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35. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « XXXII. L’Internelle Consolacion »

Il existe depuis 1441 à peu près, et il est bien probable qu’il vivra autant que le sentiment du christianisme qui l’a inspiré, et que le sentiment de la langue charmante dans laquelle il a été traduit. […] Inspirés, oui, martyrs plus tard, c’est-à-dire témoins, les évangélistes ne sont que des hommes… inspirés ! […] par ce côté-là comme par l’autre, par la forme comme par le fond, l’Imitation n’est pas en rapport avec l’admiration traditionnelle qu’elle a inspirée.

36. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre IX. Suite des éloges chez les Grecs. De Xénophon, de Plutarque et de Lucien. »

Les grâces dans le même temps avaient, au rapport des anciens, embelli l’esprit, le caractère et l’âme de Socrate ; il allait quelquefois les étudier chez Aspasie : il en inspirait le goût aux artistes, il les enseignait à ses disciples, et probablement Xénophon et Platon les reçurent de lui ; mais Platon, né avec une imagination vaste, leur donna un caractère plus élevé, et associa pour ainsi dire à leur simplicité un air de grandeur ; Xénophon leur laissa cette douceur et cette élégante pureté de la nature qui enchante sans le savoir, qui fait que la grâce glisse légèrement sur les objets et les éclaire comme d’un demi-jour ; qui fait que peut-être on ne la sent pas, on ne la voit pas d’abord, mais qu’elle gagne peu à peu, s’empare de l’âme par degrés et y laisse à la fin le plus doux des sentiments : à peu près comme ces amitiés qui n’ont d’abord rien de tumultueux, ni de vif, mais qui, sans agitation et sans secousses, pénètrent l’âme, offrent plus l’image du bonheur que d’une passion, et dont le charme insensible augmente à mesure qu’on s’y habitue. […] Il n’y a dans tout cet éloge nul mouvement d’orateur ; c’est la marche simple d’un homme vertueux qui parle de la vertu avec ce sentiment doux qu’elle inspire ; en général, c’est là le mérite des anciens ; nous mettons plus d’appareil à tout, et dans nos actions comme dans nos écrits. […] Naissance, éducation, mœurs ; principes ou qui tiennent au caractère ou qui le combattent ; concours de plusieurs grands hommes qui se développent en se choquant ; grands hommes isolés et qui semblent jetés hors des routes de la nature dans des temps de faiblesse et de langueur ; lutte d’un grand caractère contre les mœurs avilies d’un peuple qui tombe ; développement rapide d’un peuple naissant à qui un homme de génie imprime sa force ; mouvement donné à des nations par les lois, par les conquêtes, par l’éloquence ; grandes vertus toujours plus rares que les talents, les unes impétueuses et fortes, les autres calmes et raisonnées ; desseins, tantôt conçus profondément et mûris par les années, tantôt inspirés, conçus, exécutés presque à la fois, et avec cette vigueur qui renverse tout, parce qu’elle ne donne le temps de rien prévoir ; enfin des vies éclatantes, dès morts illustres et presque toujours violentes ; car, par une loi inévitable, l’action de ces hommes qui remuent tout, produit une résistance égale dans ce qui les entoure ; ils pèsent sur l’univers, et l’univers sur eux ; et derrière la gloire est presque toujours caché l’exil, le fer ou le poison : tel est à peu près le tableau que nous offre Plutarque. […] Quoiqu’alors la Grèce fût esclave des Romains, on se souvenait encore des sentiments que l’ancienne liberté inspirait ; et quand l’éloquence trouvait une âme noble, cette éloquence faisait revivre les idées des Miltiade et des Périclès ; c’est ainsi que dans la populace de Rome moderne, il y a eu des temps où l’on entrevoyait les descendants des Scipions.

37. (1868) Cours familier de littérature. XXVI « CLIIIe entretien. Madame de Staël. Suite. »

Son amitié abaissait au lieu de relever l’âme qui s’inspirait de lui. […] L’exaltation m’inspira cette réponse ; mais, je l’avoue, si j’avais prévu ce que j’ai souffert à dater de ce jour, je n’aurais pas eu la force de refuser l’offre que M.  […] Néanmoins une sagacité remarquable le portait à choisir le bien comme une chose raisonnable, et ses lumières lui faisaient parfois trouver ce que la conscience aurait inspiré à d’autres. […] Si le talent n’était pas mobile, il inspirerait aussi souvent les belles actions que les touchantes paroles ; car elles partent toutes également de la conscience du beau, qui se fait sentir en nous-mêmes. […] Les gens du peuple sont beaucoup plus près d’être poëtes que les hommes de bonne compagnie, car la convenance et le persiflage ne sont propres qu’à servir de borne : ils ne peuvent rien inspirer.

38. (1858) Cours familier de littérature. V « XXVe entretien. Littérature grecque. L’Iliade et l’Odyssée d’Homère » pp. 31-64

Il doit inspirer aux hommes la pitié, cette plus belle des sympathies humaines, parce qu’elle est la plus désintéressée. […] Crithéis inspira de l’amour à un inconnu, se laissa surprendre ou séduire. […] Il y avait en ce temps-là, à Smyrne, un homme peu riche aussi, mais bon et inspiré par le cœur, tels que le sont souvent les hommes détachés des choses périssables par l’étude des choses éternelles ; il se nommait Phémius ; il tenait une école de chant. […] C’est depuis cette époque, dit-on dans les îles de l’Archipel, que les hommes attribuèrent à la cécité le don d’inspirer le chant, et que les bergers impitoyables crevèrent les yeux aux rossignols, pour ajouter à l’instinct de la mélodie dans l’âme et dans la voix de ce pauvre oiseau. […] En sorte que le monde ancien, histoire, poésie, arts, métiers, civilisation, mœurs, religion, est tout entier dans Homère ; que le monde littéraire, même moderne, procède à moitié de lui, et que, devant ce premier et ce dernier des chantres inspirés, aucun homme, quel qu’il soit, ne pourrait, sans rougir, se donner à lui-même le nom de poète.

39. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Première partie. De la littérature chez les anciens et chez les modernes — Chapitre XX. Du dix-huitième siècle, jusqu’en 1789 » pp. 389-405

Phèdre vous inspire de l’étonnement, de l’enthousiasme ; mais sa nature n’est point celle d’une femme sensible et délicate. […] L’intérêt que la pièce inspire exalte si fortement les spectateurs, qu’ils se croient tous capables du même dévouement. […] Dans les pays où le talent peut changer le sort des empires, le talent s’accroît par l’objet qu’il se propose : un si noble but inspire des écrits éloquents par le même mouvement qui rend susceptible d’actions courageuses. […] S’il plaide pour la victime devant l’assassin, pour la liberté devant les oppresseurs ; si les infortunés qu’il défend écoutent en tremblant le son de sa voix, pâlissent lorsqu’il hésite, perdent tout espoir si l’expression triomphante échappe à son esprit convaincu ; si les destinées de la patrie elle-même lui sont confiées, il doit essayer d’arracher les caractères égoïstes à leurs intérêts, à leurs terreurs, de faire naître dans ses auditeurs ce mouvement du sang, cette ivresse de la vertu qu’une certaine hauteur d’éloquence peut inspirer momentanément, même à des criminels.

40. (1888) Les œuvres et les hommes. Les Historiens. X. « M. Oscar de Vallée » pp. 275-289

Demandez-vous ce que serait Jeanne d’Arc, dont le Christianisme a fait une inspirée et une Sainte, sans le Christianisme, qui lui a mis son auréole ? […] Oscar de Vallée a clos son volume par ces ïambes incomparables et immortels, qui ont fondé en France la poésie iambique et qui sont bien autrement beaux que ceux d’Auguste Barbier, qui sont déjà si beaux et qu’ils ont inspirés ! […] Elle seule est au niveau de la scélératesse qui l’a inspirée et contre laquelle, comme le tonnerre de Dieu, elle a éclaté. […] Oscar de Vallée admire Chénier, disait du Farewell qu’elle aurait voulu être aussi malheureuse que lady Byron, pour l’avoir inspiré.

41. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Première partie. De la littérature chez les anciens et chez les modernes — Chapitre XVII. De la littérature allemande » pp. 339-365

À cet égard, ils se rapprochent de toutes les littératures du Nord, des littératures ossianiques ; mais leur vie méditative leur inspire une sorte d’enthousiasme pour le beau ; d’indignation contre les abus de l’ordre social, qui les préserve de l’ennui dont les Anglais sont susceptibles dans les vicissitudes de leur carrière. […] Gessner, Zacharie, plusieurs poètes dans le genre pastoral, font aimer la campagne, et paraissent inspirés par ses douces impressions. […] Leur génie leur inspire souvent les expressions les plus simples pour les passions les plus nobles ; mais quand ils se perdent dans l’obscurité, l’intérêt ne peut plus les suivre, ni la raison les approuver. […] Les succès de Voltaire ont inspiré le désir de faire, à son exemple, des contes philosophiques ; mais il n’y a point d’imitation possible pour ce qui caractérise cette sorte d’écrits dans Voltaire, la gaieté piquante et la grâce toujours variée. […] Il faut toujours inspirer une sorte de confiance aveugle pour effacer les dissidences individuelles ; car un grand nombre d’hommes, lorsque leur raison est libre, ne donne jamais un assentiment complété toutes les opinions d’un seul.

42. (1796) De l’influence des passions sur le bonheur des individus et des nations « Section première. Des passions. — Chapitre IV. De l’amour. »

Cette dépendance d’un seul objet affranchit si bien du reste de la terre, que l’être sensible qui a besoin d’échapper à toutes les prétentions de l’amour-propre, à tous les soupçons de la calomnie, à tout ce qui flétrit enfin dans les relations qu’on entretient avec les hommes, l’être sensible trouve dans cette passion quelque chose de solitaire et de concentré, qui inspire à l’âme l’élévation de la philosophie, et l’abandon du sentiment. […] Il n’est pas vrai, malheureusement, qu’on ne soit jamais entraîné que par les qualités qui promettent une ressemblance certaine entre les caractères et les sentiments : l’attrait d’une figure séduisante, cette espèce d’avantage qui permet à l’imagination de supposer à tous les traits qui la captivent, l’expression qu’elle souhaite, agit fortement sur un attachement, qui ne peut se passer d’enthousiasme ; la grâce des manières, de l’esprit, de la parole, la grâce, enfin, comme plus indéfinissable que tout autre charme, inspire ce sentiment qui, d’abord, ne se rendant pas compte de lui-même, naît souvent de ce qu’il ne peut s’expliquer. […] Tout n’est pas amour dans la jalousie comme dans le regret de n’être plus aimé ; la jalousie inspire le besoin de la vengeance, le regret ne fait naître que le désir de mourir : la jalousie est une situation plus pénible, parce qu’elle se compose de sensations opposées, parce qu’elle est mécontente d’elle-même ; elle se repent, elle se dévore, et la douleur n’est supportable que lorsqu’elle jette dans l’abattement. […] Les affections qui mêlent ensemble l’orgueil et la tendresse, sont les plus cruelles de toutes ; ce que vous éprouvez de sensible, affaiblit le ressort que vous trouveriez dans l’orgueil, et l’amertume qu’il inspire empoisonne la douceur que portent avec elles les peines du cœur, alors même qu’elles tuent. […] Il est vrai, l’amour qu’elles inspirent donne aux femmes un moment de pouvoir absolu, mais c’est dans l’ensemble de la vie, dans le cours même d’un sentiment, que leur destinée déplorable reprend son inévitable empire.

43. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — L — article » pp. 18-19

L’Abbé de Chaulieu, son ami, lui inspira sans doute le goût des Poésies légeres, & avec lui, cette liberté épicurienne qui se plaît à afficher l’insouciance dans la plupart de ses Pieces. […] L’humeur qui y éclate en décrédite l’autorité, & inspire une juste défiance au Lecteur.

44. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre premier. »

Le nom de Minyas lui inspirait une petite digression sur les Argonautes. […] Rousseau s’inspirait de Pindare, comme de David, sans beaucoup plus de foi à l’un qu’à l’autre. […] Par toutes ces préférences, Bossuet, le plus grand lettré, comme le plus grand inspiré des siècles nouveaux de l’Église, et le moderne du génie le plus antique, touchait intimement, sans le vouloir, à cette poésie lyrique et gnomique, dont Pindare fut l’Homère. […] Car ce poëte, ce musicien, est un sage, un disciple immédiat de l’école philosophique la plus pure avant Socrate et Platon, de cette école pythagoricienne qui, mêlant l’ardeur ascétique à la science, inspira les premiers martyrs de la vérité morale et forma plus tard le héros le plus honnête homme de l’antiquité, Épaminondas, élève du chanteur Olympiodore et du philosophe Lysis, en même temps que le plus agile coureur de la lice thébaine8, Épaminondas, grand homme, sans les vices trop fréquents des héros antiques et les défauts ordinaires des hommes. […] « Ce que je dois faire pour te plaire, ô dieu de la foudre, fils de Cronos, pour être aimé des Muses et pour rester sous la garde du calme heureux de l’âme, voilà ce que je demande de toi12. » Une telle foi, un tel amour devaient inspirer d’autres images que les souvenirs de la fable, un autre sublime que celui d’Homère.

45. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — D — Delarue-Mardrus, Lucie (1874-1945) »

Le titre en fut inspiré sans doute par l’antithèse qu’il fait avec ces merveilleuses Mille et Une nuits d’Orient que nous donne le docteur Mardrus. […] Mais comme les dieux sont faillibles, à l’image des simples mortels et des poètes qui les inventèrent, il advient que, parfois, Mme Delarue-Mardrus soit égarée par celui qui l’inspire et qui lui conseilla quelques afféteries peu dignes d’elle.

46. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Lamennais — Lamennais, Paroles d'un croyant »

Quand le Saint-Simonisme, dans sa brusque apparition, n’aurait eu d’autre effet que d’inspirer à des intelligences chrétiennes cette émulation d’inquiétude et de recherche à l’article des souffrances profondes, nées de l’excès industriel, il n’aurait point passé sans fruit pour le monde.  […] À propos des suggestions inspirées par l’enfer aux oppresseurs du monde, le poëte-prophète signale  surtout la grande déception de l’obéissance passive. […] Le ton général, le mouvement est rhythmique à la fois et inspiré. […] Mais la jeunesse, la nouveauté vive triomphe à tout moment par la pensée même ; la franchise du sentiment crée la beauté : ainsi, dans le chapitre de l’Exilé : « J’ai vu des jeunes hommes, poitrine contre poitrine, s’étreindre comme s’ils avaient voulu de deux vies ne faire qu’une vie, mais pas un ne m’a serré la main : l’Exilé partout est seul. » Le chapitre de la mère et de la fille n’offre pas une seule couleur nouvelle ; mais Celui qui donne aux fleurs leur aimable peinture, et qui inspira la simplicité de Ruth et de Noémi, a envoyé son sourire sur ces pages.

47. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Seconde partie. De l’état actuel des lumières en France, et de leurs progrès futurs — Chapitre III. De l’émulation » pp. 443-462

La république doit donner beaucoup plus d’essor que tout autre gouvernement à ce mobile d’émulation ; elle s’enrichit des travaux multipliés qu’il inspire. […] Si vous laissez la nation froide sur l’estime, vous brisez en elle aussi le ressort du mépris ; et si quelques détracteurs libellistes confondent dans leurs écrits l’homme vertueux et le criminel, vous n’aurez point inspiré à tous les citoyens ce mouvement d’un saint amour pour leur bienfaiteur, ce mouvement qui repousse la calomnie comme un sacrilège. […] Et César, et Cromwell, pensez-vous, dira-t-on que l’enthousiasme qu’ils ont inspiré ne soit pas devenu fatal à la liberté de leur patrie ? L’enthousiasme qu’inspire la gloire des armes, est le seul qui puisse devenir dangereux à la liberté ; mais cet enthousiasme même n’a de suites funestes que dans les pays où diverses causes ont détruit l’admiration méritée par les qualités morales ou les talents civils.

48. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — R — Renaud, Armand (1836-1895) »

Armand Renaud s’était « inspiré aux hautes sources étrangères », et avait « moissonné la passion en toute littérature et en tout pays ». […] Sans vouloir contrister personne, il est permis de dire que, de cette coupe épuisée, il ne reste plus guère que cinq strophes, sauvées du naufrage par une citation de Sainte-Beuve et inspirées à M. 

49. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Ramond, le peintre des Pyrénées — I. » pp. 446-462

Ramond, qui avait quinze ans lorsque Goethe, de six ans plus âgé que lui, étudiait à Strasbourg et y rencontrait Herder, côtoya ce groupe inspiré et en eut le vent. […] Quoi qu’il en soit, je n’attente sur les droits d’aucun genre ni sur l’opinion de personne, puisque je ne classe pas mon ouvrage et que je déclare que je trouverai fort bon que ceux qui ont refusé aux pièces de Shakespeare le nom de tragédies, quoiqu’elles inspirent la terreur et la pitié, donnent à mon drame le nom de farce, quoiqu’il n’inspire pas le dégoût. […] Dans quelques-unes, on doit reconnaître le ton sauvage qu’inspire la vue des Alpes et de l’Apennin ; longtemps réfugié au sein de leurs glaces éternelles, je ne sais si je suis de mise au milieu d’une grande ville, et c’est avec quelque méfiance que je viens y porter un ton et des mœurs étrangères. […] Son regard est d’une vivacité et d’une franchise qui inspirent à la fois la crainte et la confiance… On a beau critiquer son système et son ouvrage, les doutes cessent quand on l’entend, et l’on ne peut être son ami sans devenir son disciple.

50. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Première partie. De la littérature chez les anciens et chez les modernes — Chapitre X. De la littérature italienne et espagnole » pp. 228-255

Mais le merveilleux arabe attache davantage la curiosité ; l’un semble le rêve de l’effroi, l’autre la comparaison heureuse de l’ordre moral avec l’ordre physique Les Espagnols devaient avoir une littérature plus remarquable que celle des Italiens ; ils devaient réunir l’imagination du Nord et celle du Midi, la grandeur chevaleresque et la grandeur orientale, l’esprit militaire que des guerres continuelles avaient exalté, et la poésie qu’inspire la beauté du sol et du climat. […] Les Maures donnaient aux Espagnols leur esprit de magnificence ; les Espagnols inspiraient aux Maures leur amour et leur honneur chevaleresque. […] C’est encore une des funestes conséquences de la recherche maniérée des sentiments, que d’inspirer le goût de l’extrême opposé pour réveiller de la langueur et de l’ennui que ce ton sentimental fait éprouver. […] La mélancolie des peuples du Nord est celle qu’inspirent les souffrances de l’âme, le vide que la sensibilité fait trouver dans l’exigence, et la rêverie qui promène sans cesse la pensée, de la fatigue de la vie à l’inconnu de la mort. […] D’abord les images qui conviennent au climat du Midi, diffèrent entièrement de celles qu’inspire le climat du Nord, et, en second lieu, l’imagination religieuse des Juifs n’a pas le moindre rapport avec celle qui anime encore les descendants des poètes scandinaves et des bardes écossais.

51. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — L — Le Goffic, Charles (1863-1932) »

Il était tout Breton, puisque celle qui l’inspirait avait grandi dans la lande, et que celui qui l’éprouvait y mêlait du vague et le goût de la mort. […] Et l’idiome de Le Goffic est d’une perfection égale à celui que parle Vicaire : rien de hâtif, rien de laissé au hasard, de banalement « inspiré », n’y traîne, bien que tout y soit le retentissement élargi d’une voix de l’âme.

52. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Première partie. De la littérature chez les anciens et chez les modernes — Chapitre IX. De l’esprit général de la littérature chez les modernes » pp. 215-227

Les habitudes ou les préjugés, dans les pays gouvernés despotiquement, peuvent encore souvent inspirer des actes brillants de courage militaire ; mais le pénible et continuel dévouement des emplois civils et des vertus législatives, le sacrifice désintéressé de toute sa vie à la chose publique, n’appartient qu’à la passion profonde de la liberté. […] Un sentiment plus doux donne aux modernes le besoin du secours, de l’appui, de l’intérêt qu’ils peuvent inspirer ; ils ont fait une vertu de tout ce qui peut servir au bonheur mutuel, aux rapports consolateurs des individus entre eux. […] On a appris à respecter profondément le don de la vie ; l’existence de l’homme, sacrée pour l’homme, n’inspire plus cette sorte d’indifférence politique, que quelques anciens croyaient pouvoir réunir à de véritables vertus.

53. (1796) De l’influence des passions sur le bonheur des individus et des nations « Section III. Des ressources qu’on trouve en soi. — Chapitre IV. De la bienfaisance. »

La bonté est la vertu primitive, elle existe par un mouvement spontané ; et comme elle seule est véritablement nécessaire au bonheur général, elle seule est gravée dans le cœur ; tandis que les devoirs qu’elle n’inspire pas, sont consignés dans des codes, que la diversité des pays et des circonstances peut modifier ou présenter trop tard à la connaissance des peuples. […] Elle ne se livre pas à un seul mouvement personnel, pas même au besoin d’inspirer un sentiment réciproque, et ne jouit que de ce qu’elle donne. […] Toutes les véritables vertus dérivent de la bonté, et si l’on voulait faire un jour l’arbre de la morale, comme il en existe un des sciences, c’est à ce devoir, à ce sentiment, dans son acception la plus étendue, que remonterait tout ce qui inspire de l’admiration ou de l’estime.

54. (1854) Histoire de la littérature française. Tome I « Livre II — Chapitre cinquième »

C’est la nature qui lui inspire un assez grand nombre de vers pleins de douceur, qui subsistent par la vérité des pensées et par la nouveauté d’un langage aimable et délicat. […] La langue suit ces deux dispositions du poëte tantôt relâchée et vague, et tantôt forcée ; ce qui est le vice caractéristique des poésies de Desportes et de toutes les poésies que n’inspire ni la passion ni la raison. […] Malherbe marqua le caractère et assura l’avenir de la haute poésie en France, le jour où il substitua au mécanisme qui permettait à Ronsard de faire deux cents vers à jeun, et autant après dîner122, un ensemble de difficultés ou plutôt un corps de lois qui devait interdire l’art aux vaines vocations, et ne le rendre accessible qu’aux poëtes vraiment inspirés. […] Le témoignage que se rend Malherbe, devançant le jugement que Boileau devait porter de lui, et donnant de son vivant la mesure de sa renommée, est de ceux dont Montaigne a dit126 : « je ne veulxpas que, de peur de faillir du costé de la presomption, un homme se mescognoisse pourtant, ny qu’il pense estre moins que ce qu’il est… C’est raison qu’il veoy en ce subject, comme ailleurs, ce que la vérité luy présente ; si c’est César, qu’il se trouve hardiement le plus grand capitaine du monde. » L’histoire doit recueillir ces éloges que les poëtes font d’eux-mêmes car, selon que la postérité les a confirmés ou démentis, c’est la punition de l’erreur qui a égaré les uns, ou la consécration de la vérité qui a inspiré les autres. […] Que prétendait Malherbe par sa réforme, sinon faire voir aux poëtes de son temps que ce qui leur était imposé par le tour d’esprit d’alors, par l’imitation de l’Italie et par le faux savoir, ne valait pas ce que leur bon sens, cultivé par les lettres anciennes, et développé par l’expérience de la vie, leur inspirait, comme à leur insu, de pensées franches et naturelles ?

55. (1899) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (troisième série). XVII « Du docteur Pusey et de son influence en Angleterre »

Nous, venus après lui, moins inspirés, mais vivant plus près des choses qui vont éclore, nous voyons mieux, à cette heure, ce que de Maistre apercevait. […] Tous — même ceux qui n’ont ni le respect, ni la foi que le catholicisme inspire, c’est-à-dire ceux-là qui n’ont pas la science du catholicisme, — proclament que l’unité et l’universalité sont le but suprême de la vie sociale, et que hors d’elles il n’y a que gouvernements imparfaits, absence de justice et d’harmonie. […] C’est depuis 1820 surtout que les prétentions du parti anglo-catholique, inspirées par d’impérissables souvenirs et appuyées sur la science, ont contracté un degré de netteté et d’influence légitime qu’il a été impossible, même aux plus fanatiques anglicans, de méconnaître. […] Et cela est si certain et si démontré, dans la conscience même de tous ceux qui vivent de la vieille organisation universitaire et anglicane, que les résistances opposées dernièrement au libre mouvement anglo-catholique ont contracté ce caractère décharnement qu’un grand danger inspire autant que la peur. […] Les sentiments qu’elle inspire à l’univers sont des sentiments de méfiance, d’amertume et d’hostilité.

56. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Deuxième partie. — Chapitre XXI. »

Ce sublime a jailli du ciseau de Michel-Ange sur le front inspiré de sa statue de Moïse : il n’a point passé dans cette poésie du Tasse ou d’Arioste, gracieuse, variée, brillante, égale à tout hormis ce qu’il y a de plus pathétique et de plus grand. […] Ce n’étaient pas les Olympiques, c’était le chant du passage de la mer Rouge qui convenait à l’art du poëte et devait l’inspirer. […] Je ne sais si cette poésie des premiers temps chrétiens, à laquelle nous nous sommes arrêtés, offrit émotion plus naïve, le lendemain des miracles et du martyre, que ne la ressent, après tant de siècles, le poëte inspiré par sa foi. […] Sans doute, on n’entendait pas désigner seulement quelques sonnets pleins de ferveur, inspirés aux pieds de la croix : c’étaient l’extase contemplative et la charité passionnée de la sainte qu’on voulait exprimer par ce mot de poésie. […] L’érudition surchargeait les esprits, avant de les inspirer.

