Il sentait surtout certaines beautés mâles des anciens, du Sophocle, du Démosthène ; et quelquefois, à la fin d’un dîner, se mettant à parler de ces dieux de sa jeunesse, il trouvait je ne sais quels accents émus qui se faisaient jour à travers la gourmandise, même avec des larmes.
Tout en restant dans les conditions de sa belle nature, ce qu’on peut souhaiter à M. de Laprade, c’est qu’il fasse intervenir plus distinctement dans ses compositions la personne humaine : Regarde dans ton cœur, c’est là que sont les dieux, a-t-il dit lui-même, et il n’a qu’à suivre son précepte.
Au fond, il a pour dieux Plutus et le Dieu des jardins, ce dernier tenant une très grande place jusqu’au dernier jour.
Son mémoire sur le Culte des dieux fétiches (1760), sur cette idolâtrie brute qu’il considère comme un des âges naturels de l’humanité ignorante et grossière en tout pays (en la considérant depuis le Déluge, dit-il, et depuis la dispersion), atteste un esprit philosophique qui, sur ce point, n’est pas allé à toutes ses conséquences.
L’impératrice de Russie meurt, et le nouvel empereur se déclare pour lui ; cela fait péripétie dans la situation : « Je me reviens, dit-il, comme un mauvais auteur qui, ayant fait une tragédie embrouillée, a recours à un dieu de machine pour trouver un dénouement… ; — trop heureux, après sept actes, de trouver la fin d’une mauvaise pièce dont j’ai été acteur malgré moi. » Une place pas la gloire plus haut ; il ne monte pas au Capitole plus fièrement que cela : — « Je soupire bien après la paix, mon cher Milord ; ballotté par la fortune, vieux et décrépit comme je le suis, il n’y a plus qu’à cultiver mon jardin. » — Jean-Jacques Rousseau, sur ces entrefaites, poursuivi en France pour l’Émile, s’était réfugié dans la principauté de Neuchâtel.
Ce Bescherelle, plus complet, est devenu une espèce de bon dieu, au milieu des réclames et des dévotions de la gent libre-penseuse.
Aux anciens Grecs, Apollon disait : « Rien de trop. » Ce dieu-là fut l’inspirateur du grand poète qui a été l’honneur de la France.
Un poëte diroit que le dieu de l’himen se crut obligé de récompenser le peintre qui avoit célebré si galamment un de ses triomphes.
Abjurez, il vous est permis, les dieux de l’antique Olympe ; nous convenons avec vous que l’Aurore est bien vieille, et Flore bien fanée ; qu’il y a bien longtemps que Vénus est la déesse de la beauté, et que son fils est un enfant : mais songez que le merveilleux, du Christianisme est d’un emploi difficile et périlleux ; qu’il est toujours tout près d’offenser la sévérité du dogme ou celle du goût ; tout près, en un mot, d’être hétérodoxe ou ridicule.
Leur esthétique, qui n’est pas encore sortie de la tradition orale, consiste, m’ont-ils dit, à magnifier les êtres comme dans ce vers suivant de Jules Méry, qu’on peut considérer comme le vers-type du Magnificisme : Le poète est un dieu captif dans une bête.
Goethe, ce naturaliste en critique, avant d’être en sciences naturelles ce qu’il avait été en critique littéraire, Goethe, ce dieu des arides et des impuissants, a été invoqué en France par des critiques qui ont pourtant le tempérament esthétique, voluptueux et sanguin, mais qui n’ont pas plus de critérium que n’en avait Goethe : sceptiques comme lui avec tout excepté avec eux-mêmes, qu’ils croient organisés pour retentir au contact le plus frêle du beau, comme les harpes éoliennes aux plus légers, aux plus immatériels souffles qui passent.
, en essayant d’ôter le dieu de l’homme dans Notre-Seigneur pour nous faire admirer le restant, Renan, du même coup, a diminué jusqu’à la force de son attaque et l’excuse de son attentat.
vous êtes un dieu, mais vous avez mal dîné, et bientôt même vous n’aurez plus d’estomac !
On sait que les pères de famille l’invoquaient ; et les tyrans même prenant le surnom d’Antonin pour en imposer, se couvraient de ce nom sacré, comme, dans les pays et dans les temps d’asiles, les assassins couraient se mettre à l’abri sous les statues des dieux.
Il s’est élevé, solide et vigoureux arbuste, à l’ombre du chêne ; il a grandi sous l’aile de Victor Hugo, ne s’absorbant pas en lui, mais ne s’en dégageant qu’à demi, et laissant flotter sur ses œuvres, comme l’ombre vague et lointaine du dieu… Cette amitié, qu’aucun dissentiment ne troubla, est touchante. […] Il fut, pendant un quart de siècle, le dieu des soirées bourgeoises. […] Il demeure impassible au milieu des clameurs, et reçoit, immobile comme un dieu d’Orient, l’encens qu’une foule idolâtre fait fumer sur ses autels. […] Et les dieux vous béniront ! […] D’abord dans une maison tierce, puis dans une loge d’Opéra, puis au musée du Louvre, sous l’œil des gardiens et des dieux de marbre, dans la galerie des antiques ; l’endroit du monde le plus propre à rassurer la pudeur.
Quand il traduit une pièce hasardée, Amphitryon, par exemple, il la trouve trop modeste ; il en ôte les adoucissements, il en alourdit le scandale. « Le roi et le prêtre, dit Jupiter, sont en quelque manière contraints par convenance d’être des hypocrites bien masqués570. » Là-dessus, le dieu étale crûment son despotisme. […] Il plante et jardine, sur un sol fertile, dans un pays dont l’air lui convient, parmi des plates-bandes régulières, au bord d’un canal bien droit et flanqué d’une terrasse bien correcte, et il se loue en bons termes, avec toute la discrétion convenable, du caractère qu’il possède et du parti qu’il a pris. « Je me suis souvent étonné, dit-il, qu’Épicure ait trouvé tant d’âpres et amers censeurs dans les âges qui l’ont suivi, lorsque la beauté de son esprit, l’excellence de son naturel, le bonheur de sa diction, l’agrément de son entretien, la tempérance de sa vie et la constance de sa mort l’ont fait tant aimer de ses amis, admirer de ses disciples et honorer par les Athéniens605. » Il a raison de défendre Épicure, car il a suivi ses préceptes, évitant les grands bouleversements d’esprit, et s’installant comme un des dieux de Lucrèce dans un des interstices des mondes. « Quand les philosophes ont vu les passions entrer et s’enraciner dans l’État, ils ont cru que c’était folie pour les honnêtes gens que de se mêler des affaires publiques606… Le vrai service du public est une entreprise d’un si grand labeur et d’un si grand souci, qu’un homme bon et sage, quoiqu’il puisse ne point la refuser s’il y est appelé par son prince ou par son pays, et s’il croit pouvoir y rendre des services plus qu’ordinaires, doit pourtant ne la rechercher que rarement ou jamais, et la laisser le plus communément à ces hommes, qui, sous le couvert du bien public, poursuivent leurs propres visées de richesse, de pouvoir et d’honneurs illégitimes607. » Voilà de quel air il s’annonce. […] Il s’adresse à la suivante, « sa compagne de servage », n’osant s’adresser à Sacharissa elle-même. « Ainsi, dans les nations qui adorent le soleil, un Persan modeste, un Maure aux yeux affaiblis n’ose point élever ses regards éblouis au-delà du nuage doré qui, sous la lumière du dieu triomphant, orne le ciel oriental, et, honoré de ses rayons, dépasse en splendeur tout le reste618. » Bonne comparaison ! […] « Molière n’est d’aucune nation, disait un grand acteur anglais ; un jour le dieu de la comédie, ayant voulu écrire, se fit homme, et par hasard tomba en France. » Je le veux bien ; mais en devenant homme il se trouva du même coup homme du dix-septième siècle et Français, et c’est pour cela qu’il fut le dieu de la comédie
Le vers est la langue des dieux et rien n’est fantasque comme les dieux, ils changent tous les dix-huit cents ans. […] En théologie, il y a bien quelques subtilités, quelques mystères, mais le grand mystère poétique, qui n’a pour lui que l’autorité du dieu Vers, me paraît tout surpasser. […] La poésie est réduite à n’exprimer que de mesquines impressions personnelles. » Cet homme qui parlerait mesquinement de lui-même est sûr de ne pas faire parler mesquinement les dieux et les rois : « Isolez-vous du monde de l’action, poètes, vous n’êtes en état de rien apprendre aux autres hommes. » Étudiez ; « la source de l’originalité est tarie. — Le thème personnel a épuisé l’attention ». […] Leconte de Lisle ignore que l’érudition a besoin d’aises, et son âme froide imagine trouver l’émotion dans de vieux livres grecs en écoutant l’histoire des dieux.
Nul, sans doute, n’a pu lire sans quelque plaisir le morceau suivant : Regrettez-vous le temps, où le ciel sur la terre Marchait et respirait dans un peuple de dieux ! […] j’aime fort aussi les dieux Lath et Nésie… Vous pouvez de ma part répondre à leurs ministres Que je ne sais comment, je vais je ne sais où ! […] Insulte les dieux, les anciens et les nouveaux, ceux de l’Olympe et le grand Jehovah ; mais prends garde, prends garde aux poètes. » Voilà le livre que M.
Après les trois coups frappés, la toile se lèvera, solennelle, et ce sera, pendant quatre heures, parmi la bousculade des zèles, sans qu’il manque une touche aux décors achevés dans le foyer, ni une dentelle au costume de la plus humble figurante épinglé dans la loge par des couturières affolées, sans qu’un acteur ou une actrice ne récrimine ni n’hésite, la première représentation, avec ses angoisses et ses espérances, avec ses : « Mon dieu ! mon dieu ! […] Jean Lahor, a emprunté aux légendes de l’Inde un épisode de la vie du formidable Siva, Les dieux, craignant d’être tués un jour « par ce dieu de la mort qui méprisait l’amour », envoient vers lui la plus merveilleuse des femmes, créée de tous les charmes, pour le séduire. […] Un matin j’ai fleuri sur l’abîme profond ; Les dieux en nous créant voient-ils bien ce qu’ils font ? […] Et la poursuite continue, et le dieu géant broie sous ses pieds des arbres séculaires, écrase des troupeaux d’éléphants, fait déborder des ruisseaux, courant toujours éperdu.
Seulement c’était un dieu fulgurant, sur le visage duquel on lisait que, bon homme au fond, l’instant d’après il se chaufferait les mains à la chaleur qui se dégagerait de ses propres foudres. […] J’étais poursuivi par le titre que Henri Heine a donné à un de ses livres : les Dieux en exil, un nom étrange, hautement significatif. Nous savons tous que les dieux, lors de la ruine du paganisme, se réfugièrent sous terre pour y habiter avec les gnomes et les démons. […] Est-ce que le dieu, boiteux depuis sa chute, montera, comme avant, sur le char du soleil ? […] Est-ce que parfois même il n’éprouvera pas le désir de retourner vers les marais qui croupissent sous terre, ce pauvre dieu flétri et défait, qui se sent un peu confus devant le rayonnement insolent de l’éther immaculé… ?
Aussi bien, le patriotisme n’est-il pas, comme la justice, la vertu, la gloire, une de ces « chimères sublimes et surhumaines » que les dieux avaient envoyées aux hommes pour les consoler de leur ennui, et dont l’influence bienfaisante a cessé depuis que les hommes leur ont « imprudemment préféré la Vérité ? […] « … Il ne vient dans le monde que fort rarement, et ne demeure guère, à cause de l’indignité générale des hommes et de l’impatience que les dieux montrent de le voir revenir. […] Jupiter lui a défendu d’exaucer ces prières, sauf dans un très petit nombre de cas, attendu que la béatitude inénarrable d’une telle rencontre se rapproche trop complètement de la félicité réservée aux dieux. […] On sait qu’il n’est pas donné aux génies de résister aux ordres des dieux… » L’amour n’est jamais descendu dans le cœur de Leopardi, qui l’appelait de tous ses vœux : son ennemie, la Vérité, y régnait en souveraine, assez puissante dans cette forteresse pour résister aux ordres même des dieux, et il savait bien qu’elle aurait détruit tous ses enchantements. […] Elle n’était modérée en rien, elle ; elle avait voué une fervente admiration à Mazzini ; elle envoyait de l’argent à la Jeune Italie ; elle avait pour dieu Armand Carrel, et pour héros Raspail et Trélat.
Certes le feuilletoniste d’Hommes et Dieux a sa propre originalité, mais il n’est pas une exception parmi les journalistes de son temps. […] Cette double catastrophe provoqua un semblable sursaut chez l’auteur d’Hommes et Dieux. […] Ces portraits d’Hommes et Dieux, que Sainte-Beuve admirait tant, le Néron, le Marc-Aurèle, le César Borgia ne sont pas seulement peints avec une fougue qui rappelle le coup de brosse des coloristes de Venise. […] Lui qui a écrit les Dieux ont soif, il ne veut plus se souvenir des enseignements de la Terreur. […] On a rappelé qu’une première version des Dieux ont soif avait paru d’abord en feuilleton sous le titre emprunté à Chénier : les Autels de la peur, et on en a conclu que l’effroi devant les férocités certaines du « Grand Soir » l’avait poussé à prendre contre elles comme une prime d’assurance.
C’est pis qu’une cantatrice, c’est un auteur ; on regarde au dos pour savoir si elle n’a pas écrit : « Bon à tirer, porter vite à l’imprimerie. » Pope a donné quelque part la recette avec laquelle on peut faire un poëme épique : prendre une tempête, un songe, cinq ou six batailles, trois sacrifices, des jeux funèbres, une douzaine de dieux en deux compartiments, remuer le tout jusqu’à ce qu’on voie mousser l’écume du grand style. […] Par exemple, sir Petre, voulant se rendre les dieux propices, « bâtit un autel à l’Amour avec douze vastes romans français proprement dorés sur tranche, pose dessus trois jarretières, une demi-paire de gants, et tous les trophées de ses anciennes amours ; puis, avec un tendre billet doux il allume le feu et ajoute trois soupirs amoureux pour attiser la flamme1116. » Nous demeurons désappointés, nous ne devinons pas ce que cette description a de comique.
Aristote passe à l’épopée : « Homère, dit-il, est un dieu, quand on le compare à tous les autres poètes. » Il est aisé de voir qu’Aristote place dans sa pensée Homère au-dessus de toute comparaison avec ses successeurs ; et des rivaux, il n’en voit pas. […] Je veux parler de cette éternité que Platon attribue à l’âme, de cette vie antérieure où l’âme sans le corps a connu directement les Idées dont elle ne fait que se souvenir ici-bas, de ces existences successives par lesquelles l’âme doit passer pour recouvrer sa pureté première, de ces récompenses et de ces peines que lui réserve la justice des dieux, selon qu’elle aura bien ou mal vécu.
Il y passe ses jours comme un dieu dans son musée ; il s’y marie à une belle épouse qui lui donne un fils obéissant et une belle-fille adorable sur laquelle il se décharge des soins de la vie matérielle pour vivre plus libre de ses heures dans son monde purement intellectuel. […] Il n’a pas poursuivi pendant cinquante ans, dans les deux mondes terrestre et céleste, à travers les abîmes de l’esprit humain, les mystères d’un drame surnaturel ; il est plus homme ; il est moins dieu !
