solitaire bienveillant, le réfute et le bat sans peine : « Il (le Régent) a introduit ce monstrueux oubli des bienséances qui sera, je crois, l’époque de la décadence de cet État ; car l’on ne revient jamais aux mœurs, quand une fois on les a perdues.
Son père, le plus pacifique, le plus prudent et le moins novateur des hommes, était pourtant attaché, par des affinités de vertu et de mœurs comme de pensée, à cette école qu’on désignait alors sous le nom de Port-Royal, et son fils en devint sous ses yeux comme un élève extérieur et libre, et tout littéraire, au moins par les méthodes qu’on lui fit suivre, et par l’esprit général qui présida à son éducation. […] Je le dirai tout d’abord, il n’y a d’original et de tout à fait particulier en lui comme écrivain, que ce que les anciens appelaient les mœurs, ce je ne sais quoi non seulement de doux et de paisible (mite ac placidum), mais de prévenant et d’humain (blandum et humanum), de discrètement aimable et de lentement persuasif qui monte et s’exhale d’une âme pure, et qui, pénétrant l’ensemble du discours, gagne insensiblement jusqu’aux autres âmes. […] Il n’est question que de sénateurs, de familles patriciennes, de pourpre, d’images des ancêtres ; la superstition romaine est complète ; c’est du latin de Cicéron ou de Tite-Live, réduit et assorti aux mœurs et aux prétentions parlementaires. […] Ici, d’ailleurs, en ce qui concerne d’Aguesseau, Saint-Simon n’est point du tout violent ; il rend au grand magistrat toutes les sortes d’hommages : Beaucoup d’esprit, d’application, de pénétration, dit-il, de savoir en tout genre, de gravité et de magistrature, d’équité, de piété et d’innocence de mœurs, firent le fond de son caractère. […] Puisqu’il faut de loin des auréoles aux hommes, il est bon, il est louable qu’elles entourent quelquefois ces figures pacifiques où l’âme respire plus que le génie, et où le ton excellent de l’ensemble n’est que l’expression des mœurs elles-mêmes.
Mais l’origine de la poésie, mais le poëme le plus remarquable par l’imagination, celui d’Homère, est d’un temps renommé pour la simplicité des mœurs ; ce n’est ni la vertu ni la dépravation qui servent ou nuisent à la poésie ; mais elle doit beaucoup à la nouveauté de la nature, à l’enfance de la civilisation : la jeunesse du poète ne peut suppléer en tout à celle du genre humain ; il faut que ceux qui écoutent les chants poétiques soient avides de la nature entière, étonnés par ses merveilles, et flexibles à ses impressions ; les difficultés que présenterait une disposition plus philosophique dans les auditeurs, ne feraient pas que l’art des vers atteignit à de nouvelles beautés ; c’est au milieu des hommes qui s’émeuvent aisément, que l’inspiration sert mieux le véritable poète. […] Tous les hommes, sans doute, ont connu les douleurs de l’âme, et l’on en voit l’énergique peinture dans Homère ; mais la puissance d’aimer semble s’être accrue avec les autres progrès de l’esprit humain, et surtout par les mœurs nouvelles qui ont appelé les femmes au partage de la destinée de l’homme. […] Ce que les Grecs entendaient par l’amitié, existait entre les hommes ; mais ils ne savaient pas, mais leurs mœurs leur interdisaient d’imaginer qu’on pût rencontrer dans les femmes un être égal par l’esprit, et soumis par l’amour, une compagne de la vie, heureuse de consacrer ses facultés, ses jours, ses sentiments, à compléter une autre existence. […] On ne saurait nier que la législation d’un peuple ne soit toute-puissante sur ses goûts, sur ses talents et sur ses habitudes, puisque Lacédémone a existé à côté d’Athènes, dans le même siècle, sous le même climat, avec des dogmes religieux à peu près semblables, et cependant avec des mœurs si différentes.
Et ils y passent (vous allez savoir comment), par ces mains qui n’appuient pas, mais qui touchent à tout avec une prestesse, une adresse, une justesse, une sûreté, et qui ont été créées de toute éternité, je crois, pour écrire la comédie de mœurs, et surtout quand les mœurs sont légères. […] Elle qui écrit habituellement des scènes de mœurs d’un accent très vif, a voulu cette fois velouter son accent et montrer à l’ironique railleur qui l’a nommée, et qu’elle appelle son parrain dans sa dédicace, qu’elle pouvait, ma foi ! […] La comédie du mariage jouée en ces seize chapitres, qu’on voudrait cinquante, est une comédie à la Marivaux, autant qu’on peut être Marivaux avec les mœurs plates et les sentiments grossiers de cet ennuyeux xixe siècle.