57. (1824) Préface d’Adolphe

Mais quand on voit l’angoisse qui résulte de ces liens brisés, ce douloureux étonnement d’une âme trompée, cette défiance qui succède à une confiance si complète, et qui, forcée de se diriger contre l’être à part du reste du monde, s’étend à ce monde tout entier, cette estime refoulée sur elle-même et qui ne sait plus où se replacer ; on sent alors qu’il y a quelque chose de sacré dans le cœur qui souffre parce qu’il aime ; on découvre combien sont profondes les racines de l’affection qu’on croyait inspirer sans la partager ; et si l’on surmonte ce qu’on appelle faiblesse, c’est en détruisant en soi-même tout ce qu’on a de généreux, en déchirant tout ce qu’on a de fidèle, en sacrifiant tout ce qu’on a de noble et de bon. […] Il est vrai qu’à travers les regrets qu’ils montraient de toutes les douleurs qu’ils avaient causées, perçait je ne sais quelle satisfaction de fatuité ; ils aimaient à se peindre comme ayant, de même qu’Adolphe, été poursuivis par les opiniâtres affections qu’ils avaient inspirées, et victimes de l’amour immense qu’on avait conçu pour eux.

58. (1890) Les œuvres et les hommes. Littérature étrangère. XII « Goethe »

Elles sont curieuses, il est vrai, comme tout ce qui se rapporte à un homme de l’importance de Goethe ; mais elles ne nous ont inspiré aucun des enthousiasmes qu’elles excitèrent. […] Mes cheveux me donnent de l’ombre et mon sang est ma fontaine. » Et, au mois de novembre 1774, jour pour jour, Goethe, la victime, est guéri, radicalement guéri de la passion qui avait inspiré à son génie de telles hyperboles. […] Au bonheur d’une félicité non interrompue il fallait ajouter l’honneur d’avoir souffert quelques jours, et on a inventé cette gloire du malheur pour que le bonheur de Goethe fût plus grand, son illustration plus complète, et que tous les genres d’intérêt, cet enfant gâté de la destinée les inspirât… Après cela, dira-t-on que la Fortune n’est pas une chienne fidèle, — et qu’elle n’a pas payé dans les mains de Goethe tout ce qu’elle doit depuis des siècles aux hommes de génie malheureux ? […] C’est un livre original inspiré par un autre que l’auteur, ce qui paraît presque impossible, mais ce qui est… Le poète, le vrai poète ici est encore plus Saint-Victor que Goethe.

59. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Première partie. De la littérature chez les anciens et chez les modernes — Chapitre VI. De la littérature latine sous le règne d’Auguste » pp. 164-175

L’amour de la campagne, qui a inspiré tant de beaux vers, prend chez les Romains un autre caractère que chez les Grecs. […] Elles n’avaient point encore l’existence indépendante que leur assurent les lois modernes : mais reléguées avec les dieux pénates, elles inspiraient, comme ces divinités domestiques, quelques sentiments religieux. […] Le gouvernement républicain donne aux hommes, comme aux événements, un grand caractère ; et des siècles de monarchie despotique ou de guerres féodales, n’inspirent pas autant d’intérêt que l’histoire d’une ville libre.

60. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XIII. Éloges donnés aux empereurs, depuis Auguste jusqu’à Trajan. »

Si quelqu’un veut éprouver toute l’indignation que la flatterie inspire ; s’il veut apprendre comment on ne laisse échapper aucune occasion de louer un homme puissant ; comment on s’extasie sur ses bonnes qualités, quand il en a ; comment on dissimule les mauvaises ; comment on exagère ce qui est commun ; comment on donne des motifs honnêtes à ce qui est vicieux ; comment on rabaisse avec art, ou sans art, les ennemis ou les rivaux ; comment on interrompt son récit par des exclamations qu’on veut rendre passionnées ; comment on se hâte de louer en abrégé, en annonçant que dans un autre ouvrage on louera plus en détail ; comment, et toujours dans le même but, on mêle à de grands événements, de petites anecdotes ; comment on érige son avilissement en culte ; comment on espère qu’un homme si utile et si grand, voudra bien avoir longtemps pitié de l’univers ; comment, enfin, dans un court espace, on trouve l’art d’épuiser toutes les formules, et tous les tours de la bassesse, il n’y a qu’à lire ces soixante pages, et surtout les vingt dernières. […] Ce Polybe avait été esclave et était tout-puissant, suivant la coutume de Rome, où les empereurs, soit par paresse de faire un choix, soit par l’habitude d’être gouvernés, soit par la confiance qu’inspire une bassesse de tous les jours, soit pour ne pas confier leur pouvoir à des hommes qu’ils pouvaient craindre, soit par ce secret orgueil que sent un despote à faire adorer ses esclaves, choisissaient presque toujours leurs ministres parmi leurs affranchis. […] Quel est l’esclave étalé dans un marché pour être vendu, qui inspire autant de mépris et de pitié qu’un tel écrivain, qui cependant, à la honte de son siècle et de Rome, eut de la réputation ?

61. (1796) De l’influence des passions sur le bonheur des individus et des nations « Section première. Des passions. — Note qu’il faut lire avant le chapitre de l’amour. »

Il se peut aussi que les hommes soient très intéressés, très amusés surtout, par l’attrait que leur inspire la beauté, par l’espoir ou la certitude de la captiver ; mais qu’a de commun ce genre d’impression et le sentiment de l’amour ? […] Phèdre est sous le joug de la fatalité, les sensations inspirent Anacréon, Tibulle mêle une sorte d’esprit madrigalique à ses peintures voluptueuses, quelques vers de Didon, Ceyx et Alcione dans Ovide, malgré la mythologie, qui distrait l’intérêt en l’éloignant des situations naturelles, sont presque les seuls morceaux où le sentiment ait toute sa force, parce qu’il est séparé de toute autre influence.

62. (1889) Histoire de la littérature française. Tome IV (16e éd.) « Conclusion »

Ceux qui cherchent dans les ouvrages d’esprit des lumières sur les choses plus près d’eux, ou simplement les plaisirs si variés de l’art, ceux-là ne trouvent dans ces livres, un moment célèbres, qu’un désappointement égal à l’admiration qu’ils ont inspirée. […] Concentrer sur quelques misérables toute l’horreur qu’inspirent les crimes de la révolution, c’est risquer d’en rendre la leçon inutile. […] Dans le recueil des chansons de Béranger, nos enfants ne liront pas celles que nous avons le plus chantées, parce que nous les chantions sous l’influence des mêmes préventions qui les lui avaient inspirées. […] C’est, au contraire, de ces viriles souffrances que s’est inspiré, dans ses œuvres récentes, un poète de plus haut vol, disciple original de Lamartine, et successeur brillant d’Alfred de Vigny. […] D’autres habitudes d’esprit, un autre génie développé par les luttes de la tribune et les improvisations de la presse, ont inspiré un genre d’histoire qu’on pourrait appeler l’histoire des affaires.

63. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre IV. Ordre d’idées au sein duquel se développa Jésus. »

Ces idées couraient le monde et pénétraient jusqu’à Rome, où elles inspiraient un cycle de poêmes prophétiques, dont les idées fondamentales étaient la division de l’histoire de l’humanité en périodes, la succession des dieux répondant à ces périodes, un complet renouvellement du monde, et l’avénement final d’un âge d’or 147. […] L’Algérie, aux premiers temps de l’occupation française, voyait se lever, chaque printemps, des inspirés, qui se déclaraient invulnérables et envoyés de Dieu pour chasser les infidèles ; l’année suivante, leur mort était oubliée, et leur successeur ne trouvait pas une moindre foi. […] En aucun pays du monde, les montagnes ne se déploient avec plus d’harmonie et n’inspirent de plus hautes pensées. […] Les actes les plus importants de sa carrière divine se passent sur les montagnes ; c’est là qu’il était le mieux inspiré 189 ; c’est là qu’il avait avec les anciens prophètes de secrets entretiens, et qu’il se montrait aux yeux de ses disciples déjà transfiguré 190. […] Ces voyages, où la nation réunie se communiquait ses idées, et qui étaient presque toujours des foyers de grande agitation, mettaient Jésus en contact avec l’âme de son peuple, et sans doute lui inspiraient déjà une vive antipathie pour les défauts des représentants officiels du judaïsme.

64. (1913) Essai sur la littérature merveilleuse des noirs ; suivi de Contes indigènes de l’Ouest-Africain français « Essai sur la littérature merveilleuse des noirs. — Chapitre V. Séductions pour la compréhension de la psychologie indigène. — Conclusion »

En général la femme inspire aux noirs aussi peu d’estime qu’elle leur fait, par contre, éprouver de désirs violents. […] Bilâli inspire un appétit si violent aux filles qu’il rencontre sur sa route qu’elles mettent à mort leurs parents pour lui ouvrir la route sur laquelle elles le suivront docilement117. […] Les deux intimes), du lionceau tuant sa mère pour venger celle de son ami, de Bassirou oubliant qu’Ismaïla a tué le fils d’un ami par rage de voir la mère de celui-ci résister à sa convoitise (Bassirou et Ismaïla), de ce peuhl qui, pour sauver son ami mourant de désir, lui cède sa propre femme120, tout cela montre que la fraternité d’élection inspire des sentiments aussi forts pour le moins que la fraternité du sang. […] Dévouement au maître. — Les sentiments d’affection qu’un maître peut inspirer à son serviteur vont-ils, de la part de ce dernier, jusqu’au sacrifice de soi-même ? […] -Y) pour son beau-frère et aussi l’amour violent qu’inspire celui-ci à la fille d’un chef.

65. (1887) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Troisième série « Joséphin Soulary »

On baptise, on absout, et le temple se vide Les deux femmes alors, se croisant sous l’abside, Échangent un coup d’œil aussitôt détourné ; Et, merveilleux retour qu’inspire la prière, La jeune mère pleure en regardant la bière, La femme qui pleurait sourit au nouveau-né. […] Encore deux mots peu nécessaires  Et moins nécessaire encore l’apposition : Merveilleux retour qu’inspire la prière ; car ce « retour » (le mot est un peu bien vague), est-ce la prière qui l’inspire ? […] On discernerait même chez lui le Lyonnais : il a le mysticisme, parfois un anticléricalisme de canut ; et le sentiment révolutionnaire lui inspire des pièces violentes et mélodramatiques sur la misère du peuple.

66. (1817) Cours analytique de littérature générale. Tome IV pp. 5-

Voilà l’image des fureurs inspirées par les sectes aveugles qui divisent les citoyens et les parents. […] Quelle autre chose aurait pu dire le Tasse, si son génie ne lui eût inspiré le début le plus parfait, en commençant son poème fondé sur l’héroïsme du chef des croisés appelés à la vengeance du Saint-Sépulcre ? […] Ce n’est point Calliope, vêtue d’une robe souple et transparente, parcourant les lieux qui l’inspirent ; c’est Clio, sous la toge pesante, ne quittant ni les sénats ni les camps, où la vue des crimes la courrouce. […] « Est-ce un dieu qui m’inspire ? […] Mieux inspiré par le latin, Lebrun dit que Nisus « … Roule son glaive en cercles foudroyants.

67. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — P — Pailleron, Édouard (1834-1899) »

On peut donc recueillir dans ce volume une demi-douzaine de pièces qui sont inspirées et où l’accent ni le mot ne l’ont défaillance à l’inspiration. […] m’est inspiré par la vue d’un volume de poésies signées Édouard Pailleron, de l’Académie française.

68. (1867) Cours familier de littérature. XXIV « CXLIe entretien. L’homme de lettres »

L’éloquence de Pline est propre à inspirer la haine du vice ; celle de Bernardin de Saint-Pierre à pénétrer d’amour pour la vertu. […] Celle qui inspira cette passion tardive à M. de Saint-Pierre joignait, dès l’enfance, à ces séductions de la jeunesse et de la beauté, les précoces inspirations de l’enthousiasme et de la vertu. […] Au premier mot qu’elle en dit à son élève, mademoiselle de Pelleport s’évanouit d’émotion ; elle ne cacha point l’attachement secret que ce beau vieillard lui avait inspiré. […] Il s’unit avec une généreuse imprudence, et la passion cette fois l’inspira mieux que la sagesse. […] Il avait adoré Paul et Virginie dans sa jeunesse, l’auteur lui paraissait comme un dieu de l’Inde inspiré par la nature, une voix des mers et des bois.

69. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Madame Swetchine. Sa vie et ses œuvres, publiées par M. de Falloux. »

— M. de Falloux, dans le récit qu’il nous a donné de la jeunesse de Mme Swetchine, élude la principale de ces questions ; ne trouvant chez lui aucun indice précis, aucune explication satisfaisante, j’ai pourtant voulu savoir, j’ai interrogé, et il m’a été répondu : « Mme Swetchine a eu un orage de jeunesse : elle avait inspiré une grande passion au comte de Strogonof, un des hommes les plus aimablesde la Russie, et elle l’avait ressentie elle-même. » On ne s’en douterait pas en lisant M. de Falloux. […] Non, je ne crains pas de mécomptes avec vous, et ma reconnaissance seule peut égaler la parfaite sécurité que vous m’inspirez. » L’amitié épurée, exaltée, entre ces deux jeunes personnes vivant dans le grand monde artificiel de Pétersbourg et y réfléchissant chacune à sa manière les mystiques influences qui traversaient alors le ciel d’Alexandre, me fait l’effet de ces parfums légèrement enivrants et qui entêtent, exhalés par deux plantes rares nourries en serre chaude et trop poussées. […] Je l’ai promis cependant, et je dois dire ici comment la personne que l’on commence, ce me semble, à entrevoir par bien des traits originaux, et qui nous arriva de Russie toute mure, toute formée, et douée d’une autorité précoce qui s’accrut considérablement avec les années, m’inspira, lorsque j’eus l’honneur de la connaître, plus de respect et de vénération que d’attrait. […] ce n’est pas là un salon ; les quelques jeunes femmes qui y passent, avant de se rendre au bal sous l’aile de maris exemplaires, et qui viennent y recevoir comme une absolution provisoire qui, plus tard, opérera, ne me font pas illusion : c’est un cercle religieux, une succursale de l’église, — donnez-lui le nom que vous voudrez, — un vestibule du Paradis, « une maison de charité à l’usage des gens du monde. » Salon français de tous les temps, d’où me reviennent en souvenir tant d’Ombres riantes, tant de blondes têtes et de fronts graves ou de fronts inspirés, passant tour à tour et mariant ensemble tout ce qui est permis à l’humaine sagesse pour charmer les heures, enjouement, audace, raison et folie, — je ne te reconnais plus ! […] Ce qu’elle disait à trente ans, elle put le répéter à soixante-dix : « J’éprouve, j’inspire de la bienveillance ; mon besoin d’estime est satisfait ; j’ai rencontré les êtres les plus distingués. » On me demande quel est mon avis sur ses œuvres : je le dirai avec toute l’attention et la déférence dont je suis capable, mais un autre jour.

70. (1872) Les problèmes du XIXe siècle. La politique, la littérature, la science, la philosophie, la religion « Livre II : La littérature — Chapitre II : La littérature du xviie  siècle »

Nisard à concevoir l’histoire de la littérature française d’une manière originale et féconde, et lui a inspiré une idée qui est comme la trame de tout son livre et qui lui assure une valeur philosophique. […] Nisard admire les Pensées autant que qui que ce soit, et ce grand sujet, qui a inspiré les écrivains les plus illustres de notre siècle, Chateaubriand, M.  […] Sainte-Beuve, a inspiré encore à M.  […] Racine nous le dit, c’est que le lointain du temps, du lieu, de la situation inspire le respect, major a longinquo reverentia . […] Il a inspiré à Boileau le Passage du Rhin ; mais M. 

71. (1860) Cours familier de littérature. IX « LIIIe entretien. Littérature politique. Machiavel (2e partie) » pp. 321-414

Les Carrare ne méritaient la mort que par leur héroïsme et par la terreur que leurs armes inspiraient à Venise. […] Les flots semblent inspirer plus d’héroïsme que la terre aux peuples nés au sein des mers. […] Le dictateur et le général inspirèrent leur âme aux Vénitiens ; ils combattaient pour l’honneur de la liberté plus que pour la victoire. […] Une confédération n’inspire d’ombrage à personne et inspire respect et intérêt à tout le monde ; une monarchie unitaire et militaire piémontaise peut inspirer des ombrages à ses voisins. Il n’est pas bon d’inspirer des ombrages à la France.

72. (1861) Cours familier de littérature. XI « LXIIe entretien. Cicéron » pp. 81-159

Il tenait à la main un rouleau de papier et un stylet de plomb pour noter ses exordes, ses démonstrations, ses péroraisons, parties préparées ou inspirées de ses discours. […] Tel était le sentiment qu’inspirait le jeune Cicéron aux enfants d’Arpinum. Que n’en inspira-t-il un aussi noble et aussi honorable plus tard à Clodius, à Octave et à Antoine ! […] Sans doute personne n’eut plus que moi le droit de haïr Clodius ; mais c’était l’ennemi commun, et ma haine personnelle pouvait à peine égaler l’horreur qu’il inspirait à tous. […] Mais cette âme qui est en nous, par qui nous pensons et prévoyons, qui m’inspire en ce moment où je parle devant vous, notre âme aussi n’est-elle pas invisible ?

73. (1831) Discours aux artistes. De la poésie de notre époque pp. 60-88

La forêt, la montagne, étaient des monuments de la nature : le temple, inspiré par elles, est un monument de l’homme. […] Les œuvres des grands artistes, tous inspirés par leur époque, se succèdent, et cette succession est le développement de l’art. Mais s’inspirer uniquement du passé, refaire ce qui a été fait, c’est imiter, c’est traduire, c’est manquer son époque ; c’est faire de l’art intermédiaire, de l’art qui n’a pas sa place marquée dans la vie de l’art. […] Cet art intermédiaire ou d’imitation est à l’art vrai, c’est-à-dire à l’art inspiré par une époque, ce que nous disions tout à l’heure que l’industrie était par rapport à l’art lui-même. […] Mais j’ajouterai : Si, au lieu de vous inspirer de votre époque, vous vous faites le représentant d’un autre âge, permettez que je range vos ouvrages avec les produits de l’époque antérieure à laquelle vous vous reportez.

74. (1796) De l’influence des passions sur le bonheur des individus et des nations « Section première. Des passions. — Chapitre VII. De l’esprit de parti. »

L’esprit de parti est exempt de craintes, non pas seulement par l’exaltation de courage qu’il peut inspirer, mais par la sécurité qu’il fait naître : les Jacobins et les Aristocrates, depuis le commencement de la révolution, n’ont pas un instant désespéré du triomphe de leur opinion, et au milieu des revers qui ont frappé si constamment les Aristocrates, il y avait quelque chose de béat dans la certitude avec laquelle ils débitaient des nouvelles, que la foi la plus superstitieuse aurait à peine adoptées. […] Par cette analyse, on voit que la source de l’esprit de parti est tout à fait étrangère au sentiment du crime ; mais si cet examen philosophique inspire un moment d’indulgence, combien les effets affreux de cette passion ne ramènent-ils pas à l’effroi qu’elle doit inspirer ! […] Il en coûte de le dire, de peur de modifier l’horreur que doit inspirer le crime ; il y a, dans la révolution, des hommes dont la conduite publique est détestable, et qui, dans les relations privées, s’étaient montrés pleins de vertus.

75. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Troisième partie. Beaux-arts et littérature. — Livre troisième. Histoire. — Chapitre VIII. Bossuet historien. »

Bossuet est plus qu’un historien, c’est un Père de l’Église, c’est un prêtre inspiré, qui souvent a le rayon de feu sur le front, comme le législateur des Hébreux. […] Remarquons que Tacite a parlé des pyramides177, et que sa philosophie ne lui a rien fourni de comparable à la réflexion que la religion a inspirée à Bossuet ; influence bien frappante du génie du christianisme sur la pensée d’un grand homme.

76. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre second. De la sagesse poétique — Chapitre IV. De la morale poétique, et de l’origine des vertus vulgaires qui résultèrent de l’institution de la religion et des mariages » pp. 168-173

Les géants enchaînés sous les monts par la terreur religieuse que la foudre leur inspirait, s’abstinrent désormais d’errer à la manière des bêtes farouches dans la vaste forêt qui couvrait la terre, et prirent l’habitude de mener une vie sédentaire dans leurs retraites cachées, en sorte qu’ils devinrent plus tard les fondateurs des sociétés. […] C’est ce qui doit diminuer l’horreur que nous inspire, dans la douceur de nos temps modernes, la sévérité de Brutus, condamnant ses fils, et de Manlius faisant périr le sien pour avoir combattu et vaincu au mépris de ses ordres.

77. (1868) Cours familier de littérature. XXVI « CLIIe entretien. Madame de Staël »

Sa figure, à quatorze ans, inspirait déjà plus d’étonnement que d’attrait. […] Ses bras étaient d’une éclatante beauté ; sa taille, grande, mais un peu forte, à la manière des statues grecques, caractérisait énergiquement la jeunesse et le bonheur ; son regard avait quelque chose d’inspiré. […] Jugez quelle est sa mère par le sentiment énergique et profond qu’à cet âge déjà elle a su lui inspirer ! […] Elle pouvait se flatter et elle se flatta de devenir à son tour l’âme invisible mais dominante d’une république dont elle inspirerait les conseils et dont elle dirigerait la main. […] Ces sentiments m’ont été transmis comme un héritage, et je les ai adoptés dès que j’ai pu réfléchir sur les hautes pensées dont ils dérivent et sur belles actions qu’ils inspirent.

78. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « BRIZEUX et AUGUSTE BARBIER, Marie. — Iambes. » pp. 222-234

1831 Voici deux livres nouveaux, deux œuvres de poésie éminentes et originales, deux productions bien diverses et en apparence tout à fait contraires de deux talents réfléchis et inspirés, de deux sensibilités, on ne saurait plus antipathiques au premier coup d’œil, et pourtant parentes au fond et presque sœurs. […] Ingres sectateur de l’antique beauté, des vers à la mémoire de ce Georges Farcy que sa mort a révélé à la France, et qui eût aimé ce livre s’il avait vécu, et qui, en le lisant, eût envié de le faire ; partout une nature élégante et gracieuse à laquelle le cœur se confie ; partout de bienveillantes images et un pur désir du beau : le doux Virgile en robe traînante et les cheveux négligés, s’appuyant sur le bras de Mécène au seuil du palais d’Octave ; un doute tolérant et chaste, la liberté clémente ; Jésus homme ou Dieu, dit le poëte, mais qui possède à jamais l’univers moral, et qui, s’il doit mourir, ne mourra que comme le père de famille, après que toute sa race, la race des fils d’Adam, sera pourvue ; — ce sont des vers comme ceux-ci, inspirés par le joli pays de Livry, que Mme de Sévigné chérissait déjà : ………. […] En lisant ce petit livre tout virginal et filial, le decor, le venustus, le simplex munditiis des Latins, reviennent à la pensée pour exprimer le sentiment qu’il inspire dans sa décence continue.

79. (1909) Les œuvres et les hommes. Philosophes et écrivains religieux et politiques. XXV « La Bible Illustrée. Par Gustave Doré »

Pour toucher à la Bible et traduire en images dignes du texte cette parole surnaturellement inspirée, il faut être soi-même surnaturellement inspiré. […] Son Nouveau Testament, où ce qu’il y a de plus beau a été inspiré par l’Apocalypse : la Vision de saint Jean, qui rappelle ce qu’il y a de plus grandiose, de plus pathétique et de plus fulgurant dans l’Ancien, son Nouveau Testament n’a guères de touchant que Jésus guérissant les malades, et encore la tête, l’incompréhensible tête de Notre-Seigneur Jésus-Christ pour tous les artistes, et sur laquelle les plus grands n’ont eu que des lueurs, Doré, qui la change chaque fois qu’il la recommence, la manque toujours.

80. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Histoire de la Restauration par M. Louis de Viel-Castel. Tomes IV et V. (suite et fin) »

L’impression de cette médiocrité galante et précieusement vulgaire lui inspirait encore, rien qu’à y penser, un geste de dégoût. […] Royer-Collard et de Danton ; mais le piquant est que tous deux se soient rencontrés, coudoyés, se soient touché la main, et que l’un, à son second point de départ, se soit si nettement souvenu et inspiré de l’autre pour le repousser, l’abhorrer et lui ressembler à tout jamais si peu. […] Il avait aussi, à travers le cours de ses développements, des répliques admirables, instantanées, dans lesquelles il s’appuyait et s’inspirait des contradictions, des interruptions mêmes. — M.  […] Cette Rome dont la puissance a traversé tant de siècles. qui a tenu si longtemps le sceptre du monde, à quelle cause faut-il attribuer sa prodigieuse durée, si ce n’est peut-être à l’audacieuse, mais admirable confiance qui lui inspira de se saluer elle-même du nom de Ville éternelle ?… » Ce mouvement, vu en situation et avec tout son développement que j’abrége, était certes des mieux inspirés et des plus heureux au début d’une telle discussion, à laquelle il ôtait de l’irritation et qu’il replaçait à toute sa hauteur.