De même, Wagner montre la doctrine chrétienne disparaissante sous le retour de la cruelle Loi Judaïque : Il semble que les Juifs aient cru pouvoir négliger cette participation de leur dieu au gouvernement du monde, puisque, d’un autre côté, ils avaient gagné de participer à la religion chrétienne, qui paraissait très propre à leur livrer, dans le cours des temps, sa civilisation avec tous ses éléments de supériorité ; car le miraculeux point de départ était historiquement donné : dans un coin de la Galilée, Jésus de Nazareth était né. […] Mais, en Le nommant, les souverains pensent, assurément à Jéhovah, à Jahveh, à Elohim, qui haïssait tous les autres dieux, et voulait les savoir soumis par son peuple fidèle (R. et A.).
Par exemple, je récite de mémoire le début de Rolla : Regrettez-vous Io temps où le ciel sur la terre Marchait et respirait clans un peuple de dieux ? […] De deux choses l’une : ou il y a dans l’expérience même de la volonté non satisfaite, puis satisfaite, quelque chose qui apparaît comme changement successif, et alors, si j’ai l’intuition sensible du changement, je n’ai pas besoin de votre forme a priori, aussi oiseuse et oisive que les dieux d’Epicure ; ou il n’y a dans l’expérience, comme vous le prétendez, que des états présents impossibles à se représenter en succession, rien qui puisse révéler sensiblement l’avant et l’après ; et alors votre forme a priori demeurera plus impuissante que jamais à me dire si deux états de conscience sont simultanés ou successifs, et, dans ce dernier cas, lequel vient avant l’autre133.
. — Ils étaient cependant les maîtres absolus de ce monde en proie à leur caprices ; il en étaient les arbitres, les héros, les demi-dieux, les gardes-du-corps ; ils touchaient, de très près, les Princes Lorrains, les Rohan, les Foix, les Châtillon, les Montmorency — ces dieux ! […] Injustes, qui me châtiez d’avoir défendu, moi toute seule, Molière et Regnard, et Marivaux, et Lesage, tous nos vieux dieux insultés, dont j’étais, moi seule, le grand défenseur !
Combien d’hommes supérieurs par leurs talents, à qui l’on pourrait faire avec raison le même reproche qui fut fait autrefois bien ou mal à propos au général des Carthaginois : « Les Dieux n’ont pas donné à un seul tous les talents, vous avez celui de vaincre, mais non celui d’user de la victoire. » La renommée est une espèce de jeu de commerce où le hasard fait sans doute quelques fortunes, mais où le talent procure des gains bien plus sûrs, pourvu qu’en employant les mêmes ruses que les fripons on ne s’expose point à être démasqué par eux. […] Les Dieux, écrivait Philippe au plus grand génie qu’il eût dans ses États, m’ont donné un fils, et je ne les remercie pas tant de me l’avoir donné, que de me l’avoir donné du temps d’Aristote.
Pour peindre cette diction homérique dont elle est pénétrée et qui fait l’âme du poème, elle a des paroles qui sont d’un écrivain et des images qui portent sa pensée : « La louange, dit-elle, que ce poète donne à Vulcain, de faire des trépieds qui étaient comme vivants et qui allaient aux assemblées des dieux, il la mérite lui-même : il est véritablement cet ouvrier merveilleux qui anime les choses les plus insensibles ; tout vit dans ses vers. » Comment donc oser le traduire ?
Ces jolis tableaux achevés, et qui trouveraient chez Delille plus d’un pendant bien spirituel aussi, quoique d’une exécution moins sûre, ne sont pas ce que j’aime le mieux chez Cowper, et je le préfère lorsque ayant achevé l’énumération de tout ce qui s’agite de nouvelles publiques et privées entassées pêle-mêle dans le sac du facteur, il ajoute : « Maintenant attisez le feu et fermez bien les volets ; laissez tomber les rideaux, roulez et approchez le sopha ; et tandis que l’urne bouillonnante et sifflante fait monter sa colonne de vapeur, et que les coupes qui réjouissent, mais n’enivrent pas, sont là préparées pour chacun, donnons ainsi la bienvenue et l’accueil au soir paisible qui descend. » Dans l’emploi de la soirée qu’il va suivre en ses plus menus détails et dont il fait luire chaque instant à nos yeux, il se souvient d’Horace : « Ô soirées et soupers dignes des dieux !
Car ne croyez pas que cet honnête homme fut exclus par égard pour les puissances du jour : ce fut une victime qu’on immola au dieu et à l’idole de la veille.
M. de Chateaubriand était trop le dieu présent et régnant dans unlieu, pour qu’on ne trouvât pas étrange que M. de Maistre parût le premier des grands écrivains modernes dans l’autre.
encore pour son esprit jusque sous les premières neiges de la vieillesse, tout d’un coup, on ne sait plus et qu’elle devient, elle disparaît dans le gouffre commun, elle ne surnage pas un instant, ou, si elle surnage, personne ne fait, plus attention à sa présence ou à son absence ; elle va échouer où elle peut et sans qu’on le remarque ; elle n’est une perte et un regret pour personne ; elle n’obtient pas la moindre mention funéraire de la part d’une société bouleversée ou renouvelée, qui toute à ses soucis, à ses craintes, à ses espérances ou à ses ambitions renaissantes, n’a que faire des anciennes idoles, et qui, après avoir renversé coup sur coup avec tous ses temples ses anciens dieux, et les plus grands, n’a plus même un regard de reste pour les demi-déesses d’hier !
Mais qu’auraient dit, bon dieu !
Aimant avant tout le naturel, adorant Molière et La Fontaine, faisant d’eux ses dieux et ne se considérant que comme leur écolier dans son genre, il manqua de bonne heure à Collé l’ambition du talent.
Il n’est pire fléau qu’un méchant poëte, ni de plus acharné, sous prétexte qu’il parle la langue des dieux.
Tout ce qui environnait les anciens leur rappelant sans cesse les dieux du paganisme, ils devaient en mêler le souvenir et l’image à toutes leurs impressions ; mais quand les modernes imitent à cet égard les anciens, on ne peut ignorer qu’ils puisent dans les livres des ressources pour embellir ce que le sentiment seul suffisait pour animer.
Les affections du cœur se changèrent bientôt dans les plus aimables des dieux ; et le sauvage en élevant le mont du tombeau à son ami, la mère en rendant à la terre son petit enfant, vinrent chaque année, à la chute des feuilles de l’automne, le premier répandre des larmes, la seconde épancher son lait sur le gazon sacré.
Dans toutes les langues, au contraire, l’homme a chanté généralement en vers la nature, le firmament, les dieux, la pitié, l’amour, cette autre pitié des sens et de l’âme, les fables, les prodiges, les héros, les faits ou les aventures imaginaires, les odes, les hymnes, les poëmes enfin, c’est-à-dire tout ce qui est d’un degré ou de cent degrés au-dessus de l’exercice purement usuel et rationnel de la pensée.
Neveu de Desportes, il adorait Desportes, et Ronsard, et la Pléiade : quand Malherbe se mit ¿î maltraiter ses dieux, il voulut les venger, et écrivit contre l’irrespectueux réformateur une admirable et incohérente satire, où déborde la poésie, mais où il n’y a pas ombre de sens critique.
Il prononce toujours son nom avec un peu de mystère, comme celui du dieu d’une religion secrète. « Henri Beyle », ce nom prend pour lui la douceur d’un petit nom ou l’importance d’un nom sacré et caché, qui n’est révélé qu’aux adeptes.
L’allégorie serait la représentation explicite ou analytique, par une image, d’une idée abstraite préconçue ; elle serait aussi la représentation convenue — et par cela même explicite — de cette idée, comme on le voit dans les attributs des héros, des dieux, des déesses, lesquels sont en quelque manière les étiquettes de cette convention.
Ce peuple, le plus intelligent du monde, vibrait comme un cœur unique, écoutant les gémissements d’Atossa, mère de Xerxès, dans la sublime péroraison des Perses : parce qu’il y sentait, traduite dans la langue des dieux, l’émotion encore chaude de Salamine, de la victoire remportée, de la liberté sauvée.
Ce peuple, le plus intelligent du monde, vibrait comme un cœur unique, écoutant les gémissements d’Atossa, mère de Xerxès, dans la sublime péroraison des Perses : parce qu’il y sentait, traduite dans la langue des dieux, l’émotion encore chaude de Salamine, de la victoire remportée, de la liberté sauvée.
La jeunesse n’a plus le temps d’être jeune : les dieux qui lui faisaient ses loisirs ont disparu du monde transformé.
Elle avait fait un legs considérable pour les pauvres de sa paroisse : « Soyez tranquille, disait-elle, le jour de sa mort, à un vicaire qui venait la visiter ; je sais ce qui vous amène, monsieur l’abbé ; je n’ai point oublié vos pauvres dans mon testament. » On ajoute, il est vrai, que, se retournant vers un buste du comte de Saxe, elle s’était écriée : Voilà mon univers, mon espoir et mes dieux !
Diderot est le roi et le dieu de ces demi-poètes qui deviennent et paraissent tout entiers poètes dans la critique : ils n’ont besoin pour cela que d’un point d’appui extérieur et d’une excitation.
Parlant de ce qu’aurait pu faire le poète Le Brun, son prédécesseur, s’il avait assez vécu pour tenter en vers l’apothéose de Napoléon, Raynouard ajoutait : Le chantre de Napoléon l’aurait représenté d’après l’histoire, grand au-dessus des rois, tel qu’Homère, d’après la fable, a représenté Jupiter grand au-dessus des dieux ; gouvernant l’univers par l’autorité de sa pensée, toujours prêt à saisir de sa main toute-puissante l’une des extrémités de la chaîne des destins, si tous ses ennemis ensemble osaient s’attacher à l’autre, et toujours certain de les entraîner tous.
Corrigez-vous de ce faire-là ; et songez que, quoique l’ambroisie dont les dieux du paganisme s’enivraient fût une boisson très-légère, et que la vision béatifique dont nos bienheureux se repaissent soit une viande fort creuse, il n’en vient pas moins des êtres dodus, charnus, gras, solides et potelés, et que les fesses de Ganymède et les tétons de la vierge Marie doivent être aussi bons à prendre qu’à aucun giton, qu’à aucune catin de ce monde pervers.
Comme beaucoup d’autres dieux déconfits par la révolution de Février, je dus abdiquer ma divinité et je redescendis à l’état de simple mortel.
Les dieux qu’elles ont emportés prennent contact et font alliance avec les dieux étrangers. […] Mais il a créé une certaine cime de poésie pure, qui est le vers gratuit, le vers d’ambroisie, élément et aliment des dieux, en rupture avec les significations de la prose, tel qu’il passera dans Vigny, dans Hugo, dans Mallarmé, dans Valéry. […] Sa foudre tombe, comme celle de Hugo, du parvis des dieux. […] Mais les Méditations de 1820 ne se comprennent pas plus sans le Byron de 1820, dieu des salons, des femmes et des jeunes gens, que le théâtre romantique sans Shakespeare. […] Il avait une mission, il devenait Christ. » Le génie trouve évidemment à devenir dieu plus de difficulté que le cabot.
Elle a pour épigraphe ce verset de Jérémie : a Vous volez, vous tuez, vous vous parjurez et vous sacrifiez à Baal. » Et, en effet, c’est bien Baal, le dieu de l’argent, qui préside à l’action tout entière. […] Paulin vient de lui dire qu’on la traite comme elle traite les dieux : Vous les déshonorez et l’on vous déshonore. […] Paulin lui dit : Il faut qu’on leur immole (aux dieux) après de tels mépris, Ce que chez votre sexe on met à plus haut prix. […] Soit que vous contraigniez pour vos dieux impuissants Mon corps à l’infamie ou ma main à l’encens, Je saurai conserver d’une âme résolue A l’époux sans macule une épouse impollue. […] Car nous aurons le dieu impersonnel de l’hymne stoïcien de Cléanthe, ou le dieu dont les théorèmes de Spinoza expriment les « modes ».
Tous ces éléments de la réalité, qualités et formes de l’être, qu’il a fallu éliminer pour constituer la physique comme science, demeurent-ils, dans la réalité, inactifs, au-dessus des abstractions de la science, comme les dieux d’Épicure au-dessus de notre monde ? […] Il est à remarquer que, dans l’antiquité, l’atomisme était une doctrine d’athéisme, ou du moins de non-intervention des dieux, tandis que, chez les modernes, il n’exclut pas en général les croyances religieuses. […] Épicure considère les dieux comme éternellement oisifs, parce que le travail est un changement et une fatigue. […] Eadem sunt omnia semper : telle était la devise de Lucrèce, soutenant que les dieux ne s’occupent pas du monde.
Le culte des grands hommes est donc une notion plus acceptable et plus claire que le culte de toute l’humanité, parce que la masse des adorateurs se sépare de l’objet de son adoration mais quand c’est un grand homme, un esprit supérieur, qui prétend adorer l’humanité, je dis qu’au fond il n’adore que lui-même et qu’il est le dieu de l’autel. […] Si je le savais, je connaîtrais l’inconnaissable, ce qui ne se peut ni exprimerai concevoir, le mystère du génie, le secret des dieux, le grand x. […] Les génies ne tombent pas sur nous du ciel à l’improviste par un caprice des dieux ; ils sortent, à l’heure convenable, de la terre, mère des hommes, et, quand ils naissent, tout est prêt pour les produire comme pour les recevoir. […] Car, si la multiplicité des aptitudes natives est une belle chose, il est beau aussi qu’un démon exclusif et jaloux pousse irrésistiblement le génie dans la voie unique où sa supériorité doit triompher, et là où nous ne sentons point cette pression tyrannique du dieu, nous appréhendons qu’une honnête médiocrité générale ne remplace l’éclat glorieux d’un don prééminent et extraordinaire. […] Le dieu Hasard n’a point de dévots, son humeur capricieuse récompenserait trop mal un culte de fidèles ; mais il a ses enfants gâtés, qu’il favorise, les inconscients, les inspirés, les aveugles, tandis qu’il aime à déconcerter les calculs des habiles et des clairvoyants.
Les différents dieux avaient aussi leurs signes distinctifs. […] Amour tyran des hommes, des dieux et des araignées ! […] Notez encore qu’elle puisait quelquefois et même souvent ses inspirations dans quelque intempérance et quelque dévotion indiscrète au dieu des Dionysiaques. Après tout, c’est le dieu des tragédiens. […] J’étais dans ce moment moins qu’un dieu, plus qu’un roi.