Leur comédie, où il y a bien plus de spectacle et de mouvement que de peinture de mœurs, paraît plus faite pour les yeux que pour l’esprit. […] Thompson, après avoir décrit toutes les découvertes de ce grand homme sur la gravitation, sur les comètes, sur la lumière, sur la chronologie, après avoir peint la douceur de ses mœurs et l’élévation tranquille et calme de son caractère, s’interrompt tout à coup : « N’entends-je pas, dit-il, une voix semblable à celle qui annonce les grandes révolutions sur la terre ? […] regarde en pitié ce faible genre humain que tu viens de quitter ; élève l’esprit de ce bas univers ; préside à ton pays ; ranime ses talents et corrige ses mœurs. […] À son retour, que penserait le voyageur, en trouvant dans son pays les arts établis, de nouveaux habillements, des mœurs nouvelles, architectures, maisons, citadelles, villes, lois, usages, coutumes, tout enfin jusqu’au cours des fleuves et aux bornes de la mer, changé dans cet empire ?
Ainsi errants et solitaires, ils perdirent bientôt les mœurs humaines, l’usage de la parole, devinrent semblables aux animaux sauvages, et reprirent la taille gigantesque des hommes antédiluviens. […] Tite-Live dit aussi que pendant ce règne de Servius Tullius, où l’intérieur de l’Italie était encore barbare, il eût été impossible que le nom même de Pythagore pénétrât de Crotone à Rome à travers tant de peuples différents de langues et de mœurs. […] Encore Aristote nous assure-t-il qu’avant la conquête d’Alexandre, l’on avait débité bien des fables sur les mœurs et l’histoire des Perses. — (3660.) […] Orphée, voulant améliorer les mœurs de la Grèce, lui propose l’exemple d’un Jupiter adultère, d’une Junon implacable qui persécute la vertu dans la personne d’Hercule, d’un Saturne qui dévore ses enfants !
De tels usages forment un curieux contraste avec la sanguinaire rudesse des mœurs féodales. […] Du reste, elle recommandait des mœurs chastes et pures, de rigoureuses abstinences. […] C’est là que le culte pour les femmes prend une ardeur de passion et une délicatesse de jalousie qui rappelle les mœurs de l’Orient. […] Ce premier fait étonne d’abord ; il semble un de ces grossiers anachronismes de mœurs, communs dans les écrivains du moyen âge. […] Dans Ville-Hardouin, peintre admirable de mœurs et de détails, le caractère de l’idiome français est encore peu développé.
Un excellent chapitre sur le rapport des idées et des mœurs démontre que, s’il est des époques dans la vie du monde où les mœurs précèdent les idées, il en est d’autres où, au milieu de la prostration des anciennes mœurs, l’initiative est aux idées pour réformer et retremper les nations.
C’est certainement une idée très-ingénieuse d’avoir trouvé et saisi, dans le naturel et les habitudes des animaux, des rapports avec nos mœurs, pour en faire ou la peinture ou la satire : mais cette idée heureuse n’est pas exempte d’inconvéniens, comme je l’ai déjà insinué. […] Ces clartés errantes, Par qui sont nos destins et nos mœurs différentes. Pourquoi attribuer aux astres de l’influence sur nos mœurs et sur notre caractère ?
Les Productions de l’esprit ont toujours eu une influence marquée sur le génie des Nations, sur leurs mœurs, sur les révolutions qu’elles ont éprouvées, & peuvent même être la source de ces révolutions. […] L’esprit d’anarchie s’est répandu sur tous les genres : en matiere de goût, comme en matiere de raison, tout se réduit à l’arbitraire ; le plus grand nombre des Ouvrages d’agrément annoncent l’oubli des regles, l’amour des systêmes, le renversement des principes reçus ; les Ouvrages de morale ne sont le plus souvent que le fruit d’une imagination indépendante, qui assujettit à ses caprices les sentimens, les devoirs, les bienséances ; dans les Ouvrages de raisonnement, le sophisme triomphe, la Philosophie attaque les vérités les plus certaines, mine avec activité les fondemens de la Religion, des Mœurs, des Loix, rompt les nœuds de la Société, & obscurcit jusqu’aux notions les plus claires de la Nature.
La comédie peint les mœurs des hommes pour les corriger. […] « Des bonnes mœurs ? […] Il est le législateur de certaines mœurs qui ne sont pas admirables, mais qui ne sont pas mauvaises, qui sont mœurs bourgeoises, qui sont mœurs mondaines, qui sont mœurs pour n’être pas ridicule. […] Certains philosophes réduisent la morale à la science des mœurs, à bien connaître ce que sont les mœurs du temps et à s’y conformer. […] Connaissez les mœurs des hommes et conformez-vous à la moyenne de ces mœurs-là ; vous serez très heureux et vous serez très estimable.