81. (1862) Cours familier de littérature. XIII « LXXVe entretien. Critique de l’Histoire des Girondins (6e partie) » pp. 129-176

Une secrète horreur se mêlait à l’admiration qu’il inspirait. […] Le lendemain, on la conduisit au tribunal, accompagnée de vingt-quatre accusés de tout âge et de tout sexe, choisis pour inspirer au peuple le souvenir et le ressentiment de la cour. […] L’Histoire des Girondins fut le miroir du peuple, en lui montrant sa propre image dans sa laideur et dans sa beauté ; c’était le forcer à choisir entre l’horreur qu’il inspire sous les démagogues, et l’estime de lui-même qui le dignifie sous les hommes d’État de l’honnêteté et de la magnanimité. […] Il inspire à l’avenir l’effroi du règne du peuple, la répugnance à l’institution de la république, le doute sur la liberté. […] « Le suprême malheur de Robespierre en périssant ne fut pas tant de périr et d’entraîner la république avec lui, que de ne pas léguer à la démocratie, dans la mémoire d’un homme qui avait voulu la personnifier avec le plus de foi, une de ces figures pures, éclatantes, immortelles, qui vengent une cause de l’abandon du sort, et qui protestent contre la ruine par l’admiration sans répugnance et sans réserve qu’elles inspirent à la postérité.

82. (1759) Réflexions sur l’élocution oratoire, et sur le style en général

Ce ne sont point les règles qui ont inspiré à Shakespeare le monologue admirable d’Hamlet ; mais elles nous auraient épargné la scène barbare et dégoûtante des fossoyeurs. […] Le sentiment s’affaiblirait, s’éteindrait même dans l’orateur, par le soin froid et étudié qu’il se donnerait pour le rendre ; et tout le fruit de ses efforts serait de persuader à ses auditeurs qu’il ne ressentait pas ce qu’il a voulu leur inspirer. […] Qu’on interroge les écrivains de génie sur les plus beaux endroits de leurs ouvrages, ils avoueront presque toujours que ces endroits sont ceux qui leur ont coûté le moins, parce qu’ils ont été comme inspirés en les produisant. […] C’est par là qu’un orateur, sans être réellement affligé, fera verser des pleurs à son auditoire et en répandra lui-même ; c’est par là qu’un comédien, en se mettant à la place du personnage qu’il représente, agite et trouble les spectateurs au récit animé des malheurs qu’il n’a pas ressentis ; c’est enfin par là que des hommes nés avec une imagination sensible, peuvent inspirer dans leurs écrits l’amour des vertus qu’ils n’ont pas. […] Il en est de l’orateur comme du musicien, à qui le génie seul inspire le chant, mais que l’oreille et l’art conduisent dans l’enchaînement des modulations.

83. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre troisième. Découverte du véritable Homère — Chapitre I. De la sagesse philosophique que l’on a attribuée à Homère » pp. 252-257

Cependant, la fin de la poésie étant d’adoucir la férocité du vulgaire, de l’esprit duquel les poètes disposent en maîtres, il n’était point d’un homme sage d’inspirer au vulgaire de l’admiration pour des sentiments et des coutumes si barbares, et de le confirmer dans les uns et dans les autres par le plaisir qu’il prendrait à les voir si bien peints. […] Le même Achille refuse, dans son obstination impie, d’oublier en faveur de sa patrie l’injure d’Agamemnon, et ne secourt enfin les Grecs massacrés indignement par Hector, que pour venger le ressentiment particulier que lui inspire contre Pâris la mort de Patrocle.

84. (1882) Types littéraires et fantaisies esthétiques pp. 3-340

L’architecture n’inspire à l’esprit que des idées de grandeur, de noblesse, d’austérité majestueuse. […] Je ne nie pas que la musique n’inspire des sentiments très nobles, très purs et très élevés ; mais lorsqu’elle les inspire, c’est par accident, et il n’y avait pas de raison pour qu’elle n’inspirât pas les sentiments tout contraires, car, loin de nous arracher à nos préoccupations momentanées, à nos dispositions physiques et morales, elle nous y enfonce au contraire. […] Mais combien sont différents les sentiments qu’inspirent les personnages de la littérature espagnole ! […] Un courtisan, un homme à surface, lui inspire une horreur profonde et en même temps une sorte de gaieté exubérante. […] Pour ma part, si je cherche à me rendre compte du sentiment qu’il m’inspirait, je suis obligé d’avouer que je le méprisais avec affection, et je crois que c’est là le sentiment qu’il inspirait à la plupart de ses camarades.

85. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Vicq d’Azyr. — I. » pp. 279-295

Une jeune fille, nièce de Mme Daubenton, ayant été saisie d’un évanouissement près d’une salle d’étude où était Vicq d’Azyr, celui-ci accourut, prodigua ses soins à la jeune malade, et lui inspira un soudain intérêt qui se consacra bientôt par un mariage : ce mariage dura peu, et la mort de la jeune femme laissa Vicq d’Azyr veuf, et libre de nouveau, ce qui ne nuisit pas à ses succès dans le monde : mais il avait acquis l’amitié de Daubenton et les moyens, grâce à lui, d’étendre ses recherches d’anatomie sur les animaux étrangers. […] Un crachement de sang inspira des inquiétudes ; on l’envoya respirer l’air natal, et là, sur ces côtes de Normandie, il s’appliqua à l’étude anatomique des poissons ; il fit des études analogues sur les oiseaux. […] Vicq d’Azyr eut le bon goût de ne jamais répondre à ces attaques inspirées par l’envie, et de ne point paraître s’en apercevoir. […] Il le montre jeune à Leyde, suivant les leçons de Boerhaave et d’Albinus : Mais ce qui lui inspira surtout, dit-il, le goût de l’anatomie et la passion du travail, ce fut la vue du superbe cabinet de Ruysch, où, au milieu de tant d’organes préparés d’une manière surprenante, au milieu de sujets qui y avaient, en quelque sorte, recouvré une nouvelle vie, il aperçut un vieillard nonagénaire, desséché par les ans, mais toujours laborieux et actif, qui, paraissant comme un Enchanteur au milieu de ces merveilles, semblait avoir joint au secret de les conserver celui de s’immortaliser lui-même.

86. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — R — Richepin, Jean (1849-1926) »

Jean Richepin a vécu son œuvre et, en maints endroits, elle vous prend assez aux entrailles pour qu’on ne puisse mettre en doute le noble sentiment artistique qui l’a inspirée. […] Richepin a dû, ce jour-là, prendre le mot théâtre dans une de ses vieilles acceptions, — théâtre de l’Europe…, théâtre des curiosités de… Cette réserve faite (elle est sans importance), toutes ces saynètes, qui se jouent elles-mêmes dans un cerveau de littérateur, cette indignation contre le bourgeois non artiste qui soulevait déjà le poète de la Chanson des gueux … C’est cette haine qui inspire les saynètes où Polichinelle triomphe de Pierrot, dans cette gamme de la concurrence vitale qui s’appelle la peinture des portraits, en démontrant la supériorité du miroir où l’on se voit, de ses yeux prévenus, sur la tenace recherche technique et le souci de pittoresque et de caractère qu’un peintre peut posséder. C’est une ironie de philosophe qui inspire Pied, valet de Faust, enseignant au savant docteur les sciences de l’ignorance et de la nature.

87. (1906) Les œuvres et les hommes. À côté de la grande histoire. XXI. « Mathilde de Toscane »

Il sera le premier parmi les historiens français qui aura parlé du Pape Grégoire VII avec le respect et l’admiration qu’il mérite ; car ce pontife en a inspiré, des respects et des admirations, qu’il ne mérite pas, et que nous repoussons, nous ! […] Je me contenterai des paroles par lesquelles il termine son jugement sur l’ensemble de la vie du pontife, et où la plume de l’historien a été constamment digne de son sujet : « Cet homme — dit-il en finissant — ne savait inspirer que des sentiments excessifs, la haine la plus violente ou le plus absolu dévouement. […] À cela près de deux ou trois places où le scepticisme a fait tourner la main et trembler le pinceau, je ne crois pas que Grégoire VII ait inspiré jamais une page de plus de simplicité dans la grandeur et de plus de fierté dans la justice.

88. (1906) Les œuvres et les hommes. Poésie et poètes. XXIII « Alfred de Musset »

Mais, à côté du chaut inspiré, il avait mis sa prose inspirée, — à côté de sa poésie, son histoire… Dans ses Memoranda, dans sa Correspondance, partout où s’est abattu le bec d’aigle de sa terrible plume, Byron s’est raconté, analysé, perscruté, dans sa vie autant que dans son âme. […] Eu dehors de ses chants et des sentiments qui les inspirèrent, la vie d’Alfred de Musset fut élégante et vulgaire, car l’élégance du monde, et même du plus raffiné, peut être quelquefois vulgaire.

89. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « M. Soulary. Sonnets humouristiques. »

Naturellement, il était de l’école des Émailleurs et des Volontaires, car il n’y a que deux Écoles ou, pour mieux parler, que deux Vocations en poésie, les Volontaires et les Inspirés. […] En vérité, quand on lit quelques-uns des sonnets du recueil qu’il publie aujourd’hui, on se dit que l’Inspiré doit être bien près du Volontaire dans le nouveau poète qui vient de nous naître, et que le souffle sacré, — qu’on a ou qu’on n’a pas, mais qu’aucun travail ne donne quand il manque, — doit reposer en puissance, dans l’homme qui a écrit des vers comme ceux-ci, en attendant l’heure des œuvres vastes : Toi, Moi. […] Et, — merveilleux retour qu’inspire la prière !

90. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « M. Armand Pommier » pp. 267-279

Ce n’est pas non plus simplement par le titre que La Dame au manteau rouge rappelle la Femme en blanc : elle la rappelle aussi par la curiosité qu’elle inspire, quoique cette curiosité soit d’un ordre différent. […] Balzac a mis sa grande main d’organiste savant et inspiré sur tout le clavier de nos nerfs, tant éveillé depuis Shakespeare ; il a frappé plus longtemps et plus largement où le doigt de Shakespeare n’avait fait que pointer ce terrible accord qui s’en ira, retentissant, glacer la moëlle de tous les siècles ; mais hélas ! […] Dans sa Madame Gil Blas, où j’ai noté pourtant une scène très-belle, d’un tragique très-nouveau, inspirée par la physiologie (c’est un duel, horrible d’acharnement et de longueur, entre deux rivaux, au bord du lit d’une cataleptique, qu’ils croient morte, et qui, rigide, les voit, lus comprend, seul les coups qu’ils se portent et ne peut faire un cri, un geste, un mouvement de paupière pour les empêcher de se massacrer sous ses yeux ouverts, immobiles, marbrifiés par la catalepsie !

91. (1906) Les idées égalitaires. Étude sociologique « Introduction »

Si nous ne nous détachons pas du respect ou du mépris que nous inspire telle maxime courante, nous risquons de ne pas la voir à sa vraie place dans la série des phénomènes sociaux : instinctivement nous lui prêterons les causes ou les conséquences qui nous sembleront les plus propres à rehausser ou à rabaisser sa valeur. […] C’est pourquoi il paraît d’une bonne méthode, si nous voulons étudier objectivement l’idée de l’égalité des hommes, de faire autant que possible abstraction des sentiments, justifiés on non par des principes, qu’elle peut nous inspirer : nous n’avons brièvement rappelé les problèmes moraux de l’égalitarisme que pour les écarter préalablement. […] Nous pouvons toutefois nommer avec certitude — en leur adressant ici le témoignage de notre reconnaissance — les deux auteurs dont nous nous sommes le plus immédiatement inspiré ; M. 

92. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — D — Dupont, Pierre (1821-1870) »

Nous ne voulons pas dire qu’elle n’a pas inspiré de beaux cris. […] Quand il parle du bœuf et de l’âne, il s’inspire lui-même des pensées naïves qu’il prête à ses paysans de la nuit de Noël, au retour de la messe de minuit.

93. (1863) Molière et la comédie italienne « Chapitre premier. Préliminaires » pp. 1-8

La gloire du maître de la comédie n’a, du reste, rien perdu à ces investigations, et l’admiration qu’il inspire n’a fait que s’accroître, à mesure qu’on a pénétré la plupart de ses secrets. […] Elles exercèrent chacune une influence spéciale sur les deux grands génies qui fondèrent chez nous l’un et l’autre genre dramatique : Pierre Corneille, le père de la tragédie, fut soutenu dans sa puissante initiative par la littérature espagnole ; Molière, le comique, s’inspira davantage de l’art de l’Italie.

94. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre IX » pp. 77-82

Dans la période que nous parcourons de 1630 à 1640, l’accroissement de la société de Rambouillet prouva l’éloignement que la terreur avait inspiré pour la cour. […] Ce fut le récit de ces soins touchants qui inspira au marquis de Salle le désir de connaître madame de Rambouillet, et d’épouser Julie.

95. (1888) La vie littéraire. Première série pp. 1-363

Je crois qu’elle était inspirée par un vif sentiment de la destinée. […] De là l’amitié qu’il inspire à tout ce qui sait lire en France. […] On peut mêler quelque pitié au respect qu’elle inspire. […] Sans inspirer l’enthousiasme, ces ouvrages furent bien reçus. […] Cependant il n’inspirait pas de confiance aux éditeurs.

96. (1866) Petite comédie de la critique littéraire, ou Molière selon trois écoles philosophiques « Première partie. — L’école dogmatique — Chapitre premier. — Une leçon sur la comédie. Essai d’un élève de William Schlegel » pp. 25-96

Que la colère et le mépris lui inspirent une satire, ou la malice une épigramme ; si elle ne tue pas, elle blesse toujours. […] L’esprit d’Aristophane inspirait Shakespeare, inspirait Legrand, lorsqu’ils composaient leurs délicates fantaisies. […] J’aimerais en particulier le déguisement de M. de  Pourceaugnac en femme, si le danger véritable que court à cette occasion ce pauvre gentilhomme, ne m’inspirait un intérêt trop sérieux pour être compatible avec la gaieté comique. […] Déjà vous m’inspirez du badin, du folâtre, Du bouffon105. […] L’auteur comique doit éviter soigneusement tout ce qui pourrait inspirer un intérêt véritable pour la situation de ses personnages : car cela ramènerait infailliblement le sérieux.

97. (1880) Goethe et Diderot « Gœthe »

… Car il l’est, ce soi-disant génie, et l’ennui qu’il inspire est comme la petite vérole du roi Louis XV, dont on disait : Tout est grand chez le Roi ! […] L’originalité n’est jamais le fait de Gœthe, qui s’inspire toujours de quelqu’un. […] La femme, c’est la source de la passion humaine, soit qu’elle l’éprouve, soit qu’elle l’inspire. […] Ils n’y sont pas plus que le poète, le créateur, l’homme inspiré n’était en Gœthe. […] Quoiqu’il s’y fût inspiré en matière d’art de Winckelmann, comme en art dramatique il s’inspira plus tard de Shakespeare, il s’y montra pourtant critique plus dextre, plus pénétrant, plus personnel qu’il ne devait jamais être, le critique littéraire, dans Gœthe, n’étant digne que de la plus profonde pitié.

98. (1817) Cours analytique de littérature générale. Tome I pp. 5-537

Là, de belliqueux chevaliers, toujours errants sur les traces de leurs dames infidèles, et la jalouse démence d’un paladin furieux, inspirent le tableau d’un extravagant héroïsme à la muse railleuse de l’Arioste. […] Alors qu’on se sent frappé, ébloui, enlevé hors de soi par l’enthousiasme qu’inspire un mot, un discours, ou une action, on s’écrie : Voilà le sublime ! […] elle inspire l’épouvante, l’horreur. […] La dignité d’Eschyle inspira sur lui ce jugement d’Horace dans l’Épître aux Pisons. […] Inspiré par sa muse, il chantait les attributs, les aventures, et les malheurs des dieux.

99. (1865) Cours familier de littérature. XIX « CXIe entretien. Mémoires du cardinal Consalvi, ministre du pape Pie VII, par M. Crétineau-Joly (3e partie) » pp. 161-219

La mort de son frère lui inspire ici des larmes égales à celles de Cicéron. […] Alors, avec la rapidité de l’éclair, et sans lui accorder aucun répit, on le traîna jusqu’à Grenoble, où il ne resta prisonnier que onze jours, parce que la piété du peuple inspirait des craintes au gouvernement. […] Il y a et il y a eu en tout temps des esprits contentieux, ambitieux, impolitiques, mal nés, et qui ne connaissent les doctrines auxquelles ils se prétendent attachés, que par la haine que les partis contraires leur inspirent. […] Il ne pouvait s’empêcher de regarder, comme un inspiré du ciel, celui qui trouvait ces chants inaccoutumés des hommes. […] Le cardinal, tel que nous venons de le dépeindre, quoiqu’il eût à cette époque soixante ans, avait mieux que la beauté : il avait tout le charme que la renommée, le génie, l’attrait physique et moral pouvaient inspirer à une femme lasse d’amour, mais non d’empire.

100. (1874) Premiers lundis. Tome II « Chronique littéraire »

Était-il donc besoin, pour inspirer à Claire de l’amour pour Reinal, de recourir à cette opération presque fabuleuse de la transfusion du sang ? […] Je m’étonne que le saint-simonisme n’ait pas inspiré d’autres vers, et qu’aucune poésie ne se soit teinte de son reflet. […] Devance l’univers en sa métamorphose ; Beaucoup sont suscités pour la prophétiser ; Tu peux en être aussi, mon Âme ; ose donc, — ose Sais-tu tout ce qu’un Dieu t’inspirera d’oser ?

101. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Préface de la seconde édition » pp. 3-24

J’ai cité, dans les notes ajoutées à cet ouvrage, les autorités sur lesquelles j’ai fondé les opinions littéraires qu’on a attaquées1 : je me bornerai donc, dans cette préface, à quelques réflexions générales sur les deux manières de voir en littérature, qui forment aujourd’hui comme deux partis différents, et sur l’éloignement qu’inspire à quelques personnes le système de la perfectibilité de l’espèce humaine. […] Tous les vices se coalisent, tous les talents devraient se rapprocher ; s’ils se réunissent, ils feront triompher le mérite personnel ; s’ils s’attaquent mutuellement, les calculateurs heureux se placeront aux premiers rangs, et tourneront en dérision toutes les affections désintéressées, l’amour de la vérité, l’ambition de la gloire, et l’émulation qu’inspire l’espoir d’être utile aux hommes et de perfectionner leur raison8. […] » Je pourrais récuser une objection tirée de Virgile, puisque je l’ai cité comme le poète le plus sensible ; mais en acceptant même cette objection, je dirai que, lorsque Racine a voulu mettre Andromaque sur la scène, il a cru que la délicatesse des sentiments exigeait qu’il lui attribuât la résolution de se tuer, si elle se voyait contrainte à épouser Pirrhus ; et Virgile donne à son Andromaque deux maris depuis la mort d’Hector, Pirrhus et Hélénus, sans penser que cette circonstance puisse nuire en rien à l’intérêt qu’elle doit inspirer.

102. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre I. Place de Jésus dans l’histoire du monde. »

Alors vécut une personne supérieure qui, par son initiative hardie et par l’amour qu’elle sut inspirer, créa l’objet et posa le point de départ de la foi future de l’humanité. […] Des accents inconnus se font déjà entendre pour exalter le martyre et célébrer la puissance de « l’homme de douleur. » A propos de quelqu’un de ces sublimes patients qui, comme Jérémie, teignaient de leur sang les rues de Jérusalem, un inspiré fit un cantique sur les souffrances et le triomphe du « Serviteur de Dieu », où toute la force prophétique du génie d’Israël sembla concentrée 86. « Il s’élevait comme un faible arbuste, comme un rejeton qui monte d’un sol aride ; il n’avait ni grâce ni beauté. […] Ce zèle, inconnu à la grossière simplicité du temps des Juges, inspire des tons de prédication émue et d’onction tendre que le monde n’avait pas entendus jusque-là.

103. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre XXVIII. Caractère essentiel de l’œuvre de Jésus. »

L’œuvre essentielle de Jésus fut de créer autour de lui un cercle de disciples auxquels il inspira un attachement sans bornes, et dans le sein desquels il déposa le germe de sa doctrine. […] L’amour ne va pas sans un objet digne de l’allumer, et nous ne saurions rien de Jésus si ce n’est la passion qu’il inspira à son entourage, que nous devrions affirmer encore qu’il fut grand et pur. […] Aucun travail de réflexion ne réussit à produire ensuite les chefs-d’œuvre que la nature crée à ces moments-là par des génies inspirés.

104. (1824) Notes sur les fables de La Fontaine « Livre septième. »

Heureusement le Saint-Esprit n’est pas exposé aux persécutions, et ne les craint pas plus qu’il ne les inspire ou ne les approuve. […] C’est ce sentiment qui anime ici son style, et lui inspire cette invocation. […] La Fontaine est toujours animé, toujours plein de mouvement et d’abondance, lorsqu’il s’agit d’inspirer l’amour de la retraite, de la douce incurie, de la médiocrité dans les désirs.

105. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « M. Prosper Mérimée. » pp. 323-336

Ils savent toujours quel devoir doit céder à l’autre, et les Inspirés, ces héros de l’esprit, n’hésitent pas non plus ; car la vocation véritable, — j’entends celle-là dans laquelle la volonté et ses ahans ne sont pour rien, — la vocation est une despote impérieuse , qui n’en souffre pas une autre à côté d’elle. […] Mérimée, esprit excessivement cultivé, talent venu en pot, bien plus qu’en pleine terre, n’a-t-il pas commencé par s’inspirer du théâtre espagnol et à mêler du Musset et du Lesage dans l’imitation qu’il en a faite ?… Depuis, ne s’est-il pas inspiré de la poésie des chants de la Grèce moderne, publiés par Fauriel, pour nous donner une fausse poésie illyrique ?

106. (1846) Études de littérature ancienne et étrangère

Le poète même n’avait pour s’inspirer aucune de ces solennités éclatantes et patriotiques qui ravissaient la Grèce. […] Le monologue d’Hamlet ne devait-il pas être inspiré dans le pays des brouillards et du spleen ? […] Milton se sentait inspiré en écoutant l’ami du Tasse. […] Il devait à la fois l’inspirer et le dominer. […] Le génie n’est jamais mieux inspiré que par les sentiments dont il a souffert.

107. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Madame de Verdelin  »

Ce sentiment-là, quel poète était plus digne de l’inspirer que Virgile ? […] » Plus tard, à des siècles de là, au déclin, mais à un bien beau déclin encore, le Tasse, avec sa séduction magique et ses ravissantes héroïnes, dut inspirer autour de lui autant et plus de passions peut-être qu’il n’en ressentit lui-même. […] Rabelais, sous son masque de moine gaillard et valeureux, n’était pas fait pour inspirer des tendresses ou des amitiés de femme. […] Quelle démonstration plus vivante que ce genre de dévouement, d’amitié sûre et de confiance absolue qu’un écrivain et un poète sait inspirer à des cœurs lointains, à des êtres qu’il n’a jamais même entrevus et qui lui demeurent attachés jusqu’à la mort ! […] Ce n’est pas que je n’aie la date d’un ancien attachement ; vous me l’aviez inspiré avant de vous avoir vu, et, quoi que vous en disiez, vous ne perdez pas dans le commerce.

108. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « Anthologie grecque traduite pour la première fois en français, et de la question des anciens et des modernes, (suite et fin.) »

Et je prendrai tout d’abord pour exemple cette Anthologie même qui paraît aujourd’hui traduite au complet : il y a certes du mélange dans ce nombre si considérable d’épigrammes ; mais, en général, et à n’en prendre que la meilleure partie, tous les érudits gens de goût en ont fait leur régal ; Grotius les a traduites, d’après le recueil de Planude, en vers latins élégants ; les poètes de tout pays s’en sont inspirés, et souvent une seule goutte de cette liqueur exquise, tombée dans leur coupe, a suffi pour aiguiser le breuvage. […] Chacun se retrouve lui-même dans le poète, et, en réalité, il y a autant d’Homères qu’il y a de lecteurs d’Homère, comme un paysage est aussi divers qu’il y a de divers spectateurs. » Mais que de conditions ne sont-elles pas nécessaires pour bien lire, pour lire du plus près possible, et en se rapprochant de l’esprit qui les a inspirés, ces antiques poèmes, pour se dépouiller des sentiments acquis ou perfectionnés qui, à tout instant, font anachronisme avec ceux des personnages héroïques, et qui viennent créer comme un malentendu entre eux et nous ! […] Phidias a été inspiré par Homère ; il le lui rend et le protège à son tour. […] » vous qu’un sang généreux pousse aux nouvelles et incessantes conquêtes de l’art et du génie, et qu’impatiente, qu’ennuie à la fin cet éternel passé qu’on déclare inimitable, veuillez y songer un peu : les Anciens, si vantés qu’ils soient, ne doivent pas nous inspirer de jalousie ; trop de choses nous séparent ; la société moderne obéit à des conditions trop différentes ; nous sommes trop loin les uns des autres pour nous considérer comme des rivaux et des concurrents.

109. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Seconde partie. De l’état actuel des lumières en France, et de leurs progrès futurs — Chapitre VI. De la philosophie » pp. 513-542

Nos troubles civils, loin de décourager l’émulation dans cette carrière, ont inspiré le désir de s’y réfugier. […] Lorsque, après une suite d’actions que votre opinion vous a d’abord inspirées, votre intérêt se trouve intimement uni avec le succès de cette opinion, et que cet intérêt vous engage toujours plus avant, il se passe dans les réflexions intérieures des combats que l’on se nie à soi-même, et que l’on parvient à étouffer. […] Or, si vous voulez soumettre ces exceptions aux mêmes lois, si vous voulez inspirer la morale à chaque individu en particulier, dans quelque situation qu’il puisse être, vous ne pouvez trouver que dans un sentiment la source vive et constante qui se renouvelle chaque jour, pour chaque homme, dans chaque moment La morale est la seule des pensées humaines qui ait encore besoin d’un autre régulateur que le calcul de la raison. […] La même puissance créatrice qui fait couler le sang vers le cœur, inspire le courage et la sensibilité, deux jouissances, deux sensations morales dont vous détruisez l’empire en les analysant par l’intérêt personnel, comme vous flétririez le charme de la beauté, en la décrivant comme un anatomiste.