Romain Rolland, suivant un ancien précepte de Maurice Barrès, a mis à notre vieille jeunesse un dieu dans les bras. […] … « Il est des lieux qui tirent l’âme de sa léthargie, des lieux enveloppés, baignés de mystère, élus de toute éternité pour être le siège de l’émotion religieuse… » Il cite Lourdes, entre le gave et le rocher ; la plage mélancolique des Saintes-Maries, Vézelay héroïque, la lande de Carnac, la forêt de Brocéliande, le mont Auxois, « autel où les Gaulois moururent aux pieds de leurs dieux » ; Domrémy, avec ses trois fontaines… « Ce sont les temples du plein air… » et « il y a des lieux où souffle l’esprit… » Sur la colline de Sion-Vaudémont, promontoire en demi-lune, les Celtes avaient placé, à l’une des pointes, Rosmertha la déesse, à l’autre pointe le dieu Wotan. La Vierge mère s’est substituée à la déesse : et les seigneurs de Vaudémont bâtirent leur château sur l’ancien sanctuaire du dieu. […] C’est, maintenant, plutôt un éveil du paganisme éternel : comme si un dieu n’y pouvait suffire, tous les dieux sont là, ceux même qui n’ont pas de nom, et qui fleurissent dans les prés ou les jardins, passent dans les souffles du vent tiède, brillent dans les rayons du jour. […] … » Homère s’amuse de la question que Thétis a posée et de la situation poignante où il a mis ses personnages ; il s’amuse de l’omniscience de ses dieux : il est familier avec eux, un peu comme les gens du moyen âge, — qui n’étaient pas du tout naïfs !
Dieux ! […] Les religions anciennes, qui n’étaient qu’une méthode pour éviter le plus grand malheur, à savoir la colère des dieux, n’avaient pas cette astuce et elles furent vaincues. […] L’automne Je fus voir l’automne, hier, l’automne ambigu, dont on ne sait si c’est un dieu ou une déesse, encore que les premiers vents aient déchiré sa robe et qu’il ne reste autour de ses membres que des lambeaux de feuillage.
Il tend à refaire, avec les hommes, des dieux.
, pour avoir reçu et logé le dieu.
A la suite des Œuvres complètes de chacun de ces auteurs célèbres, il devrait y avoir un album, un recueil d’estampes représentant quelques-uns des types de ces femmes-là, à la fois celles que l’auteur a peintes dans ses livres et celles qui se sont après coup modelées sur lui, autant de prêtresses ou de dévotes vouées chacune à leur saint ou à leur dieu.
Dans son ignorance de Jupiter Férétrien, il débaptisait le dieu et il baptisait un roi de son invention, preuve que ce soi-disant défenseur des bonnes études n’avait, pas même lu son Rollin.
« il était voltairien en diable, de même que monsieur son père, l’homme établi, le sergent, rélecteur, le propriétaire ; il avait lu en cachette au collège la Pucelle et la Guerre des Dieux, les Ruines de Volney et autres livres semblables : et c’est pourquoi il était esprit fort comme M. de Jouy et prêtrophobe comme M.
Sera-t-il dieu, table ou cuvette ?
« Lorsque périt le dernier des Gracques de la main des patriciens, atteint du coup mortel, il lança de la poussière vers le ciel en attestant les dieux vengeurs, et de cette poussière naquit Marius. » Mais cette admirable et menaçante parole, digne du serment du Jeu de Paume, n’est qu’un éclair, et je dirai qu’elle est plus voisine de Shakespeare que des Romains de David.
C’était l’idéal du dieu Mars, terrible dans les combats, calme et froid dans les combinaisons, grand administrateur, chéri du soldat, il ressemblait en tous points au maréchal de Saxe.
J’ai entre les mains une ode manuscrite de lui, de 1817 ; c’est un regret de ne pouvoir atteindre au but sublime, et le sentiment exprimé de la lutte inégale avec le génie : Et, glorieux encor d’un combat téméraire, Je garde dans mes vers quelques traits de lumière Du dieu qui m’a vaincu41.
Une statue de l’Amour était ici également ; mais le dieu (sans doute pour les illuminations des nuits) élevait et croisait sur sa tête deux flambeaux : « Voilà notre second amour, dit-il.
Je ne sais si toute cette théorie, mi-partie poétique et mi-partie critique, est fort claire ; mais je la crois fort vraie, et tant que les biographes des grands poëtes ne l’auront pas présente à l’esprit, ils feront des livres utiles, exacts, estimables sans doute, mais non des œuvres de haute critique et d’art ; ils rassembleront des anecdotes, détermineront des dates, exposeront des querelles littéraires : ce sera l’affaire du lecteur d’en faire jaillir le sens et d’y souffler la vie ; ils seront des chroniqueurs, non des statuaires ; ils tiendront les registres du temple, et ne seront pas les prêtres du dieu.
Le poëte suppose que le jeune Télémaque, fils d’Ulysse et de Pénélope, conduit par la Sagesse sous la forme d’un vieillard nommé Mentor, navigue sur toutes les mers de l’Orient à la recherche d’Ulysse, son père, que la colère des dieux repousse pendant dix ans de la petite île d’Ithaque, son royaume.
Cypris ne chante plus sur les ondes… À l’arbre de la Croix pendent les dieux latins, Car l’Oingt est advenu… les roses Pourpre hostiale dans la rousseur des matins.
Que si l’on m’objecte qu’il n’est aucun métier auquel on puisse suffire avec quatre ou cinq heures d’occupation par jour, je répondrai que, dans une société savamment organisée, où les pertes de temps inutiles et les superfluités improductives seraient éliminées, où tout le monde travaillerait efficacement et surtout où les machines seraient employées non pour se passer de l’ouvrier, mais pour soulager ses bras et abréger ses heures de travail ; dans une telle société, dis-je, je suis persuadé (bien que je ne sois nullement compétent en ces matières) qu’un très petit nombre d’heures de travail suffiraient pour le bien de la société et pour les besoins de l’individu ; le reste serait à l’esprit. « Si chaque instrument, dit Aristote, pouvait, sur un ordre reçu ou même deviné, travailler de luimême, comme les statues de Dédale ou les trépieds de Vulcain, qui se rendaient seuls, dit le poète, aux réunions des dieux, si les navettes tissaient toutes seules, si l’archet jouait tout seul de la cithare, les entrepreneurs se passeraient d’ouvriers et les maîtres d’esclaves 182.
« C’est assez que Quintilien l’ait dit. » Il écrit encore182 : Térence est dans mes mains, je m’instruis dans Horace ; Homère et son rival sont mes dieux du Parnasse.
Le jeune dieu, aveugle et violent, qui secoue d’une main un flambeau et brandit de l’autre une flèche acérée, a bien vite raison, lorsqu’il est aux prises avec elle, de la jeune et placide déesse que les anciens représentaient la poitrine entr’ouverte à l’endroit du cœur et tranquillement appuyée sur un cep de vigne enroulé autour d’un ormeau.
Sa dernière espérance de grâce est éteinte ; elle n’a plus qu’à se dévouer à la haine, au vice, au mensonge, à l’impénitence finale, ces dieux infernaux des désespérés.
Maury est chassé par son hôte ; d’Éprémesnil hué jusque par ses laquais ; le garde des Sceaux honni, conspué au milieu de ses masses ; l’archevêque de Paris lapidé ; un Condé, un Conti, un d’Artois, sont publiquement dévoués aux dieux infernaux.
Grâce à des mérites si réels et si divers, à Châtenay, à Sceaux, à Saint-Maur, on requérait que le facétieux abbé fût de toutes les fêtes champêtres et bucoliques : Parmi les dieux des bois, surtout n’oubliez pas Celui vêtu de noir qui porte des rabats.
Laissons ces dévots et ces idolâtres avec leur dieu.
La demi-pénitente (comme elle s’appelle) est tout occupée à obtenir de son âme de transporter, de transposer son amour ; il faut que cette âme se tourne à rendre désormais à Dieu seul ce qu’elle avait égaré ailleurs sur un des dieux de la terre : « Qu’elle vous aime (ô Seigneur !)
Un des derniers poètes de l’Antiquité, Claudien, dans une pièce célèbre, a montré comment le triomphe d’un méchant et d’un scélérat peut jeter le trouble dans le cœur d’un homme de bien et le faire douter qu’il y ait des dieux.
. — Cette théorie fantastique est bien inférieure à l’hypothèse de l’assistance divine : au moins le dieu de Descartes n’est pas aveugle.
Elle pénétrera jusqu’au foyer, et en montrera les dieux lares et les religions familières.
Les premiers poèmes et les premiers romans ont conté les aventures des dieux ou des rois ; dans ce temps-là, le héros marquant de tout drame devait nécessairement avoir la tête de plus que les autres hommes
Enfin une dernière illusion, également funeste à la vraie méthode, est celle de ce vitalisme superstitieux qui considère la vie comme une influence mystérieuse et surnaturelle, agissant arbitrairement, introduisant dans les phénomènes une irrégularité essentielle, pourvue enfin d’une sorte de liberté désordonnée qui trouble tout, change les aspects des choses, et déroute l’expérience à chaque pas : semblable au destin jaloux des anciens, la vie, selon ces médecins superstitieux, serait une sorte de dieu capricieux et de Protée menteur, échappant à toute prise, et avec lequel on ne peut lutter qu’au moyen de cette autre force, non moins aveugle et capricieuse, qu’ils appellent l’inspiration.
Il réveilla « la pitié pour les dieux souffrants et voilés », source des forces dominatrices de nous-mêmes et des autres.
Quand donc, l’homme qui pense aura sacrifié les commodités et les plaisirs qu’il pourrait acheter à la passion de l’ordre et de la patrie, non seulement il aura bien mérité de ses dieux, mais il sera honoré devant les autres hommes, il aura relevé son titre et sa condition.
Les dieux d’Homère ne régnaient plus sur l’Olympe, mais les prestiges et les amulettes avaient encore une prise terrible sur les esprits effrayés ; et les sages voulaient pouvoir continuer à dédaigner les croyances de la multitude.
Élevez-le, pour qu’à sa hauteur ne puisse monter le bruit des pas de l’impiété « Élevez, élevez le royal étendard dont l’aspect précipita les dieux de l’ancien paganisme du haut de leur Olympe dans l’abîme.
Pour Max Muller et pour Cox, adapté par Mallarmé dans ses Dieux antiques, Pâris serait identique au Pani des Védas, un voleur qui dérobe la brillante lumière et la cache dans la prison de la nuit. […] La vraie Hélène serait restée en Égypte, chez le roi Protée, pendant toute la guerre de Troie, et Pâris n’aurait possédé qu’un vain fantôme suscité par les dieux. […] À vrai dire, il arrive au poète de l’interpeller rudement, à la manière des anciens, comme « le plus fourbe et le plus dur des Dieux ». […] Cependant, si c’est peut-être le pessimisme qui a mené Anatole France vers le socialisme, je ne crois pas qu’il ait oublié les Dieux ont soif, où ce disciple de Lucrèce reprochait au jacobinisme d’avoir été une religion, ni que la révolution sociale soit chez lui devenue une foi. […] Mais les Athéniens se moquaient de leurs dieux.
Eh bien, il y a deux causes, deux dieux, un dieu du mal et un dieu du bien ; et ils se combattent, et cela explique tout. […] Les dieux s’en vont. […] Cette prétention des hommes à vouloir faire une race de dieux me paraît tout à fait amusante, et quand je songe que c’est au prix du sacrifice de vies humaines, ça ne m’amuse plus. […] Je ne sais pas si c’est la crainte qui fit les dieux, mais je crois être sûr que c’est la crainte qui a fait les rois. […] N’avez-vous jamais eu d’autres dieux devant la face du vrai Dieu et ne vous êtes-vous jamais fait des images taillées pour vous prosterner devant elles ?
Quelle garantie, quel dieu me répondra que la position que vous semblez, disposée à me rendre en cet instant vivra plus de deux jours ? […] Ô Phèdre, quand je compose une demeure, (qu’elle soit pour les dieux, qu’elle soit pour un homme), et quand je cherche cette forme avec amour, m’étudiant à créer un objet qui réjouisse le regard, qui s’entretienne avec l’esprit, qui s’accorde avec la raison et les nombreuses convenances… je te dirai cette chose étrange « qu’il me semble que mon corps est de la partie »… Laisse-moi dire. […] Socrate. — Par les dieux, les claires danseuses ! […] Certainement, dans cette grande bataille entre les Géants et les Dieux que Platon décrit dans le Sophiste, la bataille où les Géants affirment que seules sont réelles ces choses qui peuvent être touchées et maniées, tandis que de l’altitude d’un monde invisible les Dieux se défendent, soutenant avec vigueur que l’essence vraie consiste dans les idées intelligibles, dans cet éternel conflit Proust combat du côté des Dieux avec non moins de netteté que Shelley lui-même. […] Ingénu, intact, et toujours dédié ; apportant au service de ses dieux successifs (et même quand ils avaient visage humain toujours il les faisait accéder jusqu’à cette perfection abstraite dont il ne pouvait se passer) une ferveur et non moins une analyse qui jamais ne se lassèrent ; car chez lui (et j’y vois un des traits qui définissent le mieux sa figure) l’analyse était ferveur, l’analyse était l’acte d’amour de l’esprit même.
Les Dieux défilent sur les plages lumineuses, jeunes et nobles comme aux jours d’Homère. […] Et comment ne croirait-il pas à la vérité de ces Dieux, puisqu’ils correspondent intimement à un désir si mutilé, mais si indestructible, de l’âme moderne, celui de contempler le travail de la vie sous une forme de Beauté ? […] Leconte de Lisle, si abondante en visions sublimes des dieux anciens et de la nature vivante, cache en son fond une psychologie de détresse, il ne suffirait pas de constater le phénoménisme de sa philosophie. […] Par-delà les colonnes encore debout de la Palestre, où s’exerçaient les athlètes, je distinguais les murs de l’église byzantine, qui a remplacé l’atelier de Phidias, puis ceux du Bouleuterion, où se réunissaient les juges des jeux, puis les douze chapelles alignées sur une même terrasse dans lesquelles étaient renfermés les trésors voués aux dieux par des villes qui s’appelaient Syracuse, Métaponte, Gela, Sicyone, Sybaris, Sélinonte, Mégare. […] Les jeunes hommes de la Grèce ont dû aimer d’un amour semblable les statues de leurs Dieux, agiles et fortes comme eux-mêmes et d’une sérénité où ils retrouvaient l’image exacte de leur personne.
Et puis ces fleurs un peu maladives du génie grec, les tragédies d’Euripide : « Vos dieux sont en vos âmes : ils sont les cruelles passions détruisant l’équilibre salutaire des besoins. […] Car tu possèdes l’être réel de toutes choses en ta pure volonté, et tu es le dieu que tu peux devenir… « Tu tiens donc bien à toi ? […] … Chaque fois que tu aimes, tu meurs d’autant… Ne projette donc jamais plus que sur l’Incréée-Lumière la somme de tes actes et de tes pensées… Tu es un dieu qui a oublié. […] On se rappelle avec quel mépris il a traité le malheureux Beethoven, qui toute sa vie l’a vénéré comme un dieu. Et c’était un dieu, en effet, car il n’y a pas de grand poète qui ne le soit un peu ; mais il a prouvé que les dieux mêmes pouvaient être d’assez tristes sires, et garder jusque dans l’Olympe de vilaines âmes de cabaretiers.