Je sais tout ce qui lui manque de vertus désintéressées, de croyances ardentes, de passions fortes, de génie naïf, de mœurs primitives ; je sais tout ce qui lui manque pour être un grand siècle. […] La famille est redevenue un sanctuaire où la pureté des mœurs a remplacé les grandes manières, où le bon goût est de s’aimer, où l’élégance du vice ne trouve plus si facilement des complaisants et des victimes. […] Le soin que les mauvaises mœurs prennent de se cacher est donc, de notre temps, un hommage rendu à la moralité publique ; et ce qu’on appelle la pruderie de notre siècle en pourrait bien être le plus bel éloge. […] Maintenant, nous allons voir des Indiens, des mœurs indiennes ; nous pourrons juger d’un voyage indien. […] Comme chez toutes les nations dont la conquête et le pillage ont épuisé la sève, ses mœurs sont douces, sa physionomie est triste.
Le quatrumvirat, place sous les créneaux de Louis XIV, obtint une victoire facile sur le ridicule, mais il succomba devant l’honnêteté, parce qu’elle était appuyée sur la haute société, qui joignait le bon goût à la délicatesse des mœurs. Cette société faisait cause commune avec la cour contre le mauvais langage et les mauvaises manières, et eut peut-être la plus grande part à leur réprobation ; mais elle faisait cause commune avec les bonnes mœurs de sa préciosité contre la licence de la cour et contre celle des écrivains nouveaux et elle eut la plus grande part à leur défaite.
Les belles mœurs chrétiennes ! […] Ulysse frappe Thersite de son sceptre (σκήπτρω δὲ μετάφρενον, ἠδὲ καῖ ὤμω πλἦξεν), et arrête les Grecs prêts à rentrer dans leurs vaisseaux : ces mœurs sont naïves et pittoresques.
Il en avait les mœurs ; il en avait l’audace désespérée et la corruption, cette audace de joueur qui à tout coup joue le va-tout de sa vie, et telle avait été la sienne. […] Mais, dans tous les cas, c’était là un génie funeste, le génie qui fait trou, comme une bombe, dans tout ce qui est cohérent encore dans un peuple, et qui, prenant à rebours les instincts, les mœurs, les intérêts de la France, a faussé pour longtemps (pour toujours peut-être !)
. — Les mœurs. — Les instincts rudes en Germanie, en Angleterre. […] Comme l’homme et à côté de l’homme, la loi et les mœurs la maintiennent debout. […] Voici les récits que les thanes, assis sur leurs escabeaux, à la clarté des torches, écoutaient en buvant la bière de leur prince : l’on y voit leurs mœurs, leurs sentiments, comme les sentiments et les mœurs des Grecs dans l’Iliade et l’Odyssée d’Homère. […] Tandis que les Germains de la Gaule, de l’Italie et de l’Espagne devenaient Romains, les Saxons gardant leur langue, leur génie et leurs mœurs, faisaient en Bretagne une Germanie hors de la Germanie. […] Ceux qui sont plus au nord restent plus tardivement dans les mœurs primitives.
Nous remontons sans doute au moyen âge aussi ; mais c’est là, surtout au théâtre, une fièvre chaude, un peu factice, et qu’il est difficile de faire partager au grand nombre : au lieu qu’avec le xviiie siècle, nous ne nous sentons pas tellement éloignés que cela ne rentre aisément dans nos goûts au fond et dans nos mœurs, sauf un certain ton, un certain vernis convenu qu’on jette sur les personnages, un peu de poudre et de mouches qui dépayse et rend le tout plus piquant. Jusqu’à quel point est-on fidèle dans cette prétendue reproduction de belles mœurs à notre usage ? […] Il faut bien se l’avouer, le théâtre comique n’est une école de mœurs qu’en ce sens que, lorsqu’il est bon, il apprend comment elles sont faites, comment ici-bas cela se pratique et se joue.
Les peuples septentrionaux, à en juger par les traditions qui nous restent et par les mœurs des Germains, ont eu de tout temps un respect pour les femmes, inconnu aux peuples du Midi ; elles jouissaient dans le Nord de l’indépendance, tandis qu’on les condamnait ailleurs à la servitude. […] Et tel est cependant l’ascendant qu’exercent sur les écrivains les mœurs qui les environnent, qu’ils y soumettent jusqu’à la langue de leurs affections les plus intimes. […] Dans les pays où la religion protestante est professée, elle n’arrête en rien les recherches philosophiques, et maintient efficacement la pureté des mœurs.