110. (1854) Histoire de la littérature française. Tome I « Livre I — Chapitre quatrième »

A une première ébauche de l’esprit français ; à quelques poésies satiriques, inspirées par nos mœurs nationales ; à quelques récits clairs et intéressants des événements de notre histoire. […] Ce sont les idées générales, c’est-à-dire les vérités de l’ordre philosophique et de l’ordre moral dont l’expression, dans un langage définitif qu’elles seules peuvent inspirer, constitue la littérature ou l’art. […] Ce sont des souvenirs du passé, presque toujours plus forts que les esprits qui s’en inspirent ou s’en autorisent. […] En la rendant impatiente du présent, ils l’ont rendue curieuse du passé ; or c’est par l’effet de ce double esprit qu’elle est devenue capable de concevoir à son tour et d’inspirer à ses écrivains des idées générales.

111. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 20, de quelques circonstances qu’il faut observer en traitant des sujets tragiques » pp. 147-156

major è longinquo reverentia, dit Tacite ; il est plus facile de nous inspirer de la veneration pour des hommes qui ne nous sont connus que par ce qu’on lit d’eux dans l’histoire, que pour ceux qui ont vêcu dans des tems si peu éloignez du nôtre, qu’une tradition encore recente nous instruit exactement des particularitez de leur vie. […] Si nous sçavions l’histoire domestique de Cesar et d’Alexandre avec autant de détail, que nous sçavons celle des grands hommes de notre siecle, les noms du grec et du romain ne nous inspireroient plus la même veneration qu’ils nous inspirent.

112. (1906) Les idées égalitaires. Étude sociologique « Première partie — Chapitre I. Définition des idées égalitaires »

Par le second j’exprime son rapport aux personnes, les sentiments qu’il leur inspire, ou peut, ou doit leur inspirer, — sa valeur.

113. (1891) La vie littéraire. Troisième série pp. -396

Il a inspiré des vers adorables à M.  […] Vicaire a-t-il été mieux inspiré que le prieur de la Croix ! […] Les moines ne lui inspiraient que du dégoût. […] Maurice Spronck nous a inspiré ces réflexions. […] Les sociétés humaines lui inspirent un insurmontable dégoût.

114. (1868) Cours familier de littérature. XXV « CLe entretien. Molière »

ces gaietés triviales semblables à notre horrible fête du carnaval et à nos promenades ironiques du bœuf gras dans Paris, où le peuple jouit cruellement de l’agonie de l’animal qu’il va frapper, le paraissent inspirer. […] Elle l’inspira, elle l’aima, elle se fit sa fille. […] Je suis né avec les dernières dispositions à la tendresse ; et, comme j’ai cru que mes efforts pourraient lui inspirer, par l’habitude, des sentiments que le temps ne pourrait détruire, je n’ai rien oublié pour y parvenir. […] Il songe à inspirer de la crainte, du respect ; il oublie d’inspirer de l’amour ; il veut intimider l’esprit et ne sait pas gagner le cœur. […] Il y a force comique dans ce double contraste, car le spectateur ne peut s’empêcher de se réjouir de l’aveuglement d’un scélérat qui emploie, pour inspirer l’amour, tous les moyens qui doivent exciter la haine et le mépris.

115. (1772) Discours sur le progrès des lettres en France pp. 2-190

Les Gaulois leur en inspirèrent le goût. […] Il faut l’avouer, si l’envie de plaire aux femmes, donne presque toujours atteinte à l’innocence des mœurs, elle inspire du moins la politesse & l’urbanité. […] Ils ont la gloire d’avoir inspiré les Muses d’Italie : ils apprirent à Pétrarque à chanter la belle Laure, & nous leur sommes redevables de la régularité de la rime inconnue avant eux. […] Il n’envisagea dans son Art, que la gloire de plaire au sexe le plus sensible, & le plaisir de faire couler ses pleurs au récit tendre & passionné des sentimens qu’il inspire. […] Quelles vertus nous inspireront-ils ?

116. (1796) De l’influence des passions sur le bonheur des individus et des nations « Section première. Des passions. — Chapitre V. Du jeu, de l’avarice, de l’ivresse, etc. »

Examinons cependant, malgré le dégoût qu’un tel sujet inspire, les deux principes de ces passions, le besoin d’émotion et l’égoïsme. […] Les passions qui dégradent l’homme, en resserrant son égoïsme dans ses sensations, ne produisent pas, sans doute, ces bouleversements de l’âme où l’homme éprouve toutes les douleurs que ses facultés lui permettent de ressentir ; mais il ne reste aux peines, causées par des penchants méprisables, aucun genre de consolation ; le dégoût qu’elles inspirent aux autres, passe jusqu’à celui qui les éprouve ; il n’y a rien de plus amer dans l’adversité que de ne pas pouvoir s’intéresser à soi : l’on est malheureux sans trouver même de l’attendrissement dans son âme ; il y a quelque chose de desséché dans tout votre être, un sentiment d’isolement si profond, qu’aucune idée ne peut se joindre à l’impression de la douleur ; il n’y a rien dans le passé, il n’y a rien dans l’avenir, il n’y a rien autour de soi, on souffre à sa place, mais sans pouvoir s’aider de sa pensée, sans oser méditer sur les différentes causes de son infortune, sans se relever par de grands souvenirs où la douleur puisse s’attacher.

117. (1880) Les deux masques. Première série. I, Les antiques. Eschyle : tragédie-comédie. « Chapitre XVI, les Érynnies. »

. — Haine et répulsion qu’elles inspirent. — Cruauté qu’on leur attribue. — Nature vampirique des Érynnies. — La vision de Dion. […] Elles étaient pourtant haïes des hommes comme des dieux, il y avait de l’horreur dans la terreur qu’elles inspiraient.

118. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Troisième partie. Beaux-arts et littérature. — Livre quatrième. Éloquence. — Chapitre IV. Bossuet orateur. »

L’intérêt que peut inspirer une princesse expirant à la fleur de son âge semble se devoir épuiser vite. […] » Le poète (on nous pardonnera de donner à Bossuet un titre qui fait la gloire de David), le poète continue de se faire entendre ; il ne touche plus la corde inspirée ; mais, baissant sa lyre d’un ton jusqu’à ce mode dont Salomon se servit pour chanter les troupeaux du mont Galaad, il soupire ces paroles paisibles : « Dans la solitude de Sainte-Fare, autant éloignée des voies du siècle, que sa bienheureuse situation la sépare de tout commerce du monde ; dans cette sainte montagne que Dieu avait choisie depuis mille ans ; où les épouses de Jésus-Christ faisaient revivre la beauté des anciens jours ; où les joies de la terre étaient inconnues ; où les vestiges des hommes du monde, des curieux et des vagabonds ne paraissaient pas ; sous la conduite de la sainte Abbesse, qui savait donner le lait aux enfants aussi bien que le pain aux forts, les commencements de la princesse Anne étaient heureux200. » Cette page, qu’on dirait extraite du livre de Ruth, n’a point épuisé le pinceau de Bossuet ; il lui reste encore assez de cette antique et douce couleur pour peindre une mort heureuse.

119. (1927) Des romantiques à nous

Ce qui l’inspire à M.  […] Ce sujet l’inspire. […] Mais cette muse ne les a pas constamment inspirés. […] Elle lui inspirait l’ironie et la pitié. […] Il s’inspire d’une affinité intérieure.

120. (1864) Études sur Shakespeare

La puissance de l’homme aux prises avec la puissance du sort, tel est le spectacle qui a saisi et inspiré le génie dramatique de Shakespeare. […] En observant moins philosophiquement ses entraves, Hamlet les surmonterait plus aisément ; mais l’hésitation, la crainte qu’elles inspirent font partie de leur puissance, et Hamlet doit la subir tout entière. […] Qui ne se sentira le cœur assailli de toutes les émotions pleines d’angoisse que peut inspirer l’enfance, en voyant la scène où Hubert, selon sa promesse au roi Jean, veut faire brûler les yeux du jeune Arthur ? […] Pourquoi une sorte d’impatience et de fatigue vient-elle assez souvent nous troubler dans l’admiration qu’il nous inspire ? […] Ni lui ni son éditeur n’ont cherché à leur donner un intérêt historique par la désignation des personnes à qui ils furent adressés ou des occasions qui les inspirèrent.

121. (1817) Cours analytique de littérature générale. Tome III pp. 5-336

Mes discours ne roulait que sur la pitié qu’inspirent les vertus proscrites, que sur la terreur que produisent les crimes triomphants ! […] que de poèmes ont été inspirés par leurs mécènes ! […] Mes intimes liaisons avec le maître et le disciple m’inspirent un agréable pressentiment du succès de ce nouveau travail. […] Une fiction qui porte l’empreinte de sa sensibilité va contraster avec la terrible fable inspirée à Lucain par un courroux vertueux. […] Cette fiction, inspirée par la vérité même, égale, je crois, en majesté celle qu’inspira l’erreur aux disciples du vagabond Phébus, et s’accorde mieux à nos opinions sur la stabilité du soleil.

122. (1842) Discours sur l’esprit positif

Il est même certain que, à leur égard, on exagère beaucoup une telle incompatibilité, par suite de ce dédain absolu qu’inspirent aveuglément nos habitudes monothéiques pour les deux états antérieurs du régime théologique. […] Mais, d’après le sentiment unanime de leur commune insuffisance, ni l’un ni l’autre ne peut plus inspirer désormais, chez les gouvernants ou chez les gouvernés, de profondes convictions actives. […] C’est évidemment la marche continue des connaissances positives qui a inspiré, il y a deux siècles, dans la célèbre formule philosophique de Pascal, la première notion rationnelle du progrès humain, nécessairement étrangère à toute l’ancienne philosophie. […] Ainsi exercé, il a réellement inspiré ou secondé beaucoup d’aberrations antisociales, que le bon sens, livré à lui-même, eût spontanément évitées ou rejetées. […] À la majeure partie de ceux qui, la reçoivent, elle n’inspire guère désormais qu’un dégoût presque insurmontable de tout travail intellectuel pour le cours entier de leur carrière : mais ses dangers deviennent beaucoup plus graves chez ceux qui s’y sont plus spécialement livrés.

123. (1858) Cours familier de littérature. VI « XXXIIIe entretien. Poésie lyrique. David (2e partie) » pp. 157-220

On sent à ces accents que Saül n’écoute pas en lui seulement un barde d’Israël, mais un inspiré de Jéhovah. […] Puis un chant pour inspirer la confiance au peuple la veille des batailles : « Ceux-ci se confient dans leurs chariots de guerre, ceux-là dans leurs chevaux de bataille ; mais nous, Jéhovah, dans ton nom !  […] Quelle destinée, quelle puissance a la poésie quand elle s’inspire de la divinité ! […] Que ne puis-je l’y retrouver, pour chanter les tristesses de mon cœur et celles du cœur de tous les hommes dans cet âge inquiet, comme ce berger inspiré chantait ses espérances dans un âge de jeunesse et de foi ! […] ô éternité de la parole inspirée !

124. (1868) Cours familier de littérature. XXVI « CLVe entretien. Vie de Michel-Ange (Buonarroti) »

Quant au rayonnement de la face ; quant à cette terreur d’intelligence qu’elle inspire au regard ; quant à ce reflet de divinité que le visage semble avoir contracté dans le commerce divin avec le feu du buisson, tout cela est tellement surhumain qu’on est tenté de s’écrier, comme le commentateur italien de cette statue, avec les Hébreux éblouis : « Mettez un voile sur votre face, car nous ne pouvons en supporter l’éclat ! » C’est l’Apollon hébraïque, mais un Apollon mûr, impérieux, redoutable, qui commande et qui tue au lieu d’inspirer. […] La statue incomparable de l’Aurore qui se réveille et celle de la Nuit qui songe en s’assombrissant ont inspiré aux poëtes des apostrophes lyriques, célèbres dans la littérature de tous les temps. […] Le colosse de Memnon, en Égypte, n’a pas inspiré aux poëtes plus d’illusions que la statue du Penseur, que celle de la Nuit ou que celle de l’Aurore. […] L’état heureux des amants n’est pas celui où la jouissance amène la satiété : c’est une souffrance misérable, mais remplie d’espérance. » Reprenons : Celles des poésies de Michel-Ange qui chantent ce premier amour ont un accent de jeunesse et d’espérance vague qui les distinguent seules des vers inspirés par Vittoria Colonna dans une époque plus mûre de sa vie.

125. (1880) Les deux masques. Première série. I, Les antiques. Eschyle : tragédie-comédie. « Chapitre XVII, l’Orestie. — les Euménides. »

C’était la volonté de Zeus, puisque Zeus inspire ses oracles. […] Son esprit plane dans l’Agora, sur l’orateur qu’elle inspire, et sur le peuple qu’elle incline aux votes raisonnables. […] L’intégrité de l’Aréopage était renommée ; on avait foi dans ses arrêts comme dans les décrets d’un oracle : « Jamais, dit Démosthènes, un accusateur qui succomba, un accusé qui fut condamné ne put convaincre l’Aréopage d’injustice. » — Eschine lui rend le même témoignage : — « Devant l’Aréopage, j’ai souvent vu des gens qui avaient bien plaidé et qui avaient produit des témoins perdre leur procès, tandis que d’autres qui avaient mal parlé, et qui ne fournissaient aucun témoignage, sortaient victorieux des débats. » C’était l’esprit et non la lettre de l’équité qui inspirait ces grands juges. […] Installées au pied de l’Aréopage, en communication constante avec lui par les prières et les sacrifices, elles en recevront des influences de pitié humaine ; elles lui inspireront, à leur tour, le zèle de l’enquête active et du châtiment mérité. […] L’admiration qu’il inspirait ressemblait à de la stupeur.

126. (1856) Cours familier de littérature. I « Digression » pp. 98-160

La Sibylle a un temple admirable situé au-dessus de la cascade de Tivoli ; s’il y avait eu un de ces temples au-dessus de la chute de Terni, on n’aurait pas pu y rêver une Sibylle plus inspirée que cette jeune fille. […] L’admiration qu’il avait témoignée pour la belle inspirée devant ses courtisans fut prise par eux pour une inclination naissante. […] Je demandai à sa mère quel était ce jeune inconnu, dont la physionomie forte et fine inspirait une attention et une curiosité involontaires. […] Je restai seule, en proie à mes nouveaux transports ; Un céleste pouvoir secondait mes efforts ; Le Seigneur m’inspirait ; sa divine lumière Embrasait de ses feux mon âme tout entière, Et déjà l’avenir était changé pour moi. […] Tout dans ce pays, tout est odieux pour moi ; Tout, jusqu’à ses beautés, m’inspire de l’effroi ; Jusqu’à son fleuve illustre, énigme dans sa course, Dont, depuis trois mille ans, on cherche en vain la source.

127. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « HISTOIRE de SAINTE ÉLISABETH DE HONGRIE par m. de montalembert  » pp. 423-443

En commençant l’histoire de sa chère sainte, comme il dit, M. de Montalembert s’est fait écrivain légendaire, et, durant tout le cours du récit, il est resté fidèle à ce rôle qu’il n’interrompt que rarement par des retours sur nos temps mauvais, retours inspirés toujours de l’onction et des larmes du passé, ou ranimés d’une espérance immortelle. […] Un sentiment supérieur à l’idée de louange, et qui se formait en moi à cette lecture, est le respect qu’inspirent de semblables travaux pour la jeune vie, d’ailleurs si ornée, qui s’y consacre avec ardeur. […] J’ai marqué la sorte d’estime respectueuse que m’inspirait cette jeune existence si sérieuse et si dévouée à quelques idées générales ; mais je ne me suis jamais dissimulé un défaut, selon moi capital, qui a présidé à toute la formation intellectuelle de ce beau talent, et que les années survenantes et la renommée établie ont plutôt masqué aux yeux qu’effacé en réalité : M. de Montalembert, comme esprit, n’a pas d’originalité ; il est disciple ; il l’a été de M. de Maistre en religion, et de M. de La Monnais plus particulièrement, de Victor Hugo en architecture et en admiration du gothique ; et quand il était disciple en un sens, il allait tout droit devant lui, il ne regardait ni à droite ni à gauche, il renversait tout. […] mais pourquoi la vieillesse, en approchant, ne lui inspire-t-elle donc pas un peu plus d’indulgence ?

128. (1864) De la critique littéraire pp. 1-13

Cette image de la beauté divine que nous portons en nous-mêmes est d’abord quelque peu obscure ; il faut que les traits de cette beauté, aperçus par des yeux plus clairvoyants et reproduits dans les écrits qu’elle a inspirés, habituent peu à peu nos yeux à la distinguer. […] Fort contre vos raisons, ie céderais peut-être au nombre, et mon isolement m’inspirerait quelque défiance. […] Elle n’inspire pas les artistes ; elle les gâte par ses éloges, les gêne par ses contradictions.

129. (1818) Essai sur les institutions sociales « Préface » pp. 5-12

Lémontey, auteur du second, luttait avec une sorte de réserve contre des doctrines dont la source lui inspirait une vive antipathie, et dont il ne pouvait cependant ne pas admettre les directions, ou, comme on dit, les tendances. […] Ce n’est que dans les commencements des sociétés que l’enthousiasme a une puissance fondatrice, et qu’une âme inspirée entraîne le monde… » M. 

130. (1889) Histoire de la littérature française. Tome III (16e éd.) « Chapitre huitième »

Racine, c’est le musicien qui parcourt le domaine infini de l’harmonie, et qui fait jaillir, sous ses doigts inspirés, des chants de tous les caractères. […] Racine nous inspire une autre sorte d’admiration que Corneille. […] Mais cette coquetterie, puisque j’ai eu besoin de ce mot, dans l’une est le manège innocent d’une mère qui fait servir sa beauté à la défense de son fils ; dans l’autre une ruse inspirée par une passion furieuse. […] Si c’est ainsi que nos filles sentent et s’expriment, j’en suis bien fier pour la France, puisqu’elle a inspiré à l’un de ses plus grands poètes les plus nobles types de la jeune fille. […] Corneille avait été mieux inspiré, en ne faisant pas Auguste amoureux, quoique la chose pût n’être pas invraisemblable, même d’Auguste.

131. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre VIII. La littérature et la vie politique » pp. 191-229

Ce prince de l’Eglise qui lésine et triche au jeu n’est pas fait pour inspirer le respect, et certaines aventures de son passé ne sont pas de nature à lui donner l’ascendant qui lui manque. […] Il a des accès de férocité qui inspirent la crainte à défaut du respect. […] Et ce sont, d’ordinaire, d’autres hommes venus plus tard, quand le péril était passé, quand le ciel était rasséréné, qui ont été inspirés, stimulés, élevés au-dessus d’eux-mêmes par la vue lointaine de ce déchaînement gigantesque. […] L’histoire de nos révolutions démontre en lui la persistance du rêve de justice et de bonheur universels qui inspira soit la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, soit la fête de la Fédération. […] Ainsi le souvenir de l’Empire inspire poètes et historiens que sa présence a étouffés.

132. (1864) Corneille, Shakespeare et Goethe : étude sur l’influence anglo-germanique en France au XIXe siècle pp. -311

On n’allait pas chez lui, à Weimar, avec David d’Angers, pour s’inspirer, mais pour lui rendre hommage. […] Quoique évidemment inspiré par les Espagnols, cette imitation était plutôt chez lui une assimilation. […] C’est de la littérature allemande dans toute sa fleur que nous vinrent plus tard les grands courants dont s’inspira le Romantisme. […] Cousin ne fut point le seul qui alla s’inspirer de la philosophie allemande et qui finit par l’oublier. […] Telle fut la première création qu’inspira à Victor Hugo la poésie du Nord.

133. (1854) Histoire de la littérature française. Tome I « Livre II — Chapitre septième. »

Quoique ce soit l’œuvre d’érudits, le grief national qui les a inspirés est si vif et si profond, qu’ils en oublient jusqu’à l’érudition, et qu’aucune imitation de l’antiquité ne paraît dans cette explosion de la vraie France blessée dans sa foi, dans son indépendance nationale, dans sa raison. […] La politique, comme science générale du gouvernement, avait suscité de profonds penseurs ; la politique française proprement dite, celle de l’unité nationale, avait inspiré un pamphlet qui est demeuré. […] Deux esprits contradictoires ont inspiré ces écrivains. […] Cette disposition a inspiré deux écrivains, qui, nés dans la seconde moitié du xvie  siècle, ont produit leurs meilleurs ouvrages dans les premières années du xviie  : Charron et François de Sales. […] Tour à tour poétique et pittoresque, ingénieux et subtil, il ôte aux esprits les plus difficiles l’envie de remarquer quelques traces des défauts du temps parmi tant de beautés aimables que lui inspire le désir de plaire aux âmes pour les sauver.

134. (1889) Histoire de la littérature française. Tome III (16e éd.) « Chapitre dixième. »

Le plus inspiré des anciens. — § VII. […] Pour Molière, la galanterie de la cour ne l’inspire guère mieux, et le français n’est là ni de tradition ni de génie. […] La Fontaine est de tous nos poètes le plus inspiré des anciens. Si La Fontaine est le plus français de nos poètes, il est aussi le plus inspiré de l’antiquité. […] ne sentence de police de ce magistrat vint interdire le débit du quatrième livre, « dont la lecture, y est-il dit, ne peut avoir d’autre effet que celui de corrompre les mœurs et d’inspirer le libertinage. » 92.

135. (1906) Les idées égalitaires. Étude sociologique « Deuxième partie — Chapitre II. La qualité des unités sociales. Homogénéité et hétérogénéité »

Tous ces exemples ne prouvent-ils pas que le spectacle des dissemblances, extérieures ou intérieures, innées ou acquises, qui séparent les hommes, n’est pas propre à leur inspirer l’idée de leur égalité ? […] Mais les réflexions qui précèdent nous l’ont fait comprendre : qui dit hétérogénéité des occupations, des idées, des facultés mêmes mentales ou physiques, n’a pas dit encore inégalité des droits ; et prétendre que la division du travail impose l’inégalité aux sociétés comme elle produit le polymorphisme dans les organismes, C’est méconnaître le caractère psychologique des unités sociales : le milieu social agit sur elles non pas seulement par les transformations quasi-mécaniques qu’il leur impose, mais encore et surtout par les idées et les sentiments qu’il leur inspire. […] D’ailleurs, et plus directement, par les sentiments qu’elle inspire aux individus qu’elle distingue comme par la façon dont elle les tient liés, la division du travail rend leur égalisation nécessaire. […] Et d’abord, puisque nous avons accordé que la composition ethnique d’une société peut, par l’entremise des sentiments réciproques qu’elle inspire à ses membres, la rapprocher ou l’écarter de l’égalité, que nous apprend l’anthropologie sur la composition ethnique des sociétés égalitaires ? […] Par là s’expliquent les réflexions, en apparence contraires, qu’inspirent aux observateurs les spectacles contemporains.

136. (1890) Les œuvres et les hommes. Littérature étrangère. XII « Shakespeare »

Et parmi les critiques plus ou moins profonds, plus ou moins ingénieux, mais certainement mieux inspirés que François-Victor Hugo, les uns ont cherché à rétablir l’ordre chronologique dans les œuvres de Shakespeare, comme d’autres ont cherché à préciser les connaissances, l’éducation la religion de Shakespeare. […] Or, excepté la minute où le grand artiste, l’homme inspiré, le poète, est, par l’intensité de sa conception, le personnage qu’il conçoit et auquel il donne la vie, excepté pendant cet éclair de la conception, Shakespeare n’avait, certes ! […] mais excusable de la part d’un homme qui a été élevé de manière à croire que la première représentation d’Hernani fut un événement supérieur à la bataille de Tolbiac, la préface du Coriolan et du Roi Lear est un morceau très intéressant de renseignement, d’analogies heureuses, quelquefois même d’aperçu ; et entre tous les travaux critiques qu’a inspirés Shakespeare, ce n’est pas, à coup sûr, le moins distingué. […] Seulement, ce que nous savons de Lord Byron, de science certaine, par ses Mémoires, par ses lettres, par ses vers à Ada, dans Childe Harold, par cet Adieu que madame de Staël, au prix d’un égal malheur à celui de Lady Byron, eût voulu avoir inspiré, nous ne le savons pas de Shakespeare, le grand inconnu, le grand mystérieux, auquel François Hugo veut, à toute force, ôter ce mystère qui lui donne davantage l’air d’un dieu ! […] Mais il y a un autre grand conteur moderne auquel Shakespeare fait penser et qu’il semble avoir inspiré dans un de ses plus beaux ouvrages, et c’est Honoré de Balzac.

137. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « La comtesse de Boufflers (suite.) »

Je ne suis ni assez fou ni assez vain pour croire avoir pu lui inspirer du goût à mon âge ; mais, sur certains propos qu’elle tint à Thérèse, j’ai cru lui avoir inspiré de la curiosité. […] J’ose croire que si vous eussiez été auprès de moi lorsque cette cruelle offense vous a été faite, elle vous eût inspiré plus de compassion que de colère. » La première partie de cette réponse à Hume était écrite avant le retour de Mme de Boufflers à Paris ; elle attendit d’y être pour l’envoyer ; en arrivant, elle y prit connaissance d’une autre lettre de Hume adressée à d’Alembert, et qui contenait l’exposé de toute la querelle, avec prière de la communiquer, non-seulement aux amis de Paris, mais même à M. de Voltaire, c’est-à-dire à l’ennemi tout personnel de Rousseau. […] Ce serait donc seulement le plaisir de faire le mal et de se déshonorer gratuitement qui lui aurait inspiré les noirceurs dont vous l’accusez.

138. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « XXIX » pp. 117-125

Il a, au reste, des amis très-bien disposés et très-dévoués au sein du Château, dans la personne même de la reine, si pieuse, et tout autour d’elle : l’atmosphère intime des Tuileries est plutôt propice à certaines concessions et serait capable de les inspirer. […] Le sentiment moral inspire peu les gros bonnets, les chefs, et tout le corps s’en ressent.

139. (1892) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Cinquième série « L’exposition Bodinier »

Bodinier n’a donc point été si mal inspiré en organisant, dans une galerie attenante à son théâtre de poche, une exposition de portraits d’acteurs et d’auteurs dramatiques. […] Mais les portraits des morts pourront vous inspirer quelques réflexions.

140. (1898) Inutilité de la calomnie (La Plume) pp. 625-627

Le goût que nous inspire le monde n’est déjà que trop répandu. […] Le sentiment qu’il m’inspire vient de l’affection plus que de l’estime.

141. (1909) Les œuvres et les hommes. Philosophes et écrivains religieux et politiques. XXV « Wallon »

Il en fait tour à tour le plus grand poète et le plus pathétique vulgarisateur de choses abstraites qui ait jamais existé Cette faculté d’assimilation, ou d’imprégnation, qui est à un degré si déplorable dans Cousin, — et qui le transforme tour à tour en éponge qui boit tout ou en cuvette dans laquelle on mêle tout, idées et systèmes, — cette faculté d’être un Grec, deux Écossais, trois Allemands à la fois, et de ne pouvoir parvenir à être un homme, exalte l’admiration effrayante de Wallon et lui inspire ces incroyables arabesques de louanges et ces perfides lacs d’amour de l’éloge qu’il trace autour de son nom… C’est là ce qui lui fait verser sur cette grande tête, dévouée aux… flatteries, assez de couronnes pour l’accabler. […] Dessins du temps et des époques qui ont suivi, gravures noires, gravures coloriées, portraits, éclaircissements sur la géographie et le costume de la guerre en 1430, théâtre des événements, histoire littéraire où l’on passe en revue les livres et les poèmes inspirés par Jeanne d’Arc, tout est là de ce qui se rattache à sa gloire, depuis le mystère du siège d’Orléans jusqu’au drame de Jules Barbier et de Gounod.

142. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre III. Des éloges chez tous les premiers peuples. »

Ils leur inspiraient un enthousiasme de valeur, qui, plusieurs siècles de suite, leur servit de barrière contre les tyrans. […] J’honore l’homme qui ne recule pas devant un homme ; c’est la gloire de celui qui a du courage ; et qui veut inspirer de l’amour à une femme, doit être prompt et hardi dans les batailles… Non, dans le palais du puissant Odin, l’homme brave ne gémit point sur sa mort.

143. (1889) Histoire de la littérature française. Tome IV (16e éd.) « Chapitre premier »

Et quel exemple, pour le dire en passant, que l’homme de génie qui en a tant inspiré pour lui-même, l’ait si vivement sentie pour les autres ! […] Le poète lui-même, au moment où il est inspiré, ignore ce qui l’inspire ; et c’est parce que le secret de son travail lui échappe qu’il en fait honneur à la muse, et qu’il transforme sa plume en une lyre mystérieuse touchée par des doigts divins. […] Faire siéger dans la même Académie, à côté des savants français, les savants étrangers, c’est une des plus grandes idées inspirées à Louis XIV par Colbert. […] Fontenelle n’a pas voulu de l’admiration pour les autres ; sa punition est de n’en pas inspirer pour lui-même. […] C’était la morale naturelle, celle qui avait inspiré Socrate.

144. (1854) Nouveaux portraits littéraires. Tome I pp. 1-402

L’espérance d’une éternelle réunion ennoblit l’amant et la maîtresse ; leur mutuelle passion nous inspire un religieux respect. […] Cette pensée si vraie inspire à M. de Lamartine une série de comparaisons tantôt ingénieuses, tantôt éloquentes. […] M. de Lamartine n’a jamais été mieux inspiré. […] Quelle confiance mérite, quelle confiance inspire le poète qui ne prend pas la peine de connaître le sens des mots qu’il emploie ? […] Lorsqu’elle chantait des couplets mal rimés, elle n’était qu’une femme ; inspirée de M. 

145. (1809) Tableau de la littérature française au dix-huitième siècle

Un changement quelconque inspire plus de courage. […] Le spectacle du désordre n’inspirait pas ces haines vigoureuses que doivent ressentir les âmes honnêtes. […] Il chercha à inspirer à la jeunesse le goût de toutes les choses honnêtes, en même temps que l’amour des lettres. […] Il suffit qu’ils fassent partager aux spectateurs le mouvement qui les a inspirés, pour obtenir et mériter des succès. […] Cette disposition équivoque ne saurait inspirer l’éloquence.

146. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « De la poésie en 1865. (suite.) »

Ordinairement, le poëte chrétien classique s’inspire de David et des Psaumes, la haute source première, et il les paraphrase plus ou moins en adaptant le chant à sa voix : ainsi fait Racine, ainsi fait Le Franc, ainsi Lamartine ; ainsi fait Veyrat. […] Ce volume est tout entier inspiré par les douleurs de l’exil, par les joies du retour, joies si mêlées et si altérées encore. […] le statuaire, au moment où l’argile Refuse au sentiment le contour désiré, Parce qu’il trouve alors une fange indocile,     Est-il moins inspiré ?

147. (1874) Premiers lundis. Tome II « Jouffroy. Cours de philosophie moderne — II »

Il est l’homme unique, l’homme nécessaire, l’organe et l’oracle de l’humanité, celui qu’elle enfante et celui qui la régénère ; il est inspiré. […] Le grand artiste, le prêtre révélateur, qui a la solution sentimentale et sociale de l’époque future, celui-là fonde une religion, parce qu’il a cette solution même, et non, parce que la conception en est accompagnée de symptômes plus ou moins irréguliers ; celui-là est véritablement inspiré, parce qu’il est de son temps l’individu le plus sympathique pour aimer l’humanité, le plus intelligent pour la comprendre, le plus fort pour la transformer ; il pressent et proclame le premier la forme d’association la mieux adaptée, selon le temps, au bonheur du plus grand nombre ; il accouche le présent de l’avenir dont il est gros et si le présent, comme une mère que la douleur de l’enfantement égare, le repousse avec outrage et colère, l’avenir pieux s’incline et le bénit. […] Mais qui vous a dit, ô vous qui désespérez si légèrement du moyen le plus commode et le plus sûr ; qui vous a dit que ces révélations antérieures, vraies selon les époques, progressives comme le genre humain qu’elles ont élevé et transformé, ne doivent pas toutes se retrouver et aboutir en une révélation définitive, également inspirée, quoique d’un caractère différent d’inspiration, et qui, leur rendant à chacune leur vrai sens, saura absoudre et glorifier Dieu, apaiser et réjouir l’humanité ?

148. (1887) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Troisième série «  Les femmes de France : poètes et prosateurs  »

Et ces vers, âpres et nus, sont parmi les plus beaux vers pessimistes qu’on ait écrits, et les plus éloquents peut-être et les plus virils qu’ait jamais inspirés le désespoir métaphysique  Mais voilà qu’à ces éclats impies (admirable variété des âmes !) […] Et, enfin, que vos fautes vous soient pardonnées, car qui pourrait dire à combien de femmes, à combien d’hommes, ô fée bienveillante, la plupart de vos récits ont inspiré le courage, la résignation vaillante, la sérénité, l’espoir en Dieu et sur toutes choses la bonté, ô vous que vos amis appelaient la bonne femme, ô mère d’Edmée63, de Marcelle64, de Caroline65, de Madeleine66, de la petite Marie67, de la petite Fadette et de la divine Consuelo ! […] Jacquinet répond à la première de ces questions dans sa substantielle préface : Peut-être peut-on se demander si la beauté solide et constante de langage des vers, par tout ce qu’il faut au poète, dans l’espace étroit qui l’enserre, de feu, d’imagination, d’énergie de pensée et de vertu d’expression pour y atteindre, ne dépasse pas la mesure des puissances du génie féminin, et si véritablement la prose, par sa liberté d’expression et ses complaisances d’allure, n’est pas l’instrument le plus approprié, le mieux assorti à la trempe des organes intellectuels et au naturel mouvement de l’esprit chez la femme, qui pourtant, si l’on songe à tout ce qu’elle sent et à tout ce qu’elle inspire, est l’être poétique par excellence et la poésie même.

149. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XXVI » pp. 279-297

J’ai écrit à peu près la même chose à madame de Thianges, et c’est une précaution que m’inspire la prudence. […] Pour conserver l’affection du prince en même temps que son estime, pour ne pas mentir au sentiment qu’il avait inspiré sans y céder, il fallait qu’en résistant à ses désirs, on laissai voir une pressante disposition à y céder, mais en même temps une soumission profonde à une puissance qui ordonne d’y résister ; il fallait, en faisant souffrir de sa résistance, qu’il fût certain qu’on en souffrait soi-même. […] Tous les biographes81 s’accordent, avec raison, à dire, d’après la correspondance de madame de Maintenon, que, « parvenue aux grandeurs, elle se trouva si importunée des respects que son nouvel état inspirait au directeur, qu’elle crut devoir donner sa confiance à un autre ».

150. (1880) Les deux masques. Première série. I, Les antiques. Eschyle : tragédie-comédie. « Chapitre XV, l’Orestie. — les Choéphores. »

En retour, l’aïeul, du fond de son repos, veillait paternellement sur ses descendants ; il inspirait leurs conseils et les protégeait dans les périls de la vie. […] Cet hommage tardif que Clytemnestre envoie à Agamemnon est inspiré par la peur. […] » L’homme lui répond comme si un dieu l’inspirait : « Il y a que les vivants sont tués par les morts. » Elle demande une arme, s’excite à la lutte : en se retournant, elle rencontre le visage effrayant d’Oreste dressé devant elle.

151. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Les Confidences, par M. de Lamartine. (1 vol. in-8º.) » pp. 20-34

« On comprend, dit M. de Lamartine, rien qu’à voir ce portrait, toute la passion qu’une telle femme dut inspirer à mon père, et toute la piété que plus tard elle devait inspirer à ses enfants. » Oui, l’on comprend la passion, mais non la piété. […] Après l’épisode de Graziella terminé, il ne faut rien leur demander de plus ; elles offrent toujours de jolies pages, mais aucune suite, aucun ensemble, et elles n’ont pas assez de vérité pour inspirer confiance en ce qui est des faits ou même des sentiments.

152. (1893) Les œuvres et les hommes. Littérature épistolaire. XIII « Madame Récamier »

Aussi dévouée que l’amour, mais bien plus désintéressée, l’amitié de Madame Récamier inspirait des jalousies qu’elle ne partageait pas et qu’elle finissait par faire y ivre tranquillement les unes avec les autres, dans la paix qui s’exhalait d’elle. […] Elle les inspirait. […] Madame Lenormant était mieux placée que personne pour nous le donner, mais pour cela il fallait une main inspirée !

153. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre VI. »

Un canton de la Grèce, une île de quelques lieues de tour, donnait parfois plus de rares talents, plus d’artistes inspirés que n’en porte ailleurs un grand pays, même civilisé. […] Nous l’ignorons ; mais il nous reste à deviner dans de maladroites analyses ou à sentir dans un seul chef-d’œuvre le génie dont elle fut inspirée. […] L’affinité de leurs âmes était merveilleuse ; tous deux purs, de mœurs délicates, et divers dans leurs travaux, selon la loi de la nature : elle, par son fuseau, s’élevant à l’art de Minerve, et lui, dans ses labeurs, recueillant les dons du dieu Mercure ; elle ayant sa lyre, et lui passionné pour les livres ; elle aimée d’Aphrodite, et lui d’Apollon ; lui le premier des jeunes gens ; elle privilégiée parmi les filles. » Enfin Sapho, dans des paroles perdues dont s’est inspiré Catulle, comparait la jeune fille à ce fruit défendu, et « conservé dans sa fleur pour celui qui doit le cueillir ».

154. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre VIII. »

La philosophie, dans la Grèce, est presque de même date que la poésie ; et, de bonne heure, ces deux, forces de l’intelligence s’étaient inspirées l’une l’autre, ou parfois s’étaient mêlées. […] Pindare allait être le chantre inspiré de cette philosophie pythagoricienne, la plus pure doctrine de l’antiquité avant Platon, spiritualiste jusqu’à l’erreur de la métempsycose, morale jusqu’aux plus sévères abstinences, poétique et lyrique, pour prendre plus d’empire sur les âmes, et les épurer par l’enthousiasme. […] Ainsi peut s’expliquer le langage inspiré, l’enthousiasme d’Empédocle parlant de lui-même et invoquant la foi docile de ses concitoyens.

155. (1921) Esquisses critiques. Première série

Jamais il n’est inspiré. […] Ils battent monnaie de leurs sentiments ou de ceux qu’ils inspirent. […] Les passions les plus généreuses l’inspirent et le gouvernent. […] Ils semblent s’inspirer du succès d’autrui et s’employer à le vulgariser. […] Certains de ses articles firent date dans la carrière des écrivains qui les inspirèrent.

156. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « MADAME DE STAEL » pp. 81-164

Je crois, en lisant ces évanouissements, ces morts si promptes, me retrouver avec les personnages, assez semblables, du bon abbé Prevost, ou plutôt je me promène véritablement dans les bosquets de Saint-Ouen où Mlle Necker égarait ses rêves, dans les jardins d’Ermenonville où tant de pèlerinages allaient s’inspirer. […] » Marie-Joseph Chénier aurait dû se souvenir de tant de passages inspirés par le libre génie de ces années d’espérance, plutôt que de se prendre, comme il l’a fait (Tableau de la Littérature), à un mot douteux échappé sur Condorcet. […] Mme de Staël, qui sortait de la Révolution, qui s’inspirait de la philosophie, qui maltraitait le règne de Louis XIV et rêvait un idéal d’établissement républicain, devait être considérée alors par tous les hommes de ce camp comme ennemie, comme adversaire. […] s’écrie Fontanes, quelle femme, digne d’inspirer ses chansons, s’est jamais exprimée de cette manière sur le peintre de l’amour et du plaisir ?  […] En un chapitre de l’Allemagne, elle y reviendra d’un ton de moralité et comme de reconnaissance qui pénètre, lorsque surtout on rapproche cette page des circonstances secrètes qui l’inspirent.

157. (1859) Cours familier de littérature. VII « XXXVIIIe entretien. Littérature dramatique de l’Allemagne. Le drame de Faust par Goethe » pp. 81-160

Méphistophélès inspire bien toujours la perversité ; mais il n’inspire le génie qu’à Goethe et à Byron, et aux hommes de leur grande race. […] Musset, qui leur est bien supérieur, s’est trop inspiré de Heine, au lieu de s’inspirer de lui-même ; il a donné dans ses boutades de scepticisme l’exemple et l’excuse à ses imberbes émules. […] Faust brave courageusement l’horreur que l’Esprit lui inspire ; il s’abandonne à lui. […] (L’aspect de cette chambre lui inspire des pensées délicieuses, mais toujours pures. […] Je suis cependant bienveillante pour les autres hommes ; mais autant je brûle du désir de te regarder, autant l’aspect de cet homme m’inspire une secrète horreur ; et c’est ce qui fait que je le tiens pour un coquin !

158. (1889) Histoire de la littérature française. Tome IV (16e éd.) « Chapitre troisième »

Le bon esprit philosophique a inspiré tout ce que la littérature du dix-huitième siècle a de beautés durables. […] Lesage et Rollin sont inspirés par la tradition du dix-septième siècle, chacun à sa manière. […] Voilà, tout au contraire, un livre qui vit surtout par l’élévation morale et par cette sorte de poésie secrète qui s’exhale des trop rares ouvrages que le cœur a inspirés. […] L’instituteur païen forme son élève pour vivre « : au plus épais de la mêlée humaine et au plein jour de la république28. » Aussi doit-on, avant toute chose, lui inspirer l’estime de lui-même et la confiance en ses forces. […] Mais Fénelon lui-même a inspiré et sa main aurait pu écrire certaines pages où Fleury donne aux maîtres, sur la façon dont il faut en user avec les enfants, des conseils renouvelés de Montaigne, avec la subtilité de moins et l’onction de plus.

159. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « La marquise de Créqui — II » pp. 454-475

C’est ainsi que de près il a pu inspirer une sorte de surprise et d’enthousiasme à ceux qui l’ont beaucoup vu, au prince de Ligne comme à Mme de Créqui. […] Il y inspire un tendre intérêt à une jeune dame qui, après bien des troubles et des luttes secrètes de cœur, devient veuve fort à propos, et qui n’aurait plus qu’à l’épouser si lui-même, forcé par l’honneur de se rendre à l’armée de Condé, il n’était fait prisonnier les armes à la main et condamné à périr sur l’échafaud ; il ne s’y dérobe qu’en se donnant la mort et en se frappant d’un coup de stylet, exactement comme Valazé. […] La science militaire est composée de deux choses, de moralité et de géométrie : par l’une on apprend l’art de plier l’homme à une exacte discipline, d’exalter son âme et de lui inspirer un noble orgueil de son état ; par l’autre on combine les moyens les plus prompts d’opérer avec précision différents mouvements. […] Le temps fait perdre de leur prix non seulement aux pensées des hommes, mais à leurs actions, à mesure que des actions semblables se multiplient ; des exemples de valeur héroïque, des mots sublimes inspirés par l’héroïsme militaire ou patriotique, qu’on admirait chez les anciens, sont devenus des lieux communs ; dès qu’on entend commencer l’histoire, on en devine la fin et le trait, comme on devine souvent l’hémistiche d’un vers ; l’esprit se blase ainsi sur tout ; l’amour-propre même s’use ; les triomphes, les honneurs, les applaudissements multipliés n’offrent plus le même attrait, et l’homme, de jour en jour, doit être moins avide de succès qu’il voit prodiguer à un grand nombre de personnes, et souvent à des hommes méprisables.

160. (1892) Boileau « Chapitre II. La poésie de Boileau » pp. 44-72

Aussi a-t-il mieux parlé de son cher Auteuil que de la vraie nature ; ses fruits et ses abricotiers l’inspiraient mieux que les prés et les forêts : car ils étaient à lui ou lui parlaient de lui. […] Rien de ce qui eût inspiré la spirituelle polissonnerie de l’âge suivant, mais seulement les « quatre mouchoirs de sa beauté salis » qu’on envoie au blanchisseur. […] Mais emporté par son admiration pour les modèles anciens, obéissant à un goût tout intellectuel que lui inspirait la société où il vivait, il entreprit d’écrire des discours moraux. […] Il n’a de passion sincère que pour les lettres ; il n’a d’idées personnelles que sur les lettres ; hormis dans les sentiments et les idées que les lettres lui inspireront, incapable d’invention et ne pouvant rien ajouter à son expérience, il ne pourra donc évoquer ou traduire que les sensations de son oreille et de son œil.

161. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre XI. La littérature et la vie mondaine » pp. 273-292

Inspirée de l’antiquité, ressuscitant de parti pris des Grecs et des Romains, elle s’adressait nécessairement à une élite de gens instruits, seuls capables de s’intéresser à l’évocation d’un passé lointain ; elle était un spectacle élégant et noble ; et si elle a brillé surtout au milieu du xviie  siècle, c’est qu’elle a rencontré là des mœurs et un état d’esprit avec lesquels elle était, par son origine même, en secrète harmonie. […] Le même idéal inspire alors la poésie épique. […] Le débat de Clitandre et de Trissotin, dans les Femmes Savantes, nous permet de prendre sur le fait la lutte de ce qui était alors l’esprit nouveau contre la tradition mourante du xvie  siècle : Permettez-moi, monsieur Trissotin, de vous dire, Avec tout le respect que votre nom m’inspire, Que vous feriez fort bien, vos confrères et vous, De parler de la cour d’un ton un peu plus doux ; Qu’à le bien prendre, au fond, elle n’est pas si bête Que, vous autres, messieurs, vous vous mettez en tête ; Qu’elle a du sens commun pour se connaître à tout ; Que chez elle on sa peut former quelque bon goût, Et que l’esprit du monde y vaut, sans flatterie, Tout le savoir obscur de la pédanterie. […] Il a beau, une fois seul, se plaindre qu’on l’assassine, qu’on lui plonge le poignard dans le sein, il supporte avec trop de calme ces blessures mortelles pour inspirer beaucoup de pitié.

162. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XXXVII et dernier » pp. 442-475

Mais un document plus authentique et plus frappant de l’aversion de madame de Maintenon pour le système suivi contre les protestants, et de la honte qu’elle inspira au roi des excès qui continuèrent après la révocation de l’édit de Nantes, c’est la tragédie à Esther qu’elle fit composer par Racine pour la maison de Saint-Cyr, et qui y fut représentée devant le roi. […] Les uns disent que je me veux mettre à sa place, et ne connaissent ni mon éloignement pour ces sortes de commerces, ni l’éloignement que je voudrais en inspirer au roi. […]  » Il paraît que madame de Maintenon mit alors à profit les bonnes dispositions que la naissance du duc de Bourgogne avait inspirées au roi, et réalisa une des grandes espérances qu’elle avait fondées sur ce cœur bien fait, en obtenant de lui un retour de tendresse vers la reine, dont sa négligence faisait le malheur. […] Elle opposa ses scrupules, elle favorisa tous les hommes qui pouvaient les justifier dans l’esprit du roi et lui en inspirer à lui-même.

163. (1889) L’art au point de vue sociologique « Introduction »

Platon avait déjà comparé l’influence du poète inspiré sur ceux qui l’admirent et partagent son inspiration à l’aimant qui, se communiquant d’anneau en anneau, forme toute une chaîne soulevée par la même influence. […] IV. — L’art, ayant pour but d’établir un lien de société sensible et de sympathie entre des être vivants, n’y peut arriver, nous l’avons vu, que par le moyen terme d’une sympathie inspirée pour des êtres vivants qui sont sa création. […] Guyau étudie à ce sujet l’esthétique du souvenir, qui lui inspire des pages d’une poésie charmante. […] L’idée philosophique de l’évolution universelle « est voisine de cette autre idée qui fait le fond de la poésie : vie universelle9. » Si le mystère du monde ne peut être complètement éclairci, il nous est pourtant impossible de ne pas nous faire une représentation du fond des choses, de ne pas nous répondre à nous-mêmes dans le silence morne de la nature : « Sous sa forme abstraite, cette représentation est la métaphysique ; sous sa forme imaginative, cette représentation est la poésie, qui, jointe à la métaphysique, remplacera de plus en plus la religion. » Voilà pourquoi le sentiment d’une mission sociale et religieuse de l’art a caractérisé tous les grands poètes de notre siècle ; s’il leur a parfois inspiré une sorte d’orgueil naïf, il n’en était pas moins juste en lui-même. « Le jour où les poètes ne se considéreront plus que comme des ciseleurs de petites coupes en or faux où on ne trouvera même pas à boire une seule pensée, la poésie n’aura plus d’elle-même que la forme et l’ombre, le corps sans l’âme : elle sera morte. » Notre poésie française, heureusement, a été dans notre siècle tout animée d’idées philosophiques, morales, sociales.

164. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « V. M. Amédée Thierry » pp. 111-139

Vus par cette lorgnette renversée, Attila, par exemple, n’est plus qu’un bonhomme narquois et plein de prudence qui entend son ménage de Barbare ; la Sainte inspirée qui fut Jeanne d’Arc n’est plus qu’une bonne patriote et une somnambule… à peu près ! […] Est-ce que les historiens que nous avons nommés plus haut, et dont il s’inspire, ne disent pas un mot de ces choses ? […] Augustin Thierry en ses Récits mérovingiens, ces Récits très distribués, très entendus, très bien faits, dans le sens d’un art bien plus consommé qu’inspiré, n’ont point, la coloration énergique qu’on est en droit d’attendre d’un homme qui a traversé ce fleuve rouge des Chroniques et qui doit plaquer du feu et du sang sur tout ce qu’il touche ! […] Pourquoi n’ose-t-il pas affirmer en lui le prophète et aime-t-il mieux (page 239) nous le montrer habile dans le sens moderne qu’inspiré dans le sens divin ?

165. (1897) La crise littéraire et le naturisme (article de La Plume) pp. 206-208

Elles préconisèrent toutes ce qu’on pourrait appeler « la Littérature pour Littérateur » ; avec d’identiques tendances vers un spiritualisme indécis, elles s’inspirèrent de métaphysiques révolues et de théogonies décrépites. […] * *   * Avec une pareille compréhension de la Beauté, il est aisé de se rendre compte de la singulière aversion que nous inspira l’état présent des lettres vers les premières heures de nos débuts.

166. (1885) Préfaces tirées des Œuvres complètes de Victor Hugo « Préfaces des recueils poétiques — Préface des « Feuilles d’automne » (1831) »

C’est maintenant le lieu de répondre à la question des personnes qui ont bien voulu demander à l’auteur si les deux ou trois odes inspirées par les événements contemporains, qu’il a publiées à différentes époques depuis dix-huit mois, seraient comprises dans les Feuilles d’Automne. […] Ce que sera ce recueil, quelles sympathies et quelles antipathies l’inspireront, on peut en juger, si l’on en est curieux, par la pièce XL du livre que nous mettons au jour.