Puis il disait un mot en passant de quelques-uns de ses camarades, de Béjart le jeune notamment, qu’il appelait le dieu Vulcain, parce que cet acteur boitait depuis qu’il avait été blessé en voulant séparer deux hommes mettant l’un contre l’autre l’épée à la main. […] Un égrillard de dieu, non pas un Brama, ou un Vishnou, ou un Sib, mais un dieu de bas étage, et cependant fort puissant, fait passer son âme dans un corps entièrement semblable à celui du mari fugitif, et se présente sous cette forme à la dame délaissée. […] On allait lui adjuger le prix, quand le président s’écria : « Le premier est un héros, mais il n’a pas dépassé les forces de la nature humaine ; le second ne peut être qu’un dieu qui s’est moqué de nous. » Le dieu avoua tout, et s’en retourna au ciel en riantc. […] Au siècle dernier, on en représentait un à Vienne, dans lequel le dieu, en lorgnant Alcmène au travers d’un nuage, en devenait amoureux et revêtait la forme de son mari. […] En effet, si nous jugeons des dieux par les mortels, ils devaient être plus fiers de se voir érigés en hommes à bonnes fortunes qu’en héros.
Il n’est pas facile d’en déterminer les détails avec précision ; mais il est certain que tandis que la multitude de ceux que l’Écriture appelle « les enfants des hommes » était livrée à un esprit dépourvu de sens, et se faisait des dieux selon les caprices d’une imagination corrompue, l’élément de la religion vraie s’était conservé par tradition divine chez un certain nombre, un plus grand nombre peut-être qu’on ne le pense généralement.
Le vrai est que Malherbe était sincèrement monarchique, admirateur passionné du grand roi et sentant qu’il pouvait lui rendre en louanges ce qu’il en recevrait en bienfaits : « Il me semble que ce qu’il eût eu de moi valait bien ce que j’eusse reçu de lui. » Il avait, malgré son souci du positif, le cœur haut placé, celui qui a dit : Les Muses hautaines et braves Tiennent le flatter odieux, Et, comme parentes des Dieux, Ne parlent jamais en esclaves. […] …………………………………………… Toutes les autres morts n’ont mérite ni marque ; Celle-ci porte seule un éclat radieux, Qui fait revivre l’homme et le met de la barque A la table des Dieux.
Une chanson de lui, pleine de sentiment, intitulée le Retour ou le mois de juin 1820, nous le montrerait abandonnant, abjurant à cette heure une querelle qu’il jugeait désespérée, et se retournant vers des dieux plus indulgents : Je le sens trop, les jours de mon jeune âge A de faux dieux étaient sacrifiés ; Deux ans d’erreur m’ont enfin rendu sage, Et la raison me ramène à tes pieds.
parce que la tradition a élevé Molière au rang des dieux, au rang d’Homère et de Shakespeare, la science doit-elle, par une pire exagération, le faire plus petit qu’il n’est ? […] Thalie en est charmée, et l’auteur, impatient du dieu qui l’agite : Allons, s’écrie-t-il, Allons, Muse !
À un proverbe, point de réplique ; on dirait qu’un dieu a parlé là ; en un mot, on incline la tête, on accepte sur parole et on se tait. […] « Quand j’aurai chanté en moi-même et pour quelques âmes musicales comme la mienne, qui évaporent ainsi le trop-plein de leur calice avant l’heure des grands soleils, je passerai ma plume rêveuse à d’autres plus jeunes et plus véritablement doués que moi ; je chercherai dans les événements passés ou contemporains un sujet d’histoire, le plus vaste, le plus philosophique, le plus dramatique, le plus tragique de tous les sujets que je pourrai trouver dans le temps, et j’écrirai en prose, plus solide et plus usuelle, cette histoire, dans le style qui se rapprochera le plus, selon mes forces, du style métallique, nerveux, profond, pittoresque, palpitant de sensibilité, plein de sens, éclatant d’images, palpable de relief, sobre mais chaud de couleurs, jamais déclamatoire et toujours pensé ; autant dire, si je le peux, dans le style de Tacite ; de Tacite, ce philosophe, ce poète, ce sculpteur, ce peintre, cet homme d’État des historiens, homme plus grand que l’homme, toujours au niveau de ce qu’il raconte, toujours supérieur à ce qu’il juge, porte-voix de la Providence qui n’affaiblit pas l’accent de la conscience dont il est l’organe, qui ne laisse aucune vertu au-dessus de son admiration, aucun forfait au-dessous de sa colère ; Tacite, le grand justicier du monde romain, qui supplée seul la vengeance des dieux, quand cette justice dort !
Voltaire, — Mirabeau — Danton ; le premier des Bonaparte, comme homme de guerre ; Louis XVIII, quoique détestable écrivain ; Rossini, quoique exclusivement dieu de la musique ; Thiers, quoique plus orateur et historien qu’homme d’État ; le second des Bonaparte, quoiqu’il soit l’homme où l’esprit de parti aveugle ait eu la main heureuse en le choisissant pour dictateur ; — ces hommes, nés d’eux-mêmes, et vraiment remarquables, rapetissent tout ce qui est faussement grand autour d’eux. […] Quand vous vous servez du mot de Seigneur, vous me faites penser à ces cardinaux anciens qui remerciaient Jupiter et tous les dieux de l’Olympe de l’élection d’un nouveau pape.
Chez Racine, les effets poétiques sont plus nombreux, parce que Racine a été obligé de traduire un peu d’Euripide : Dieux ! […] Où sont nos lyres d’or, d’hyacinthe fleuries, Et l’hymne aux Dieux heureux, et les vierges en chœur, Eleusis et Délos, les jeunes théories, Et les poèmes saints qui jaillissent du cœur ?
De même encore il se balança, harpe éolienne littéraire placée au confluent de toutes les littératures, au vent de la mythologie du Nord, qui le ravit (nous dit-il) par le côté humoristique d’une poésie qui avait inventé des géants et se moquait des dieux, — l’impiété étant en lui au même degré que le polythéisme, ce jour-là, esprit ouvert à tout venant qui ressemblait à une auberge dans laquelle toute idée quelconque pouvait passer la nuit. […] Gœthe, le penseur du xixe siècle, l’incrédule Arlequin fait des pièces et morceaux de tous les systèmes, depuis Platon jusqu’à Leibniz, ce pieux impie qui dit également, dans la même page, Dieu et les dieux, a parlé le premier des étoiles qui ont conjoint à sa naissance.
Pour exprimer un pareil sentiment, ce n’était pas assez des images, et de la poésie qui ne s’adresse qu’aux yeux ; il fallait encore des sons, et cette poésie plus intime qui, purgée de représentations corporelles, va toucher l’âme : il était musicien ; ses hymnes roulaient avec la lenteur d’une mélopée et la gravité d’une déclamation ; et lui-même semblait peindre son art en ces vers incomparables qui se développent comme l’harmonie solennelle d’un motet : Dans la profondeur des nuits, quand l’assoupissement494 — a enchaîné les sens des mortels, j’écoute — l’harmonie des sirènes célestes — qui, assises sur les neuf sphères enroulées, — chantent pour celles qui tiennent les ciseaux de la vie, — et font tourner les fuseaux de diamant — où s’enroule la destinée des dieux et des hommes. — Telle est la douce contrainte de l’harmonie sacrée — pour charmer les filles de la Nécessité, — pour maintenir la Nature chancelante dans sa loi, — et pour conduire la danse mesurée de ce bas monde — aux accents célestes que nul ne peut entendre, — nul formé de terre humaine ; tant que son oreille grossière n’est point purifiée495. […] Un esprit, descendu au milieu des bois sauvages, prononce cette ode : Devant le seuil étoilé du palais de Jupiter — est ma demeure, parmi ces formes immortelles, — esprits éthérés, qui vivent lumineux — dans des sphères sereines d’air paisible et pur, — au-dessus de la fumée et du tumulte de ce coin obscur — que les hommes appellent la terre, étable vile — où, encombrés et confinés dans leurs basses pensées, — ils luttent pour conserver une frêle et fiévreuse vie, — oubliant la couronne que la vertu donne, — après les vicissitudes mortelles, à ses vrais serviteurs, — au milieu des dieux trônant sur leurs siéges sacrés500. […] Tout à l’heure apparaissaient les êtres fantastiques, la Joie fille du Zéphir et de l’Aurore, la Mélancolie fille de Vesta et de Saturne, le fils de Circé, Comus, couronné de lierre, dieu des bois retentissants et de l’orgie tumultueuse.
À date fixe, devant tout un peuple assemblé pour lequel les Dieux sont vraiment des Dieux, les héros des héros, qui ont fondé, gardé et qui protègent la cité, on représente leurs hauts-faits connus de tous, les crimes et les malheurs des ancêtres courbés sous la loi du Destin, les fastes même de l’histoire locale. […] C’est l’enchaînement horrible et fatal des conséquences du festin d’Atrée, jusqu’à la folie d’Oreste et l’intercession des Dieux.
. — Rien n’est plus impertinent ni plus bête que de parler à un grand artiste, érudit et penseur comme Delacroix, des obligations qu’il peut avoir au dieu du hasard. […] Mais se réduira-t-il à donner froidement des copies de l’Apollon toutes les fois qu’il voudra présenter un dieu jeune et beau ? […] Mais il paraît que la tragédie et le paysage historique sont plus forts que les Dieux.
Dans les sociétés primitives, les attentats contre les personnes n’intéressent la communauté qu’exceptionnellement, quand l’acte accompli peut lui nuire à elle-même en attirant sur elle la colère des dieux. […] L’idée moderne de justice a progressé ainsi par une série de créations individuelles qui ont réussi, par des efforts multiples animés d’un même élan. — L’antiquité classique n’avait pas connu la propagande ; sa justice avait l’impassibilité sereine des dieux olympiens. […] L’humanité est invitée à se placer à un niveau déterminé, — plus haut qu’une société animale, où l’obligation ne serait que la force de l’instinct, mais moins haut qu’une assemblée de dieux, où tout serait élan créateur.
Il porte une charge multiforme où les poux font équilibre aux dieux. […] Quand elle retombe brisée, il entre en rage, frappe les naseaux de Nakash et, pour se consoler, s’invente un dieu à son image… comme tu le fais toi-même. […] J’arrivai au discours du vieillard : « Souviens-toi de ton père, Achille, égal aux dieux. […] bien, respecte les dieux, Achille : aie pitié de moi, au souvenir de ton père.
— un dieu ! […] Par cet éloge bien mérité du jeune monarque, l’œuvre de Molière était dignement accomplie ; et de fait, il n’y avait qu’un dieu descendu de la machine dramatique, qui pût sauver des embûches de Tartuffe ce malheureux M. […] En ce moment le siècle de Louis XIV s’agrandit de moitié ; la comédie a son temple et son dieu, la tragédie a son temple et ses dieux.
« Tout homme — avait-il écrit dans ses Lettres persanes — est capable de faire du bien à un autre homme, mais c’est ressembler aux Dieux que de faire le bonheur d’une société entière ! » Montesquieu a voulu ressembler aux Dieux, comme ces stoïciens qu’il admirait si fort, et le moyen qu’il en a pris, ç’a été, comme eux, de tout rapporter au bien de la société. […] Les Dieux commencent par aveugler ceux qu’ils ont résolu de perdre, et, de fait, on s’expliquerait malaisément le progrès, la fortune, et, après un peu d’incertitude au début, la rapidité de propagation de la doctrine encyclopédique, si nous ne rappelions quelle part y ont prise, avec la plus regrettable imprudence ou la plus insigne maladresse, tous ceux dont la doctrine menaçait les intérêts : les adversaires eux-mêmes de l’Encyclopédie, le gouvernement, et surtout les « salons ». […] Marmontel, dans ses Mémoires]. — Les coquetteries de Frédéric avec Baculard d’Arnaud le décident. — Son départ pour Berlin [18 juin 1750] ; — et son arrivée à Potsdam [10 juillet 1750]. — Sincérité de son enthousiasme pour Frédéric ; — et, à ce propos, du profit que Voltaire devait tirer de son séjour en Prusse ; — si l’amitié d’un grand homme est un bienfait des Dieux. — Parti de Paris en suspect, — et n’y comptant encore que comme un homme de lettres parmi beaucoup d’autres ; — le séjour de Berlin, — et la familiarité de Frédéric, — en dépit de l’aventure de Francfort, — vont en faire en moins de trois ans un homme unique désormais ; — le confident littéraire des puissances ; — et déjà presque le maître de la littérature européenne.
*** — Mon dieu, chère madame, est-ce que votre charmante nièce ne m’accordera pas une petite place dans son cœur. […] La fièvre d’agio a tellement gagné les Parisiens, que, si la fin du monde— dont il a été aussi question— était un fait annoncé officiellement, ils ne verraient dans ce grand dénouement de l’humanité qu’un prétexte à la baisse, — et avant de se repentir et de songer à leur salut, ils commenceraient par courir chez les agents de change pour les prier de vendre, et les trompettes des archanges auraient peine à dominer la voix des coulissiers annonçant le dernier cours aux fidèles du lucre rassemblés dans la cathédrale de leur dieu. […] *** Chacun commençait à s’installer suivant ses habitudes de voyage ; mais tous ces petits arrangements, où se révélaient naïvement l’instinct d’égoïsme du voyageur amoureux de ses aises, furent bientôt troublés par l’arrivée du retardataire et gigantesque Nadar. — Comme chacun le sait, Nadar est pourvu d’un appareil de locomotion qui lui permet de régler sa démarche sur le pas des Dieux. […] Tous ceux qui jetaient leur aumône dans cette sébile armoriée, savaient bien qu’elle irait tomber dans le comptoir du dieu Gin. — Mais ils savaient aussi qu’il est le dieu de l’abrutissement résigné, que chaque taverne, — où la misère va s’abreuver, vaut un corps-de-garde, — et qu’en encourageant les pauvres honteux, — on prévient les pauvres hardis.
Pareils à des corneilles, autour du vaisseau noir, ils étaient portés sur les vagues, et un dieu leur enlevait le retour. […] A son front orné de deux croissants, à sa barbe antique et limoneuse, vous le prendriez pour le dieu du fleuve, qui jette un œil satisfait sur la grandeur de ses ondes et la sauvage abondance de ses rives. […] Grantor, voyant avec des yeux pleins d’indignation que j’étais tout auprès de lui, redoubla son ardeur : tantôt il invoquait les dieux, et leur promettait de riches offrandes ; tantôt il parlait à ses chevaux pour les animer : il craignait que je ne passasse entre la borne et lui ; car mes chevaux, mieux ménagés que les siens, étaient en état de le devancer : il ne lui restait plus d’autre ressource que celle de me fermer le passage. […] Ils appelaient à haute voix, les uns leurs parents, d’autres leurs enfants, ou ils essayaient de les reconnaître au son de leur voix ; ceux-ci déploraient leur sort ;’ ceux-là le sort de leur famille ; quelques-uns par peur de la mort invoquaient la mort ; beaucoup levaient leurs mains vers les dieux ; un plus grand nombre déclaraient qu’il n’y avait plus de dieux, et que c’était la dernière nuit du monde, la nuit éternelle… Il apparut une faible lueur qui nous semblait annoncer, non le jour, mais l’approche du feu. […] Ouvrons encore Victor Hugo : Mirabeau était pape, en ce sens qu’il menait les esprits ; il était dieu, en ce sens qu’il menait les événements.