Les Lecteurs éclairés nous les pardonneront d’autant plus aisément, qu’ils doivent sentir par eux-mêmes, que lorsqu’il s’agit de venger la Religion, les Mœurs & le Goût, contre les erreurs de plusieurs Ecrivains accrédités, on ne sauroit s’exprimer avec trop de force. […] Aussi, par les fruits de cette désolante doctrine, voit-on presque partout une dégradation générale ; les esprits retrécis, abattus ; les cœurs resserrés, desséchés, languissans ; les mœurs corrompues, dégradées, ou plutôt entiérement anéanties ; le génie national totalement défiguré & perverti. […] Instruits à fond de leurs sentimens & de leurs manœuvres, nous les voyons déjà se déchaîner contre nous dans les Sociétés, ne rien épargner pour décrier notre travail, notre personne, nos mœurs : nous entendons déjà les noms de Polisson, de Méchant, de Fripon, de Scélérat, de Monstre, &c.
Il est reconnu que chaque littérature s’empreint plus ou moins profondément du ciel, des mœurs et de l’histoire du peuple dont elle est l’expression. […] La vérité revient partout, dans les mœurs, dans les lois, dans les arts. […] On rencontre fréquemment dans leurs plus beaux passages des détails empruntés à des mœurs, à des religions ou à des époques trop étrangères au sujet.
Duclos a publié sous le titre de Considérations sur les mœurs de ce siécle ; c’est l’ouvrage d’un honnête homme, qui pense finement & fortement, & qui s’exprime comme il pense. Les Mœurs, par M. […] Nos Moralistes sont extrêmement multipliés, soit que les ouvrages de ce genre soient faciles à faire, soit qu’on n’écrive jamais plus sur la morale que lorsque tout le monde commence à manquer de mœurs.
C’est une manière comme une autre d’écrire l’histoire des mœurs et des influences, que de tracer la biographie des courtisanes qui ont trouvé une espèce de gloire dans leur infamie. […] Or, voilà tout ce que nous savons à peine de Laïs ; voilà l’énorme découverte dont, avec l’ombre de son manuscrit grec, l’ingénieux Debay se sert pour nous ouvrir cette vie, jusque-là fermée et impénétrable, pour nous éclairer cette domination d’une femme sans mœurs qui a régné sur son époque, et qui n’a pas dit son secret ! […] Mais que mademoiselle de Lenclos ait été honorée dans son infamie par le siècle même de l’honneur, que cette déesse Raison, qui précéda les autres déesses de ce nom et de ces mœurs, soit allée de pair avec les plus illustres dames de la cour de la Convenance, que la prude madame de Sévigné en ait rêvé, que la comtesse de Sandwich l’ait recherchée, que la reine Christine ait voulu l’emmener à Rome comme son amie, que madame de Maintenon ait été liée avec elle, que Louis XIV ait eu la pensée de se la faire présenter, c’est là un de ces spectacles qui font croire à l’enivrement de tout le monde, mais le philtre qui a produit cette ivresse, ce n’est pas Ninon qui l’avait versé !
Comprenant que l’ancienne inimitié de la France et de l’Autriche n’avait plus de raison pour exister, elle pensait, en regardant cette belle enfant, par l’éducation faite française, à opposer l’épouse, qui sauve tout, à ces maîtresses qui avaient tout perdu dans cette maison de Bourbon, l’humiliation vivante des Reines, et ainsi à relever, par les mœurs et par la famille, cette monarchie qui périssait par la famille et par les mœurs ! […] C’est le retour aux mœurs !
Comprenant que l’ancienne inimitié de la France et de l’Autriche n’avait plus de raison pour exister, elle pensait, en regardant cette belle enfant, par l’éducation faite française, à opposer l’épouse, qui sauve tout, à ces maîtresses qui avaient tout perdu dans cette maison de Bourbon, l’humiliation vivante des Reines, et ainsi à relever, par les mœurs et par la famille, cette monarchie qui périssait par la famille et par les mœurs ! […] C’est le retour aux mœurs !
Frédéric Mistral, nouvellement découvert, et dont le nom, beau comme un surnom, convient si bien à un poète de son pays, un homme né et resté dans la société qu’il chante, ayant le bonheur d’avoir les mœurs de ses héros et d’être un de ces poètes complets, dont la vie et l’imagination s’accordent, comme le fut Burns, le jaugeur. […] Grec, comme André Chénier, par le génie, l’auteur de Mirèio a sur André, tombé de son berceau byzantin dans le paganisme de son siècle, l’avantage immense d’être chrétien, comme ces pasteurs de la Provence dont il nous peint les mœurs et nous illumine les légendes. […] il n’est pas une seule de ces beautés qui ne soit différente des autres et qui ne marque par une variété d’autant plus étonnante que les mœurs peintes par M.
Que cachent tous ces mystères, sinon les origines sacrées de toutes les règles des mœurs ? […] Il garde la même réserve avec les saints et les Pères : ce sont des autorités, des traditions, soit pour les mœurs, soit pour la doctrine ; des vases d’élection, non des personnes. […] La foi dans la morale chrétienne, comme science de l’homme et comme règle des mœurs, est le principe commun aux immortels devanciers de Vauvenargues. […] Elle sait aussi que la coutume, les mœurs publiques, l’opinion, toutes ces règles inégalement variables, nous instruisent assez de ce qui nous est permis, outre notre propre penchant et l’exemple des autres. […] Comme peintre de mœurs et de caractères, il faut se garder de comparer Vauvenargues au modèle du genre, La Bruyère.