167. (1909) Les œuvres et les hommes. Philosophes et écrivains religieux et politiques. XXV « Proudhon et Couture »

Sous son doigt inspiré, la corde d’airain devient une corde d’or. […] Mais, devenue égoïste parce qu’elle n’avait plus de fonctions utiles à remplir, la féodalité épuisée, ayant refusé de faire un pas de plus dans le sens qui emportait tout, des hommes inspirés du génie civilisateur de la France, Louis XI, Richelieu, la jetèrent sous leurs haches impatientes, et la révolution française acheva ces terribles nécessités par lesquelles devait passer une société qui résistait, dans les débris de son ancienne organisation politique en ruines, à la centralisation définitive que Couture assied largement sur l’égalité politique de tous.

168. (1861) Cours familier de littérature. XII « LXXIe entretien. Critique de l’Histoire des Girondins (2e partie) » pp. 305-367

Tout le monde répéta ce cri de bonne foi, parce que la réflexion ratifia ce que l’audace inspirée avait osé proposer à la nation chancelant sur le vide et prête à y tomber. […] Si la seconde assemblée eût été aussi sensée, aussi patriotique, aussi bien inspirée que la première, ce noble gouvernement de soi-même par soi-même pouvait durer. […] La troisième de ces tendances, c’est la concorde organique entre les classes riches ou pauvres de la société par des institutions qui les rapprochent et qui leur inspirent non cette fraternité déclamatoire et métaphysique qui ne consiste qu’en égalité et en communauté de biens impraticables et contre nature, mais par des actes efficaces de patronage et de clientèle entre la propriété du capital et la propriété du travail, entre le propriétaire et le prolétaire, entre le sol et le bras, propriétés aussi sacrées l’une que l’autre et dont l’une ne peut subsister sans l’autre. […] Quant au style, je ne m’en occupai pas ; j’étais sûr que les événements eux-mêmes m’inspireraient, malgré mon peu d’habitude de la prose, la clarté, l’ordre, la lumière, le naturel et même la seule éloquence de l’histoire, la sensibilité communicative qui mêle du cœur au récit. […] Dans ses accès d’enthousiasme, le sang chaud et méridional de Souberbielle, qui se portait à son front, lui donnait une figure sibyllique d’inspiré de l’échafaud ; ses cheveux blancs se hérissaient avec le frémissement de l’exaltation sur sa tête, et les reflets rouges de ses rideaux de lit cramoisis, transpercés par le soleil du matin et se répercutant sur ce lit de vieillard, semblaient filtrer non de la lueur, mais une teinte de sang.

169. (1861) Cours familier de littérature. XII « LXXIIe entretien. Critique de l’Histoire des Girondins (3e partie) » pp. 369-430

« Pour inspirer un roi indécis et pour faire le salut d’un État dans des circonstances difficiles, il fallait plus : il fallait le génie du gouvernement ; la reine ne l’avait pas. […] Elle avait entendu les premiers bouillonnements de la tempête sans croire au danger ; elle s’était fiée à l’amour qu’elle inspirait et qu’elle se sentait dans le cœur. […] Un homme à la fois si ardent et si léger, trivial et si inspiré, si indécis entre le sang et les larmes, si prêt à lapider ce qu’il venait de déifier dans son enthousiasme, devait avoir sur un peuple en révolution d’autant plus d’empire qu’il lui ressemblait davantage. […] « Son œuvre était prodigieuse, ses moyens nuls ; tout ce que l’enthousiasme lui inspire, l’Assemblée l’entreprend et l’achève, sans roi, sans chef militaire, sans dictateur, sans armée, sans autre force que la conviction. […] La France fut l’inspirée de la civilisation. » Je dis aujourd’hui : Cet hymne dépasse en admiration la portée de l’Assemblée constituante.

170. (1866) Cours familier de littérature. XXII « CXXVIIe entretien. Fior d’Aliza (suite) » pp. 5-64

Ce dieu, c’est la foule ; quand elle est contente, ils sont inspirés ; j’étais au-dessus de moi-même, ivre, folle, quoi ! […] Je disais cela des lèvres, mais mon idée était bien autre chose ; je priais mon bon ange tout bas d’inspirer une meilleure pensée au bargello et à sa femme. […] Ce cri me fendit le cœur, mais il m’inspira aussitôt une idée qui ne me serait jamais venue, à moi toute seule, sans elle. […] Lucques n’est pas une terre de malfaiteurs ; le peuple des campagnes est trop adonné à la culture des champs qui n’inspire que de bonnes pensées aux hommes, et le gouvernement est trop doux pour qu’on conspire contre sa propre liberté et contre son prince. Le peu de crimes qui s’y commettent ne sont guère que des crimes d’amour, et ceux-là inspirent plus de pitié que d’horreur aux hommes et aux femmes : on y compatit tout en les punissant sévèrement.

171. (1707) Discours sur la poésie pp. 13-60

Soit que l’imitation, en multipliant en quelque sorte les événemens et les objets, satisfasse en partie la curiosité humaine ; soit qu’en excitant les passions, elle tire l’homme de cet ennui qui le saisit toujours, dès qu’il est trop à lui-même ; soit qu’elle inspire de l’admiration pour celui qui imite ; soit qu’elle occupe agréablement par la comparaison de l’objet même avec l’image ; soit enfin, comme je le crois, que toutes ces causes se joignent et agissent d’intelligence ; l’esprit humain n’y trouve que trop de charmes, et il s’est fait de tout tems des plaisirs conformes à ce goût qui naît avec lui. […] Ce n’est pas que dans ces sortes d’ouvrages on ne pût mettre le vice et la vertu dans tout leur jour, et inspirer ainsi pour l’un et pour l’autre l’amour ou la haine qu’ils méritent : mais les poëtes ont eu rarement cette attention. […] On dira peut-être que le poëte lyrique se donne la plûpart du tems pour inspiré ; et qu’ainsi la timide précaution de ne point trop promettre, ne conviendroit pas à sa supposition. […] On les a assez heureusement imitées de nos jours, et peut-être sans dessein ; car comme chaque passion a son génie, ses tours et ses expressions, l’amour et la bonne chere peuvent encore inspirer aujourd’hui ce qu’Anacréon pensa de son tems : et je crois qu’en effet nous avons beaucoup de chansons de son goût, dont les auteurs n’ont jamais lû leur prétendu modéle. […] S’il met quelque feu dans un ouvrage, et s’il fait regarder à de certaines gens les poëtes comme des hommes inspirés, il les avilit à des yeux plus philosophes, qui les regardent comme des fous yvres de leur art et d’eux-mêmes.

172. (1860) Cours familier de littérature. IX « Le entretien. Les salons littéraires. Souvenirs de madame Récamier (2e partie) » pp. 81-159

Le tout formait un estimable et gracieux mélange de ce que la vertu antique imprime de respect et de ce que la grâce contemporaine inspire d’attrait pour un homme d’autrefois ; le gentilhomme était citoyen, et le citoyen était gentilhomme. […] Lui seul peut aussi vous inspirer un véritable attrait, non de quelques instants, mais constant et soutenu, pour des œuvres et des occupations qui seraient, en effet, bien appropriées à la bonté de votre cœur, et qui rempliraient d’une manière douce et utile beaucoup de vos moments. […] C’est un des hommes de ce siècle qui m’a inspiré le plus d’éloignement ; sa popularité d’occasion ne fut jamais qu’un mensonge convenu de parti, car il n’y eut jamais de popularité juste et vraie sans vertu publique. […] Cédant à l’émotion du sentiment qu’elle inspirait au prince Auguste, Juliette écrivit à M.  […] On est indulgente pour les fautes qu’on inspire ; que ne pardonne-t-on pas à la passion dont on est l’objet !

173. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Lettres sur l’éducation des filles, par Mme de Maintenon » pp. 105-120

Sur ce point, chrétiennement et toujours raisonnablement, repose toute l’éducation telle que la conçoit Mme de Maintenon et telle qu’elle voulut l’établir à Saint-Cyr : « Inspirer la religion et la raison, c’est là le solide de l’éducation de Saint-Cyr. » — « Le christianisme et la raison, qui est tout ce que l’on veut leur inspirer, sont également bons aux princesses et aux misérables. » Mais ceci demande quelque éclaircissement. […] Priez Dieu qu’il inspire tous ceux qui s’en mêlent.

174. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Le Mystère du Siège d’Orléans ou Jeanne d’Arc, et à ce propos de l’ancien théâtre français (suite et fin.) »

Jésus et sa mère Maintenant je n’ai plus à citer de ce vieux Mystère qu’une scène véritablement pathétique et où le sujet a heureusement inspiré l’auteur, soit qu’il ait eu le premier l’idée, soit plutôt qu’il l’ait prise ailleurs et simplement perfectionnée. […] Elle a inspiré à de grands poètes tragiques, aux Shakespeare et aux Schiller eux-mêmes, des inventions odieuses ou absurdes ; elle a inspiré au plus bel esprit et à la plus vive imagination une parodie libertine qui est devenue une mauvaise action immortelle ; elle est en possession de faire naître, depuis Chapelain, des poèmes épiques qui sont synonymes d’ennui, et que rien ne décourage, qui recommencent de temps en temps et s’essayent encore çà et là, même de nos jours, sans arriver jusqu’au public : soyez bien sûrs qu’à l’heure où je vous parle il y a quelque part un poëme épique de Jeanne d’Arc sur le métier.

175. (1920) La mêlée symboliste. II. 1890-1900 « Le symbolisme ésotérique » pp. 91-110

Louis XVII consacre notre défaite, comme si Dieu avait choisi ce moyen d’inspirer à la France, athée et régicide, un retour salutaire et de lui faire expier son crime et ses erreurs. […] Il ambitionnait de montrer au monde, afin de lui en inspirer l’horreur et de l’en délivrer à jamais, le fantôme du mal dans son épouvantable nudité. […] Tous les symbolistes s’en inspirent plus ou moins.

176. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XXXIII. Des éloges ou panégyriques adressés à Louis XIV. Jugement sur ce prince. »

Enfin, il lui inspira au-dehors une ambition qui, comme celle de la plupart des conquérants, n’était pas en lui l’effet d’une âme ardente et emportée ; mais qui, tenant plus à la hauteur qu’à l’impétuosité du caractère, méditait tranquillement, et exécutait, avec une fierté calme, des plans d’agrandissement et de conquêtes. […] Trajan et Henri IV, quand ils commandaient leurs armées, marchaient et vivaient en soldats ; Louis XIV, dans les camps, parut toujours en roi : il mêla la pompe du trône à la fierté imposante des armées ; et déployant une grandeur tranquille, sans jamais se montrer de près à la fortune, son mérite fut d’inspirer à ses généraux l’orgueil de vaincre, et à ses troupes l’orgueil de combattre et de mourir pour lui. […] Ne lui reprochons pas des malheurs encore plus que des fautes ; mais la disgrâce de Fénelon et son exil ; mais la proscription de l’ouvrage le plus éloquent que la vertu ait jamais inspiré au génie : il est difficile, sans doute d’excuser cette erreur dans un roi aussi célèbre.

177. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XXXVIII et dernier. Du genre actuel des éloges parmi nous ; si l’éloquence leur convient, et quel genre d’éloquence. »

Peignez donc avec force tout ce que vous voulez m’inspirer. […] Mais si un peuple a des mœurs frivoles et légères ; si, au lieu de cette sensibilité profonde qui arrête l’âme et la fixe sur les objets, il n’a qu’une espèce d’inquiétude active qui se répande sur tout sans s’attacher à rien ; si, à force d’être sociable, il devient tous les jours moins sensible ; si tous les caractères originaux disparaissent pour prendre une teinte uniforme et de convention ; si le besoin de plaire, la crainte d’offenser, et cette existence d’opinion qui aujourd’hui est presque la seule, étouffe ou réprime tous les mouvements de l’âme ; si on n’ose ni aimer, ni haïr, ni admirer, ni s’indigner d’après son cœur ; si chacun par devoir est élégant, poli et glacé ; si les femmes même perdent tous les jours de leur véritable empire ; si, à cette sensibilité ardente et généreuse qu’elles ont droit d’inspirer, on substitue un sentiment vil et faible ; si les événements heureux ou malheureux ne sont qu’un objet de conversation, et jamais de sentiment ; si le vide des grands intérêts rétrécit l’âme, et l’accoutume à donner un grand prix aux petites choses, que deviendra l’éloquence chez un pareil peuple ? […] Que chacune de ses paroles soit sacrée ; que son silence même inspire le respect, et ressemble quelquefois à la justice.

178. (1889) Histoire de la littérature française. Tome III (16e éd.) « Chapitre quatorzième. »

Le trait distinctif de Fénelon n’est donc point d’avoir été inspiré le premier par l’esprit de liberté, mais d’avoir le premier rompu l’équilibre entre cet esprit et l’esprit de discipline. […] Entre les deux traditions catholiques, dont l’une, favorable au sens propre, était de tolérance, et dont l’autre, celle que défend Bossuet, était d’obligation universelle, c’est de la première qu’il s’inspire le plus souvent. […] Il lui inspira une piété qui ne pouvait ni s’affranchir ni se passer du secours d’un directeur ; il lui suggéra des scrupules que seul il pouvait lever. […] On croit généralement le contraire, et Fénelon passe pour plus indulgent et plus inspiré de la charité chrétienne que Bossuet. […] Elle plaît, mais elle n’inspire pas l’obéissance.

179. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Poésies d’André Chénier »

Tout avait été dit sur André Chénier, tout ce que le goût et une vivacité délicate et passionnée peuvent inspirer à une simple lecture ; il restait un travail à faire et d’un détail infini, qui demandait une longue patience, un savoir ingénieux et sagace : c’était de traiter André Chénier comme un ancien, comme un classique qu’il est, de fixer son texte, d’éclaircir tout ce qui se passe de voilé ou de transparent dans ses poésies, de les rattacher avec précision aux diverses circonstances connues de sa vie, de rassembler autour de lui toutes ses sources et ses origines littéraires, d’indiquer toutes les fleurs où il est allé butiner, toutes les ruches ou il est allé piller son miel. […] Mme Gouy d’Arcy, qui peut-être ne sut jamais bien elle-même toute la vivacité du sentiment qu’elle inspira un moment, faisait partie de la brillante société de Luciennes.

180. (1874) Premiers lundis. Tome I « Ferdinand Denis »

Qu’on lise les belles pages de Volney, de Bernardin de Saint-Pierre et de M. de Chateaubriand, et qu’on voie si elles ne portent pas le caractère des lieux où elles furent écrites, et si, pour ainsi dire, le ciel qui les inspira ne s’y réfléchit pas tout entier. […] Aucun poète plus que Camoëns ne fut inspiré par les grands spectacles des tropiques : c’est à l’Inde qu’il emprunte ses plus riches descriptions ; son imagination, frappée des trombes, des tempêtes et des divers aspects de l’Océan, les a exprimés avec une vérité et une vigueur qui répandent sur ses écrits un charme éternel.

181. (1874) Premiers lundis. Tome II « Doctrine de Saint-Simon »

Inspirées de la doctrine, la doctrine s’en inspire elle-même chaque jour, et ces pensées se reproduisent à tout instant dans l’application, déduites, développées, élaborées à leur tour.

182. (1874) Premiers lundis. Tome II « Poésie — Poésie — I. Hymnes sacrées par Édouard Turquety. »

Une jeune fille qui, après avoir été virginalement aimée, se serait faite religieuse, pourrait presque lire et chanter, sous la grille, cette mystique romance inspirée par son chaste souvenir : Dans sa cellule A vous, ma Colombe voilée, A vous les roses de l’espoir, Et les brises de la vallée, Et les enchantements du soir ! […] Un sentiment évangélique et chrétien les a inspirés, en effet, non sans mélange toutefois d’un certain humanitarisme moderne, d’un certain culte optimiste et confiant de la création et de la nature, qui fait songer à Jocelyn et qui l’a précédé : Ô Nature, immense Évangile Que rien ne saurait altérer !

183. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — M — Mistral, Frédéric (1830-1914) »

Quelques pièces dispersées çà et là, tantôt de belles imitations virgiliennes, tantôt des peintures directement inspirées de la nature provençale, furent ses premiers essais… Personne, disions-nous, ne regrette plus que lui la mollesse d’idées et de style qui a été si fatale au génie de ses aïeux. […] S’il nous était permis de nous citer nous-même, nous rappellerions quel pronostic nous avait inspiré dès 1852 la vigueur de ces premières ébauches.

184. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre II. Des éloges religieux, ou des hymnes. »

Ces hymnes furent inspirées par l’admiration et la reconnaissance. […] On la loua aux approches de la nuit, parce que son obscurité et son silence inspiraient l’effroi ; on la loua de même au renouvellement de l’année, au commencement des saisons, à chaque nouvelle lune.

185. (1824) Épître aux muses sur les romantiques

Je veux du clair-obscur, du nébuleux limpide, De ces mots qu’à Ronsard inspirait Apollon. […] Ne m’inspire donc rien qui sente l’Énéïde, L’Homère, l’Arioste, ou le chantre d’Armide.

186. (1890) La vie littéraire. Deuxième série pp. -366

Je crois que cette indulgence n’était pas mal inspirée. […] Il inspirent nos premières craintes et nos premières espérances. […] Les jouets, comme les dieux, inspirent la terreur et l’amour. […] Il m’a inspiré de la sympathie. […] Les bonnes raisons sont celles qu’inspire la vivante nature.

187. (1949) La vie littéraire. Cinquième série

Il faut, il faut inspirer à Elsa la curiosité qui les perdra à jamais l’un pour l’autre. […] Vous inspirez le désir et la peur ; la folie d’amour est entrée dans le monde. […] Inspiré par l’enthousiasme révolutionnaire, David savait imprimer à ces solennités une grandeur austère. […] En instituant un déisme d’État, il n’avait fait que s’inspirer des doctrines de Jean-Jacques. […] Jésus les inspira.

188. (1861) Cours familier de littérature. XI « LXVe entretien. J.-J. Rousseau. Son faux Contrat social et le vrai contrat social (1re partie) » pp. 337-416

Il s’inspire évidemment de Fénelon, qui s’était inspiré de Platon. […] Quand il se rencontre parmi ces rhéteurs sociaux un écrivain plus inspiré, plus éloquent, plus contagieux que les autres, et quand la naissance de cet écrivain, souverain de l’erreur, coïncide avec un ébranlement moral ou avec un cataclysme politique des institutions de son pays, alors son utopie, au lieu de trouver simplement des lecteurs qui se complaisent au bercement de leur imagination par ses rêves, cet écrivain trouve des sectaires pour propager ses chimères, et des bras pour exécuter ses conceptions. […] Un hasard de société le lance de plein saut dans le cercle le plus aristocratique de Paris, au milieu de femmes de cour et d’hommes de lettres ; il s’y fait remarquer par sa figure, par quelques poésies récitées dans ces salons avec un succès d’étrangeté plus que de talent, et par son goût réel et inspiré pour la musique. Il ose chercher étourdiment dans madame Dupin une autre madame de Warens ; une lettre trop tendre qu’il écrit à cette femme indulgente, mais sévère, ne reçoit qu’un sourire de dédain pour réponse ; mais l’intérêt de commisération qu’il inspire à madame de Broglie et à d’autres femmes de cette société lui fait obtenir un emploi de secrétaire intime du comte de Montaigu, ambassadeur de France à Venise, avec un appointement de cinquante louis. […] Pour payer cette hospitalité, il fit pour la maréchale une copie manuscrite de la Nouvelle Héloïse ; il en fit une autre pour madame d’Houdetot, qui dut y reconnaître l’amour qu’elle avait inspiré à l’auteur.

189. (1883) Souvenirs d’enfance et de jeunesse « Chapitre V. Le Séminaire Saint-Sulpice (1882) »

Garnier faisait observer qu’après tout pareille chose s’était vue, et que « mademoiselle de Lenclos » inspira des passions, causa des duels à soixante-dix ans. […] Un livre inspiré est un miracle. Il devait se présenter dans des conditions où aucun livre ne se présente : « Vous n’êtes pas si difficile, dira-t-on, pour Hérodote, pour les poèmes homériques. » Sans doute ; mais Hérodote, les poèmes homériques ne sont pas donnés pour des livres inspirés. […] Certaines personnes rendent un peu Saint-Sulpice responsable de mon incrédulité et lui reprochent, d’une part, de m’avoir inspiré pleine confiance dans une scolastique impliquant un rationalisme exagéré ; de l’autre, de m’avoir présenté comme nécessaire à admettre le summum de l’orthodoxie ; si bien qu’en même temps ils grossissaient outre mesure le bol alimentaire et rétrécissaient singulièrement l’orifice de déglutition. […] Il y aura des scissions, je le crois plus que jamais, mais le vrai catholique dira inflexiblement : « S’il faut lâcher quelque chose, je lâche tout ; car je crois à tout par principe d’infaillibilité et le principe d’infaillibilité est aussi blessé par une petite concession que par dix mille grandes. » De la part de l’Église catholique, avouer que Daniel est un apocryphe du temps des Macchabées serait avouer qu’elle s’est trompée ; si elle s’est trompée en cela, elle a pu se tromper en autre chose ; elle n’est plus divinement inspirée.

190. (1772) Éloge de Racine pp. -

On l’opposa d’abord à Corneille ; et c’était beaucoup, si l’on songe à cette admiration si juste et si profonde qu’avait dû inspirer l’auteur du cid, des Horaces et de Cinna , demeuré jusqu’alors sans rival, maître de la carrière, et entouré de ses trophées. […] Les moeurs, nouvelles pour nous, d’une nation avec qui nous avions eu long-temps aussi peu de commerce que si la nature l’eût placée à l’extrémité du globe ; la politique sanglante du sérail, la servile existence d’un peuple innombrable enfermé dans cette prison du despotisme ; les passions des sultanes qui s’expliquent le poignard à la main, et qui sont toujours près du crime et du meurtre, parce qu’elles sont toujours près du danger ; le caractère et les intérêts des visirs qui se hâtent d’être les instrumens d’une révolution, de peur d’en être les victimes ; l’inconstance ordinaire des orientaux, et cette servitude menaçante qui rampe aux pieds d’un despote, et s’élève tout à coup des marches du trône pour le frapper et le renverser : voilà le tableau absolument neuf qui s’offrait au pinceau de Racine, à ce même pinceau qui avait si supérieurement crayonné la cour de Néron ; qui dans Monime et dans Iphigénie traça depuis avec tant de vérité la modestie, la retenue, le respect filial que l’éducation inspirait aux filles grecques ; qui dans Athalie nous montra les effets de la théocratie sur ce peuple fanatique, toujours conduit par des prodiges, ou égaré par des superstitions. […] Il ne la vit pas réparée : il vit le plus beau de ses ouvrages en butte au mépris et au ridicule, et il n’a pas vu l’admiration que ce même ouvrage inspire aujourd’hui ; et quand il s’est endormi dans le silence de la tombe, alors s’est élevée l’inutile voix de la vérité qu’il n’entend plus. […] Qui peut méconnaître cette création majestueuse, cette simplicité touchante et sublime, cette diction céleste qui semble inspirée par la divinité ? […] Il n’avait pu résister à l’impression que faisait sur lui l’injustice de ses détracteurs, et il condamna son génie au silence : il n’avait pu résister à la pitié que lui inspirait la misère des peuples, et quand il en eut tracé le tableau qui affligea Louis XIV, il ne résista pas non plus au chagrin de la disgrace.

191. (1872) Les problèmes du XIXe siècle. La politique, la littérature, la science, la philosophie, la religion « Livre I : La politique — Chapitre III : Examen de la doctrine de Tocqueville »

Pour y arriver, il ne faut point laisser diminuer l’idée de l’homme et du citoyen, et c’est en quoi il faut applaudir à la pensée générale qui a inspiré M. de Tocqueville, tout en corrigeant quelques-unes de ses pensées particulières. […] Ces deux vues lui inspiraient pour la métaphysique, qu’il n’aimait pas, une sorte d’estime respectueuse. […] Dans le plaisir de la recherche, ils oubliaient la passion qui les avait inspirés. […] Elle a inspiré ces belles maximes éparses dans sa correspondance : « En toutes choses, il faut viser à la perfection ; — ce monde appartient à l’énergie ; — la grande maladie de l’âme, c’est le froid. » Sa vie même a été une confirmation de ses doctrines ; c’était une nature noble et haute, admirablement sincère, ayant toujours devant les yeux la grandeur morale ; c’était une personne, une âme, un caractère.

192. (1881) La parole intérieure. Essai de psychologie descriptive « Chapitre V. La parole intérieure et la pensée. — Premier problème : leurs positions respectives dans la durée. »

Sans doute, la parole intérieure paraît rigoureusement contemporaine de la pensée qu’elle exprime lorsque nous inventons sans effort, soit que nous rêvions de sujets futiles sur lesquels l’invention est toujours aisée, — ce qui est le cas le plus fréquent, — soit que, nous attachant à des problèmes difficiles, nous nous trouvions en verve et heureusement inspirés. […] Or notre langue maternelle ne nous est devenue familière qu’avec le temps, et les réflexions que nous trouvons toutes simples aujourd’hui, enfants, elles eussent fait honneur à notre sagacité ; enfin, l’inspiration et la verve supposent un esprit cultivé et exercé : d’ordinaire, on n’est inspiré que dans l’ordre d’idées sur lequel la réflexion se porte de préférence ; le génie, a-t-on dit, est une longue patience ; en d’autres termes et plus exactement, la découverte est l’effet et la récompense d’une longue et patiente recherche ; si l’on trouve sans chercher, c’est qu’on avait cherché sans trouver244. […] Tous ces secours manquaient aux premiers essais de la pensée ; plus on est jeune, plus l’expression première est incomplète et inexacte ; plus on est jeune, moins on a les moyens d’être inspiré ; plus on est jeune, moins la parole peut aider la pensée, plus on cherche ses mots, moins vite on les trouve, moins appropriés ils sont à bien rendre les découvertes de l’entendement. […] Nous citerons plus loin les passages d’Horace dont Boileau s’est inspiré. — Quintilien (X, 1) est plus pénétrant que Boileau ; il comprend que l’expression peut être en retard sur la pensée ; mais, si les nombreuses analyses psychologiques de cet auteur sont très fines, elles sont aussi très vagues ; nulle part il ne distingue dans la mémoire verbale la puissance (conservation) et l’acte (reproduction, parole intérieure) ; puis la parole est pour lui le but, et la pensée le moyen : ce faux point de vue est l’erreur fondamentale de son livre.

193. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre III. »

Et ce ne sont pas de médiocres esprits, mais des Scaliger, des Grotius, des Selden, des Huet, qui poussèrent plus ou moins loin cette hypothèse, où se plaisait le génie savant et inspiré de Milton. […] Le Seigneur a mis là ses bénédictions et la vie pour les siècles à venir. » Ne peut-on pas reconnaître ou présumer ici le type le plus antique et le plus saint de cette douceur majestueuse, de cette gravité sacerdotale qui devait inspirer, parmi les chants de Pindare, ceux qu’on nommait Marches et Hyporchèmes, et dont quelque trace se retrouve encore dans la seule forme de poésie qui nous reste de lui ? […] Mais, loin dans l’antiquité, avant ces merveilles de la muse attique, contemporaines et toutes voisines des grandeurs du génie dorien dans Thèbes et dans Syracuse, ne peut-on pas reconnaître, à travers les obscurités et les défigurements du langage, une forme de poésie enracinée dans le cœur d’un peuple, et toute inspirée de ses périls et de ses délivrances ? […] Mais comment, à si longue distance, susciter en nous l’image de cette poésie sublime, extraordinaire, transmise dans de faibles versions, demeurée pour nous plus insolite qu’admirée, et aujourd’hui délaissée de cette flamme, de cette vie croyante qui donnait tant de force à ces chants, dans leur origine inspirée, et lorsqu’ils étaient répétés par la première ferveur du culte évangélique les divinisant de nouveau ?

194. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Louis XIV et le duc de Bourgogne, par M. Michelet »

Je veux, dit-il, qu’il dorme : le sommeil rafraîchira son sang, apaisera sa bile, lui donnera la santé et la force dont il aura besoin pour imiter les travaux d’Hercule, lui inspirera je ne sais quelle douceur tendre qui pourrait seule lui manquer. […] Dans un bocage, au bord de l’Alphée, les deux oiseaux qui tout le jour chantaient, l’un ses anciens malheurs, l’autre ses plaisirs, aperçoivent un jeune berger qu’ils n’avaient point vu encore, et à l’instant tous deux, Rossignol et Fauvette, inspirés par les Muses, ils s’accordent à le célébrer dans un duo mélodieux : « Quel est donc ce berger, ou ce dieu inconnu, qui vient orner notre bocage ? […] » Puis les deux Oiseaux inspirés reprirent ensemble : « Il aime nos douces chansons ; elles entrent dans son cœur, comme la rosée tombe sur nos gazons brûlés par le soleil.

195. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Mémoires de l’Impératrice Catherine II. Écrits par elle-même. »

Je n’ai pas à caractériser ici le dessein général et la pensée politique qui peut inspirer cet écrivain patriote, je ne cherche que le côté historique ; et quand il n’y aurait que les Mémoires authentiques où l’Impératrice Catherine a raconté les premières années de sa jeunesse et de sa vie si contrainte et si intriguée avant d’atteindre à l’empire, qui donc parmi les lecteurs sérieux et les observateurs de la nature humaine pourrait y rester indifférent ? […] Je n’en fis pas secret à Mr Tchoglokoff qui le redit à l’oreille de deux ou trois personnes, et de bouche en bouche, au bout d’un quart d’heure à peu près, tout le monde le sut. » Avec une galanterie des ce genre et moyennant cette adroite flatterie pour un caprice souverain, la grande-duchesse réparait pour quelque temps, dans l’esprit futile d’Élisabeth, bien des préventions contre elle, qu’on lui avait inspirées. — Mais voici le mieux, et je ne crois pas qu’un peintre de femmes, fût-il un Hamilton, eût jamais pu mieux faire ni mieux dire, s’il s’était proposé de nous donner le portrait de Catherine, à l’âge de vingt et un ans : « Aux bals de la Cour, où le public n’assistait pas, je me mettais le plus simplement que je pouvais, et en cela je ne faisais pas mal ma cour à l’Impératrice, qui n’aimait pas beaucoup qu’on y parut fort parée. […] que l’on comprend qu’une telle femme ait inspiré, dans l’espèce de disgrâce qui précéda son avénement à l’empire, des sentiments si répandus, si dévoués, si prêts à tout !

196. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Halévy, secrétaire perpétuel. »

.” — “Moi, je saurai créer des mélodies sublimes, et mes chants inspirés se marieront aux belles harmonies de l’orchestre obéissant.” — L’architecte prend la parole et dit : “Moi, je construirai le temple où vivront tes peintures, où respireront tes statues ; je bâtirai le théâtre immense où frémira le public sous l’empire de tes chants ! […] Sa curiosité était inépuisable ; tout l’intéressait, l’attachait, lui inspirait un désir ou plutôt un regret, celui de n’avoir pas fait de ce dont il était question l’occupation de sa vie. […] Pourquoi n’avoir pas rendu plus souvent à l’auteur la plénitude de joie qui suit une grande victoire, et qui inspire le désir, et qui donne la force d’en remporter une nouvelle, au moins égale, sinon supérieure ?

197. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Poésies, par Charles Monselet »

Ce bizarre Mercier dont l’An 2440 inspirait, il y a peu de mois, un excellent article à M.  […] Un jeune homme de mérite, pauvre, cherchait du travail dans les journaux ; il s’adressa à Mercier qui dirigeait alors les Annales patriotiques et littéraires (1795), et dont le langage philanthropique lui avait inspiré confiance : « Je lui communiquai, nous dit le jeune homme, quelques morceaux que j’avais écrits : il parut enchanté de ma manière ; il y trouva tout réuni, force de style, imagination, philosophie. […] On sent que Grimod de La Reynière, qui les a inspirées, est, parmi les Pères de la table, aussi supérieur à Brillat-Savarin que Mathurin Régnier l’est à Boileau.

198. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « De la poésie en 1865. (suite et fin.) »

Le ministre de l’Instruction publique, M. de Salvandy, lui écrivit, tout électrisé, au sortir de la séance : « Monsieur, je double le prix… Je regrette de ne pouvoir mieux vous prouver l’estime que m’ont inspirée vos patriotiques vers : eux aussi semblent sculptés en granit. » Sur des sujets moins ambitieux et moins solennels, Boulay-Paty avait pendant des années remporté toutes les formes et les variétés de prix que l’Académie des Jeux floraux peut décerner : ces fleurs artificielles (souci, églantine, amarante, etc.), étaient rangées chez lui et conservées sous verre, chacune dans son bocal. […] Mais, si l’on veut être initié tout à fait au cénacle même qu’anime et qu’inspire cette fièvre félibrique, et prendre part au festival ou fête de famille de tous ces néo-trouvères venus de tous les points du Midi, il faut absolument voir le recueil des Parpaioun Blu, de M.  […] La vérité est que les deux poëtes se sont inspirés à la même source, à une source scandinave.

199. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Jean-Baptiste Rousseau »

De notre temps, auprès de nous, un grand poëte s’est inspiré aussi du Cantique d’Ézéchias ; lui aussi il a demandé grâce sous la verge de Dieu, et s’est écrié en gémissant : Tous les jours sont à toi : que t’importe leur nombre ? […] Dès le début, il voudrait nous faire croire qu’il est en lutte avec le génie comme avec Protée ; mais tout cet attirail convenu de regard furieux, de ministre terrible, de souffle invincible, de tête échevelée, de sainte manie, d’assaut victorieux, de joug impérieux, ne trompe pas le lecteur, et le soi-disant inspiré ressemble trop à ces faux braves qui, après s’être frotté le visage et ébouriffé la perruque, se prétendent échappés avec honneur d’une rencontre périlleuse. […] Quelques-uns de ses vers religieux (en les supposant écrits depuis cette date fatale) semblent même s’inspirer du sentiment énergique qu’il a de sa propre innocence : « Mais de ces langues diffamantes Dieu saura venger l’innocent, etc. », et plusieurs semblables endroits.

200. (1796) De l’influence des passions sur le bonheur des individus et des nations « Section première. Des passions. — Chapitre premier. De l’amour de la gloire »

Ceux qui sous un tel ordre de choses sont nés dans la classe privilégiée, ont à quelques égards beaucoup de données utiles ; mais d’abord la chance des talents se resserre, et à proportion du nombre, et plus encore, par l’espèce de négligence qu’inspirent de certains avantages ; mais quand le génie élève celui que les rangs de la monarchie avaient déjà séparé du reste de ses concitoyens, indépendamment des obstacles communs à tous, il en est qui sont personnels à cette situation ; des rivaux en plus petit nombre, des rivaux qui se croient vos égaux à plusieurs égards, se pressent davantage autour de vous, et lorsqu’on veut les écarter, rien n’est plus difficile que de savoir jusqu’à quel point il faut se livrer à la popularité, en jouissant de distinctions impopulaires ; il est presqu’impossible de connaître toujours avec certitude le degré d’empressement qu’il faut montrer à l’opinion générale : certaine de sa toute puissance, elle en a la pudeur, et veut du respect sans flatterie ; la reconnaissance lui plaît, mais elle se dégoûte de la servitude, et rassasiée de souveraineté, elle aime le caractère indépendant et fier, qui la fait douter un moment de son autorité pour lui en renouveler la jouissance : ces difficultés générales redoublent pour le noble, qui dans une monarchie veut obtenir une gloire véritable ; s’il dédaigne la popularité, il est haï : un plébéien dans un État démocratique, peut obtenir l’admiration en bravant la popularité ; mais si un noble adopte une telle conduite dans un État monarchique, au lieu de se donner l’éclat du courage, il ne ferait croire qu’à son orgueil ; et si, cependant, pour éviter ce blâme, il recherche la popularité, il est sans cesse près du soupçon ou du ridicule. […] Mais non, pourrait-on dire, le jugement de la multitude est impartial, puisqu’aucune passion envieuse et personnelle ne l’inspire ; son impulsion toujours vraie, doit être juste ; mais par cela même que ces mouvements sont naturels et spontanés, ils appartiennent à l’imagination ; un ridicule détruit à ses yeux l’éclat d’une vertu ; un soupçon peut la dominer par la terreur ; des promesses exagérées l’emportent sur des services prudents, les plaintes d’un seul, l’émeuvent plus fortement que la silencieuse reconnaissance du grand nombre ; enfin, mobile, parce qu’elle est passionnée ; passionnée, parce que les hommes réunis ne se communiquent qu’à l’aide de cette électricité, et ne mettent en commun que leurs sentiments ; ce ne sont pas les lumières de chacun, mais l’impulsion générale qui produit un résultat, et cette impulsion, c’est l’individu le plus exalté qui la donne. […] Les plus grandes découvertes ont été faites dans la retraite de l’homme savant, et les plus belles actions, inspirées par les mouvements spontanés de l’âme, se rencontrent souvent dans l’histoire d’une vie inconnue ; c’est donc seulement dans son rapport avec celui qui l’éprouve, qu’il faut considérer la passion de la gloire.

201. (1886) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Deuxième série « J.-J. Weiss  »

Relisez les bouffonneries que lui ont inspirées les querelles de Sarcey-Perrin, Sardou-Uchard et Dumas-Jacquet, et toutes ses sorties contre les « notaires » de la Comédie-Française. […] Et voici l’image qu’inspire à M.  […] Le Verre d’eau lui semble inspiré par « une vue supérieure des choses humaines » ; et il appelle enfin la « mixture Auber-Scribe » un « ferment divin où Scribe fournissait la magie des situations et Auber la magie de l’expression ».

202. (1899) Le préjugé de la vie de bohème (article de la Revue des Revues) pp. 459-469

Certes, ces bohèmes inspirent une musique fringante, et propre à réjouir l’après-dînée du spectateur. […] C’est l’âme qui transparaît, et qui à tous, riches ou pauvres, issus du peuple et formés par eux-mêmes ou élevés selon les cérémonials suprêmes, dicte et inspire une beauté saisissante et imprévisible. […] Un divorce, un adultère d’artistes inspirent à cette caste une joie haineuse que les intellectuels ne soupçonnent pas : c’est l’objet des commentaires méprisants ou fielleux de mainte bourgeoise et de maint rentier enrageant de leur obscurité, conscients de leur nullité morale, et ravis de se retrancher derrière les principes honnêtes et la légalité pour se venger de la beauté, de la gloire et de l’indépendance représentées par les artistes.

203. (1824) Ébauches d’une poétique dramatique « Observations générales, sur, l’art dramatique. » pp. 39-63

Le dieu qui vous inspire a marché devant moi. […] Ce sont eux qui ont sauvé Ninias par les soins de Phradate ; ce sont eux qui ordonnent à Sémiramis de rappeler Arsace, et qui inspirent à la reine le dessein de l’opposer à Assur et de lui donner son trône. […] Dans la fable unie et simple, si l’on représente le malheur du méchant, ce malheur n’inspire ni pitié ni terreur ; nous le regardons comme la juste punition de son crime.

204. (1912) L’art de lire « Chapitre IV. Les pièces de théâtre »

Ne doutez point que l’introduction du troisième personnage sur la scène à partir de Sophocle, ne leur ait été, en partie, du moins, inspirée par un souci de groupement artistique et que la règle inverse : ne quarta loqui persona laboret (il ne faut pas qu’un quatrième personnage se mêle au dialogue) ne leur ait été inspirée par la même considération. […] La tragédie française n’en est pas un ; mais parce qu’elle ne laisse pas d’être inspirée de la tragédie grecque, et surtout parce qu’elle a en elle l’esprit même de la tragédie, il lui arrive, du moins par le souci des groupements à la fois savants et naturels, aussi par les morceaux lyriques qu’elle admet, d’avoir avec l’opéra des analogies qui ne sont pas douteuses et qui sont très loin d’être une dégradation ou de marquer une déchéance.

205. (1818) Essai sur les institutions sociales « Chapitre II. Marche progressive de l’esprit humain » pp. 41-66

Qui prolongea, par exemple, le séjour des rois pasteurs dans les plaines de Sennaar, si ce n’est la Providence de Dieu, qui voulait que le plus bel ouvrage de la création fût soumis à de longues et paisibles observations, pour qu’elles servissent ensuite à inspirer les Galilée et les Newton ? […] Ainsi les oracles des sibylles annonçaient un siècle nouveau ; et cette grande prophétie, née du besoin des peuples, inspirait à Virgile de beaux vers dont lui-même ignorait le sens profond. […] Cette pensée, trop grande pour germer toute seule dans l’imagination de l’homme, ne put qu’être inspirée d’en haut.

206. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Deuxième partie. — Chapitre XXII. »

Bien avant cette grande irruption du Nord, Tacite avait rappelé l’instinct poétique des Germains autant que leur courage, le belliqueux bardit dont ils s’inspiraient, en marchant au combat, leurs hymnes à leurs dieux, leurs chants à l’honneur d’Arminius. […] Là le génie de Young a retrouvé cette voix de la patrie, ces cris de cœur d’une nation belliqueuse qui avaient retenti jusque dans les accents du courtisan Waller, et inspiré de si beaux vers à Thompson. […] Elle lui inspira son second chef-d’œuvre, le Barde, cette ode qu’il a lui-même nommée pindarique, et dont le sujet, la passion, les détails, sont tous empreints de ce goût d’antiquité indigène et de poésie du Nord qui partageait avec la littérature classique ses recherches assidues et sa contemplation rêveuse.

207. (1875) Premiers lundis. Tome III « Profession de foi »

Mais la dissolution du Globe n’en résultait pas nécessairement ; l’idée première, la conception fondamentale dont le développement avait dévié en se resserrant dans la politique de la Restauration ; qui pourtant s’était reproduite plus d’une fois dans des applications partielles, dans des pressentiments organiques ; qui, en plus d’une page, à l’occasion de l’union européenne et de la politique de Napoléon, à l’occasion du Comité de salut public et de sa tentative avortée ; qui, plus récemment, au sujet du libéralisme de Benjamin Constant, jugé par le noble et infortuné Farcy, avait percé au point d’offenser dans le journal le principe dominant, et d’y scandaliser les politiques pratiques ; cette idée qui nous en avait inspiré le début ; qui, par le choix intérieur des matières et des faits, en alimentait le fond ; qui, par des renseignements nombreux, par d’amples informés sur l’instruction primaire aux frais de l’État, sur l’émancipation des artisans, sur les essais divers de système coopératif et sur une foule d’autres sujets, avait sourdement lutté contre les doctrines économiques d’indifférence et de laisser-faire professées dans des colonnes plus officielles ; cette idée qu’une plume ingénieuse et délicate avait autrefois effleurée, sans l’entamer, dans un article intitulé de la Critique de la critique, et qui s’était hardiment résumée en Juillet sous ce cri prophétique, bien qu’un peu étrange : Plus de criticisme impuissant ; cette féconde et salutaire idée d’association universelle et d’organisation future restait entière à exploiter ; elle demeurait à nu, dégagée de tous les voiles factices, de toutes les subtilités prestigieuses que la Restauration avait jetées devant. […] Nous fûmes, grâce à Dieu, mieux inspiré ; nous vîmes, dès l’abord, de quoi il s’agissait ; nos idées antérieures revinrent à l’assaut dans notre esprit ; nos pressentiments s’accumulèrent et s’éclaircirent.

208. (1866) Petite comédie de la critique littéraire, ou Molière selon trois écoles philosophiques « Introduction » pp. 3-17

Tout fait a sa cause, et toute littérature, toute œuvre d’art est un fait dont il suffît de chercher, dont il faut sans passion chercher la cause dans les mœurs, les idées et les goûts de la société qui l’a produite, dans l’esprit du siècle qui l’a inspirée, dans le génie de la nation qui lui a donné son caractère général, dans le tempérament, les habitudes et la vie de l’auteur original qui lui a imprimé son cachet particulier. […] qui descendront dans l’arène et les confiner dans le champ clos de la littérature, entrouvrir cependant de grands abîmes dans de petits problèmes, éveiller la curiosité du lecteur sur les questions de critique générale, et lui inspirer, avec le goût de leur examen, le désir de les résoudre par lui-même, pour lui-même : tel est l’objet de ce livre..

209. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « Rome et la Judée »

Or, l’économie politique, cette Madame la Ressource des sociétés qui meurent de faim, ne nous a jamais inspiré ni beaucoup d’amour, ni beaucoup d’estime. […] Ceci n’est plus, comme les Césars, artiste et inspiré, aussi piquant de science que de forme.

210. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « M. Le Conte de l’Isle. Poëmes antiques. »

Hugo, qui n’avait pas besoin de vieillir comme Goethe pour défaillir encore plus que lui… La poésie en masque ne doit pas plus inspirer de respect que l’histoire en masque, car on l’y met aussi, l’histoire. […] Le sentiment qui a inspiré tant de poésies à tant de poètes et qu’on retrouve à travers tout dans le cœur des hommes, l’amour, l’âme du lyrisme humain, il ne le connaît pas, il ne l’a jamais éprouvé.

211. (1888) Poètes et romanciers

C’est le désir de l’Infini qui inspire Psyché ; c’est l’idée du sacrifice qui inspire les Poèmes évangéliques. […] Il y a dans M. de Laprade quelque chose du vates antique et de l’inspiré. […] Quelle Trêve de Dieu que l’apparition d’une poésie noble, calme, inspirée, au milieu des passions encore émues ! […] Ailleurs, cette curiosité passionnée de l’homme pour l’inconnu inspire cette strophe à M.  […] Non, Béranger n’a pas été le soldat armé de Napoléon ; mais il a été le chantre inspiré de sa gloire.

212. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — B — Bouchard, Joseph (1870-1907) »

Charles Fuster C’est, croyons-nous, de François Coppée qu’il s’inspire surtout, notamment dans quelques petits récits d’ailleurs bien menés et intéressants.

213. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — B — Barthès, Jean (abbé, 18..-19..) »

Charles Fuster L’auteur réunit, en un recueil solide, nourrissant, plein de sève, les poésies que lui ont inspirées son existence au milieu des paysans et son amour de la campagne, ou plutôt de la montagne.

214. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — B — Billaud, Victor (1852-1936) »

Victor Billaud ont été inspirées par les beautés naturelles ou les coutumes pittoresques de son pays natal et révèlent une rare délicatesse de goût et de sentiment.

215. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — C — Court, Jean (1867-1933) »

Charles Morice Le très jeune homme qui a fait ces vers (Les Trêves) est un poète, et je saine avec joie cette allégorie ancienne de l’art comparé à un temple, qui resterait une « allégorie ancienne » si elle n’avait été inspirée au poète par le pressentiment de la grande réalité religieuse et moderne de la beauté en soi.

216. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — C — Courtois, Pierre (18..-19.. ; poète) »

Pierre Courtois me semble avoir réuni ce que toute sa jeunesse lui inspira de pensées, de sentiments et de rêves.

217. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — B — Blot, Georges »

J’en salue, dans votre ouvrage, une réalisation faite pour me toucher et m’inspirer confiance dans mon idéal.

218. (1892) Sur Goethe : études critiques de littérature allemande

Mais ne peut-on s’inspirer des anciens sans être accusé de suivre servilement leurs traces ? […] Son caractère n’inspire aucune estime ; son talent même perd de son charme. […] Werther lui a été uniquement inspiré par les Nuits d’Young. […] La crainte que lui inspirait la grâce de son rival luttait dans son cœur avec son amour pour lui. […] Comment pourrait-il nous inspirer encore quelque sympathie ?

219. (1899) Préfaces. — Les poètes contemporains. — Discours sur Victor Hugo pp. 215-309

Les hymnes et les odes inspirées par la vapeur et la télégraphie électrique m’émeuvent médiocrement, et toutes ces périphrases didactiques, n’ayant rien de commun avec l’art, me démontreraient plutôt que les poètes deviennent d’heure en heure plus inutiles aux sociétés modernes. […] Çunacépa m’a été inspiré par un épisode à peine indiqué du Ramayana, et le Runoïa, par les dernières lignes d’une légende finnoise, qui symbolise l’introduction violente du Christianisme en Finlande. […] Nous n’aimons pas assez la liberté pour que le goût capricieux qu’elle nous inspire puisse nous relier énergiquement dans une exaltation commune et durable. […] De tels vers rendent plus vifs, par l’admiration qu’ils inspirent, les regrets dont nous saluons la mémoire respectée d’Alfred de Vigny. […] Ils puisent leur génie dans leur cœur, et s’ils daignent sacrifier au rhythme et à la rime, ils ne dissimulent point le mépris que ces petites nécessités leur inspirent, en composant, d’inspiration, des vers d’autant plus sublimes qu’ils sont plus mauvais.

220. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — C — Collin, Paul (1843-1915) »

Paul Collin a une spécialité, un rare bonheur : ses vers si faciles, si musicaux, d’un rythme si délicat, inspirent, depuis bien des années, une bonne moitié de nos compositeurs, — et pas les moins illustres.

221. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — R — Rocher, Georges »

Rocher s’inspire directement des Romantiques et des Parnassiens.

222. (1803) Littérature et critique pp. 133-288

quelle femme digne d’inspirer ses chansons, s’est jamais exprimée de cette manière sur le peintre de l’amour et du plaisir ! […] D’aussi belles traditions pouvaient, sans doute, inspirer le poète, et ce lieu chéri des Muses était, comme on voit, sous l’influence immédiate du Ciel. […] Cette dernière victoire, qui avait inspiré les chants de toutes les muses françaises, occupait encore la renommée. […] Les chansons bercent l’enfance, inspirent l’amour et consolent la douleur. […] Mais les femmes ne sont bien louées que par les passions qu’elles inspirent.

223. (1902) La politique comparée de Montesquieu, Rousseau et Voltaire

Ce n’est évidemment que badinerie un peu lourde, mais qui, replacée à sa date et après ce qui la précède et qui l’inspire, n’a absolument rien de criminel, ni même d’odieux. […] Il faut ensuite n’obéir qu’à la loi, d’une part, et d’autre part, pour ce qui est des choses circonstancielles où un ordre circonstanciel et particulier doit intervenir, il ne faut obéir qu’à des chefs qui ne s’inspirent que de la Loi. […] Il faut toujours être gouverné par des lois éprouvées par le temps et l’usage eu par des ordres directement inspirés de ces lois-là. […] Un magistrat nommé par le gouvernement sera dévoué au gouvernement ; un magistrat qui n’aura été nommé par personne sera un simple citoyen libre et s’inspirera de son intérêt, il est vrai, mais aussi de l’intérêt public qui ne laissera pas d’être le sien. […] Le danger encore (et celui-ci est bien plus grave) : parce que, vous aussi, et non pas seulement vos ennemis, vous lirez la Bible comme livre inspiré et divin et qui ne peut avoir tort, et il vous en restera quelque chose en l’esprit, et il vous arrivera de vous inspirer du livre inspiré.

224. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — D. — article »

Si cet Auteur obtient jamais de la célébrité, ce sera par l’ennui mortel qu’inspirent ses Ecrits ; & le moyen d’y parvenir, seroit de trouver des Lecteurs assez courageux pour les lire.

225. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Première partie. De la littérature chez les anciens et chez les modernes — Chapitre XI. De la littérature du Nord » pp. 256-269

C’est cette disposition de l’âme, source de toutes les passions généreuses, comme de toutes les idées philosophiques, qu’inspire particulièrement la poésie du Nord. […] La poésie du Midi, loin de s’accorder comme celle du Nord, avec la méditation, et d’inspirer, pour ainsi dire, ce que la réflexion doit prouver, la poésie voluptueuse exclut presque entièrement les idées d’un certain ordre.

226. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome II « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — Fontenelle, et le père Baltus. » pp. 2-16

Quelques fourbes adroits mirent à profit le desir que nous avons tous de connoître l’avenir : ils se donnèrent pour des hommes inspirés, & rendirent des oracles. […] Cependant ses élèves, messieurs de Bauffremont, disoient que tout le temps qu’il fut auprès d’eux, il ne leur inspira que de très-bons principes.

227. (1782) Plan d’une université pour le gouvernement de Russie ou d’une éducation publique dans toutes les sciences « Plan d’une université, pour, le gouvernement de Russie, ou, d’une éducation publique dans toutes les sciences — Quatrième faculté d’une Université. Faculté de théologie » pp. 511-518

L’auguste de ses fonctions lui inspire un tel orgueil, qu’ici le vicaire de Saint-Roch est plus grand à ses propres yeux que le souverain : celui-ci ne fait que des nobles, des ducs, des ministres, des généraux ; qu’est-ce que cela pour celui qui fait des dieux ? […] Sa justice ou celle de Dieu, ou des livres inspirés, est celle des circonstances.

228. (1799) Jugements sur Rousseau [posth.]

Peut-être serait-on fondé à lui reprocher de n’avoir pas mis assez de variété dans le genre d’intérêt qu’il inspire : c’est toujours l’expression d’un sentiment vif et violent ; il l’aurait pu montrer vif et doux, et passer de l’amour effréné à l’amour tendre, de l’amour timide à l’amour heureux. […] Le dialogue n’est pas le talent de l’auteur : des quatre qu’il y a dans son livre, celui du jardinier est fort au-dessous de ce que le sujet fournissait ; celui du gouverneur et de l’enfant très mauvais ; celui de la bonne et de la petite, médiocre ; celui même de l’inspiré et du raisonneur, moins bien qu’il n’aurait pu être.

229. (1906) Les œuvres et les hommes. À côté de la grande histoire. XXI. « Deux diplomates »

Pour ne parler que de ces derniers temps, nous avons eu le livre sur Hugues de Lionne, par Valfrey, dans lequel tout est vague, excepté l’ennui qu’il inspire, — lequel est très précis. […] Donoso Cortès n’avait pas prévu davantage que l’Empire, sorti d’un coup d’État et qu’il a bien jugé dans son effet immédiat, serait un temps d’arrêt infligé, pendant dix-huit ans, à la Révolution, qui n’a vaincu que parce que l’Empire, mal inspiré, après l’avoir été si bien, s’est lâchement abandonné à elle.

230. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « Paul de Saint-Victor » pp. 217-229

Elle n’est jamais, pour sa tête de poète inspiré, l’horrible bonnet de soie noire fait pour des caboches d’institut ! […] Quoique l’auteur n’ait pas inventé le sujet de son livre, et que les idées lui en aient été inspirées par ces chefs-d’œuvre dramatiques de l’esprit humain dont il fait l’analyse et raconte l’histoire, il met dans cette histoire et dans cette analyse une telle profondeur de sentiment et une telle richesse de coloris, qu’analyser et raconter ainsi, c’est presque aussi rare et aussi glorieux que de créer…· Positivement, le livre de Saint-Victor est une création.

231. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « Laïs de Corinthe et Ninon de Lenclos » pp. 123-135

On a trouvé le néant au fond de tant de choses, que les ivresses sont difficiles… À cet âge tristement viril, quand on parle de courtisanes, quand on se tache les doigts à cette poussière légère que toute la sainteté de la mort ne peut sauver des profanations de la vie, il faut le faire en moraliste et en observateur, non pour glorifier des mémoires trop heureuses, selon nous, de couler à fond dans l’oubli, mais pour prendre le niveau moral d’un pays ou d’une époque et mesurer le vice de tout le monde à la taille de celles qui l’ont inspiré. […] Ainsi Diane de Poitiers, qui fut aimée de deux générations, et avec une passion plus folle à la seconde qu’à la première ; ainsi madame de Maintenon, qui, sans jeunesse, inspira à Louis XIV blasé un amour durable, et fut plus forte dans ce cœur qui avait tout éprouvé que le spleen de la toute-puissance, sont des exemples éclatants de ce pouvoir étrange que les moralistes cherchent à expliquer, mais qui leur résiste et les étonne.

232. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « VI. Jules Simon »

D’ailleurs, à défaut d’une idée, cette mère robuste d’une idée, c’est le même sentiment qui les a inspirés. […] Jules Simon est l’humble des humbles, en philosophie, Le plus humble de ceux que son amour inspire !

233. (1899) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (troisième série). XVII « Barthélemy Saint-Hilaire »

Pour ma part, je ne crois pas du tout que le livre de Barthélemy Saint-Hilaire ait été simplement inspiré par les recherches et les travaux de Muir, Sprenger et Caussin de Perceval, les modernes historiens de Mahomet, rencontrés au courant des vastes lectures de l’auteur, dans une flânerie critique ou historique quelconque. […] À la place de ces caricatures historiques, il y a la figure du grand homme, doux et inspiré, qui apprit aux Arabes la miséricorde et l’aumône, et dont le cimeterre, qu’il a fini par tirer dans les intérêts de sa foi, n’a pas aveuglé de son éclat Barthélemy Saint-Hilaire, puisqu’il a écrit fermement cette parole vraie : c’est que le livre du Coran a fait plus que le sabre pour la domination du monde.

234. (1906) Les œuvres et les hommes. Poésie et poètes. XXIII « Émile Augier, Louis Bouilhet, Reboul »

Les poésies tendres ou galantes du recueil que nous venons de lire sont très certainement inspirées par Alfred de Musset ; mais c’est de l’Alfred de Musset sans cette fringance hardie et parfois cette divinité d’images qui marque sa poésie, malgré ses irrégularités et ses faiblesses, d’un inextinguible rayon. […] Mais il ne changera pas de nature, et cette nature, comme l’intérêt que le poème inspire, est radicalement inférieure.

235. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « M. de Banville. Les Odes funambulesques. »

Sincère ou de parti pris, volontaire ou inspirée, la poésie des Odes funambulesques arrive-t-elle, n’importe à quel prix, à l’émotion et à l’illusion que toute poésie doit créer dans nos âmes ? […] On se dit bien que l’instrument a un défaut, qu’il est imparfait, près de se casser, près de se rompre, mais l’haleine pure qui passe dans les trous du misérable roseau semble mieux porter & l’âme le son de la poitrine inspirée…, et les plastiques, les acrobates et les funambules sont oubliés !

236. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — D — Delbousquet, Emmanuel (1874-1909) »

Delbousquet est printanière et fraîche, inspirée le plus souvent par les spectacles de la Nature.

237. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — M — Maddus, Jean »

Il m’a été doux de rendre hommage à cette Muse simple, croyante et toujours inspirée, éprise de tout ce qui mérite, seul, un regret de la vie : l’Amour et les fleurs.

238. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — B — Blanc, Joseph »

Les vers de Joseph Blanc s’inspirent d’une terre fortement aimée et, en retour, elle leur communique sa sève et son parfum.

239. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — B — Braun, Thomas (1876-1961) »

Braun un artiste sincère et inspiré, par exemple, la Bénédiction de l’enfant.

240. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « M. Littré. »

Je n’ai point attendu ces circonstances pour exprimer les sentiments de déférence et de respect que m’a toujours inspirés l’auteur ; mais je profiterai du moment favorable pour parler de lui avec l’étendue qu’il mérite, pour caractériser quelques-uns de ses travaux, et le présenter au public tel que je l’ai vu constamment et que me le peignent les hommes qui l’ont le plus cultivé et qui l’ont suivi de plus près. […] À tous, selon l’expression de ce dernier, il inspirait dès lors plus que de l’estime ; c’était du respect. […] Herschell, fils de l’illustre astronome, sur l’Étude de la philosophie naturelle, un très bel article tout animé du souffle newtonnien et où il s’inspirait du génie des sciences (14 février 1835), frappa pourtant et devait frapper Carrel ; arrivant ce jour-là au National, et voyant Littré qui traduisait ses journaux allemands, selon son habitude, au bout de la table de la rédaction dans le salon commun : « Mais vous ne pouvez rester dans cette position, lui dit-il, vous êtes notre collaborateur. […] Littré le comprend, et quand même il inspirerait peu de goût, a été un rude et courageux effort ; que le nœud qu’y a contracté l’esprit humain n’a pas été une nouure ni une servitude irrémédiable ; que « dans l’histoire déjà si longue et toujours enchaînée que l’on parcourt depuis la civilisation grecque jusqu’à la nôtre, à toutes les époques favorables ou inclémentes (et celle du Moyen-Age a été assurément inclémente), la vertu qui tendait à réparer, à tirer de l’existence antérieure une existence plus développée, s’est exercée avec pleine vigueur » ; qu’en ce sens le Moyen-Age n’a été qu’un stage plus dur pour l’esprit humain ; qu’au sortir de là et à l’époque du quinzième siècle et de la Renaissance, le monde est entré, par le fait même de la réaction et de la lutte, dans un cercle plus large et plus étendu que s’il avait continué mollement de vieillir sans complication et sans accident sous une suite pieuse d’éternels Antonins. […] Il excite des affections respectueuses, des amitiés enthousiastes et fidèles ; il y a comme de la vénération mêlée dans les sentiments qu’il inspire.

241. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Alfred de Vigny. »

Pour échapper sans doute au reproche (si c’en est un) d’imitation et de ressemblance prochaine, pour qu’on ne dise pas qu’il s’est inspiré directement d’André Chénier, dont les poésies avaient été données par M. de Latouche en 1819. […] Heureusement l’originalité de M. de Vigny ne tient pas à si peu de chose : il commença par s’inspirer d’André Chénier, il le nierait en vain, c’est évident ; mais il allait trouver sa propre manière, sa propre originalité dans Moïse, Dolorida, Éloa, et bien d’autres poèmes qui ne sont qu’à lui et qui portent sa marque irréfragable. […] Sans doute il ignore l’excès de cette préférence, mais il en sait assez pour regretter un jour d’avoir sacrifié le plus divin sentiment qu’on puisse inspirer, aux méprisables intérêts du grand monde72. » M. de Vigny ne se maria qu’en quittant le service : il n’épousa pas sa riche parente, mais une Anglaise qu’il avait rencontrée dans le midi et dont le père, grand original, assure-t-on, avait parfois quelque peine à se rappeler le nom du poète son gendre. […] Dans Le Joueur de Flûte, le poète a essayé de la poésie familière ; un sentiment d’humilité et de fraternité qui. ne lui est pas habituel l’a inspiré : il explique par une image sensible, empruntée à l’instrument de buis, les désaccords, les fautes et les gaucheries de l’exécution en toute œuvre de l’esprit et de l’art. […] Les derniers vers, où il montre le pauvre mendiant, tout réconforté et encouragé par de bonnes paroles, se remettant à jouer et jouant mieux qu’il n’avait jamais fait, sont des plus heureux : Son regard attendri paraissait inspiré, La note était plus juste et le souffle assuré.

242. (1858) Cours familier de littérature. VI « XXXIe entretien. Vie et œuvres de Pétrarque » pp. 2-79

En cherchant bien la différence essentielle qui existe entre l’amour des sens et l’amour des âmes, on arrive à conclure ceci : C’est que l’amour des sens a pour mobile et pour objet le plaisir, et que l’amour des âmes a pour mobile et pour objet la passion du beau ; aussi le premier n’inspire-t-il que des désirs ou des appétits, et le second inspire-t-il des admirations, des enthousiasmes et pour ainsi dire des cultes. Il y a plus : l’amour des sens inspire souvent des vices et des crimes ; l’amour des âmes inspire, au contraire, des chefs-d’œuvre et des vertus : c’est ainsi que vous voyez dans l’antiquité l’amour sensuel caractérisé par Hélène, Phèdre, Clytemnestre ; et que vous voyez dans les temps modernes l’amour des âmes se caractériser dans la chevalerie, dans Héloïse, dans Laure, par l’héroïsme, par la fidélité, par la sainteté même la plus idéale et la plus mystique. […] Cet amour des âmes ou cette passion du beau, sentiment qui se rapproche le plus du pieux enthousiasme pour la beauté incréée, devait par sa nature même inspirer à la terre la plus céleste poésie, car ce sentiment est une sorte de piété par reflet ; piété qui traverse la créature comme un rayon traverse l’albâtre pour s’élever jusqu’à la contemplation du beau infini, Dieu. […] Voici comment il la décrit lui-même dans une de ses lettres, ainsi que la vie ascétique dans laquelle il s’était recueilli pour prier, chanter, rêver et aimer encore : « Quand on trouve un antre creusé par la nature dans les flancs d’un rocher, dit Sénèque, l’âme est saisie d’un sentiment religieux, sans doute parce qu’on y sent l’impression directe de l’Ouvrier divin ; les sources des grands fleuves inspirent la vénération, l’apparition subite d’un fleuve mérite des autels ; j’en veux ériger un, ajoute-t-il, aussitôt que mes ressources pécuniaires me le permettront ; je l’élèverai dans mon petit jardin qui est sous les roches et au-dessus des eaux ; mais c’est à la Vierge, mère du Dieu qui a détruit tous les autres dieux, que je le dévouerai. » « Ici, dit-il après dix ans de séjour dans cet ermitage, ici je fais la guerre à mes sens et je les traite en ennemis : mes yeux, qui m’ont entraîné dans toutes sortes de précipices, ne voient maintenant que le ciel, l’eau, le rocher.

243. (1864) Cours familier de littérature. XVIII « CVIe entretien. Balzac et ses œuvres (1re partie) » pp. 273-352

Mais ce n’était pas une bonté d’indifférence ou d’insouciance, comme dans le visage épicurien de la Fontaine, c’était une bonté aimante, charmante, intelligente d’elle-même et des autres, qui inspirait la reconnaissance et l’épanchement du cœur devant lui, et qui défiait de ne pas l’aimer. […] VI Mais je vis, quelques années plus tard, dans une autre maison, et dans une autre circonstance, combien ce qui était sérieux lui inspirait de gravité, et combien sa conscience lui inspirait de répulsion contre le mal. […] Cette sévérité comprima les tendres expansions d’Honoré, à qui l’âge et la gravité de son père inspiraient aussi la réserve. […] Elles lui inspiraient sans doute d’autres contes, car à des babillages étourdissants succédaient quelquefois des silences qu’on n’expliquait que par la fatigue, mais qui pouvaient bien être déjà des rêveries dans des mondes imaginaires. » X Après un long séjour, sans vacance, dans un collège sévère et presque monastique où il ne se distingua que par sa paresse et son étourderie, il fut renvoyé sans espoir chez son père. […] Villemain et Cousin lui inspirèrent ses premières admirations.

244. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Le Poëme des champs par M. Calemard de Lafayette. »

Leconte de Lisle n’avait réuni que des poésies inspirées par des récits des bas temps, du Bas-Empire, par des légendes de moines de la Thébaïde, par les chants de bardes écossais et scandinaves ; mais il y a d’autres pièces qui ne sont que sauvages, et d’autres qui appartiennent à des mondes très-civilisés (l’Inde, la Perse), et même à la Grèce. […] Il y a réussi en plus d’une ; et pour ne parler que de l’Agonie d’un Saint, qui est à la fin du recueil, c’est une pensée hardie et humaine qui a inspiré ce petit drame, et l’exécution en est parfaite. […] Lacaussade aime à s’inspirer des poètes étrangers (Burns, Cowper, Shelley) ; il ne les traduit pas, il les imite ; il greffe son propre sentiment sur une de leurs pensées.

245. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre V. La littérature et le milieu terrestre et cosmique » pp. 139-154

La littérature et le milieu terrestre et cosmique La théorie des climats, comme celle des races, a inspiré de brillants essais à plus d’un écrivain de nos jours. — Il suffit de rappeler l’espèce de géographie à la fois physique et morale dont Michelet a rempli le livre III de son Histoire de France ; c’est un effort hardi pour retrouver les liens qui rattachent à leur sol natal les grands hommes de chaque région. […] Les sentiments qu’ils inspirent doivent, par là-même, changer et s’adoucir. […] Elle lui inspire une véritable horreur.

246. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Alexandre Dumas fils — Chapitre XIII »

Cet homme qu’elle a aimé et qui la prend pour une prostituée, ne lui inspire plus maintenant qu’indignation et dégoût. […] Absorbante et vide, comme un gouffre, elle prend tout et elle ne rend rien, pas même la volupté qu’elle inspire. […] Sou attitude est si fière, que l’horreur qu’elle devrait inspirer se change en une sorte d’admiration stupéfaite.

247. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Armand Carrel. — III. (Suite et fin.) » pp. 128-145

On mettrait tout d’une suite dans ce volume les nombreux articles où il a parlé de Napoléon, son grand sujet favori et qui ne cessa de l’inspirer. […] Zumalacárregui a été un de ces hommes séduisants ; il a commandé, et il a été reconnu ; il a eu pour lui l’acclamation populaire, et les supériorités du rang se sont éclipsées ; il n’a rencontré que des seconds et pas de rivaux, et il ne faut pas s’étonner s’il a inspiré de la sympathie même à ses adversaires. […] Il était capable d’inspirer et de ressentir les plus délicats et les plus fidèles attachements.

248. (1906) Les œuvres et les hommes. Poésie et poètes. XXIII « Alfred de Vigny »

Éloa, cette sublimité dans le délicat et le pur, avait eu le succès qui convenait, — un succès chaste, comme elle, plus profond que sonore ; mais trois ans après, jour pour jour, Vigny, qui voulait mettre une fleur de prose à côté de cette fleur de poésie qui était sortie de sa pensée, calice de parfum et de blancheur, comme le nénuphar sort d’une eau limpide, Vigny publia Cinq-Mars, un roman historique bien plus inspiré, selon moi, par Walter Scott, alors régnant, qu’il n’est produit par une fantaisie vraiment libre ou une combinaison irréfléchie. […] Il y a là une humour inspirée et un art savant et volontaire de l’effet le plus saisissant et le plus neuf. […] Un jour Armand Carrel, ce généreux, devant qui on louait Alfred de Vigny avec l’enthousiasme qu’il savait inspirer à ceux qui le connaissaient, s’écria que cette âme était belle et qu’il en fallait parler, et Rolle fit dans Le National ces articles dont on se souvient encore.

249. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Les trois siecles de la litterature françoise. — C — article »

La seule Piece où il annonce vraiment de la verve & de l’enthousiasme, est une Ode sur le vin de Champagne, où il paroît inspiré par le sujet lui-même, dont il rend très-poétiquement tout le feu & toute la vivacité.

250. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — R — Ronchaud, Louis de (1816-1887) »

Il s’est inspiré du grand poète et de la belle Grèce, mais sans renoncer à être personnel.

251. (1883) Souvenirs d’enfance et de jeunesse « Chapitre III. Le Petit Séminaire Saint-Nicolas du Chardonnet (1880) »

Un Tertullien égayant son Apologétique par Atala et René leur inspirait peu de confiance. […] Tout le milieu où je vivais m’inspirait les mêmes sentiments, la même façon de prendre la vie. […] Il fallait, pour cette délicate opération, non un prêtre sérieux de la vieille école gallicane qui aurait pu avoir l’idée de rétractations motivées, de réparations, de pénitence, non un jeune ultramontain de la nouvelle école, qui eût tout d’abord inspiré au vieillard une complète antipathie ; il fallait un prêtre mondain, lettré, aussi peu philosophe que possible, nullement théologien, ayant avec les anciennes classes ces relations d’origine et de société sans lesquelles l’Évangile a peu d’accès en des cercles pour lesquels il n’a pas été fait. […] Mais les compositions de pure rhétorique m’inspiraient un profond ennui ; je ne pus jamais faire un discours supportable. […] J’essayerai enfin de montrer comment l’étude directe du christianisme, entreprise dans l’esprit le plus sérieux, ne me laissa plus assez de foi pour être un prêtre sincère, et m’inspira, d’un autre côté, trop de respect pour que je pusse me résigner à jouer avec les croyances les plus respectables une odieuse comédie.

252. (1878) La poésie scientifique au XIXe siècle. Revue des deux mondes pp. 511-537

Voltaire lui-même avait eu le pressentiment de cette rénovation poétique au contact de la science, et jamais il ne s’était plus approché de la grandeur que le jour où il s’était inspiré du vrai système du monde. […] — On ne conseille pas pour cela de déserter leur école, mais de s’inspirer d’eux librement : Changeons en notre miel leurs plus antiques fleurs ; Pour peindre notre idée, empruntons leurs couleurs ; Allumons nos flambeaux à leurs feux poétiques ; Sur des pensers nouveaux faisons des vers antiques. […] Les images, les mots que le génie inspire, Où l’univers entier vit, se meut et respire, Source vaste et sublime et qu’on ne peut tarir, En foule en son cerveau se hâtent de courir. […] Et, sans qu’elle prétende imposer aux formules une langue rebelle, ne peut-elle s’inspirer de la grandeur et de l’harmonie du vrai cosmos entrevu à travers les travaux des savants, de ce spectacle réel mille fois plus grand que toutes les fictions et plus beau que toutes les mythologies ? […] Il ne serait pas besoin aujourd’hui d’une initiation spéciale pour suivre dans ses libres développements la poésie qui s’inspirerait des découvertes contemporaines, de leurs applications, de leurs conséquences morales et philosophiques.

253. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — L — Le Corbeiller, Jean-Maurice (1859-1936) »

Maurice Le Corbeiller avait écrit, pour la circonstance, une scène élégante, en prose et en vers, intitulée : La Nuit de juin… Dans ces vers, inspirés de Musset, à travers l’expression un peu flottante, quelque chose a passé de la grâce et de la tendresse du cher poète… M. 

254. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — S. — article » pp. 258-259

Le cri public a forcé le Rédacteur à supprimer ses Notes, mais n'a pu lui inspirer le discernement nécessaire pour faire un bon choix.

255. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — M. — article » pp. 218-219

On jugera toujours par ses Vies des Solitaires d’Orient, ses Lettres spirituelles, la Comédienne convertie, la parfaite Religieuse, la Vierge chrétienne, &c. en un mot par tous ses Ouvrages, qu’il eût été capable de donner plus d’exactitude & plus de perfection à son style, s’il se fût autant occupé de sa réputation littéraire, que du désir de faire servir sa pieuse industrie à inspirer l’horreur du vice, l’amour de la Religion & de la vertu.

256. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — E — Esquiros, Alphonse (1812-1876) »

Esquiros tend à inspirer par ses vers l’amour et la fréquentation des beautés naturelles du monde, telles que les varie le cours harmonieux des saisons ; c’est là une prédication aussi haute que morale… On doit à M. 

257. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — M. — article » p. 271

Ce Drame, plus sinistre encore que celui de Béverley, n’est qu’un amas d’horreurs, entassées les unes sur les autres, plus propres à rendre les ames féroces, qu’à leur inspirer la haine du crime.

258. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Appendice. »

L’incendie qui suit m’a été inspiré par un épisode de l’histoire de Massi-nissa, par un autre de l’histoire d’Agathocles et par un passage d’Hirtius, — tous les trois dans des circonstances analogues. […] Ces talents étaient éclos et inspirés d’eux-mêmes et sortaient bien en droite ligne du mouvement français inauguré par Chateaubriand. […] On n’allait pas chez lui, à Weymar, avec David d’Angers, pour s’inspirer, mais pour lui rendre hommage. […] Il a visiblement songé à imiter Byron, il lui a pris de son ton, de son air et de l’allure de ses stances ; il s’est souvenu tantôt d’Ossian, tantôt de Léopardi et de bien d’autres ; mais certainement aussi il s’en est encore plus inspiré que souvenu ; l’écho d’une pensée étrangère, en traversant cette âme et cet esprit de poëte si français, si parisien, devenait à l’instant une voix de plus, une voix toute différente, ayant son timbre à soi et son accent.

259. (1889) L’art au point de vue sociologique « Chapitre septième. L’introduction des idées philosophiques et sociales dans la poésie. »

C’est la poésie de l’âme qui inspire les nobles sentiments et les nobles actions comme les nobles écrits. […] Comparez une simple description poétique, quelque belle qu’elle soit, à une belle pièce inspirée par une idée ou par un sentiment vraiment élevé et philosophique : à mérite égal du poète, les vers purement descriptifs seront toujours inférieurs. […] Voilà pourquoi le sentiment d’une mission sociale et religieuse de l’art a caractérisé tous les grands poètes de notre siècle ; s’il leur a parfois inspiré une sorte d’orgueil naïf, il n’en était pas moins juste en lui-même. […] La chute des âmes et leur retour à Dieu, ce fond commun du platonisme et du christianisme, ont inspiré les deux grands poèmes : Chute d’un ange et Jocelyn : Borné dans sa nature, infini dans ses vœux, L’homme est un dieu tombé qui se souvient des cieux.

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