Théodore de Banville l’a remarqué ; « Certes, j’adore Shakespeare, et ce n’est pas dire assez ; il est pour mot le dieu de la poésie, et je comprends Berlioz qui l’évoquait et l’implorait comme un père, dans ses chagrins d’amour. […] Cet horrible spectacle fut depuis constamment devant ses yeux ; l’ombre le poursuivait sans relâche et il appela en vain à son aide et les dieux et les exorcismes des prêtres. […] Ils sont, à l’ouverture du siècle, des dieux qui obligent à l’hommage et qui étonnent la critique. […] Il sait que l’Art se fonde désormais sur une métaphysique profonde et il assiste, en témoin qui admire et comprend, qui connaît ces belles souffrances, à cette bataille définitive de l’Homme et de la Nature : « Ce n’est plus un duel courtois, c’est un combat sérieux qu’il doit soutenir contre l’Isis éternelle ; il ne veut plus seulement soulever ses voiles, il veut les déchirer, les anéantir à jamais et, privé de ses Dieux évanouis, posséder du moins l’immuable Nature, car il sent que ces Dieux renaîtront d’elle et de nouveau peupleront les solitudes du vaste azur et les jardins mystérieux où fleurissent les étoiles. » Voilà le Poëte dont on a dit et qui a laissé dire qu’il ne pense pas, — cela parce que, artiste parfait, il ne touche de ses vers sa pensée que par les sons et les couleurs du Symbole qui la concrète. […] Élémir Bourges (Le Crépuscule des dieux est un beau livre de Poëte), M.
Comme les empereurs romains, auxquels fait songer d’ailleurs sa littérature, M. de Balzac a pu dire en mourant : « Je sens que je deviens dieu ! […] Nous voudrions enfin, non pas démolir, incendier, blasphémer M. de Balzac, tentative où l’on pourrait voir une vanité mille fois plus bouffonne que les siennes, mais simplement faire un pas dans le temple, découvrir l’homme sous le dieu, et chercher s’il n’y aurait pas un monstre dans le sanctuaire et un cloaque sous les dalles. […] Rastignac, qui fait là ses premières armes, et que nous verrons reparaître dans vingt autres romans, y acquiert les rudiments de la science sociale, en écoutant pérorer Vautrin, ce même Vautrin dont M. de Balzac a tant abusé, dont il a fait le dieu Wishnou de la cour d’assises et du bagne, narguant, en mille incarnations différentes, la société et la police. […] qui mettez Une soutane aux dieux de l’éther irrités, Un béguin à Diane, et qui de vos tricornes Coiffez sinistrement les Olympiens mornes, Eunuques, tourmenteurs, crétins, soyez maudits ! […] Il y eut bientôt tant de dieux dans l’Empire, que le polythéisme, ébranlé déjà dans les esprits d’élite par la réflexion et l’analyse ; succombait, dans la foule, par ses excès mêmes, par cette extravagante multiplication de divinités indigènes ou étrangères qui avaient toutes leurs thaumaturges ou leurs charlatans.
Moins de vingt-cinq ans après, Voltaire qui d’abord s’était annoncé si peu comme devant être le successeur de Bayle et celui qui le détrônerait, Voltaire qui inaugurait ce nouveau rôle philosophique par ses Lettres sur les Anglais (1733), disait vers le même temps dans ce charmant poème du Temple du Goût, à l’endroit où il se représente comme visitant la bibliothèque du dieu : « Presque tous les livres y sont de nouvelles éditions revues et retranchées.
Au chant XX de l’Iliade, chant terrible et sublime où Jupiter déchaîne les dieux, leur donne toute licence de se mêler aux guerriers et de les protéger selon leurs prédilections et leurs caprices, sauf à lui de rester assis en spectateur au sommet de l’Olympe, dans ce chant XX où bouillonne toute l’âme de l’Iliade, Achille à la colère duquel Neptune vient de soustraire Énée, Achille exaspéré exhale sa fureur en menaces ; il parle de tout massacrer, et de son côté Hector essaye de rassurer les Troyens, et d’une voix puissante il les exhorte à marcher contre Achille : « Achille, s’écrie-t-il, ne mettra pas à effet toutes ses paroles.
» En vain, au début du livre, par manière de prélude, il se disait en une de ces paroles, telles que seul il les sut trouver : « La vieillesse est une voyageuse de nuit : la terre lui est cachée ; elle ne découvre plus que le ciel. » À deux pas de là, il oubliait cette vieillesse que les dieux de la Grèce ne connaissaient pas, ou il ne s’en souvenait que pour s’écrier : « Ô Rome !
qu’il se tienne satisfait de son sort et remercie les Dieux !
Nisard, je me hasarderai à donner, en la traduisant, une pièce entière des Sylves, que j’ai choisie comme étant la plus courte et peut-être la plus simple : AU SOMMEIL Par quel crime, si jeune, ô des Dieux le plus doux, Par quel sort, ai-je pu perdre tes dons jaloux ?
n’a-t-on pas encore affaire ici à des dieux nés pour l’ambroisie, qui sont esclaves de leur jeunesse et de leur beauté, qui n’osent compromettre leur bonheur ?
Dans le discours qu’il adressait à Léon X sur la réforme du gouvernement de Florence, ce grand homme (Machiavel) disait : « Les hommes qui, par les lois et les institutions, ont formé les républiques et les royaumes, sont placés le plus haut, sont le plus loués après les dieux. » En étudiant d’original cette variété de personnages qui viennent comme témoigner sur eux-mêmes dans le Recueil de M.Mignet, on en rencontre un pourtant, une seule figure à joindre à celles des grands politiques intègres et dignes d’entrer, à la suite des meilleurs et des plus illustres de l’antiquité, dans cette liste moderne si peu nombreuse des Charlemagne, des saint Louis, des Washington : c’est Jean de Witt, lequel à son tour a fini par être mis en pièces et dilacéré au profit de cet autre grand politique moins scrupuleux, Guillaume d’Orange ; car ce sont ces derniers habituellement qui ont le triomphe définitif dans l’histoire.
., ne sont qu’une manière de placet à Louis XIV, désigné comme le dieu Pan, une inspiration très-positive enveloppée avec grâce.
Celui-là, il est voué, je le sais, aux dieux infernaux.
Je cherchai donc pendant quelque temps, sans avoir la satisfaction de rencontrer une personne qui méritât, du moins autant que j’en pouvais juger, un attachement constant et sincère ; mais, comme j’étais près de renoncer à tout espoir de succès, le hasard me fit rencontrer ce qui jusque-là s’était refusé à mes recherches les plus obstinées, comme si le dieu d’amour eût voulu choisir ce moment pour me donner une preuve irrésistible de sa puissance.
Parmi ses grandes qualités éclataient une libéralité et une magnificence dont la gloire l’avait presque élevé jusqu’aux dieux, et cependant il n’avait rien fait par zèle pour sa renommée et pour son nom, mais par le seul amour du bien et de la vertu.
Au premier coup d’archet qui sur la scène mettait en branle les dieux de l’Olympe et des Enfers, il semblait que la foule fût secouée d’un grand choc et que le siècle tout entier, gouvernements, institutions, mœurs et lois, tournât dans une prodigieuse et universelle sarabande.
Les Dieux nous gardent d’un critique académique ou universitaire.
Ce poème n’a jamais été imprimé, que je sache ; je n’en ai pas lu une ligne, mais d’après ce que j’ai entendu dire, ce serait une imitation de la Guerre des Dieux de Parny.
Mais de même que, parmi les vérités simples et philosophiques, bon nombre lui ont été inconnues, dont la forme des sociétés ne lui fournissait même pas la matière ; de même, dans l’ordre des vérités de devoir, elle a été bornée à cette sagesse d’instinct qui dirige les actions de l’homme pour le pays et pour le temps où il vit, et qui satisfait, par la même conduite, à la justice des dieux et à celle des hommes.
Il met les Romains au-dessus de leurs dieux, et il fait de la fortune de leur ville le juste prix dont il a plu à Dieu de récompenser leurs vertus.
Le poète ne donnait à son ami que des conseils de paresseux et de sage, et Bussy y substitue des conseils chrétiens ; là où Racan avait dit : Qu’Amour soit désormais la fin de nos désirs ; Car pour eux seulement les Dieux ont fait la gloire, Et pour nous les plaisirs ; Bussy, dans sa version corrigée et tout édifiante, suppose qu’il faut lire : Que Dieu soit désormais l’objet de nos désirs ; Il forma les mortels pour jouir de sa gloire, Et non pas des plaisirs.
Sous Néron, le frère dont on a tué le frère va au temple rendre grâce aux dieux ; sous Yvan, un boyard empalé emploie son agonie, qui dure vingt-quatre heures, à dire : Ô Dieu !
A la fin, grâce aux dieux, Horace, par bonheur, me dessilla les yeux.
Je le vois désormais au milieu des plus nobles, à la table des dieux qui diffèrent tous et sont tous des égaux et qui jugent le monde avec magnanimité.
Ces hommes-là s’en vont calmes et radieux, Sans quitter un instant leur pose solennelle, Avec l’œil immobile, et le maintien des dieux.
» Plût aux dieux que M. […] A quoi, dans un roman dont l’action se circonscrit au périmètre de la Salpêtrière, un public à qui les noms d’hystérie, d’hypnotisme et de catalepsie sont aussi profondément inconnus, grâce aux Dieux, que les affections ou maladies qu’ils représentent ? […] Flaubert aurait fixé les lois si des dieux jaloux n’avaient pas refusé cette fortune à M. […] Nous sommes aujourd’hui nous-mêmes à nous-mêmes ces dieux toujours courroucés et méchants. […] de par les dieux, oui !
Vue du dehors, la pensée de l’adolescent fait un spectacle médiocre, aussi bien que l’amour chez Arnolphe, Roméo et Juliette qui meurent après leur première nuit d’amour, Gaston de Foix, tué à vingt-deux ans dans l’éclat du triomphe et du génie, obtiennent un destin de dieux privilégiés. […] Mais non expiation : condition et nécessité humaines, et cela même qui mène les premiers siècles chrétiens aux Origines de Renan, la Révolution aux Dieux ont soif. […] Jocelyn, dernier héros de l’épopée brisée que rêve Lamartine et qui commence à La Chute d’un ange, est le symbole de l’humanité, du dieu tombé qui se souvient des cieux et qui d’un vol unanime y remonte. […] Bob connaissait mieux l’aventure quand il rôdait, même, sur le pavé parisien, que lorsque, les dés ayant roulé sur la table des dieux, l’humanité, avec Bob à son centre de feu, fut prise dans la plus tragique aventure de l’histoire. […] Beaunier et M. de Miomandre, qui, ayant songé que le plaisir, fraîcheur précaire de notre vie, pouvait à lui seul animer un roman, avaient élevé dans le feuillage un autel gracieux au petit dieu qu’ils servaient.
Athènes triomphe, par la bouche d’Eschyle, avec une gravité admirable, sans vanité, sans cruauté, ayant toujours présents à la pensée et la fragilité de la condition humaine, et les dieux qui veulent l’homme modeste. […] Non nobis, Pallas Athéné, non nobis… « Ô maîtresse, dit le courrier à la reine Atossa, c’est un dieu vengeur qui a tout conduit. » Le merveilleux récit de la bataille (en est-il un plus beau ? […] C’est Darius qui tire la morale du drame, car, mort à présent, il voit clair. « Les Perses n’ont pas craint, dans la Grèce envahie, de dépouiller les dieux, d’incendier leurs temples et d’abattre leurs statues. […] Ce qui est intéressant ici, c’est le poète lui-même ; c’est son geste d’hercule tendant le caleçon à Dieu et à tous les dieux, son altitude de dompteur et de sagittaire, son allégresse de bon peintre et de bon versificateur à entrelacer, par groupes et par grappes antithétiques et pittoresques, les dieux et les déesses de toutes les religions, et à poursuivre leur dégringolade éperdue d’un claquement de strophes à triples rimes. […] Il a eu le courage effroyable, chaque semaine pendant vingt ans, c’est-à-dire un millier de fois, de combiner (à peu de frais d’ailleurs) des histoires mal odorantes où le Cassoulet, le dieu Crépitus, et une autre lune que celle des romantiques tenaient implacablement les principaux rôles.
Les Anglais semblent penser avec les anciens que la pauvreté fait perdre à l’homme la moitié de sa valeur, ils chantent avec Aristophane les mérites du dieu Plutus, et avec Pindare les vertus du vainqueur du turf, possesseur des splendides équipages et des riches coupes d’or. […] J’imagine au contraire que les anciens scandinaves, lorsqu’il tonnait, essayaient non de braver le tonnerre, mais de se faire un abri solide, qu’ils ne se fiaient pas à leurs épées pour combattre l’orage et que, s’ils avaient pu dérober au dieu Thor quelques-uns de ses marteaux pour le combattre à armes égales, ils l’auraient fait volontiers. […] L’historien pourrait raconter à la manière des vieux scaldes la légende d’une Walkyrie chaste autant qu’intrépide qui, surprise dans son sommeil par une visite divine, Balder le bienfaisant, par exemple, ou Thor l’invincible, conçut un enfant qu’elle s’étonna de porter dans son sein, et que, frémissante de colère, elle voulut y laisser emprisonné pour cacher sa honte et la victoire du dieu. […] Chaque danger que l’homme affronte est un défi au destin, chaque danger qu’il surmonte est une victoire qu’il remporte sur le destin ; l’homme peut donc se mesurer avec les dieux et les vaincre avant d’être vaincus par eux. […] C’est l’amour frère de la mort, celui qui se charge d’enlever aux résistances de la nature et de la jeunesse ceux qui sont aimés des dieux, celui qui accomplit les violences et les rapts pour lesquels les voies ordinaires de la mort seraient trop faibles.
Pour un homme qui a assez de loisir, de goût, de délicatesse et d’imagination pour s’abandonner sans réserve à ce jeu de l’esprit qu’on appelle l’art, qui se laisse tout entier attendrir et subjuguer par les accents pathétiques d’Iphigénie ou par la mélancolique chanson d’Ophélie, combien y a-t-il d’hommes dont le cerveau n’est peuplé que des images cruelles de la réalité vivante, qui n’ont ni l’heur ni le loisir de s’essayer ainsi sur la flûte des dieux, et qui le soir, las et meurtris d’un labeur avilissant, ont besoin qu’un coup de baguette magique les transporte dans un monde nouveau, réveille leur imagination engourdie et les ravisse à eux-mêmes et à la bassesse de leurs travaux journaliers ! […] À ses drames conviennent les décorations splendides, les ameublements somptueux, les foules innombrables de la figuration ; car partout et toujours, derrière la décoration, derrière les personnages, comme un dieu impalpable derrière un héros de l’Iliade, on devine la grande ombre du poète dont la volonté puissante assemble les choses ou pousse et fait mouvoir ses personnages à nos yeux. […] Or cette sensation, ce n’est pas la pitié que nous inspire Iphigénie qui nous la donne, ni la double anxiété de Chimène, ni l’enthousiasme contagieux de Pauline, ni la rage d’Hermione ; non, cette sensation, dont le dieu nous secoue après avoir secoué le poète, n’est autre chose que la sensation du beau, c’est-à-dire ce trouble presque superstitieux de stupéfaction et d’admiration qui s’empare de nous, lorsque nous voyons une ébauche faite de main d’homme se revêtir soudain des signes supérieurs de la vie dont la volonté divine a marqué le front de ses créatures. […] Maintenant qu’ils sont devenus eux-mêmes l’antiquité, ce sont eux qui nous intéressent, et, à la distance où nous sommes d’eux, nous les confondons volontiers avec leurs héros et avec leurs dieux mêmes, ce qui prouve bien que ce monde mythologique, héroïque et historique n’existe à l’état décoratif que dans notre propre imagination. […] De la sorte, lorsque Thésée invoque Neptune, l’acteur pourrait s’adresser directement au simulacre du dieu, et ne serait pas contraint de lui tourner le dos, comme cela a lieu actuellement, étant admis qu’il est plus poli de tourner le dos à un dieu qu’au public.