Un des épisodes de cette vie de Berny, et qui nous en apprend long sur les mœurs du temps et du lieu, est celui du petit comte de Billy. […] Le prince l’avait baptisé Cupidon ; il le mettait de toutes ses parties avec sa maîtresse et la sœur de sa maîtresse ; il l’avait fait, au sortir de l’enfance, colonel de son régiment d’Enghien : une fois il le voulut marier à une riche héritière roturière, à une demoiselle Moufle, qui apportait près d’un million ; mais le père Moufle, informé à temps des mœurs du sujet, eut le bon sens de se dédire et de réserver sa fille pour quelque marquis moins mal noté. […] Il ne participe en rien aux lumières, aux idées générales du temps : il n’en est que par une certaine bonhomie et simplicité de ton et par une certaine douceur de mœurs. […] Il n’a pas été général, quoique ayant assez bien fait la guerre au début. — Il n’a pas été bon académicien, quoique ayant consenti à se faire nommer, et il n’a pas eu le courage du discours de réception. — En trempant aussi avant que personne dans les mœurs et dans les licences du jour, il n’a pas su soutenir la gageure ni être jusqu’au bout un hardi viveur comme Maurice de Saxe, ou un libertin de bel air comme Richelieu. — Mélange peu relevé d’homme d’Église, d’homme de guerre, d’homme de plaisir et finalement de dévot ; au demeurant, fort bonhomme, mais un Condé dégénéré.
Chapitre I : Rapports de cette science avec l’histoire Les sciences, comme les mœurs, sont soumises aux vicissitudes de la mode et du caprice. […] Ainsi se sont développées, d’abord sous forme de chapitres, par exemple dans les écrits de Voltaire, puis comme œuvres distinctes et séparées, l’histoire des institutions, l’histoire des mœurs, des controverses religieuses, des lettres, des arts, des sciences, enfin des systèmes de philosophie. […] Sans doute les systèmes philosophiques ont en grande partie leurs causes dans l’état général de la civilisation et des mœurs. Quelquefois ils naissent d’une protestation de la conscience contre les mœurs et les institutions d’un temps, et par là ils ont encore leurs raisons d’être dans le temps lui-même : par exemple, la révolution de Socrate ou celle de Rousseau ; mais il ne faut pas exagérer le point de vue des origines extérieures des systèmes philosophiques.
Le règne de Louis XV, qui fut une sorte d’interrègne sous le rapport des mœurs, le fut aussi sous le rapport des arts : la décadence avait été trop précipitée pour qu’elle pût durer. […] Le génie poétique de la Grèce, dont les préceptes furent appliqués par Horace à la langue latine, et par Boileau à la langue française, ce génie est maintenant épuisé : nous fûmes trop séduits par ses charmes puissants ; mais nous ne pouvons plus rentrer dans cette partie du domaine de l’imagination ou nous devions trouver nos propres origines, nos mœurs antiques, nos véritables traditions. […] Le nu tout seul, qui ne fut jamais dans les convenances de nos mœurs modernes, établit une grande différence pour la sphère d’inspiration ; et je remarquerai, à ce sujet, que les traditions classiques nous avaient égarés aussi dans la carrière des arts ; nous avions renié nos mœurs, et oublié notre climat, nous voulions à toute force nous transporter sur les bords de l’Ilissus et sous le ciel de la Grèce.
Le mépris des anciennes mœurs dans ce qu’elles avaient eu de simple et d’austère, la dérision de toute croyance à la loi morale, le recours suprême à la force, l’ambition impitoyable dans les chefs, toutes les convoitises serviles, le parjure, la perfidie, la bassesse dans les instruments, c’était le spectacle qu’avait eu devant les yeux le jeune Octave ; c’était l’école où il se forma pour l’empire. […] On ne peut l’expliquer que par la dégradation même des mœurs romaines, l’abaissement et la dureté des âmes. […] Il le croit consul, sur la foi de César Auguste, le fondateur ou le restaurateur de tous les temples, qui, dans sa visite du temple de Jupiter Férétrius, dont il releva la ruine amenée par le temps, avait lu ce nom, disait-il, sur la cuirasse de lin formant partie du trophée élevé par le vainqueur : « Je me serais cru presque sacrilège187 », s’écrie l’historien flatteur, « de ne point laisser à Cossus, en preuve de ses glorieuses dépouilles, l’attestation de César, le fondateur du temple même. » De tels souvenirs, un tel langage, suffisent à nous montrer quel prestige de grandeur et de respect public pouvait encore, dans les mœurs romaines, s’attacher au zèle affecté d’Auguste pour effacer une des traces de la violence et de l’incurie destructive reprochées à la guerre civile. […] Une saine culture fortifie les âmes ; quand les mœurs manquent, les mieux nés se déshonorent par des fautes. » Ce ne sont pas cependant les odes politiques et religieuses d’Horace qui pour nous signalent le poëte que le monde lettré lira toujours.