Socrate encore a certainement été l’athée des « dieux » d’Aristophane21. […] Veuillent seulement les dieux qu’à l’heure solennelle des toasts, entre le champagne et le cigare, ils aient le bon goût de tenir leur langue, et de se contenter d’écouter !
Alors cet homme, admirateur de Napoléon, dont il a été préfet, cet homme suit l’exemple de son dieu ; il se présente au Théâtre-Français une comédie à la main, et demande au régent Buloz l’hospitalité de Thémistocle. […] Alors Mme Sand était le dieu de M.
À l’exemple du statuaire qui ébauche dans la même journée un athlète et un dieu, qui taille tour à tour dans le marbre le front de Jupiter et la jambe d’Ajax, il va d’un poème à un autre, d’une ode à une idylle, et songe à se contenter avant d’espérer les applaudissements. […] Hugo deux personnes, dont l’une s’agenouille devant l’autre : un prêtre qui brûle l’encens, un dieu qui le respire. Pour ceux qui étudient d’un œil attentif les maladies de l’âme humaine, c’est là sans doute un curieux, un attendrissant spectacle ; mais en présence d’une pareille métamorphose, en présence de cet homme dieu et prêtre tout à la fois, la critique n’a pas d’arrêt à prononcer, car le malade s’est jugé lui-même. […] Le jour où il s’est cru dieu, il avait épuisé toutes les angoisses de l’orgueil blessé, et il s’est décerné la divinité comme un baume destiné à fermer toutes ses plaies.
En un mot, mangez et vous saurez, mangez et vous serez des dieux ! […] Faguet racontait, par manière de rire, qu’il l’avait écrit sans s’en douter, à force de contempler, entre autres choses, le portrait de Sainte-Beuve et celui de Sarcey qui sont comme les dieux lares de son logis. […] Le dieu intérieur tue l’homme, flétrit la vie, obscurcit le monde. […] Les poètes classiques, en face d’Éros, avaient créé Anteros, qui combat le dieu cruel et qui aide à panser ses plaies.
En franc étourdi, il s’était moqué sans pitié, dans « Les Secrètes Pensées de Rafaël », de leurs grands frais d’indignation pour une plaisanterie : Ô vous, race des dieux, phalange incorruptible, Électeurs brevetés des morts et des vivants ; Porte-clefs éternels du mont inaccessible, Guindés, guédés, bridés, confortables pédants ! […] Musset refuse aux romantiques jusqu’à l’invention du vers brisé, et il ajoute l’ingrat : « Le vers brisé, d’ailleurs, est horrible ; il faut dire plus, il est impie ; c’est un sacrilège envers les dieux, une offense à la Muse ». […] Quelle puissante évocation du dieu impassible qui marche dans notre sang et se rit de nos larmes ! […] L’amour est le premier-né des dieux.
Bien d’autres encore, sans compter de rares apparitions, Frantz, l’illustre ; les deux Tremens ; les deux Curâtes ; et — deux docteurs (pas plus Sangrados qu’Albrecht ni que Pablo, du reste), l’un flave comme Henri Heine (dieu du lieu), l’autre avec un accent d’un Jasmin ou d’un Mistral, tous deux bons poètes, d’ailleurs, non moins qu’accomplis praticiens. […] écoute, toi, dieu du mai de l’amour, seigneur du délice de l’incommutable Été ! […] Ils y verront que, jusque dans la docte Angleterre qu’ont faite depuis des siècles et des siècles l’illustre Oxford et la célèbre Cambridge, on n’a pas besoin, pour être païen, c’est-à-dire ami des belles formes et des beaux mots, de trop évoquer les Dieux de la Mythologie grecque et qu’on peut ne pas risquer de passer pour pédants et faire tout de même de beaux vers classiques et antiques (je veux dire exquis et forts) même dans une langue qui n’est pas celle de Ronsard. […] Puisque le tour de ma causerie et son développement m’ont conduit à terminer sur ces vers : Ô dieux cléments, gardez-moi du malheur D’à jamais perdre un moment si charmant, je m’en servirai comme de transition à mon « dernier mot », ou plutôt ils seront ma conclusion.
Des romans, comme Daniel Valgraive, de Rosny, comme En rade, d’Huysmans, comme le Crépuscule des Dieux, d’Élémir Bourges, comme Un Caractère, d’Hennique, la Force des choses, de Paul Margueritte, ou Sonyeuse de Jean Lorrain, ne peuvent éclore que dans les régions surnaturalistes de l’hallucination ou du rêve. […] « Rends aux dieux immortels le culte consacré. » « Garde ensuite ta foi » : Vous avez pu lire une affiche de M. […] Quand il parle, le geste accompagne toujours la parole, un geste nombreux, plein de grâce, de précision, d’éloquence ; la voix traîne un peu sur les fins de mots en s’adoucissant graduellement : un charme puissant se dégage de l’homme en qui l’on devine un immarcescible orgueil, planant au-dessus de tout, un orgueil de dieu ou d’illuminé devant lequel il faut tout de suite intérieurement s’incliner, — quand on l’a compris. […] … Car l’ère va reflorir des dieux foulant le sol comme au temps rapporté par le frêle Musset. […] Sur ce point, j’ai dit au Mercure de France, où Tailhade, de Gourmont, Vallette, Aurier écrivent avec une dague ciselée : « Les poètes, nous sommes des dieux, c’est acquis.
N’est-ce pas que le polythéisme, en plaçant les dieux eux-mêmes sous la domination du destin, enlevait à l’homme son plus beau privilège, le libre arbitre ? […] Jamais le plaisir des dieux n’a été plus largement savouré sur la terre. […] que chez les peuplades sauvages du Nouveau-Monde il serait adoré comme un dieu ? […] En lisant, d’année en année, toutes ces indiscrètes confidences, les femmes, qui, dans l’entraînement de leur imagination, avaient dévoué leurs destinées au bonheur du poète errant, qui faisaient de le consoler le premier de leurs devoirs, ont gémi sincèrement sur les ridicules et les petitesses du dieu qu’elles avaient adoré. […] Il a couvert de la pourpre impériale bien des soldats obscurs avant son acclamation, et qui se sont éloignés de lui en disant comme un des Césars à son lit de mort : Je sens que je deviens dieu.
Ce malheur est à jamais écarté, grâce à l’heureuse tactique de M. de Falloux ; il faut en remercier les dieux, mais je n’en reviens pas moins à ma première idée, relativement à l’Académie, le trésor et les trésoriers. […] Si les bêtes pouvaient devenir semblables aux hommes, ceux-ci se souviendraient peut-être qu’on leur a laissé entrevoir la possibilité de devenir semblables aux dieux. […] Sous ce rapport, nous sommes bien loin, sans doute, des Américains, ces adorateurs du dieu dollar, comme on les appelle en France ; nous sommes bien loin même des Prussiens, que nous croyons occupés perpétuellement à faire l’exercice ; mais enfin, nous faisons quelque chose. […] Je m’aperçois un peu tard que je me suis trop hâté de placer l’histoire du mois sous la protection de Mercure, — à moins que ce ne soit en sa qualité de dieu de l’éloquence. […] Enfin, faut-il voir tous les habitants de Coulonges comme « le peuple en larmes de la tragédie grecque, le rameau des suppliants à la main, conjurant les dieux de les délivrer des iléaux et des monstres qui les déciment » ?
Une nuit pour te voir comme tu es, faible, pâli, vieilli, ô mon amour, ô dieu terrible de mon souvenir ! […] Connaissant ses auteurs autant et mieux qu’écrivain de France, elle se souvient à propos qu’en un morceau de critique fameux : l’École Païenne, poussé par cet instinct de mystification qui se trouvait à la racine de son génie, Baudelaire jeta l’anathème au dieu Pan. […] Je mettrai mon empreinte en toi, pour que tes paumes Ne souhaitent plus rien que ma captation, Pour que ton cœur, m’ayant en son ambition, Se sente déborder de dieux et de royaumes.
L’art aussi est un monde, et l’artiste souverain a du dieu.
L’amour tel que le concevaient les anciens n’était-il pas une folie, une malédiction, une maladie envoyée par les dieux ?
En les rapprochant des événements récents (et on ne peut s’empêcher de le faire en voyant les mêmes intérêts aux mains, les mêmes guerres recrudescentes, et jusqu’aux mêmes devises sur les drapeaux), on apprend combien la vieille plaie a duré et s’est aigrie, combien, à plus de quarante ans de distance, on a peu gagné de remèdes par cette science sociale tant vantée : on rentre dans l’humilité alors, de se voir si médiocrement avancé, bien que sous l’invocation perpétuelle de ce dieu Progrès que de toutes parts on inaugure77.
Quant à Voltaire, meneur infatigable, d’une aptitude d’action si merveilleuse, et philosophe pratique en ce sens, il s’inquiéta peu de construire ou même d’embrasser toute la théorie métaphysique d’alors ; il se tenait au plus clair, il courait au plus pressé, il visait au plus droit, ne perdant aucun de ses coups, harcelant de loin les hommes et les dieux, comme un Parthe, sous ses flèches sifflantes.
« Souvent, dit-il dans un de ces sonnets, où il montra la charité produisant l’amour, souvent Apollon, le dieu de la flamme, cueille ses rayons dorés sur les monts glacés du Nord. » Et dans un autre sonnet, sur les larmes de sa Beauté : « Qu’elles étaient belles, grands dieux !
M. de Villèle penchait visiblement du côté de l’inaction, M. de Chateaubriand entraîna tout vers la guerre, et le dieu des projets généreux lui donna raison ; la dernière grande action de la race de Louis XIV fut son ouvrage.
Le beau, le grand, le vrai, la nature, sont des dieux partout révérés ; c’est le culte qui diffère.
C’est la Renaissance qui lui fait dire que l’imprimerie a été inventée de son temps « par inspiration divine », que les lettres « sont une manne céleste de bonne doctrine57. » C’est la Renaissance qui lui fait écrire au savant Tiraqueau58 : « Comment se fait-il qu’au milieu de la lumière qui brille dans notre siècle, et lorsque par un bienfait spécial des dieux » (il est plus près d’être païen que théologien) « nous voyons renaître les connaissances les plus utiles et les plus précieuses, il se trouve encore çà et là des gens qui ne veulent ou ne peuvent ôter leurs yeux de ce brouillard gothique et plus que cimmérien dont nous étions enveloppés, au lieu de les élever à la brillante clarté dusoleil ?
Térence est dans mes mains ; je m’instruis dans Horace ; Homère et son rival sont mes dieux du Parnasse : Je le dis aux rochers81… C’est de cette façon qu’il est pris.
Comment la tête de Méduse pouvait-elle être à la fois aux enfers et sur le bouclier d’un dieu ?
Du souriant fracas originel haï Entre elles de clartés maîtresses a jailli Jusque vers un parvis né pour leur simulacre, Trompettes tout haut d’or pâmé sur les vélins, Le dieu Richard Wagner irradiant un sacre Mal tû par l’encre même en sanglots sibyllins.
effacez-vous, disparaissez, tombez, croulez, mourez, allez, magnificences des Dieux éteints, voici, voici le crépuscule, oh !
Mais pour avoir déprisé les Hommes de tous les Siecles, en faveur de ceux du Siecle nouveau ; pour avoir voulu, comme un autre Encelade, chasser les Dieux de l’Olympe, afin d’y régner seul avec des petites Divinités de sa création ; enfin, pour avoir loué sans mesure les d'Alembert, les Marmontel, les Thomas, les St.
Burty est l’ambassadeur, et le commissionnaire chargé d’appuyer tout ce que contiennent les babillets… Enfin l’homme illustre a bien voulu se promettre, et aujourd’hui le ménage Charpentier l’attend sous les armes, la maîtresse de maison, moite d’une petite sueur d’émotion, dans l’angoisse que le dieu se soit trompé d’invitation, et aussi dans la terreur que le dîner soit trop cuit.
» Et Platon : « Avoue donc que les dieux connaissent, voient, entendent tout, et que rien de ce qui tombe sous les sens et l’intelligence ne peut leur échapper. » La providence n’est donc pas un dogme exclusivement chrétien, ni même exclusivement religieux ; c’est en même temps une doctrine philosophique.
Dans la seconde, la seule qui soit venue jusqu’à nous, Prométhée est puni par les dieux, jaloux des services qu’il a rendus à l’espèce humaine.
Le loup, en langue des dieux, Parle au chien dans mes ouvrages : Les bêtes, à qui mieux mieux, Y font divers personnages ; Les uns fous, les autres sages ; De telle sorte, pourtant.
Il l’aurait comparé plutôt à une Niobé féconde et puissante, mais restée pieuse et sauvant ses magnifiques enfants de la flèche irritée des Dieux.
Pulchræ erant , comme ces filles des hommes qui firent tomber les anges, et c’est assez la tendance moderne, nous le savons bien, d’aller chercher l’ Eritis sicuti dii, scientes bonum et malum (vous serez comme des dieux, sachant le bien et le mal), chez les filles d’Ève que le serpent a plus ou moins stylées.
Comme nous, qui n’avons pas attendu en vain notre Messie, il attend, dit-il, « le cœur puissant, la force solitaire, qui enlèvera un matin le vieux monde, d’un souffle de dieu ».
Les temps du naturalisme sont venus ; une voix a été entendue annonçant que le règne des faux dieux était passé et que le grand Pan est mort.
Les Romains ne dépossédaient pas totalement les Italiens, et ne les réduisaient pas en servitude comme leurs autres vaincus ; c’est qu’ils retrouvaient chez eux, avec leurs habitudes et leurs dieux, leur race91.
Les fragments de la Grèce sauvée, qui ont été recueillis par des mains pieuses, occupèrent souvent les loisirs du grand maître de l’université impériale et du président du corps législatif qui, fatigué sans doute des précautions infinies de langage qu’il était obligé de prendre avec le maître, dans cette double fonction, se reposait de ce labeur en chantant d’une voix plus accentuée, dans le huitième chant de son épopée, Léonidas mis au rang des dieux pour avoir sauvé la terre de la liberté. […] Cet éternel Olympe, qui revenait sans cesse sous la plume des versificateurs, ces dieux faunes, ces nymphes bocagères, ces muses, ce Pégase, ce matériel et ce personnel de la théogonie antique, choquaient son esprit aussi conséquent que religieux.
Vous avez vu de ces beautés vraies et naturelles qui éclatent et se font jour du milieu de la misère, de l’air malsain, de la vie chétive ; vous avez, bien que rarement, rencontré de ces admirables filles du peuple, qui vous apparaissent formées et éclairées on ne sait d’où, avec une haute perfection de l’ensemble, et dont l’ongle même est élégant : elles empêchent de périr l’idée de cette noble race humaine, image des Dieux. […] Le génie de l’ironique et mordante gaieté a son lyrique aussi, ses purs ébats, son rire étincelant, redoublé, presque sans cause en se prolongeant, désintéressé du réel, comme une flamme folâtre qui voltige de plus belle après que la combustion grossière a cessé, — un rire des dieux, suprême, inextinguible.
Molière passait dieu. […] il faut profiter de ce que Molière a passé dieu pour donner intégralement ses pièces. […] Il est probable que, si nous avions connu le théâtre de l’Inde, nous aurions trouvé quelque grand seigneur, ou quelque dieu, se dérobant sous les vêtements d’un pauvre homme, ou quelque paria vêtu de la robe d’un brahme. […] Mlle Devoyod nous a donné la Vénus guerrière : le front haut, le sourcil olympien, la voix maussade et rauque : une Junon furieuse d’avoir trop longtemps fait la cuisine à son mari, le roi des dieux. […] Le dieu vient au-devant d’elle : elle l’aperçoit, et soudain la voilà frappée.
Le critique Biélinsky traduira le sentiment de sa race, le jour où il dira avec tant de justesse : « Notre patrie est un mirage. » Le poète Tutchef sera entendu de tous, quand il écrira ces vers mystérieux : Comme le globe terrestre Est enveloppé par l’Océan, Ainsi la vie terrestre Est entourée de songes… Le cycle des bylines embrasse et transmute en rêves toute la vie nationale : mythes de dieux déchus et d’hommes fabuleux, souvenirs de merveilles qui poursuivent la race humaine et qu’elle se transmet à travers les âges, sous des vêtements toujours changeants ; épopées des ancêtres, chansons héroïques ou tendres, complaintes des chétives misères, rhapsodies où reviennent tous les noms que le peuple a aimés ou haïs ; c’est la musique de l’histoire ; depuis huit siècles, plus peut-être, elle se chante chez les pêcheurs des grands fleuves, chez les Cosaques d’Ukraine. […] Le poète avait épousé en 1830 une personne aussi célèbre par sa beauté qu’il l’était par son génie : femme de simple race humaine, elle comprit mal ce génie et la passion du dieu qui l’avait ravie. […] Les slavophiles, il est vrai, ne se tiennent pas pour battus ; ils assurent que par le seul fait d’avoir été retraduite en vers russes, la plaisanterie impertinente d’un Français est redevenue un monument sacré, habité par le dieu de la race. […] Sur ces rochers, il y a bien des siècles, Prométhée exhalait déjà sa plainte contre la vie et les dieux. […] Aux jours de la maturité, quand il voit les générations nouvelles inquiètes d’autres dieux, c’est déjà beaucoup s’il peut les suivre : comment lui demander de les devancer ?
« L’âme, dit Platon, est après les dieux ce qu’il y a en nous de plus divin, comme elle est ce que nous avons de plus en propre. » C’est la doctrine cartésienne qui nous prouve notre existence par notre pensée, et notre corps par notre âme. […] Ce n’est pas seulement la lecture des bons modèles, — vous l’avez immense et incessante ; — une vaste mémoire, — Mnémosyne elle-même vous l’a soufflée au berceau ; — une facilité naturelle et acquise, — nul ne vous y surpasse ; c’est encore et surtout la force d’esprit qui conçoit un sujet, la méditation qui le féconde, l’ordre lumineux qui le range dans la tête de l’orateur, la connaissance des ressorts par lesquels on conduit les âmes aux fins les plus opposées, une logique si serrée qu’on la prend pour la raison elle-même, la faculté de ressentir la passion des autres et de leur inspirer la sienne ; quelque chose enfin d’invisible qui aiguillonne et emporte l’orateur, comme le dieu harcelant de son fouet les chevaux d’Hippolyte. […] Tandis qu’au « peuple goth26 », concierge, quoique indigne, Du petit dieu jaloux j’oppose la consigne, Le poète en vainqueur paraît, et m’écartant Du bras, veut la forcer ; il me voit résistant. […] N’a jamais raffermi ni redressé le mien ; C’est qu’en ce jeu de vers où sa muse s’escrime, Où l’on cherchait l’idée, on se heurte à la rime ; C’est que, pour moi, lecteur libre, et non pas féal, Hernani d’Othello recule l’idéal ; Qu’aux endroits les plus beaux, de mes sens resté maître, Je discerne en Hugo le paraître de l’être ; C’est qu’il ne compte point dans mes douze Grands Dieux ; Que, par-delà son ciel, je vois de plus hauts cieux ; C’est qu’il le sait de loin, n’ayant pas pu m’en taire.
Le jour de la vente des vins des hospices de Beaune, j’ai beaucoup de respect pour l’expert qui me dit que tel vin nouveau, fort agréable à boire, ne vaudra rien dans six ans, tandis que tel autre, aujourd’hui épais et criard, sera dans dix ans un nectar digne des dieux. […] Et celle-là au moins nous pouvons, comme les dieux de l’Olympe, en contempler les phases librement et sans passion. […] Mais un critique qui ne critique pas la critique et les dieux de la critique, ce n’est qu’un demi-critique. […] Tandis que la parodie critique et refait une œuvre en la précipitant dans le plan inférieur (qui serait, à la limite, le plan du critique envieux, du Zoïle légendaire), Socrate l’élève au contraire sur le plan supérieur : d’une part, se souvenant que l’Amour est dieu et que Lysias et lui n’en ont parlé qu’humainement, il passe sur le plan divin.
Allons plus loin : si la grande innovation de Ronsard est d’avoir mis le poète à l’école de l’antiquité : d’avoir essayé de substituer aux « épisseries » de son temps — ballade et virelai, chant royal et rondeau, — l’ode horatienne ou pindarique, le sonnet de Pétrarque, l’épopée d’Homère ou de Virgile ; et d’avoir enfin ramené de l’exil les dieux de l’Olympe païen, Malherbe, sous ce rapport encore, est bien son disciple et son héritier. […] Je n’y trouve même plus de dieux ignorés, ni de ces légendes empruntées des Argonautiques, ou de l’Alexandra, comme autrefois dans Ronsard, mais, pour tous souvenirs classiques, ceux que tout le monde a emportés du collège, qui n’étonneront donc personne, et qui feront plaisir à tout le monde. […] Les rois sont comme des dieux, et Dieu est le Roi des rois. […] « Quand Socrate fut accusé de nier les dieux que le public adorait, il s’en défendit comme d’un crime, et Platon, en parlant du Dieu qui avait formé l’univers, dit qu’il est difficile de le trouver et qu’il est défendu de le déclarer au peuple. » — On pourrait ajouter, si l’on voulait s’en donner le facile plaisir, que les Scherer et les Renan n’ont pas dit autre chose. […] Mais, au lieu de se contredire jusqu’à ce point que chez eux la vertu même, en tant qu’elle consistait à s’écarter des exemples des dieux, était une espèce d’impiété, comme le prouve la mort de Socrate, n’eussent-ils pas mieux fait d’être alliées qu’idolâtres ?
Ressuscitez donc alors ce peuple féroce, nourri par la louve dans les cavernes du Latium, suçant plus tard, au lieu de lait, le sang du genre humain, ne pouvant grandir qu’en dévorant tour à tour tous les peuples libres pour aliments de sa faim insatiable de domination ; souveraineté du brigandage, de l’iniquité, de la force, de la guerre, sur l’espèce humaine, et qui avait posé ainsi la question de sa grandeur exclusive en face des dieux et des hommes : « Que Rome périsse, ou que l’homme soit esclave partout !
dit-il à Napoléon : vous êtes la guerre et l’omnipotence, je suis la transaction et la paix ; le moindre de vos soldats est un plus grand diplomate que moi ; vos congrès sont des champs de bataille ; entre le monde et vous il n’y a d’arbitre que le destin : vous êtes un dieu de la force, je ne suis qu’un homme de pondération : allez où va le hasard, je me récuse et je m’efface. » III Madrid, Lisbonne, Bellune, Essling, Wagram, Moscou, Dresde, Leipsick, Paris, l’île d’Elbe, Waterloo, Sainte-Hélène, victoires, conquêtes, retours, défaites, déroutes, double invasion de la France en une seule année, exil, proscription, coalition universelle contre nous, furent les résultats de la diplomatie de Napoléon.
— La peur inventa les dieux , a dit le poète : la peur inventa les maîtres des peuples, dit avec plus de raison l’homme d’État.
Le peuple n’est pas une religion pour lui, c’est un instrument ; son dieu, à lui, c’est la gloire ; sa foi, c’est la postérité ; sa conscience n’est que dans son esprit ; le fanatisme de son idée est tout humain ; le froid matérialisme de son siècle enlève à son âme le mobile, la force et le but des choses impérissables.
XVII Mais il y a dans l’âme de Mlle de Guérin un principe de vie et d’immortalité qui n’existe pas dans les héroïnes de Walter Scott : c’est le mysticisme catholique exalté, qui donne la vie, la sainteté, l’émotion sacrée du martyre à la jeune châtelaine du Cayla, et la poésie profonde du cœur, qui élève ses confidences à la hauteur des écrivains ascétiques les plus éloquents ; c’est l’huile onctueuse de cette lampe que le dieu du passé s’est allumée à lui-même dans les ruines de son sanctuaire démoli.
On aime toujours ceux pour qui on est un dieu.
Méry fut un des dieux de son époque, et Pierre Dupont demeure un véritable poète.
Brünnhilde ma forte, dors couchée en les ruissellement du rouge sonore, dors en la très haute paix des divins embrasements, sommeille, calme, sommeille, bonne : Brünnhilde, espère à Lui : Héros viendra, le réveilleur, Noble viendra, vainqueur des Dieux, superbe et roi … sur le roc transfulguré, ô Brünnhilde, en l’indubitable attente, sommeille, dors, bien aimée, parmi la jubilante flamme : je te sens, et je te pense, et, dans les majestueux gais épanouissements du feu, avec toi je rêve aux Crépuscules futurs, ô dormeuse des divinités passées … » Revue de Bayreuth (Bayreuther Blaetter) Analyse du numéro IX Hans von Wolzogen : Notes sur les œuvres Posthumes de Wagner, avec le fragment complet « le féminin dans l’humain ».
Nous méprisons quiconque sacrifie aux faux dieux, argent, réputation, gloire ; quiconque, pour agréer au public, dispensateur de ces biens apparents, consent à déformer son rêve et à banaliser sa pensée.
Sa dernière espérance de grâce sociale est éteinte ; elle n’a plus qu’à se dévouer à la haine, au vice, au mensonge, à l’impénitence finale, ces Dieux infernaux des désespérés.
Je le trouvais, tantôt trop macabre, tantôt trop bête à bon dieu.
La joie sereine des beaux dieux, que les poètes ont montrés planant au-dessus de nuées d’or, resplendit en une magnifique succession d’images, que terminent ces deux vers radieux : Ils savouraient ainsi que des fruits magnifiques Leurs attentais bénis, heureux, inexpiés.
Ils disaient : genius loci , l’âme du lieu ; ils avaient les dieux lares, la divinité du foyer.
L’autre, encor plus fameux, plus éclatant génie, Fut pour nous, soixante ans, le dieu de l’harmonie.
… Je n’ai point l’admiration à clos yeux de ceux-là qui avaient découvert dans Hugo la qualité qui fait le dieu : la vie immobile, féconde, éternelle ; le brisement de la faux du Temps.
Les voici, ces lignes, ce couplet à panache où palpite la même illusion qui, dans ces journées fiévreuses d’août 1914 masquait aux jeunes saint-cyriens le vrai caractère et l’horreur de la guerre commençante : Fussiez-vous du sang des héros, s’écrie le prince de Ligne, fussiez-vous du sang des dieux, si la gloire ne vous délire pas continuellement, ne vous rangez pas sous les étendards.
Emprisonné dans le petit cachot de l’univers, étouffé entre l’infini d’en haut qui l’oppresse et l’infini d’en bas qui le confond ; incapable également de connaître les fins et de connaître les causes ; obligé, pour oublier sa misère, de courir le divertissement ; vénérant comme respectables les coutumes qu’il a lui-même imaginées et les dieux qu’il s’est créés ; esclave de la force, victime des passions égoïstes, féroce, hypocrite et frivolement fou, l’homme mérite les plus bas outrages, comme il mérite la plus haute admiration. […] De son vivant, il était le dieu de la bataille, et, par lui, la sanglante religion de la guerre recrutait des fidèles d’un bout à l’autre du vieux monde. […] Le grand moraliste du portique, Marc-Aurèle, donne-t-il un autre conseil : « Il faut vivre avec les Dieux. C’est vivre avec les Dieux que de leur montrer une âme satisfaite de son partage, obéissant à tous les ordres du génie qui est son gouverneur et son guide : — don de Jupiter, émanation de la nature ? […] mon ami, pourquoi des catégories entières de là pensée ne s’effaceraient-elles pas, quand des Dieux sont morts, les magnifiques et sombres Dieux de l’Egypte, les florissants et adorables Dieux de l’Hellade, et combien d’autres ?
II. v. 288. dit que s’il est coupable de prendre le parti de la République, ce sera la faute des Dieux. […] De plebe deo, Ovid. un dieu du commun. […] Je ne suis pas un dieu du commun, dit Jupiter à Io, je suis le dieu puissant qui lance la foudre.
La tragédie représentait les dieux et les héros ; la comédie mettait en scène les citoyens et les partis ; cherchez l’homme au milieu de tout cela, vous trouverez des opinions à la place des caractères et l’allégorie satirique au lieu de la peinture des mœurs. […] Tandis qu’il y montait en murmurant avec reconnaissance : — « L’amitié d’un grand homme est un bienfait des dieux… » — il fut saisi d’un vertige inexplicable, et commit la faute énorme — le malheureux ! […] Quand le bœuf Apis, cette adoration de l’ancienne Égypte, semblait menacé d’une mort prochaine, les mages se répandaient dans les bois, cherchaient un autre Apis mieux portant et plus guilleret, et, dès qu’ils l’avaient trouvé, ils mettaient son prédécesseur en disponibilité et préparaient son apothéose. — L’apothéose du dieu cornu, en retrait d’emploi, était chose bien simple on le noyait magnifiquement dans les eaux vertes du Nil !
Scudo s’est arrangé, au fond de ses convictions de critique, un sanctuaire, un olympe, où sont triés et collectionnés par lui les dieux majeurs de la musique. […] À lui de prendre l’initiative, mais à nous de suivre son exemple ; justifions-nous tous de l’odieux soupçon qui plane sur la presse en général, et le coupable silencieux se trahira tacitement ; serrons nos rangs et allons bravement sous le commandement de Figaro, saper le piédestal où trône ce dieu d’argile, encensé par l’ignorance et par la peur. » « Alexandre Des Appiers. » Figaro n’accepte que sous bénéfice d’inventaire les éloges qu’on lui décerne. […] Qui sait haïr sait aimer, d’ailleurs, et si Verdi est un dieu, assurément M.