Augier, qui est de son temps et qui l’aime, fait la comédie de son temps : les caractères, les mœurs, l’intrigue y ont leur part mesurée et infusée dans un mélange savoureux et piquant. […] Et pour qu’à leur tour les Effrontés et le Fils de Giboyer aient obtenu au répertoire leur place définitive, que leur manque-t-il autre chose que ce recul du temps, toujours plus ou moins nécessaire aux comédies de mœurs, qu’il remet au point dans la perspective du passé ?
Malgré les difficultés qui se présentoient dans un Discours dont le but est de développer le chaos des temps, de suivre, pour ainsi dire, pas à pas la marche de la Sagesse divine, de rapprocher les événemens pour en faire connoître les ressorts & le terme, de présenter enfin le tableau du genre humain dans sa naissance, dans ses erreurs, dans ses crimes, dans le progrès de ses lumieres, dans sa législation, dans la réformation de ses mœurs, dans les révolutions des Empires ; le génie de Bossuet est toujours égal au sujet qu’il embrasse, & embellit les objets que leur propre grandeur sembloit mettre au dessus de l’esprit de l’homme. […] On fut étonné de cette force majestueuse dont il a décrit les mœurs, le Gouvernement, l’accroissement & la chute des grands Empires, & de ces traits rapides d’une vérité énergique dont il peint & dont il juge les Nations.
un peintre de mœurs et un mordant écrivain. […] Peintre de mœurs dans un cadre étroit et qu’il n’a pas dépassé, il a créé des types auprès desquels les types de la comédie en qui nous croyons le plus, les Chrysale, les Dandin, les Vadius, les Jourdain, les Chicaneau, ne sont que de véritables maigreurs dramatiques ; car le drame ne permet pas de faire le tour d’un type comme le roman, dans lequel un personnage plus grand que nature ne cesse pas pour cela d’être nature.
Il me semble, du reste, que tous ceux qui ont marqué dans notre littérature ont été par leurs mœurs, ou par leur probité, ou par leur bonté, ou tout au moins par leur générosité native, dans la bonne moyenne de cette pauvre humanité, ou sensiblement au-dessus. […] disait Flaubert en s’amusant ; et il prêtait aux personnages les plus bonasses et de l’aspect le plus grave et le plus insignifiant des mœurs ultra-orientales. […] Il y a parfois deux ou trois mille ans, un abîme, entre les actions de tel personnage et ses mœurs, ses manières, ses discours. […] Dans Bérénice, l’harmonie est parfaite entre les mœurs et les actions : est-ce pour cela que M. […] En résumé, dans la moitié des tragédies de Racine, les actions et les mœurs ne sont pas du même temps.
Tu as du cœur, des mœurs, de l’éloquence, de la probité. […] C’est de ces savants exercices qu’il a passé à la peinture des mœurs mondaines. […] Joignez un goût d’artiste, et de Français du pays de Loire (vera et mera Gallia), et peut-être d’historien pour les vieilles choses jolies et fanées — croyances et meubles, mœurs et bibelots, pensées et fanfreluches — de cet ancien régime où nos origines plongent, qui est à nous tous et par où nous sommes tous « nobles » (Sire). […] Liberté fière, ignorance de toute intrigue, nulle vanité, simplicité de mœurs, humeur un peu farouche, bienveillance de pessimiste pour les personnes… je ne dis point que ces vertus ou ces dispositions sont impliquées par son scrupuleux objectivisme critique ; mais, quand on connaît qu’il les a en effet, le souvenir de ses livres fait qu’on n’en est point étonné, et que l’on s’y attendait. […] Mais ce réaliste à mi-côte est aussi un grand historien des mœurs, et qui s’est trouvé aisément égal aux plus grands sujets.
Ainsi le droit civil aurait été communiqué aux autres peuples par une prévoyance humaine ; ce ne serait pas un droit mis par la divine Providence dans la nature, dans les mœurs de l’humanité, et ordonné par elle chez toutes les nations ! […] Les Grecs, craignant de trouver les dieux aussi contraires à leurs vœux, qu’ils devaient l’être à leurs mœurs, attribuèrent ces mœurs aux dieux eux-mêmes, et donnèrent souvent aux fables un sens honteux et obscène. […] Les gouvernements doivent être conformes à la nature de ceux qui sont gouvernés. — D’où il résulte que l’école des princes, c’est la science des mœurs des peuples. […] Si la coutume commande, comme un roi à des sujets qui veulent obéir, le droit naturel qui a été ordonné par la coutume, est né des mœurs humaines, résultant de la nature commune des nations. […] Le droit naturel des gens est sorti des mœurs et coutumes des nations, lesquelles se sont rencontrées dans un sens commun, ou manière de voir uniforme, et cela sans réflexion, sans prendre exemple l’une de l’autre.