Dure loi que les dieux firent peser sur nous, Et qu’en vain le vieillard conjure à deux genoux ! […] Ses admirateurs les plus obstinés étaient forcés de convenir qu’il commençait à ne plus voir très clair dans sa mission d’initiateur, de législateur poétique, et qu’il trouvait plus commode de devenir dieu que de rester chef d’école. […] Ponsard manquait essentiellement d’initiative et de parti pris, qu’il marchait à l’aventure, et qu’il n’avait pas l’air très sûr que ses premiers dieux n’eussent pas été des idoles. […] Aussi ses Poëmes antiques, malgré des détails d’une beauté remarquable, forment-ils, dans leur ensemble, une lecture très pénible pour quiconque n’est pas parfaitement initié à la généalogie officielle-ou apocryphe de ces dieux et de ces déesses, à cet Almanach de Gotha de l’Hélicon et de l’Olympe. […] On croit entendre, au bord de l’eau, Pan, le dieu de l’automne, Tirer de sa flûte en roseau Ce refrain monotone.
Max Müller, qui, pour acclimater ici les études sanscrites, a été forcé de découvrir dans les Védas l’adoration d’un dieu moral, c’est-à-dire la religion de Paley et d’Addison. […] Chaque année, quand nous lisons dans vos journaux le discours de la couronne, nous y trouvons la mention obligée de la divine Providence ; cette mention arrive mécaniquement, comme l’apostrophe aux dieux immortels à la quatrième page d’un discours de rhétorique, et vous savez qu’un jour la période pieuse ayant été omise, on fit tout exprès une seconde communication au parlement pour l’insérer.
Dieux (Mme), VII, 19. […] Ptoleiné (Le dieu), VIII, 269.
Max Millier qui, pour acclimater ici les études sanscrites, a été forcé de découvrir dans les Védas l’adoration d’un dieu moral, c’est-à-dire la religion de Paley et d’Addison. […] Chaque année, quand nous lisons dans vos journaux le discours de la couronne, nous y trouvons la mention obligée de la divine Providence ; cette mention arrive mécaniquement, comme l’apostrophe aux dieux immortels à la quatrième page d’un discours de rhétorique, et vous savez qu’un jour la période pieuse ayant été omise, on fit tout exprès une seconde communication au parlement pour l’insérer.
Une femme qui n’a pas d’autre dieu que la vérité, n’est plus une femme ; c’est un homme manqué, qui raille la faiblesse de ses compagnes, et singe la force de ceux qu’elle veut égaler. […] Le dieu, qui domine aujourd’hui toutes les croyances, qui ne connaît ni d’hérétiques ni d’impies, qui se passe très bien de conciles et de prédications, qui n’a pas besoin pour triompher de croisades et de bûchers, le dieu universellement adoré, c’est l’argent. […] D’Olivier-le-Dainf, qui, dieu merci, se mêlait d’intrigues et d’affaires, et qui, dans le Louis XI de M. […] Au milieu d’un monde où l’or est le seul dieu, y a-t-il place encore pour la séduction ? […] C’est le poète qui livre la bataille, c’est le philosophe qui enregistre la victoire ou la défaite ; à chacun sa tâche : au guerrier, si grand qu’il soit, l’historien sévère ne manque pas ; car le poète, comme l’ombre des rois de Memphis, doit subir une dernière épreuve avant de monter au rang des dieux.
J’ai cette foi d’enfance et d’éducation première, que le poète est animé d’une âme privilégiée ; que son bon ange, c’est le génie ; sa langue, celle des dieux. […] Vous expliquerez encore les hardiesses de ses préfaces, et ces vives apologies de la révolution poétique, et ces débats qu’il y engage, avec une rude et éloquente franchise, en homme qui n’affecte pas des respects qu’il n’a plus, et qui a cessé d’adorer des dieux auxquels il a cessé de croire. […] Dans nos temps de civilisation avancée, où il y a peu d’enthousiasme national, point de grands mouvements religieux ni politiques auxquels le poète puisse s’associer, point de poésie publique, si j’ose ainsi dire, il ne peut plus guère y avoir de chants populaires, parce qu’il n’y a plus de masses à remuer ; plus de ces hymnes pieux que la voix immense de tout un peuple faisait monter vers les dieux de la Grèce ; plus même de ces poésies passionnées, comme en faisait Kerner dans les guerres d’Allemagne, d’une bataille à l’autre, quand, chaque fois qu’il prenait la lyre, il pouvait croire qu’il chantait son adieu à la vie ; mais il y aura des chants individuels, sur les tons les plus divers, des retours mélancoliques de l’âme sur les souvenirs de l’enfance, des doutes pieux, des croyances ardentes, toutes sortes de fantaisies. […] Je sais que, depuis ma première déclaration, le drame est monté au Capitole, et a dit aux Romains de la jeune littérature : « Il y a six ans, à pareil jour, j’ai sauvé l’art dramatique ; allons en rendre grâce aux dieux. » Mais, moi, je suis resté au bas de l’escalier ; et, comme les poètes campaniens qui poursuivaient Scipion de leurs sarcasmes patriotiques et raillaient ce Grec qui imposait à Rome la langue et la littérature des vaincus, je me suis permis de siffler le triomphateur, et de dire qu’il n’y avait pas lieu à remercier les dieux de sa dernière victoire, mais bien plutôt à les accuser de ne prendre aucun souci des affaires humaines, puisque leurs foudres dorment au ciel pendant qu’on profane ici le temple où ont sacrifié Molière et Shakespeare. Ces dieux, hélas !
Les premières métaphores, mai comprises par la simplicité populaire, créèrent certaines mythologies secondaires ; mais Homère nous prouve que les dieux sont antérieurs à la métaphore. […] Nous n’avons pas défendu avec assez d’énergie nos monstres, et c’est pour cela que, écornés par les pierres, ils paraissent encore des monstres, alors que la foule devrait les regarder comme des dieux et venir les prier, aux jours de détresse. Le dieu, en effet, est-d’abord un monstre. […] Quant à cette remarque : « Après un substantif ou un pronom au pluriel, on tolérera l’accord de même au pluriel : les dieux mêmes », il m’est impossible d’en comprendre l’opportunité.
bons dieux ! […] Car il y en a plusieurs, — De celui qui converse avec la foudre, les archanges, les soleils et Se penche frémissant au puits des grands vertiges ; du Voyant qui a les yeux pleins de visions et d’éblouissements ; du Mage qui évoque les Titans et les Dieux morts ; du prestigieux créateur de symboles qui démêle les liens les plus imprévus entre l’âme humaine et l’âme des choses. […] L’homme n’est pas un dieu tombé qui se souvient des cieux : c’est une âme montante qui a passé tour à tour par les corps du poisson, du reptile, du vertébré et qui a de vagues réminiscences de ces états successifs. […] Ils sont irritables, nos jeunes romanciers, surtout quand ils se savent fils et petits-fils de dieux ! […] Plût aux dieux (dont il parle souvent) qu’on n’eût à lui reprocher qu’un excès d’admiration pour les rivaux de sa victime !
Nous y trouvons, sans effort, des héros, presque des dieux, de même que les Grecs d’Alexandrie se plaisaient, lorsqu’ils sentaient trop cruellement l’amertume de leur décadence, à évoquer l’entreprise des Sept Chefs ou la conquête de la Toison d’Or. […] Mais à son âge, en cette saison d’automne où les plus capricieuses femmes et les plus imprévoyantes aiment à installer leur vie hors du hasard et des risques, elle tient à la « position » que les dieux indulgents lui ont ménagée. […] Chailley-Bert néglige les inquiétantes idoles des temples bouddhiques, les dieux ventrus de ce panthéon difforme, bonshommes coiffés de mitres en forme de pagodes, quadruples têtes aux yeux exorbitants, langues de feu, dont le dard fourchu a l’air de narguer la multitude pieuse, abdomens agressifs, mâchoires grimaçantes, dents extraordinairement canines, India et son gourdin écarlate, Broena et ses ongles griffus, bref tout ce qu’inventa la plastique des Hindous en quête d’épouvante et en frénésie de laideur… Plus d’une fois j’ai dû, pour compléter ma lecture, recourir aux intéressants croquis et aux notes un peu hâtives que MM. […] Le décor où s’encadra l’aurore de son idylle était bizarre à souhait, comme la plupart des choses et des gens de ce pays étrange où les hommes, imberbes, ressemblent à des femmes, où les femmes sont des espèces de gamins inquiétants, où l’on se coiffe d’un abat-jour, et où l’on adore des dieux qui sont des magots.
Il se recommanda, en mourant, au dieu de Clarke, de Leibnitz et de Newton, comme les Israélites se recommandaient au dieu d’Abraham, d’Isaac et de Jacob, parce qu’il est à peu près dans une position semblable ; je lui laisse ce qui reste aux sceptiques les plus déterminés, toujours quelque espérance qu’ils se trompent ; mais que cela soit ou non, je ne suis point de leur avis. […] Mais revenons aux deux autres ; je suis bien fâché que vous n’ayez pas été chargé de les faire connaître au public ; il y aurait gagné et je n’aurais pas perdu ; vous avez si bien saisi ce qu’il peut y avoir de bon dans ces petits écrits, que, tout en marquant ce qu’il y a de faible et de mauvais, il se fût fait dans votre examen une moyenne de critique et d’éloge dont j’aurais été bien content ; car j’aime surtout la vérité et la vertu, et quand ces deux qualités se réunissent dans un même homme, il va dans mon esprit de pair avec les dieux. […] Aussi ses malheurs ne me touchent-ils guère, et je vous jure que si j’avais vécu comme lui avec neuf pucelles et qu’elles eussent la même bonne volonté pour moi, mortel chétif, j’aurais mieux employé mon temps que ce dieu. […] Que sa grande âme, en ressources féconde, S’élançait des bornes du monde Pour honorer les arts et faire des heureux ; Qu’elle daigna chercher et parvint à connaître Un étranger obscur, sans brigue, sans aïeux, Ignoré même de son maître, Et souffrant sans murmure un destin rigoureux ; Qu’elle vint le surprendre au sein de la misère, Et lui montrer, dans ses dons généreux, La magnificence des dieux Et la tendresse d’une mère.
Elle s’écrierait comme Sapho dans l’ode célèbre : « Immortelle Aphrodite au trône d’or, fille avisée du roi des dieux, je t’invoque, épargne-moi, ne me dompte point par trop d’amères douleurs, ô déesse vénérée !
Du jour où on ne répond au jeu du sort que par une moquerie de cette devise héroïque de la jeunesse : J’ai fait la guerre aux Rois, je l’aurais faite aux Dieux ; de ce jour-là, plus de tragédie ni d’acte sérieux ; on est entré dans l’ironie profonde.
Les trois voyageurs parcoururent le monde, et se présentèrent un soir à ma porte : je m’empressai de les recevoir avec le respect que l’on doit aux Dieux.
« Glorifiez le Dieu des dieux, car il est bon ; car sa miséricorde est éternelle !
« Je vous avoue que cet Arioste est mon homme ou plutôt un dieu, comme disent messieurs de Florence, il divin’ Ariosto.
Si j’étais savant ou philosophe, je proclamerais plutôt autant de dieux qu’il y a d’êtres existant dans les mondes.
Langues, idées, théologies, saintetés, invocations, martyres, héroïsme, dévouement, prodiges, chants sacrés dont les débris témoignent d’une majesté divine visible aux poètes inspirés, morale surhumaine, mystérieuse, que l’homme n’aurait pu découvrir, invocation perpétuelle au Créateur, l’anéantissement de la matière devant l’intelligence sacrée : tels sont les vestiges que ces révélations indiennes conservent des premiers temps de l’entretien des dieux et des hommes.
Et « le souvenir rougeoyant avec le crépuscule à l’horizon de l’espérance », qu’est-ce que cela signifie, dieux justes ?
Valmore y jouait le rôle de Jupiter ; à la dernière scène, lorsqu’il apparaît dans un nuage, armé de sa foudre, appuyé sur son aigle, la corde qui le retenait en l’air se brisa, et précipita de quarante-cinq pieds de haut le dieu amoureux.
« Le plus beau quartier de la ville de Coquetterie est la grande place, qu’on peut dire vraiment royale 44… Elle est environnée d’une infinité de réduits, où se tiennent les plus notables assemblées de coquetterie, et qui sont autant de temples magnifiques consacrés aux nouvelles divinités du pays ; car, au milieu d’un grand nombre de portiques, vestibules, galeries, cellules et cabinets richement ornés, on trouve toujours un lieu respecté comme un sanctuaire, où sur un autel fait à la façon de ces lits sacrés des dieux du paganisme, on trouve une dame exposée aux yeux du public, quelquefois belle et toujours parée ; quelquefois noble et toujours vaine ; quelquefois sage et toujours suffisante ; et là, viennent à ses pieds les plus illustres de cette cour pour y brûler leur encens, offrir leurs vœux et solliciter la faveur envers l’amour coquet pour en obtenir l’entrée du palais de bonnes fortunes. » On lit dans un autre passage, que dans le royaume, « il n’est pas défendu aux belles de garder le lit, pourvu que ce soit pour tenir ruelle plus à son aise, diversifier son jeu, ou d’autres intérêts que l’expérience seule peut apprendre45 ».
Ce dieu cruel y fait bien des ravages.
Voyez, par exemple, son passage sur le dieu Crepitus, dont il a eu la retenue — il faut le louer de tout ce qu’on peut louer !
Avant Charles II d’Angleterre, avant Jacques II, ce grand homme méconnu qui eut plus de conscience que de gloire, — ce que les hommes, qui font la gloire, ne comprennent pas et ne peuvent pardonner, — on n’avait point vu de rois en exil, ou si on en avait vu, c’était dans un exil armé, menaçant, toujours prêt à être le rebondissement de ces Dieux Termes de la Royauté qu’on avait jetés par-dessus la frontière qu’ils avaient si longtemps gardée, et qui s’opiniâtraient à revenir… Mais de rois prenant leur parti de la chose, vivant tranquillement dans l’exil, s’y engraissant, chanoines royaux de cet exil, ou s’y dégraissant de leurs majestés, on n’en avait pas vu.
Avec le style, telle est la seconde puissance de Rabelais, la seconde corne de ce front où le dieu fait soubassement au satyre.
Pour les anciens dieux, représentants de l’ancienne morale, il n’y a pas de raison pour que cela finisse. […] C’est la loi éternelle, éternelle comme Zeus, que ce fatal talion qui poursuit le coupable. » — Pour les nouveaux dieux, il faut que cela ait un terme. […] Et comme une pareille réforme du droit humain ne pouvait alors s’accomplir que par une révolution religieuse, il suppose que les dieux se sont moralisés en même temps que les hommes. […] Entendez le poète parler aux « anciens dieux » (c’est lui qui les appelle ainsi) : Dehors, je le veux ! […] Edmond de Goncourt a bien pu passer chef d’école et dieu de chapelle et, presque seul parmi les anciens, obtenir le respect des jeunes ahuris de l’impressionnisme et du symbolisme : les gros tirages, le gros bruit, les visites des barnums, les traductions en anglais, en allemand et en javanais ont été pour d’autres.
Il y a les « immortels » qui sont les Dieux, il y a les « mortels » qui sont les hommes et il y a les animaux qu’on n’appelle point « immortels » parce que ce serait irrévérencieux envers les Olympiens ; mais qu’on n’appelle point « mortels » non plus, parce que ce serait absurde.