Ils naissent instruits, et ils sont plus tôt des hommes parfaits que le commun des hommes ne sort de l’enfance. » Au chapitre des Grands, il s’est échappé à dire ce qu’il avait dû penser si souvent : « L’avantage des Grands sur les autres hommes est immense par un endroit : je leur cède leur bonne chère, leurs riches ameublements, leurs chiens, leurs chevaux, leurs singes, leurs nains, leurs fous et leurs flatteurs ; mais je leur envie le bonheur d’avoir à leur service des gens qui les égalent par le cœur et par l’esprit, et qui les passent quelquefois. » Les réflexions inévitables que le scandale, des mœurs princières lui inspirait n’étaient pas perdues, on peut le croire, et ressortaient moyennant détour : « Il y a des misères sur la terre qui saisissent le cœur : il manque à quelques-uns jusqu’aux aliments ; ils redoutent l’hiver ; ils appréhendent de vivre. […] La Bruyère, qui aimait la lecture des anciens, eut un jour l’idée de traduire Théophraste, et il pensa à glisser à la suite et à la faveur de sa traduction quelques-unes de ses propres réflexions sur les mœurs modernes. […] On lit dans les Mémoires de Trévoux (mars et avril 1701), à propos des Sentiments critiques sur les Caractères de M. de La Bruyère (1701) : « Depuis que les Caractères de M. de La Bruyère ont été donnés « au public, outre les traductions en diverses langues et les dix « éditions qu’on en a faites en douze ans, il a paru plus de trente « volumes à peu près dans ce style : Ouvrage dans le goût des Caractères ; « Théophraste moderne, ou nouveaux Caractères des Mœurs ; « Suite des Caractères de Théophraste ut des Mœurs de ce siècle ; les « différents Caractères des Femmes du siècle ; Caractères tirés de l’Écriture « sainte, et appliqués aux Mœurs du siècle ; Caractères naturels « des hommes, en forme de dialogue ; Portraits sérieux et critiques ; « Caractères des Vertus et des Vices. […] Ce n’est qu’un amas de pièces détachées… Rien n’est plus aisé que de faire trois ou quatre pages d’un portrait qui ne demande point d’ordre… Il n’y a pas lieu de croire qu’un pareil recueil qui choque les bonnes mœurs ait fait obtenir à M. de La Bruyère la place qu’il a dans l’Académie.
Son ouvrage étant la critique de tout, il y avait compris l’Église, mais sans aller au-delà de ces traits que tous les hommes éclairés, même certains princes de l’Église, se permettaient contre l’ignorance et les mœurs des ordres ecclésiastiques ; c’était l’esprit et non la théologie de la Réforme. […] Cette absolution le relevait de toutes ses fautes ; elle lui permettait de rentrer dans le monastère de Maillezais, et d’exercer, avec la permission de son supérieur, et sans rémunération, l’art de la médecine « jusqu’à l’incision et la brûlure exclusivement. » Les termes mêmes de la bulle, qui louaient son zèle pour la religion et les lettres, sa probité et ses bonnes mœurs, rendaient vaines toutes les accusations contre sa vie passée. […] C’est moins un homme pervers qu’un homme capable d’être bon et que les mœurs de son institution ont gâté. […] Qu’est-ce autre chose que cet esprit français déjà antique, dont nous avons vu les traits dans Jean de Meung, dans les Fabliaux, dans Villon, et, au commencement de ce siècle, dans Marot ; esprit vivace comme le sol, qui recevra la forte éducation de l’antiquité sans perdre de son naturel et de son air gaulois, et qui se perfectionnera avec les mœurs, son objet et sa matière ? […] C’est en premier lieu cette partie immonde de ses œuvres, que ne justifie même pas ce qui restait de grossièreté dans les mœurs de ce temps-là.
Saint-Sulpice, en effet, avait laissé en moi une si forte trace, que, pendant des années, je restai sulpicien, non par la foi, mais par les mœurs. […] 4. — Mes idées cléricales m’ont encore bien plus dominé en tout ce qui touche à la règle des mœurs. […] Je n’en persistai pas moins, par convenance, dans la vie que j’avais choisie, et je m’imposai les mœurs d’un pasteur protestant. […] Le libre penseur doit être réglé en ses mœurs. […] J’ai de même fait passer ce que la médiocrité humaine regarde comme des hardiesses grâce à un style modéré et à des mœurs graves.
Crébillon Elle était bien malade, dès le jour où elle perdit Racine : par un effort de génie qui ne sera pas renouvelé, il avait su pousser son observation bien au-dessous de la surface polie des mœurs actuelles jusqu’aux explosions immorales, douloureuses, brutales, des passions naturelles. […] Crébillon eut une idée géniale : il comprit que, dans l’état des mœurs, une belle scène était celle qui présenterait la situation la plus contraire aux bienséances, d’une manière conforme à ces bienséances473. […] L’histoire des mœurs peut enregistrer la superficielle émotion patriotique qui se manifeste à propos du Siège de Calais (1763) : mais De Belloy en lui-même n’intéresse pas l’histoire littéraire.
Mœurs vraies qui ne seraient ni aristocratiques, ni bourgeoises, ni plébéiennes. […] Simplification de mœurs opérée par la bourgeoisie. Mœurs purement humaines.
Ainsi donc je crois que les différentes magistratures de la pensée n’ont pas été établies seulement pour la conservation des mœurs ; car, s’il ne se fût agi que des mœurs, on n’aurait eu besoin que de lois répressives et pénales, et non point de lois somptuaires ou préventives. Leur utilité doit être beaucoup plus étendue, et ce n’est pas sous le rapport des mœurs que l’expansion des idées et la diffusion des lumières ont des inconvénients.
III Et cette objection que je commence par faire à Quitard, je ne la lui ferais pas si je l’estimais moins, si je n’éprouvais pas une sérieuse considération et une grande estime pour un homme qui, tout philologue qu’il puisse être, ne s’est pas laissé dévorer par le travail rongeur des mots, et a bien moins songé — tout en chassant aux proverbes et aux locutions proverbiales à travers les langues et les littératures — à nous donner des curiosités de formes littéraires qu’à construire une histoire de mœurs par l’expression, chose délicate et difficile ! […] Du reste, malgré la justesse de la vue première : — faire une histoire des proverbes qui fût l’histoire des mœurs perdue par de l’expression retrouvée, — et malgré des travaux pleins d’intérêt, mais qui ne sont, après tout, que des préliminaires, cette histoire qui l’a tenté Quitard ne l’a pas faite néanmoins avec son Dictionnaire et son Étude. […] Et pourquoi n’a-t-il pas fait, philologue qui veut toucher aux mœurs par la philologie, l’histoire de ces mots redoutables, Tarquins futurs d’une Académie qui n’est pas Lucrèce, et qui, pour cette raison, ne doit pas mourir… de ce que vous savez ?
Gérard du Boulan, qui rêve sur Alceste, ne rêve pas sur le xviie siècle… Quand il s’agit de faits, d’idées et de mœurs, l’épigraphier de Cousin se moqué de Cousin, qui imite Bossuet en le sécularisant, et il n’a pas pour le faiseur d’oraisons funèbres plus de respect historique qu’il ne faut. […] Les mœurs adoucies, restées longtemps féroces et insolentes (voir l’histoire de Vardes et de Bussy, pages 61 et 69), l’état moral, la corruption de la justice et celle des femmes, — qui n’ont rien d’ailleurs de commun avec la justice, — la désorganisation du clergé, telle que la plupart des prêtres ne savaient plus la formule de l’absolution et que saint Vincent de Paul raconte que, seulement à Saint-Germain, il a vu huit prêtres dire la messe de huit façons différentes, tous ces honteux et dégradants côtés du xviie siècle sont arrachés ici aux solennelles draperies dont Bossuet, Voltaire et Cousin ont couvert successivement une époque qui n’a eu — ainsi que je l’ai dit plus haut — toute sa force et toute sa beauté que sous la toute-puissante compression de la main de Louis XIV, — de ce Louis XIV qui pouvait également dire : « L’État, c’est moi ! […] Cette réaction contre les mœurs du temps, comme dit Alceste, selon du Boulan, ne vient pas de si haut.
L’apaisement s’est fait dans les mœurs, Henri IV règne, et la société française, après tant d’agitations, semble avoir enfin atteint cet équilibre qu’elle cherchait. […] L’ordre et la discipline, l’exacte probité que le roi s’efforçait d’introduire dans les affaires et dans les mœurs — dans les mœurs des autres, — Malherbe eut commission, pour ainsi parler, de les faire, lui, régner pour la première fois dans l’empire du caprice même et de la fantaisie. […] « Pas de société sans mœurs, et pas de mœurs sans religion. » N’est-ce pas M. […] Mais veut-on voir la liaison de ce changement des mœurs avec l’idée confuse du progrès ? […] Que restait-il de libre si l’Église étendait son pouvoir dogmatique jusque sur les choses qui « ne blessaient ni la foi ni les mœurs » ?